Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
Secrétaires :
MM. Jean Desessard, Jacques Gillot.
2. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Mongolie
3. Ville et cohésion urbaine. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
Amendement n° 77 rectifié de M. Philippe Esnol. – MM. Robert Tropeano, Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques ; François Lamy, ministre délégué chargé de la ville. – Retrait
Adoption de l'article.
Amendement n° 61 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 8 de M. Jean Germain, rapporteur pour avis. – MM. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Amendement n° 37 de Mme Valérie Létard. – Mme Valérie Létard, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. – Retrait.
Amendement n° 33 de Mme Valérie Létard. – Mme Valérie Létard, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 91 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Jean-Claude Lenoir. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 9
Amendement n° 21 de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Retrait.
M. Christian Favier.
Amendement n° 42 de M. Jean-Jacques Mirassou. – MM. Daniel Raoul, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Retrait.
Amendement n° 23 rectifié de Mme Mireille Schurch. – Mme Mireille Schurch, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Jean Louis Masson. – Adoption.
Amendement n° 66 rectifié de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; Mme Valérie Létard. – Rejet.
M. Jean-Jacques Mirassou.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 62 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; René-Paul Savary. – Retrait.
Amendement n° 92 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.
Amendement n° 63 rectifié de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; René Vandierendonck, François Fortassin, Philippe Dallier, Jean-Claude Lenoir, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Nathalie Goulet, MM. Christian Cambon, Jean-Jacques Mirassou, René Garrec. – Rejet.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 10 A
Amendement n° 78 rectifié du Gouvernement. – MM. François Lamy, ministre délégué ; le rapporteur, Mme Valérie Létard. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 22 de Mme Mireille Schurch. – MM. Christian Favier, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Retrait.
Adoption de l'article.
Articles 10 bis et 11. – Adoption
Articles additionnels après l'article 11
Amendements identiques nos 1 de M. Michel Bécot, 30 rectifié de Mme Chantal Jouanno et 64 de Mme Esther Benbassa. – MM. Michel Bécot, Mmes Chantal Jouanno, Esther Benbassa, MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué ; René-Paul Savary, Daniel Raoul. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 67 rectifié de M. Philippe Dallier. – MM. Philippe Dallier, le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Rejet.
Article additionnel après l’article 12
Amendement n° 93 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement n° 94 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Amendement n° 95 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 96 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 97 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 98 de la commission. – MM. le rapporteur, François Lamy, ministre délégué. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
MM. Michel Bécot, Jean-Jacques Mirassou, Mmes Valérie Létard, Mireille Schurch, M. Philippe Dallier.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
MM. le rapporteur, le président de la commission, François Lamy, ministre délégué.
4. Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen – Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission modifiés
Discussion générale commune : MM. Manuel Valls, ministre de l’intérieur ; Simon Sutour, rapporteur de la commission des lois.
Mme Hélène Lipietz, M. Hervé Maurey.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
M. Philippe Bas, Mme Éliane Assassi, MM. Jacques Mézard, Michel Teston, Jean-Jacques Hyest, Yves Détraigne, Yannick Vaugrenard, Gilbert Roger, Alain Richard.
Clôture de la discussion générale commune.
M. Pierre-Yves Collombat.
Amendement n° 5 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.
Amendements identiques nos 2 du Gouvernement et 9 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – M. Manuel Valls, ministre ; Mme Hélène Lipietz, M. le rapporteur. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Adoption, par scrutin public, de l’article.
Articles 1er ter A et 1er ter B. – Adoption.
Amendement n° 6 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz, MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.
Adoption de l’article.
Article 1er quater. – Adoption.
Amendement n° 3 du Gouvernement. – MM. Manuel Valls, ministre ; le rapporteur, Jacques Mézard. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement.
Amendements nos 7 rectifié et 8 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz. – Retrait.
Amendement n° 4 du Gouvernement. – M. Manuel Valls, ministre.
Amendement n° 14 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement n° 4 ; adoption de l’amendement n° 14.
Adoption, par scrutin public, de l’article modifié.
Intitulé du projet de loi organique
Amendement n° 1 de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.
Article 1er A (Suppression maintenue)
Article 1er B (Suppression maintenue)
Amendement n° 1 de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 4 rectifié de Mme Hélène Lipietz. – Mme Hélène Lipietz.
MM. le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Adoption de l’amendement n° 1 rétablissant l’article ; l’amendement n° 4 rectifié devenant sans objet.
Article 1er C (Suppression maintenue)
Amendement n° 3 de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Article 1er D (Suppression maintenue)
Amendement n° 2 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Jacques Mézard, le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Adoption de l’amendement rétablissant l’article.
Adoption du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
Secrétaires :
M. Jean Desessard,
M. Jacques Gillot.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire de Mongolie
M. le président. Mes chers collègues, je suis particulièrement heureux de saluer en votre nom la présence, dans la tribune d’honneur, d’une délégation de députés du Grand Khoural de Mongolie (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que M. le ministre se lèvent.), conduite par le président du groupe d’amitié Mongolie-France, Namdag Battsereg.
La délégation est accompagnée par notre collègue François Pillet, qui préside le groupe d’amitié France-Mongolie.
Cette visite s’inscrit dans le cadre de l’intensification des relations interparlementaires entre la France et la Mongolie, après le récent déplacement d’une délégation du groupe d’amitié en Mongolie.
Elle est aussi l’occasion de nouer des contacts économiques de haut niveau avec des entreprises françaises dans les domaines énergétique et satellitaire. Un déplacement à Lyon axé sur l’agriculture et les biotechnologies clôturera le programme.
Les membres de la délégation seront également reçus par le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, qui s’est rendu en visite officielle dans ce pays en octobre dernier. Une visite en France du Président de la République de Mongolie est prévue prochainement.
Nous leur souhaitons un utile et agréable séjour en France, ainsi que la plus cordiale bienvenue. (Applaudissements.)
3
Ville et cohésion urbaine
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (projet n° 178, texte de la commission n° 251, rapport n° 250, avis n° 264).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Titre II (suite)
DES INSTRUMENTS ET DE LA GOUVERNANCE DE LA POLITIQUE DE LA VILLE
Chapitre III (suite)
De la gouvernance de la politique de la ville
M. le président. Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre II, à l’article 7.
Article 7
(Non modifié)
Les collectivités territoriales et leurs établissements publics communiquent à l’observatoire national de la politique de la ville mentionné au II de l’article 1er les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission, sous réserve de l’application des dispositions législatives imposant une obligation de secret.
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié, présenté par MM. Esnol, Baylet, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Mézard, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer les mots :
Les ministères concernés,
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Les collectivités territoriales et leurs établissements publics ont l’obligation de communiquer à l’observatoire national de la politique de la ville les données qui peuvent lui permettre d’accomplir sa mission d’évaluation. Or cette dernière est essentielle pour décider de la répartition des crédits attribués aux quartiers prioritaires.
Cet amendement a pour objet d’étendre cette obligation à tous les ministères concernés, ce qui aurait pour conséquence de nourrir la connaissance, parfois partielle, que l’on peut avoir sur les quartiers et leur évolution.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur de la commission des affaires économiques. Cet amendement vise à imposer une obligation supplémentaire aux ministères. La commission se fiera à l’avis du Gouvernement, qu’elle souhaite connaître.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville. Monsieur Tropeano, votre amendement est satisfait. Comme le prouvent les rapports annuels de l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, l’ONZUS, l’ensemble des ministères communiquent déjà les informations nécessaires à l’évaluation de la politique de la ville et de la situation dans les quartiers.
Par conséquent, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Tropeano, l'amendement n° 77 rectifié est-il maintenu ?
M. Robert Tropeano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 77 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article 8
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 1111-2 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
– À la première phrase, après le mot : « scientifique », sont insérés les mots : « , à la lutte contre les discriminations, à la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes » ;
– À la deuxième phrase, les mots : « ayant conclu avec l’État un contrat d’objectifs et de moyens relevant de la politique de la ville ou » sont supprimés ;
– Sont ajoutés une phrase et un alinéa ainsi rédigés :
« L’ensemble des indicateurs et des analyses de ce rapport sont présentés par sexe.
Dans les communes et établissements publics de coopération intercommunale ayant conclu un contrat de ville défini à l’article 5 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale présentent à leurs assemblées délibérantes respectives un rapport sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, les actions qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation. Les données de ce rapport sont présentées par sexe. Ce rapport est débattu au sein du conseil municipal et du conseil communautaire. Lorsque la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale est également tenu de présenter le rapport prévu par le deuxième alinéa, ce dernier rapport est inclus dans le rapport prévu au présent alinéa. Son contenu et les modalités de son élaboration sont fixés par décret. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les éléments de ce rapport font l’objet d’une consultation préalable de la ou des coordinations citoyennes de quartier présentes sur le territoire. Le conseil municipal et le conseil communautaire sont informés du résultat de cette consultation lors de la présentation du rapport. » ;
1° bis Au premier alinéa de l’article L. 2251-3, après le mot : « rural », sont insérés les mots : « ou dans une commune comprenant un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;
2° Après le vingtième alinéa de l’article L. 2313-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les établissements publics de coopération intercommunale et les communes signataires de contrats de ville définis à l’article 5 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine présentent annuellement, dans une annexe à leur budget, les recettes et les dépenses correspondant aux engagements pris dans le cadre de ces contrats. Y figurent l’ensemble des actions conduites et des moyens apportés par les différentes parties au contrat, notamment les départements et les régions, en distinguant les moyens qui relèvent de la politique de la ville de ceux qui relèvent du droit commun. » ;
2° bis Au début de l’article L. 2564-19, les mots : « L’antépénultième » sont remplacés par les mots : « Le vingtième » ;
2° ter Le deuxième alinéa de l’article L. 5214-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la communauté de communes comprend un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville et exerce la compétence définie au 2° bis du II de l’article L. 5214-16, ce projet commun intègre un volet relatif à la cohésion sociale et urbaine permettant de définir les orientations de la communauté de communes en matière de politique de la ville et de renforcement des solidarités entre ses communes membres. Il détermine les modalités selon lesquelles les compétences de la communauté de communes concourent aux objectifs de cohésion sociale et territoriale. » ;
3° Le II de l’article L. 5214-16 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « sept » ;
b) Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis En matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes ; »
c) (Suppression maintenue)
4° L’article L. 5214-23-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « sept » est remplacé par le mot : « huit » ;
b) Après le 4°, il est inséré un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis En matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes ; »
c) (Suppression maintenue)
4° bis Le premier alinéa de l’article L. 5215-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la communauté urbaine comprend un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce projet commun intègre un volet relatif à la cohésion sociale et urbaine permettant de définir les orientations de la communauté urbaine en matière de politique de la ville et de renforcement des solidarités entre ses communes membres. Il détermine les modalités selon lesquelles les compétences de la communauté urbaine concourent aux objectifs de cohésion sociale et territoriale. » ;
4° ter Le 4° du I de l’article L. 5215-20 est ainsi rédigé :
« 4° En matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes ; »
5° L’article L. 5215-20-1 est ainsi modifié :
a) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Les communautés urbaines existant à la date de promulgation de la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 précitée exercent, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes en matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes. » ;
b) (Suppression maintenue)
5° bis Le premier alinéa de l’article L. 5216-1 est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Lorsque la communauté d’agglomération comprend un ou plusieurs quartiers prioritaires de la politique de la ville, ce projet commun intègre un volet relatif à la cohésion sociale et urbaine permettant de définir les orientations de la communauté d’agglomération en matière de politique de la ville et de renforcement des solidarités entre ses communes membres. Il détermine les modalités selon lesquelles les compétences de la communauté d’agglomération concourent aux objectifs de cohésion sociale et territoriale. » ;
6° Le 4° du I de l’article L. 5216-5 est ainsi rédigé :
« 4° En matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes.
« Dans les départements et collectivités d’outre-mer : dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale d’intérêt communautaire ; dispositifs locaux, d’intérêt communautaire, de prévention de la délinquance. » ;
7° (nouveau) Le 4° du I de l’article L. 5217-4 est ainsi rédigé :
« 4° En matière de politique de la ville : élaboration du diagnostic du territoire et définition des orientations du contrat de ville ; animation et coordination des dispositifs contractuels de développement urbain, de développement local et d’insertion économique et sociale, ainsi que des dispositifs locaux de prévention de la délinquance ; programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes ; ».
M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7 et alinéa 8, deuxième phrase
Remplacer le mot :
sexe
par le mot :
genre
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement est similaire à l’amendement n° 48. Il a donc déjà été défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Comme pour l’amendement n° 48, la commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Même motif, même punition, madame la sénatrice ! Vous le savez, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes présenté par Mme Najat Vallaud-Belkacem retient le mot « sexe ». Par souci de cohérence gouvernementale, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 61 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas parce que le mot « sexe » figure dans un projet de loi qu’il doit figurer dans tous les textes qui seront adoptés pendant les cinquante prochaines années ! Cela n’a aucun sens d’utiliser ainsi ce terme, qui signifie autre chose aujourd’hui. Je suis désolée d’insister sur un point de linguistique, mais force est de constater que ce mot n’est plus jamais employé dans les langues anglaise ou italienne.
Cela étant, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 61 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Germain, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
, dans une annexe à leur budget,
par les mots :
un état, annexé à leur budget, retraçant
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Cet amendement vise à préciser que le nouveau document de suivi de la politique de la ville est bien un état annexe, et non un budget annexe.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Il s’agit d’une clarification utile. Par conséquent, la commission est favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Dans le texte initial, il ne s’agissait pas d’un budget annexe. J’en conviens, l’expression « une annexe à leur budget » est peut-être ambiguë ; les termes « un état, annexé à leur budget » traduisent davantage l’intention du Gouvernement, qui émet également un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une fonction comptable relative à la politique de la ville est ajoutée à la liste des codes fonctionnels de la nomenclature budgétaire et comptable.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement s’inscrit un peu dans la lignée de celui que vient de présenter M. le rapporteur pour avis.
Il vise à rendre les actions relatives à la politique de la ville beaucoup plus lisibles dans le budget des collectivités concernées, et non plus dans le budget annexe, par la création d'une fonction comptable relative à la politique de la ville, qui permettrait d'extraire très simplement et très rapidement les données budgétaires et comptables que la collectivité dédie à ce sujet.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Dans la mesure où il s’agit de codification, la commission s’est estimée incompétente. Elle souhaite, une fois de plus, connaître l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Madame la sénatrice, je comprends la volonté qui vous anime, mais je suis pragmatique et je préfère que figurent dans la loi des mesures immédiatement applicables plutôt que des dispositions qui introduiront une très grande complexité, voire qui seront inapplicables.
Votre proposition obligerait à refondre totalement l’instruction M14 applicable à la comptabilité des collectivités territoriales. La difficulté est d’autant plus grande que, en matière de politique de la ville, l’ensemble des domaines sont concernés, qu’il s’agisse de l’éducation, du sport, de la santé, du logement, etc.
Il me semble que l’état annexé, puisque c’est la terminologie qui vient d’être retenue par le Sénat, permettra de retracer davantage les dépenses et les recettes, et donc d’ouvrir le débat avec le conseil municipal. Ce qui m’importe avant tout, c’est que puissent être fléchées les dépenses réalisées en matière de dotation de solidarité urbaine – ou DSU – dans chacune des communes. Si nous parvenons déjà à cela, nous aurons accompli un grand pas.
En tout état de cause, je vous demande, madame Létard, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Madame Létard, je m’adresse à vous en tant qu’élu local.
On pourrait parler longuement de la transparence que la nomenclature M14, à laquelle M. le ministre vient de faire référence, aurait dû théoriquement engendrer, alors que, à mon avis, cette instruction ne simplifie pas du tout la lecture des budgets. Je serais d’ailleurs curieux de connaître le résultat d’une interrogation écrite organisée dans les conseils municipaux, à l’issue du vote des budgets ! Nous serions édifiés du niveau de transparence et de pédagogie résultant de cette instruction M14 !
En revanche, ma chère collègue, je souscris entièrement à la proposition formulée antérieurement. Seules les collectivités ayant mis en place une comptabilité analytique sont réellement capables de dresser un état comptable – le budget annexe évoqué par M. Germain – et d’avoir une vision complète de toutes leurs actions, quels que soient les domaines. Ce n’est pas l’instruction M14 qui nous permettra de dégager une telle visibilité. Pour cela, il conviendrait de revoir les lois de finances. Quoi qu’il en soit, une incitation à la comptabilité analytique me paraît souhaitable.
M. le président. Madame Létard, l’amendement n° 37 est-il maintenu ?
Mme Valérie Létard. J’en conviens, cet amendement est en partie satisfait, car nous avons la volonté commune d’obtenir un minimum de transparence et de traçabilité en matière de politique de la ville. Je pense, notamment, à la proposition de M. le rapporteur pour avis. Mais, et c’est subtil, une annexe au budget n’est pas un budget annexe ! Quoi qu’il en soit, l’effort réalisé n’est tout de même pas fantastique.
La fonction comptable que je propose permettrait une certaine lisibilité, au-delà de la DSU, qui relève de la libre administration des collectivités. À ce propos, nous avons souvent débattu des dotations de la politique de la ville, quelle que soit leur dénomination, et de leur réelle utilisation à des fins d’accompagnement des populations des quartiers sensibles.
Cela étant, je l’ai bien compris, mon amendement ne sera pas adopté, parce qu’il est trop complexe par rapport à l’instruction M14. Je le retire donc. Mais assurons-nous que la mesure proposée par M. le rapporteur pour avis pourra prospérer et constituer un élément de transparence et de clarification.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
Mme Valérie Létard. C’est bien ce qui m’embête un peu !
M. François Lamy, ministre délégué. Un budget annexe nuirait à la politique de la ville, qui risquerait effectivement d’être mise de côté. On vise donc bien un état annexé au budget, ce qui est déjà tout de même une grande révolution. M. Gérard Hamel, qui fut député UMP, est encore maire de Dreux…
M. Jean-Claude Lenoir. Excellent député !
M. François Lamy, ministre délégué. Je n’en doute pas, monsieur le sénateur ! Il fut surtout un excellent président du conseil d’administration de l’Agence nationale de la rénovation urbaine, l’ANRU !
Il m’expliquait récemment qu’il pouvait utiliser à sa guise les 7 millions d’euros de la dotation de solidarité urbaine qu’il percevait en une seule fois mais qu’il ne comptait pas les heures de réunion qu’il avait eues avec le préfet, le sous-préfet et l’ensemble des acteurs de la politique de la ville pour rendre compte de l’utilisation des 300 000 euros perçus au titre de la politique de la ville.
Donc, l’objectif est bien, avec cet état annexé au budget et par l’obligation d’un débat annuel, que les assemblées démocratiques se saisissent du dossier et qu’en conséquence les services municipaux, les élus, soient obligés de s’interroger sur l’utilisation des recettes qu’ils reçoivent. Cela nous permettra peut-être, dans les mois ou les années qui viennent, de reparler de la dotation de solidarité urbaine en fonction des expériences que nous aurons eues.
Franchissons une étape pour l’instant et je pense que nous aurons déjà beaucoup avancé !
M. le président. L’amendement n° 37 est retiré.
L'amendement n° 33, présenté par Mme Létard et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéas 20, 25, 30, 33, 38 et 41
Remplacer les mots :
programmes de soutien à la mise en œuvre des actions des communes
par les mots :
programmes d’actions tels que définis dans le contrat de ville
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Cet amendement est dans la droite ligne de mes précédentes interventions sur la clarification des compétences entre communes et intercommunalités. La rédaction proposée pour l’article 8 doit permettre de préciser les actions qui relèveront des unes et des autres, à savoir les actions qui seront inscrites au contrat de ville comme relevant de l’intervention de chaque collectivité, commune ou intercommunalité.
Je vous propose donc d’en tenir compte dans chacun des alinéas de l’article 8 qui font référence aux actions des communes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. La commission a donné un avis favorable à cet amendement, qui lui paraît plus précis que la rédaction antérieure et qui, surtout, est en cohérence avec les modifications que nous avons apportées, d’ailleurs à votre demande, madame Létard, à l’article 5.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement partage l’avis de la commission ; il est donc favorable à votre amendement, madame la sénatrice.
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
(Non modifié)
Le VI de l’article 1609 nonies C du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « urbaine », sont insérés les mots : « , qu’une métropole » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsque l’établissement public de coopération intercommunale est une communauté urbaine ou une métropole ou lorsqu’il est signataire d’un contrat de ville tel que défini à l’article 5 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, il définit les objectifs de péréquation et de renforcement des solidarités financière et fiscale entre ses communes membres sur la durée du contrat de ville. L’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre s’engage, lors de la signature du contrat de ville, à élaborer, en concertation avec ses communes membres, un pacte financier et fiscal de solidarité visant à réduire les disparités de charges et de recettes entre ces dernières. Ce pacte tient compte des efforts de mutualisation des recettes et des charges déjà engagés ou envisagés à travers les transferts de compétences, des règles d’évolution des attributions de compensation, des politiques communautaires poursuivies à travers les fonds de concours ou la dotation de solidarité communautaire, ainsi que des critères retenus par l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pour répartir, le cas échéant, les prélèvements ou reversements au titre du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales. À défaut d’avoir élaboré un tel pacte ou de s’engager à l’élaborer dans la première année de mise en œuvre du contrat de ville, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est tenu d’instituer, dans le cadre d’un contrat de ville, une dotation de solidarité communautaire, dont au moins 50 % du montant doit être réparti en fonction de critères de péréquation concourant à la réduction des disparités de potentiels financiers entre les communes. »
M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 4, dernière phrase
1° Remplacer les mots :
au moins 50 % du montant doit être
par les mots :
le montant est
2° Remplacer les mots :
potentiels financiers
par les mots :
ressources et de charges
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Cet amendement concerne la dotation de solidarité communautaire, et le mot « solidarité » a ici tout son sens. La commission propose de remplacer les mots « au moins 50 % du montant doit être » par les mots « le montant est ». Cela signifie que cette dotation de solidarité communautaire doit être uniquement utilisée à des fins de solidarité, ou alors il faut en changer la dénomination. Mais nous le savons bien, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ne partagent pas toujours cette vision des choses.
Le second objet de cet amendement est de remplacer les mots « potentiels financiers » par les mots « ressources et charges ». C’est un point très important, car nous ne pouvons pas faire de solidarité si nous ne tenons compte que des recettes. Pour mettre en œuvre une vraie solidarité, il faut retenir les recettes et les charges, sauf à créer des distorsions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement approuve totalement cet amendement qui, compte tenu des situations locales telles que nous les connaissons, permet que la dotation visée soit réellement une dotation de solidarité communautaire.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. La déclaration que vient de faire M. le ministre est extrêmement importante et cet amendement a une portée beaucoup plus grande qu’on ne pourrait l’imaginer.
Jusqu’à présent, les dotations de solidarité perçues par de nombreuses communautés de communes permettaient de compenser un certain nombre des charges supportées par les communes. Or tant l’administration préfectorale que le comptable public demandaient que les critères fixant la manière dont était versée la dotation fussent clairement établis dans les statuts de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération, ou encore de la communauté urbaine.
J’ai été plutôt laxiste dans l’appréciation qu’il fallait porter sur la façon dont la solidarité devait s’organiser. Je prends acte de la déclaration qui est faite et qui signifie bien que, aujourd’hui, les communautés peuvent librement déterminer la façon dont la dotation de solidarité doit être versée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Article additionnel après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Toute modification de la répartition interne de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, ainsi que toute réforme des dotations de l’État, des valeurs locatives et de la fiscalité locale, ont pour objectif prioritaire de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour les dotations de péréquation des communes.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Par cet amendement, nous reprenons, une fois encore, une proposition formulée au travers de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste à l’Assemblée nationale au mois de mars 2011.
L’article 11 de ce texte disposait : « Toute modification de la répartition interne de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, ainsi que toute réforme des dotations de l’État, des valeurs locatives et de la fiscalité locale, ont pour objectif prioritaire de dégager 1,5 milliard d’euros supplémentaires pour les dotations de péréquation des communes. »
Ainsi, cet article indique clairement la nécessité d’une péréquation verticale. Pour autant, malheureusement, ce n’est pas la démarche qui prévaut aujourd’hui en termes de fiscalité locale, puisqu’il s’agit souvent de péréquations horizontales.
Les politiques actuellement menées font baisser drastiquement le montant des dotations accordées aux collectivités, de plus de 4,5 milliards sur trois ans.
Cet amendement n’a qu’une seule finalité : rappeler qu’hier vous prôniez non pas l’austérité, mais la solidarité entre les territoires et la solidarité nationale.
Nous sommes au regret de constater, au travers de l’ensemble des projets de loi que nous présente le Gouvernement et, singulièrement, de la loi de finances, que le compte n’y est pas et que, demain, il sera encore bien plus difficile de trouver les financements permettant de passer des contrats de ville ambitieux et novateurs. Et les annonces du Président de la République confortent malheureusement nos craintes…
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Tout d’abord, il paraît difficile et ambitieux, au travers du présent texte sur la politique de la ville, de réformer la dotation globale de fonctionnement.
Par ailleurs, vous faites référence, madame Schurch, à une proposition de loi qui a été déposée à l’Assemblée nationale par le groupe socialiste. Or ce texte présentait un dispositif décomposé en trois branches. Si nous ne retenons qu’une seule de ces trois branches, cela déséquilibrera le système.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Madame la sénatrice, sur le fond, je serais tenté de vous suivre. Néanmoins, je résiste à la tentation de réformer, par le biais du présent projet de loi, l’ensemble de la fiscalité locale. Votre amendement relève davantage de la loi de finances. Sachez que, lors de la présentation du rapport sur la future dotation de la politique de la ville, nous serons nécessairement amenés à évoquer en détail l’ensemble des dotations et leur fonctionnement.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer cet amendement, sur lequel, à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Schurch, l’amendement n° 21 est-il maintenu ?
Mme Mireille Schurch. Il s’agit d’un amendement d’appel. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je le retire, parce qu’il aurait en effet plus sa place dans une loi de finances que dans le présent projet de loi, mais mon argumentation n’en demeure pas moins valable.
M. le président. L’amendement n° 21 est retiré.
Article 9 bis
(Non modifié)
Les quartiers qui relevaient, au 31 décembre 2014, d’un zonage de la politique de la ville et qui ne présentent pas les caractéristiques d’un quartier prioritaire de la politique de la ville à compter du 1er janvier 2015 font l’objet d’un dispositif de veille active mis en place par l’État et les collectivités territoriales.
À ce titre, les quartiers placés en dispositif de veille active peuvent faire l’objet d’un contrat de ville selon les modalités prévues au I de l’article 5. Le contrat de ville définit les moyens mobilisés dans le cadre des politiques de droit commun de l’État et des collectivités territoriales afin de conforter la situation de ces quartiers.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profiterai de cette intervention pour défendre l’amendement n° 23 rectifié, que les membres de mon groupe ont déposé sur cet article.
Nous touchons, par l’article 9 bis, aux limites concrètes du présent projet de loi. En effet, si nous partageons la définition d’un critère unique fondé sur le niveau de revenu, qui permet de donner de la cohérence et de lisibilité, nous déplorons que son utilisation, à enveloppe budgétaire constante, conduise à sortir de la politique de la ville près de la moitié des quartiers auparavant définis comme prioritaires.
Pour accompagner cette sortie, lors de l’examen du texte en commission, les députés ont, sur proposition du Gouvernement, inséré un article additionnel qui instaure, en faveur des quartiers sortants, un dispositif de veille active mis en place par l’État et les collectivités territoriales. Concrètement, cela se traduira par la possibilité, pour ces quartiers, d’être couverts par un contrat de ville. Pour notre part, nous proposerons qu’il s’agisse d’un droit et non pas seulement d’une faculté.
Les moyens mobilisés seront ceux qui relèvent des politiques de droit commun. Une telle démarche permet, en effet, d’apporter de la transparence.
Pour autant, et malgré ce dispositif, les élus sont inquiets. Ce dispositif nous semble, en effet, lourd de conséquences.
Je prendrai l’exemple de mon département, le Val-de-Marne, qui compte aujourd’hui 93 périmètres relevant d’un contrat urbain de cohésion sociale, ou CUCS, dont 23 zones urbaines sensibles, les ZUS, qui forment un ensemble de 78 quartiers relevant de la politique de la ville pour une population concernée d’environ 340 000 habitants. Selon les hypothèses que nous avons retenues, et en fonction du nouveau critère de géographie prioritaire, entre 35 et 50 quartiers val-de-marnais pourraient « sortir » des dispositifs de la politique de la ville.
Parallèlement, cette sortie risque d’entraîner une réduction mécanique des financements en faveur de la politique de la ville. En effet, aujourd’hui, l’enveloppe spécifique allouée annuellement par l’État à la politique de la ville dans le Val-de-Marne s’élève à environ 10 millions d'euros ; elle est dédiée au soutien d’un nombre significatif d’actions et d’acteurs dans les quartiers.
Pour ce qui concerne l’investissement, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, aura accordé 507 millions d'euros au terme du premier programme national de rénovation urbaine, le PNRU 1, pour la rénovation de 16 sites et la conduite d’« opérations isolées » dans 11 autres quartiers. J’ajoute que le département a, pour sa part, dégagé plus de 120 millions d'euros afin d’accompagner les efforts de l’État.
Conséquence directe de la diminution du nombre de quartiers concernés par la politique de la ville, les crédits spécifiques alloués tant à la rénovation de ces quartiers qu’au soutien des dynamiques sociales risquent de connaître une baisse significative, alors qu’il faudrait au contraire renforcer la présence de l’État dans ces territoires toujours fragiles au regard de la brutalité de la crise que nous traversons et des choix gouvernementaux.
La contraction des crédits alloués à la politique de la ville et la diminution du nombre de quartiers concernés font ainsi peser un risque de désengagement important pour les quartiers qui, au 1er janvier 2015, sortiront du dispositif et feront l’objet d’un dispositif de veille active.
Le présent projet de loi vise à faire appel au droit commun de l’État et des collectivités territoriales afin de « conforter la situation de ces quartiers. »
En l’état actuel des finances publiques, et après les déclarations qu’a faites hier le Président de la République, il est à craindre que la mobilisation des crédits d’État de droit commun ne soit très relative et insuffisante pour répondre aux besoins de ces territoires. Les collectivités locales, au premier rang desquelles les intercommunalités mais aussi les départements, seront conduites à compenser ce probable retrait des crédits de l’État.
En réduisant le périmètre d’intervention de l’État, au nom de la lutte contre le saupoudrage des deniers publics, on risque de fragiliser des territoires où les équilibres sont précaires ; on ouvre même la porte à des reculs et à la dégradation de la situation dans certains de ces quartiers.
M. le président. L'amendement n° 42, présenté par M. Mirassou, Mme Bataille, MM. M. Bourquin et Bérit-Débat, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Fauconnier, Guillaume et S. Larcher, Mmes Lienemann et Nicoux, M. Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
De même, les quartiers identifiés en limite de la géographie prioritaire peuvent bénéficier du dispositif de veille active. La liste de ces quartiers est définie par décret en Conseil d’État ; les modalités d’application, d’entrée en vigueur et d’actualisation sont identiques à celles prévues à l’article 4.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Aux termes de l’article 9 bis, les quartiers qui relèveront, au 31 décembre 2014, d’un zonage de la politique de la ville et qui ne présenteront pas les caractéristiques d’un quartier prioritaire à compter du 1er janvier 2015 feront l’objet d’un dispositif de veille active mis en place par l’État et les collectivités territoriales.
Compte tenu de l’actualisation tous les six ans de la liste des quartiers prioritaires, il est proposé que ce dispositif de veille active soit étendu aux quartiers qui ne relevaient pas d’un zonage de la politique de la ville et sont exclus de la nouvelle géographie prioritaire, mais qui connaissent des difficultés pouvant les conduire à figurer dans la nouvelle classification.
Autrement dit, il s’agit bien de mener une politique préventive pour éviter une dérive des quartiers présentant quelques difficultés en quartiers prioritaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Mon cher collègue, vous soulevez un problème très important. L’amendement que vous venez de présenter tend, en réalité, à créer une troisième catégorie de territoires qui s’ajouterait aux territoires labellisés prioritaires et à ceux qui font l’objet d’un dispositif de veille active, lesquels sont bien définis. Ainsi, il est proposé d’instituer une sorte de veille active sur les territoires qui ne relèvent pas de ces deux dernières catégories et dont la liste serait établie par décret en Conseil d’État.
Personnellement, cette proposition me paraît extrêmement compliquée à mettre en œuvre. Il ne suffit pas de créer ces quartiers ; encore faut-il savoir ce que l’on veut en faire. Par ailleurs, il semble difficile, à ce stade de l’examen du projet de loi, de rajouter un chapitre complet.
La commission, quant à elle, souhaite, pour les mêmes raisons, recueillir l’avis du Gouvernement. M. Mirassou qualifie souvent ces zones de border line ; pour ma part, j’ai l’impression que cette proposition est border line par rapport à ce texte !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Avant de donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement, je souhaiterais apporter quelques éléments de réponse à M. Favier.
Pour bien me faire comprendre, je reprendrai quelques données historiques. En 1996, il y avait 751 ZUS. En 2006, on dénombrait 2 492 quartiers couverts par un contrat urbain de cohésion sociale. À cet égard, je signale que l’on s’est senti obligé de créer trois niveaux de priorité pour les CUCS. Il faut dire la vérité : une grande partie des quartiers de priorité 3 ne relève pas des critères classiques de la politique de la ville. Les CUCS sont plutôt le résultat de discussions entre les élus et les préfets pour que tout le monde soit servi.
Certains quartiers qui connaissaient des difficultés sociales ne relevaient pas de la politique de la ville. Voilà ce qu’apporte ce projet de loi : de la clarification !
J’ai souhaité que ces quartiers, lorsque les maires le désireront – et c’est pour cela que je serai favorable à l’amendement du groupe CRC –, puissent faire partie d’un périmètre de veille active qui relève du droit commun. Dans la plupart des cas, cela se traduira par une mobilisation plus importante de moyens pour les quartiers qui entreront dans un tel périmètre.
Je me souviens du cas d’une commune de 45 000 habitants qui percevait 1 500 euros au titre de la politique de la ville. À l’avenir, une fois mis autour de la table le recteur, des représentants de la caisse d’allocations familiales, de Pôle emploi et de l’ensemble des directions de l’État, les moyens dégagés seront forcément beaucoup élevés !
Comme je l’ai indiqué hier, il ne faut pas fantasmer sur les territoires qui vont sortir de la politique de la ville. J’ai reçu de nombreux courriers d’élus s’inquiétant de savoir si leurs quartiers allaient continuer à en relever. Dans 95 % des cas, la situation de ces quartiers justifie malheureusement le maintien de cette politique, et les élus le savent bien. Les autres quartiers vont sortir de la politique de la ville, mais cela n’aura au final que peu ou pas d’incidence sur le budget des villes concernées.
Un dispositif de veille active permet d’accompagner ces territoires. Davantage que les moyens, c’est la méthodologie de la politique de la ville qu’il faut garder, c’est-à-dire la capacité à faire travailler ensemble des professionnels et des élus sur des objectifs concrets, cohérents et transversaux.
J’en viens à l’amendement n° 42. Le Gouvernement ne souhaite pas qu’il y ait une troisième catégorie de quartiers, d’autant que la notion de « quartiers identifiés en limite de la géographie prioritaire » est ambiguë.
S’agit-il d’une limite physique ? Je pense à de nombreux quartiers en limite, qui vivent très bien, et dont je ne voudrais pas qu’ils soient inscrits dans le périmètre du dispositif de veille active.
Ou bien est-ce une limite en termes de population ? La situation serait alors tout à fait différente. Je l’ai précisé hier, les quartiers relevant de la politique de la ville comprendront au minimum 1 000 habitants. Toutefois, je me suis engagé à prendre en compte les effets de seuil lorsque nous élaborerons les dispositions réglementaires. Nous tâcherons de trouver une formule pour qu’un quartier de 950 habitants puisse, si nécessaire, être pris en compte dans le cadre de la politique de la ville.
Le Gouvernement souhaite donc le retrait de cet amendement, eu égard à sa rédaction et aux conséquences de la mesure proposée. À défaut, il émettra un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Raoul, l'amendement n° 42 est-il maintenu ?
M. Daniel Raoul. Au terme des arguments développés par M. le ministre, je comprends que la création d’une troisième catégorie de quartiers pose problème, notamment en termes de limite : celle-ci est-elle géographique ou repose-t-elle sur les revenus, puisque c’est le critère unique qui a été retenu ?
Nous assistons tous à une mutation progressive de nos villes, sur laquelle il est sans doute plus évident d’agir à l’échelon local qu’en créant cette troisième catégorie. Je ne devrais pas employer ce mot qui a été utilisé à de trop nombreuses reprises cet après-midi, mais j’estime que ce devrait être une « annexe », au niveau local, de l’observatoire national de la politique de la ville.
En réalité, il faut essayer de mettre en œuvre une démarche préventive, autrement dit mener une concertation avec les moyens de droit commun, pour éviter les dérives qui pourraient se produire, illustrées par des agissements traités par les commissariats.
Cela étant dit, je retire l'amendement n° 42.
M. le président. L'amendement n° 42 est retiré.
L'amendement n° 23 rectifié, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
À ce titre, les quartiers placés en dispositif de veille active peuvent faire l'objet d'un contrat de ville
par les mots :
À ce titre et à la demande du président de l’établissement public de coopération intercommunale concerné et du maire ou des maires concernés, les quartiers placés en dispositif de veille active font l’objet d’un contrat de ville
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement a déjà été défendu par Christian Favier. Nous souhaitons garantir le maintien des moyens de droit commun pour les territoires sortant de la géographie prioritaire. Il s'agit de s’assurer que ces quartiers bénéficieront de moyens de droit commun suffisants pour éviter qu’ils ne décrochent après avoir été écartés de la géographie prioritaire, conséquence de la baisse des crédits de la politique de la ville que mon collègue vient d’évoquer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Cet amendement, contrairement au précédent, entre bien dans le cadre du présent projet de loi, puisqu’il porte sur les quartiers qui sortiront de la politique de la ville, mais qui ont besoin de faire l’objet d’une veille active.
Il va dans le bon sens. C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Comme je viens de l’indiquer, le Gouvernement est favorable à cet amendement, conforme à sa volonté que le contrat de ville devienne un droit pour les collectivités.
De manière plus facétieuse, je dirais que cette mesure permettra à certaines collectivités de s’interroger sur leur volonté réelle de relever d’un périmètre de veille active. À ce propos, certaines communes auxquelles j’ai fait savoir qu’elles allaient sortir de la politique de la ville ne savaient même pas qu’elles y étaient entrées ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, je souhaitais intervenir sur l’amendement précédent, mais, comme il a été retiré, je n’ai pu le faire. Je profite donc de l’examen du présent amendement, qui soulève indirectement aussi la question des limites, pour m’exprimer sur ce sujet.
Actuellement, nous réduisons le périmètre d’intervention de la politique de la ville. C’est une bonne chose, mais il faudrait tout de même s’interroger sur la pertinence des critères relatifs à ce sujet.
À cet égard, je suis préoccupé par une difficulté, qui concerne au maximum une dizaine de villes en France – c'est le cas de deux communes en Moselle –, mais qui est bien réelle.
Parfois, des petites communes, des villages comprenant quelques centaines ou un millier d’habitants sont immédiatement contigus au quartier difficile d’une ville qui est intégrée dans le périmètre de la politique de la ville sans pourtant relever, eux, de cette politique.
Il arrive donc que, tandis que certains habitants d’un quartier – les limites communales traversent parfois des groupes d’immeubles ! – sont intégrés dans la politique de la ville, d’autres, qui ont la malchance d’habiter sur le territoire de la petite commune voisine, en soient complètement évincés, bien qu’il s’agisse du même quartier.
J’ai posé de nombreuses questions et fait de multiples interventions sur ce sujet. J’avais espéré qu’il serait évoqué dans le cadre de la révision des limites. Il existe une injustice profonde, car la petite commune concernée n’a aucun moyen de régler les problèmes qui se posent, alors qu’il s’agit d’un même ensemble immobilier.
J’estime que s’en tenir aux strictes limites communales, sans prendre en compte l’intégralité du quartier, peut poser des difficultés.
M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bécot et Bizet, Mme Cayeux, MM. Chatillon, Couderc, Delattre, Ferrand, B. Fournier, Grignon et Houel, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux, P. Leroy et Milon, Mme Procaccia et M. Trillard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La situation des quartiers placés en dispositif de veille active est évaluée annuellement. Cet examen peut, si les circonstances locales le justifient, entraîner une requalification en quartier prioritaire de la politique de la ville ou la sortie du dispositif de veille active.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Je m’interroge : cet amendement sera-t-il considéré comme complémentaire du précédent, que nous venons d’adopter sur l’initiative de nos collègues du groupe CRC ?...
Cela étant, je propose que la situation des quartiers qui feront l’objet du dispositif de veille active soit annuellement réévaluée. Ces quartiers pourront alors, si leur situation s’est dégradée, bénéficier du classement en géographie prioritaire de la politique de la ville ou, à l’inverse, si leur situation s’est grandement améliorée, sortir du dispositif de veille active. Le premier cas risque d’être plus fréquent que le second !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Je comprends bien votre préoccupation, mon cher collègue. Effectivement, la situation des quartiers évolue, mais faire une évaluation annuelle me paraît tout de même quelque peu excessif.
L’observatoire que nous avons créé est pour l’instant chargé d’évaluer 700 ZUS. Il y a fort à parier que, avec la réforme de la géographie prioritaire, le nombre de territoires devant être évalués va pratiquement doubler. Il en sera de même de la charge de travail de cet observatoire. De surcroît, une évaluation chaque année, et non plus tous les six ans, comme cela est prévu dans le texte, paraît difficile !
Par ailleurs, si je me souviens bien, les ZUS n’ont pas été réévaluées depuis 1996. Entre cette situation et l’exigence d’une évaluation annuelle, un examen tous les six ans me semble constituer une solution raisonnable. Même si les quartiers sont sans cesse en évolution, il est très rare d’assister à une aggravation très importante de leur situation en une année.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Avant d’en venir à cet amendement, je souhaite apporter une réponse à M. Masson. La méthodologie, telle qu’elle va être employée, répondra au problème que vous avez soulevé, monsieur le sénateur.
En effet, un quartier à cheval sur deux communes pourra être pris en compte et deviendra intercommunal. Par ailleurs, les problèmes survenant à la périphérie d’une commune et soulevant des difficultés dans la commune limitrophe seront réglés dans le cadre intercommunal. Bien entendu, rien n’interdira aux élus dans ce même cadre de dégager des moyens supplémentaires, certes sur les fonds de l’intercommunalité – mais c’est une pratique qui existe déjà –, pour aider ces collectivités.
Le présent projet de loi répond totalement à votre demande (M. Jean Louis Masson fait un signe de dénégation), contrairement aux dispositifs précédents, et je suis prêt à vous en faire la démonstration.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 66 rectifié, une fois encore, faisons preuve de franchise. La présente réforme a pour objet de mettre de l’ordre dans la politique de la ville, dans l’ensemble des zonages et des dispositifs.
Et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, tout particulièrement ceux d’entre vous qui siègent sur les travées situées sur la droite de l’hémicycle, ce n’était pas une réforme facile : les conséquences attendues de celle qui avait été lancée en 2009 étaient d’une telle ampleur – j’en veux pour preuve, notamment, le retrait de la géographie prioritaire du quartier des Minguettes situé dans la commune de Vénissieux – que le Premier ministre de l’époque, dans sa grande sagesse, avait décidé de la repousser après 2014, c’est-à-dire, je suppose, après les échéances municipales.
Pour notre part, nous avons totalement changé de méthodologie. À l’origine, j’avais indiqué que nous visions entre 500 et 1 000 quartiers ; en fait, ce sont quelque 1 350 quartiers sur les 2 500 relevant actuellement de la politique de la ville qui seront concernés. Selon moi, le critère de la concentration de pauvreté permet d’atteindre le bon équilibre.
Mais ne cédons pas à la tentation de faire entrer par la fenêtre ce que l’on n’a pas réussi à faire entrer par la porte, tentation que je décèle dans vos discours ou dans les courriers que je reçois et qui sont tous rédigés selon un même plan !
Premier paragraphe : « Monsieur le ministre, votre réforme est admirable et indispensable ; nous l’attendions depuis des années. Il faut concentrer les moyens. »
Deuxième paragraphe : « Néanmoins, j’attire votre attention sur la situation de ma commune. »
Enfin, troisième paragraphe : « Je vous demande de bien vouloir inscrire les quartiers de ma ville parmi les quartiers prioritaires. »
C’est en totale contradiction avec le critère d’objectivité !
Je comprends une telle attitude de la part de simples élus locaux, mais ici, au sein de la Haute Assemblée, vous devez avoir le souci de l’intérêt général. Au-delà de la difficulté, soulignée par M. le rapporteur, de passer d’une évaluation tous les quinze ans à une évaluation annuelle, vous imaginez bien que la tentation sera d’étendre la politique de la ville à de nouveaux quartiers. Mais nous nous efforçons de fixer un cadre lisible qui donne aux élus le temps nécessaire pour travailler.
Six ans, c’est la durée du mandat municipal. Or, nous le savons, l’État et les collectivités, notamment les départements, les régions, conformément à votre vote d’hier, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que l’ensemble des acteurs supplémentaires prévus dans le présent texte, qu’ils soient économiques, sociaux, devront dresser un diagnostic, puis déterminer les actions communes à réaliser et la façon de les mettre en œuvre. Cela prendra plusieurs mois. Il restera alors cinq ans opérationnels pour pouvoir agir dans la durée et de manière structurelle, parce que c’est aussi l’objet du présent projet de loi.
Mais si l’on effectue une évaluation annuelle au terme de laquelle pourrait se produire un basculement de certains quartiers actuellement situés en périmètre de veille active en quartiers prioritaires, des questions seront sans cesse posées et tout le système sera bouleversé.
Comme M. le rapporteur, je me suis interrogé. Imaginons des villes dans lesquelles une usine d’une grande importance pour elles met soudain la clé sous la porte, conduisant des centaines de personnes à se trouver au chômage. En général, l’incidence d’une telle situation se fait sentir deux à trois ans plus tard. Par conséquent, une évaluation annuelle ne serait pas d’une grande utilité.
Le cadre de six ans que nous prévoyons sera, en réalité de cinq ans, eu égard au temps nécessaire pour l’installation des conseils municipaux, des syndicats intercommunaux, des intercommunalités et pour l’établissement du diagnostic. Nous arriverons à la fin de l’année 2014 ; resteront alors seulement quatre années véritablement opérationnelles, puisque la cinquième est une année pré-électorale…
Je pense donc qu’il est préférable d’en rester au cadre que nous proposons. D’ailleurs, l’avantage du critère unique, outre, comme je le disais hier, sa lisibilité, sa transparence et son objectivité totale, est que dorénavant, c’est certain, une évaluation – par voie de conséquence, un renouvellement de la carte – sera effectuée après chaque renouvellement municipal.
J’ajoute enfin un dernier argument. Selon vous, monsieur Dallier, cette évaluation doit permettre de sortir du dispositif de veille active. Or le seul critère requis pour relever de ce dernier est que le quartier en cause qui n’est pas aujourd'hui quartier prioritaire de la politique de la ville l’ait été à un moment donné.
De plus, selon quels critères estimer l’exclusion d’un quartier du dispositif de veille active, sauf à retomber dans les errements qu’a connus la politique de la ville depuis trente ans ?
Pour toutes ces raisons, monsieur le sénateur, je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi, j’émettrai un avis défavorable.
M. Claude Dilain, rapporteur. Très bien !
M. le président. Monsieur Dallier, l’amendement n° 66 rectifié est-il maintenu ?
M. Philippe Dallier. J’ai peu goûté la première partie de votre réponse, monsieur le ministre. Je n’ai absolument pas rédigé un amendement visant à permettre à je ne sais qui, le préfet ou le ministre, de décider, à la tête du client, de faire entrer dans les quartiers…
M. Philippe Dallier. Si ce n’est pas ce que vous avez voulu dire, j’en prends acte, mais permettez-moi d’en avoir douté – manifestement, à voir l’attitude d’un certain nombre de mes collègues, je ne suis pas le seul – après vous avoir écouté nous expliquer que des maires vous écrivaient pour vous faire part de l’intérêt qu’ils portaient à la politique de la ville, et surtout pour se plaindre de ne pas en bénéficier et vous demander une dérogation…
M. Philippe Dallier. Quoi qu’il en soit, à partir du moment où les critères ont été simplifiés, puisqu’ils sont réduits à un seul, je pense qu’il doit être beaucoup plus simple que par le passé, et en tous les cas beaucoup plus objectif, de faire tourner la moulinette pour voir comment les choses évoluent. Donc repasser la moulinette tous les ans ne constitue peut-être pas un travail insurmontable.
Cela dit, six ans, c’est à la fois court et long. C’est court, en effet, quand il s’agit de mettre en œuvre des dispositifs, une politique, de procéder à des évaluations, d’obtenir des résultats, mais c’est long quand une situation se dégrade très vite.
De grâce, monsieur le ministre, ne m’opposez pas le fait que nous avons attendu très longtemps cette réforme de la géographie prioritaire ! Comme je l’ai rappelé lors de discussion générale, je l’avais réclamée à cor et à cri pendant des années à la tribune en tant que rapporteur spécial de la mission Ville et logement, donc il est inutile de chercher à me convaincre.
Passer à une périodisation de six ans, fort bien ! Je voulais simplement mentionner le cas des quartiers dont la situation se dégraderait assez vite. Car il y aura toujours, forcément, un effet de seuil, puisqu’on va fixer un revenu plafond par habitant. Pour les personnes qui seront juste au-dessus du seuil, mais dont la situation se dégrade, six ans, c’est long !
Cet amendement ne visait qu’à poser ce problème-là.
M. le président. Vous en parlez au passé, mon cher collègue ; vous le retirez donc ?
M. Philippe Dallier. Finalement, non, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Jusque-là, ce sujet n’a jamais posé de problème, pour une simple et bonne raison – et c’est le débat que nous avons eu en commission : on a plutôt étendu la géographie prioritaire, alors qu’à présent, on la réduit drastiquement, ce qui, on le sait, aura forcément une incidence sur un certain nombre de quartiers, dont on ne peut pas présager la façon dont ils vont sortir de la géographie prioritaire.
J’entends bien sûr les craintes que vous avez exprimées, monsieur le ministre. Reste que ce sujet mériterait réflexion. Une évaluation annuelle paraît difficilement envisageable ; mais les quelques quartiers en très grande difficulté parmi les plus de mille qui vont sortir de la géographie prioritaire pourront-ils attendre six ans ?
Est-ce qu’on ne pourrait pas prévoir une évaluation intermédiaire au bout de trois ans, plus souple, afin de ne pas devoir attendre six ans pour constater l’urgence ? Peut-être un sous-amendement visant à faire passer la périodicité de un an à trois ans pourrait-il être déposé ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Madame Létard, vous recourez à un argument que je ne peux pas laisser passer.
Mme Valérie Létard. Ah !
M. François Lamy, ministre délégué. Voilà pourquoi : c’est non pas le nombre de quartiers prioritaires que nous diminuerons avec ce projet de loi, mais le nombre de quartiers de la politique de la ville. (Mme Valérie Létard approuve.) Nous passerons de 2 492 quartiers sous contrat urbain de cohésion sociale à environ 1 300 ou 1 350 quartiers prioritaires.
Du reste vous savez très bien, parce que vous êtes une parfaite spécialiste de ces questions, que les seuls quartiers à bénéficier réellement d’avantages – c’est pour cela d’ailleurs qu’on a créé les périmètres – étaient les zones urbaines sensibles, auxquelles étaient accordés des avantages fiscaux, des exonérations sociales, ou encore des bonifications pour les fonctionnaires qui y travaillaient. Or, grâce à la réforme, nous passerons de 751 ZUS à quelque 1 300 quartiers qui jouiront des mêmes avantages.
Ce sont donc 500 quartiers, qui ne bénéficient actuellement que des crédits de la politique de la ville, qui profiteront des mêmes dispositifs que les ZUS, auxquels s’ajoute la mobilisation des politiques publiques par le droit commun.
Telle est la réalité. C’est pourquoi je souhaite rester à l’intérieur de ce cadre. D’autant que, suivant nos simulations, la plupart des quartiers qui seront dans le dispositif de veille active relèvent des CUCS de priorité 2 ou de priorité 3, et ne sont absolument pas dans la même situation économique et sociale que les quartiers qui resteront en politique de la ville.
Je veux rassurer le Sénat : j’en prends l’engagement, aucun quartier connaissant une concentration de pauvreté ne sera oublié par la géographie prioritaire et par ce projet de loi. Je connais la réalité des quartiers et les situations locales.
Il n’est pas souhaitable d’ajouter un élément de complexité à un texte qui vise justement à alléger l’ensemble des dispositifs de la politique de la ville.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'article 9 bis.
M. Jean-Jacques Mirassou. Le même débat a animé les travaux en commission.
Monsieur le ministre, le critère que vous avez défini afin de mettre en lumière, en quelque sorte, les quartiers prioritaires ne doit pas conduire à faire ex abrupto l’impasse sur les quartiers qui ne seront plus classés et sur ceux qui mériteraient d’être classés et qui ne le seront pas dans l’immédiat.
Si j’approuve votre explication sur la pertinence du critère de la concentration de pauvreté, j’attire votre attention sur le fait que la prise en charge de ces quartiers qui ne relèvent plus de la politique de la ville et surtout de ceux qui mériteraient d’y être et qui n’y sont pas encore…,
M. Jean-Jacques Mirassou. … incombera inévitablement aux communes et aux intercommunalités.
Il me semble donc que, au moment d’appliquer la future loi – et bien entendu nous voterons cet article –, il faudra expliquer aux communes que, même si la situation de certains quartiers se dégrade et justifie un saut quantitatif en termes de moyens de leur part, l’État ne peut pas se désintéresser de ce problème-là.
La dynamique entre l’État, les collectivités territoriales et les citoyens que nous avons évoquée hier doit aussi concerner cette démarche. Sinon, nous allons créer des frustrations ! En effet, cela reviendrait un peu à dire : « Courage ! Vous ne répondez pas tout à fait aux critères, mais vous pourriez, un jour, y arriver… » (M. le ministre délégué s’esclaffe.)
Pour être élu dans un canton border line, où tout le monde se démène pour que le quartier ne devienne pas vraiment difficile, je considère qu’il faudrait donner un peu d’espoir aux interlocuteurs. Il faudrait les assurer que, même si elle n’est pas encore traduite dans le marbre de la loi, cette préoccupation anime à la fois le ministre et le législateur !
M. le président. Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article 9 ter
(Non modifié)
Les activités de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances sont transférées à l’État suivant des modalités et un calendrier, prévus par un décret en Conseil d’État, au plus tard le 1er janvier 2015.
À cette date, l’établissement public Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances est dissous et les biens, droits et obligations de cet établissement sont transférés à l’État.
M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 9 ter prévoit, en quelque sorte, la dissolution de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l'ACSÉ, au 1er janvier 2015, afin de regrouper ses activités avec celles du Secrétariat général du comité interministériel des villes, le SGCIV, au sein du pôle « ville » du futur commissariat général à l'égalité des territoires, le CGET.
En tant que personne engagée du point de vue associatif, je n’arrive pas à expliquer à certaines associations le sens de ce regroupement. Nous avons déposé cet amendement d’appel pour que M. le ministre puisse nous communiquer quelques orientations afin que nous disposions d’arguments à même de convaincre le monde associatif du bien-fondé de cette refondation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Madame Benbassa, j’ai bien compris que votre amendement visait à interpeler le ministre. Je vais quand même vous faire savoir ce que la commission en pense … (Sourires.)
J’admets bien volontiers que la disparition de l’ACSÉ puisse susciter des réactions, d’autant plus que nous n’avons rien à reprocher à cette instance, qui, chacun le reconnaît, a parfaitement travaillé.
Cela dit, la création d’une agence était justifiée tant qu’existait une pluralité de financements. Or, aujourd'hui, la politique de la ville fait l’objet d’un financement unique, assuré par l’État, au travers du programme 147, que je n’ai pu vous présenter parce que nous n’avons pas, hélas, examiné cette partie du budget. D'ailleurs, l’essentiel du budget de la politique de la ville est dédié à l’ACSÉ ! De facto, cette agence est déjà un service de l’État puisque son représentant local est le préfet ou son délégué.
Je pense que la réforme actuellement menée par le Gouvernement, qui était souhaitée par tous, va simplifier. Ainsi, quand j’étais président de l’association des maires Ville et banlieue de France, vos prédécesseurs, monsieur le ministre, me disaient qu’elle constituait la meilleure solution.
En outre, il importe que, dans le bras de fer engagé avec les autres membres du Gouvernement, le ministre chargé de la ville dispose d’un appareil administratif complet, plus structuré. À cet égard, il me semble que la fusion entre l’ACSÉ, dont les fonctions vont perdurer, et le SGCIV renforcera une administration centrale qui ne peut que servir le ministre chargé de la ville lors de ses arbitrages.
Par conséquent, madame Benbassa, je sollicite le retrait de votre amendement d’appel !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Madame la sénatrice, votre amendement me donne aussi l’occasion de répondre à M. Bécot, qui a lui aussi évoqué hier la question de l’ACSÉ, sujet qu’il connaît bien, lors de la discussion générale.
Qu’est devenue l’ACSÉ ? Une agence d’État, qui reçoit des crédits de l’État et qui les redistribue à l’État. Chaque année, son directeur général – et non le ministre – signifie au préfet les orientations et les crédits dont il peut disposer pour l’année suivante.
D’aucuns m’ont conseillé de conserver l’ACSÉ, ne serait-ce que pour lui faire endosser les décisions négatives prises… Toutefois, une telle attitude aurait contrevenu à mon sens de la responsabilité politique. Pour ma part, j’estime que les agents de l’État doivent être parfaitement dirigés et connaître avec exactitude les orientations politiques du Gouvernement et du ministre.
Comme le disait M. le rapporteur, il est arrivé que la présidente de l’ACSÉ, qui, je le rappelle, était une présidente non exécutive, réunît les délégués territoriaux de l’agence, lesquels étaient des préfets, des sous-préfets, des préfets à l’égalité des chances. La situation était quelque peu ubuesque !
Reste que le conseil d’administration de l’agence était, lui, représentatif, non pas de la politique de la ville, mais de ce qui avait existé avant l’ACSÉ, à savoir le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles, le FAS, et le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD.
C’est sur ce point que la clarification doit être opérée.
L’ACSÉ va être fusionnée avec le SGCIV. Leurs administrations n’étaient pas pléthoriques : le SGCIV employait 57 personnes et l’ACSÉ, de mémoire, 108.
Mme Esther Benbassa. En fait, 115 !
M. François Lamy, ministre délégué. Soit !
Disposer d’un outil un peu moins squelettique et un peu plus musclé, qui, bien entendu, conservera les missions et les agents de l’ACSÉ et permettra d’éviter les doublons – certaines fonctions étaient réalisées à la fois par l’ACSÉ et par le SGCIV : tel est le premier avantage de la réforme.
Par ailleurs, le cadre du commissariat général à l’égalité des territoires permettra d’avoir une approche plus globale dans le traitement des difficultés sociales. Nous pourrons le constater à l’occasion de l’application de la présente réforme : comme une centaine de villes situées dans les territoires ruraux bénéficieront désormais de la politique de la ville, il est intéressant que nous puissions travailler en lien avec les services de ce qui sera bientôt l’ancienne Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, laquelle sera aussi intégrée au sein du CGET.
Toutefois, pour ce qui concerne la représentation du monde associatif, des organisations syndicales, des organismes de développement économique ou des associations patronales ou salariales, nous pourrons trouver un autre cadre avec la réforme du Conseil national des villes, ou CNV, qui, davantage que le CGET, constituera l’outil indépendant de réflexion et de proposition du Gouvernement. D'ailleurs, madame Benbassa, pour vous savoir sensible à cette question de la représentation des habitants et du monde associatif de proximité, je précise que je souhaite que le CNV soit doté d’un nouveau collège, lequel sera, bien entendu, différent du collège des grandes fédérations existant actuellement.
Pour résumer, cette réforme, d’une part, répond à un objectif de rationalité des services de l’État et, d’autre part, permettra plus de clarté, à la fois pour les agents de l’État travaillant en service déconcentré et pour le monde associatif que vous évoquez.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Monsieur le ministre, permettez-moi de réagir aux précisions que vous avez apportées.
En tant que président de conseil général, j’ai eu l’occasion de représenter l’Assemblée des départements de France, au sein du conseil d’administration de l’ACSÉ, où l’ensemble des collectivités étaient représentées à travers leurs instances respectives – l’Association des maires de France, l’Association des régions de France…
Alors que les collectivités interviennent dans la politique du logement, vous nous dites que cette dernière relèvera désormais essentiellement de la responsabilité de l’État. J’en prends acte.
Mais, d’un autre côté, vous n’allez pas manquer de solliciter les collectivités, comme dans le cadre de l’ANRU ! On demande aux régions de participer aux décisions qui ont trait aux agglomérations, on demande aux départements d’être attentifs à la politique de l’hébergement, du logement, d’être associés aux actions à connotation sociale… On ne peut se tourner sans cesse vers les collectivités et leur réclamer des dépenses supplémentaires sans leur permettre de formuler des remarques à l’échelon national, ce que permettait le conseil d’administration de l’ACSÉ dans l’ancien dispositif ! Je n’ai pas encore bien compris par quoi vous vouliez remplacer cette instance de coordination, qui avait tout son intérêt.
Je pense que cela mérite quelques explications, dont je vous remercie par avance, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Comme je le disais tout à l'heure, la fonction de représentation des départements était assez peu assurée par le conseil d’administration de l’ACSÉ. En tout cas, j’ai pu le constater, ces dernières années, celui-ci était malheureusement devenu, pour le Gouvernement, une chambre d’enregistrement, et pas forcément une chambre d’interpellation !
La nouvelle instance ou, en tout cas, l’instance modernisée qui permettra l’expression à la fois des départements, des régions, des collectivités, des villes, des intercommunalités, mais aussi du monde associatif, des acteurs économiques et sociaux des quartiers prioritaires de la politique de la ville, c’est le futur Conseil national des villes réformé.
J’ai bon espoir que la réforme, dont nous sommes en train de discuter avec les membres du CNV, puisse aboutir d’ici au mois de juin, donc dans un horizon très proche. Le Conseil national des villes sera alors l’interlocuteur et donc le porte-parole des collectivités en matière de politique de la ville, de manière un peu plus générale que ne l’était le conseil d’administration de l’ACSÉ, qui, par exemple, ne s’occupait pas de rénovation urbaine, puisque cette dernière relevait du conseil d’administration de l’ANRU.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 62 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai bien entendu vos arguments. J’espère seulement que cette fusion ne donnera pas lieu à une grande bureaucratisation, parce que les associations ont besoin de percevoir leurs subventions à temps, parce qu’elles font vivre des salariés, parfois avec beaucoup de difficultés, et parce que leur action est souvent très utile pour la société civile.
M. Jean-Vincent Placé. Très bien !
Mme Esther Benbassa. Cela étant, je retire cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 62 est retiré.
L'amendement n° 92, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les activités de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances sont transférées à l’État suivant des modalités et un calendrier, prévus par décret, au plus tard le 1er janvier 2015.
À cette date, l’établissement public Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances est dissous et ses biens, droits et obligations sont transférés à l’État. Ce transfert est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu à aucune indemnité ou perception de droits, impôts ou taxes de quelque nature que ce soit, à aucun versement d’honoraires au profit des agents de l’État, ni au versement prévu à l’article 879 du code général des impôts.
II. – Sont abrogés au 1er janvier 2015 :
- la section 6 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’action sociale et des familles ;
- le IV de l’article L. 541-2 et le chapitre III de chacun des titres V, VI et VII du livre V du même code.
III. – Au 1er janvier 2015, à la première phrase du douzième alinéa de l’article L. 120-2 du code du service national, les mots : « l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Cet amendement vise à opérer une réécriture de l’article 9 ter, sans rien changer sur le fond.
En effet, la disparition de l’ACSÉ entraîne la modification d’un certain nombre d’articles de différents codes. Ces modifications étaient jusqu’à présent réparties dans plusieurs articles du projet de loi. La commission a pensé qu’il serait plus lisible et plus simple de les regrouper au sein d’un seul article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 9 ter est ainsi rédigé.
Titre III
DISPOSITIONS DIVERSES, FINALES ET TRANSITOIRES
Article 10 A (nouveau)
I. – La loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est ainsi modifiée :
1° Au premier alinéa de l’article 1er, après le mot : « sexe, », sont insérés les mots : « son lieu de résidence, » ;
2° Au 2° de l’article 2, les mots : « ou l’orientation ou identité sexuelle » sont remplacés par les mots : « , l’orientation ou identité sexuelle ou le lieu de résidence ».
II. – Le titre III du livre Ier de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° À l’article L. 1132-1, après les mots : « nom de famille », sont insérés les mots : « , de son lieu de résidence » ;
2° Le chapitre III est complété par un article L. 1133-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 1133-5. – Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »
III. – Le code pénal est ainsi modifié :
1° L’article 225-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « de leur lieu de résidence, » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « du lieu de résidence, » ;
2° L’article 225-3 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« 6° Aux discriminations liées au lieu de résidence lorsque la personne chargée de la fourniture d’un bien ou service se trouve en situation de danger manifeste.
« Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l’égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »
M. le président. L'amendement n° 63 rectifié, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article 432-7 est complété par un 3° ainsi rédigé :
« 3° A empêcher, par un exercice abusif de l'un des droits de préemption définis par le code de l'urbanisme, une personne physique ou morale d'acquérir un des biens ou droits énumérés aux trois premiers alinéas de l'article L. 213-1 du même code. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement ne remet aucunement en question le droit administratif et les prérogatives des maires en matière de préemption. Je tiens à le redire ici à ceux d’entre vous, chers collègues, qui, faute d’avoir eu le temps de le lire attentivement, ont pu y voir une agression contre le pouvoir du maire dans ce domaine.
Il s’agit seulement, en l’espèce, d’améliorer le droit pénal pour rendre plus effectives les dispositions de lutte contre les discriminations.
En effet, il n’est pas acceptable que le droit de préemption soit utilisé à des fins discriminatoires, notamment pour des motifs ethniques ou raciaux. De telles pratiques existent, et il est de la responsabilité du législateur d’y mettre un terme.
Messieurs, mesdames les maires, soyez rassurés, si cet amendement est adopté, vous pourrez continuer à exercer votre droit de préemption, à condition, bien sûr, que cela corresponde à un projet. Je tiens à mettre les choses point pour lever les incompréhensions que mon amendement a pu susciter.
Je prendrai l’exemple d’un couple d’origine maghrébine qui avait conclu un compromis de vente en vue de l’acquisition d’un bien immobilier. Le maire de la commune a exercé sur ce bien son droit de préemption. Le couple a alors porté plainte contre le maire, arguant que celui-ci aurait fait obstacle à la vente en exerçant abusivement son droit de préemption au seul motif qu’il ne souhaitait pas que des personnes d’origine maghrébine deviennent propriétaires du bien.
La cour d’appel de Grenoble a estimé qu’en raison de la consonance du nom des acheteurs, laissant supposer leur origine étrangère ou leur appartenance à l’islam, le maire avait commis une discrimination en refusant aux époux le droit d’acquérir la propriété d’un immeuble et de fixer librement le lieu de leur résidence.
Toutefois, la Cour de cassation a cassé cette décision, considérant que l’article 432-7 du code pénal, qui punit le délit de discrimination commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public, ne pouvait s’appliquer à l’exercice du droit de préemption. Elle l’a fait également dans d'autres cas de préemption abusive.
La conclusion de la Cour, qui reconnaît que la volonté du maire d’évincer d’une vente de terrain des acquéreurs pour des raisons discriminatoires avait été démontrée, se base sur un principe d’interprétation stricte de la loi pénale.
Nous considérons, au contraire, que l’intention du législateur était, à l’époque, de donner un champ d’application étendu à la répression des actes de discrimination manifeste commis par des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public. La référence à l’article 225-1 du code pénal en témoigne.
C’est précisément pour remédier au vide juridique ainsi mis en évidence par la Cour de cassation que le présent amendement tend à compléter l’article 432-7 du code pénal par un alinéa pénalisant de manière explicite l’exercice abusif du droit de préemption pour des motifs discriminatoires.
Par conséquent, c’est non le droit de préemption qui est ici remis en cause, mais son utilisation à des fins discriminatoires.
Un tel amendement avait déjà été présenté à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi ALUR, pour l’accès au logement et pour un urbanisme rénové. Défendu par M. Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois, il avait été accepté par Mme Duflot, mais la commission des affaires économiques avait émis un avis défavorable et avait été suivie par le Sénat.
Nous avons réécrit cet amendement en suivant les indications de la Chancellerie.
Je vous invite à réfléchir, mes chers collègues, sur ce qui constitue l'une des dernières discriminations qui demeurent non punies par la loi. C’est ce que nous ont expliqué plusieurs juristes dans le cadre des travaux de la mission commune d’information que M. Lecerf et moi-même avons conduits. Nous devons absolument mettre un terme à cette situation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Le rapporteur est dans une situation délicate !
À titre personnel, je comprends la position de Mme Benbassa, qui l'avait déjà exprimée en première lecture du projet de loi ALUR. Il avait été dit, alors, que la question serait abordée dans le cadre du présent projet de loi.
L’article 432-7 du code pénal laisse véritablement un vide juridique, que la chambre criminelle de la Cour de cassation a d'ailleurs bien relevé et qu’il convient de combler. Je suis donc personnellement favorable à l'amendement et c'est la position que j'ai défendue hier soir en commission.
Toutefois, mon rôle de rapporteur m’oblige à défendre ici la position inverse, car la commission s'est exprimée très largement contre cet amendement. Le président de la commission me souffle qu’elle l’a fait « unanimement » ; il me concédera que cette unanimité a néanmoins souffert une exception : celle de ma voix ! (Sourires.) Il reste que j'ai été battu par l’ensemble des autres membres de la commission, toutes tendances politiques confondues, ce qui va peut-être me permettre d’entrer dans le Livre des records ! (Nouveaux sourires.)
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je vais vous rejoindre sur le chemin de croix ! (Nouveaux sourires.)
La question soulevée par Mme Benbassa et, en son temps, par M. Vandierendonck est tout à fait réelle. Je connais les deux arrêts de la Cour de cassation dans lesquels celle-ci n’a pas jugé nécessaire de sanctionner l’usage discriminatoire du droit de préemption par des élus, bien que cet usage soit évidemment inapproprié.
M. Christian Cambon. Bien sûr !
M. François Lamy, ministre délégué. Je rappelle que ce droit doit servir à un élu pour mettre en œuvre des projets municipaux. Mais il arrive qu’un maire préempte un bien – quitte à le revendre par la suite – dans le seul objectif de bloquer l'acquisition par telle ou telle personne. Cela constitue bien une dérive.
M. Christian Cambon. Il existe des voies de recours !
M. François Lamy, ministre délégué. Certes, monsieur le sénateur, mais les deux arrêts de la Cour de cassation ne permettent malheureusement pas de faire reconnaître de telles pratiques comme discriminatoires. Or elles le sont et la loi doit donc préciser qu’une sanction est possible.
Mme Benbassa l’a dit, ce n’est pas le droit de préemption qui est remis en cause par cet amendement, c’est uniquement son utilisation à des fins discriminatoires. Je ne parviens pas à penser qu’un élu de la République admette qu’un maire agissant de la sorte puisse ne pas être sanctionné.
M. Jean-Jacques Mirassou. C'est quand même rarissime !
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck, pour explication de vote.
M. René Vandierendonck. Je vais essayer de dépassionner le débat en le situant au niveau du vécu d'un maire.
On a l’habitude de qualifier de « populaires » les quartiers auxquels s'applique la politique de la ville. Quand il s’agit d’une ville qui a été marquée par les mutations profondes de l'industrie textile, qui a non seulement « tissé » la ville, mais qui l'a aussi « métissée », le maire a la fierté – cela a toujours été mon cas – de compter un grand nombre de concitoyens d'origine magrébine parmi ses administrés.
Depuis hier, on parle beaucoup de l'observation et de l'évaluation de la politique de la ville. Celle-ci a donné lieu à d’innombrables études sociologiques. Mais personne ne s'est jamais intéressé à ce que devenaient les personnes concernées après qu’elles ont quitté ces quartiers dits « populaires ». Or cela modifierait complètement le regard que l’on porte sur la politique de la ville…
Sur la durée d'un mandat municipal, ce sont environ 30 % à 40 % des habitants de ces quartiers qui les quittent. Et personne n’est capable de dire où ils vont ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann approuve) On est capable de me démontrer, à moment t, l'accentuation de la pauvreté, mais jamais de me dire où sont allés les anciens pauvres…
Un autre déclic ferait changer le regard sur la politique de la ville, c’est la reconnaissance du détournement de l'exercice du droit de préemption. Ce détournement n’est l'apanage d'aucun camp politique : je ne fais pas de procès à qui que ce soit, je sais que les valeurs humanistes sont partagées.
Force est de reconnaître qu’il se trouve des élus pour s'autoriser à exercer ce droit contre des personnes dont les noms présentent certaines consonances et qui sont présumées créer des difficultés de voisinage. C’est une réalité et, comme toujours, ce n’est pas en la niant qu’on réglera le problème !
S’agit-il de pénaliser, de créer une incrimination supplémentaire et donc de rendre la tâche des maires encore plus rude ? Absolument pas ! L'article L. 432-7 du code pénal punit d'ores et déjà les discriminations commises à l'égard des personnes physiques ou morales par des personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public. Deux hypothèses sont visées dans le code pénal : le refus du bénéfice d’un droit accordé par la loi et l'entrave à l’exercice normal d’une activité.
Comme l'ont dit le rapporteur et le ministre, le problème vient de ce que la chambre criminelle de la Cour de cassation n’a pas jugé que l'exercice détourné du droit de préemption était susceptible d'entrer dans le champ du délit de discrimination tel qu’il est aujourd'hui visé dans le code pénal.
Vous me direz que cette situation est banale, qu’une personne ainsi lésée n’est pas sans recours… Certes ! Mais il faut qu’elle aille devant le tribunal administratif, qu’elle attende l'annulation de l'arrêté pour détournement de pouvoir et peut-être qu’un jour – deux à quatre années plus tard ! –, dans une instance de plein contentieux, elle aura une chance d'obtenir une condamnation… (Mme Nathalie Goulet approuve)
Est-ce ainsi que l'on honore ce principe de non-discrimination que nous proclamons tous ? Je rappelle que la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » : c’est peut-être la plus belle phrase de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen !
Ce qui est demandé ici, c'est de pouvoir sanctionner pénalement l'exercice détourné du droit de préemption. Naturellement, s'agissant d’une incrimination pénale, l'élément intentionnel devra être préalablement démontré.
Je plaide donc, mes chers collègues, pour que vous examiniez et tranchiez cette question une fois pour toutes, parce que la discrimination correspond tout de même à une réalité profonde de la vie de ces quartiers et elle lèse avant tout ceux qui veulent s'en sortir ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Cet amendement me paraît extrêmement séduisant, mais je crois qu’il peut aussi se révéler très dangereux par ses conséquences.
Les discriminations peuvent viser bien d’autres caractéristiques qu’ethniques ou raciales.
MM. Christian Cambon et Jean-Claude Lenoir. Bien sûr !
M. François Fortassin. Pour prendre mon exemple personnel, quand j’étais adolescent, j’avais le sentiment de faire l'objet de discriminations de la part de certains professeurs… tout simplement parce qu'ils ne me mettaient pas de bonnes notes ! Mais c’est sans doute que je ne les méritais pas ! (Sourires.)
M. Roland Courteau. Oh oui, c'est certainement l’explication ! (Nouveaux sourires.)
M. François Fortassin. Aujourd'hui, si le maire exerce son droit de préemption sur un terrain que je possède, je pourrai toujours arguer que je fais l'objet d'une mesure discriminatoire parce que j’ai eu avec lui une altercation quelques semaines auparavant…
M. François Fortassin. Comment cela, monsieur le ministre ? Une discrimination reste une discrimination. Il n’y a pas deux définitions du mot !
Il me semble que, si cet amendement est adopté, de telles difficultés pourront se présenter. Si nous sommes tous d’accord pour considérer que les pratiques discriminatoires dans l’exercice du droit de préemption posent de véritables problèmes, nous devons néanmoins prendre garde à ne pas ouvrir la voie aux dérives assez dangereuses que je viens de décrire.
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Le sujet est extrêmement délicat. Je suis d’accord pour dire que des utilisations abusives du droit de préemption peuvent se rencontrer. Mais je rappelle que, pour qu’un maire puisse préempter, la ville doit avoir un projet, et un projet connu de longue date, non pas sorti l'avant-veille d’un chapeau.
Par ailleurs, dès lors que l'on demande aux villes soumises à l'article 55 de la loi SRU de bâtir, elles doivent constituer de la réserve foncière, ce qui peut aussi les conduire à préempter. Certes, peut toujours se poser la question de savoir pourquoi on préempte telle parcelle plutôt que telle autre…
Je comprends l'intention de notre collègue Esther Benbassa. Cela étant, comme je l'avais dit lors de l'examen du projet de loi ALUR, il existe un moyen très simple de faire en sorte que cette question de la discrimination ne se pose plus jamais : « anonymiser » la déclaration d'intention d'aliéner.
M. Jean-Claude Lenoir. C'est déjà possible !
M. Philippe Dallier. Il suffit d'inscrire dans les textes que les notaires ne doivent transmettre à la collectivité locale que les références de la parcelle, sans noter le nom de l'acheteur, et le problème sera réglé !
Utiliser le droit de préemption, pour le maire, c'est déjà une source de difficultés : cela mécontente toujours le vendeur, surtout si l'on n’achète pas au prix qu’il souhaite, cela mécontente évidemment l'acheteur, qui voit lui échapper un bien qu’il convoitait ; bref, cela mécontente plein de monde… Constituer de la réserve foncière est souvent mal vu, surtout si c’est pour construire.
Le droit de préemption est effectivement un outil au service des maires, mais un outil délicat à manier. Si le maire doit, de surcroît, prendre de multiples précautions et craindre chaque fois que l’acheteur ne le traîne devant le tribunal, avec cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende à la clé, cela va devenir très compliqué !
Faisons donc disparaître la possibilité de la discrimination en anonymisant la déclaration d’intention d’aliéner ! C’est très simple, monsieur le ministre : dès lors que les notaires ne transmettent plus le nom de l’acquéreur, le maire ne peut plus juger que sur l’intérêt pour sa collectivité d’acheter la parcelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Jean Arthuis applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Nous avons eu un débat très animé, hier, en commission, à l’issue duquel le présent amendement a été rejeté à la quasi-unanimité, ce qui n’est tout de même pas si fréquent.
Je n’insiste pas sur le fait que le droit de préemption est strictement encadré : cela a été amplement démontré. Je souhaite simplement souligner que le notaire qui transmet la déclaration d’intention d’aliéner n’est pas tenu de désigner le candidat à l’acquisition. Ainsi, aujourd'hui, toute personne qui craint une suspicion de discrimination peut procéder à l’acquisition sans dévoiler son identité.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Une fois n’est pas coutume, je suis d’accord avec notre collègue Philippe Dallier. (M. Philippe Dallier s’exclame.) Il importe en effet de veiller à ce que l’exercice du droit de préemption ne devienne pas si risqué que certains maires ne l’emploient plus. Les élus locaux le savent bien, la mise en œuvre du droit de préemption suscite des mécontentements et des pressions.
Il peut aussi arriver que l’on soit amené à préempter pour de très bonnes raisons des terrains dont les propriétaires se trouvent avoir des noms à consonance étrangère, laissant présumer qu’ils sont originaires d’un pays musulman : j’ai été ainsi confrontée au cas de marchands de sommeil possédant des terrains qui ont été préemptés afin de préserver l’intérêt général.
M. Gérard Larcher. La rénovation d’un quartier, par exemple !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Si le maire peut être suspecté de discrimination, je vous garantis que ces personnes utiliseront systématiquement cet argument pour contester la préemption ! Ces marchands de sommeil auxquels j’ai eu affaire sont systématiquement venus dans mon bureau pour m’accuser de racisme ! Je ne crois pourtant pas être particulièrement suspecte à cet égard ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Si cette disposition avait existé, j’en suis sûre, ces personnes, qui sont souvent très bien conseillées sur le plan juridique, n’auraient pas manqué, chaque fois, de me traîner devant le tribunal !
Pour ma part, je considère que certains outils, en particulier l’anonymat, permettent de garantir l’absence de discrimination.
Mme Valérie Létard. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. En cette période un peu troublée où les discours extrémistes et racistes se font entendre sans vergogne, où les « bananes » et les « quenelles » pleuvent sur notre vie publique, deux précautions valent mieux qu’une. C’est pourquoi je soutiendrais volontiers à la fois l’anonymat et l’amendement d’Esther Benbassa. Il faut en effet que nous réglions ces questions une fois pour toutes.
À l’heure où la société française rencontre bien des problèmes, il est de notre devoir de montrer que le Sénat peut contribuer à les régler par des dispositifs simples, dont la motivation est claire. Si cet amendement n’est pas nécessaire parce qu’existe la possibilité de l’anonymat, tant mieux. Mais si cette disposition est nécessaire pour empêcher les détournements qui ont été évoqués, autant l’insérer dans le véhicule législatif approprié, et c’est le cas de celui-ci. Il ne pourra pas nous être objecté aujourd'hui que cet amendement est formidable, mais qu’il faudra attendre une prochaine loi. Non ! C’est le bon texte, c’est le bon amendement et c’est bon moment !
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Je voudrais simplement inviter la majorité à faire preuve de cohérence dans cette affaire.
Le Président de la République appelle à un choc de simplification. On ne cesse de nous annoncer des mesures destinées à faciliter l’obtention de permis de construire pour réaliser des objectifs que nous sommes bien loin d’atteindre, singulièrement en milieu urbain.
Bien souvent, je peux en témoigner, en zone urbanisée très dense, la seule possibilité pour les élus de lancer des opérations d’urbanisme est de mettre en œuvre le droit de préemption. Nous usons de ce droit avec beaucoup de précautions, cela a été rappelé.
Je retourne à Marie-Noëlle Lienemann le compliment qu’elle adressait à Philippe Dallier : pour une fois, je suis d’accord avec elle ! Les maires sont déjà souvent accusés de comportements racistes, par exemple au sujet de l’attribution de places en crèche, de logements. Alors, ce n’est pas la peine d’ouvrir de nouvelles possibilités de proférer de telles accusations…
Si l’on veut accélérer les opérations de construction de logements, notamment en secteur urbain, n’ajoutons pas de nouveaux obstacles ; ils sont déjà fort nombreux !
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur Cambon, si vous faites l’exégèse des propos du Président de la République, il faut les prendre dans leur ensemble.
M. Christian Cambon. Cela montre que je les écoute !
M. François Lamy, ministre délégué. Il faut donc aussi rappeler que, tant le 31 décembre dernier qu’hier lors de sa conférence de presse, le Président de la République a insisté sur le fait que la lutte contre les discriminations était un enjeu majeur pour notre pays et que nous devions nous doter des outils et des politiques nécessaires pour y mettre fin. Je pense que cet amendement s’inscrit dans cette perspective.
La lutte contre les discriminations est particulièrement compliquée à mener, nous le savons, celles-ci étant malheureusement, dans la plupart des cas, difficiles à prouver.
Le curriculum vitae anonyme, longtemps prôné pour lutter contre les discriminations à l’embauche, a été adopté sous la précédente législature, mais aucun décret d’application n’a vu le jour, précisément parce que c’est un dispositif très difficile à appliquer.
M. Philippe Dallier. Cela ne peut pas fonctionner : il faut bien organiser un entretien d’embauche !
M. François Lamy, ministre délégué. Il peut en effet très facilement être contourné : il suffit à l’employeur de convoquer ensuite les candidats à un entretien. Autrement dit, le CV anonyme ne protège pas des discriminations liées à l’apparence.
Malheureusement, monsieur Dallier, il en va de même de votre proposition.
M. Philippe Dallier. Mais non ! Pas s’il y a interdiction absolue de révéler l’identité !
M. François Lamy, ministre délégué. J’ai été maire pendant onze ans et je sais comment les choses se passent. Si vous interdisez au notaire de transmettre le nom du vendeur, vous ne pourrez pas empêcher tel directeur des services ou tel directeur de l’urbanisme, voire le maire, de le convoquer pour information.
M. Philippe Dallier. Alors, ce sera clair !
M. François Lamy, ministre délégué. Justement, non, monsieur Dallier, ce ne sera pas clair !
En ce domaine, la seule solution est de mettre progressivement en place un cadre législatif et de promouvoir de bonnes pratiques. Des mesures coercitives doivent être prises, mais aussi des mesures incitatives – on peut mener, par exemple, des campagnes d’information –, afin de lutter aussi bien contre les freins à l’embauche ou à l’accès au logement que contre les pratiques dénoncées par Mme Benbassa.
Mais je ne puis accepter que l’on s’oppose à la mesure proposée pour empêcher que des maires usent du droit de préemption à des fins de discrimination…
M. Christian Cambon. Aucun maire ne le fait, monsieur le ministre !
M. François Lamy, ministre délégué. … au motif que cela pourrait gêner les maires dans l’exercice de leur mandat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Sur la réalité des faits, monsieur Cambon, ce sera à la justice de trancher.
Contrairement à ce que dit M. Fortassin, la discrimination est strictement définie par la loi. Il existe actuellement dix-neuf cas ; le présent article prévoit d’en créer un vingtième : la discrimination en fonction du lieu de résidence. C’est un facteur de discrimination que, hélas, je connais bien, car il sévit dans tous les quartiers relevant de la politique de la ville, et c’est une véritable blessure pour les habitants de nos quartiers populaires. Ce nouveau critère opposable, adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, a également été adopté par votre commission ; je m’en félicite.
Je crois donc que votre assemblée s’honorerait en adoptant cet amendement, car il permettrait de faire progresser le droit. Bien sûr, nous ne réglerons pas totalement le problème des discriminations. Malheureusement, la loi, en quelque domaine que ce soit, ne supprime pas la délinquance. Elle permet toutefois de la réprimer chaque fois qu’un acte délictueux est prouvé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes au carrefour, sinon d’une contradiction, du moins d’une question juridique qui oppose les tenants de la sanction et ceux qui sont sensibles au danger d’en faire trop dans ce registre.
Je me garderai bien de décerner les bons et les mauvais points aux uns et aux autres, notamment les maires, selon qu’ils seraient plus ou moins républicains. Ce débat n’a pas lieu d’être, en tout cas pas au Sénat.
La commission a choisi en connaissance de cause de privilégier la réalité à laquelle sont confrontés les maires. C’est la raison pour laquelle elle a voté sans ambiguïté, à la quasi-unanimité, contre cet amendement. Par cohérence, j’émettrai le même vote en séance publique. (Très bien ! sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Roland Courteau. Évidemment !
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Tout d’abord, il ne s’agit pas ici de distribuer des bons points et des mauvais points. Simplement, on ne lutte jamais assez contre les discriminations !
Un sénateur du groupe socialiste. Mais il faut le faire intelligemment !
Mme Esther Benbassa. Or je constate que tout le monde s’enflamme sur cet amendement !
Essayons, pour une fois, de donner un sens à l’adjectif « républicain » et de ne pas obéir d’abord aux intérêts électoraux ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
Madame Lienemann, excusez-moi, mais est-ce vous connaissez des marchands de sommeil qui achètent des terrains pour construire des immeubles ? (Exclamations sur les mêmes travées.)
M. Philippe Dallier. Si vous étiez maire, vous le sauriez !
Mme Esther Benbassa. Ils mettent plutôt leurs « locataires » dans des hangars ou des hôtels sordides !
Mais je vous laisse assumer votre vote !
M. Christian Cambon. Si vous étiez maire, vous ne parleriez pas ainsi !
Mme Esther Benbassa. J’en ai assez de cet argument ! Arrêtez de considérer que ceux qui ne cumulent pas les mandats ne seraient pas de bons sénateurs, contrairement à ceux qui cumulent ! (Nouvelles exclamations.)
M. Christian Cambon. Respectez-les, au moins !
Mme Esther Benbassa. Moi, je ne veux pas cumuler !
M. le président. Gardons notre calme, mes chers collègues !
La parole est à M. René Garrec, pour explication de vote.
M. René Garrec. Nous savons que le droit pénal est d’interprétation restrictive, et c’est bien la lecture qu’en fait la Cour de cassation.
Nous nous gardons généralement, en particulier en commission des lois, de créer une sanction pénale chaque fois qu’un problème apparaît.
Mme Benbassa soulève, à juste titre, un problème de fond. Tous les Français doivent logiquement pouvoir accéder à un logement. Un maire qui utiliserait ses pouvoirs pour biaiser la loi est punissable. Je ne puis cependant accepter, en tant que juriste, qu’on prévoie pour un tel délit, comme vous le proposez, madame, cinq ans d’emprisonnement, c'est-à-dire autant que pour un vol aggravé, de nuit, avec violences. Avec cinq ans d’emprisonnement, on est tout de même à la limite du crime ! En l’occurrence, une telle sanction me paraît exorbitante.
De surcroît, je ne pense pas que ce soit avec des sanctions pénales que l’on réglera ce type de problème. Les maires sont déjà tellement pénalisés et sanctionnés… Je n’ai jamais été maire, mais mon épouse a eu le courage de l’être et je lui en rends grâces. Il s’agit d’un problème de société et nous devons le régler autrement qu’en prévoyant des peines aussi lourdes.
La France est une République laïque. On me l’explique maintenant tous les mardis, lors des réunions de l’Observatoire de la laïcité, puisque vous m’avez désigné pour y siéger, mes chers collègues. J’y apprends beaucoup de choses, mais cela ne change rien à ma conviction : on ne peut faire encourir à un maire une sanction pénale qui relève pratiquement d’une infraction criminelle pour avoir abusé, volontairement ou non, de sa position.
Ma chère collègue, vous avez raison sur le fond, mais la pénalité encourue me paraît beaucoup trop lourde. C’est la raison pour laquelle je suivrai la position de la commission.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10 A.
(L'article 10 A est adopté.)
Article additionnel après l'article 10 A
M. le président. L'amendement n° 78 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 10 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 117-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen » sont remplacés par les mots : « ressortissants étrangers » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « d’au moins soixante ans en cas d’inaptitude au travail » sont remplacés par les mots : « de l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale en cas d’inaptitude au travail au sens de l’article L. 351-7 du même code » ;
3° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – qui ont fait valoir les droits aux pensions personnelles de retraite auxquels ils peuvent prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales ; »
4° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette condition n’est pas applicable aux ressortissants d’un État membre de l’Union européenne, d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui remplissent les conditions prévues au premier alinéa de l’article L. 262-6 du présent code ; »
5° Au cinquième alinéa, les mots : « un logement à usage locatif dont les bailleurs s’engagent à respecter certaines obligations dans le cadre de conventions conclues avec l’État » sont remplacés par les mots : « une résidence sociale » ;
6° Le septième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le respect de cette condition est apprécié sur une période de deux années à compter de l’attribution ou du renouvellement de l’aide » ;
7° Le douzième alinéa est supprimé ;
8° Au quinzième alinéa, après le mot : « calcul », sont insérés les mots : « , de service ».
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Cet amendement vise à mettre en œuvre les préconisations de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les immigrés âgés, mission dont le président était M. Denis Jacquat, député de Moselle, et le rapporteur, M. Alexis Bachelay, député des Hauts-de-Seine.
Les travaux de cette mission d’information ont consisté à rechercher les moyens d’améliorer la situation des immigrés retraités dans notre pays. Comme vous le savez, la loi DALO a permis à ceux de ces immigrés étrangers qui disposent de faibles ressources d’effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine et de profiter ainsi d’un rapprochement familial. Une aide financière spécifique a été instituée : l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine, dont étaient susceptibles de bénéficier environ 35 000 personnes sur notre territoire.
Or la mise en place de cette aide nécessitait des mesures réglementaires qui n’ont pu être prises en raison d’obstacles juridiques importants. Cet amendement, conformément aux conclusions du rapport de la mission d’information précédemment évoquée, vise à permettre l’instauration effective de cette aide par décret.
Tous ceux qui, dans nos quartiers populaires, connaissent ceux qu’on appelle les Chibani savent que ce sont des hommes d’une grande dignité. J’ai pu encore rencontrer trois d’entre eux la semaine dernière, à Clichy-sous-Bois. Ils ont remercié la France et nous leur avons, à notre tour, dit notre gratitude d’avoir œuvré au développement économique de notre pays durant les Trente Glorieuses.
Je crois que l’adoption de cette mesure serait un témoignage de la reconnaissance de la République envers ces 35 000 personnes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. La commission est évidemment favorable à cet amendement, qui fait honneur non seulement au texte, mais aussi à la France.
On parle beaucoup, et à juste titre, des jeunes, mais je crois qu’il est important qu’une loi s’intéresse à ces retraités, à ces personnes âgées d’origine immigrée qui se trouvent souvent dans des situations extrêmement difficiles. Il s’agit là d’un signe de reconnaissance particulièrement fort.
Un tel dispositif figurait dans la loi DALO, mais il n’avait pu être mis en œuvre. Je crois que cet amendement fera date dans l’histoire des quartiers. À titre personnel, je tiens à vous en remercier, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Notre groupe soutiendra bien entendu cet amendement.
Voilà quelques années, Jean-Louis Borloo avait défendu une disposition similaire et avait dû se battre très longtemps pour qu’un décret puisse voir le jour (M. le ministre et M. le rapporteur acquiescent.). Toutefois, en raison d’un problème constitutionnel, il était nécessaire de redéfinir les modalités législatives permettant de rendre enfin justice à ces Chibani.
Le groupe UDI-UC soutiendra collectivement cet amendement, qui traduit dans les faits une disposition attendue depuis trop longtemps. Espérons que les décrets permettant sa mise en œuvre effective seront pris rapidement.
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Le groupe UMP, s’il veut bien me suivre, soutiendra également cet amendement attendu depuis longtemps et dont je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 10 A.
J’observe que l’amendement n° 78 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 10
Le code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° A Le onzième alinéa de l’article L. 302-1 est ainsi rédigé :
« – les actions et opérations de rénovation urbaine et de renouvellement urbain, notamment celles mentionnées par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, impliquant la démolition et la reconstruction de logements sociaux, la démolition de logements situés dans des copropriétés dégradées, assorties d’un plan de revalorisation du patrimoine conservé et des mesures envisagées pour améliorer la qualité urbaine des quartiers intéressés et des services offerts aux habitants ainsi que de la prise en compte du relogement des habitants et des objectifs des politiques de peuplement ; »
1° B Après le b de l’article L. 302-4, il est inséré un c ainsi rédigé :
« c) Pour prendre en compte les objectifs des projets de rénovation urbaine et de renouvellement urbain mentionnés par la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine. » ;
1° Le d de l’article L. 313-3 est complété par les mots : « et du nouveau programme national de renouvellement urbain » ;
2° Les articles L. 441-3, L. 442-3-1 et L. 482-1 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :
« Ces dispositions demeurent non applicables aux locataires bénéficiant de cet avantage et résidant, au plus tard le 31 décembre 2014, dans les quartiers classés en zones urbaines sensibles qui n’auront pas été classés, à compter du 1er janvier 2015, en quartiers prioritaires de la politique de la ville. » ;
3° Le III des articles L. 442-3-3 et L. 482-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il demeure non applicable aux locataires bénéficiant de cet avantage et résidant, au plus tard le 31 décembre 2014, dans les quartiers classés en zones urbaines sensibles qui n’auront pas été classés, à compter du 1er janvier 2015, en quartiers prioritaires de la politique de la ville. »
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par Mme Schurch, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 7 à 10
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° Après le mot : « territoire », la fin du dernier alinéa de l'article L. 441-3 est ainsi rédigée : « dans les communes comprenant une zone urbaine sensible qui n'aura pas été classée, à compter du 1er janvier 2015, en quartier prioritaire de la politique de la ville, ainsi que dans les communes signataires d'un contrat de ville tel que défini à l'article 5 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. »
La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. L’article 10 traite d’une question importante, celle des surloyers.
Le projet de loi prévoit de maintenir l’exonération du surloyer dans les ZUS sortant de la géographie prioritaire. Il s’agit d’une excellente mesure, mais nous considérons qu’elle est insuffisante.
En effet, une telle disposition introduit une inégalité entre locataires : seuls ceux résidant en ZUS avant 2014 seraient exonérés, les nouveaux locataires ne pouvant profiter de cet avantage qui aurait, dès lors, vocation à s’éteindre.
Lors des débats sur la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dite loi Boutin, ou encore très récemment lors des débats sur le projet de loi ALUR, nous nous sommes opposés au principe même du renforcement des surloyers, dont la logique conduit à vider le logement social de ses habitants ressortissant aux classes moyennes.
Nous estimons que le logement social n’a pas vocation à s’adresser uniquement aux personnes les plus exclues ou les plus en difficulté. Le renforcement de la mixité sociale, a fortiori dans les zones les plus fragiles, est le corollaire d’une politique de la ville réussie.
Par cet amendement, nous proposons non pas l’exonération du surloyer à la seule échelle d’un quartier, mais bien à l’échelle d’une ville signataire d’un contrat de ville. L’équilibre social doit être apprécié non uniquement à l’échelle d’un quartier, mais à l’échelle de la ville.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Le projet de loi prévoit que les habitants des ex-ZUS disposant d’une exonération continueront d’en profiter, ce qui me paraît extrêmement juste.
Ce que vous proposez, monsieur Favier, revient en quelque sorte à pérenniser le zonage : les nouveaux habitants d’une zone qui n’est plus prioritaire disposeraient, ad vitam aeternam, d’une exonération exorbitante du droit commun. Comment justifier de telles exonérations de surloyer ?
La commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour deux raisons.
Premièrement, si l’on commence à offrir les mêmes possibilités à des territoires hors zonage, la notion même de zonage perd son sens et l’avantage accordé aux quartiers prioritaires tombe.
Deuxièmement, il existe des territoires et des villes très contrastés, où se trouvent des quartiers en très grande difficulté et d’autres très riches ; j’ai un certain nombre d’exemples en tête. L’adoption de votre amendement reviendrait à exonérer du supplément de loyer de solidarité l’ensemble des locataires du territoire considéré, ce qui irait à l’encontre de l’objectif de mixité sociale.
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Vos explications, monsieur le ministre, me conduisent à retirer cet amendement. Je partage l’idée selon laquelle peuvent cohabiter, dans certaines villes, des quartiers en très grande difficulté et d’autres à la situation plus confortable.
Toutefois, le surloyer pose bien un problème : alors que nous avons besoin de maintenir un équilibre et d’assurer la mixité sociale dans l’ensemble des quartiers de nos villes, la mise en œuvre du surloyer conduit souvent des ménages plutôt moyens – il ne s’agit pas de gens bien riches – à quitter le logement social, et cela n’est pas sans conséquence sur les quartiers en difficulté.
M. le président. L’amendement n° 22 est retiré.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 10 bis
(Non modifié)
L’article L. 445-1 du code de la construction et de l’habitation est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cet énoncé comporte les mesures d’information à l’égard des locataires en cas de vente, cession ou fusion ; »
2° Après le même alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – les modalités de la concertation locative avec les locataires, dans le cadre fixé à l’article 44 bis de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 précitée ; »
3° À la dernière phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « neuvième » est remplacé par le mot : « dixième ». – (Adopté.)
Article 11
(Non modifié)
Au premier alinéa du I de l’article L. 131-4-2 du code de la sécurité sociale, les mots : « dans les zones de redynamisation urbaine définies au A du 3 de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire et » sont supprimés. – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par MM. Bécot et César, Mme Lamure et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par Mmes Jouanno et Létard, MM. Tandonnet, Guerriau et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Deneux, Dubois et Vanlerenberghe.
L'amendement n° 64 est présenté par Mmes Benbassa et Archimbaud, MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L.133-5-4 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorités organisatrices de la mobilité peuvent recevoir la partie de ces données relative à la description de la mobilité domicile-travail des salariés ou assimilés qui habitent ou travaillent à l’intérieur de leurs périmètres de compétence, selon des modalités définies par décret, pour l’application de l’article L. 1231-8 du code des transports, sans préjudice de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et aux fins de mise en œuvre de programmes d’informations mentionnés à l’article L. 221-7 du code de l’énergie. »
La parole est à M. Michel Bécot, pour défendre l’amendement n° 1.
M. Michel Bécot. Cet amendement vise à compléter l’article L.133-5-4 du code de la sécurité sociale en permettant d’élargir la liste possible des destinataires de la déclaration annuelle des données sociales aux autorités organisatrices de la mobilité, afin de leur permettre de préparer et déployer, dans le respect de la vie privée et des libertés individuelles, des campagnes d’information personnalisées à l’intention de certaines catégories ciblées de la population active, pour encourager, sur ce segment, la mobilité domicile-travail.
Ces campagnes d’information ciblées vers les habitants des quartiers prioritaires de la ville permettraient d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales d’accès à l’emploi.
Je précise que cette modification législative a été suggérée par la CNIL, en réponse à une interrogation de collectivités territoriales.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour présenter l'amendement n° 30 rectifié.
Mme Chantal Jouanno. Un amendement similaire avait été présenté, me semble-t-il, par nos collègues du groupe écologiste lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Comme vient de l’expliquer M. Bécot, la mise à disposition des données sociales annuelles pour les autorités organisatrices de transport, uniquement en ce qui concerne les déplacements domicile-travail, est un point fondamental.
M. Bécot l’a également dit, une telle disposition avait été suggérée par la CNIL.
Elle permettrait, par exemple, de développer un système local pertinent de covoiturage, d’auto-partage ou de tout autre type de transport qui ne soit pas uniquement collectif.
Sont ici en jeu des questions d’accessibilité et de pouvoir d’achat des urbains. Vous n’ignorez pas que les dépenses d’énergie et de transport peuvent dépasser 50 % des dépenses contraintes des catégories les plus défavorisées.
J’ajoute que cette disposition correspond aussi à une recommandation de l’ADEME dans sa feuille de route à l’horizon 2050 sur la mobilité, laquelle constate que toutes les évolutions techniques et technologiques dans l’ensemble des systèmes de transport public ne permettront pas de résoudre tous les problèmes liés aux déplacements, et notamment de réduire suffisamment la demande énergétique, et que ce n’est qu’à travers une meilleure organisation des transports que nous y parviendrons.
Il ne s’agit que d’une première étape, mais elle est nécessaire.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 64.
Mme Esther Benbassa. Cet amendement vise à élargir la liste possible des destinataires de la déclaration annuelle des données sociales aux autorités organisatrices de la mobilité, afin de leur permettre de préparer et déployer, dans le respect de la vie privée et des libertés individuelles, des campagnes d’information personnalisées et contextuelles à l’intention de certaines catégories ciblées de la population active, pour encourager, sur le segment de la mobilité domicile-travail, le report modal des automobilistes vers l’usage des services publics ou mis à disposition du public – transport public urbain, transport à la demande, covoiturage, location de vélo – visés au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.
Cette modification législative a été suggérée par la CNIL en réponse à une interrogation émise par des collectivités territoriales.
L’usage étant que les destinataires des déclarations sociales participent au coût mutualisé d’administration centralisée des données, l’élargissement de la liste des destinataires aux autorités organisatrices de la mobilité se traduira par une diminution du coût de fonctionnement pour les organismes de la sécurité sociale.
Les auteurs du présent amendement rappellent qu’un amendement similaire avait été adopté par le Sénat lors des récents débats sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. On ne peut qu’approuver, bien sûr, la promotion des transports publics urbains, du covoiturage, ou encore du déplacement à la demande. Cependant, il me semble que nous disposons déjà des outils permettant d’organiser ces différents modes de transport. J’ai eu l’occasion de le faire en tant que maire d’une petite agglomération, échelon où l’on peut disposer de plans de déplacements d’entreprise ou d’enquêtes sur les déplacements, par exemple. Personnellement, donc, je n’ai jamais manqué d’éléments pour organiser les déplacements, même si cela n’était pas chose aisée. Par conséquent, le transfert de données auquel tendent ces amendements ne me semble pas nécessaire.
En outre, une chose m’inquiète : si l’on permet aux autorités organisatrices de transport, ou AOT, qui le demandent d’obtenir les renseignements personnels en question, que répondra-t-on à d’autres autorités, qui auront d’aussi bonnes raisons de les demander ? Nous ne pourrions plus leur refuser ce droit ! En effet, on peut imaginer, par exemple, que l’élaboration d’un schéma hospitalier ou d’une carte judiciaire requière les mêmes informations.
Pour toutes ces raisons, la commission demande aux auteurs de ces trois amendements identiques de bien vouloir les retirer. À défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Un amendement analogue a déjà été présenté lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dit « projet de loi MAPAM », et lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, comme vous l’avez souligné, madame la sénatrice. Chaque fois, le Gouvernement a émis un avis défavorable.
Comme l’a dit M. le rapporteur, l’intention des auteurs de ces trois amendements est bonne. Il s’agit en effet de se doter de nouvelles possibilités pour promouvoir les modes de déplacement alternatifs.
Néanmoins, les moyens utilisés pour ce faire posent problème. Le dispositif retenu entraînerait un risque réel d’atteinte au respect de la vie privée et de violation de la loi Informatique et libertés. En effet, il tend à donner aux autorités organisatrices de transport une partie des informations des fichiers des déclarations annuelles des données sociales. Le caractère intrusif de cette démarche pourrait être mal perçu par un certain nombre d’usagers, qui recevraient, sans aucune demande de leur part, une offre de mise en relation.
C’est pourquoi le Gouvernement émet, une fois encore, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cet amendement me semble fort judicieux. J’ai essayé de mettre sur pied un service de transport à la demande. J’ai pu constater à cette occasion qu’il était particulièrement difficile d’obtenir certaines informations.
Une telle disposition aurait l’avantage de permettre une coordination dans ce domaine, qui souffre, on le voit bien, d’une répartition des compétences complètement diffuse. Les autorités organisatrices de transport peuvent être les agglomérations ou les communautés de communes disposant d’un périmètre de transport urbain – PTU –, les départements pour les transports extra-muros – le transport scolaire, par exemple – ou, enfin, la région quand le déplacement est interrégional.
La meilleure solution ne viendra pas nécessairement de la répartition des compétences, sujet qui a été longuement évoqué hier, au cours de la conférence de presse de M. le Président de la République : elle viendra des acteurs de terrain, car ils connaissent bien les éléments susceptibles de rendre service à l’usager. Selon moi, à travers le dispositif proposé, nous pourrons bénéficier des éléments nécessaires pour prendre des responsabilités.
Cela a été mentionné, ce dispositif offre également l’avantage de nous permettre d’agir en faveur du développement durable, ou encore de promouvoir l’intermodalité, les déplacements se faisant souvent par différents modes de transport. Il pourrait, en outre, servir au transport des personnes handicapées. En effet, on essaye de mettre en place des transports spécifiques pour les personnes à mobilité réduite. Par rapport à l’adaptation des transports en commun, il s’agit d’un vrai débat, qui devra bientôt être remis à l’ordre du jour.
Enfin, mes chers collègues, il y a tout de même un coût ! Si on arrive à rationaliser, cela coûtera moins cher pour les usagers comme pour les contribuables ; tout le monde s’y retrouverait ! Encore faut-il, pour ce faire, disposer des éléments nécessaires afin de mettre sur pied une telle organisation. C’est ce à quoi tend cet amendement, pour le milieu urbain, comme pour le milieu rural car je suppose que le dispositif pourrait lui être étendu.
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.
M. Daniel Raoul. Je ne me prononcerai pas sur l’objectif visé. Dans le contexte actuel de la protection des données personnelles, je suis très réticent à l’idée de distribuer des parties de fichiers à des AOT, qui, d’ailleurs, font souvent appel à des sous-traitants privés, dans le cadre d’une délégation de service public.
Indépendamment de ces problèmes, je tiens à vous faire part, mes chers collègues, des difficultés que nous avons éprouvées, dans la ville dont je suis l’élu, afin de pouvoir disposer d’une carte dite « A’tout ». Il s’agit d’une carte multi-usage, qui donne accès à la bibliothèque, à la piscine, entre autres lieux. Il a fallu démontrer, grâce à la mise au point d’un logiciel très sophistiqué, qu’il était impossible d’établir un lien entre l’usager de la bibliothèque et l’usager de la piscine, même s’il s’agit de la même personne. En effet, nous ne devons pas connaître les trajets domicile-travail, ou domicile-loisir, réalisés par cette personne.
À l’heure où se tiennent des négociations entre les États-Unis et l’Europe au sujet, notamment, de la protection des données personnelles, je vous laisse imaginer, mes chers collègues, les usages aussi bien publicitaires que mercantiles qui pourraient être faits de ces données. Cela m’inquiète beaucoup.
Les collectivités territoriales ont déjà à leur disposition des plans de déplacements urbains, ou PDU, des périmètres de transport urbain, ou PTU, ou encore des plans de déplacements d’entreprise. Au sein des zones d’activités, des clubs se mettent en place, le covoiturage est encouragé, des véhicules de type Autolib’, ou autre, sont proposés à la location, et le transport multimodal est promu. Cela me paraît préférable au fait de livrer des données personnelles, dont nous ne maîtriserions pas l’utilisation.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Ce débat est vraiment intéressant, même si a priori il n’a peut-être pas la même ampleur que celui qui nous a occupés il y a un instant.
Si un amendement analogue avait été rejeté au cours de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, c’est parce qu’il avait été considéré comme un cavalier législatif. Nous n’avions donc pas discuté du fond du sujet.
Le dispositif prévu par cet amendement offre un avantage environnemental indéniable. En effet, la multimodalité évoquée à l’instant par le président Daniel Raoul ne suffira pas. C’est tout l’intérêt du rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, sur la mobilité à l’horizon 2050 : pour que la multimodalité soit efficace, il faut pouvoir donner à chacun la possibilité d’emprunter tous les moyens de transports, ce qui suppose de calculer le temps de parcours, mais aussi le coût du transport par déplacement. Il s’agit également bien sûr de déterminer le prix du parcours en fonction de la situation sociale des individus.
Ce dispositif de mise à disposition des données personnelles aux AOT existe dans d’autres pays : cela fonctionne ! Vous évoquez, monsieur le président de la commission, le risque de l’atteinte aux données personnelles que ce dispositif entraînerait. Vous mentionnez d’ailleurs, très justement, les négociations pour l’accord transatlantique : on s’est beaucoup focalisé sur la question culturelle, mais l’enjeu en matière de protection des données personnelles – sujet sur lequel Catherine Morin-Desailly est en pointe – est énorme.
Ces amendements reprennent une suggestion faite par la CNIL elle-même, qui a estimé que cette mesure n’entraînerait pas de risque d’atteinte aux données personnelles, son objectif étant d’intérêt général. Il me semble, mes chers collègues, que l’avis de la CNIL fait autorité en la matière !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1, 30 rectifié et 64.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas les amendements.)
Mme Chantal Jouanno. C’est bien dommage !
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Dallier, Bécot et Bizet, Mmes Boog, Bruguière et Cayeux, MM. Chatillon, Couderc, Ferrand, B. Fournier, Grignon, Houel et Karoutchi, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lefèvre, Leleux, P. Leroy et Milon, Mme Procaccia et M. Trillard, est ainsi libellé :
Après l’article 11
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278 sexies du code général des impôts est complété par un 11 bis ainsi rédigé :
« 11 bis. Les opérations réalisées en application d’un traité de concession d’aménagement défini à l’article L. 300–5 du code de l’urbanisme dans le cadre d’une convention prévue à l’article 10 de la loi n° 2003–710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, et situés dans des quartiers faisant l’objet d’une convention prévue au même article 10 ou entièrement situés à une distance de moins de 500 mètres de la limite de ces quartiers ; ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. On ne pourra pas dire que je n’ai pas de suite dans les idées : c’est la troisième fois que je présente cet amendement ! Les deux premières fois, lors des discussions du projet de loi de finances pour 2014 et du projet de loi de finances rectificative pour 2013, j’avais comme interlocuteur un ministre de Bercy. Autant dire que les réponses étaient essentiellement…
M. Philippe Dallier. Cela, je n’en jugerai pas, monsieur le ministre ! (Nouveaux sourires.) Je crains seulement que les ministres en question n’aient porté sur le problème que je soulève un regard budgétaire, ce que, d’une certaine façon, je peux comprendre. Or vous êtes, monsieur le ministre, chargé de la ville. Je tenais donc à vous interpeller sur ce sujet, qui me semble important.
Il y a quelques années, le programme national de rénovation urbaine a été mis en place. Nous avons ensuite permis l’application d’un taux réduit de TVA pour la construction de logements en accession sociale aux abords des zones d’action de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, dites « zones ANRU ». L’objectif était de promouvoir la mixité sociale dans le périmètre de ces zones – chose ô combien difficile ! –, mais aussi de favoriser l’accession à la propriété à leur abord, à un prix inférieur à ce qui pouvait se pratiquer ailleurs.
Le périmètre concerné était compris dans un rayon de 500 mètres autour des zones ANRU. À mon sens, le système fonctionnait plutôt bien. Il y avait peut-être quelques excès à certains endroits, mais cela arrive toujours quand on trace un périmètre !
Certaines communes, au moment d’établir leur projet ANRU, ont contractualisé avec un aménageur, à qui elles ont confié la responsabilité de la zone ANRU et du périmètre alentour. Des villes ont donc signé des conventions sur des bases connues, avec, pour l’aménageur, un potentiel de construction en logement social intermédiaire ou en accession à la propriété. Et voilà que, pour des raisons budgétaires, on vient chambouler la donne, en limitant à 300 mètres le périmètre au sein duquel peut s’appliquer le taux réduit de TVA. Cela me semble tout à fait regrettable.
Cet amendement tend à revenir au périmètre de 500 mètres uniquement dans les cas où la collectivité a déjà contractualisé avec un aménageur, et où l’équilibre de la concession avait été calculé en tenant compte du taux de TVA réduit sur ce périmètre.
Vous êtes, monsieur le ministre, chargé de la ville. J’imagine que la notion de mixité sociale aux abords des zones ANRU doit vous parler plus qu’à vos collègues de Bercy, Bernard Cazeneuve et Pierre Moscovici, que je n’avais pas réussi à convaincre. Je serai donc heureux de vous entendre sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Claude Dilain, rapporteur. Mon cher collègue, vous n’êtes pas parvenu à convaincre la commission. (Sourires.)
En effet, le dispositif relatif aux 300 mètres prévu par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, même s’il ne vous satisfait pas entièrement, instaure une forme de transition géographique qui nous paraît correcte.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Lamy, ministre délégué. Monsieur Dallier, vous allez pouvoir constater la cohérence gouvernementale.
Je partage totalement l’avis de mon collègue ministre du budget, qui, avant d’occuper ses fonctions actuelles, était député-maire de Cherbourg, ville qui a connu de grandes difficultés. M. Cazeneuve connaît la politique de la ville ; il y a une zone urbaine sensible et une zone franche urbaine sur son territoire. Nous discutons souvent de ces sujets ensemble.
C'est d’ailleurs la raison pour laquelle il a été décidé en loi de finances de maintenir le taux réduit sur la zone de 500 mètres pour les concessions déjà signées, donc pour les projets ANRU en cours.
M. Philippe Dallier. Non !
M. François Lamy, ministre délégué. Mais si ! Il n’y a aucune difficulté pour les projets en cours de réalisation.
En revanche, le Gouvernement a effectivement fait un choix différent pour les opérations nouvelles, pour deux raisons. D’une part, nous voulons éviter les abus, tout en répondant à l’objectif de mixité sociale. D’autre part, nous avons le souci – j’ai cru comprendre que c’était également le vôtre – d’économiser les deniers publics. Il nous semble donc suffisant de ramener le taux réduit de TVA de 7 % à 5,5 % dans les zones de 300 mètres.
Si cet amendement, qui nous paraît satisfait, était maintenu, l’avis du Gouvernement serait défavorable.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Mon amendement n’est à l’évidence pas satisfait.
Monsieur le ministre, la première partie de votre réponse est tout simplement erronée.
C’est mon collègue Daniel Goldberg, député de Seine-Saint-Denis, qui a fait insérer par voie d’amendement, après la commission mixte paritaire, un alinéa prévoyant, certes, le maintien du taux réduit aux opérations réalisées en application d’un traité de concession ou d’aménagement, mais seulement pour les permis de construire signés avant la date du 31 décembre 2013, et non au-delà.
Pour ma part, je vous propose d’aller jusqu’au terme de la convention ANRU. Cela obéit tout de même à une certaine logique : ceux qui se sont engagés dans des projets ANRU se sont engagés sur des actions à mener non seulement au sein du périmètre ANRU, mais également dans les zones juste autour.
Il est vraiment regrettable que l’État chamboule une nouvelle fois la règle du jeu. Je propose le maintien des 500 mètres non pas partout, mais uniquement dans les périmètres des concessions et jusqu’au terme de la convention ANRU. Le champ d’application de mon amendement est donc fortement limité.
Certes, une telle mesure aura effectivement un coût – cela n’aurait aucun sens de le nier –, mais qui sera nettement inférieur au gain résultant du passage de 500 mètres à 300 mètres hors du périmètre des concessions d’aménagement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 12
(Non modifié)
Le premier alinéa de l’article 722 bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les mots : « dans les zones de redynamisation urbaine et » sont supprimés ;
2° Les mots : « respectivement aux A et » sont remplacés par le mot : « au ». – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 12
M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l’article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le septième alinéa de l’article L. 1435–1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« L’agence contribue à la réalisation des objectifs de la politique de la ville définis à l’article 1er de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. À ce titre, elle est associée à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des contrats de ville prévus à l’article 5 de la même loi et en est signataire. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Nous sommes, me semble-t-il, tous d'accord pour que les agences régionales signent les contrats de ville, la santé étant une problématique majeure.
Ces agences étaient habilitées à élaborer et à mettre en œuvre les contrats de ville par l’article 1er de la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, que nous avons supprimé.
La commission propose donc de rétablir la possibilité pour ces agences de signer les contrats de ville.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 12.
Article 12 bis
(Non modifié)
À la première phrase du douzième alinéa de l’article L. 120-2 du code du service national, les mots : « l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, » sont supprimés à compter du 1er janvier 2015.
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Nous vous proposons de supprimer l’article 12 bis, par cohérence avec la dissolution de l’ACSÉ et avec le regroupement d’un certain nombre de dispositions à l’article 9 ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 12 bis est supprimé.
Article 12 ter
I. – L’article L. 325–1 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée :
« Il a pour objet de favoriser l’aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires retenus au titre du programme national de requalification des quartiers anciens dégradés mentionné à l’article 25 de la loi n° 2009–323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si la requalification des quartiers ou des territoires définis au troisième alinéa le nécessite, l’établissement peut intervenir à proximité de ceux-ci. »
II. – Les actions et opérations définies au troisième alinéa de l’article L. 325–1 du code de l’urbanisme ayant fait l’objet d’une décision du conseil d’administration de l’établissement antérieurement à la date de publication du décret prévu au II de l’article 4 de la présente loi et précédemment classées en zone urbaine sensible ou situées dans les territoires ciblés par un contrat urbain de cohésion sociale sont menées à leur terme par l’établissement. – (Adopté.)
Article 13
I. – (Non modifié) Pour l’application de la présente loi à Saint-Martin, les références aux communes, à leurs groupements et aux établissements publics de coopération intercommunale et les références aux régions et aux départements sont remplacées par les références à la collectivité et à ses établissements publics.
II. – Les articles 8 à 10, 12 et le 4° du I de l’article 17 ne sont pas applicables à Saint-Martin.
M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
II – Les articles 2 bis, 8, 9, 10, 10 bis, 12 et 12 ter et le 4° du I de l’article 17 ne sont pas applicables à Saint-Martin.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. C’est un amendement de coordination, relatif à Saint-Martin.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
I. – Les articles 1er, 4 et 7 et les 2°, 3° et 6° de l’article 8 sont applicables en Polynésie française.
Pour l’application en Polynésie française de la seconde phrase du vingt-et-unième alinéa de l’article L. 2313–1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant du 2° de l’article 8 de la présente loi, les mots : « les départements et les régions » sont remplacés par les mots : « la Polynésie française ».
II. – (Non modifié) L’article 5 est applicable en Polynésie française, sous réserve des adaptations suivantes :
1° Au premier alinéa du I, après les mots : « d’autre part, », sont insérés les mots : « la Polynésie française, » ;
2° Au deuxième alinéa du I, les mots : « les régions et les départements » sont remplacés par les mots : « la Polynésie française » ;
3° Le huitième alinéa du IV n’est pas applicable.
III et IV. – (Supprimés)
V. – Le titre Ier du livre VIII de la première partie du code général des collectivités territoriales est complété par un article L. 1811-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 1811-2. – Dans les communes et établissements publics de coopération intercommunale de la Polynésie française ayant conclu un contrat de ville défini à l’article 5 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, le maire et le président de l’établissement public de coopération intercommunale présentent à leurs assemblées délibérantes respectives un rapport sur la situation de la collectivité au regard de la politique de la ville, les actions qu’elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à améliorer cette situation. Ce rapport est débattu au sein du conseil municipal et du conseil communautaire. Son contenu et les modalités de son élaboration sont fixés par décret.
« Les éléments de ce rapport font l’objet d’une consultation préalable de la ou des coordinations citoyennes de quartier présentes sur le territoire. Le conseil municipal et le conseil communautaire sont informés du résultat de cette consultation lors de la présentation du rapport. »
M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. – Alinéas 1 et 2
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
I. – Les articles 1er, 4, 5 bis, 5 quater, 7, les 2°, 3° et 6° de l’article 8, les articles 9 bis et 9 ter, les I et III de l’article 10 A et l’article 12 bis sont applicables en Polynésie française.
II. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Au deuxième alinéa du I, les mots : « les régions et les départements ainsi que » sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. C’est un amendement de coordination, relatif à la Polynésie française.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
La référence aux zones urbaines sensibles est remplacée par la référence aux quartiers prioritaires de la politique de la ville dans toutes les dispositions législatives, à l’exception des dispositions suivantes :
– article 6 de la loi n° 2003–710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine ;
– dernier alinéa des articles L. 441–3, L. 442–3–1 et L. 482–1 du code de la construction et de l’habitation, dans leur rédaction résultant du 2° de l’article 10 de la présente loi ;
– dernier alinéa du III des articles L. 442–3–3 et L. 482–3 du même code, dans leur rédaction résultant du 3° de l’article 10 de la présente loi ;
– article L. 325–1 du code de l’urbanisme. – (Adopté.)
Article 16
(Non modifié)
L’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « zones urbaines sensibles » sont remplacés par les mots : « quartiers prioritaires de la politique de la ville, les zones franches urbaines, » ;
2° Le 3 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« 3. Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont définis à l’article 4 de la loi n° … du … de programmation pour la ville et la cohésion urbaine. » ;
b) Le A est abrogé ;
c) À la première phrase des premier, deuxième et dernier alinéas du B, les mots : « au regard des critères pris en compte pour la détermination des zones de redynamisation urbaine » sont supprimés. – (Adopté.)
Article 16 bis
(Supprimé)
Article 17
I. – Sont abrogés :
1° Les articles 1er et 2 de la loi n° 91-662 du 13 juillet 1991 d’orientation pour la ville ;
2° L’article 1er de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville ;
3° Les articles 1er à 3 et 5 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et l’annexe 1 à la même loi ;
4° L’article 1518 A ter du code général des impôts. Les délibérations des collectivités territoriales prises en application de ce même article cessent de produire leurs effets ;
5° (Supprimé)
6° La section 6 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’action sociale et des familles.
II (nouveau). – 1. Au quatrième alinéa de l’article L. 422–2 du code de la construction et de l’habitation, les mots : « telle que définie à l’article 1er de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville » sont supprimés.
2. À la dernière phrase de l’article L. 117–2 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « les établissements publics visés aux articles L. 121–13 et L. 121–14 » sont remplacés par les mots : « l’établissement public visé à l’article L. 121–13 ».
M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. C’est un amendement de coordination avec la suppression de l’ACSÉ.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
I. – Le a et le dernier alinéa du b du 1° du I de l’article 2, les 2° et 3° de l’article 10, les articles 12 ter et 15 et les 1° et a du 2° de l’article 16 entrent en vigueur à la date fixée par le décret en Conseil d’État mentionné au I de l’article 4 et au plus tard le 1er janvier 2015.
II. – (Suppression maintenue)
III. – Les b et c du 2° de l’article 16 et le 6° de l’article 17 entrent en vigueur le 1er janvier 2015.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et le 6° de l'article 17
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. C’est un amendement de coordination avec la suppression de l’ACSÉ.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.
(L'article 18 est adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au cours de la discussion générale, j’avais indiqué que le jugement de notre groupe sur ce projet de loi était « partagé ».
Nous devons bien reconnaître que certaines dispositions sont nécessaires. Je pense notamment à la prolongation de l’actuel programme national de l’habitat jusqu’à la fin de l’année 2014 ou à la création du nouveau programme de renouvellement urbain pour la période 2014–2024. Je mentionne également l’élaboration des nouveaux principes guidant la redéfinition de la géographie d’intervention de la politique de la ville, qui figure à l’article 4.
Bien entendu, on peut toujours épiloguer sur l’existence d’un seul critère, le fameux « écart de développement économique et social », jugé à partir du revenu des habitants. Mais on trouvera des experts pour nous dire que ce critère est suffisant et fait gagner en lisibilité tandis que d’autres évoqueront des insuffisances.
En définitive, comme je le soulignais lors de la discussion générale, l’article 4 témoigne d’une réelle volonté de simplification.
La superposition des ZUS et des contrats urbains de cohésion sociale nuisait à la politique de la ville. Les contrats de ville sont donc une avancée certaine, à une exception près ; j’y reviendrai plus tard.
Vous proposez la suppression de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, manifestant là une volonté certaine de ne pas multiplier les interlocuteurs. Cependant, chacun reconnaîtra que cette agence avait su trouver sa place après seulement quelques années d’existence. Cette suppression suscite d’ailleurs de vives interrogations sur l’avenir du programme de réussite éducative, des internats d’excellence ou des écoles de la deuxième chance.
J’en viens à la géographie prioritaire. Nous ne contestons pas le critère principal du revenu des habitants. Mais, vous le comprendrez, nous ne pouvons pas apporter une quelconque caution à un texte dont nous ne pouvons pas présager les conséquences sur nos collectivités du fait de la non-publication de la liste des quartiers prioritaires, omission d’autant plus dommageable que vous vous étiez engagé à rendre public ce document, monsieur le ministre.
Malheureusement, les circonstances font que la liste sera connue après les municipales. Voilà une chronologie pour le moins suspecte ! (M. le ministre sourit.)
Notre dernière source d’interrogation concerne l’application des contrats de ville à l’échelle des grandes agglomérations, notamment des métropoles.
Le projet prévoit que les contrats de ville soient conclus à l’échelle intercommunale. Pourquoi pas ? Mais le Gouvernement a lui-même admis des limites à ce niveau de gouvernance, d’abord pour l’Île-de-France, puis pour l’ensemble des métropoles issues de la loi éponyme, en prévoyant que les préfets puissent proposer des contrats de ville sur des périmètres différents de ceux des établissements publics de coopération intercommunale.
L’amendement du Gouvernement n’est malheureusement pas satisfaisant, car il ne revient pas sur le point le plus problématique pour les élus : c’est le représentant de l’État dans la région, donc l’État, qui aura la mainmise sur le périmètre du contrat de ville.
Nous admettons tous que de réels efforts de simplifications ont été entrepris. Je remercie M. le ministre, M. le rapporteur et un certain nombre de membres de la commission de leur écoute ; nous n’avons pas toujours été entendus, mais nous avons au moins de temps en temps eu le sentiment d’être écoutés.
Les membres du groupe UMP ne peuvent pas se résoudre à voter en faveur du projet de loi, pour les raisons que j’ai développées. Par conséquent, nous nous abstiendrons.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre débat constructif a – j’ai la faiblesse de le penser – fait la démonstration que les sénateurs savent de quoi ils parlent lorsqu’ils abordent les questions de politique de la ville. C’est très positif pour notre Haute Assemblée.
Je remercie M. le ministre de sa disponibilité. Je salue également MM. les rapporteurs, en particulier Claude Dilain, qui s’est montré sérieux, patient, souvent hardi, toujours à l’écoute.
Monsieur le ministre, vous avez opté, et c’est un choix novateur, pour une ambition et une méthode : réhabiliter la politique de la ville à l’aube du XXIe siècle en ayant la prudence de ne pas jeter tout ce qui s’est fait pendant trente ans. Votre démarche a permis, via une concertation large et sérieuse, de distinguer le bon grain de l’ivraie, pour préserver les éléments constructifs et bénéfiques que ces trente années de politique de la ville ont apportés.
Vous avez choisi le pragmatisme et la cohérence. Comme cela vient d’être évoqué, votre décision de placer la politique de la ville sous l’égide de l’intercommunalité permettra mécaniquement d’y associer des communes ou des quartiers qui ne sont pas forcément concernés a priori, mais qui, parce qu’ils appartiendront à un même territoire se sentiront – c’est du moins le vœu que je forme – parties prenantes. La politique de la ville est trop longtemps restée cantonnée à certains quartiers, qui étaient en quelque sorte zoomés, tandis que ses acteurs ne cherchaient pas à lutter contre l’égoïsme d’autres secteurs des mêmes communes ou intercommunalités.
Vous avez affiché l’ambition, et c’est pour nous un élément très fort, d’œuvrer pour une véritable implication Citoyenne, avec un « C » majuscule. Je pense notamment à ces fameux conseils citoyens, dont la vocation essentielle sera de dépasser le seuil des initiés que nous connaissons depuis trente ans en vue de faire adhérer non pas le plus grand nombre, mais, en tout cas, ceux qui ont jusqu’à présent été les « sans-voix », assistant passivement aux évolutions.
Il s’agit de permettre aux citoyens non seulement de coproduire l’environnement immédiat en matière de politique de la ville, mais, au-delà, de s’impliquer de manière plus importante et plus généraliste dans le développement de leur cité.
Au-delà des aspects novateurs, le maître mot de ce projet de loi, c’est la solidarité : solidarité entre les quartiers, solidarité au sein de l’intercommunalité, solidarité entre les communes, mais également solidarité entre les citoyens, comme je l’ai souligné tout à l'heure. C'est pourquoi nous nous reconnaissons toutes et tous dans ce texte.
En insistant sur la solidarité, nous rejoignons le souhait exprimé par le Président de la République. C'est la raison pour laquelle j’ai affirmé lors de mon intervention à la tribune que nous étions résolument de votre côté, monsieur le ministre. Notre résolution sort renforcée de nos débats. C’est donc avec enthousiasme que nous voterons ce projet de loi et que nous ferons en sorte d’être des acteurs de la politique que vous appelez de vos vœux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen de ce texte passionnant sur la politique de la ville et la cohésion urbaine. Comme les autres membres de ma famille politique, j’y suis bien entendu particulièrement attachée.
Comment ne pas citer une fois de plus le travail accompli par notre collègue député et ancien ministre Jean-Louis Borloo sur les questions de politique nationale comme sur les questions de politique locale ? Nous pouvons en témoigner. Vous avez d'ailleurs souhaité, monsieur le ministre, inscrire votre politique de rénovation urbaine dans la continuité de l’action de l’ANRU, tout en effectuant certains changements, notamment afin de mettre en lien l’urbain et l’humain. Vous avez ainsi apporté votre touche, à l’issue de la concertation que vous avez organisée.
C’est dans le même esprit constructif que nous avons abordé l’examen de ce projet de loi. Au nom des membres de mon groupe, je tiens à remercier le ministre et ses collaborateurs, ainsi que le rapporteur de la commission des affaires économiques, Claude Dilain, et le rapporteur pour avis de la commission des finances, Jean Germain. Comme à son habitude, Claude Dilain a été très à l’écoute des contributions des uns et des autres. Nous avons ainsi réalisé un travail très nourri, très passionné, tout au long du débat. Grâce à notre réflexion en amont, nous avons pu obtenir un résultat équilibré.
L’écoute que je viens d’évoquer s’est traduite par l’adoption d’un certain nombre d’amendements de notre groupe, tant en commission qu’en séance publique. Je pense naturellement à notre amendement visant à définir, à l’article 1er, une politique globale de santé qui couvre non seulement l’accès aux soins, mais aussi les champs de la promotion et de la prévention dans le cadre de la politique de la ville. Nous sommes également satisfaits de la suppression du mécanisme de sanction introduit à l’article 5 par l’Assemblée nationale sur la proposition de son rapporteur. En effet, le principe d’une sanction était contradictoire avec le reste du texte, qui confie la compétence aux intercommunalités.
Par ailleurs, l’examen en séance nous a permis de clarifier ce qui est du ressort des communes et ce qui revient aux intercommunalités. Cela nous semblait important, car cette clarification était attendue par les élus. Chacun doit savoir ce qui relève de son territoire.
Nous avons toutefois un regret concernant la notion de public prioritaire. Monsieur le ministre, j’ai bien compris vos arguments sur la différence entre les politiques de droit commun et la politique que vous menez. J’ai bien compris également votre volonté de recentrer votre action uniquement sur une géographie prioritaire. Cependant, je vous encourage à vous assurer, en lien avec les ministères compétents, qu’il n’y aura pas de « trous » dans notre capacité à accompagner les politiques de proximité.
Monsieur le ministre, je tiens à saluer votre courage sur la redéfinition de la géographie prioritaire. Tout le monde l’a dit, nous ne pouvons que nous féliciter de votre choix : le critère retenu semble bon et, surtout, il ne prête pas le flanc aux critiques politiques, dans la mesure où il est clair et simple. En somme, ce critère ne peut qu’être unanimement approuvé. Vous allez mettre un coup d’arrêt aux interrogations, aux débats et aux demandes. On ne peut que soutenir votre démarche.
La réduction du nombre de quartiers prioritaires devra permettre de concentrer les aides pour éviter les saupoudrages. Il faudra cependant veiller à ce que cela se traduise bien par une concentration des efforts, et non par une baisse des dotations en faveur de la politique de la ville.
Nous saluons enfin le nouveau programme de rénovation urbaine, qui va dans le bon sens, même si l’enveloppe budgétaire pourrait être encore plus importante. Ce premier geste s’inscrit dans la continuité du précédent programme de rénovation urbaine.
Je formulerai un dernier regret, qui concerne les conseils citoyens. Nous aurions aimé qu’on leur laisse plus de souplesse, plus de possibilités de s’adapter à la réalité des territoires, à ce qui existe déjà et fonctionne, tout en garantissant la nécessaire concertation avec les habitants. J’espère que ces conseils n’entraîneront pas de lourdeurs supplémentaires, car cela freinerait le fonctionnement des territoires.
En conclusion : une géographie prioritaire fondée sur un critère objectif, une coproduction, des cosignatures, des amendements qui nous permettent d’avoir la certitude que les départements et les régions soutiendront la politique de la ville, un contrat unique qui allie humain et urbain, et un peuplement qui, nous l’espérons, monsieur le ministre, renforcera la mixité sociale, dans la continuité de l’effort engagé depuis dix ans.
Avant d’en terminer, je tiens à souligner que les territoires qui sortiront de la géographie prioritaire seront véritablement accompagnés ; vous nous avez rassurés sur ce point tout à l'heure. Nous espérons que vos propos seront traduits dans les faits, afin que les territoires concernés reçoivent un réel soutien. Pour cela, il faut que l’ensemble des ministères jouent le jeu.
Une moitié de notre groupe votera ce projet de loi, tandis que l’autre moitié s’abstiendra. Il n’y aura donc aucun vote négatif. (Mmes Chantal Jouanno et Marie-Thérèse Bruguière ainsi que M. le rapporteur applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Président de la République l’a rappelé hier dans sa conférence de presse, l’objectif premier de ce gouvernement est de réduire le niveau de l’action publique. Il a ainsi clairement indiqué sa volonté de faire 50 milliards d'euros d’économie supplémentaires, afin de financer notamment les 30 milliards d'euros d’exonérations de cotisations familiales. Ce sont autant de cadeaux au patronat, alors même que les aides personnelles au logement, les APL, ont été gelées.
Comme tous les territoires de la République, les quartiers populaires vont souffrir de ces orientations qui confirment le désengagement de l’État, déjà acté par la précédente loi de finances. Comment donner du crédit aux objectifs ambitieux affichés, alors même que, hier après-midi, le Président de la République n’a pas eu un mot pour la France qui souffre ? (Protestations sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. C’est vrai ! (Même mouvement.)
Mme Mireille Schurch. Vous pouvez chercher, mais vous ne trouverez pas.
C’est dans ce contexte particulier que s’achève la discussion du présent projet de loi. Monsieur le ministre, je voudrais vous remercier de la volonté d’écoute et de concertation dont vous avez témoigné. La qualité du dialogue que vous avez établi nous a permis d’enrichir ce texte et d’obtenir des réponses claires aux questions que nous vous avons posées.
Nous vous l’avons dit, la rupture que vous avez opérée avec le langage et la méthode utilisés par le précédent gouvernement est appréciable. Comme l’ensemble de nos concitoyens, les habitants des quartiers populaires ont droit au respect, et c’est un signe positif qui leur est envoyé.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Mireille Schurch. Par ailleurs, nous partageons un certain nombre de principes inscrits dans le projet de loi. La reconnaissance de la lutte contre les discriminations territoriales est importante. Le zonage unique en finit avec la superposition des zonages et assure ainsi une bonne lisibilité des politiques menées. Le critère unique est incontestable ; il apporte cohérence et objectivité à la géographie prioritaire. Il faut dire que nous avions pu constater au fil des années des incohérences liées à des procédés clientélistes. Il fallait donc faire le ménage ; c’est ce que nous avons fait.
Nous étions inquiets concernant la sortie du dispositif d’un certain nombre de quartiers. Toutes nos craintes ne sont pas levées. Cependant, l’adoption de notre amendement garantissant la continuité des contrats de ville pour ces territoires nous permet de croire qu’ils seront accompagnés de façon durable. Nous devrons être vigilants afin de contrôler l’application de cette disposition sur le terrain.
Nous sommes également satisfaits du lancement d’un deuxième programme de renouvellement urbain, même si nous souhaiterions qu’il soit plus ambitieux : en l’état, il est deux fois moins important que le premier.
Nous sommes enfin satisfaits de la reconnaissance de l’importance d’une coconstruction de la politique de la ville avec les habitants des quartiers.
Nous croyons que la mobilisation du droit commun est essentielle, notamment dans le cadre des contrats de ville, et qu’il s’agit d’une avancée majeure.
Nous partageons l’idée que ce projet de loi a atteint un juste équilibre s'agissant des contrats de ville. L’adoption de notre amendement reconnaissant le rôle de proximité des élus communaux a introduit dans le projet de loi l’idée d’une coélaboration des actions relevant de la politique de la ville par les communes et les intercommunalités. Nous aimerions d’ailleurs que cet esprit inspire d’autres projets de loi, comme le projet de loi ALUR, qui oppose sans cesse communes et intercommunalités en enfermant le débat dans des questions de transfert de compétences alors que, fondamentalement, il faut de la coélaboration.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Mireille Schurch. La mobilisation prioritaire du droit commun est encouragée par votre volonté de conventionnement avec l’ensemble des ministères, à commencer par les ministères de l’intérieur et de l’éducation nationale. Ce conventionnement est indispensable du fait de la nature transversale de la politique de la ville.
Je tiens enfin à remercier le rapporteur, Claude Dilain, de son écoute ainsi que de la clarté et de la qualité de ses réponses.
Nous voterons ce projet de loi, qui comporte des avancées, pour acter le changement de méthode et saluer votre engagement personnel, monsieur le ministre. Cependant, pour que ce texte prenne toute sa force demain et que le ministère de la ville dispose des moyens nécessaires, il nous semble urgent que le Gouvernement change de cap politique, en abandonnant la ligne défendue hier encore par le Président de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi est-il le grand soir de la politique de la ville ? Je ne le pense pas, mais, de toute manière, je ne crois pas au grand soir, dans ce domaine comme dans les autres.
Ce projet de loi s’inscrit dans une longue lignée de textes. Les balbutiements de la politique de la ville remontent à plus de trente ans. Le projet de loi apporte des avancées que je considère comme intéressantes.
J’ai réclamé la réforme de la géographie prioritaire pendant des années. Elle est maintenant réalisée, sur la base d’un critère qui me paraît satisfaisant. Nous n’avons pas la liste ; on sait pourquoi : c’eût été beaucoup plus compliqué pour vous, monsieur le ministre. On connaîtra prochainement cette liste.
Vous calez les contrats de ville sur la durée du mandat des maires, ce qui me semble intéressant. La solution que vous proposez pour l’intercommunalité me semble elle aussi intéressante. Il faudra toutefois y retravailler s'agissant du Grand Paris, même si nous avons tracé quelques pistes.
Au total, je considère que les avancées apportées par le projet de loi sont plus nombreuses que les incertitudes qui persistent et que les critiques que j’ai formulées. Je n’ai pas eu la chance de voir l’un de mes amendements adopté, mais je voterai tout de même ce projet de loi. En effet, je suis un élu de Seine-Saint-Denis, un praticien de la politique de ville – pas des plus émérites, certes, dans la mesure où si ma commune est concernée, elle l’est moins que d’autres –, et je pense que votre texte va dans le bon sens. (M. le rapporteur applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 190 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 1 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Dilain, rapporteur. Je tiens à exprimer ma double satisfaction à l’égard tant du résultat du vote que, surtout, de la qualité du débat. En effet, pendant plusieurs heures, nous avons échangé non seulement avec conviction, bien sûr, mais aussi avec respect, dignité et un grand sens de l’efficacité, ce qui, il faut le reconnaître, n’est pas toujours le cas.
Je remercie donc tous ceux qui ont participé à ce débat portant sur un sujet, à savoir la politique de la ville, sur lequel les clivages droite-gauche, sans disparaître, s’atténuent considérablement au profit de l’intérêt général, ce qui est très positif. J’adresse des remerciements particuliers aux administrateurs de la commission, qui m’ont été d’une aide extrêmement efficace, et je salue enfin les présidents de séance successifs qui ont su maintenir un climat propice à l’efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Pour ma part, je débuterai en remerciant M. le rapporteur : je me suis laissé dire, monsieur le ministre, qu’étant donné le temps important qu’il a passé dans votre ministère lors de la préparation du rapport, vous aviez envisagé de lui installer un lit de camp sur vos crédits de fonctionnement… (Rires.)
Plus sérieusement, permettez-moi de saluer la méthode de concertation employée pendant plus d’un an, saluée à juste titre par notre collègue Valérie Létard, qui a permis d’aboutir au résultat que nous connaissons.
J’espère que nous pourrons avoir les mêmes résultats sur les textes à venir, mais je rêve en couleur, le père Noël étant déjà passé… (Sourires.)
En tout cas, je remercie M. le rapporteur et M. le ministre de leurs efforts, sans oublier M. Germain, rapporteur pour avis de la commission des finances. Je n’oublie pas non plus de saluer le travail des administrateurs de la commission.
Enfin, je tiens à rendre hommage à tous nos collègues pour l’ambiance qui a prévalu lors de nos travaux en commission, les échanges nourris et intéressants ayant même permis aux uns et aux autres d’évoluer sur certains points. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Mireille Schurch applaudit également.)
M. le président. En commission effectivement, mais également en séance !
La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Lamy, ministre délégué. Je ne veux pas rallonger les débats tant je sais votre impatience à adopter les prochains textes à l’ordre du jour, que vous attendez tous. (Exclamations amusées.) Je ne doute pas, d’ailleurs, du score qui sera à peu près identique. (Sourires. – M. Michel Bécot fait un signe de dénégation et M. Philippe Dallier s’exclame.)
Plus sérieusement, je tiens à remercier M. le rapporteur, Claude Dilain, MM. les présidents de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, ainsi que l’ensemble des sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, de la qualité des débats, à l’image, finalement, du travail que nous avons mené pendant des mois pour préparer ce texte.
J’ai bien conscience que ce projet de loi-cadre, ce projet de programmation ne fera pas demain la une des quotidiens, mais nous pouvons tous être persuadés que nous avons fait œuvre utile pour les habitants de nos quartiers populaires en fixant le cadre nécessaire pour moderniser, rénover la politique de la ville et mobiliser l’ensemble des politiques publiques, ce qui est pour moi l’enjeu majeur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC – Mme Chantal Jouanno ainsi que MM. Michel Mercier et Michel Bécot applaudissent également.)
4
Interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et le mandat de représentant au parlement européen
Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission modifiés
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur (projet n° 168, texte de la commission n° 267, rapport n° 266) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen (projet n° 169, texte de la commission n° 268, rapport n° 266).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est avec beaucoup d’intérêt que j’ai entendu les derniers propos concernant un projet de loi important. L’élu de la banlieue parisienne que je suis a constaté ce vote quasi unanime, ce qui me permet d’afficher un certain optimisme quant au vote qui interviendra sur les textes que je m’apprête à vous présenter… (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Ce sera plus difficile !
M. Philippe Bas. Ce sera le cas !
M. Manuel Valls, ministre. Merci, monsieur Bas !
Une seconde fois, l’occasion m’est donnée de constater devant vous cette évidence : nos concitoyens sont profondément attachés à l’engagement du Président de la République de mettre fin au cumul entre les fonctions exécutives locales et le mandat de parlementaire, de tous les parlementaires, députés comme sénateurs.
Les Français, je le crois, sont attachés à ce qui constitue une avancée pour nos institutions. Ils sont attachés à ce renforcement de notre démocratie, qui est aussi, n’en doutons pas, un renforcement et de la place et du rôle de ses élus.
À ce souhait, l’Assemblée nationale a déjà répondu positivement à deux reprises, et ce à une majorité très large. L’évidence est donc en marche. Sa concrétisation est toute proche.
Face à l’évidence, deux attitudes sont possibles : l’accepter ou l’ignorer. Et l’ignorer, c’est bien sûr un risque, car vous devez savoir, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’évidence, lorsqu’elle a une telle force, finit par s’imposer.
La force de cette évidence, que je veux détailler, ce sont d’abord les réalités nouvelles de la fonction d’élu, aussi bien pour les parlementaires que pour celles et ceux qui sont à la tête d’exécutifs locaux.
Les mandats de maire, adjoint au maire, président ou vice-président d’une collectivité territoriale sont devenus plus passionnants et exigeants avec les lois de décentralisation successives. Il s’agit de gérer des enjeux importants, vous le savez, qui font le quotidien d’une collectivité : équipements publics, infrastructures, développement économique, rayonnement culturel, attractivité d’un territoire, solidarité ou encore tranquillité publique. Tout cela demande bien sûr du temps et de l’engagement. Tout cela demande d’être au contact permanent des habitants et en prise directe avec leurs attentes, leurs aspirations, afin d’y répondre efficacement.
Je connais, pour les avoir assumées, le degré d’implication que demandent les responsabilités locales. Par ailleurs, lors de mes déplacements dans nos territoires, comme la semaine dernière dans les départements bretons, je rencontre des élus mobilisés ayant toutes et tous une volonté affirmée de servir au mieux la collectivité dont ils ont la confiance.
Ce lien de confiance, fondement même de notre fonctionnement démocratique, il faut toujours veiller à le renforcer, à l’approfondir. J’ai déjà eu l’occasion de le dire ici même, mais je veux le répéter de nouveau devant vous : ne feignons pas d’ignorer ce sentiment de défiance qui, de manière insidieuse, agit au cœur de notre société, vient en saper les repères, en contester les règles et les fondements.
Voilà deux jours, le CEVIPOF a publié son « baromètre de la confiance politique ». Ses enseignements ne peuvent que nous inciter à agir. Trop de nos concitoyens pensent en effet que notre démocratie ne fonctionne pas bien. Je veux en particulier attirer votre attention sur le risque de défiance qui pèse sur le Parlement. Je n’accepte pas les caricatures que l’on en fait et vous savez mieux que moi les faux procès que l’on peut instruire à l’encontre du Sénat. Mais j’invite aussi chacun à être à l’écoute des aspirations de notre époque.
La politique, que beaucoup voudraient réduire à un jeu politicien, a une importance vitale, ne l’oublions pas ! Nous tous connaissons cette petite musique qui se fait entendre et qui affirme que, finalement, la politique ne sert à rien. Les taux d’abstention aux différentes élections en sont l’illustration inquiétante. Or c’est la politique qui donne du sens – une signification et une direction – à l’action des hommes. C’est elle qui organise, qui met en mouvement. Qu’elle soit forte, et les espoirs peuvent naître et grandir. Qu’elle soit affaiblie, en revanche, et les doutes, la désunion, les populismes, les extrémismes ne tardent pas à prospérer. En tant que démocrates, en tant que républicains, nous ne pouvons l’accepter.
Nous avons tous une responsabilité, au-delà des sensibilités politiques, et plus encore dans cette période de crise, qui est aussi une crise de confiance, d’identité, pour que notre démocratie ne perde jamais de son éclat, pour que son utilité ne soit en aucune manière remise en cause. Pour cela, elle doit être lisible, compréhensible, proche de nos concitoyens.
Les élus locaux ont une lourde charge, une responsabilité immense. Je refuse, comme vous, que l’on dénigre, que l’on minimise leur rôle. De même, je refuse les attaques qui visent l’Assemblée nationale ou le Sénat qui sont le cœur, les bastions de notre démocratie.
L’évidence que j’évoquais tient aussi au fait que le rôle des parlementaires a évolué et s’est complexifié. Faire la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques sont des missions essentielles pour notre démocratie. Ces missions, plus encore depuis la réforme constitutionnelle de 2008, impliquent investissement, rigueur et connaissance approfondie des enjeux. Assumer un mandat national réclame un investissement à plein temps dont le rythme – au fond, vous le savez bien ! – est incompatible avec l’exercice de responsabilités au sein d’un exécutif local.
Ce projet de loi est une évidence pour nos concitoyens. Il est désormais une évidence pour une large majorité des députés, plus de trois cents. Il sera bientôt une évidence pour tous les élus, car il renforcera leur lien avec les citoyens – compte tenu des nouvelles étapes annoncées hier par le Président de la République en matière de décentralisation, il faut bien l’avoir en tête.
Les Français savent qu’ils ont besoin de leurs élus, mais ils savent aussi parfaitement ce qu’ils attendent d’eux : de la présence, de l’écoute, de la capacité de décision.
Ce projet de loi est une évidence pour notre démocratie et il doit donc s’appliquer à tous les élus, sans exception.
Votre assemblée a déjà adopté le principe de non-cumul du mandat de député et de député européen avec un mandat exécutif local à deux reprises : en première lecture, puis à nouveau lors de l’examen en commission des lois, préalable à notre discussion d’aujourd’hui. Aucun des amendements déposés en vue de ce débat ne propose de revenir sur ce principe. Dès lors, il vous appartient de l’étendre également aux sénateurs : voilà le cœur du débat, et je respecte la diversité des points de vue.
Ce principe, parce qu’il répond à une aspiration démocratique, doit s’appliquer sans distinction aux deux chambres, à l’ensemble des parlementaires. En optant par deux fois pour un statut particulier pour ses membres, le Sénat a voulu ignorer ou feindre d’ignorer la force de l’évidence. Ce faisant, je crois qu’il s’affaiblit aux yeux de l’opinion, mais aussi au sein de nos institutions.
J’ai évoqué la défiance de beaucoup envers la politique ; j’ai évoqué l’antiparlementarisme qui, s’il n’est pas nouveau, gagne malheureusement du terrain, certains allant jusqu’à réclamer la suppression de votre assemblée. Alors, ne leur fournissez pas un argument pour porter plus avant leur critique !
Si les sénateurs ne peuvent s’exclure des règles applicables aux autres parlementaires, c’est qu’ils sont, justement, des parlementaires à part entière, c’est qu’ils appartiennent à une chambre à part entière. J’ai déjà eu l’occasion de vous dire mon attachement aux institutions de la Ve République et au bicamérisme. Cet attachement me conduit, une nouvelle fois, à m’opposer à l’illusion d’un Sénat à part, qui s’exonérerait des mouvements de fond de la société.
Les avocats ardents d’un statut différencié s’appuient, eux aussi, sur une évidence – oui, le Sénat représente les collectivités territoriales ; oui, c’est la particularité de cette assemblée ! –, mais ils en tirent de mauvaises conclusions. Vous me pardonnerez de le dire aussi directement.
Lors du débat en première lecture, j’ai pu entendre diverses exégèses de l’article 24 de la Constitution. Ces interprétations ne doivent pas nous égarer. La lettre du texte et la jurisprudence du Conseil constitutionnel sont très claires : si le Sénat représente les collectivités territoriales, c’est parce qu’il est élu par un collège composé « essentiellement » d’élus locaux. Il n’est dit nulle part que cette représentativité découle de l’exercice d’un mandat ou d’une fonction quelconque, parallèlement au mandat parlementaire. Représenter les collectivités, ce n’est pas nécessairement en diriger une !
Croire le contraire est dangereux, et dangereux pour le Sénat lui-même. Un statut différencié reviendrait, en effet, à créer une brèche dans notre modèle de bicamérisme équilibré à la française. À terme, nous risquerions de remettre en cause la place même du Sénat au sein de nos institutions. En effet, l’originalité de notre modèle tient bien à ce que la Haute Assemblée exerce des prérogatives législatives très proches de celles de l’Assemblée nationale. Les sénateurs sont élus par les élus locaux ; ils ne représentent pas directement telle ou telle collectivité.
Si ce choix a été fait, c’est parce que le Sénat est la seconde chambre d’une République décentralisée – qui vous est chère, monsieur le président ! – et non d’un État fédéral : il ne peut être comparé au Bundesrat allemand. C’est justement en raison de ce choix que le Sénat examine l’ensemble des lois de la République, tandis que la seconde chambre allemande ne se prononce que sur un tiers environ des lois fédérales.
Autre évidence, en créant un statut particulier pour les sénateurs, vous courez le risque d’instaurer un statut à part pour le Sénat, de le cantonner à certaines prérogatives. Ce n’est pas, me semble-t-il, votre ambition ; en tout cas, ce n’est pas la mienne !
J’ai entendu, enfin, les réticences exprimées ici, mais également à l’Assemblée nationale. J’ai entendu aussi – et je vais les entendre à nouveau – des mots que je n’accepte pas : ceux d’« élus hors sol » ou d’« apparatchiks ». Ces mots sont pour moi indignes d’être prononcés par les parlementaires que vous êtes, respectueux de nos institutions. Et puis, qui sont ces fameux apparatchiks ? Que leur reproche-t-on exactement ? Qu’on le dise !
Non, les parlementaires de demain ne seront pas coupés de leurs électeurs ! Comment penser, en effet, idée bien saugrenue, que les députés seront, dans leur circonscription, coupés des citoyens ? Comment penser, également, que les sénateurs seront, dans leur département, coupés des élus locaux qui les auront élus et des habitants dont ils partagent l’existence ?
La proximité est importante pour la vitalité démocratique, elle doit le demeurer. Cessons aussi de contrefaire la réalité : ceux qui souhaiteront s’investir dans une collectivité en exerçant un mandat de conseiller municipal, départemental ou régional, le pourront toujours. Le principe de non-cumul s’applique aux responsabilités au sein d’un exécutif et non à l’exercice d’un mandat local ! Un débat, pour être serein, doit avant tout être honnête.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce débat, nous arrivons au terme d’un long processus, un processus législatif, engagé en juillet dernier devant l’Assemblée nationale et un processus politique, plus long encore, validé à la suite de différents rendez-vous démocratiques, notamment à l’occasion de la dernière élection présidentielle.
Si le non-cumul des mandats est aujourd’hui une évidence pour tant de nos compatriotes, c’est qu’il s’inscrit dans un mouvement de fond et qu’il répond à une exigence légitime vis-à-vis des élus, une exigence qu’il faut entendre et que 40 % des sénateurs ont déjà entendue, puisqu’ils ne sont pas concernés par les incompatibilités prévues par ce texte – ils sont tout aussi légitimes et au fait des attentes de leurs électeurs que leurs autres collègues.
Je sais que le débat qui nous attend n’aura rien d’évident. J’espère toutefois que, à son issue, le Sénat contribuera lui aussi à faire souffler sur nos institutions un vent agréable de modernité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mmes Mireille Schurch, Hélène Lipietz et Nathalie Goulet ainsi que M. Michel Mercier applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Simon Sutour, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, saisie en nouvelle lecture du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, la commission des lois a rétabli l’essentiel des modifications que le Sénat avait adoptées en première lecture en séance publique.
L’échec de la commission mixte paritaire du 9 octobre dernier a mis en lumière les principales différences d’approche entre les deux assemblées parlementaires sur la question de la limitation du cumul des mandats.
À l’issue de cette commission mixte paritaire, l’Assemblée nationale a fort logiquement rétabli, en nouvelle lecture, les textes qu’elle avait adoptés en première lecture, sous réserve de modifications essentiellement formelles. Elle est donc revenue sur l’ensemble des modifications opérées par notre assemblée, y compris celles qui avaient été adoptées par le Sénat à la quasi-unanimité.
La seule modification notable, je veux le souligner, porte sur la concession de l’Assemblée nationale relative aux fonctions « dérivées » locales. Alors qu’elle avait adopté, en première lecture, une incompatibilité interdisant à un parlementaire d’être non seulement président ou vice-président, mais aussi membre d’un conseil d’administration ou d’un conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale, d’une société publique locale, d’un établissement public local, etc., elle a, en nouvelle lecture et sur l’initiative de son rapporteur, décidé de limiter le champ d’incompatibilité aux seules fonctions exécutives – ce qui est dans la logique de la réforme proposée par le Gouvernement. Ainsi, un parlementaire pourra continuer à siéger au sein de ces organismes locaux.
Sans être exhaustif sur les dispositions des deux textes que vient de présenter M. le ministre, je rappellerai que l’Assemblée nationale est favorable, sur le principe, à l’incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale – ce qui était initialement proposé par le Gouvernement. De sa propre initiative, elle a étendu cette incompatibilité aux fonctions « dérivées » locales, comme je viens de l’évoquer à l’instant.
À l’inverse, le Sénat, tout en admettant la nécessité de renforcer le régime d’incompatibilité, n’a pas souhaité appliquer ces nouvelles règles aux sénateurs eux-mêmes et a ainsi créé en leur faveur un régime propre, invoquant comme argument la fonction de représentation des collectivités territoriales que l’article 24 de la Constitution confie à la Haute Assemblée.
La commission a ainsi créé une exception à l’identité de régime qui existe, depuis 1958, entre députés et sénateurs en matière d’incompatibilités. À titre personnel, vous le savez, je suis favorable au maintien de cette identité de régime, considérant qu’elle est la marque et, plus encore, la protection de la vocation généraliste du Sénat.
Cependant, la commission des lois a estimé, dans sa majorité, qu’aucune exigence constitutionnelle n’imposait de maintenir l’identité entre les régimes d’incompatibilités applicables aux députés et aux sénateurs. À l’inverse, dès lors que ce régime d’incompatibilités est rendu plus restrictif, la fonction de représentation des collectivités territoriales lui a paru plaider pour cette distinction.
Je tiens à préciser, pour être honnête, que la modification adoptée par la commission des lois ne signifie pas le statu quo, puisqu’elle intègre dans le décompte des fonctions incompatibles celles exercées au niveau des EPCI, dont on sait qu’elles ont acquis une importance accrue que le nouveau mode d’élection des conseillers communautaires ne devrait que renforcer.
En revanche, en nouvelle lecture, notre commission, sans doute en raison de l’évolution marquée par l’Assemblée nationale sur ce sujet, n’a pas modifié, il faut le noter, l’incompatibilité créée par l’Assemblée nationale avec les fonctions « dérivées » locales.
Dès la première lecture, les deux chambres ont adopté dans les mêmes termes le projet de loi ordinaire, dans le périmètre proposé par le Gouvernement. Cependant, les règles d’incompatibilité qui seront applicables aux représentants au Parlement européen sont en fait largement dépendantes de la rédaction finale du projet de loi organique, dans la mesure où ces incompatibilités sont fixées par simple référence aux dispositions organiques, comme vous le savez. Nos deux assemblées se sont ainsi accordées sur un principe : le régime d’incompatibilité des représentants au Parlement européen devra être le même que celui des députés, ce qui, je le rappelle, n’a pas été le cas entre 2000 et 2003.
Je voudrais souligner que, parallèlement à la modification opérée par la commission en matière de limitation de cumul des mandats et des fonctions locales, la commission, comme le Sénat en première lecture, a instauré une règle limitant, autant pour les parlementaires que pour les élus locaux, les indemnités qu’ils perçoivent au montant de l’indemnité parlementaire de base. Cette position est constante depuis l’adoption, le 24 avril 2013, par la commission des lois de la proposition de loi organique en ce sens, déposée par nos collègues du groupe RDSE.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale n’a pas suivi le Sénat. Votre commission a cependant réaffirmé son souhait de bien distinguer les questions qui intéressent l’opinion publique, cumul des indemnités et cumul des mandats, pour traiter clairement celle du cumul des indemnités perçues. Je note, monsieur le ministre, que le Gouvernement n’a pas déposé d’amendement contraire à la position de la commission sur ce point ; et je m’autorise à y voir un signe d’ouverture, si ce n’est de soutien.
J’en viens, enfin, à une modification, adoptée à l’unanimité en commission, afin d’obliger à l’organisation d’une élection partielle lorsqu’un parlementaire abandonne son mandat à la suite du renouvellement au-delà de six mois d’une mission auprès du Gouvernement. En effet, l’article L.O. 144 du code électoral prévoit qu’un député ou un sénateur peut être chargé par le Gouvernement d’une mission temporaire et qu’il peut cumuler cette mission avec son mandat parlementaire pendant six mois. Au-delà, il perd son siège. Or, dans ce cas, son remplacement est, depuis 1959, assuré par son remplaçant, ce qui a parfois donné lieu à des pratiques qui ont pu paraître contestables afin d’effectuer des remplacements que l’on pourrait qualifier de « discrets ».
Le Sénat est attaché à l’idée que, dans ce cas, une élection partielle ait lieu. Je vous présenterai, d’ailleurs, au nom de la commission, un amendement visant à parfaire le dispositif adopté en commission. En effet, le retour aux urnes s’impose d’autant plus que la nomination et son renouvellement relèvent du pouvoir discrétionnaire du Gouvernement : le remplacement par le suppléant ou le suivant de liste traduit une curieuse conception du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs. Je me permettrai de souligner que cette disposition, adoptée dans son principe en 1959 par ordonnance, puis codifiée par décret en 1964, n’a jamais été soumise à l’examen du Conseil constitutionnel.
En conclusion, et comme je l’ai indiqué dès la première lecture, la réforme qui nous est soumise en appelle d’autres, que les débats au Sénat ont déjà esquissées, que ce soit un véritable statut de l’élu local ou le renforcement des pouvoirs des parlementaires dans leurs missions constitutionnelles.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a d’ailleurs approuvé le rapport de notre collègue Jean-Claude Peyronnet le 17 décembre dernier,…
M. Pierre-Yves Collombat. On en reparlera la semaine prochaine !
M. Simon Sutour, rapporteur. … rapport intitulé, et c’est prémonitoire – on travaille bien au Sénat –, Tirer les conséquences des règles de non-cumul : pour l’association des parlementaires aux commissions locales. Je crois que cet appel a d’ores et déjà été entendu par le Gouvernement. En effet, lors du débat le 7 janvier dernier, ici même, au Sénat, sur l’avenir de l’organisation décentralisée de la République, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, a indiqué, en réponse à notre collègue, auteur du rapport précité, notre ami Jean-Claude Peyronnet, qu’il « nous faut réfléchir à partir de la fonction des parlementaires telle qu’elle existe, c’est-à-dire, en particulier, le contrôle de l’action gouvernementale, qui inclut celui de l’exécution des décisions par les préfets, puisque ces derniers sont les représentants de l’État, donc du Premier ministre, dans les départements ».
La ministre excluait, en revanche, un système qui aboutirait à une codécision avec les parlementaires, car ce système mettrait en cause la séparation des pouvoirs. Ce fut, d’ailleurs, la position du Sénat en première lecture lorsqu’il a rejeté un amendement visant à reconnaître la qualité de membre de droit des parlementaires au sein des commissions locales.
Pour ce qui est des conditions d’exercice des mandats locaux, l’adoption, ce matin même – heureuse circonstance ! – en commission des lois, de la proposition de loi initiée par nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur est un signe de l’attention que le Sénat porte à la situation des élus locaux. Il faudra, bien entendu, aller plus loin.
De même, la question du cumul dit « horizontal » entre mandats et fonctions locaux devra nécessairement être abordée, par souci d’équité, à la suite de la présente réforme. (M. Jacques Mézard opine.) À titre personnel, je pense que cette réforme devrait faire l’objet d’un texte, qu’il soit d’origine gouvernementale ou parlementaire, distinct du présent projet de loi. (M. Jacques Mézard s’exclame.) Certains de nos collègues ont cependant déposé des amendements rétablissant les articles additionnels adoptés par le Sénat en première lecture sur le sujet. Et, par cohérence, la commission souhaite leur adoption au sein de ce véhicule législatif.
Au bénéfice de ces observations, et même si personne n’ignore ici ma préférence personnelle pour le projet de loi du Gouvernement et donc pour les textes de l’Assemblée nationale, j’invite, au nom de la commission que j’ai l’honneur de représenter dans ce débat, le Sénat à adopter les textes et l’amendement qu’elle vous soumet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me reste treize minutes pour convaincre cette assemblée de sages de ne pas voter l’impensable : nous donner – et à nous seuls ! – l’autorisation de cumuler un mandat de sénateur et une fonction exécutive locale, un mandat de législateur d’un État décentralisé et un mandat exécutif d’une collectivité infra-étatique.
Nous avons beaucoup discuté, lors de la première lecture de ce texte, de cette prétendue obligation d’être membre d’un exécutif pour être un bon sénateur.
M. Philippe Bas. Personne n’a dit ça !
Mme Hélène Lipietz. Nous en avons discuté chaque fois que le mot « élu » a été prononcé, par exemple, lors de l’examen du projet de loi relatif aux métropoles ou à propos de la prévention des inondations. Nous allons encore en discuter pendant deux jours et nous y reviendrons certainement quand la loi sera votée. Et chaque fois revient la même antienne : « Heureusement que nous avons parmi nous des maires ! ». Et le lendemain, pour un autre texte, qui ne concernait pas les collectivités territoriales, nous avons entendu : « Heureusement que vous connaissez le sujet ! »
Ce sont donc deux visions de l’apport des sénateurs à la discussion législative. Elles dénotent tout simplement qu’être législateur, c’est être un citoyen intéressé par la res publica au sens le plus noble.
Parce que ce qui fait notre richesse, c’est non pas le cumul de nos mandats mais notre expérience de citoyen : nous enrichissons le débat par nos expériences professionnelles, associatives, politiques, citoyennes, quelles qu’elles soient. Et plus nous avons d’expériences différentes, plus nous venons d’horizons divers, plus le débat est riche, plus l’intérêt commun est représenté.
C’est bien la diversité de nos origines sociales et/ou professionnelles et notre implication dans la vie locale qui font de nous de bons sénateurs, de bonnes sénatrices et de bons législateurs.
C’était le sens de l’intervention de ma collègue Esther Benbassa en première lecture et que je fais bien entendu mienne.
Contrairement à ce que l’on dit, ceux qui sont contre le cumul ne souhaitent pas renvoyer des hommes et quelques femmes qui n’ont pas démérité à leurs seules amours plébéiennes.
Pas plus que ceux qui louent l’expérience indispensable des élus maires ne pensent vexer les sénateurs qui, parfois, pendant des années, ont eu de simples mandats, soutiers de base de nos collectivités, voire ceux qui n’en ont jamais eu, d’ailleurs.
D’aucuns prétendent que le cumul des mandats est consubstantiel, voire ontologique avec la fonction de sénateur.
Cependant, ce n’est pas parce que le Sénat représenterait les collectivités territoriales qu’il devrait « être » les collectivités territoriales.
Ainsi, vous êtes, comme moi, persuadés que cette assemblée est sous la présidence de Colbert et d’autres hommes illustres – où sont, d’ailleurs, les femmes ? Toutefois, Colbert n’est pas présent, il n’y a que sa blanche représentation figée et froide !
Il en va de même pour notre assemblée à l’égard des collectivités territoriales qui seraient représentées par le biais de leurs exécutifs.
Certains expliquent aussi que c’est notre Constitution qui imposerait le cumul. Et de citer et réciter la Constitution comme je vais le faire à mon tour mais en ayant de ce texte, vous le pensez bien, une autre lecture.
Depuis 1958, sans aucune modification sur ce point, l’article 24 précise : « Les députés à l’Assemblée nationale […] sont élus au suffrage direct.
« Le Sénat […] est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République. »
L’identité de forme entre ces deux phrases de la Constitution est évidente C’est pourquoi il est aussi évident que le « Il » de « Il assure la représentation » renvoie au groupe nominatif qui précède le point.
La phrase : « Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République » s’applique donc au suffrage indirect dont l’organisation doit assurer la représentation des collectivités territoriales, et non au Sénat car, alors, la phrase aurait été : « Il représente les collectivités territoriales de la République ».
Un autre argument grammatical pourrait être que le Sénat qui est un sujet passif dans la première phrase « Le Sénat est élu » ne saurait devenir un sujet actif dans la seconde : « Il assure la représentation ».
Autrement dit, on peut interpréter cet article 24 comme une interdiction, posée par la Constitution, d’inventer un mode d’élection indirect qui n’assurerait pas la représentation des collectivités territoriales mais assurerait, par exemple, celle des syndicats, des entreprises ou des associations. Cela renvoie au Conseil économique, social et environnemental, par exemple.
Seul donc le mode d’élection assure la représentation des collectivités territoriales au sein du Sénat. Le Sénat lui-même représente la nation, il est la nation, à concurrence de l’Assemblée nationale.
Il est donc loisible aux grands électeurs d’élire les citoyens qu’ils estiment le mieux à même de représenter leur territoire, leurs citoyens, leur spécificité locale sans qu’ils soient pour autant des élus.
Et puis, cette idée que nous représenterions des collectivités est tout de même étonnante ! Que sont, que seraient les collectivités sans les citoyens ? Des coquilles vides !
Nous représentons des citoyens, eux-mêmes vivant sur des territoires, lesquels s’organisent en collectivités.
En relisant les textes des pères fondateurs de la République – eh oui, même les écologistes ont de saines lectures ! –, on ne trouvera nulle part l’idée d’un Sénat représentant les collectivités territoriales.
Ainsi, le général de Gaulle, dans son second discours de Bayeux du 16 juin 1946, pour le régime républicain qu’il souhaite à la France, explique que : « Il est clair et il est entendu que le vote définitif des lois et des budgets revient à une Assemblée élue au suffrage universel et direct. Mais le premier mouvement d’une telle Assemblée ne comporte pas nécessairement une clairvoyance et une sérénité entières. Il faut donc attribuer à une deuxième Assemblée, élue et composée d’une autre manière, la fonction d’examiner publiquement ce que la première a pris en considération, de formuler des amendements, de proposer des projets. [...]
« Tout nous conduit donc à instituer une deuxième Chambre dont, pour l’essentiel, nos conseils généraux et municipaux éliront les membres. Cette Chambre complétera la première en l’amenant, s’il y a lieu, soit à réviser ses propres projets, soit à en examiner d’autres, et en faisant valoir dans la confection des lois cet ordre administratif qu’un collège purement politique a forcément tendance à négliger. »
Et son ministre de la justice, Michel Debré, le 27 août 1958 d’expliquer la Constitution devant le Conseil d’État : « La division en deux chambres est une bonne règle du régime parlementaire, car elle permet à un gouvernement indépendant de trouver, par la deuxième assemblée, un secours utile contre la première : en régime conventionnel, on neutralise ou plutôt on diminue l’arbitraire d’une assemblée par l’autre sans créer l’autorité. »
À aucun moment, dans la présentation des inspirateurs de la Constitution, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, n’est donc mis en avant.
Et même si mon interprétation ou ma lecture était fausse et si, effectivement, siéger au Sénat nécessitait une pratique de l’exécutif des collectivités territoriales, quel cursus honorum – course des honneurs – devrait aujourd’hui monter un citoyen, voire, de temps à autre, une citoyenne pour devenir sénateur ou sénatrice ?
Cette progression de la République romaine dans la responsabilité et dans les honneurs était expliquée comme permettant à tous, à la fois, d’apprendre petit à petit le fonctionnement de la République et de travailler au bien commun sans accumulation des pouvoirs, tout au plus avec une accumulation des honneurs.
Un tel cursus avait aussi pour complément que nul ne pouvait tenir en ses mains plusieurs pouvoirs. Le cumul était interdit, sauf aux dictateurs.
Pourquoi seuls les élus membres d’un exécutif seraient-ils à même de représenter les collectivités territoriales ? Les simples élus de la majorité ou de l’opposition territoriale ne connaîtraient-ils rien aux collectivités, alors même que nous ne cessons de saluer, avec raison, leur dévouement ?
Si les droits de l’opposition sont respectés et suffisamment étendus, si le droit d’information sur les affaires de la collectivité est suffisamment étendu, alors la nécessité d’être ou d’avoir été dans l’exécutif se fait moins sentir. Mais les exécutifs voudront-ils ainsi se démettre des pouvoirs qu’offre la connaissance ?
Allons jusqu’au bout du raisonnement. Il faut un ancrage territorial, certes, mais pourquoi nécessairement un ancrage électif ?
Est-ce que le militant associatif local est « hors sol » ?
Est-ce que le chef d’entreprise est « hors sol » ?
Est-ce qu’un ancien élu est « hors sol » ?
Est-ce que le simple citoyen est « hors sol » ?
Nous regrettons tous, avec raison, chagrin et souvent incompréhension, la défiance de nos concitoyens envers leurs institutions politiques et administratives, notamment envers le Sénat, alors que nous sommes si persuadés d’œuvrer pour le bien commun... C’est notre raison de vivre. Nous sacrifions tant à l’organisation de la société que nous prenons de plein fouet sa défiance, voire pire son mépris pour notre personne, et pire encore son mépris pour notre travail.
Ce désamour ne vient-il pas de ce que nous sommes restés figés dans une lecture ancienne de notre rôle de représentation des citoyens ou des collectivités ? Et si les citoyens nous demandaient une autre forme de démocratie ? En refusant pour nous, pour le Sénat, l’évolution de cette institution, ne prêtons-nous pas le couteau pour sa mise à mort ?
Certains prédisent la mort, non du Sénat, mais de sa liberté de ton : il deviendrait un cénacle d’apparatchiks. Une telle vision rejoint l’actuel ressentiment des citoyens contre les partis. Enfin, hélas ! pas contre tous les partis...
Pourtant, aujourd’hui, seuls six sénateurs ne sont pas encartés ou ne se réclament d’aucun groupe parlementaire. Lesdits groupes sont d’ailleurs, pour la plupart, des partis ou des regroupements de partis.
C’est bien parce que nous en avons fait l’expérience que nous savons combien les partis sont nécessaires, comme lieux d’échange, de stratégie, d’appui pour avoir une ligne politique.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est de la promotion...
Mme Hélène Lipietz. Nous venons tous de partis, certains parfois centenaires, d’autres vieux d’un quart de siècle à peine !
La Constitution, dans son article 4, l’affirme : les partis concourent à l’expression du suffrage. Et ce n’est pas parce que nous avons du mal à retrouver la confiance des citoyens que nous devons craindre les partis.
Il nous appartient de rétablir cette confiance entre les citoyens et leurs représentants nationaux, entre les citoyens et les partis, ces éléments fondamentaux, voire fondateurs, de toute démocratie.
Je crois, avec les écologistes, profondément et sincèrement que le non-cumul d’un mandat exécutif et d’un mandat parlementaire, parce qu’il fait de l’élu un citoyen simplement investi d’un pouvoir et non un super-citoyen investi de tous les pouvoirs, est un des moyens de rétablir la confiance entre les citoyens et leurs élus, de rétablir la confiance des citoyens dans l’action publique. (Mmes Marie-Christine Blandin, Maryvonne Blondin et Danielle Michel applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 19 septembre dernier, la Haute Assemblée adoptait les projets de loi organique et ordinaire relatifs au « cumul des mandats » à une très large majorité – 208 voix pour, 107 contre –, ce qui est en soi un événement, tant les textes adoptés par le Sénat à une telle majorité sont peu fréquents...
Le texte adopté par le Sénat avait largement modifié celui de l’Assemblée nationale et avait, à mon sens, amélioré le droit actuel sans pour autant être aussi excessif que celui qui avait été voté par les députés.
Il faut le rappeler, car peu l’ont dit, ce texte améliore le droit actuel dans la mesure où il intègre dans le cumul toutes les fonctions, et pas seulement celles détenues au sein d’une collectivité locale ou d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, comme je l’avais proposé lors du débat sur la réforme des collectivités locales en 2010. Il intègre également les fonctions au sein des syndicats mixtes et des sociétés d’économie mixte.
Dans une approche pragmatique, ce texte établit la possibilité de conserver une, et une seule, fonction exécutive dans une structure de ce type.
Et pour bien montrer que nous n’étions pas guidés par un quelconque appât du gain, nous avons adopté un amendement prévoyant qu’en cas de cumul entre un mandat de sénateur et une fonction locale, aucune indemnité supplémentaire ne serait perçue. Chose curieuse, cette disposition n’a jamais été évoquée par la presse,...
M. Jacques Mézard. Évidemment !
M. Hervé Maurey. ... pas plus d’ailleurs que le fait que le dispositif adopté constitue une évolution positive par rapport au droit en vigueur. La presse ne cesse en effet de donner de notre assemblée l’image d’élus attachés à leurs privilèges.
À la décharge des journalistes, je dois dire qu’ils n’ont fait que reprendre, en y faisant écho, les propos que vous avez vous-même tenus ici, monsieur le ministre, quand vous nous accusiez de « regarder vers un passé fantasmé » ou de nous « arc-bouter sur des pratiques devenues obsolètes ». Vous semblez étonné, monsieur le ministre, mais ce sont bien vos propos ! (Sourires.)
Le texte voté par le Sénat permettait cependant d’éviter les excès de celui qui était issu de l’Assemblée nationale, c’est-à-dire l’interdiction de toute fonction locale pour un sénateur, quelle que soit la taille de la collectivité concernée. Il est à mon sens tout à fait invraisemblable qu’un sénateur ne puisse même pas être adjoint au maire d’une commune de 50 habitants, ou vice-président d’un syndicat à vocation scolaire réunissant deux communes de 100 habitants pour gérer une école communale.
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Hervé Maurey. Cette interdiction est inimaginable pour les membres de notre assemblée sénatoriale chargée de représenter les collectivités locales !
En outre, je le rappelle, c’est le cumul de la fonction de sénateur avec un mandat local qui permet aux sénateurs d’être en contact avec les citoyens. En effet, un sénateur est en contact avec les élus, mais, contrairement aux députés, il n’est pas en contact avec les citoyens.
Interdire tout cumul reviendrait donc à priver le sénateur de ce contact avec les citoyens qui lui est indispensable pour exercer sa fonction de législateur.
S’agissant de ce texte, expression transpartisane de la volonté du Sénat, vous n’avez eu qu’un objectif : le rayer d’un trait de plume pour en revenir à votre version, marquant ainsi votre refus du dialogue et le peu de respect que vous inspire le Sénat.
Il faut reconnaître que vous aviez annoncé la couleur dès le début de nos débats. Vous aviez parlé cash, comme on dit aujourd’hui. Je vous cite : « Quel que soit le vote qui sera le vôtre, ce texte sera adopté par le Parlement. » Autrement dit : Circulez, il n’y a rien à voir !
Cette terrible phrase traduit votre profond mépris pour le Sénat,…
M. Christian Cambon. Ce n’est pas bon pour votre avenir, monsieur le ministre !
M. Hervé Maurey. … et par là même pour le bicamérisme et nos institutions.
Sur ce point au moins, vous avez tenu vos engagements puisque c’est le texte que vous souhaitiez qui est revenu au Sénat. Les députés n’ont retenu aucune de nos suggestions,...
M. Jacques Mézard. Ils sont intéressés, eux !
M. Hervé Maurey. ... pas même, comme l’a rappelé le rapporteur, celle qui consiste à ne cumuler aucune indemnité.
Ce texte est à la fois excessif et insuffisant puisque vous n’y traitez pas la question du cumul des mandats des élus locaux. (M. Jacques Mézard s’exclame.) La notion d’évidence que vous avez évoquée dans la discussion générale ne s’applique pas en l’occurrence : les élus locaux pourront continuer à cumuler deux, voire trois mandats au sein des collectivités locales, et autant de fonctions qu’ils le souhaiteront au sein de leurs groupements ou des organismes qui en découlent : HLM, syndicats, offices, pays, communautés de communes, etc.
Vous ne traitez pas non plus du statut de l’élu, alors que vous invoquez la nécessité de s’adapter aux lois de décentralisation et à leurs conséquences. Ce statut sera pourtant encore plus nécessaire dès lors que le cumul sera supprimé.
Vous n’abordez pas non plus la question du nombre de parlementaires. Or si l’on veut renforcer le rôle du Parlement – mais le voulez-vous vraiment ? –, il faut des parlementaires disposant de plus de moyens pour travailler. À cette fin, comme il n’est pas question de donner plus d’argent au Parlement, les parlementaires doivent être moins nombreux.
Vous qui dites vouloir moderniser la vie publique, vous ne traitez pas non plus de la limitation du cumul des mandats dans le temps, pourtant adoptée par la commission des lois de l’Assemblée nationale.
Lors de l’examen de la loi du 17 mai 2013, vous nous avez reproché d’avoir supprimé le mode de scrutin binominal sans proposer aucune alternative. Vous pouvez constater que nous avons progressé puisque nous proposons aujourd’hui un nouveau texte, celui que nous avions adopté en première lecture.
Ce texte représente un véritable travail sénatorial, car il a été adopté par la commission des lois de façon transpartisane. Il résulte de l’adoption de deux amendements du rapporteur, deux du groupe UDI-UC, deux du groupe UMP, deux du groupe RDSE, et d’un amendement de Mme Lipietz.
J’espère, car c’est encore la période des vœux, que la nouvelle année et quelques mois supplémentaires d’expérience de ministre vous permettront d’être plus ouvert aux propositions du Sénat (M. Henri de Raincourt sourit.) et plus respectueux de celui-ci. J’avoue cependant que j’en doute fortement après vous avoir écouté...
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. M. Valls est depuis toujours un homme ouvert, j’en témoigne !
M. Hervé Maurey. Depuis que vous êtes ministre, vous n’avez cessé de porter des mauvais coups au Sénat et à la ruralité.
M. Christian Cambon. Ce n’est pas bon pour l’avenir !
M. Hervé Maurey. Vous avez mis en place le scrutin binominal et le redécoupage, qui permet d’amoindrir le poids du monde rural dans les assemblées départementales.
Vous avez augmenté le poids des grandes villes dans le collège sénatorial.
Vous avez abaissé le seuil de la proportionnelle pour l’élection des sénateurs, afin de donner encore plus de poids aux partis dans leur désignation. (M. le rapporteur s’exclame.)
Vous avez temporairement renoncé à instituer un Haut Conseil des territoires, mais on sait très bien qu’il reviendra par la fenêtre.
À présent, vous voulez que les sénateurs, qui représentent les collectivités locales, soient privés de leur mandat local pour mieux réduire leur légitimité.
Monsieur le ministre, quoi que vous en pensiez, le Sénat n’est pas une assemblée de ringards arc-boutés sur le passé.
M. Jacques Mézard. C’est Public Sénat qui dit cela !
M. Hervé Maurey. C’est une assemblée dont la sagesse est reconnue.
Cette sagesse nous rend moins sensibles que d’autres, notamment les députés ou les ministres, aux sirènes du populisme et de la démagogie. (Mme Christiane Demontès s’exclame.)
Vous nous avez dit, monsieur le ministre : « Le Sénat peut être rebelle ». De ce point de vue, vous aviez raison : sur ce sujet et sur d’autres, nous sommes et nous serons rebelles.
Mme Éliane Assassi. Cela dépend pour quoi !
M. Hervé Maurey. Car il y va de la défense de la Haute Assemblée et, par là même, de l’équilibre de nos institutions ; il y va de la défense de nos territoires et de celles et ceux qui les font vivre.
C’est pourquoi le groupe UDI-UC votera le texte issu des travaux de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour permettre à ceux d’entre vous qui le souhaitent de se rendre à la cérémonie des vœux de M. le président du Sénat, à dix-huit heures trente ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le rapporteur, je tiens en préalable à saluer l’objectivité et l’impartialité avec lesquelles vous avez présenté le projet de loi organique dans la rédaction adoptée par la commission.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, le Sénat n’est pas réfractaire à la limitation du cumul des mandats.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cela commence bien !
M. Philippe Bas. Il l’a prouvé dans le passé. Il est prêt à le prouver encore aujourd’hui.
Dans le passé, le Sénat a voté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale la loi de 1985 présentée par le gouvernement Fabius et la loi de 2000 présentée par le gouvernement Jospin. À chaque fois, un accord a été trouvé entre les deux assemblées, avec le concours du gouvernement de l’époque, alors que l’on aurait pu penser que la configuration politique n’était pas aussi favorable à l’exécutif qu’aujourd’hui.
Pas plus aujourd’hui qu’hier, le Sénat ne refuse de réexaminer les règles actuelles relatives au cumul des mandats et d’étendre les restrictions dont ce cumul fait l’objet.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Philippe Bas. Comme nous l’avons voté voilà quelques mois, comme la commission l’a confirmé avant cette séance, nous avons fait le choix de permettre l’exercice d’un mandat exécutif local par les sénateurs. Ce faisant, nous avons étendu considérablement la liste des mandats susceptibles d’être pris en compte au titre de la réglementation du cumul : président d’intercommunalité, maire d’une commune faiblement peuplée, adjoint au maire, vice-président de conseil général ou de conseil régional, président de société d’économie mixte.
Non seulement le Sénat accepte toutes ces mesures, mais il est même capable de les proposer !
Enfin, le Sénat a adopté le principe de gratuité pour tout mandat local exercé par un sénateur, y compris celui de simple conseiller général ou de conseiller régional. L’Assemblée nationale ne nous a pas suivis sur ce point. Notre commission a confirmé sa position avant cette nouvelle délibération.
Mais le débat que nous avons ne devrait pas rester isolé. Puisque nous avons le souci de la cohérence, nous devrions aussi réfléchir au cumul des mandats locaux entre eux, à l’inscription dans la Constitution de l’interdiction du cumul pour les ministres, même si elle se pratique aujourd’hui, ainsi, bien sûr, qu’aux progrès à réaliser dans le statut de l’élu local.
À ce sujet, je veux relever que, dans nos textes actuels – je pense, par exemple, au code du travail, mais aussi au statut général de la fonction publique –, les fonctions exécutives locales ne sont jamais exercées à plein temps. Au contraire, le législateur estime toujours, sans que vous ayez jugé utile de réexaminer ce point, monsieur le ministre, qu’un mandat de président de conseil général ou de maire représente au maximum 25 % de temps professionnel libéré. En d’autres termes, dans notre système politique, l’exercice de ces mandats est pris sur du temps personnel et non sur du temps professionnel.
Mes chers collègues, alors même que notre législation considère encore aujourd’hui, sans que le Gouvernement veuille revenir sur ce point, que ces mandats locaux prennent peu de temps professionnel, il serait tout de même assez piquant que les parlementaires ne puissent être ni maires d’une commune de 200 habitants ni même adjoints. Alors que ce service est permis pour tous les autres citoyens, il serait interdit aux parlementaires, et à eux seuls, même si leurs compétences pourraient se révéler utiles dans l’exercice de ces mandats locaux ! Où est l’intérêt général dans cette mesure ?
Enfin, je relève que nous ne nous sommes pas encore intéressés au cumul des fonctions parlementaires avec des fonctions nationales.
M. Jacques Mézard. Oui !
M. Philippe Bas. Je pense aux responsables nationaux de partis politiques, aux présidents d’organismes publics comme la Caisse des dépôts et consignations ou le Centre national de la fonction publique territoriale…
Pour des raisons de principe que je comprends très bien, nous n’avons pas non plus envisagé d’interdire les activités d’ordre privé aux parlementaires.
M. Jacques Mézard. Excellent !
M. Philippe Bas. C’est pourquoi, lorsque l’on évoque la nécessité pour un parlementaire de consacrer 150 % de son temps à sa fonction d’élu national, on méconnaît la réalité, et pas seulement la réalité juridique. En tout cas, le Gouvernement ne semble pas l’avoir perçue, encore moins avoir cherché à la modifier.
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Philippe Bas. Puisque nous avons su trouver un accord en 1985 et en 2000, nous espérions en trouver un aussi cette année. C’est la raison pour laquelle nous avons tendu la main à plusieurs reprises. Cette volonté d’entente et de compromis s’est cependant heurtée à l’intransigeance du Gouvernement qui, dès l’ouverture de la discussion, a décidé de passer en force, méconnaissant totalement l’apport de notre institution. Je le regrette profondément.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Au Parlement, on vote, on ne passe pas en force !
M. Philippe Bas. En effet, monsieur le président, et c’est exactement le sens de la préoccupation que je suis en train d’exprimer !
Le système qui nous est proposé me paraît relever davantage du dogme que d’une considération respectueuse de l’intérêt général, en particulier de l’intérêt de notre démocratie.
Monsieur le ministre, vous l’avez affirmé devant nous : vous croyez à la force des évidences.
M. Jean-Jacques Mirassou. Les forces de l’esprit ! (Sourires.)
M. Philippe Bas. Or il existe aussi les fausses évidences et les idées reçues.
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Philippe Bas. Pour notre part, nous croyons plutôt à la force des arguments. De ce point de vue, il n’est pas excessif de dire que nous sommes nombreux à ne pas avoir été convaincus par votre propos.
M. Jacques Mézard. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Philippe Bas. Nous estimons que le dispositif que vous avez retenu, celui du mandat national unique, avec éventuellement la possibilité d’être conseiller municipal, conseiller général ou conseiller régional, ne repose sur aucune considération sérieuse, en tout cas ne résiste pas à un examen approfondi du point de vue de l’intérêt des collectivités locales.
J’évoquais tout à l’heure la petite commune. Mais pourquoi donc avoir voulu absolument interdire à un parlementaire, qui par ailleurs fait bien son travail de parlementaire, d’être adjoint au maire d’une commune de 200 habitants, alors qu’un artisan travaillant soixante-dix heures par semaine peut être un très bon maire ? Ce seul exemple montre à quel point vous avez été systématique dans votre approche du problème, ce qui nous paraît injustifié, car contraire à l’intérêt général.
Cela étant, dans les plus grandes collectivités aussi, l’apport d’un parlementaire au service de l’intérêt général se mesure très concrètement. On parle souvent des sondages, mais, pour ma part, je ne connais que le suffrage universel et, jusqu’à présent, les Français ont fait confiance à leur député-maire. N’est-ce pas, monsieur le ministre ?
Vous avez exercé cette fonction.
M. Jacques Mézard. Avec talent, d’ailleurs !
M. Philippe Bas. Vous en avez fait l’éloge dans l’une de vos publications. Et si vous mettez aujourd’hui tant d’ardeur à défendre le dispositif contraire, c’est en converti que vous le faites…
M. Christian Cambon. Ce sont les pires !
M. Philippe Bas. … et sans doute sans renier l’avantage que vous avez pu apporter à la commune d’Évry, une commune que vous avez gérée en étant à la fois maire et député. En tout cas, pendant toute cette période, vous ne vous êtes pas aperçu qu’il vous était impossible d’exercer correctement vos deux mandats.
M. Christian Cambon. Et Jean-Marc Ayrault ?
M. Philippe Bas. Je pense aussi que votre système d’interdiction absolue et systématique n’est pas favorable au Parlement, pas plus qu’il ne l’est aux collectivités locales. Nous admettons bien volontiers que le Parlement ne peut être composé exclusivement de députés-maires et de sénateurs-maires ; la diversité est nécessaire dans nos assemblées. Pourtant, parce qu’elles sont ancrées dans des territoires, parce qu’elles gèrent des services publics et, ce faisant, sont plus que d’autres au contact de la population et à l’écoute de leurs besoins, ces personnalités sont à la loi, à sa fabrication, au contrôle de son exécution et au contrôle du Gouvernement d’un apport qui a jusqu’à présent été extrêmement bénéfique à nos assemblées, et donc au bon fonctionnement des institutions républicaines.
J’ajoute qu’il y a à craindre un renforcement de la mainmise des partis politiques sur les élus nationaux, ce qui provoquerait un déséquilibre entre le besoin qu’a l’élu national d’être en lien avec son parti et celui, symétrique, qu’a le parti de pouvoir compter sur de grands élus recueillant une forte audience auprès de la population.
Mme Cécile Cukierman. En cas de difficultés financières, ce n’est pas mal !
M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, vous méconnaissez ce qui était jusqu’à présent une exigence républicaine reconnue de tous.
Pour autant, mes chers collègues, fallait-il, comme nous l’avons décidé, différencier les députés et les sénateurs dans l’exercice des fonctions exécutives locales ? Pour nous, il ne s’est jamais agi d’une solution de premier rang. D’ailleurs, en première lecture, j’ai défendu, au nom de mon groupe, un amendement visant à permettre aux députés comme aux sénateurs d’exercer un mandat exécutif local unique. Seul le refus absolu du Gouvernement d’entrer dans cette discussion nous a en quelque sorte condamnés à opter pour une autre solution, celle de la différenciation.
Certes, je l’admets, depuis 1887, les inéligibilités et les incompatibilités applicables aux parlementaires sont les mêmes, que ceux-ci siègent au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Mais il s’agit d’une construction qui a été érigée pour garantir, d’une part, la probité, d’autre part, l’indépendance des parlementaires.
Sur ces deux chapitres, aucun d’entre nous n’accepterait la moindre différence entre le statut des députés et celui des sénateurs, parce que nos deux assemblées ont les mêmes missions constitutionnelles.
Pour importante qu’elle soit, l’incompatibilité entre certains mandats locaux et le mandat parlementaire n’est pas de même nature ni de même importance que ces incompatibilités et inéligibilités qui garantissent notre indépendance et notre probité.
Un espace est donc ouvert sur ce sujet important, mais secondaire par rapport à celui que j’évoquais à l’instant.
Cet espace nous permet d’envisager une différenciation ponctuelle, avec une accentuation des limitations au cumul des mandats et la gratuité de l’exercice de mandats locaux par les parlementaires. C’est un choix fondamentalement justifié par le rôle propre du Sénat dans nos institutions républicaines.
Nous représentons en effet les collectivités territoriales de la République. On prétend que cette disposition constitutionnelle aurait épuisé ses effets dans le mode d’élection des sénateurs et qu’elle n’aurait aucune incidence au-delà. C’est faux ! La Constitution tire de nombreuses conséquences de cette représentation des collectivités territoriales de la République, la plus visible depuis quelques années étant l’obligation de faire examiner d’abord par le Sénat, avant l’Assemblée nationale, les textes de décentralisation. Pourquoi ? Justement parce que nous représentons les collectivités territoriales de la République. Le mode de scrutin n’est donc pas seul en cause dans cette expression, qui emporte de nombreuses autres implications.
L’une d’elles est particulièrement intéressante : les lois organiques relatives au Sénat ne peuvent pas être adoptées à la demande du Gouvernement par l’Assemblée nationale statuant définitivement en application de l’article 45 de la Constitution. C’est l’article 46 de la Constitution qui le dit !
M. Jacques Mézard. Oui !
M. Philippe Bas. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de préciser l’interprétation qu’il convenait de faire de cette disposition.
En suivant scrupuleusement cette interprétation, on aboutit à la conclusion que le passage en force qui a été décidé par le Gouvernement, sinon de toute éternité, du moins depuis le début de ce débat, est impossible, à tout le moins sur plusieurs points.
En premier lieu, le texte du Gouvernement ne comporte que des dispositions relatives aux députés, à l’exclusion d’une, qui porte sur le remplacement des sénateurs. C’est par l’application d’un texte qui lui est extérieur, l’article L.O.297 du code électoral, lequel article est aussi une disposition d’une loi organique relative au Sénat, que les incompatibilités votées par les députés s’appliqueraient aux sénateurs. Mais encore faudrait-il que le Sénat y souscrive, car la portée juridique de cet article serait implicitement mais nécessairement modifiée par les dispositions applicables aux députés qui auraient été adoptées.
Il en résulte donc que, si l’on veut appliquer votre projet de loi aux sénateurs, monsieur le ministre, le dernier mot ne peut pas être donné à l’Assemblée nationale. C’est clair et limpide !
M. Jacques Mézard. Tout à fait !
M. Philippe Bas. J’ajoute, monsieur le ministre, que le texte est désormais « grevé » de deux désaccords fondamentaux entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
L’un porte justement sur la nouvelle rédaction que nous voulons donner à l’article L.O.297 du code électoral, qui renvoie au statut des députés pour déterminer celui des sénateurs. L’Assemblée nationale ne veut pas de la modification que nous proposons, pas plus que vous d’ailleurs, monsieur le ministre. Mais, dans ce cas, il existera un désaccord sur une disposition propre au Sénat, celle que nous aurons adoptée. Or, en cas de désaccord sur une disposition propre au Sénat, l’Assemblée nationale ne peut pas trancher seule.
L’autre point de désaccord porte sur une disposition qui, bien que tout à fait secondaire et passant relativement inaperçue, ne peut être traitée différemment.
Vous êtes entré en discussion avec cette disposition qui affecte l’article L.O.319 du code électoral, un article d’une loi organique relative au Sénat, puisqu’il s’agit du remplacement des sénateurs qui démissionnent. L’Assemblée nationale en veut ; nous n’en voulons pas. C’est exactement la situation symétrique de celle que je viens de décrire : le Sénat souhaite une modification de l’article L.O.297 du code électoral, l’Assemblée nationale n’en veut pas.
Dans les deux cas, le problème juridique est le même, et la solution juridique sera donc la même. Or cette solution juridique, qui s’impose avec la force de l’évidence, vous interdit, monsieur le ministre, de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale sur cette réforme.
Je déplore que vous n’ayez pas pris conscience plus tôt de cette réalité juridique. Cela nous aurait évité d’aller à l’affrontement, d’autant que nous étions, d’entrée de jeu, dans un état d’esprit favorable à un accord entre les deux assemblées et à un compromis avec vous.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques mois, nous avons connu une modification de la loi électorale relative aux communes et aux communautés de communes, une modification de la composition du collège électoral du Sénat dans le sens d’une accroissement du nombre des délégués non élus des villes, et un redécoupage cantonal qui donne de nombreux avantages aux populations urbaines.
M. Christian Cambon. Un charcutage, plutôt !
M. Philippe Bas. Nous assistons aussi à la baisse des dotations aux collectivités locales, et nous n’avons encore rien vu, manifestement : nous avons écouté très attentivement le Président de la République hier, et nous savons ce qui attend les collectivités locales !
Il faut que le Sénat, représentant des collectivités territoriales de la République, assume plus que jamais leur défense. C’est la raison pour laquelle je défends le texte adopté par la commission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour débattre d’un projet de loi à l’évidence sensible, et qui mérite, de mon point de vue, d’être abordé avec sérénité et responsabilité, deux qualités que le Sénat sait souvent conjuguer.
C’est d’autant plus nécessaire que, ces derniers jours, à mon grand regret, le Sénat a renvoyé l’image d’une institution qui veut préserver ses avantages, et non celle d’une assemblée capable de donner sens et force à notre démocratie. Ce faisant, les tenants du populisme s’en donnent à cœur joie pour dénigrer la politique et les politiques. Et certains – ce sont souvent les mêmes – s’en prennent allègrement au bicamérisme, auquel les élus de mon groupe sont attachés, même s’ils considèrent qu’il doit être revisité pour donner plus de sens à nos deux chambres, et donc plus de force à notre démocratie.
Ainsi, quel que soit notre vote, notre message, aujourd’hui, doit porter le sceau de la responsabilité, pour illustrer d’abord et avant tout notre volonté d’être utiles à nos concitoyens.
Le cumul d’un mandat parlementaire avec des responsabilités locales est une pratique courante : le cumul est la règle et le non-cumul, l’exception.
Malgré des limitations apportées en 1985 et en 2000, la législation actuelle reste très permissive en ce qu’elle ne prévoit aucune incompatibilité entre un mandat parlementaire et l’exercice de responsabilités exécutives locales.
Quelles que soient les différences existant entre les systèmes politiques des grandes démocraties dans le monde, aucune – aucune, mes chers collègues - ne pratique le cumul des mandats à l’échelle de ce qui est observé en France. L’enjeu est donc bien de mettre fin à une exception française de grande ampleur, qui touche - soyons les uns et les autres rassurés ! - tous les partis politiques.
Près de 90 % des députés et sénateurs exercent un mandat local en même temps qu’un mandat parlementaire, tandis que, dans la quasi-totalité des autres pays occidentaux, la proportion n’atteint jamais les 20 %.
Cette exception française suscite les critiques et la méfiance de nos concitoyens. Selon un récent sondage, six personnes sur dix sont favorables à l’interdiction du cumul des mandats. Ainsi, il faut savoir l’admettre, débattre du non-cumul des mandats contribue à traiter pour partie de la crise de la représentativité politique qui mine la République depuis bien trop d’années maintenant.
À ce titre, interdire ou limiter de manière stricte le cumul, c’est apporter, non pas « la » réponse, mais « une » réponse à cette crise, pour retisser le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus et réconcilier les Français avec leur démocratie et leurs représentants.
Attaché depuis toujours à la démocratie vivante, celle qui permet l’association de tous à la vie politique, le groupe CRC accueille positivement, malgré ses évidentes limites, ce projet de loi.
Nous sommes favorables à une stricte limitation des mandats électifs en nombre et dans le temps, laquelle s’inscrit dans un ensemble de mesures fortes que nous préconisons pour une profonde et nécessaire rénovation de la vie politique.
Certains opposants au non-cumul arguent de la nécessité d’un ancrage local pour être à l’écoute de nos concitoyens. Cet argument s’entend, mais il me semble un peu court.
Nul besoin de « cumuler » pour être un élu de terrain, ancré sur un territoire, sauf à considérer qu’un parlementaire sans mandat exécutif local serait moins bon qu’un autre qui ne se consacre qu’à sa mission législative nationale. Ce serait faire insulte à certains de nos éminents collègues ! Pourquoi seraient-ils déconnectés des réalités locales ?
Une bonne connaissance du terrain se construit, normalement, avant d’accéder à un mandat national. De grands responsables politiques qui sont présents aujourd’hui dans cet hémicycle le savent très bien.
Élus nationaux sans mandat exécutif local, nous modifierons sans doute nos pratiques pour répondre aux attentes du monde syndical, culturel, associatif et de nos concitoyens, qui veulent plus d’échanges et de proximité avec les parlementaires.
Disant cela, je n’invente rien, et je suis bien placée pour m’exprimer sur le sujet. En effet, comment font les parlementaires qui, comme moi, siègent au sein de conseils municipaux dans l’opposition, donc sans mandat exécutif, ou qui décident, comme moi aussi, d’ailleurs, de ne plus être élu local ? Sont-ils moins parlementaires que d’autres ? Sont-ils moins capables d’assurer la représentation des collectivités territoriales ? Sont-ils moins capables d’être les porte-voix de leurs concitoyens ? Je ne le pense pas.
M. Gérard Larcher. Ce n’est pas le sujet !
Mme Éliane Assassi. Bien sûr que si, au moins en partie ! Il faut cesser l’hypocrisie et dire les choses franchement, sans s’éloigner du vrai sujet.
M. Christian Cambon. La diversité est possible !
Mme Éliane Assassi. J’en viens à présent à l’absentéisme, caractéristique des travées des hémicycles du Parlement.
Représenter la Nation dans son ensemble, voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement, évaluer les politiques publiques, tout cela ne saurait se satisfaire d’un temps partiel ! Je ne crois d’ailleurs pas que le seul fautif dans l’absentéisme soit le cumul des mandats, même s’il y contribue.
M. Jean-Jacques Hyest. Vous avez raison !
Mme Éliane Assassi. Les sujets sur lesquels nous travaillons sont variés, complexes et techniques, reflet de la multiplication des sources du droit et autres contraintes. Or les mandats locaux d’aujourd’hui, tels qu’ils ont été dessinés par les lois successives de décentralisation, ont changé la morphologie de notre pays, la mission de ces élus locaux exigeant d’eux un grand investissement.
Sur le fond, l’absentéisme parlementaire est à la fois l’une des causes et l’une des conséquences de l’affaiblissement du Parlement.
Nous sommes nombreux ici à critiquer le déséquilibre institutionnel au profit de l’exécutif, qui s’est accentué avec l’inversion du calendrier électoral
M. Jacques Mézard. Cette inversion a été très néfaste, en effet !
Mme Éliane Assassi. Je crois me souvenir que nous n’étions pas très nombreux à dire les raisons pour lesquelles il ne fallait pas inverser ce calendrier.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux à demander le renforcement de la place et du rôle du Parlement. Toutefois, mes chers collègues, rien ne bougera si les parlementaires eux-mêmes ne se saisissent pas pleinement des pouvoirs qui leur sont conférés.
Ensuite, la limitation stricte des mandats peut permettre de rompre avec cette culture dans laquelle certains voient la marque d’une « conception hyper-élitiste de la société, de la crainte de la compétition et de l’affrontement concurrentiel, et donc d’une stratégie tendanciellement monopoliste qui fait le vide autour du cumulant ».
Ainsi, chers collègues, les jeunes, les ouvriers se comptent sur les doigts d’une main au Parlement. Quant à la diversité des origines, n’en parlons pas ! Et s’il n’y avait pas eu la loi sur la parité et une dose de proportionnelle ici, gageons que les femmes seraient moins nombreuses sur nos travées, comme elles sont peu nombreuses à l’Assemblée nationale !
C’est un fait établi : le cumul des mandats fige le personnel politique, en nombre et dans le temps. Cette « règle » très française est synonyme de reproduction des élites et de professionnalisation de la politique.
Ne vous méprenez pas, tout cela est bien clair dans l’esprit de nos concitoyens, puisque 80 % d’entre eux estiment que nous formons une caste qui s’arc-boute sur ses privilèges.
La démocratie implique pour les élus non pas un super-professionnalisme, mais une hétérogénéité d’expériences qui fonde leur légitimité et leur force. Sans cela, c’est la démocratie que l’on continue de blesser, au mépris du peuple souverain !
La réforme proposée constitue une avancée, certes timide, je l’ai souligné, pour engager la rénovation de la vie politique et apporter des réponses à la crise de la représentativité et à son cortège de maux qui fragilisent notre démocratie : conflit d’intérêts, absentéisme, non-renouvellement, et j’en passe.
Aussi, il ne doit s’agir que d’un premier pas vers d’autres mesures tout aussi urgentes et nécessaires.
Tout ce qui entrave l’expression démocratique de la souveraineté populaire doit être déconstruit. À cet égard, j’entends, bien sûr, la limitation du cumul dans le temps et les modes d’élection ; je ne m’attarderais pas, ici, sur la proportionnelle, à laquelle les élus de mon groupe sont toutes et tous très attachés.
Là encore, il convient de penser à la création d’un véritable statut de l’élu ne se limitant pas au seul aspect pécuniaire, mais permettant au citoyen, élu pendant une période de sa vie, de retrouver son emploi après la fin de son mandat ou d’accéder à une formation débouchant sur un nouvel emploi.
Mes chers collègues, nous devons redonner sens à notre démocratie, redonner sens au politique et à la politique ; nous devons restaurer la confiance de nos concitoyens. Même avec ses limites, je le répète, mais j’y insiste, ce texte peut y contribuer. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC le votera. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’honneur de présider un exécutif local et un groupe parlementaire. Je n’ai pas le sentiment d’être absent, ni ici, ni là-bas…
Le projet de loi revient de l’Assemblée nationale tel que le Gouvernement l’a voulu, voté par des députés disciplinés, quels que soient les états d’âme de certains. Une nouvelle fois, l’alternance n’a pas changé le système.
Monsieur le ministre, vous nous aviez annoncé en première lecture que le Gouvernement s’opposerait à tout amendement et donc à tout débat parlementaire : voilà une promesse tenue…
Vous nous aviez asséné, avec ce que certains d’entre nous ont pu considérer comme du mépris, mais je sais que tel n’était pas le fond de votre pensée, que « quel que soit le vote qui sera le vôtre, ce texte sera adopté par le Parlement » - il s’agissait sans doute plutôt d’une provocation – et vous ajoutiez, avec ce que d’autres ont pris pour du cynisme, que ce texte « renforce le Sénat ». (Sourires sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP.)
La méthode est la même que celle du ministre Jeanneney en 1969, qui présenta le projet de suppression de la Haute Assemblée en déclarant que l’objectif était de donner au Sénat une influence plus grande. (M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.) Comme vous le voyez, monsieur le ministre, vous avez d’excellents prédécesseurs…
En réalité, le message était et reste clair : suicidez-vous ou nous vous exécutons !
Ce qui doit être dit, afin qu’il en reste trace lorsque d’autres, ou peut-être vous-même, reviendront sur ce texte, c’est que le Sénat, dans sa grande majorité, a considéré que la suppression de tout cumul d’un mandat local exécutif avec un mandat de parlementaire était une aberration, et ce pour l’équilibre de nos institutions comme pour la représentation de nos territoires.
Ce qui doit être dit, c’est que, devant l’acharnement du Gouvernement à obtenir un vote majoritaire des députés – certains d’entre eux m’ont dit les pressions subies – la grande majorité du Sénat a considéré que, ne devant et ne pouvant imposer aux députés un choix concernant ces derniers, il appartenait à notre assemblée de prendre des dispositions relatives aux sénateurs découlant strictement de l’application des règles constitutionnelles, à savoir de l’article 24 de la Constitution, qui dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités locales, et de l’article 46, alinéa 4, qui dispose que les lois organiques relatives au Sénat doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. Je rappelle que l’article 25 de la Constitution ne pose pas de principe d’identité absolue du statut des membres de chaque assemblée.
Ce qui doit être dit, monsieur le ministre, c’est que vous avez vous-même déclaré devant la commission des lois qu’« un traitement différencié des sénateurs conduirait à qualifier ce texte de loi organique relative au Sénat, ce qui suppose un vote conforme des deux assemblées ».
Je cite le compte rendu de votre audition, qui figure dans le rapport de la commission, comme je citais la dénonciation que vous faisiez du non-cumul dans votre excellent ouvrage dont la lecture me procure toujours le même plaisir à la fois intellectuel et politique tant il est excellent aussi bien dans la forme que sur le fond.
Dans la mesure où je ne doute pas que vous êtes un homme de conviction, monsieur le ministre, je suis certain qu’au fond de vous-même vous êtes convaincu des défauts de ce projet. Mais voilà, vos militants, puis l’opinion publique ont été chauffés à blanc par le communicant exceptionnel que vous êtes. Vos militants sont heureux – enfin une satisfaction pour eux ! (M. ministre s’esclaffe.) –…
M. Philippe Bas. Ils n’en ont pas beaucoup !
M. Jacques Mézard. … et l’opinion peut encore davantage surfer sur la vague d’antiparlementarisme engendrée par toute crise pimentée de scandales à répétition.
Ce qui doit être dit, c’est que le Sénat, vilipendé dans une offensive médiatique orchestrée avec l’appui des médias « branchés » parisiens, dans le silence de son exécutif, a pourtant voté un texte beaucoup plus réformateur et innovant que le vôtre, monsieur le ministre.
Oui, le Sénat a réduit à un seul mandat exécutif local la possibilité de cumul d’un sénateur ; mais le Sénat est allé beaucoup plus loin que vous ne l’avez fait sur la question du cumul des indemnités, par exemple.
C’est le Sénat, sur notre proposition, qui a supprimé le cumul des indemnités. C’est cela que souhaitaient nos concitoyens. Et qu’avez-vous fait ? Vous avez assez sournoisement entretenu la confusion entre le cumul des mandats et le cumul des indemnités !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Jacques Mézard. Ce qui doit être dit, c’est que notre groupe a proposé d’interdire le cumul de mandats locaux comme celui de maire d’une commune importante, de président de communauté urbaine ou de métropole, comme à Lille, cumul considérable s’il en est ! Vous avez refusé cette proposition en renvoyant sa mise en œuvre aux calendes grecques.
Pourquoi une telle absence de réflexion, pourquoi chercher ainsi à préserver les acquis de nos grands féodaux ?
Ce qui doit être dit, c’est que vous avez fait pulvériser tous nos amendements visant à interdire le cumul des fonctions électives avec la qualité de membres de cabinets élyséens, ministériels ou de grands exécutifs !
M. Bruno Retailleau. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Ce qui doit être dit, c’est que vous considérez le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de maire ou d’adjoint d’une petite commune de quelques dizaines d’habitants comme une charge insupportable, trop lourde, alors que vous avez lamentablement reculé sur la question des incompatibilités professionnelles, pliant devant les avocats d’affaires, les dirigeants de grandes sociétés, y compris d’armement… (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. C’est dit !
M. Jacques Mézard. Ceux-là ont le temps et la capacité de cumuler !
J’ai une conviction, comme l’unanimité des membres du RDSE : votre projet de loi est contraire à l’équilibre de nos institutions, contraire à l’esprit et à la lettre même de la Constitution ; il prépare clairement, si ce n’est la suppression du bicamérisme, à tout le moins la disparition du Sénat en tant que véritable assemblée parlementaire capable non seulement d’améliorer le processus législatif, qualité qui lui est presque unanimement reconnue, mais également de rester indépendante à l’égard du pouvoir exécutif.
M. Gérard Larcher. Eh oui !
M. Jacques Mézard. En cela, vous atteindrez l’objectif que nombre de vos collègues ou prédécesseurs n’avaient point atteint contre une assemblée que M. Jospin appelait « l’anomalie démocratique ».
Vous serez donc, dans l’histoire parlementaire, celui qui, après avoir mis en place le binôme départemental, aura fait du Sénat une assemblée de seconde zone. Heureusement, ce que fait une loi, une autre peut et pourra le défaire, du moins si le Conseil constitutionnel ne nous suivait pas.
Vous multipliez chaque mois la création de Hauts Conseils et de conseils plus ou moins stratégiques, mais vous voulez détruire la Haute Assemblée !
En réalité, nous vivons depuis un an et demi une offensive orchestrée contre le Sénat, qui, pour certains, n’a eu d’autre utilité que de préparer l’alternance, une alternance qui fut favorisée par dix-huit des dix-neuf sénateurs de mon groupe. D’un coup, le Sénat a subi un torrent de critiques : il serait un « triangle des Bermudes », une « assemblée d’hommes blancs », et pire encore. Tout y est passé. Le lamentable épisode de l’immunité parlementaire a su être utilisé aussi à cette fin, par les mêmes.
M. Gérard Larcher. Absolument !
M. Jacques Mézard. Le Sénat n’a pas été défendu par ceux qui en avaient le devoir, jusqu’à la chaîne Public Sénat, qui s’est illustrée de la manière la moins digne qui soit !
M. Jean-Jacques Hyest. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Dois-je, à vous qui voulez chausser les bottes de Clemenceau, vous rappeler le discours de Salernes ? Vous avez remplacé les « chéquards » par les « cumulards » !
La question du bicamérisme est un débat récurrent dans la politique française et sous les trois dernières Républiques. Même Clemenceau, pour lequel nous avons tous beaucoup d’admiration, a heureusement changé d’avis sur cette question.
M. Bruno Retailleau. Vive Clemenceau ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. Est-il vraiment raisonnable que, dans notre pays, à chaque alternance, c’est-à-dire tous les cinq ans désormais, la nouvelle majorité change l’ensemble des systèmes électoraux et modifie d’une manière ou d’une autre l’architecture institutionnelle ? Imagine-t-on les démocraties européennes voisines modifier ainsi leurs institutions à chaque changement de majorité ?
Cela démontre la dérive des institutions de la Ve République. Nombre de nos plus éminents universitaires se sont récemment exprimés pour condamner votre projet de loi au nom du respect des institutions, face au déséquilibre de plus en plus évident du pouvoir au profit de l’exécutif présidentiel.
L’hyper-présidence de la République n’est plus le fait d’un homme exceptionnel, elle procède de la nature du régime actuel et oblige tous les cinq ans le futur élu à promettre au-delà du raisonnable...
L’hyper-présidence engendre inéluctablement l’affaiblissement du Parlement et la recherche par l’exécutif de parlementaires soumis au parti dominant du Président de la République.
Cela, le Sénat l’a toujours combattu, quelle que soit la majorité parlementaire, et c’est la raison pour laquelle, régulièrement, le parti dominant, de manière plus ou moins directe, veut le briser.
Plutôt que de viser directement la suppression du Sénat, il est plus facile, plus sournois, aussi, de le vider de sa substance et de le transformer dans un premier temps en copie émasculée de l’Assemblée nationale, avec des sénateurs de fait choisis par les partis dominants et ne représentant plus les territoires. C’est l’un des véritables objectifs de la loi sur le non-cumul des mandats : notre devoir est de le proclamer. À quoi rimerait un Sénat représentant les collectivités, aux termes de la Constitution, sans un seul maire, sans un seul adjoint ou membre d’un exécutif local ?
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Jacques Mézard. Vous détruisez en toute connaissance de cause la mission constitutionnelle spécifique du Sénat : assurer la représentation des collectivités locales, ce qui n’enlève rien au caractère généraliste de cette assemblée.
J’en veux pour preuve votre projet de création d’un « Haut Conseil des territoires », que nous avons combattu tellement il était provocateur à l’égard du Sénat.
Permettez-moi de citer le rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, M. Dussopt : « Les sénateurs parlent d’un ″Sénat bis″. Ils n’intègrent pas la perspective de non-cumul. Mais le jour où le non-cumul sera appliqué, il faudra un lieu de concertation entre le Gouvernement et les responsables des principaux exécutifs locaux. » Quel aveu ! Comment peut-on mieux reconnaître que c’est aujourd'hui le Sénat, et le Sénat seul, qui assure cette mission qu’est la concertation ?
Mais le comble, mes chers collègues, c’est le rapport établi, au nom de la délégation du Sénat aux collectivités territoriales, par notre collègue Jean-Claude Peyronnet, dont nous connaissons la loyauté et que je respecte profondément. Ce rapport est intitulé Tirer les conséquences des règles de non-cumul : pour l’association des parlementaires aux commissions locales.
Permettez-moi de citer un extrait de la présentation, devant les membres de la délégation, il y a quelques semaines, de ce rapport.
« C’est cette participation à la gouvernance locale qui, seule, établit le lien entre les élus nationaux et leur territoire d’élection, lequel n’est constitué que de façon fugace par le mode de leur élection […] Les nouvelles règles de non-cumul qui englobent la totalité des exécutifs locaux vont littéralement couper les parlementaires de toute la vie locale. »
M. Bruno Retailleau. Eh oui !
M. Jacques Mézard. « En conséquence, les parlementaires vont se retrouver ″hors sol″ – c’est toujours votre collègue socialiste qui parle –,…
M. Christian Cambon. C’est ce qu’ils cherchent !
M. Jacques Mézard. … rattachés pour la forme à un territoire en l’absence de toute compétence à exercer, sinon la satisfaction de couper des rubans et de déposer des chrysanthèmes. »
Merci, cher collègue Peyronnet, car c’est la vérité !
Et le rapporteur de proposer la création d’une conférence départementale et d’une conférence régionale des parlementaires pour les répartir dans les commissions régaliennes locales. C’est ubuesque !
Monsieur le ministre, vous avez, en première lecture, qualifié ce projet de « révolution ». Il est des révolutions qui ont des effets positifs, d’autres des effets dévastateurs. L’avenir dira ce qu’il en est de celle-ci.
En fait, le caractère « révolutionnaire » de votre projet, c’est le détournement des procédures législatives normales pour vicier un processus législatif qui ne pouvait vous permettre de réussir. Certes, vous n’êtes pas le premier ministre de l’intérieur à pratiquer cet exercice, qui relève du coup de force. « J’ai le pouvoir, rien ne m’arrêtera ! » D’où le recours totalement injustifié à une procédure dite « accélérée », en sessions extraordinaires ; mais je ne rappellerais pas, comme en première lecture, le cursus peu honorable qui a été suivi.
Quel mépris pour la démocratie parlementaire ! Le tout dans le but de laisser à l’Assemblée nationale, en faisant fi de toute notre tradition constitutionnelle, la décision sur des dispositions relatives à l’élection et au fonctionnement du Sénat, en contradiction avec les articles 24 et 46 de la Constitution.
Je ne reprendrai pas le discours du président Gaston Monnerville de 1968, ni le mot de « forfaiture ». Chacun sait ici, cela ressort assez de vos textes, que c’est de l’avenir même du bicamérisme qu’il est question ! Le Conseil économique, social et environnemental vous plaît, ses membres sont désignés et non élus, et ses rapports, souvent intéressants, ont le sort que vous voulez bien leur faire…
Oui, nous considérons que votre projet de loi viole le quatrième alinéa de l’article 46 de la Constitution, car il s’agit bien d’une loi organique relative au Sénat – à cet égard, je fais totalement miennes les excellentes observations formulées sur les plans législatif et constitutionnel par notre collègue Philippe Bas –, ce que d’ailleurs l’exécutif avait reconnu dans les deux précédents parlementaires sur les cumuls : la loi organique du 20 décembre 1985 et celle du 5 avril 2000.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Le « dissensus » entre les deux chambres est patent au regard du texte qu’a voté la commission des lois du Sénat et qui sera, je n’en doute pas, adopté de nouveau par le Sénat ce soir.
Soyons clairs, il est impossible d’interpréter le quatrième alinéa de l’article 46 sans faire référence au quatrième alinéa de l’article 24 : on constate que l’intention du constituant était clairement affirmée lorsqu’il a ajouté ce quatrième alinéa à l’article 46 de la Constitution. Il est évident que la rédaction de cet article visait à donner au Sénat un moyen de défense contre l’Assemblée nationale.
Une telle interprétation est corroborée tant par les déclarations faites en son temps par René Cassin que par le contenu du courrier adressé par le garde des sceaux Michel Debré au président du Conseil de la République Gaston Monnerville. Il lui indiquait que, parmi les dispositions qui rétablissaient l’autorité du Sénat dans la Ve République, figurait celle qui exige l’accord du Sénat pour les lois organiques le concernant.
Revenir sur ce principe, en fabriquant des textes prétendument applicables aux deux assemblées, c’est permettre inéluctablement à l’Assemblée nationale et au Gouvernement de supprimer toute disposition spécifique relative au Sénat et d’en faire une copie, un ersatz soumis, ce qui est d’ailleurs revendiqué publiquement par nombre de députés relayant un discours partisan bien connu.
Je souligne aussi que l’article 25 de la Constitution n’impose nullement un régime d’incompatibilités identique pour l’Assemblée nationale et le Sénat.
Notre excellent collègue Philippe Bas l’a justement rappelé, le projet de loi organique dont nous débattons modifie les règles relatives aux sénateurs par application d’une disposition organique relative au Sénat – l’article L.O. 297 du code électoral – et, pour modifier la partie de cette disposition organique relative au Sénat, il devrait être adopté en termes identiques par les deux assemblées.
Bien sûr, le moment où la nature de la loi organique relative au Sénat de certaines dispositions d’un projet de loi organique se décide, c’est lorsque la commission mixte paritaire est passée.
Ces derniers mois, nombre de constitutionnalistes, se rendant compte du danger que représente ce projet de loi pour l’équilibre de nos institutions – Pierre Avril, Olivier Beaud, Laurent Bouvet, Patrick Weil, Jean-Philippe Derosier et d’autres –, ont lancé des avertissements ; certains ont même écrit au Président de la République.
Mes chers collègues, le courage, c’est de ne pas transiger sur ses convictions : le texte du Gouvernement est contraire aux nôtres sur les institutions de la République, sur le bicamérisme, menaçant quant à l’existence de notre sensibilité politique profondément ancrée depuis l’origine dans le Sénat de la République, au sein duquel elle a mené tous les combats de la République, avec vous et, aujourd’hui, contre vous.
Monsieur le ministre, Gaston Monnerville répondant au Président de Gaulle en 1962, ici même, lui lançait : « Non, monsieur le Président de la République, vous n’avez pas le droit, vous le prenez ! »
Monsieur le ministre, nous ne sommes, vous et moi, ni l’un ni l’autre, encore que, pour vous, l’ambition respectable est présente et je vous souhaite de tout cœur de réussir. Mais la même phrase peut vous être adressée. Méditez-la !
C’est au nom de tout cela que, pour le Sénat et la République, mes chers collègues, je vous demande de tenir bon ! (Applaudissements prolongés sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Christian Cambon. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Monsieur le président, monsieur le ministre, chères et chers collègues, l’adoption de ce projet de loi me paraît essentielle pour l’amélioration de la confiance des citoyens dans leurs représentants.
Or, lors de la première lecture de ce texte, les groupes du RDSE, de l’UMP et de l’Union centriste ont fait adopter des amendements laissant aux sénatrices et aux sénateurs la possibilité de conserver une fonction exécutive locale : maire, adjoint, président ou vice-président de conseil général ou de conseil régional.
J’ai donc voté contre ces amendements, qui dénaturent le texte présenté par le Gouvernement, en traitant les sénateurs différemment des députés, ce qui me paraît injustifiable juridiquement et inopportun politiquement.
Pour les mêmes raisons, j’ai voté contre le projet de loi ainsi amendé.
En deuxième lecture, la commission des lois du Sénat s’est à nouveau prononcée dans le même sens, à la majorité, un certain nombre de ses membres estimant que l’interdiction d’exercer concomitamment un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale romprait le lien de proximité entre les élus nationaux et leurs électeurs. Ils évoquent la spécificité du mandat sénatorial et demandent sa reconnaissance en s’appuyant sur l’article 24 de la Constitution, qui dispose que « le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République », ce qui justifierait, selon eux, la possibilité de cumuler une fonction exécutive locale et un mandat de sénateur.
Que faut-il en penser ?
Il paraît d’abord difficile d’invoquer la spécificité du mandat sénatorial alors que le régime des incompatibilités des sénateurs est aligné sur celui des députés (M. Jean-Jacques Hyest proteste.), ce qui n’est pas forcément le fruit du hasard, comme le prétendent certains juristes.
Ensuite, selon l’article 3 de la Constitution, « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants ». Cela veut dire que tous les représentants agissent en fonction des prérogatives que leur confère la Constitution, au nom du peuple français. J’en tire la conclusion que tous les représentants, députés et sénateurs, jouissent de la même légitimité.
En outre, le texte soumis à notre examen autorise le cumul d’un mandat parlementaire national – ou européen, pour le second texte – avec un mandat local, départemental ou régional non exécutif. Il permet donc de maintenir le lien de proximité entre les élus nationaux et le territoire. Il en irait différemment si ce texte visait à instaurer le mandat unique. Or tel n’est pas le cas.
Mme Cécile Cukierman. Exactement !
M. Michel Teston. Enfin, il est très peu probable que le Conseil constitutionnel donne de l’article 24 de la Constitution une interprétation reconnaissant un traitement différencié pour les sénateurs. Quand bien même le ferait-il, en revenant sur sa jurisprudence constante, ce qui serait surprenant, ne serait-ce pas la voie ouverte à une restriction des compétences du Sénat, à une sorte de « relégation », le cantonnant dans l’examen des seuls textes relatifs aux collectivités locales ?
M. Jean-Jacques Hyest. Non !
M. Philippe Bas. Comment ?
M. Michel Teston. En réalité, la reconnaissance d’un traitement différencié pour les sénateurs pourrait bien se traduire, à terme, par un affaiblissement du Sénat et par l’instauration d’un bicamérisme très déséquilibré.
M. Simon Sutour, rapporteur. C’est évident !
M. Michel Teston. Eh bien, si, contrairement aux députés, les sénatrices et sénateurs ne devaient pas être concernés par les dispositions du présent texte, il est à craindre que le Sénat n’échappe pas à une très forte détérioration de son image, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir quant à son existence.
M. Christian Cambon. Des menaces ?...
M. Michel Teston. Un autre argument est parfois avancé par un certain nombre de collègues qui oublient un peu vite que la proportion d’élus en situation de cumul est plus importante à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Cet argument est celui d’une perte de poids politique du Sénat face à l’Assemblée nationale, si la Chambre haute perdait ses « grands élus ».
Mais au fait, qu’est-ce qu’un « grand élu » ? Cette notion ne dissimulerait-elle pas une logique de discrimination ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Absolument !
M. Michel Teston. N’est-ce pas une manière de suggérer qu’il y aurait donc aussi des « moyens » et des « petits » élus,…
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Michel Teston. … ou que les femmes et les hommes à la tête de « grands » exécutifs locaux seraient juridiquement plus importants que leurs collègues ? J’avais pourtant cru comprendre que tous les élus nationaux étaient égaux en matière de représentation de la Nation.
M. Christian Cambon. Cela n’a rien à voir !
M. Michel Teston. À mon sens, un grand élu n’est pas celui qui cumule les plus importants mandats locaux, départementaux, régionaux et nationaux ; c’est un élu pleinement investi dans le mandat ou la fonction qui lui ont été confiés par le peuple, et qui a passé, par l’élection, un « contrat moral » avec ses électeurs, garantissant son implication.
À ce stade de mon propos, qu’il me soit permis de faire remarquer que le non-cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur devrait avoir pour avantage de rendre plus lisibles pour nos concitoyens les rôles respectifs de chaque échelon territorial, en évitant les confusions habituelles sur les activités et les responsabilités des élus.
Après les lois du 30 décembre 1985 et du 5 avril 2000, qui ont permis de limiter le cumul de certaines fonctions, l’exigence démocratique nous impose aujourd’hui – j’en suis en tout cas intimement convaincu – d’interdire le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.
Cette évolution poussera sans doute, à l’avenir, à limiter le cumul des mandats et des fonctions dans le temps,…
M. Michel Teston. … aspect qui figurait en bonne place dans la proposition de loi que j’avais déposée en 2006, et qui n’a, vous vous en doutez, jamais été examinée. Mais chaque chose en son temps !
Alors, mes chers collègues, face à la crise de confiance de nos concitoyens dans la représentation nationale – phénomène dont, je l’espère, vous êtes conscients –, il s’agit avant tout de préserver le pacte républicain. Voter le texte du Gouvernement, tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale, devrait très utilement y contribuer ! (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, passer de la limitation à une interdiction totale du cumul des mandats constitue une véritable révolution. Il faut le reconnaître, ceux qui sont très hostiles au cumul sont souvent des repentis…
M. Pierre-Yves Collombat. Avec l’âge, ils sont devenus plus sages ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest. … qui avaient construit toute leur carrière en cumulant justement des mandats – un président de conseil général devenant sénateur et poussant son successeur à cette fonction locale à devenir lui-même sénateur. Je pourrais vous donner de nombreux exemples !
Certains cas sont même extraordinaires : je pense à un repenti ayant exercé toutes les fonctions en même temps – Premier ministre, maire et président de communauté urbaine – et qui était contre le cumul des mandats…
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne pouvait pas faire autrement !
M. Jean-Jacques Hyest. Comme Philippe Bas et Jacques Mézard, j’estime qu’il ne faut pas oublier que les modifications du régime des incompatibilités ont été, à chaque fois qu’elles concernaient les sénateurs, votées par le Sénat, et jamais par l’Assemblée nationale contre le Sénat.
S’agissant des lois de 1985 et 2000, le Gouvernement a trouvé un compromis entre les points de vue différents de l’Assemblée nationale et du Sénat parce qu’il existait un risque constitutionnel.
On me rétorquera que la jurisprudence du Conseil constitutionnel a évolué. Nous verrons bien ! Un certain nombre d’arguments évoqués par Philippe Bas, notamment sur le remplacement des sénateurs, me paraissent imparables. Je ne vois pas comment on pourrait laisser les députés voter des dispositions relatives au Sénat sans son accord.
Nous aurions pu faire évoluer la législation, comme en 1985 et en 2000, et c’est d’ailleurs ce que nous proposons. Des évolutions sont en effet envisageables. Certains cumuls sont difficilement acceptables, et il vaut mieux répartir les missions locales et parlementaires. Il est nécessaire que l’on aille plus loin que ce que nous avions adopté en 2000, comme le propose le Sénat. Une telle évolution serait raisonnable. Un seul mandat local, ce n’est pas forcément celui de président de conseil général ! Si l’on est maire d’un village, je ne vois pas en quoi cela nuit à l’exercice d’un mandat parlementaire.
J’ajouterai que nous avions fait d’autres propositions. Pour ma part, j’ai cosigné une proposition de loi visant à rendre incompatibles avec un mandat parlementaire les fonctions exécutives locales au sein d’une très grande collectivité. Cette solution, qui s’inscrivait dans l’esprit de la loi de 2000, était également envisageable. Elle n’a pas été retenue.
On avance que cette interdiction du cumul était une promesse. Certaines promesses ne coûtent pas cher ! C’est le cas de celle-ci, avec laquelle on va pouvoir se payer les parlementaires et développer un peu plus l’antiparlementarisme, dont je remarque qu’il est la plupart du temps le fait des médias nationaux. On ne constate pas un tel antiparlementarisme sur le terrain local.
M. Bruno Retailleau. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Hyest. Il se trouve que nos concitoyens élisent volontiers ceux auxquels ils ont déjà fait confiance sur le plan local. Vous avouerez que c’est un paradoxe, mais c’est ainsi que cela se passe, notamment pour le Sénat. Et l’on voudrait l’interdire ?
Je ne dis pas que tous les élus devraient être également des élus locaux.
Mme Éliane Assassi. C’est l’argument avancé par certains…
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne citerai pas de noms, mais nous avons connu, dans cette maison, d’éminents parlementaires qui ont honoré notre institution par leur compétence dans tel ou tel domaine, bien qu’ils n’aient pas été élus locaux et que le sujet des collectivités territoriales ne les ait pas vraiment intéressés.
À l’inverse, d’autres ont une expérience des collectivités locales sans être élus. Ne soyons pas rigides : exercer de véritables responsabilités dans l’administration locale, donc pas uniquement en cabinet, cela revient au même qu’être élu local !
Jacques Mézard l’a dit et d’autres avant lui, l’hostilité de l’opinion a surtout pour fondement l’impression que nous sommes des cumulards d’indemnités. Je rappelle cependant que le total des indemnités pouvant être perçues par les élus parlementaires a déjà été limité à une fois et demie l’indemnité parlementaire. De surcroît, nous avons voté, sur la proposition de Jacques Mézard et de son groupe, la suppression de toute indemnité supplémentaire pour les sénateurs qui voudraient également exercer un mandat local. Certains pratiquent cette règle depuis très longtemps, et ne s’en vexent pas pour autant, conscients qu’ils sont des priorités : l’important, c'est d’exercer un mandat local.
Certains voient aussi dans le cumul des mandats l’une des causes de l’absentéisme parlementaire.
M. Christian Cambon. C’est faux !
M. Jean-Jacques Hyest. Je peux vous faire la démonstration contraire, toujours sans citer de noms, pour ne pas tomber dans l’argumentation ad hominem, ce qui ne serait pas courtois. Je connais un élu, parlementaire depuis 1986, qui, tout en assumant des fonctions exécutives locales parfois importantes, a toujours été présent tant dans son assemblée que sur le terrain. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nous ne vivons pas tous de la même manière, chers collègues. Certains ont besoin de loisirs ; ce n’est pas mon cas ! Chacun s’organise à sa façon. Le plus important, c’est d’exercer son mandat de façon satisfaisante.
Jacques Mézard l’a dit, il a été cumulard. Et alors ? Personne, ni dans sa commune, ni dans son intercommunalité, ni ici, ne lui reproche de ne pas faire le travail. S’il fallait d’ailleurs décerner la palme de l’absentéisme, elle pourrait revenir à certains qui, bien que n’exerçant pas de mandats locaux, ne sont pas très souvent présents !
On nous fait donc un mauvais procès. Si des reproches devaient être faits, ce serait surtout à ceux qui ne sont pas là aujourd’hui, mais évidemment pas aux présents ! (Sourires.)
M. Christian Cambon. Et pourtant ceux-ci peuvent cumuler !
M. Jean-Jacques Hyest. Je considère que le rôle du Sénat, qui est de représenter les collectivités territoriales, implique que ses membres puissent exercer un mandat local.
Pour ma part, je suis frappé de constater, lorsque je suis les débats sur des textes concernant les collectivités locales ou d’autres, comme celui de cet après-midi sur la ville, que l’expérience de nos collègues par ailleurs élus locaux est irremplaçable.
L’excellent rapport de Jean-Claude Peyronnet a été cité.
M. Jacques Mézard. Excellent, en effet !
M. Jean-Jacques Hyest. On ne peut pas faire mieux ! Pour avoir été parlementaire dans les deux assemblées, j’y reconnais la patte du Sénat. C’est la richesse de l’expérience des collectivités locales qui permet d’améliorer les dispositifs. Il ne sert à rien de voter des réformes si c'est pour devoir les modifier six mois plus tard !
Monsieur le ministre, votre texte soulève un problème constitutionnel. Que l’Assemblée nationale puisse avoir le dernier mot ici n’est pas du tout conforme aux règles qui ont toujours été suivies. Toutes les réformes précédentes sur les incompatibilités ont été, je le rappelle, votées par le Sénat, parce qu’elles concernaient les sénateurs.
C'est la raison pour laquelle je suivrai la position qu’ont adoptée plusieurs groupes ainsi que la commission des lois.
Au demeurant, ce n’est pas ce qui va se passer dans l’immédiat que je crains le plus : nous avons un peu de temps d’ici à 2017. Mais je ne voudrais pas que, dans quinze ou vingt ans, le Parlement ne soit plus constitué que…
M. Christian Cambon. D’apparatchiks !
M. Jean-Jacques Hyest. Je n’utiliserai pas ce terme, que je n’aime pas !
M. Christian Cambon. C’est pourtant ce qui va arriver !
M. Jean-Jacques Hyest. Oui, mes chers collègues, je crains que le Parlement ne soit plus composé à terme que d’élus qui devront leur mandat non pas à l’élection, mais à une désignation. Et avec un peu plus de proportionnelle encore, nous verrons ce que cela donne !
C’est pourquoi je maintiens que, si l’on veut un équilibre de nos institutions, en particulier s’agissant du Parlement, il faut voter le texte proposé par la commission.
Jacques Mézard l’a très bien dit, ce qui mine les institutions de la Ve République, pourtant longtemps équilibrées, ce sont, d’une part, le quinquennat, adopté pour « faire moderne » – dans le même état d’esprit, nous avons réduit notre mandat de neuf à six ans – et, d’autre part, l’inversion du calendrier électoral.
Telle qu’elle est rédigée et appliquée aujourd'hui, notre Constitution ne respecte pas du tout l’esprit des constituants de 1958. Cela nous prépare des années difficiles pour la vie démocratique du pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une dépêche de l’AFP d’hier titrait : « Cumul des mandats : combat d’arrière-garde au Sénat ».
Je dois le reconnaître, entre ce qu’on lit sur le Sénat depuis quelques jours et le fait de savoir que la majorité à l’Assemblée nationale réintroduira, quoi qu’il arrive ce soir au Sénat, son propre texte en dernière lecture et refusera de prendre en compte les spécificités sénatoriales, il est difficile d’essayer de vous convaincre, monsieur le ministre, que le Sénat n’est pas et ne doit pas être un clone de l’Assemblée nationale.
Quel Parlement veut-on pour notre pays ? Veut-on un Parlement avec une majorité à la botte du Gouvernement ou un Parlement indépendant de l’exécutif ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit quand on veut interdire à tout parlementaire, y compris dans l’assemblée qui représente constitutionnellement les collectivités territoriales, d’exercer un mandat exécutif local.
Qu’est-ce qui fait la différence entre un député et un sénateur ? Outre le fait que le scrutin n’est pas le même, le sénateur a, souvent et par nature, une légitimité qui lui est propre et qu’il tient de l’exercice de responsabilités locales.
Le priver de cette possibilité d’exercer une responsabilité dans une commune, un département ou une région, c’est en faire un élu qui tiendra d’abord, comme le député, sa légitimité de son appartenance politique et qui ne disposera plus de la liberté d’esprit et de l’autonomie que lui confère son ancrage territorial par rapport aux partis qui délivrent les investitures.
Dans ces conditions, les débats au Sénat ressembleront de plus en plus à ceux de l’Assemblée nationale, opposant camp de la majorité contre camp de l’opposition, et n’apporteront pas la plus-value et l’approche du terrain, d’ailleurs souvent transversale, que beaucoup d’observateurs reconnaissent aujourd’hui comme l’un des apports majeurs du Sénat dans le processus parlementaire.
J’ajoute que, avec un corps électoral restreint par rapport à celui des députés, le sénateur qui aura perdu son ancrage territorial aura alors une légitimité beaucoup plus faible que celle des députés. On ne mettra pas longtemps alors à s’interroger sur l’intérêt de conserver une seconde chambre !
Mais, surtout, je crois que, derrière le projet du Gouvernement, se cache une volonté de réduire le Parlement.
Les exemples ne manquent pas qui montrent que la majorité est, à l’Assemblée nationale, de par le mode d’investiture des candidats aux élections législatives, beaucoup plus attentive aux souhaits du Gouvernement qu’elle ne l’est au Sénat. Il faut reconnaître que, pour un gouvernement, il est quand même bien pratique d’avoir une majorité parlementaire aux ordres !
Derrière ces projets de loi se cache donc bien un changement de régime pour notre pays. D’un régime parlementaire rationalisé, où les deux chambres débattent et émettent des positions parfois divergentes en raison de l’origine et de la légitimité différentes de leurs membres – sans pour autant bloquer la situation, puisque la majorité à l’Assemblée nationale a la possibilité d’imposer in fine ses choix –, nous allons passer à un régime où il y aura toujours deux chambres, mais qui toutes les deux seront composées du même type d’élus, dont la légitimité procédera des mêmes partis politiques et qui tiendront les mêmes discours.
Que restera-t-il alors du Sénat représentant les collectivités territoriales de la République ? Un mode de scrutin spécifique sur la forme, mais rien sur le fond.
Du débat entre le Gouvernement et le Parlement en vue d’adopter la loi, nous passerons à un Parlement d’enregistrement qui, à quelques exceptions près, votera tout ce que lui demandera l’exécutif.
Quand on se souvient des réactions de certains ténors de la majorité actuelle voilà quelques années face à la prééminence de l’exécutif sur le législatif, il y a de quoi s’étonner de cette volte-face et de cette volonté aujourd’hui affichée par les mêmes personnes de retirer aux parlementaires – sous prétexte de leur permettre d’être plus disponibles pour l’exercice de leurs fonctions – cette part de légitimité qu’ils tiennent de leur mandat local pour les rendre plus dociles envers le Gouvernement.
Certes, il est tout à fait nécessaire de mettre de l’ordre dans le cumul de certaines fonctions. Nous en sommes parfaitement conscients, et c’est pourquoi nous proposons qu’un sénateur ne puisse désormais exercer qu’un seul mandat exécutif local et que, en outre, il ne puisse pas ajouter à son indemnité parlementaire une autre indemnité. Mais lui interdire purement et simplement toute fonction exécutive locale, y compris celle de simple adjoint d’une commune de moins de 200 habitants – avouez qu’on frise là le ridicule ! –, c’est lui faire perdre ce qui fait la spécificité du Sénat et justifie le bicamérisme.
Dans ces conditions, vous le comprendrez, parce que nous sommes convaincus de l’intérêt d’avoir un Parlement composé de deux chambres, dont une qui ne soit pas dans la main du Gouvernement et fasse entendre la voix des responsables de terrain, nous ne pourrons pas suivre le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’observe que ce débat se déroule dans une meilleure ambiance que la fois précédente, puisque personne n’a été l’objet de ces attaques ad hominem qui n’apportent pas grand-chose à nos échanges.
Mme Hélène Lipietz. Oui !
Mme Éliane Assassi. Exact !
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Jacques Mézard. Sauf sur Public Sénat…
M. Yannick Vaugrenard. Depuis le premier examen de ce texte, en septembre dernier, l’Assemblée nationale est revenue sur un certain nombre de modifications apportées par la Haute Assemblée. J’en étais, mes chers collègues, satisfait, mais malheureusement, concernant la plus importante de ces modifications, notre commission des lois a repris la rédaction de l’article qui avait été adoptée en première lecture, prévoyant que l’interdiction du cumul des mandats s’applique aux députés, tandis que les sénateurs peuvent continuer à détenir un poste de responsabilité locale.
Je ne vous rappellerai pas l’origine du texte qui nous est présenté aujourd’hui, sauf à souligner, d’une part, qu’il correspond à un engagement pris par le candidat François Hollande lors de l’élection présidentielle,…
M. Jacques Mézard. Il y en a d’autres !
M. Yannick Vaugrenard. … – il est bon de respecter ses engagements –, et, d’autre part, que ceux qui se targuent de le soutenir pourraient éviter de le faire à géométrie variable.
Au-delà, mes chers collègues, nous sommes mis face à nos responsabilités d’élus de la République.
C’est cette responsabilité, j’en ai le sentiment profond, qui a fait défaut à certains d’entre nous, membres du bureau de notre assemblée, voici quelques jours. Ce n’est pas le moment d’évoquer ce vote que je considère comme pathétique pour notre démocratie, mais une nouvelle décision inique du Sénat, aujourd’hui, n’améliorerait ni la crédibilité ni l’image de la Haute Assemblée dans l’opinion publique ; je pense que chacun doit en être conscient.
M. Gérard Larcher. Nous ne sommes pas là pour soigner notre image !
M. Yannick Vaugrenard. Concernant le rééquilibrage opéré par l’Assemblée nationale, je considère qu’il est de bon sens et qu’il n’y a aucune justification à faire une différence entre parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs. Qui pourrait comprendre que nous maintenions ici des exceptions pour nous-mêmes ? Si nous voulons nous engager enfin dans un processus de reconquête de la confiance de l’opinion, nous nous devons d’être exemplaires, au-delà des clivages habituels.
M. le ministre de l’intérieur faisait d’ailleurs état, dans son intervention liminaire, d’un récent sondage du Centre de recherches politiques de Sciences Po, le CEVIPOF, dont les résultats sont cruels pour l’ensemble de la classe politique.
M. Pierre-Yves Collombat. Sauf pour les maires !
M. Yannick Vaugrenard. La lutte contre l’indifférence politique et la progression de l’abstention, tout comme la lutte contre la montée des extrêmes, passe par l’exemplarité, vous le savez tous, mes chers collègues.
En conséquence, faisons preuve de volontarisme et de cohérence. Soyons audacieux et clairs dans nos engagements. Du reste, cette nécessité de limiter le cumul des mandats n’est pas nouvelle. Elle a commencé à se manifester en 1985, sous le gouvernement de Laurent Fabius, s’est confirmée quelques années plus tard sous le gouvernement de Lionel Jospin et, faut-il le rappeler, elle n’a jamais été remise en cause depuis, quelle que soit la majorité au pouvoir. Le texte qui nous est soumis aujourd’hui est l’aboutissement de ce long travail, mis en œuvre exclusivement par la gauche.
Par ailleurs, les lois successives de décentralisation ainsi que la multiplication des normes et des textes législatifs ont profondément modifié l’environnement de travail des élus, qu’ils soient locaux ou nationaux. Au-delà de la situation économique et sociale, l’impuissance politique parfois ressentie par nos concitoyens, même si ce sentiment est injuste, tient aussi à la difficulté, pour les élus, d’être réactifs dans ce contexte tout à fait nouveau, compte tenu de l’évolution des normes et des textes législatifs.
La nécessité d’acquérir des connaissances plus variées et plus approfondies fait que, au bout du compte, l’exercice du mandat de maire aujourd’hui n’a plus grand-chose à voir avec ce qu’il était il y a trente ans.
M. Simon Sutour, rapporteur. C’est une réalité !
M. Yannick Vaugrenard. L’environnement juridique, administratif, voire technique, demande du temps pour être appréhendé et évolue sans cesse. De ce fait, notre fonctionnement démocratique est confronté à un autre risque : celui de voir les administrations ou technostructures diverses prendre le pas sur les élus du suffrage universel. La technocratie menace en quelque sorte de prendre le pas sur la démocratie. Ce risque est bien réel quand de multiples responsabilités de présidence et de vice-présidence se conjuguent avec une fonction exécutive locale, en plus du travail parlementaire.
Mme Françoise Laborde. Eh oui !
M. Yannick Vaugrenard. Certes, nous avons la chance d’avoir dans notre pays une administration, au niveau de l’État et des collectivités territoriales, particulièrement compétente et de très haut niveau. Mais elle doit rester ce qu’elle est, et c’est déjà beaucoup : un outil d’aide à la décision, rien de moins, mais rien de plus !
Nos responsabilités électives ont donc évolué, c’est incontestable, et la manière de les exercer également. Il est par conséquent logique que notre fonctionnement démocratique s’adapte. C’est le sens de la réforme proposée par le Gouvernement.
Rappelons aussi que le cumul des mandats est une spécificité très hexagonale : il est marginal chez nos voisins européens, comme cela a été rappelé tout à l’heure.
M. Jacques Mézard. C’est faux !
M. Yannick Vaugrenard. En France, près de 80 % des parlementaires détiennent un mandat local, alors que le cumul ne concerne que 24 % des parlementaires en Allemagne, 20 % en Espagne, 13 % en Italie, 6 % aux Pays-Bas et 3 % au Royaume-Uni.
M. Jacques Mézard. Ce n’est pas le même système !
M. Yannick Vaugrenard. Cela devrait tout de même nous interpeller ! Je ne suis pas persuadé que cette particularité soit le gage d’une plus grande disponibilité démocratique, non plus que d’une meilleure efficacité législative.
Je tiens d’ailleurs à souligner qu’il n’est pas nécessaire de cumuler pour effectuer un travail parlementaire de qualité. D’éminents sénateurs, reconnus par tous pour ce qu’ils ont pu apporter à notre République, n’ont pas exercé de mandat local significatif, ce qui ne les a pas empêchés d’être d’une particulière efficacité. Je citerai Robert Badinter, et que dire de notre éminent prédécesseur Victor Hugo,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Yannick Vaugrenard. … qui siégeait à côté de notre collègue Éliane Assassi ?
Mme Éliane Assassi. Restons humbles ! (Sourires.)
M. Yannick Vaugrenard. Sans exercer de responsabilité élective locale lorsqu’il était sénateur, il marqua bien sûr notre histoire, mais aussi l’histoire du Sénat.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il ne s’était même pas présenté à Guernesey !
M. Yannick Vaugrenard. J’en suis intimement persuadé, le bicamérisme est absolument indispensable à notre vie démocratique. Mais la défense du bicamérisme n’est pas la défense du conservatisme !
Mme Éliane Assassi. Exact !
M. Simon Sutour, rapporteur. Très bien !
M. Yannick Vaugrenard. Pour le faire vivre, il nous faut le réformer, il nous faut le moderniser, en modifiant aussi nos méthodes de travail parlementaire, dans un monde qui exige de rapides adaptations.
C’est cette belle ambition qui doit guider nos choix présents et à venir. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter le texte qui nous est présenté aujourd’hui par le Gouvernement, afin de rompre avec une tradition devenue obsolète. Voter ce texte, c’est renforcer le Sénat, et non pas l’affaiblir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le diagnostic est désormais établi et largement partagé : la période présente est marquée par une profonde crise de confiance entre les gouvernants et les gouvernés, entre les élus et les citoyens. Cette crise se manifeste sous plusieurs formes : montée de l’abstention aux scrutins, croissance des votes extrêmes, progression d’un sentiment de rejet de la classe politique.
Dans ce contexte, l’interdiction du cumul des fonctions de parlementaire avec un mandat exécutif local est un moyen essentiel de moderniser nos institutions et de revitaliser notre démocratie. Cela a été souligné, le cumul des mandats par les parlementaires est une spécificité française. Notre pays détient même dans ce domaine le record absolu : 74,4 % des députés français cumulent leur mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, alors qu’ils ne sont que 35 % dans ce cas en Suède, 24 % en Allemagne, 20 % en Espagne et 7 % en Italie.
Les défenseurs du cumul justifient leur position par la nécessité de l’enracinement local et de la connaissance du terrain. Selon eux, le cumul permet d’avoir un bien meilleur point de vue, grâce à la confrontation permanente avec le vécu quotidien des électeurs. Au fond, en France, les parlementaires considèrent que c’est le pouvoir exécutif concentré dans les mains d’un nombre restreint d’élus qui leur confère une légitimité. Cette vision ne correspond pas à l’expérience qui est la mienne quand je me déplace dans mon département. Désormais simple conseiller général, je ne me sens pas du tout exclu de la gouvernance locale depuis que je ne suis plus maire, ni premier vice-président du conseil général.
Du reste, les défenseurs du cumul oublient-ils qu’un parlementaire, qu’il soit député ou sénateur, représente, d’abord et avant tout, la nation une et indivisible ? N’est-il pas choquant qu’un élu, du fait qu’il exerce, en sus de son mandat national, une fonction exécutive locale, ferraille pour son territoire au détriment des autres ? N’est-il pas juge et partie ? Comment par exemple, dans ce contexte, conduire une réforme juste de la fiscalité locale, avec une péréquation plus favorable aux territoires qui ont le plus de besoins : je pense aux territoires ruraux et aux territoires de la politique de la ville ? Il est temps de mettre fin aux baronnies et au caractère oligarchique de notre démocratie !
M. Jacques Mézard. Surtout à Lille !
M. Gilbert Roger. Il est également facilement vérifiable que le cumul bloque le renouvellement de la vie politique, en concentrant les mandats exécutifs locaux entre les mains de quelques grands élus, ce qui contribue à figer le profil des élites politiques françaises. Le Parlement français est l’un des plus monochromes du monde occidental. Aussi la limitation du cumul est-elle nécessaire pour permettre l’accession aux responsabilités publiques de nouvelles générations et de nouvelles catégories socioprofessionnelles aujourd’hui tenues à l’écart de la sphère politique.
Enfin, le cumul nuit à l’intensité du travail parlementaire, puisque les parlementaires qui dirigent par ailleurs un exécutif local sont moins disponibles pour exercer effectivement et efficacement le mandat qui leur a été confié. Plus inquiétant encore, il nuit au travail local, puisqu’il amène des maires et des présidents de conseil général ou de conseil régional qui sont aussi parlementaires à déléguer au maximum à leur administration et à leur cabinet politique. C’est ainsi que certaines collectivités territoriales sont surtout gérées par des technocrates, qui font le travail de l’élu ! Cette situation n’est pas acceptable : trente ans après les premières lois de décentralisation, le mandat local est aujourd’hui un mandat à part entière, qui nécessite un investissement à temps plein.
Mes chers collègues, le monde a changé. Il est devenu complexe et distendu.
M. Pierre-Yves Collombat. Il est surtout globalisé !
M. Gilbert Roger. Aussi est-il nécessaire de partager les pouvoirs locaux entre plusieurs têtes, pour mieux répondre aux exigences et aux attentes locales. Au Sénat, notre rôle est de voter les lois et de contrôler l’action gouvernementale.
Pour conclure, je souhaite que ce projet de loi, pour être tout à fait opérant, soit accompagné d’une vraie réforme de notre Parlement et de nos institutions. Renforcer le pouvoir du Parlement, notamment en matière de contrôle de l’action gouvernementale et d’évaluation des politiques publiques, me semble une nécessité. Notre Parlement pourrait exercer de nouvelles missions d’intérêt général et prendre ainsi toute sa place dans l’équilibre des pouvoirs.
Les défenseurs du cumul usent d’un argument que je ne peux que difficilement contester : il est exact qu’un parlementaire qui cumule plusieurs mandats exécutifs dispose, de fait, de plus de moyens pour étudier une loi ou faire remonter les demandes de son territoire. En effet, un parlementaire sans mandat local ne peut financer que l’emploi de deux assistants à temps plein,…
M. Pierre-Yves Collombat. C’est déjà très bien !
M. Gilbert Roger. … du moins s’il entend les rémunérer correctement, alors qu’un sénateur maire d’une grande ville ou président de conseil général ou de conseil régional est à la tête d’effectifs et de ressources techniques pouvant être supérieurs à ceux dont disposent certains ministres. Aussi la question des moyens matériels et humains mis à la disposition des parlementaires pour accomplir leur mandat doit-elle être clairement posée.
Je vous invite, mes chers collègues, à rejeter le texte de la commission ou, tout au moins, à ne pas prendre part au vote ou à vous abstenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous soumettre, tout en respectant pleinement les diverses opinions qui se sont exprimées précédemment, une expression distincte et, je pense, assez isolée. En effet, je ne me reconnais ni dans la proposition du Gouvernement ni dans celle de la commission : je m’abstiendrai, parce qu’aucune ne me paraît satisfaisante au regard des enjeux. Je crois aussi que la réflexion sur ces sujets se poursuivra et qu’il n’est pas inutile de prendre date.
Car l’enjeu, c’est le rôle et l’identité du Parlement dans les décennies à venir et c’est la conception du mandat parlementaire pour les prochaines générations. Je parle du Parlement car, pour ma part, je ne suis absolument pas convaincu de la pertinence d’une différenciation entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Dans la conception française, qui est totalement distincte de celle des pays fédéraux, le bicamérisme permet une double représentation du peuple français. Il en est ainsi depuis la naissance du débat sur le bicamérisme, depuis Sieyès et quelques autres, bien avant la Constitution de 1875.
L’Assemblée nationale et le Sénat assurent tous deux la représentation globale du peuple français. Le Sénat se distingue seulement par une modalité d’élection indirecte, qui ne le prive pas de cette fonction. Certes, le Sénat a pour singularité d’assurer la représentation des collectivités territoriales, mais sa mission institutionnelle ne se résume pas à cela.
Voilà quelques décennies que j’observe la vie publique et que j’y participe. Aujourd'hui – ce n’était pas forcément le cas il y a une ou deux générations –, l’association d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire a acquis à mes yeux deux caractères positifs essentiels, qui ne tiennent pas à la vocation particulière du Sénat à légiférer sur les collectivités territoriales.
Le premier avantage que je vois à cette combinaison d’une fonction exécutive locale et d’un mandat parlementaire, c’est l’outil extraordinaire d’information et de formation permanente qu’apporte au parlementaire le mandat local pour l’exercice de sa mission fondamentale, qui est de réfléchir aux conditions d’application de la législation qu’il vote et au fonctionnement des services publics qu’il est amené à apprécier au titre de sa mission de contrôle du Gouvernement.
Nous avons tous en tête de multiples exemples de cet apport de connaissances concrètes dont bénéficient des gens qui n’étaient pas, au départ, des professionnels de la gestion publique ; beaucoup de collègues en ont cité.
Pour ce qui me concerne, les fortunes de la vie ont fait que j’ai pu exercer mon mandat de parlementaire au nom du peuple français, en ayant par ailleurs une expérience directe de la gestion publique. Toutefois, je pense à tous les parlementaires venus d’autres horizons, et qui ont tous, évidemment, le même droit au vote et à la réflexion sur la législation : il faut bien qu’ils acquièrent la compréhension des effets de la législation par un autre biais que celui d’une formation universitaire initiale.
Hélas, cet effet vertueux de l’exercice de responsabilités locales disparaîtra. Le Gouvernement en est conscient, d’autant qu’une proportion substantielle de ses membres ont bénéficié de cette double expérience, pour avoir été, par le passé, à la fois des parlementaires éminents et des gestionnaires de fonctions exécutives locales tout à fait actifs ; le ministre qui représente le Gouvernement aujourd'hui au Sénat illustre bien ce cas. Dès lors, le Gouvernement nous a amenés à un compromis : il est proposé que les parlementaires puissent conserver un mandat non exécutif. Néanmoins, je considère ce compromis insuffisant, car il n’offrira pas les mêmes avantages. Je ne détaille pas ce point, mais je suis convaincu qu’un autre compromis était possible : celui consistant en la limitation du cumul à un unique mandat exécutif, en excluant la présidence des collectivités les plus importantes, et sans cumul d’indemnités. (Mme Françoise Laborde et M. Jacques Mézard approuvent.) Ce compromis a été écarté aujourd'hui.
La détention d’un mandat exécutif local présente un second avantage pour les parlementaires : elle permet de diversifier, d’« aérer » le recrutement social et politique du Parlement.
Car comment se déroule le parcours d’accès à la représentation nationale, qui est le résultat d’une concurrence politique et humaine ?
Notre Parlement est territorialisé depuis l’origine. C’est le fond de notre tradition, à laquelle beaucoup tiennent ici. Les députés sont élus par circonscription et les sénateurs à l’échelon départemental, ce qui permet un rapport de proximité. Ainsi, les parlementaires représentent la souveraineté nationale, l’ensemble du peuple français, tout en étant enracinés dans un territoire.
Dans le même temps, aux termes de la Constitution, le Parlement est élu par le truchement de partis et de groupements politiques.
Mais, instruits par l’expérience, nous savons tous comment s’opère le choix au sein des partis, comment se régule la concurrence entre les ambitions individuelles, entre les prétendants aux mandats électifs à l’intérieur d’une formation ou d’une mouvance politique. Il existe deux moyens de valoriser sa candidature : par la parole et la tactique, ou par l’action et l’expérience.
Si nous rendons, pour l’avenir, incompatibles la détention d’un mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction exécutive locale, l’habileté politique ou la parole au sein de l’organisation politique l’emportera massivement, dans la compétition pour l’accès au Parlement, sur l’exercice concret de responsabilités et le service rendu aux citoyens.
Par conséquent, l’équilibre qui a permis au personnel politique de bénéficier d’une forme d’indépendance, d’autonomie et au débat parlementaire d’atteindre sa richesse, sera rompu. Le Parlement sera constitué d’élus de moins en moins en prise avec les réalités sur lesquelles ils vont légiférer…
M. Jacques Mézard. Eh oui !
M. Alain Richard. … et de plus en plus soumis à des situations de surenchère au sein de leur propre organisation politique.
Mme Françoise Laborde. C’est sûr !
M. Alain Richard. Je veux insister sur l’appauvrissement du travail législatif et du travail de contrôle qui risque fortement d’en résulter, au moment où se développe un réexamen critique de notre législation, à la lumière de l’impératif de simplification et des comparaisons internationales, pour apprécier si notre production normative répond aux exigences de la société française et de son orientation vers l’avenir. Ma conviction est que, en privant le débat parlementaire de l’apport de personnes qui sont devenues des professionnels de la gestion publique au travers de leur expérience de terrain, nous allons accentuer les difficultés.
Pour terminer, je veux répondre à l’argument selon lequel la fin du cumul permettrait de réduire l’absentéisme parlementaire.
Mes chers collègues, nous qui avons tous quelque connaissance de la vie politique, nous savons que c’est une complète illusion ! Puisque notre Parlement restera territorial, les candidats aux mandats parlementaires devront se faire reconnaître localement, être identifiés… L’exigence de la survie politique obligera les députés et les sénateurs non détenteurs de mandats exécutifs locaux à travailler deux fois plus localement pour obtenir la reconnaissance…
Mme Françoise Laborde. C’est sûr !
M. Alain Richard. … et l’adhésion du public, par l’exercice de la parole et non plus par l’action.
Dès lors, les députés et les sénateurs se rabattront sur une expression politique de plus en plus tribunicienne, de plus en plus tournée vers le verbalisme. (Marques d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.) Je ne pense pas que les parlementaires dépourvus de mandat local consacreront une minute de plus au travail méthodique de législateur, que ce soit en séance publique ou en commission. Nous pourrons le vérifier dans quelques années !
Peut-être les parlementaires seront-ils un peu plus présents à Paris : chacun s’attachera à développer sa notoriété, pour sortir de l’anonymat parmi les 925 numéros que nous sommes… Dans ces conditions, la multiplication des éclats, pas toujours subtils et uniquement destinés à sortir de l’ombre, deviendra de plus en plus le fond du paysage de la vie politique.
Il n’y aura pas non plus de gain sur l'exercice des mandats locaux : c'est une autre illusion ! Si l’on prend en compte les mairies d'une certaine importance, les vice-présidences et les présidences des conseils généraux et des conseils régionaux, cela représente entre 4 000 et 5 000 fonctions. Or, il ne s'en trouve pas plus de 15 % qui sont exercées par les parlementaires. Ceux qui exercent ces fonctions sans être parlementaires sont-ils plus disponibles, plus présents ? Non, dans la mesure où, nous le savons par expérience, ils mènent de front leur mandat exécutif local et une activité professionnelle. Dès lors, sauf à ce que les mandats exécutifs locaux ne soient détenus que par des rentiers et des retraités, nous retrouverons les mêmes problèmes de disponibilité.
La conception du mandat exécutif local en France est celle d'une fonction à temps partiel. Ce n’est que par exception – les statistiques de l'écrêtement le montrent – que l'on rencontre des élus locaux à temps plein. La grande majorité d'entre eux ont en même temps une activité professionnelle. Il ne faut donc pas se bercer d'illusions en pensant que la fin de la possibilité du cumul avec un mandat parlementaire rendra les élus locaux plus disponibles. Je ne souhaite d’ailleurs pas que l'on bascule vers une professionnalisation totale.
Sur ce dossier, le Président de la République et le Gouvernement ont constaté que la société exerçait une pression, que le slogan faisait recette. Connaissant aussi bien que nous ce qui se cache derrière les slogans – l'antiparlementarisme et le rejet du personnel politique –, ils ont malgré tout choisi de suivre le vent… Étant en profond accord avec ce gouvernement, je le regrette, car je crois que, avec cette réforme, nous poursuivrons l'affaiblissement de notre Parlement,…
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Alain Richard. … en accentuant ses côtés versatiles et en l’orientant encore plus vers la politique spectacle. Nous verrons, dans quelques années, quel sera le résultat : le discrédit dont souffrent nos assemblées ne refluera pas.
Je préfère m'abstenir devant ce choix non satisfaisant et exprimer l'espoir que nous agirons à l’avenir de façon plus réfléchie et plus constructive pour restaurer l'autorité du Parlement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – Mme Virginie Klès applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai jamais manifesté aucun mépris envers le Sénat, contrairement à ce que j'ai pu entendre dire tout à l'heure. C'est un reproche que je n’accepte pas : le temps que j’ai passé ici à travailler avec vous sur des textes tels que les projets de loi relatifs à la lutte contre le terrorisme ou au séjour des étrangers, mon attitude sont la démonstration qu’il est infondé.
Je n’ai jamais non plus cherché à entretenir une confusion entre cumul des mandats et cumul des indemnités. J’en connais le fond démagogique. À cet égard, les propositions qui ont été faites vont dans le bon sens.
Il s’agit en effet de tenir un engagement du Président de la République, pris après un long débat au sein de notre formation politique. Je rappelle d'ailleurs que Nicolas Sarkozy s'était lui-même un temps interrogé sur ce sujet, peut-être par souci de l’opinion.
Je m'étonne des critiques portant sur le rôle des organisations politiques, surtout quand elles émanent de membres de l'un des plus vieux partis de ce pays…
Alain Richard a posé une vraie question : à quoi tient le discrédit actuel de la vie politique ? Les raisons de ce discrédit sont certainement multiples, mais, sur le fond, au-delà du sentiment de l’opinion, la question de l’interdiction du cumul des mandats est posée depuis longtemps, et il fallait y apporter une réponse. Le Parlement en débat depuis maintenant six mois. De ce point de vue, le Sénat, comme l’Assemblée nationale, n’a pas été maltraité.
Les réflexions menées sur le rôle des élus et du Parlement dans un monde qui a beaucoup changé avec la globalisation économique, l’accroissement du rôle de l'Union européenne, la décentralisation, sont passionnantes.
L'on peut être ou non d'accord avec les mesures que nous avons fait voter, mais j’ai la conviction que le changement du mode de scrutin départemental, avec notamment l'obligation de la parité et des modifications importantes en termes d'équilibre démographique dues aux règles fixées par le Conseil constitutionnel, la désignation au suffrage direct des responsables des intercommunalités, le non-cumul des mandats changeront les pratiques en profondeur. À cela s’ajoutent encore les engagements que vient de prendre le Président de la République concernant l'avenir de la décentralisation.
Alain Richard a raison, dresser un bilan s'imposera dans quelques années, mais les parcours politiques, locaux ou nationaux, et donc le rôle des collectivités territoriales et du Parlement, vont évoluer. Ce changement, il ne faut pas en avoir peur. D'autres pays l’avaient entrepris avant nous, et c'est maintenant au tour de nos assemblées : elles seront beaucoup plus paritaires, et il n’y aura plus de cumul.
La démocratie s'en portera-t-elle plus mal ? Je ne le crois pas. Les pays du nord de l'Europe se sont engagés avant nous dans cette voie. Bien sûr, je sais les particularismes de la France, son histoire, ses pratiques politiques, son césarisme, mais ne condamnons pas ce que nous sommes en train de faire avant de l’avoir mis en pratique, même si, encore une fois, le renouvellement de la vie politique et la réponse à la crise de confiance envers la classe politique qu’évoquait à l'instant Yannick Vaugrenard, faisant référence à l’étude du CEVIPOF, ne relèvent pas uniquement de l’interdiction du cumul des mandats.
Ma conviction profonde est que l’on ne reviendra pas sur le choix du non-cumul des mandats. Cela ne signifie pas que des interrogations ne subsistent pas sur le rôle de l’Assemblée nationale et du Sénat, sur leurs pratiques, sur leur ordre du jour, sur la session unique…
M. Philippe Bas a estimé que l’Assemblée nationale ne peut avoir le dernier mot, car ce texte est relatif au Sénat. C'est un débat que nous avons déjà eu. Le Gouvernement a choisi d'appliquer, dans le respect de la Constitution, un même régime d'incompatibilité aux députés et aux sénateurs. Le Conseil constitutionnel tranchera, car il y aura bien une saisine…
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’en est pas besoin !
M. Manuel Valls, ministre. Pour la loi organique, il n’en sera, en effet, même pas besoin : nous sommes d'accord.
Cela étant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel concernant les lois organiques relatives au Sénat conforte notre position. Je vous renvoie notamment à la décision du 12 avril 2011, dont le commentaire énonce qu’une loi relative au Sénat est une loi qui lui est propre. Tel n’est pas le cas d'une loi dont les dispositions concernent de façon identique les deux assemblées.
M. Jean-Jacques Hyest. Je ne suis pas d'accord !
M. Manuel Valls, ministre. Sur ce point, nous ne sommes d'accord ni avec M. Mézard, ni avec M. Hyest, ni avec M. Bas. Je regrette de n’avoir pas su les convaincre du bien-fondé de cette réforme indispensable, mais, quoi qu’il en soit, les députés pourront se prononcer définitivement sur ce texte dès la semaine prochaine.
Certes, le Sénat représente les collectivités territoriales, y compris par son mode d'élection. Pour autant, l’article 24 de la Constitution implique non pas que les sénateurs soient des élus locaux, mais qu’ils soient élus par un collège essentiellement – mais non exclusivement – constitué d'élus locaux. Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, près d'un quart d'entre vous ne détiennent pas de mandat local. Ceux-là sont-ils moins sénateurs que les autres ? Non !
De ce point de vue, nous verrons sans doute, dans les années à venir, des maires ou des présidents de conseil général décider, sans avoir été sanctionnés par le suffrage universel, de renoncer à ces fonctions pour faire bénéficier le Parlement de leur expérience à la tête d'une collectivité territoriale.
Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, la conviction à la fois ferme et sereine qui est la mienne. Oui, monsieur Mézard, c'est là une révolution qui nous oppose de manière très républicaine, sans cynisme, sans mépris. Nous sommes en train de changer les pratiques, et c'est l'honneur du Gouvernement, de ceux qui le soutiennent et de ceux qui le combattent de faire avancer chaque jour un peu plus notre démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
I. – (Non modifié) Après l’article L.O. 141 du code électoral, il est inséré un article L.O. 141-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 141-1. – Le mandat de député est incompatible avec :
« 1° Les fonctions de maire, de maire d’arrondissement, de maire délégué et d’adjoint au maire ;
« 2° Les fonctions de président et de vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
« 3° Les fonctions de président et de vice-président de conseil départemental ;
« 4° Les fonctions de président et de vice-président de conseil régional ;
« 4° bis Les fonctions de président et de vice-président d’un syndicat mixte ;
« 5° Les fonctions de président, de membre du conseil exécutif de Corse et de président de l’assemblée de Corse ;
« 6° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée de Guyane ou de l’assemblée de Martinique ; de président et de membre du conseil exécutif de Martinique ;
« 7° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; de président et de vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;
« 8° Les fonctions de président, de vice-président et de membre du gouvernement de la Polynésie française ; de président et de vice-président de l’assemblée de la Polynésie française ;
« 9° Les fonctions de président et de vice-président de l’assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
« 10° Les fonctions de président et de vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; de membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
« 11° Les fonctions de président et de vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
« 12° (Supprimé)
« 13° Les fonctions de président de l’Assemblée des Français de l’étranger, de membre du Bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger et de vice-président de conseil consulaire.
« Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au II de l’article L.O. 151, à une incompatibilité mentionnée au présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire. »
II. – L’article L.O. 297 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L.O. 297. – Sauf exceptions prévues au présent chapitre, les dispositions régissant les incompatibilités des députés sont applicables aux sénateurs.
« Le mandat de sénateur est incompatible avec l’exercice de plus d’un des mandats ou fonctions énumérés ci-après :
« 1° Maire, maire d’arrondissement, maire délégué ou adjoint au maire ;
« 2° Président ou vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale ;
« 3° Président ou vice-président de conseil départemental ;
« 4° Président ou vice-président de conseil régional ;
« 5° Président ou vice-président d’un syndicat mixte ;
« 6° Président, membre du conseil exécutif de Corse ou président de l’Assemblée de Corse ;
« 7° Président ou vice-président de l’Assemblée de Guyane ou de l’Assemblée de Martinique ; président ou membre du conseil exécutif de Martinique ;
« 8° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président du congrès de la Nouvelle-Calédonie ; président ou vice-président d’une assemblée de province de la Nouvelle-Calédonie ;
« 9° Président, vice-président ou membre du gouvernement de la Polynésie française ; président ou vice-président de l’assemblée de la Polynésie française ;
« 10° Président ou vice-président de l’Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna ;
« 11° Président ou vice-président du conseil territorial de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ; membre du conseil exécutif de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin, de Saint-Pierre-et-Miquelon ;
« 12° Président ou vice-président de l’organe délibérant de toute autre collectivité territoriale créée par la loi ;
« 13° Président ou vice-président de société d’économie mixte ;
« 14° Président de l’Assemblée des Français de l’étranger, membre du bureau de l’Assemblée des Français de l’étranger ou vice-président de conseil consulaire. »
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.
M. Pierre-Yves Collombat. Interdire le cumul d’un mandat national avec une fonction exécutive locale, c’est, nous dit-on, aller dans le sens de l’histoire, celui de la démocratie radieuse, par la mobilisation des parlementaires sur leur tâche de législateur. C’est, en un mot, « vivifier la vie politique »… Ça, c’est la version pour enfants !
D’abord, si l’activité réelle des parlementaires était une préoccupation pour le Gouvernement, pourquoi, lors de la discussion de la loi sur la transparence de la vie publique, celui-ci s’est-il opposé à la publication régulière de cette activité par leurs assemblées, alors que la publication du patrimoine des parlementaires a été instaurée ? Ce qu’ils font est-il moins important que ce qu’ils possèdent ?
Ajoutons que ni les études connues ni l’observation ne permettent d’établir une corrélation entre l’activité d’un parlementaire et l’exercice de mandats locaux dès lors que leur nombre est limité.
Après la version pour enfants, voici celle pour adultes, nettement moins édifiante.
Outre une opération de communication laissant croire qu’on lave plus blanc, sans rien laver, ce texte vise d’abord à substituer des « parachutistes » aux « cumulards », en remplaçant des parlementaires élus grâce à leur assise locale personnelle par des parlementaires entièrement dépendants des partis auxquels ils appartiennent, dépendants de « firmes », pour reprendre une expression employée par certains, dont le caractère non démocratique du fonctionnement est un secret de polichinelle. Ne doutons pas que les rejoindront demain les mandataires de l’oligarchie de l’argent et des médias, comme l’Italie de Berlusconi nous en a donné l’avant-goût.
Il y a plus d’un siècle, Robert Michels, dans un texte célèbre, diagnostiquait déjà « la maladie oligarchique des partis démocratiques », avant de succomber lui-même à l’appel du chef. Sous la Ve République finissante, ces partis sont organisés en oligarchies tempérées par la lutte des clans qui les composent. L’élaboration de ce projet de loi est selon moi un épisode de cette lutte des clans pour le pouvoir.
Si l’on voulait vraiment soigner la maladie de langueur dont souffre notre système politique, on s’attacherait à rapprocher les citoyens de ceux qui les représentent plutôt que de les en éloigner. L’exemple des élections européennes, où les cumulards sont nettement moins nombreux parmi les candidats labélisés que les recalés du suffrage universel, est particulièrement édifiant, et nous n’avons encore pas tout vu. Est-ce donc le modèle pour demain ?
Si l’on voulait vraiment soigner la maladie de langueur dont souffre notre démocratie, on s’occuperait plutôt d’établir une véritable séparation des pouvoirs. Plutôt que d’augmenter la dépendance des parlementaires à l’égard de tous autres que leurs électeurs, on s’emploierait à la réduire.
La pratique constante des institutions, l’inversion du calendrier électoral voulue par Jacques Chirac et Lionel Jospin ont progressivement transformé notre « parlementarisme rationalisé » en un régime où Gouvernement et Parlement sont devenus de simples exécutants des volontés de l’Élysée, où se concentre le pouvoir. Dès lors, toute résistance aux vœux de l’exécutif est une atteinte au sens de l’histoire, sens de l’histoire dont le Président de le République désigne désormais la ligne d’horizon.
Les parlementaires consacreront plus de temps à faire la loi, nous dit-on. Mais que signifie aujourd’hui « faire la loi » ? À quelques exceptions près – et c’est précisément ces exceptions que l’on entend faire cesser –, il s’agit, pour la majorité, d’enregistrer, et, pour l’opposition, de faire passer de temps à autre un sous-amendement que le Gouvernement consent à accepter après trois heures de discussion, quand par extraordinaire il n’a pas été déclaré irrecevable !
Et parce que c’est au Sénat que les manifestations d’indépendance sont les plus nombreuses, c’est lui qui pâtira le plus de cette nouvelle « modernisation ».
Il y a bicamérisme parce qu’une des chambres, le Sénat, « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Aux termes du projet de loi, seront exclus du pouvoir de représentation des collectivités celles et ceux qui en connaissent le mieux les problèmes et le fonctionnement ! Toutes les arguties juridiques que l’on voudra avancer ne changeront rien à ce fait.
Le Sénat y perdra une part essentielle de son rôle, que l’on confiera – car le projet n’a été que temporairement abandonné – à un Haut Conseil des territoires consultatif, nettement plus conciliant. Plutôt que d’exécuter proprement le Sénat par voie référendaire, comme ce fut tenté dans le passé, on le videra donc de sa spécificité et de sa substance ; s’agissant des collectivités territoriales en particulier, il sera relégué au rôle de chambre d’enregistrement de décisions prises ailleurs, par un Haut Conseil des territoires disposant d’un pouvoir d’initiative.
À cela, à l’évidence, le prochain article est une réponse. C’est pourquoi nous le voterons ! (Applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa et Blandin, MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé et Mme Bouchoux, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
tout autre fonction ou mandat électifs, à l’exception du mandat de conseiller municipal. Il est incompatible avec
II. – Alinéas 5 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Ai-je été désignée par une firme, moi qui sillonne la Seine-et-Marne depuis plus de vingt ans ? Je suis sans doute aussi présente sur le terrain que la majorité d’entre vous et j’ai participé à de nombreuses campagnes électorales. J’ai été désignée par les membres d’un parti qui m’ont fait l’honneur de considérer que j’étais la candidate la plus légitime, compte tenu du travail que j’ai effectué durant plus de vingt ans.
Le présent amendement vise à interdire le cumul du mandat de député ou de sénateur avec celui de conseiller départemental ou de conseiller régional. Lorsque j’étais conseillère régionale, je passais presque autant de temps hors de mon foyer, à parcourir la région, pour siéger au conseil d’administration d’un lycée, à celui d’une base de loisirs, au conseil départemental de l’accès au droit, que depuis que je suis sénatrice… J’ai expérimenté la difficulté de cumuler le mandat de conseillère régionale avec une autre fonction. Il en va de même pour les conseillers départementaux, qui représenteront un vaste territoire.
Nous vous invitons, mes chers collègues, à aller un peu plus loin en matière de non-cumul des mandats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Cet amendement vise à instaurer une incompatibilité entre le mandat parlementaire et les autres mandats électoraux ou fonctions électives, à l’exclusion du simple mandat de conseiller municipal. Il s’agit en fait de se rapprocher du mandat unique.
Comme vous le savez, madame Lipietz, la commission a émis à une très large majorité un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 18 à 34
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 2.
M. Manuel Valls, ministre. Par cet amendement, le Gouvernement souhaite rétablir les mêmes incompatibilités, à savoir l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale, pour les députés et les sénateurs. Vous comprendrez que le Gouvernement défende le cœur même de son texte !
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
Mme Hélène Lipietz. Le cumul des mandats pose non seulement un problème de temps, mais aussi un problème de mélange des genres.
Lorsque l’on exerce des fonctions exécutives locales, on élabore des normes applicables à l’échelle de sa collectivité. Lorsque l’on est parlementaire, on élabore « la » norme. Si l’on cumule un mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, cela peut mener à une confusion et à des incompréhensions au sein même du Parlement. Ainsi, nous avons examiné récemment le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : qui doit décider du devenir des collectivités territoriales, de leur éventuelle fusion ou transformation en métropole ? Les élus des collectivités concernées, au risque de faire passer l’intérêt local avant l’intérêt général ?
Par ailleurs, les électeurs doivent savoir pour qui ils votent. On nous dit que ce sont les électeurs qui choisissent de voter pour des candidats cumulant les fonctions, mais leur a-t-on réellement donné un choix ? Leur a-t-on donné la possibilité de voter pour un candidat qui ne cumule pas ?
M. Jean-Jacques Hyest. C’est le scrutin de liste, que vous affectionnez !
Mme Hélène Lipietz. Même avec le scrutin de liste, les grands électeurs ont-ils réellement la possibilité de choisir ?
Pour une fois, je soutiens un amendement de M. le ministre de l’intérieur !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Ces amendements identiques présentés par le Gouvernement et par Mme Lipietz visent à rétablir la rédaction de l’article 1er du projet de loi organique dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. Concrètement, ils tendent à supprimer le régime d’incompatibilité propre aux sénateurs, et ainsi à rétablir l’identité des régimes d’incompatibilité entre députés et sénateurs.
Comme vous le savez, à titre personnel, je souscris à la position défendue par les auteurs de ces deux amendements, car il me semble nécessaire de maintenir l’identité du régime instauré en 1958, qui rend compte de la vocation de chacune des chambres à traiter de l’ensemble des questions.
Cependant, ces amendements contredisent la position de la commission des lois en revenant sur la spécificité sénatoriale, qui a été défendue par la majorité de nos collègues. Aussi la commission a-t-elle émis un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 9 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe UMP, l'autre du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 112 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe UMP, l'autre du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 113 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 118 |
Le Sénat a adopté.
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Article 1er ter A
(Non modifié)
Le code électoral est ainsi modifié :
1° Le dernier alinéa des articles L.O. 137 et L.O. 137-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il ne perçoit que l’indemnité attachée au dernier mandat acquis. » ;
2° L’article L.O. 141 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Tant qu’il n’est pas mis fin, dans les conditions prévues au I de l’article L.O. 151, à l’incompatibilité mentionnée au premier alinéa du présent article, l’élu concerné ne perçoit que l’indemnité attachée à son mandat parlementaire et l’indemnité attachée à un autre de ses mandats de son choix. » – (Adopté.)
Article 1er ter B
(Non modifié)
Après le 6° de l’article L.O. 146 du même code, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les sociétés d’économie mixte. » – (Adopté.)
Article 1er ter
(Non modifié)
Après l’article L.O. 147 du même code, il est inséré un article L.O. 147-1 ainsi rédigé :
« Art. L.O. 147-1. – Le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président et de vice-président :
« 1° Du conseil d’administration d’un établissement public local ;
« 2° Du conseil d’administration du Centre national de la fonction publique territoriale ou d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale ;
« 3° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale ;
« 4° Du conseil d’administration ou du conseil de surveillance d’une société publique locale ou d’une société publique locale d’aménagement ;
« 5° D’un organisme d’habitations à loyer modéré. »
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L.O. 147-1. – Le mandat de député est incompatible avec les fonctions de président, de vice-président et de membre :
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Cet amendement vise à revenir à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture, en réintégrant la qualité de membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance des organismes visés à la liste des incompatibilités mentionnées à l’article L.O. 147-1 nouveau du code électoral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Notre collègue souhaite revenir sur une modification du dispositif adoptée par l’Assemblée nationale que la commission juge positive.
Les députés, en première lecture, avaient souhaité interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec les fonctions de président, de vice-président ou de membre des organismes dérivés visés.
En deuxième lecture, sur l’initiative de son rapporteur, l’Assemblée nationale n’a plus retenu que l’incompatibilité du cumul du mandat de parlementaire avec les fonctions de président ou de vice-président, les parlementaires pouvant rester membres de ces organismes dérivés.
L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
(Non modifié)
I. – L’article L.O. 148 du même code est abrogé.
II. – Au premier alinéa de l’article L.O. 151-1 du même code, la référence : « L.O. 148 » est remplacée par la référence : « L.O. 147-1 ». – (Adopté.)
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Article 3
I. – Le premier alinéa de l’article L.O. 176 du code électoral est ainsi rédigé :
« Sous réserve du second alinéa du présent article, les députés dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, la prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136 sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
II. – Le premier alinéa de l’article L.O. 178 du même code est ainsi rédigé :
« En cas d’annulation des opérations électorales, de vacance causée par la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144, par la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou par la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136, ou lorsque le remplacement prévu à l’article L.O. 176 ne peut plus être effectué, il est procédé à des élections partielles dans un délai de trois mois. »
III. – (Supprimé)
IV. – (Non modifié)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer les mots :
, la prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144
II. - Alinéa 4
Supprimer les mots :
, de prolongation au-delà du délai de six mois d'une mission temporaire confiée par le Gouvernement en application de l’article L.O. 144
La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Nous avons déjà eu ce débat lors de la précédente lecture.
Cet amendement vise à rétablir les règles de remplacement des parlementaires chargés par le Gouvernement d’une mission temporaire dépassant le délai de six mois prévu par l’article L.O. 144 du code électoral.
Proposer de procéder à une élection partielle au lieu de remplacer le parlementaire concerné par son suppléant, comme le fait la commission des lois du Sénat, repose sur l’idée selon laquelle le Gouvernement provoquerait volontairement le départ d’un parlementaire à l’issue du délai de six mois à seule fin de le faire remplacer par son suppléant. Les missions confiées par le Gouvernement ne seraient donc qu’un prétexte à cette manœuvre. Telle n’est pas la conception du Gouvernement. Ce dispositif répond à de véritables enjeux d’intérêt général et vise à permettre de mener un travail de fond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Cet amendement vise à rétablir le droit en vigueur, aux termes duquel un député dont la mission temporaire confiée par le Gouvernement est prolongée au-delà de six mois doit être remplacé par son suppléant.
Le Sénat avait souhaité, en première lecture, faire évoluer le droit sur ce point précis et prévu que, dans une telle hypothèse, il serait désormais nécessaire de procéder à une élection partielle.
La commission est défavorable à cet amendement, qui va à l’encontre de sa position unanime.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Notre groupe est à l’origine de cet amendement.
J’entends avec satisfaction M. le ministre nous expliquer que jamais, au grand jamais, aucun gouvernement ne se livrerait à de telles manœuvres…
M. Jacques Mézard. Je vous remercie de cet aveu, monsieur le ministre ! Transparence et cohérence doivent aller de pair.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 302 |
Pour l’adoption | 118 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 7 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députées ont le droit de bénéficier d’un congé de maternité défini aux articles L. 1225-17 à L. 1225-23 du code du travail dans des conditions prévues par les règlements des assemblées. Les députées qui bénéficient d’un congé de maternité peuvent être remplacées pendant la durée du congé de maternité par les personnes élues en même temps qu’elles à cet effet. Ces suppléants ne bénéficient d’aucune indemnité. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Avec votre permission, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 8 rectifié.
M. le président. J’appelle donc en discussion l'amendement n° 8 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les députés ont le droit de bénéficier d’un congé parental d’éducation défini aux articles L. 1225-47 à L. 1225-53 du code du travail dans des conditions prévues par les règlements des assemblées. Les députés qui bénéficient d’un congé parental d’éducation peuvent être remplacés pendant la durée de ce congé par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. Ces suppléants ne bénéficient d’aucune indemnité. »
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Mme Hélène Lipietz. Ces amendements visent à tirer les conséquences de l’évolution prévisible de la composition de nos assemblées, qui vont nécessairement se féminiser et, sans doute, se rajeunir.
Nous souhaitons donner aux parlementaires « en chemin de famille », comme disent les Poitevins, la possibilité de bénéficier d’un congé de maternité, ainsi que leur ouvrir le droit à un congé parental d’éducation.
Ces dispositions sont un peu éloignées de l’objet de ce projet de loi organique, mais il me semble important d’attirer l’attention du Gouvernement sur un problème qui ne manquera pas de se poser. Cela étant fait, je retire les amendements.
M. le président. Les amendements nos 7 rectifié et 8 rectifié sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir ce paragraphe dans la rédaction suivante :
III. - Le premier alinéa de l’article L.O. 319 du même code est ainsi rédigé :
« Sous réserve du second alinéa du présent article, les sénateurs élus au scrutin majoritaire dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136-1, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles L.O. 137, L.O. 137-1, L.O. 141 ou L.O. 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article L.O. 136 sont remplacés par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. »
La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement du Gouvernement déposé à l’article 1er, qui tend à rétablir les dispositions relatives au remplacement des sénateurs optant pour leur fonction exécutive locale.
M. le président. L’amendement n° 14, présenté par M. Sutour, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir ce paragraphe dans la rédaction suivante :
III. – Le premier alinéa de l’article L.O. 319 du code électoral est ainsi modifié :
1° Le mot : « décès, » est remplacé par les mots : « décès ou » ;
2° Les mots : « ou de prolongation au-delà du délai de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement » sont supprimés.
II. – Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 4.
M. Simon Sutour, rapporteur. Par cohérence avec les votes intervenus en commission, l’amendement n° 14 tend à procéder à deux modifications.
Premièrement, par coordination avec la modification introduite par la commission s’agissant du remplacement des députés, le I de l’amendement tend à supprimer le recours au suppléant pour le remplacement du sénateur élu au scrutin majoritaire dont le mandat cesserait à la suite de la prolongation au-delà de six mois d’une mission temporaire confiée par le Gouvernement, conformément à l’article L.O. 144 du code électoral.
Deuxièmement, par coordination avec la suppression de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 319, le II de l’amendement vise à supprimer la nouvelle rédaction de l’article L.O. 322 introduite par le IV de l’article 3.
Par voie de conséquence, la commission est défavorable à l’amendement n° 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 14 ?
M. Manuel Valls, ministre. De manière tout aussi logique, le Gouvernement est défavorable à cet amendement !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 115 :
Nombre de votants | 306 |
Nombre de suffrages exprimés | 290 |
Pour l’adoption | 3 |
Contre | 287 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 14.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe UMP, l’autre du groupe du RDSE.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 116 :
Nombre de votants | 307 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Pour l’adoption | 300 |
Contre | 3 |
Le Sénat a adopté.
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Article 3 ter A
Après le mot : « base », la fin du dernier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 58-1210 du 13 décembre 1958 portant loi organique relative à l’indemnité des membres du Parlement est supprimée. – (Adopté.)
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Intitulé du projet de loi organique
M. le président. L’amendement n° 1, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ou de sénateur
par les mots :
et limitant à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui a déjà été adopté par le Sénat en première lecture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences du vote intervenu en commission la semaine dernière. La commission y est donc favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement est logiquement défavorable à cet amendement. Cela étant, son adoption permettra aux députés de bien savoir à quoi s’en tenir et de changer le texte la semaine prochaine… (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Absolument !
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi organique ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, dans le texte de la commission, modifié.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 308 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 119 |
Le Sénat a adopté.
projet de loi
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements ou articles additionnels remettant en cause les articles adoptés conformes ou sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er A
(Suppression maintenue)
Article 1er B
(Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 231 du code électoral est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « de six mois » sont remplacés par les mots : « d'un an » ;
2° Le 8° est ainsi rédigé :
« 8° Les personnes exerçant, au sein du conseil régional, du conseil départemental, de la collectivité territoriale de Corse, de Guyane ou de Martinique, d'un établissement public de coopération intercommunale ou de leurs établissements publics, les fonctions de directeur général des services, directeur général adjoint des services, directeur des services, directeur adjoint des services ou chef de service, ainsi que les fonctions de membre du cabinet du président, du président de l'assemblée, du président du conseil exécutif, du maire ou du président d'un établissement public de coopération intercommunale ; ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Cet amendement vise à rétablir l’article 1er B, qui avait été adopté par le Sénat en première lecture.
Une véritable modernisation de notre démocratie aurait consisté à traiter la question de l’égalité d’accès aux fonctions électives. Pour ce faire, le présent amendement reprend les dispositions adoptées à deux reprises par le Sénat, tendant à étendre aux collaborateurs de cabinet des exécutifs locaux les règles d’inéligibilité aux élections locales dans le ressort où ils travaillent ou ont travaillé. Il y va de l’égalité des candidats devant les électeurs.
M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Lipietz, M. Placé, Mmes Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin et Labbé, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l’article L. 3122-3 est ainsi rédigé :
« Les fonctions de président d’un conseil général et de vice-président d’un conseil général sont incompatibles avec les fonctions suivantes : président d’un conseil régional, vice-président d’un conseil régional, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président d’un établissement public de coopération intercommunale, vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 4133-3 est ainsi rédigé :
« Les fonctions de président d’un conseil régional ou de vice-président d’un conseil régional sont incompatibles avec les fonctions suivantes : président d’un conseil général, vice-président d’un conseil général, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants, président d’un établissement public de coopération intercommunale, vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Il s’agit de rendre impossible le cumul des fonctions exécutives entre plusieurs collectivités territoriales. Je m’en suis déjà expliquée à plusieurs reprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 1.
L’adoption de l’amendement n° 4 rectifié aurait pour effet, à la fois, de renforcer la limitation du cumul des mandats et de l’alléger en créant un effet de seuil, puisque les communes de moins de 20 000 habitants seraient exclues du dispositif. L’avis de la commission est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, pour explication de vote sur l’amendement n° 1.
Mme Hélène Lipietz. Je ne comprends pas le raisonnement ayant conduit les membres du groupe du RDSE à nous resservir ce plat…
Il s’agit d’assurer l’égalité entre les candidats, nous dit-on, en empêchant certains fonctionnaires territoriaux ou collaborateurs de cabinet des exécutifs locaux de solliciter un mandat électif dans le ressort où ils exercent ou ont exercé leur activité professionnelle. Mais, dans ce cas, quid des maires, des membres d’un exécutif local qui se représentent ? Ils sont encore plus avantagés !
L’amendement de nos collègues ne nous paraît pas du tout pertinent.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Les propos de notre collègue confirment le bien-fondé de notre amendement… C’est une belle illustration du fonctionnement de ce que l’un d’entre nous appelait tout à l’heure une firme !
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Cela relève de la constitution d’une véritable caste, à nos yeux totalement contraire à la démocratie représentative ! M. le rapporteur sait à quoi je fais référence…
Il s’agit là d’une dérive démocratique extrêmement dangereuse, consistant en la captation du système électoral et de la représentation par des personnes, sans doute très compétentes, qui deviennent très rapidement des professionnels de la politique.
M. le président. En conséquence, l'article 1er B est rétabli dans cette rédaction et l’amendement n° 4 rectifié n’a plus d’objet.
Article 1er C
(Suppression maintenue)
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 46 du code électoral, il est inséré un article L. 46-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 46-1-1. – Les fonctions de membre d'un cabinet ministériel sont incompatibles avec les fonctions exécutives qui font l'objet des titres III et IV du livre Ier. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Dans le même esprit que le précédent, cet amendement, adopté en première lecture par le Sénat, tend à interdire à tout membre d’un cabinet ministériel d’exercer un mandat électif local, de quelque nature qu’il soit.
L’exercice d’un mandat issu du suffrage universel ne nous paraît pas compatible avec des fonctions conférant nécessairement à leurs titulaires un avantage, compte tenu de l’importance de leurs responsabilités.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 1er C est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er D
(Suppression maintenue)
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Collombat, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Après l'article L. 46 du code électoral, il est inséré un article L. 46-1-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 46-1-2. - Les fonctions de membre du cabinet du Président de la République sont incompatibles avec les fonctions exécutives qui font l'objet des titres III et IV du livre Ier. »
II. - À l'article L. 342 du même code, la référence : « à l'article L. 46 » est remplacée par les références : « aux articles L. 46 à L. 46-1-2 ».
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le présent amendement, qui s’inscrit dans la même logique que les deux précédents, vise à rétablir l'article 1er D, adopté par le Sénat en première lecture.
Il s’agit d’interdire aux membres du cabinet du Président de la République d'exercer un mandat électif local, de quelque nature qu'il soit.
Je ne voudrais pas que notre démarche soit interprétée comme une attaque ad hominem ! Nous connaissons d’excellents collaborateurs du Président de la République, qui ont de grandes qualités. D’ailleurs, nous allons souvent les voir pour essayer de faire avancer des dossiers locaux. Des journaux soulignent même que leur action peut insuffler un fort dynamisme à certaines communes…
Cela étant, de telles fonctions, qui offrent une capacité certaine d’intervention directe auprès des ministères, ne nous paraissent pas compatibles avec l'exercice d'un mandat issu du suffrage universel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 1er D est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er E
À la première phrase du II de l’article L. 2123-20, du premier alinéa des articles L. 3123-18 et L. 4135-18 et de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, les mots : « à une fois et demie le » sont remplacés par le mot : « au ». – (Adopté.)
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M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de représentant au Parlement européen, dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
5
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 16 janvier 2014 :
De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :
Questions cribles thématiques sur le devenir des élections prud’homales.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 16 janvier 2014, à zéro heure trente.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART