M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement comprend l’objet de ces amendements, qui témoignent de l’engagement désintéressé des élus. Il s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote sur l’amendement n° 35.
M. René-Paul Savary. Ces amendements montrent la sincérité et la détermination des élus qui veulent cumuler une fonction exécutive locale et leur mandat de parlementaire. Ce ne sont pas les indemnités qui les motivent ; il s’agit d’un vrai choix de vie, opéré dans un esprit de responsabilité. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.) C’est parce qu’ils sont attachés à leur fonction exécutive locale qu’ils veulent concilier celle-ci avec l’exercice de leur mandat de parlementaire.
Mme Éliane Assassi. Sortez les violons !
M. René-Paul Savary. Je soutiens donc ces amendements, mais il faudrait également, à mon sens, appliquer la mesure au cumul horizontal.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. René-Paul Savary. En effet, déjà aujourd’hui, avec l’écrêtement applicable aux parlementaires, le président de conseil général et sénateur que je suis n’est pas le mieux rémunéré des conseillers généraux de son département. J’ai en tête le cas d’un conseiller général, maire d’une ville, président d’une agglomération, vice-président d’un syndicat, et j’en passe : toutes ces fonctions font l’objet d’une rémunération, et il continue en outre à exercer une activité professionnelle…
M. François Rebsamen. Jaloux !
M. René-Paul Savary. Cette forme de cumul horizontal devra également être prise en compte. Le dispositif proposé ne permet pas de régler ce problème. Il nous faut donc pousser plus avant la réflexion.
Dans cette attente, je le répète, je soutiens ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.
M. Éric Doligé. Je suis non pas jaloux, mais soucieux d’équité. Il convient que tous les élus soient logés à la même enseigne. Depuis des années, nous, parlementaires, ne cessons de nous flageller et de demander pardon à tout le monde, mais il n’y a pas de raison que d’autres puissent s’exonérer des limites que nous nous appliquons.
Je suis donc d’accord avec les propositions des auteurs des amendements, sous certaines conditions. Hier, M. le rapporteur a critiqué vertement mon amendement portant sur le même sujet – ce dont je ne me suis pas plaint –, en disant qu’il n’était pas bien rédigé… (Sourires.)
M. Simon Sutour, rapporteur. C’est la commission qui s’est prononcée !
M. Éric Doligé. Soit ! Je n’en ai pas pris ombrage, mais pour ma part j’estime qu’il était clair et bien rédigé.
Quoi qu’il en soit, je pense qu’il faut instaurer l’équité entre tous les élus, qu’ils soient nationaux ou locaux.
Par ailleurs, j’aimerais savoir si la mesure prévue sera d’application immédiate, dès la promulgation de la loi, ou entrera en vigueur en 2017. Il faut être précis en la matière, car ce n’est pas tout à fait la même chose.
Enfin, il faut s’atteler sérieusement à la question du statut de l’élu. On est en train d’adopter des dispositions qui créent un véritable brouillard, et l’on nous dira ensuite qu’il n’est pas nécessaire d’élaborer un statut de l’élu, un certain nombre de problèmes ayant déjà été réglés au travers de différentes lois.
Je ne voterai ces amendements qu’à condition d’obtenir des réponses sur les différents points que je viens d’évoquer.
M. le président. En conséquence, l'article 3 ter A est ainsi rédigé et les amendements nos 42 rectifié et 64 rectifié n'ont plus d'objet.
Article additionnel après l'article 3 ter A
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Lipietz, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Après l’article 3 ter A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au deuxième alinéa de l’article L.O. 227-3 du code électoral, la référence : « n° 98-404 du 25 mai 1998 » est remplacée par la référence : « n° … du … relative à l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou sénateur. »
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Monsieur le ministre, lors de l’examen d’un précédent projet de loi organique, vous aviez refusé de mettre en conformité la loi française avec le droit européen, qui ouvre à tous les ressortissants de l’Union européenne le droit de voter aux élections municipales ou européennes en France. Or, en vertu de notre droit électoral actuel, les personnes sans domicile fixe citoyennes d’un État membre de l’Union européenne ne peuvent pas voter dans notre pays, ce qui est véritablement scandaleux. Ce droit doit leur être reconnu, même s’ils ne l’exercent pas.
Sachant que des élections européennes auront lieu l’an prochain, il est nécessaire de trouver de toute urgence le véhicule législatif adéquat pour permettre à ces personnes d’y participer.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un cavalier, cette disposition n’a rien à faire dans ce texte !
Mme Hélène Lipietz. J’avais déjà déposé cet amendement sur un texte qui s’y prêtait. Il avait reçu un avis favorable de la commission, mais le Gouvernement s’y était opposé. Je mets aujourd'hui M. le ministre face à ses responsabilités européennes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Cet amendement tient à cœur à Mme Lipietz, qui le présente régulièrement. Cependant, il n’a aucun lien, direct ou indirect,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Absolument aucun !
M. Simon Sutour, rapporteur. … avec le projet de loi organique que nous examinons.
C’est pourquoi la commission des lois vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Madame la sénatrice, votre amendement est ce que l’on appelle un cavalier législatif. En conséquence, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président. Madame Lipietz, l'amendement n° 38 est-il maintenu ?
Mme Hélène Lipietz. Je le retire, monsieur le président, mais je le redéposerai jusqu’à ce que l’on trouve le bon véhicule législatif. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 38 est retiré.
Article 3 ter (nouveau)
La présente loi organique est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
M. le président. L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Patient, Mme Claireaux et M. J. Gillot, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Les incompatibilités prévues à l'article L.O. 141-1 du code électoral ne sont pas applicables aux sénateurs élus dans le cadre de circonscriptions comprises au sein de collectivités territoriales relevant de l’article 73 ou de l’article 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie.
La parole est à Mme Karine Claireaux.
Mme Karine Claireaux. La Constitution française reconnaît le caractère spécifique des outre-mer. Bon nombre de dispositions leur sont propres, en raison de leurs caractéristiques et contraintes particulières, notamment leur isolement et leur éloignement de la métropole.
Ainsi, même les collectivités régies par le principe d’identité législative ont des compétences plus larges que les collectivités métropolitaines. Elles ont des pouvoirs spécifiques en matière d’urbanisme, participent au Fonds régional pour le développement et l’emploi, gèrent l’octroi de mer, financent un revenu de solidarité spécifique aux DOM, disposent de compétences étendues en matière maritime et de coopération régionale.
« Autant de dispositions dont l’ampleur et l’acuité nécessitent une meilleure prise en considération par l’État, d’autant qu’elles sont parfois l’expression de l’incapacité de ce dernier à assurer pleinement ses missions régaliennes ou de régulation » : cette phrase est issue du rapport établi par la mission commune d’information sur la situation dans les départements d’outre-mer.
Il faut donc assurer une veille permanente entre le national et le local, ce que le parlementaire ultramarin est mieux à même de faire lorsqu’il détient en outre un mandat de maire ou une fonction exécutive départementale ou régionale.
C’est la situation des outre-mer par rapport à la donne centralisatrice française qui impose cette logique politique : en détenant un mandat de parlementaire, les élus locaux peuvent mieux défendre les intérêts de leurs territoires coupés du pouvoir central. Ainsi, il est plus aisé pour un élu national que pour un conseiller municipal, général ou régional de contacter un ministre afin d’évoquer avec lui un problème local.
C’est une réalité encore plus prégnante pour les outre-mer, eu égard à la nécessité, pour les élus locaux, de maîtriser le processus de mise en œuvre de politiques définies au niveau national.
Mme Karine Claireaux. Le cumul permet ainsi d’ajuster et d’articuler des politiques nationalement définies aux besoins des territoires. Le prohiber avant la mise en place d’une réelle et effective décentralisation assortie de tous les moyens correspondants serait faire preuve de légèreté et ne ferait que creuser davantage le fossé d’incompréhension qui peut exister entre la France et ses territoires ultramarins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. À l’instar de nombre de nos collègues, j’ai une sympathie toute particulière pour les outre-mer.
Cependant, cet amendement tend à créer une dérogation au régime des incompatibilités parlementaires pour les sénateurs ultramarins. Aucune justification ne me paraît pouvoir valider une telle exception. Par ailleurs, la constitutionnalité de cette disposition est douteuse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. François Zocchetto. Cet amendement est satisfait !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Ma chère collègue, nous avons adopté hier une disposition permettant aux sénateurs d’exercer un mandat exécutif local. Or celle-ci concerne aussi les sénateurs ultramarins. À mon sens, votre amendement est donc satisfait.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Simon Sutour, rapporteur. En fait, l’amendement de nos collègues vise à permettre le cumul de plusieurs fonctions exécutives locales avec un mandat de sénateur.
M. Jean-Jacques Hyest. Dans ce cas, je ne le voterai pas !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 ter.
(L'article 3 ter est adopté.)
Mise au point au sujet de votes
Mme Claudine Lepage. Lors du scrutin n° 343 sur les amendements identiques nos 46, 58 et 63 et du scrutin n° 344 sur l’article 1er modifié, je souhaitais voter contre. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. C’est la commission d’investiture qui se réveille ! (Sourires.)
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique des scrutins.
Article 4
La présente loi organique s’applique à tout parlementaire à compter du premier renouvellement de l’assemblée à laquelle il appartient suivant le 31 mars 2017.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33, présenté par Mmes Lipietz, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Tout parlementaire qui se trouve, à la date de publication de la présente loi organique, dans l’un des cas d’incompatibilité qu’elle institue doit faire cesser cette incompatibilité au plus tard lors du renouvellement de son mandat parlementaire.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Nous reprenons, par cet amendement, une disposition concernant la date d’application du régime des incompatibilités qui avait été introduite dans la loi organique de 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux.
Tout parlementaire qui se trouvera, à la date de la publication de la présente loi organique, dans l’un des cas d’incompatibilité qu’elle institue devra mettre un terme à cette situation au plus tard lors du renouvellement de son mandat parlementaire.
M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Lipietz, Aïchi, Ango Ela, Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Desessard, Gattolin, Labbé et Placé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Tout parlementaire qui se trouve, à la date de la publication de la présente loi organique, dans l'un des cas d'incompatibilité qu'elle institue peut continuer d'exercer les mandats et fonctions qu'il détient jusqu'au terme de celui d'entre eux qui, pour quelque cause que ce soit, prend fin le premier.
La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Ces amendements tendent à rendre applicable la nouvelle incompatibilité instaurée entre un mandat parlementaire et toute fonction exécutive locale dès le prochain renouvellement sénatorial, en septembre 2014. Son adoption aurait pour conséquence d’instituer une inégalité entre parlementaires, les sénateurs de la série 2 se voyant appliquer les nouvelles règles trois ans avant leurs collègues de la série 1 et les députés.
Introduire une telle inégalité de traitement n’est pas souhaitable. C’est pourquoi la commission vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer vos amendements ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Intitulé du projet de loi organique
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social européen, est ainsi libellé :
Remplacer les mots :
ou de sénateur
par les mots :
et limitant à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il convient, nous semble-t-il, de mettre l’intitulé du texte en concordance avec son contenu. Tel est l’objet de cet amendement de coordination.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Simon Sutour, rapporteur. Par cohérence, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Manuel Valls, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Le Sénat a certes adopté une modification qui dénature le texte initial du Gouvernement, mais, en tout état de cause, la loi organique a vocation à s’appliquer non pas aux seuls sénateurs, mais à l’ensemble des parlementaires.
M. le président. En conséquence, l’intitulé du projet de loi organique est ainsi rédigé : « Projet de loi organique interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député et limitant à une seule fonction exécutive locale le cumul avec le mandat de sénateur ».
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC a soutenu le projet de loi organique tel qu’il nous a été présenté. Nous l’avons expliqué tout au long du débat, ce texte, bien qu’incomplet, répondait à l’exigence de démocratisation de la vie politique que nous avons toujours affirmée.
Une majorité des membres du Sénat a vidé ce texte de son contenu, préférant maintenir le principe du cumul ; nous le regrettons. En effet, à nos yeux, c’est en faisant participer notre assemblée au progrès de la démocratie, sans la laisser s’ancrer dans un certain conservatisme qui dessert sa cause, que l’on défend le Sénat de la République et le bicamérisme.
Je peux entendre certains des arguments qui ont été avancés, par exemple celui de la nécessité pour les élus nationaux d’avoir un ancrage local. Sur ce sujet, nous avons ouvert quelques pistes de réflexion : il faut sans doute inventer d’autres formes d’immersion dans la vie locale, en associant la population aux choix qui la concernent.
De fait, je pense que la limitation du cumul des mandats ne peut se concevoir sans le développement de ce que l’on appelle la démocratie participative, même si cette notion ne me plaît guère.
Je souligne que nous sommes des élus de la nation et que nous la représentons dans son intégralité ; en aucun cas les intérêts locaux ne doivent prévaloir sur l’intérêt général.
Au cours de ce débat, ont été présentés des arguments que je trouve dangereux sur le plan des idées. Je pense notamment à la remise en cause des partis politiques. À cet égard, mes chers collègues, je vous rappelle que, dans l’histoire de France, les périodes où les partis politiques ont été le plus attaqués ont toujours été des temps de recul démocratique. Les partis politiques forgent le débat d’idées ; les remettre en cause, c’est préparer le retour à une politique de notables, qui évacue la confrontation d’idées et ne garantit en rien le débat démocratique.
Il existe aujourd’hui une grave crise de la représentation : il faut y apporter de véritables solutions, en particulier en se dirigeant rapidement vers une VIe République qui redonne du pouvoir au peuple. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Le présent texte est un prélude, un premier pas vers cet objectif que mon groupe défend. C’est pourquoi nous l’avons d’abord soutenu, mais nous ne pourrons que voter contre, maintenant qu’il est privé de tout contenu. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de ce débat, le groupe auquel j’appartiens a voulu maintenir le lien entre le Parlement et les citoyens de nos territoires. Il a voulu faire en sorte que la voix des territoires soit portée au Parlement et que l’expérience acquise au service de nos concitoyens dans l’exercice de responsabilités locales, depuis celles de maire de petite commune jusqu’à celles de président de conseil régional, continue à profiter au travail parlementaire. Il a voulu préserver cette expertise si utile à l’élaboration de lois de qualité, ne reposant pas seulement sur une doctrine, sur une idéologie politique, mais également sur une bonne connaissance des réalités que vivent nos compatriotes, fondée sur une expérience de la gestion des services publics locaux.
Mon groupe n’a jamais été fermé à l’actualisation des règles limitant les cumuls de mandats. Ainsi, nous avons, au cours de ce débat, souhaité accomplir de nouvelles avancées dans ce domaine, afin de mieux prendre en compte le poids, encore renforcé par la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, des communautés de communes et des communautés d’agglomération. Nous avons également voulu faire en sorte que l’on ne puisse désormais cumuler avec un mandat parlementaire qu’une seule fonction exécutive locale, pour éviter une dispersion trop grande dans l’exercice des mandats publics.
Par ailleurs, mon groupe a souhaité que les mêmes règles s’appliquent aux députés et aux sénateurs. Le Gouvernement l’a refusé ; il n’a pas consenti à faire évoluer d’un millimètre la position qu’il avait arrêtée en conseil des ministres et qu’il a défendue devant l’Assemblée nationale. Dès lors, il nous a semblé impossible d’obtenir de lui qu’il soutienne devant les députés une position de compromis élaborée par la Haute Assemblée et prenant en compte les restrictions nouvelles que nous avons tous acceptées, selon laquelle l’exercice d’un mandat de chef d’exécutif local aurait été permis aux députés et aux sénateurs.
C’est la raison pour laquelle il nous a bien fallu adapter notre position et proposer l’instauration d’une disposition spécifique au Sénat. En vérité, ce qui est souhaitable pour les députés l’est encore plus pour les sénateurs, le Sénat représentant, aux termes de l’article 24 de la Constitution, les collectivités territoriales de la République.
De fait, il y a déjà un grand nombre de différences entre les députés et les sénateurs. Ce n’est pas en alignant systématiquement les règles applicables aux seconds sur celles régissant les premiers que l’on fera progresser notre institution et que l’on défendra son rôle dans le débat parlementaire !
La nuit dernière, le Sénat a adopté cette position à une très large majorité, venue de tous les groupes politiques ; je m’en réjouis. J’attends que ce vote soit confirmé dans quelques instants, avec l’adoption du projet de loi organique. Mes chers collègues, en faisant ce choix, nous maintiendrons le lien entre le Sénat et les collectivités territoriales de la République et nous permettrons un progrès dans l’actualisation des règles limitant le cumul des mandats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai le projet de loi organique dans la rédaction qui résulte des travaux du Sénat.
Permettez-moi, à cet instant, de replacer notre débat dans son contexte. En effet, je ne crois pas vraiment que l’examen de ce projet de loi organique intervienne maintenant par hasard, ni qu’il réponde à la volonté, du reste tout à fait légitime, de respecter un engagement pris par le Président de la République. En effet, monsieur le ministre, le fait est que, depuis un an, avec beaucoup de constance et d’acharnement, vous nous avez soumis de nombreux textes qui chamboulent complètement notre organisation territoriale et la vie de nos assemblées locales.
Par ailleurs, je suis tout de même assez étonné que nos collègues de la majorité sénatoriale semblent rester passifs devant les conditions absolument inimaginables dans lesquelles on fait travailler le Parlement. Moi qui ai été ministre chargé des relations avec le Parlement, je puis témoigner que jamais nous n’avions connu une telle situation : la procédure accélérée est devenue la règle, et la navette l’exception. (M. David Assouline proteste.) Jamais on n’avait recouru à la procédure accélérée dans de telles proportions, monsieur Assouline ! À aucun moment !
M. Jean-Jacques Hyest. Sauf sous Rocard !
M. Henri de Raincourt. Il est absolument incroyable que l’on modifie complètement notre paysage politique sans qu’un véritable débat de fond puisse se tenir au Parlement !
En ce qui concerne les élections municipales, la réforme du mode de scrutin entraînera, dans les communes rurales, la politisation des conseils municipaux et, par voie de conséquence, des exécutifs des intercommunalités. L’application du scrutin de liste bloquée dès le seuil de 1 000 habitants conduira inexorablement à cette situation, dont il résultera une transformation très importante dans la vie de nos communes rurales : des tensions et des difficultés supplémentaires apparaîtront, qui n’encourageront d’ailleurs pas les vocations.
En ce qui concerne les élections cantonales, je ne m’appesantirai pas sur l’invention abracadabrantesque du binôme, qui entraînera, à rebours de l’effet recherché, un affaiblissement du département, menant peut-être même, à terme, à sa disparition. Soyez-y attentifs, mes chers collègues !
M. Jean-Jacques Mirassou. Parlez-nous du conseiller territorial !
M. Henri de Raincourt. Quant aux élections sénatoriales, l’application du scrutin proportionnel pour l’élection des trois quarts des sénateurs que l’on nous a imposée changera complètement l’exercice du mandat sénatorial et le fonctionnement de notre institution. Si l’on ajoute à cela les règles nouvelles prévues en matière de cumul, il apparaît clairement que l’on ne va pas vers un renforcement du rôle du Sénat !
Avant 2011, on nous avait assuré que l’alternance politique au Sénat renforcerait notre institution. Hélas, je suis obligé de constater qu’il s’est produit le phénomène inverse ; c’est assez dommage !
S’agissant enfin de la transparence de la vie politique, on fait payer aux parlementaires, dans tous les sens de ce verbe, les fautes commises par un seul homme. (M. le ministre de l’intérieur le conteste.)
Mes chers collègues, toutes ces mesures ne conduiront certainement pas au but, légitime, vers lequel tend M. le ministre : renforcer la confiance entre les élus et les électeurs. Nous aboutirons au résultat inverse, et plus particulièrement à la paupérisation du Parlement français. Au bout du compte, parmi les jeunes hommes et les jeunes femmes de notre pays, de moins en moins de vocations se feront jour pour siéger dans les exécutifs des collectivités territoriales. La démocratie n’en sortira pas grandie ; la France s’enfonce dans une vraie crise de société ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Mes chers collègues, je tiens tout d’abord à souligner que, hier, c’est à titre personnel que M. Masson s’est exprimé, et non pas au nom des sénateurs non inscrits. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
M. François Trucy. Très bien !
M. Philippe Adnot. Si nous n’avons rien à dire sur le fond de ses propos, nous pouvons regretter la forme qu’il leur a donnée.
En effet, j’estime que nous pouvons parfaitement, sur ce genre de sujets, avoir des opinions différentes tout en nous respectant et en nous abstenant de porter des jugements de valeur sur la capacité des uns et des autres à remplir leurs missions, selon qu’ils exercent un seul mandat ou plusieurs. L’assiduité ne dépend pas forcément du nombre de mandats détenus.
Je voterai le projet de loi organique tel que modifié par le Sénat, pour deux raisons.
En premier lieu, je considère qu’il faut respecter la liberté de nos concitoyens. Texte après texte, on ne cesse de la réduire, en multipliant les contraintes et les normes. Ainsi, on veut limiter le nombre des mandats pouvant être exercés par une même personne, déterminer à l’avance qui aura le droit d’être candidat… Tout à l’heure, certains collègues ont parlé de la liberté que nous devons conserver par rapport aux appareils ; le sénateur non inscrit que je suis a apprécié d’entendre de tels propos !
Dans cette perspective, il faut selon moi laisser à nos concitoyens des espaces de liberté, au lieu de chercher toujours à les contraindre.
En second lieu, nous devons défendre la diversité. J’estime que des élus d’origines différentes, de professions différentes et d’expériences différentes doivent pouvoir siéger dans nos assemblées. Personne n’est obligé de cumuler plusieurs mandats ! Que ceux qui ne sont pas favorables au cumul s’abstiennent de le pratiquer ; ils n’ont pas besoin d’une loi pour cela ! Je ne comprends pas cette attitude consistant à ne pas s’appliquer à soi-même les principes que l’on défend ! (MM. Jean-François Husson et Jean-Claude Lenoir applaudissent.) Mes chers collègues, depuis quand faut-il attendre les autres pour mettre ses actes en accord avec ses convictions ? (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)