M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je souhaite souligner tout d’abord la qualité des analyses des orateurs qui se sont succédé à la tribune. Monsieur Bocquet, tous ont estimé que votre démarche constituait une avancée réelle pour lutter effectivement contre ces textes permettant aujourd’hui le détachement des travailleurs sur le territoire national dans des conditions socialement et "salarialement" inacceptables.
J’observe d’ailleurs que nombre des orateurs ont élargi le sujet au droit du travail et aux conditions dans lesquelles des femmes et des hommes issus des vingt-huit pays de l’Union européenne travaillent dans un autre pays que celui dont ils sont originaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous dit qu’il s’agissait d’un aspect important, susceptible de déterminer le type d’Europe que nous voulons. Vous avez eu raison, à mon sens. En revanche, j’ai été plus étonné de constater que cette vision semblait partagée sur toutes les travées de cet hémicycle.
Mme Nathalie Goulet. Et alors ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je me contenterai d’apporter quelques éléments d’information à certains d’entre vous.
Monsieur Barbier, vous avez indiqué à la tribune que vous étiez perplexe sur la perspective, pour tous les pays de l’Union européenne, de disposer à terme d’un salaire minimum, que nous appelons imparfaitement en France SMIC, ou salaire minimum interprofessionnel de croissance.
Je comprends votre perplexité. Nous demandons en effet que, dans tous les pays de l’Union européenne, la question du salaire minimum soit posée pour éviter le dumping social que vous avez dénoncé. Néanmoins, nous sommes confrontés à des pays dans lesquels la conception des règles de droit du travail n’est pas la même qu’en France.
En France, traditionnellement, une fois le dialogue social terminé, l’État impose les règles. Dans d’autres pays, c’est le dialogue social, branche par branche, qui prévaut.
On parle de cette question depuis si longtemps, dites-vous, que la perplexité est de mise. Je voudrais délivrer ici un message d’optimisme : le 30 mai dernier, le président de la République française, François Hollande, et la chancelière allemande, Angela Merkel, ont, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, cosigné un texte pour soumettre cette question du salaire minimum à la discussion des Vingt-huit.
M. Jacky Le Menn. Excellent !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Un sujet qui paraissait encore tabou il y a dix-huit mois va ainsi être prochainement discuté par les Vingt-huit.
C’est une question très importante, car ce que vous proposez aujourd’hui en matière d’outils pour lutter contre le dumping à travers l’approfondissement de la directive sur les travailleurs détachés ne répondra pas à toutes les formes de concurrence.
Tant que nous n’aurons pas un salaire minimum de l’autre côté de la frontière – cela fait aussi écho aux propos de M. Reichardt –, il y aura une forme de concurrence déloyale à quelques kilomètres de chez nous.
Je pense notamment à tous les élus de Bretagne, qui, à juste titre, ont à de nombreuses reprises porté dans les assemblées la question du devenir de la filière des abattoirs, aujourd’hui menacée parce que ces pays qui n’ont pas de salaire minimum emploient à des coûts imbattables des salariés venant d’autres pays.
Je ne suis pas en mesure de vous donner des chiffres à l’euro près. Néanmoins, en Allemagne, les discussions avancent plus vite que jamais pour que, dans ces filières, notamment l’agroalimentaire, un salaire minimum puisse être arrêté d’ici à quelques mois. Il s’agit d’aller vers un salaire minimum interprofessionnel et non par branche, comme cela est la tradition dans certains pays. Ces débats sont le fruit de la proposition du 30 mai dernier, et les éléments que j’apporte sont tout à fait complémentaires de votre proposition d’aujourd’hui.
Monsieur Reichardt, aux interrogations que vous avez exprimées, j’ai fourni un début de réponse, mais vous pourrez également trouver satisfaction avec l’article 3 de la proposition de la Commission.
À la tribune tout à l’heure, vous regrettiez, à juste titre, une situation de concurrence totalement déloyale dans le domaine des activités agricoles saisonnières. C’est là un véritable point d’achoppement. En effet, aujourd’hui des salariés issus d’autres pays de l’Union européenne sont employés pour des activités saisonnières, sous le statut de travailleurs détachés.
Or le statut de saisonnier ou de travailleur détaché n’ouvre pas droit en principe aux mêmes prestations sociales, le premier bénéficiant des règles du pays d’accueil, le second conservant son rattachement à son pays d’origine. Il y a, à la clef, une différence financière substantielle.
Ainsi, le texte de la Commission ne permet plus de recourir à des travailleurs détachés pour exercer des activités saisonnières. L’article 3 indique que des faisceaux d’indices permettent de déterminer si le statut des salariés des activités saisonnières dans l’agriculture est le bon. En effet, la proposition prévoit une obligation de recourir au statut de saisonnier pour ces activités, un statut beaucoup plus protecteur pour les personnes qui y participent dans notre pays.
Ces éléments présentent un intérêt non seulement pour les régions frontalières dont vous êtes l’élu, monsieur le sénateur, mais également pour le sud et le sud-ouest de la France. Ainsi, ce texte remédie à une utilisation abusive du statut de travailleur détaché.
Pour répondre à M. Arthuis, je dirai que, comme tout législateur, j’appelle de mes vœux un toilettage des textes qu’il qualifiait d’« archaïques ». Toutefois, faire une telle demande emporte le risque de porter soi-même une part de responsabilité dans cet archaïsme ! (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
En effet, c’est la sédimentation de textes accumulés depuis des décennies à laquelle nous essayons, les uns et les autres, de remédier.
Mme Nathalie Goulet. C’est ce que Jean Arthuis a dit !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Toutefois, M. Arthuis, interpellé par M. Vaugrenard, a eu l’honnêteté de rappeler que nous étions tous responsables de cette situation.
M. Jean Desessard. Oh, nous, nous n’avons pas beaucoup gouverné ! (Sourires.)
M. Jean Bizet. Heureusement d'ailleurs ! (Nouveaux sourires.)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous faisons ce travail de toilettage. À la tribune, M. Arthuis a cité, avec raison, le CICE, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. Il aurait pu citer également l’accord national interprofessionnel porté par Michel Sapin. Salué dans de nombreux pays de l’Union européenne, ce dispositif apporte souplesse et sécurité au monde du travail.
Toutefois, si nous devons procéder à ce toilettage concernant nos propres textes, nous devons également inciter d’autres pays de l’Union à faire de même, pour aligner à la hausse nos systèmes respectifs. Dans certains pays européens, des textes archaïques mettent des salariés dans des situations que nous ne pouvons plus tolérer. Il s’agit ainsi de viser un objectif social et salarial, de procéder à une harmonisation par le haut au sein des vingt-huit États membres.
C’est pour cela que nous nous battons, par exemple, pour un salaire minimum dans tous les pays de l’Union européenne. C’est pour cela que nous plaidons pour un impôt sur les sociétés, à un niveau plus proche de celui qui s’applique en France, dans tous les pays de l’Union européenne.
L’enjeu est de tirer les vingt-huit États membres vers des normes sociales proches des nôtres. La concurrence à l’échelle européenne peut être gommée si nous sommes, avec l’Allemagne, des locomotives pour une harmonisation sociale, fiscale et salariale par le haut.
Par ailleurs, j’ai indiqué à la tribune que le Conseil européen des 24 et 25 octobre prochain abordera la question des indicateurs sociaux. Cette démarche, jamais entreprise au sein de l’Union européenne, doit participer d’une prise de conscience par un certain nombre d’États, en faveur de l’intégration de ces indicateurs dans la conduite des politiques de l’Union économique et monétaire.
Monsieur Bocquet, je suis ravi que ce débat me permette de vous apporter ces quelques précisions, qui dépassent la simple résolution présentée aujourd’hui. Ces éléments corroborent l’ambition que vous portez au nom de la commission des affaires européennes, dont j’ai compris qu’elle était unanimement soutenue. Ainsi votre initiative va-t-elle, me semble-t-il, recevoir une approbation assez large.
M. Jean Desessard. Ce sera un vote harmonisé par le haut ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Enfin, contrairement à ce qui a été dit, ce vote ne me donne pas bonne conscience ou la satisfaction du devoir accompli. Non, il me donne des arguments pour remporter les combats que nous avons à mener, Michel Sapin et moi-même, sur cette question. C’est le carburant dont nous avons besoin pour être certains que les positions que nous défendons à l’échelle européenne sont partagées par les élus de la République, par celles et ceux qui représentent les territoires et qui rencontrent ces difficultés.
Le vote d’aujourd’hui est donc important pour nous. Il nous permettra, dès demain, d’affirmer que la conviction que nous portons est largement partagée sur tous les territoires de notre pays et, je l’espère, sur toutes les travées de cette assemblée. Il nous permettra d’avancer. Je vous remercie donc de votre contribution. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette semaine de contrôle se déroule sous le signe de l’Europe.
En effet, outre le texte examiné aujourd’hui, nous débattrons en amont du prochain Conseil européen. De plus, nous nous pencherons demain matin sur la protection des données personnelle, au travers, notamment, de la proposition de règlement de Mme Reding. Je ne puis que m’en féliciter.
Je n’insisterai pas plus longuement sur la proposition de notre collègue, Éric Bocquet. Il l’a lui-même largement développée, et nos collègues sont intervenus. Comme cela a été indiqué, cette proposition a été approuvée à l’unanimité par la commission des affaires européennes. La commission des affaires sociales l’a aussi examinée. Et je me réjouis que la conférence des présidents ait pu l’inscrire à notre ordre du jour aujourd’hui.
Par cette proposition de résolution, nous pouvons influencer le Gouvernement quant à l’action qu’il mène, en la matière, au niveau européen. Cependant, je le rappelle, depuis l’entrée en vigueur des dispositions du traité de Lisbonne, le Parlement dispose de possibilités d’action très importantes.
En effet, en application de ce traité, les parlements nationaux de l’Union européenne peuvent contester un projet d’acte législatif européen en émettant un carton jaune, orange ou rouge. Il y a environ deux ans, notre commission des affaires européennes a examiné au titre de la subsidiarité le texte dit « Monti II », concernant notamment le droit de grève des travailleurs détachés. C’est l’honneur du Sénat d’avoir adressé à la Commission un carton jaune sur ce texte. Nous lui avons indiqué que celui-ci n’était pas satisfaisant et qu’il fallait le revoir.
Nous avons réuni sur ce thème plus du tiers des parlements nationaux de l’ensemble de l’Union. La Commission européenne devait donc revoir sa copie. Et elle l’a tellement bien revue qu’elle a abandonné ce texte ! Ainsi, contrairement à notre collègue Jean Arthuis, il ne faut pas toujours être trop pessimiste. Nous disposons de moyens d’action nouveaux, dont nous devons nous saisir. C’est un élément positif.
En outre, plusieurs collègues ont évoqué l’Europe sociale. Toute notre action en la matière va dans le sens de la défense de l’Europe sociale.
À cet égard, je signale à l’ensemble de nos collègues, qui n’appartiennent pas tous à la commission des affaires européennes, que cette dernière se réunit chaque trimestre avec la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale et les parlementaires européens nationaux, et cela sur l’initiative de ma collègue présidente de commission de l’Assemblée nationale et de moi-même.
Notre prochaine réunion aura lieu le 30 octobre prochain et elle aura justement pour thème l’Europe sociale. Je voulais le souligner et profiter de ce débat pour en informer l’ensemble de nos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne.
Proposition de résolution européenne
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ;
Vu le règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
Vu la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié ;
Vu la proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à l’exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs (texte E 7220) ;
Constate que la directive 96/71/CE et le règlement (CE) 883/2004 ont pu conduire à faire émerger des pratiques d’optimisation du profit et de dumping social, au détriment de la protection des travailleurs ;
Estime que les textes existants ne permettent pas aux États membres de pouvoir contrôler efficacement les entreprises issues d’un autre État membre détachant des travailleurs sur leur territoire ;
Juge que la banalisation de la fraude qui en découle peut conduire à de graves difficultés politiques et sociales au sein des États membres d’accueil ;
– Concernant la proposition de directive d’exécution de la directive 96/71/CE
Partage la volonté de la Commission européenne de proposer une nouvelle directive destinée à lutter contre une fraude protéiforme qui concerne tous les secteurs d’activité ;
Regrette cependant que cette ambition initiale soit tempérée par la volonté excessive d’alléger les contraintes pesant sur les entreprises ;
Considère en conséquence que la proposition de directive d’exécution qu’elle a proposée est, en l’état actuel de sa rédaction, insuffisante pour répondre à ce défi ;
Préconise à cet effet une liste ouverte de mesures de contrôle qui permette aux États de s’adapter rapidement à des pratiques frauduleuses de plus en plus complexes ;
Insiste sur la nécessité d’harmoniser les formulaires de détachement au sein des États membres qui recourent à ce système ;
Souhaite que la clause de responsabilité du donneur d’ordre soit étendue à tous les secteurs d’activité et à l’ensemble de la chaîne de sous-traitance, à l’image de ce qui a été retenu pour la directive 2009/50 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié ;
Juge que le concept de « diligence raisonnable » dont doivent faire preuve les donneurs d’ordre dans le cadre de la clause de responsabilité doit être défini plus précisément afin de pouvoir s’imposer sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne ;
Estime que la chaîne de sous-traitance doit être limitée par la directive d’exécution à trois échelons ;
Considère que les contrats de prestation de service internationale doivent intégrer des clauses de responsabilité sociale des entreprises permettant de mettre fin à la relation commerciale en cas de violation des principes de la directive 96/71/CE ;
Juge qu’une labellisation européenne des sociétés qui détachent correctement leurs travailleurs permettrait aux donneurs d’ordre de mieux sélectionner leurs partenaires commerciaux ;
Soutient la proposition de la Commission d’encadrer les délais de réponse entre services administratifs ;
Considère néanmoins que la durée de 15 jours semble difficile à mettre en œuvre et préconise un délai de réponse plus raisonnable d’un mois ;
Salue la possibilité laissée aux partenaires sociaux d’assister les travailleurs détachés dans leurs démarches juridiques ;
Constate cependant que les travailleurs détachés ne sont pas toujours en mesure d’ester en justice et souhaite, en conséquence, que les syndicats puissent engager des poursuites ;
Estime que les sanctions « dissuasives et proportionnées » prévues par la proposition de directive devraient être précisées ;
– Concernant le règlement (CE) 883/2004 sur le système de coordination des régimes de sécurité sociale
Regrette que les négociations en cours pour sa révision ne concernent pas les risques d’abus en matière de détachement ;
Constate que les conditions du détachement y sont insuffisamment détaillées ;
Souhaite que le texte modifié prévoie un allongement du délai entre deux détachements dans un autre État pour lutter contre les pratiques de prêt de main-d’œuvre ;
Estime que l’obligation d’affiliation au régime de sécurité sociale du pays d’envoi au moins un mois avant le détachement doit être assortie d’une obligation d’exercice d’une activité dans cette entreprise ;
Considère qu’il est nécessaire d’étendre l’obligation d’activité substantielle à l’entreprise qui recourt aux services de travailleurs détachés pour vérifier si, sans ces travailleurs, l’entreprise n’a pas qu’une activité administrative ;
Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et les faire valoir dans les négociations en cours.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à M. Jean Bizet, pour explication de vote.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux mêler ma voix à tous ceux qui se sont exprimés au cours de ce débat et saluer la pertinence de ce dernier, ainsi que du vote de cette proposition de résolution européenne. Celle-ci a été déposée par notre collègue Éric Bocquet, à la suite du travail qu’il avait déjà engagé auprès de la Commission européenne, avec le vote à l’unanimité qui a été rappelé tout à l’heure.
La directive de 1996, accueillie à l’époque avec certaines turbulences, compte tenu de la médiatisation qui l’avait accompagnée, était une bonne idée. Cependant, au fil du temps, cette bonne idée est devenue une mauvaise réalisation, car elle a fait l’objet d’un certain nombre de détournements.
La libre circulation des biens et des personnes est la richesse, au sens propre et figuré, de l’Union. La circulation des personnes, qui était au cœur de la stratégie de Lisbonne, est, à mon avis, une dimension du marché intérieur insuffisamment développée. Malheureusement, des dérives ont généré de la xénophobie et du populisme, comme nombre d’entre nous l’ont rappelé.
Or le populisme n’est jamais que l’antichambre de troubles ou de désordres sociaux. L’histoire nous l’a malheureusement enseigné. J’espère qu’elle ne se répétera pas, mais, par les temps qui courent, il est bon de le rappeler. Ainsi, je me réjouis de la directive d’exécution de mars 2012.
Je tiens également à saluer les propos de la présidente de la commission des affaires sociales, Annie David, qui – je le dis avec un peu d’humour – a souligné l’intérêt de s’inspirer de certains aspects de la politique menée par notre voisin et principal partenaire, l’Allemagne. Il est vrai que, en la matière, celle-ci rencontre beaucoup moins de difficulté à agir. J’invite donc notre collègue à poursuivre sa réflexion ! (Sourires.) En effet, comme l’ont souligné Jean Arthuis et M. le ministre, il convient de procéder à un certain nombre d’harmonisations, notamment fiscales.
Un léger désaccord avec Mme David demeure, même s’il n’entachera pas ma décision de voter pour cette proposition de résolution, avec l’ensemble des membres du groupe UMP. En effet, est-ce que la solution consiste à augmenter le nombre de fonctionnaires et de contrôleurs ? Nous vivons une époque où la dématérialisation des actions publiques peut nous offrir d’autres solutions. C’est ce que fait l’Allemagne. Toutefois, ce n’était qu’une parenthèse.
Je remercie M. le ministre d’avoir bien précisé la distinction entre les travailleurs détachés et les saisonniers, alors que la confusion entre les deux statuts suscite une énorme distorsion de concurrence avec nos partenaires.
Tout à l’heure, j’ai interpellé Jean Arthuis lors de son intervention, lorsqu’il soulignait qu’un travail particulièrement délicat vous attendait, monsieur le ministre, au cours des prochains mois pour essayer d’harmoniser les politiques de vos différents collègues. J’ai dit alors que ce n’était pas gagné, mais je ne mets pas en doute votre compétence – je ne suis pas discourtois, vous le savez.
Ce que je mets en doute, c’est notre politique sociale, qui, dans la conjoncture actuelle, n’est – je reprends les termes de Jean Arthuis – plus tenable. Souhaitable oui, tenable non ! En France, nous sommes dans un déni de réalité, alors que beaucoup de nos partenaires avancent les yeux ouverts.
Je voterai cette résolution, parce qu’elle me semble aller dans le bon sens. Mais soyons réalistes ; quand j’entends parler d’« harmonisation par le haut », je réponds – vous savez que je suis un Normand – in medio stat virtus ! Si nous pouvons gagner quelques points, ce sera toujours cela de pris. Mais ne faisons pas rêver en vain certains de nos concitoyens ; les lendemains risqueraient d’être difficiles ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Les différents intervenants qui se sont exprimés ont déjà dit l’essentiel.
Après l’adoption de la résolution à l’unanimité en commission des affaires européennes et en commission des affaires sociales, nous nous orientons également, semble-t-il, vers un vote unanime dans l’hémicycle ; je m’en félicite.
N’entrons pas dans d’autres débats qui pourraient nous diviser. La discussion d’aujourd’hui ne porte pas sur nos conceptions économiques ou philosophiques respectives. Retenons ce qui peut nous rassembler.
Selon M. Arthuis, nous nous sommes tous trompés. Précisément, ce débat, que j’ai trouvé extrêmement intéressant, a aussi l’utilité de nous amener à réfléchir sur la construction européenne.
Chacun le comprendra, je suis plus proche de notre collègue Jean Desessard lorsqu’il insiste sur la nécessité d’une harmonisation sociale que de M. Arthuis, avec tout le respect que je lui dois, quand il remet en cause notre modèle social et notre capacité à le financer.
Harmonisation, solidarité, coopération, plutôt que concurrence absolue : voilà ce en quoi je crois ! (M. Jean Desessard applaudit.) Il est agréable de ne pas se sentir isolé sur un sujet social aussi important que celui des travailleurs détachés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président. Je constate que la proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité des présents.
En application de l’article 73 quinquies, alinéa 7, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.