M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.
M. Gilbert Barbier. Pour ma part, j’ai déposé l’amendement n° 300 rectifié et la majorité des membres de mon groupe a déposé l’amendement n° 286 rectifié, dont les objets sont finalement assez proches de la suppression totale de l’article 10.
L’assiette des cotisations d’assurance vieillesse est actuellement plafonnée. Elle est très large, puisqu’elle repose sur le bénéfice industriel et commercial de l’entreprise. Le déplafonnement prévu fragilisera une nouvelle fois les travailleurs indépendants. Monsieur le ministre, vous visez les plus riches, dites-vous ; j’ai peur qu’un certain nombre d’artisans et de commerçants, qui sont déjà très fortement mis à contribution, n’apprécient pas d’être rangés dans cette catégorie…
Vous allez alourdir les charges de petites entreprises particulièrement malmenées par la crise, au risque de mettre en péril leur existence.
Selon la Banque de France, les faillites d’entreprises de moins de 11 salariés ont augmenté de 4,3 % entre le mois d’août 2012 et le mois d’août 2013, pour frôler sur les douze derniers mois un nombre proche de 54 000 ! Dans le contexte économique incertain que nous connaissons, cette mesure serait difficilement supportable pour la grande majorité des entreprises qui constituent, ne l’oublions pas, un considérable vivier d’emplois.
Pour cette raison, la majorité des membres du groupe du RDSE votera cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. À l’heure où nous parlons, selon les informations dont nous disposons, les artisans sont dans la rue et entament la deuxième étape du processus. Ils revendiquent leur opposition à l’augmentation de TVA qui leur pend au nez au 1er janvier prochain, alors même qu’ils sont confrontés à des difficultés terribles.
Vous avez réussi à rassembler l’ensemble des fédérations – l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, la CAPEB, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, l’UPA – qui représentent des millions de petites entreprises et plus encore de salariés. Que disent leurs représentants ? « Notre profession perd un emploi chaque demi-heure », déclarait dans un article de presse le président de la CAPEB. A-t-on les moyens de se le permettre ?
Monsieur le ministre, au nom de la justice, il serait important de déplafonner. Je peux être sensible à cet argument, mais, comme l’écotaxe, cette mesure tombe au mauvais moment ! Ces entreprises n’en peuvent plus. Il est évident que, au nom de la justice, on souhaiterait apporter un certain nombre d’améliorations, mais une décision incomprise ne sera pas acceptée.
À force de taxer ces métiers, il ne faut pas s’étonner de s’exposer à des revendications et à des tensions.
À l’occasion des cérémonies du 11 novembre, nous avons tous discuté avec nos concitoyens dans nos territoires. Le ras-le-bol fiscal, on ne l’a pas inventé !
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Mais vous l’alimentez !
M. René-Paul Savary. Ils n’en peuvent plus et nous demandent de faire quelque chose. Le pays est en grande difficulté, les gens sont prêts à descendre dans la rue.
Dans une petite commune rurale, une entreprise de maçonnerie qui emploie dix personnes cessera bientôt son activité, parce que son dirigeant en a assez. Les employés, qui le savent depuis longtemps, ne veulent pourtant pas la reprendre ! La disposition relative au rachat d’une entreprise par les salariés que défend Benoît Hamon ne suffira pas. En l’espèce, ils sont effrayés par les contraintes, les normes, l’équipement, les cotisations, le chiffre d’affaires à générer pour s’en sortir sans même avoir la certitude de dégager des bénéfices ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Et vous en rajoutez encore !
Cette mesure va à l’encontre de l’emploi. Elle relancera le travail au noir, nos concitoyens le savent, et favorisera également le recours à la main-d’œuvre étrangère,…
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Vous ne vous y êtes pas opposés jusqu’à présent !
M. René-Paul Savary. … qui s’est maintenant bien organisée et qui profite de ces difficultés. Les entrepreneurs sont malheureusement régulièrement contraints de solliciter cette main-d’œuvre étrangère, compte tenu des charges sociales que l’on leur impose.
Nous sommes à un moment crucial pour notre économie.
Dois-je rappeler que vous avez également refiscalisé les heures supplémentaires, si bien que nos concitoyens n’ont plus envie de travailler davantage, puisque les contraintes fiscales sont fortes ?
Aujourd’hui, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Monsieur le ministre, permettez-nous d’insister, car la situation est grave !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je comprends les inquiétudes qui sont exprimées. Le Gouvernement est tout à fait conscient de la situation difficile que traversent les artisans et les commerçants. Ceux-ci constituent un ensemble d’acteurs très enracinés sur nos territoires, qui ne délocalisent pas leur activité ; ils représentent le secteur des métiers, un savoir-faire, une compétence, un amour du travail bien fait. En outre, ils entretiennent une relation très forte avec les collectivités locales dans lesquelles ils exercent leur activité et avec les habitants, en particulier dans les territoires ruraux.
Nous savons le rôle que joue le secteur du commerce et de l’artisanat dans notre pays en termes de développement économique. Il est d’ailleurs celui qui crée le plus d’emplois non délocalisables.
J’ai rencontré à plusieurs reprises au cours des dernières semaines les responsables de l’UPA, de la CAPEB et de la FFB, la Fédération française du bâtiment, pour engager avec eux un dialogue sur les problèmes qu’ils rencontrent.
Sur ces sujets qui concernent une population qui souffre depuis très longtemps de la crise, il faut éviter de mettre de l’huile sur le feu,...
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Exactement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … d’exacerber les antagonismes et d’oublier d’énumérer toutes les difficultés auxquelles elle est confrontée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le premier sujet dont les acteurs de ce secteur me parlent, c’est la concurrence des auto-entrepreneurs, qu’ils estiment déloyale. Vous n’en avez pas dit un mot. Sur ce point, nous cherchons des voies d’apaisement.
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le deuxième sujet de préoccupation, c’est le plan de charges. C'est la raison pour laquelle nous avons inscrit dans le projet de loi de finances pour 2014 un très grand nombre de dispositions de nature à favoriser le secteur de l’artisanat et du bâtiment. Je pense au taux réduit de la TVA sur le logement social et les petites réparations ou à celui sur la rénovation thermique.
Hier – vous n’en avez pas fait état, alors que vous en avez eu connaissance –, deux communiqués de la FFB et de la CAPEB ont indiqué qu’un travail est en cours, ce dont ces organisations se réjouissent, lequel doit aller à son terme et permettre de prendre en compte plus largement les mesures attendues par ces professionnels dans les dispositions relatives à la TVA que nous avons arrêtées. Je tiens ces communiqués à votre disposition et vous les transmettrai.
Sur la simplification, autre sujet important, les attentes sont fortes. Comme vous l’avez souligné avec raison, il n’y a pas que les prélèvements obligatoires, il y a aussi le temps passé en démarches multiples. Nous avons aussi engagé un travail et manifesté notre disponibilité pour instaurer une relation de confiance afin d’alléger un certain nombre de formalités et d’éviter que « l’impôt papier » ne vienne alourdir les difficultés existantes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l’ai dit dans une autre assemblée, en matière fiscale, ce n’est pas la dernière tranche de fromage qui fait le taux de cholestérol,...
M. René-Paul Savary. Si, c’est celle-là !
M. Alain Milon. Ce n’est pas une bonne métaphore ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. ... c’est une succession de mauvaises habitudes.
Nous avons donc intérêt à rechercher l’apaisement au lieu d’encourager le poujadisme fiscal.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si l’on fait une photographie honnête de l’évolution des prélèvements obligatoires au cours des dernières années, on s’aperçoit qu’il y en a pour tout le monde !
En tant que républicains soucieux de la vérité, et nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle, nous serions bien inspirés d’être précis et rigoureux au lieu d’inciter par nos discours à des formes de révolte qui n’ont rien à voir avec la République et qui peuvent même la mettre en danger.
C’est ce que nous faisons dans le cadre des relations de travail continues et quasi quotidiennes que nous entretenons avec les commerçants et les artisans. Je suis convaincu que nous trouverons des solutions qui seront de nature, dans le droit fil des mesures que nous avons déjà prises, à répondre à leurs difficultés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mon collègue René-Paul Savary a fait la démonstration que nous avions voté la semaine dernière un très bon dispositif relatif à l’économie sociale et solidaire. Quand le texte sera définitivement adopté et promulgué, puisque nous n’en sommes qu’à la première lecture, les salariés de l’entreprise qu’il a prise en exemple pourront bénéficier du dispositif de la SCOP d’amorçage.
M. René-Paul Savary. Ils n’en veulent pas !
Mme Chantal Jouanno. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Faire un procès d’intention à un projet de loi que nous venons de voter bien avant qu’il ne soit opérationnel ne me semble pas tout à fait correct. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, la première, du groupe UMP, la seconde, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 344 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 10 est supprimé et les amendements nos 300 rectifié et 286 rectifié n’ont plus d’objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces deux amendements, qui faisaient l’objet d’une discussion commune :
L'amendement n° 300 rectifié, présenté par MM. Barbier, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 3 à 8
Supprimer ces alinéas.
L'amendement n° 286 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Supprimer ces alinéas.
Article additionnel après l'article 10
M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par Mme Dini et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la première phrase du I bis de l’article L. 241–10 du code de la sécurité sociale, les mots : « par décret » sont remplacés par les mots : « à 1,5 euros ».
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. L’objet de cet amendement, proposé par Mme Dini, est de doubler la déduction forfaitaire des cotisations patronales pour chaque heure de travail effectuée par un salarié à domicile. En effet, la déduction forfaitaire de 0,75 euro, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, n’a pas compensé l’augmentation du coût de l’emploi résultant de la suppression du forfait.
L’amendement prévoit de doubler cet abattement forfaitaire, pour le porter à 1,5 euro.
Il vise aussi à remédier à une double erreur : d’une part, la suppression de la déduction forfaitaire de 15 points des cotisations patronales pour les employeurs qui déclarent leurs salariés au réel – je reconnais toutefois que cette suppression n’est pas imputable à ce gouvernement – ; d’autre part, la suppression de la possibilité pour un particulier employeur de cotiser sur une assiette forfaitaire pour l’emploi d’un salarié domicile.
Après la mise en place, au 1er janvier 2006, de la déduction forfaitaire de 15 points, les heures déclarées avaient progressé de 13,7 % entre 2005 et 2010, soit 26 millions d’heures déclarées en plus. Autrement dit, en cinq ans, 16 500 emplois équivalents temps plein ont été créés ou déclarés par les particuliers employeurs.
Depuis la suppression de ce dispositif de réduction au 1er janvier 2011, on observe l’effet inverse : une dégradation accélérée de l’emploi domicile ou, tout au moins, de l’emploi déclaré, et, par conséquent, des charges payées.
Le nombre d’heures déclarées a fortement diminué, de 4,9 % en 2011 et de 4,5 % en 2012.
Concrètement, cela représente, en 2012, la destruction nette de 6 900 emplois en équivalents temps plein, la baisse de 11 millions des heures déclarées, la perte de 70 millions d’euros de salaires nets, l’alourdissement de 12 % du coût de l’emploi à domicile.
Toujours en 2012, pour la première fois depuis la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant, la PAJE, en 2004, l’activité de garde d’enfants à domicile, en termes d’heures rémunérées, s’est contractée de 1,1 %. L’activité des assistants maternels est aussi pour la première fois en perte de vitesse en 2012. Le nombre d’heures déclarées n’augmente que de 2 %, après une progression en moyenne annuelle de 3,6 % en 2011, 4,6 % en 2010 et 4,9 % en 2009. Cela peut être dû, pour une part, à la perte d’emploi de l’un des membres du couple, qui, de ce fait, peut se charger de la garde de l’enfant.
Si nous voulons stopper cette hémorragie d’heures travaillées chez les particuliers employeurs, il faut porter à 1,5 euro la déduction forfaitaire sur chaque heure travaillée. On enverra ainsi un signe de confiance à nos concitoyens sur leur capacité à créer de l’emploi et à agir pour plus de cohésion sociale et de solidarité locale. Il s’agit aussi, par cette disposition, de renforcer le pouvoir d’achat des particuliers employeurs, qui se révèle être également du pouvoir d’emplois, du pouvoir d’emplois déclarés. (Mme Chantal Jouanno applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement prévoit de doubler le montant de la déduction forfaitaire accordée aux particuliers employeurs sur la cotisation patronale due au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès.
Les chiffres du premier trimestre 2013 en matière d’emploi déclaré à domicile sont en effet inquiétants, avec une baisse de 7,9 % du volume horaire déclaré entre le premier trimestre 2012 et le premier trimestre 2013.
Lors de son audition devant notre commission, le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, nous a indiqué que cette évolution n’était pas uniquement liée à la suppression de l’abattement de 15 points de cotisations dont bénéficiaient les employeurs, puis à la disparition, depuis le 1er janvier dernier, du régime de la déclaration au forfait.
Il avançait trois explications complémentaires pour expliquer ce phénomène : premièrement, un moindre recours, du fait de la crise, aux services de gens de maison ; deuxièmement, un recours accru aux offres de prestations de services des entreprises et associations du secteur ; enfin, troisièmement, la sous-déclaration.
Compte tenu de l’ampleur du recul et de la nécessité de se donner les moyens de l’enrayer, la commission a toutefois émis un avis de sagesse sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. L’amendement n° 79 rectifié prévoit de doubler la déduction forfaitaire pour l’emploi d’un salarié à domicile, qui passerait de 0,75 euro par heure de travail effectuée à 1,5 euro.
Cet amendement aurait pour conséquence de doubler le coût de cette déduction forfaitaire, qui atteindrait alors 400 millions d’euros.
Or je rappelle que cette déduction se cumule déjà avec un très grand nombre de dispositifs, notamment le crédit d’impôt sur le revenu.
Par ailleurs, votre amendement est présenté comme une réponse à la diminution de l’emploi dans le secteur.
Je tiens à cet égard à rappeler que l’emploi dans ce secteur a connu une inflexion dès 2008 et, pour la première fois, une baisse en 2011. Son évolution est avant tout liée au contexte économique. De même, les chiffres du premier trimestre 2013, qui ont donné lieu à des commentaires alarmistes, doivent être nuancés, d’autant qu’ils ne tiennent pas compte de l’emploi à domicile via des prestataires, structurellement plus dynamiques, et que le deuxième trimestre a mis en évidence une stabilisation.
Il n’est donc absolument pas acquis que la suppression de l’assiette forfaitaire, assortie de la mise en place d’une déduction forfaitaire de 75 centimes d’euro, ait impacté négativement l’emploi à domicile et qu’il faille y remédier, qui plus est en alourdissant des dépenses dont nous nous soucions tous de la maîtrise.
Pour l’ensemble de ces raisons, je suis défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’analyse du ministre M. Cazeneuve.
Mme Chantal Jouanno. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. L’an passé, j’avais essayé de convaincre le Gouvernement que la mesure de suppression du forfait n’était certainement pas la mieux adaptée.
La suppression de l’abattement de 15 points date de 2011, la suppression du forfait, de l’an dernier. Ces deux mesures conjuguées ont incontestablement un impact sur les emplois à domicile, pour deux raisons simples.
Premièrement, les personnes qui bénéficiaient de l’abattement de 15 % déclaraient au réel, ce qui était une bonne chose.
Deuxièmement, le forfait présentait l’avantage de permettre à des personnes de payer plus cher leurs employés et de les déclarer au forfait, c’est-à-dire au SMIC, avec un petit avantage à la clé.
La suppression conjuguée de ces deux dispositifs explique en partie selon moi la situation que nous connaissons actuellement.
L’an passé, j’avais déposé un amendement sans réussir à convaincre. Je n’ai pas changé d’avis cette année et je soutiendrai l’amendement de Mme Dini.
J’insiste sur le fait que l’on risque de revenir à la situation qui existait avant la création du CESU, lequel a précisément été conçu pour éviter le travail dissimulé,…
Mme Catherine Procaccia. Vous avez complètement raison !
M. Jean-Pierre Godefroy. … en d’autres termes le travail au noir, qui le plus souvent est d’ailleurs un travail « gris ».
En effet, le risque est aujourd’hui de voir les particuliers employeurs ne déclarer qu’un nombre réduit d’heures, ce qui se retournera immanquablement contre les salariés, qui auront moins de cotisations pour leurs droits sociaux.
M. Michel Savin. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce problème des heures non déclarées n’est pas mince, d’autant qu’il paraît évident que celles-ci ne seront pas payées au même tarif que les heures déclarées. Une transaction s’opérera afin que la personne accepte un salaire plus bas.
J’avais proposé l’an passé de rehausser le forfait de 15 %. Cette mesure aurait permis d’augmenter un peu les salaires de base et les cotisations sociales des salariés, tout en maintenant le forfait.
Il y a donc un vrai problème, qui n’est pas seulement dû à la crise.
Je voudrais insister encore sur les conséquences vraisemblables de cette mesure sur le premier trimestre de l’année prochaine. En effet, les personnes qui ont reçu leur feuille d’imposition se sont récemment aperçues de l’impact de cette disposition, dont les effets se prolongeront toute l’année pour celles qui sont mensualisées.
Il s’agit donc d’une mesure dissuasive, dont nous allons immanquablement ressentir l’impact au premier trimestre 2014. C’est en tout cas ma conviction.
J’insiste aussi sur le fait que les associations ne peuvent pas se substituer à ce type de contrats. Leur champ d’action est différent.
De surcroît, le plus souvent, ces employés naviguent d’un domicile à l’autre, d’un emploi à l’autre. Ils sont dans une situation complexe, qui risque de le devenir plus encore. Si l’un de leurs employeurs diminue leur nombre d’heures, ils ne retrouvent pas nécessairement l’équivalent ailleurs, et il est très difficile dans nos territoires de « recaser » ces personnes sur des emplois pour lesquels elles ne sont pas qualifiées.
Nous devons agir pour protéger ces emplois locaux, non délocalisables.
La suggestion de relever le plafond à 1,5 euro est sans doute une proposition d’appel, qui reprend celle qu’a émise la fédération des particuliers employeurs, la FEPEM.
Quoi qu’il en soit, nous devons réexaminer la question, d’autant que l’an passé, lorsque nous avions voté la suppression du forfait, le Gouvernement nous avait promis un rapport l’année suivante pour faire le point sur la situation. Nous l’attendons toujours !
Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je soutiendrai l’amendement de Mme Dini. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Après la remarque que vous avez faite tout à l’heure, monsieur Godefroy, peut-être pourrons-nous nous rejoindre sur la distinction à opérer entre transmission d’entreprise et cessation d’activité.
En tout cas, je vous rejoins bien volontiers sur l’analyse que vous venez de faire concernant les emplois aidés.
M. Charles Revet. C’est très bien !
M. René-Paul Savary. Car avec ces mesures, nous en venons à dissuader les gens d’aller plus loin dans l’emploi de personnes à domicile. Cela devient vraiment préoccupant, particulièrement pour les gardes à domicile, où toute charge supplémentaire induit un renchérissement du coût de l’heure, et dans le cadre des forfaits de l’APA pour les personnes âgées ou des prestations de compensation des handicaps pour les personnes dépendantes. La compensation de la dépendance se fait alors à travers des aides dites « humaines ». Or, plus le coût du travail est élevé, moins le nombre d’heures attribuées est important, car les finances publiques ne sont pas multipliables à l’infini. Le coût de cette aide humaine ne doit en effet pas dépasser le montant du forfait.
J’en viens à mon tour au sujet de l’auto-entrepreneur, qui a été abordé par M. le ministre.
On le voit, un certain nombre de personnes ont adopté le statut d’auto-entrepreneur pour proposer des services à domicile, par exemple de jardinage. M. le ministre l’a justement dit, l’employeur peut ainsi bénéficier d’un crédit d’impôt. En fin d’année, les classes moyennes sont tout à fait disposées à recourir à des employés, car elles savent que cela leur ouvrira un crédit d’impôt. Mais elles ne trouvent personne, car les auto-entrepreneurs ont d’ores et déjà réalisé leur chiffre d’affaires et ne veulent pas travailler davantage, sauf à ne pas être déclarés.
Avec ces dispositifs, on en arrive non pas à soutenir l’emploi à domicile, mais à dissuader les employeurs d’employer ces personnes ! Pourtant, ils permettaient à ces salariés, lesquels fournissent une main-d’œuvre qui n’est pas forcément qualifiée, d’avoir des revenus supplémentaires, et aux classes moyennes, déjà largement assommées, d’obtenir des déductions fiscales.
Au final, ces mesures deviennent contre-productives. C'est la raison pour laquelle il est important de les modifier. Au travers de l’amendement proposé par Muguette Dini, nous faisons un pas permettant de redevenir incitatifs, au lieu d’être dissuasifs. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP. – Mme Chantal Jouanno applaudit également.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Je soutiendrai cet amendement très intéressant proposé par Muguette Dini car il a le mérite de soulever des problèmes essentiels. Les chiffres évoqués lors de sa présentation nous interpellent : la baisse du nombre d’emplois, qui affecte autant le secteur urbain que le milieu rural, serait de 10 %, ce qui concerne de nombreux employeurs et employés.
On parle souvent du maintien à domicile des personnes âgées. Notre collègue Jean-Pierre Godefroy a évoqué les qualités humaines, point important, des employés qui s’occupent de ces personnes âgées. De ce point de vue, leur rôle est irremplaçable. On peut aussi aborder la question de la précarité, parce qu’il n’est malheureusement pas toujours facile de travailler pour plusieurs personnes. Il faut que s’établisse une relation de confiance entre l’employeur et l’employé. Enfin, M. le ministre a rappelé le dispositif du crédit d’impôt qui est également favorable aux salariés.
Par ailleurs, le statut de l’auto-entrepreneur a été évoqué. Nos collègues de la commission de contrôle de l’application de lois, Mme Dini et M. Kaltenbach, ont réalisé un rapport intéressant sur la question. Même s’il est décrié, ce statut, qui a certes des limites, présente aussi des avantages. Les choses ne sont pas si simples.
Je le redis, cet amendement pose un problème bien réel, qui nous concerne tous. Je le voterai donc.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, pour explication de vote.
Mme Muguette Dini. Mes collègues de tous bords ont très bien expliqué les raisons pour lesquelles il faut absolument revenir sur les dispositions adoptées auparavant.
Dans cette histoire, il y a d’un côté l’humain, de l’autre les chiffres.
Quand on parle des particuliers employeurs, on a l’impression qu’il s’agit de gens riches qui ont du personnel de service. Or, mes chers collègues, ces personnes s’organisent en général autrement !
Les particuliers employeurs sont des personnes qui ont besoin d’une aide pour garder les enfants, pour entretenir la maison parce que le couple est très occupé à l’extérieur, pour s’occuper de leurs parents… Tous les parents âgés ne sont certes pas dépendants ou malades, mais nombre d’entre eux ont besoin d’être aidés matériellement pour les petites tâches de la vie quotidienne (M. Gérard Longuet opine.), sans même parler des personnes handicapées qui en ont un besoin absolu !
Ces employeurs ont des employés à temps plus ou moins partiel, et ces derniers ont eux-mêmes plusieurs employeurs.
Que se passe-t-il très concrètement depuis que les deux mesures ont été prises ?
Un ménage consacre une certaine somme de son budget à l’aide à domicile. Comme il ne peut pas dépasser cette somme, il va diminuer le nombre d’heures déclarées. Ainsi, il peut continuer à donner le même montant à son employé, auquel il n’est pas question de baisser son salaire, car il ne gagne déjà pas beaucoup. Le reste de ses heures est payé au noir. Ainsi, l’employé touche la même somme et le ménage ne paye pas plus de charges.
Cela signifie qu’il y a moins de rentrées de charges. Entre le premier trimestre de 2012 et le premier trimestre de 2013, il y a ainsi eu une perte de 26 500 équivalents temps plein. C'est considérable ! Ces emplois n’ont pas généré de charges.
Par ailleurs, certaines cotisations ont augmenté ; je pense aux 0,5 % d’augmentation sur les retraites. Là encore, comme on ne va pas payer moins son employé, on va bien sûr prendre à sa charge ce surcoût. Mais pour éviter de payer plus, on déclarera encore une heure de moins…
Tout cela est source de travail au noir, alors que nous avions réussi à atténuer très considérablement ce phénomène, en faisant appel au sens des responsabilités des employeurs, qui préfèrent que leurs employés soient déclarés, et grâce au refus de ces derniers de travailler au noir, afin de pouvoir toucher une retraite.
Actuellement, le seul point sur lequel la situation a changé pour les employés du particulier employeur, c'est la retraite. Sinon, pour le reste – je pense notamment à la sécurité sociale –, ils ont les mêmes droits.
En diminuant, avec les mesures que nous adoptons, le nombre d’heures déclarées, on est en train de baisser la pension de retraite de ces personnes. Voilà ce que je voudrais vous faire comprendre !
Il ne faut pas oublier non plus qu’une grande partie de ces employés, qui sont pleins de bonne volonté, n’ont pas d’autre qualification : ils ne peuvent donc pas faire autre chose. La Fédération des particuliers employeurs propose des formations afin que ces personnes puissent éventuellement travailler pour une association.
Monsieur le ministre, je vous rappelle que, sans formation, il n’est pas envisageable de travailler dans une association.
Nombre de ces personnes ne sont pas formées. Si certaines ne veulent pas suivre de formation, d’autres le souhaitent afin de pouvoir accéder à un autre poste, plus stable. Et le besoin d’aides à la personne ne va pas aller en diminuant, compte tenu du vieillissement de la population !
Ne déstabilisons pas un système qui fonctionne bien ! Quand on perd 26 500 équivalents temps plein, on perd aussi les charges afférentes, ce qui ne présente aucun intérêt…
Je vous engage donc, mes chers collègues, à voter mon amendement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)