M. Jean-Marie Vanlerenberghe. La garantie des loyers impayés, la GLI, proposée par les assureurs privés a concentré les « bons risques », ne permettant pas au système de se généraliser ou de trouver son point d’équilibre. Vous l’avez rappelé, le taux d’effort de la GLI est de 28 %, contre 50 % pour la GRL.

L’amendement que nous défendons tend à instaurer un mécanisme assurantiel obligatoire unique, qui repose sur trois piliers indissociables.

Premièrement, le pilotage est confié à une Haute Autorité indépendante capable de fixer en toute indépendance les curseurs – taux d’effort, montant de loyer pris en charge, durée d’assurance, montant de la cotisation – et de les faire varier en fonction de l’état du marché locatif. C’est exactement ce que j’ai entendu : il faut maîtriser le système. Notre objectif est d’instaurer un dispositif souple et réactif, qui capitalise sur le savoir-faire des acteurs actuels du marché tout en les régulant.

Deuxièmement, un fonds de garantie prendra en charge la sinistralité au-delà du risque usuel. Cela permettra notamment de couvrir des publics plus fragiles ou dont le taux d’effort avoisine les 50 %. C’était l’objectif de la GRL : étudiants, jeunes en contrat précaire, ménages à faibles ressources, jeunes qui cherchent un emploi ou qui l’ont trouvé mais qui n’arrivent pas à se loger.

M. Alain Néri. Ou qui l’ont perdu !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Effectivement. Le fonds choisi existe déjà : c’est le fonds de garantie universelle des risques locatifs – il est géré par l’UESL –,…

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … dont il faudra sans doute élargir la gouvernance aux assureurs, aux partenaires sociaux, aux propriétaires bailleurs, aux locataires et à l'État.

Troisièmement, l’État ne sera pas le garant en bout de chaîne et l’accompagnement social restera géré par un organisme spécialisé. Ce troisième pilier est indispensable pour éviter les dérives ; ce pourrait être l’APAGL, qui est aujourd’hui une émanation d’Action logement.

Cette proposition a l’avantage de pouvoir être mise en place rapidement, au 1er janvier 2015, et de monter en puissance au fil du temps. Elle permettrait ainsi de faire face à l’urgence du logement des jeunes : aujourd’hui, un million d’entre eux passent par le parc privé, qui les accueille dans des proportions bien plus grandes que le parc public. La fluidité permettrait également, d’après une enquête du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, ou CREDOC, de pourvoir 500 000 emplois refusés chaque année par des demandeurs d’emploi en raison de leur incapacité à trouver un logement.

Madame la ministre, j’ai entendu vos inquiétudes sur le coût du dispositif. Pour ma part, je crains qu’une gestion par l’État ne soit mal régulée, entraînant une dérive préjudiciable au système auquel nous voulons donner toutes les chances de réussite. J’ai peur que le dispositif étatique ne tue le système finalement.

C’est pourquoi nous proposons un système ajustant les dispositifs existants. Cette voie nous semble beaucoup plus sûre et plus rapide.

M. le président. L'amendement n° 567 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement, Collin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement les conditions et les modalités d'une garantie universelle des loyers, dispositif ayant pour objet de couvrir, sous la forme d’un système d’aides, les bailleurs contre les risques d’impayés de loyer, afin de favoriser l’accès au logement et de prévenir les risques d’expulsion.

II. - En conséquence, alinéas 2 à 24

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les explications de Mme la ministre. Je tiens à dire, comme je l’avais indiqué lors de la discussion générale, que nous sommes d’accord avec le principe et les objectifs qui sont fixés.

Nous savons tous en effet, depuis de nombreuses années, qu’il existe dans notre pays un problème crucial concernant les loyers, qui porte sur leurs montants comme sur impayés. Il convient d’essayer d’avancer efficacement, non pas pour multiplier le nombre d’impayés, mais pour permettre à nos concitoyens de trouver dans de bonnes conditions des logements, et aux bailleurs d’être sécurisés. Effectivement, nous savons aussi que nombre de bailleurs potentiels ne mettent pas sur le marché les appartements dont ils sont propriétaires du fait des risques d’impayés.

Nous sommes préoccupés – pour ma part, j’ai l’habitude d’être pragmatique et de ne pas me focaliser sur les déclarations de principe – car nous considérons que le système que vous nous proposez n’est pas au point. Nous voyons bien, les uns et les autres, qu’il y a des tâtonnements. Vous nous avez brillamment exposé vos objectifs, mais je n’ai pas été totalement convaincu sur le fonctionnement.

Je me réfère aux pages 111 et 112 du rapport : « Votre rapporteur relève que le présent article, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, ne constitue qu’une déclaration de principe, sans préciser l’ensemble des aspects opérationnels de la garantie universelle des loyers. Les débats qui se sont développés dans les médias à propos de la GUL se sont largement éloignés du texte du projet de loi. » S’agissant des services du Premier ministre, je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit tout à l’heure, on en a connu d’autres.

« Il se réjouit que votre commission ait adopté un amendement du Gouvernement précisant notamment deux aspects du dispositif :

« – le montant de l’aide versée au titre de la GUL est réduit ou supprimé en cas déclaration tardive par le bailleur. » Cela n’est pas essentiel et ne résout pas tellement de problèmes.

« – Par ailleurs, l’Agence de la GUL agréera des organismes pour vérifier le respect des conditions exigées pour bénéficier de la GUL, traiter les déclarations d’impayés présentées par les bailleurs, […] mettre en œuvre un plan de traitement social des impayés de loyers, et accompagner éventuellement les locataires. […]

« Ces précisions confirment le caractère équilibré du dispositif et constituent autant de garanties contre le risque d’aléa moral. »

Ce ne sont pas ces précisions qui permettent de sortir de la déclaration de principe. Nous voyons tous que vous renvoyez à des décrets. Je crois qu’il y a un véritable problème dans ce mécanisme que vous nous proposez : le texte législatif n’est ni suffisamment précis ni suffisamment clair, ce qui constitue une véritable difficulté.

Vous prévoyez une mise en application en 2016. Il conviendrait de retravailler pour avoir des objectifs plus précis. Si la loi ne doit jamais se substituer au règlement, en l’occurrence, comme l’a souligné le rapporteur, nous sommes trop dans des déclarations de principe. Voilà ce qui nous préoccupe, et justifie cet amendement, qui précise : « Dans un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement les conditions et les modalités d'une garantie universelle des loyers, dispositif ayant pour objet de couvrir, sous la forme d’un système d’aides, les bailleurs contre les risques d’impayés de loyer, afin de favoriser l’accès au logement et de prévenir les risques d’expulsion. »

Nous considérons aujourd’hui que ce texte n’est pas prêt. Nous sommes bien évidemment ouverts à la discussion pour trouver des solutions.

M. le président. L'amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Dallier et Beaumont, Mme Bruguière, MM. Cambon, Carle, Cléach et Cointat, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, Grignon, Houpert, Laufoaulu, Lefèvre et Milon et Mmes Procaccia et Sittler, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 1, 2, 7, 13, 14, 21 et 22

Remplacer chaque occurrence du mot :

universelle

par les mots :

de recouvrement

II. – En conséquence, intitulé du chapitre II

Rédiger ainsi cet intitulé :

Mettre en place une garantie de recouvrement des loyers

La parole est à M. Philippe Dallier.

M. Philippe Dallier. Je suis désolé à cette heure avancée de la nuit de soulever un problème de sémantique, mais j’ai un problème avec la terminologie « garantie universelle des loyers ».

Si on regarde la définition du Littré, « universel » signifie « qui s’applique à tous et qui s’applique partout ». Or, si le texte proposé a effectivement vocation à s’appliquer partout sur le territoire de la République, il ne s’appliquera cependant pas à tous. Nos collègues du groupe CRC l’ont dit : le dispositif concerne uniquement le parc privé.

Au-delà de cette précision, « garantie universelle des loyers », ça fait beau, c’est sympathique, c’est comme le bonheur universel. Mais quand on considère le contenu, ce n’est quand même pas tout à fait ça : ce n’est pas une garantie universelle, c’est d’abord une garantie obligatoire. C’est effectivement ce qui distingue ce dispositif de la GRL et de la GLI, qui sont en effet relativement inefficaces.

En outre, les mots « garantie universelle » pourraient laisser certains penser qu’en toute circonstance et dans tous les cas de figure on met en place le filet de sécurité qui permet de résoudre les problèmes de tous les locataires ou de tous les propriétaires en cas d’impayés.

Les mots ont un sens et vouloir placer l’adjectif « universel » dans le titre de ce dispositif ne convient pas. J’ai proposé d’intituler le dispositif « garantie de recouvrement des loyers », mais, avec le sigle correspondant, on revient à la GRL, qui a été critiquée. Nous devons avoir une vraie discussion sur le sujet.

Puisqu’il me reste encore un peu de temps de parole, je dirai un mot sur l’un des objectifs que vous assignez à votre dispositif et pour lequel je crains que, les choses étant ce qu’elles sont, on ne soit pas au rendez-vous.

Lors de la signature d’un contrat de location, il existe effectivement des discriminations liées notamment aux ressources et au faciès. Penser que ce seul dispositif réglera ces problèmes-là et empêchera certains propriétaires de dire à l’agence immobilière qu’ils ne veulent pas d’étrangers ou qu’ils ne veulent pas ceci ou cela est illusoire. Nous ne sommes pas certains d’atteindre ces objectifs. Voilà pourquoi le caractère universel et qui semblerait résoudre tous les problèmes me semble un peu excessif.

M. le président. L'amendement n° 742 rectifié bis, présenté par MM. Husson, Milon, P. Leroy, Cointat et César, Mmes Masson-Maret, Sittler et Boog, M. Lefèvre, Mmes Bruguière et Deroche et MM. Cléach, Grignon, Savary et Chauveau, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

d'aides

insérer les mots :

ou d’assurance

La parole est à M. Jean-François Husson.

M. Jean-François Husson. J’ai entendu tout à l’heure un de nos collègues dire que l’on ne proposait jamais rien. Je regrette qu’il ne soit pas là. Il est parti se désaltérer, ce que je peux comprendre. Pour autant, afin qu’il ne soit pas déçu si je termine mon intervention avant qu’il revienne, je demande aux membres de son groupe de lui part du fait que nous sommes là pour nous opposer quand nous le jugeons utile, mais également pour proposer.

Je rejoins d’autres membres de notre assemblée sur la proposition d’associer l’ensemble des partenaires publics et privés au sein d’une mission de préfiguration, qui prendrait le temps d’analyser y compris les insuffisances, voire les carences, du système assurantiel. Pour l’avoir connu il y a encore peu de temps, objectivement, le secteur assurantiel peut être utile s’il y a une forme d’universalité et donc d’obligation de souscription. La difficulté sera alors de contrôler cette obligation. L’exemple de l’assurance automobile pourra être mobilisé, puisqu’il existe un bloc assurantiel obligatoire en la matière. Il serait donc intéressant de mener une réflexion sereine et partagée.

Il faudra avancer dans un esprit de responsabilité pour chacune et chacun. Il me semble idéaliste de considérer qu’un système public serait plus vertueux. Nous proposons donc, à travers cet amendement, de mettre tous les partenaires autour de la table en associant le secteur assurantiel à la mise en place de ce nouveau dispositif.

Madame la ministre, je crois savoir par un collègue appartenant à votre majorité et qui est membre du groupe socialiste que vous prêtez une oreille attentive à cette idée. J’espère que vous lui accorderez également un accueil favorable.

M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par MM. Guerriau, Marseille et Tandonnet, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Après les mots :

d’impayés de loyer 

insérer les mots :

résultant d’accidents de la vie, tels que notamment fin de contrat sans chômage, chômage, faillite, maladie, décès du locataire,

II. - Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un décret en Conseil d’État détermine les risques couverts par la garantie.

La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Cet amendement entre dans la logique d’un encadrement de la garantie universelle des loyers. Vous avez dit, madame le ministre, qu’il fallait avancer pas à pas dans une coélaboration permettant d’améliorer ce système.

Nous pensons que le système est porteur de risques, notamment celui d’une déresponsabilisation des locataires et des bailleurs, les uns comme les autres étant convaincus que les loyers seront systématiquement payés. Le locataire pourrait ainsi considérer qu’il a peut-être moins d’efforts à faire pour payer son loyer, alors que le bailleur porterait moins d’attention à la question de la solvabilité du locataire, estimant qu’il obtiendra de toute façon son dû.

Notre amendement vise donc à circonscrire l’obtention de cette garantie à des situations où le locataire éprouve involontairement des difficultés de paiement. La mise en œuvre de la garantie doit ainsi être effectuée uniquement lorsque le locataire fait face à une situation imprévisible telle qu’un accident de la vie.

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 8 (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové
Discussion générale

5

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 24 octobre 2013 :

À neuf heures trente :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (n° 851, 2012–2013) ;

Rapport de M. Claude Dilain et M. Claude Bérit-Débat, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 65, 2013–2014) ;

Avis de Mme Aline Archimbaud, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 29, 2013–2014) ;

Avis de M. Jean-Luc Fichet, fait au nom de la commission du développement durable (n° 44, 2013–2014) ;

Avis de M. René Vandierendonck, fait au nom de la commission des lois (n° 79, 2013–2014) ;

Texte de la commission (n° 66, 2013–2014).

De quinze heures à quinze heures quarante-cinq :

2. Questions cribles thématiques sur la politique énergétique européenne

À seize heures et le soir :

3. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 24 octobre 2013, à zéro heure trente.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART