Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Je voudrais d’abord revenir en deux mots sur l’échange que nous avons eu tout à l’heure, M. le ministre et moi.
La question n’est pas celle des acquis du texte. Ces acquis, nous les mesurons, et je vais les évoquer. Ce qui me pose question, monsieur le ministre, c’est que vous reveniez sur un élément qui me paraissait aller dans le sens de la prévention du surendettement.
J’ajoute, pour terminer sur ce point, que vous avez vous-même laissé passer, voilà quelques instants, des amendements de la commission en disant vous-mêmes que vous y reviendriez en deuxième lecture. Nous aurions simplement jugé élégant que, sur l’article introduit du fait de l’adoption d’un amendement présenté par Muguette Dini et qui a donné lieu à une seconde délibération, vous acceptiez qu’il puisse, lui aussi, être discuté plus sereinement en deuxième lecture.
Cela étant dit, nous arrivons au terme de l’examen d’un texte foisonnant, qui a été l’occasion de débats passionnants et passionnés. Je voudrais en dresser brièvement le bilan, en y associant, bien sûr, les trois collègues du groupe UDI-UC qui ont, avec moi, plus particulièrement suivi cette discussion, à savoir Valérie Létard, Muguette Dini et Henri Tandonnet.
Les sénateurs centristes ont abordé l’examen de ce texte avec le regard attentif du législateur face un projet de loi qui traite de consommation et qui, par essence, est un foisonnement de mesures dont l’impact et les enjeux ne sont parfois pas facilement saisissables.
Nous avons souhaité faire valoir des positions et défendre un ensemble d’amendements toujours tendus vers une protection plus grande du consommateur et une sécurité juridique et économique pour les entreprises : équilibre difficile à trouver, mais nécessaire.
Le premier point qui a retenu notre attention concerne naturellement la création du registre national des crédits aux particuliers. Vous le voyez, monsieur le ministre, les acquis, nous les mesurons !
C’est une demande de notre famille politique depuis quasiment dix ans, demande portée ici même au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale, je veux le souligner, par mon collègue et ami Jean-Christophe Lagarde.
Nous nous réjouissons d’avoir, à force d’acharnement, convaincu, sur une majorité de travées, que ce fichier positif était un outil précieux pour lutter contre le surendettement et les abus en matière d’octroi de crédits excessif. Nous avons tous en tête des visages et des situations qui attestent cette réalité.
Même s’il est moins ambitieux que celui que nous proposions, puisqu’il ne contient pas les crédits immobiliers des particuliers, l’équilibre général de ce fichier nous convient, et il est tout à fait utilisable. C’est une bonne chose. Plus le fichier sera complet, plus le consommateur sera protégé contre le « crédit de trop », risquant de le faire basculer dans le surendettement.
Nous avons souhaité que sa mise en œuvre soit rapide et qu’il soit le plus complet possible. C’est pourquoi nous avons soutenu la diminution du nombre de mesures réglementaires proposées par les rapporteurs, même si nous regrettons que notre toilettage de l’article 22 bis n’ait pas été compris. Nous sommes prêts à retravailler avec vous sur la rédaction de ces décrets.
Par ailleurs, nous nous réjouissons que le rachat et le regroupement de crédits soient maintenant clairement contenus dans le RNCP.
En matière de crédit à la consommation, des avancées importantes pour protéger nos concitoyens du mal-endettement ont été adoptées sur notre initiative : la fin de la rémunération des vendeurs en fonction du type de crédit souscrit par le client ou encore l’interdiction du démarchage commercial pour inciter les clients à atteindre le plafond de leur crédit renouvelable.
Pour une meilleure protection des consommateurs, en particulier des plus fragiles d’entre eux, le groupe UDI-UC se félicite des résultats très concrets obtenus : mesure permettant notamment aux personnes modestes de payer leurs fournisseurs d’eau et d’électricité en espèces ou par mandat compte sans frais supplémentaires ; mesure supprimant le monopole des pharmacies sur les solutions d’entretien ou d’application des lentilles oculaires de contact, ce qui en diminuera le coût pour le consommateur.
Concernant les compromis trouvés hier sur le délai Chatel et sur la durée des plans conventionnels de redressement, je tiens, au nom notamment de Valérie Létard, qui a beaucoup œuvré sur ce point, à saluer la volonté commune de notre Haute Assemblée d’aboutir à des positions très largement soutenues. Cela rejoint d’ailleurs le début de mon intervention : les positions largement soutenues méritent de l’être jusqu’au bout !
Cette capacité à nous retrouver doit être une force du Sénat. Puissiez-vous, monsieur le ministre, sentir ce poids et continuer dans cette voie malgré quelques hésitations.
En revanche, je regrette que nous n’ayons pas été entendus sur la question du recours devant le juge judiciaire, et non devant le juge administratif, concernant les amendes infligées par la DGCCRF. Ce dualisme juridictionnel nous paraît préjudiciable pour une même branche du droit, manque totalement de cohérence et risque réellement de créer des divergences de jurisprudence.
Je regrette également l’ambiance dans laquelle s’est déroulé l’examen de cette proposition. Après le compromis de la veille, nous avons clairement perçu une reprise en main politique… Les téléphones ont évidemment fonctionné ! C’est la règle du jeu, me direz-vous, mais on peut regretter qu’il en soit ainsi, car cela s’est fait un peu au détriment du débat.
En conclusion, et à la lumière des avancées que nous avons obtenues, le groupe UDI-UC votera en faveur de ce projet de loi. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous reconnaissiez que nous avons suivi jusqu’au bout une ligne claire.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’examen du projet de loi relatif à la consommation a eu lieu dans des conditions que nous jugeons, pour bien des raisons, irrespectueuses du travail parlementaire, au regard non seulement de l’organisation de nos travaux, mais également du refus systématique opposé en commission comme en séance à la plupart de nos amendements, alors que ceux-ci reprenaient souvent des amendements qui avaient été naguère adoptés par ceux-là mêmes qui les ont rejetés aujourd’hui.
Nous déplorons que la gauche du Sénat se soit ainsi déjugée sur la réduction d’engagement des abonnements téléphoniques, sur l’encadrement des prix agricoles, sur les cartes dites « confuses », sur le taux d’usure. Le refus du service bancaire de base, défendu en son temps par notre ancienne collègue Nicole Bricq, est symptomatique de ces revirements regrettables.
Toutes ces dispositions au service de nos concitoyens, nous les avions discutées, construites, portées, mais vous les jugez aujourd’hui trop ambitieuses ou inacceptables.
L’argument récurrent et facile de la transposition maximale pour rejeter un certain nombre de dispositions, en évitant d’en discuter au fond, a largement appauvri la teneur de nos débats. Un autre instrument, un autre article 40, a été inventé pour museler le Parlement !
Que reste-il à la représentation nationale lorsque son rôle dans l’élaboration de la loi est si contraint ? L’amendement de M. Fauconnier sur l’étiquetage, au-delà des problèmes juridiques évidents qu’il soulève, atteste cette soumission de à des autorités extérieures et, en outre, dépourvues de légitimité démocratique.
Le projet de loi ne s’attaque pas aux causes réelles de la pauvreté et du surendettement. Il fait la part belle aux banques et aux organismes de crédit qui sont de véritables prédateurs.
Le registre national des crédits, qui soulève pourtant des questions de libertés individuelles et d’efficacité réelle, a réuni autour de lui le vote très consensuel des groupes socialiste et écologiste et de la droite. Pour nous, le fichage des pauvres n’est évidemment pas la solution, et il serait plus responsable de moraliser l’offre de crédit, de renforcer la présence territoriale et l’accompagnement des services compétents de la Banque de France ainsi, bien sûr, que d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages.
Enfin, le projet de loi, bien que vous vous en défendiez, traite de nombreux sujets qui dépassent les règles purement consuméristes, sans pour autant donner une vision globale de ce que doit être une politique de la consommation.
Il n’y a aucune tentative, par exemple, d’inflexion des modes de consommation alimentaire, aucune mesure pour lutter contre les importations massives de produits manufacturés arrivant dans des milliers de boîtes transportées par d’énormes porte-conteneurs.
Au final, le projet de loi est un texte peu ambitieux. Il n’a guère que le mérite, avec le feu vert de l’Europe, de renforcer les règles d’information, d’encadrer les conditions de ventes et d’introduire l’action de groupe, sous une forme au demeurant bien modeste.
Mais ce texte consacre aussi une politique énergétique que nous n’approuvons aucunement. Il ne traite pas la question de l’éducation à la consommation et, par conséquent, ne donne pas aux consommateurs les armes pour pouvoir et savoir consommer.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen s’abstiendra.
Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Bataille.
Mme Delphine Bataille. Je serai beaucoup plus brève que mes collègues, non seulement parce que le groupe socialiste est sans nul doute le plus convaincu de tous ceux qui viennent de s’exprimer ou qui s’apprêtent à le faire, mais aussi parce que beaucoup a déjà été dit au cours de ces débats très riches.
Je remercie l’ensemble de nos collègues qui, sur toutes les travées de cet hémicycle, ont débattu sereinement, dans le respect des uns et des autres. Je remercie naturellement le président de la commission des affaires économiques, M. Raoul, et l’ensemble des rapporteurs, qui ont énormément travaillé. Je songe bien sûr aux rapporteurs pour avis – Mme André pour la commission des finances, Mme Bonnefoy pour la commission des lois et M. Fichet pour la commission du développement durable –, mais j’ai une pensée toute particulière pour les rapporteurs de la commission des affaires économiques, MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier. Ils ont accompli un travail remarquable, avec l’appui des administrateurs de la commission, non seulement au cours de ces jours de séance qui nous ont tous mobilisés, mais aussi en amont. En effet, ils ont mené des auditions durant plus d’un mois cet été, au cours de semaines bien chargées.
Monsieur le ministre, vous avez défendu, au nom du Gouvernement, un texte qui comporte des mesures très attendues. Parmi les plus emblématiques figurent l’action de groupe et le registre national des crédits aux particuliers, sans oublier un certain nombre de dispositions majeures qui concernent l’ensemble de nos concitoyens et qui vont améliorer leur quotidien. Dans l’esprit de dialogue qui vous caractérise, vous avez apporté un certain nombre de réponses positives aux propositions que nous avons formulées au cours de ce débat. Je vous en remercie, au nom des membres de mon groupe.
Nous nous réjouissons de voter un texte qui rééquilibre les relations entre les consommateurs et les entreprises, qui garantit plus de transparence et qui crée de nouveaux droits. Il s’agit là d’une avancée considérable, traduisant une vision juste et ambitieuse pour notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’y a pas que les socialistes qui soient convaincus : les membres du groupe écologiste sont, eux aussi, persuadés de l’utilité de ce texte fort. Cela étant, il ne s’agit, à nos yeux, que d’une étape dans la nécessaire transition de nos modes de consommation, de nos modes de production et de nos modes de vie. Dans tous ces domaines, l’éthique doit véritablement retrouver sa place.
Ce soir, j’ai une pensée particulière pour cette belle intelligence qu’était Albert Jacquard, qui vient de nous quitter. Nous aurons besoin de ce type de références à l’avenir !
Ce projet de loi nous a été présenté comme la mise en œuvre de nouveaux outils de régulation économique, destinés à rééquilibrer les pouvoirs entre consommateurs et professionnels. C’est là une nécessité.
Nos débats se sont articulés autour de points forts – je songe notamment au fichier positif. Au nom du groupe écologiste, j’ai voté en faveur de cette disposition. Toutefois, je n’ai pas manqué d’exprimer mes interrogations : comment avons-nous pu en arriver là ? Comment avons-nous pu être contraints d’adopter une telle mesure pour protéger une population malgré elle, contre la force de la publicité ?
Mme Michèle André, rapporteur pour avis de la commission des finances. Bonne question !
M. Joël Labbé. Les écrans de télévision sont partout, même dans la rue. Les messages intrusifs qu’ils diffusent s’adressent souvent au jeune public. Ce n’est pas ainsi que l’on va l’éduquer à la consommation éthique et responsable. Sur ce sujet aussi, il est véritablement nécessaire d’avancer !
Le présent texte doit traduire, dans les actes, une première prise de conscience du manque de sens qui affecte notre développement économique. Nos amendements ont été élaborés à l’aune de cette conviction.
À nos yeux, les débats de la Haute Assemblée ont été constructifs et riches, quelles qu’aient été les positions des différents groupes. Nous sommes certes déçus que bon nombre de nos amendements aient été blackboulés. En revanche, la garantie légale de conformité, la « réparabilité » des produits, la reconnaissance de l’économie circulaire sont une source de satisfaction, même si l’encadrement de la publicité, qui constitue une véritable agression, reste encore insuffisant.
De fait, ces avancées notables et les débats riches que nous avons menés ne sauraient occulter des déceptions réelles, notamment au sujet de l’étiquetage et de la restauration. Sur ce dernier sujet, des politiques audacieuses seront nécessaires à l’avenir !
Je crois savoir que certains lobbies font en sorte que les avancées restent insuffisantes. Le consommateur n’en a pas moins le droit de savoir clairement ce qu’il a dans son assiette, y compris pour ce qui concerne une autre qualité, celle des produits qui, comme je l’ai dit voilà quelques instants, sont « mijotés à l’usine ! » Ces plats ne sont pas de mauvaise qualité sur le plan sanitaire, mais il faut lutter contre cette industrialisation, qui risque d’étouffer le véritable « fait maison ».
Cette qualité-là est revendiquée par beaucoup de nos restaurateurs, et pas simplement par les grands chefs. Nombre de petits restaurateurs mettent en avant le « fait maison ». Ils ont tout à fait le droit de proposer des plats qu’ils n’ont pas cuisinés eux-mêmes, mais à condition de l’indiquer ! Il faut que le consommateur puisse choisir !
Un autre sujet a été servi, en entrée, au menu de la Haute Assemblée : il s’agit des huîtres.
Monsieur le ministre, évidemment, il y a l’Europe, mais le cas des huîtres est tout à fait symptomatique de notre développement. Sur ce sujet également, le présent texte contient l’engagement d’aller plus loin. Nous allons attendre, mais de manière active et vigilante et avec une forte volonté de participation.
Je le répète, nous allons, malgré ces réserves, voter le présent texte. Il s’agit là d’un acte de confiance en l’avenir. Cette confiance reste nécessaire pour avancer !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fauconnier, rapporteur.
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Nous arrivons au terme de ce beau débat. Je m’associe bien sûr aux remerciements formulés voilà quelques instants par Delphine Bataille. Je remercie tout particulièrement mes collègues rapporteurs pour avis et mon co-rapporteur, Martial Bourquin : ayant été seul rapporteur en 2011, je mesure combien il est confortable de s’adosser à une belle équipe pour mener des négociations délicates. Ces dernières ont bien abouti, et je les en remercie très vivement.
Je salue également les administrateurs, qui nous ont beaucoup aidés, avec leur talent et leur brio naturels.
J’ai une pensée particulière pour M. le ministre, pour ses conseillers et ses services. Il a été possible de dialoguer avec eux, dans le respect des attributions de chacun et avec le souci constant de servir l’intérêt général. À l’origine, le présent texte avait pour vocation de garantir la confiance. Il s’agit d’un texte de respect, et d’un texte volontariste à l’égard des entreprises, contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là. Nous n’avons cessé de travailler dans cet équilibre et, qui plus est, en confiance.
Je ne jouerai pas les anciens combattants en évoquant 2011 – le délai serait un peu court ! – (Sourires.), mais je ne peux m’empêcher de comparer les expériences.
En 2011, j’étais rapporteur du premier texte relatif à la consommation présenté au nouveau Sénat. Dans la perspective des échéances électorales qui approchaient, nous avons tenu à montrer, à travers ce texte, que la nouvelle majorité sénatoriale se singularisait de la précédente. Je le souligne sans la moindre intention polémique à l’égard de nos collègues de l’opposition, qui ont manifesté une grande courtoisie au cours de ces débats !
Nous n’avions pas pu inclure le fichier positif dans ce texte, car les amendements affluaient de toutes parts ! Néanmoins, nous y avions inscrit l’action de groupe, et un certain nombre d’autres mesures reprises et améliorées au titre du présent projet de loi. En outre, le Gouvernement a largement repris l’esprit des dispositions adoptées voilà deux ans par la nouvelle majorité sénatoriale. Je l’en remercie vivement.
Bien sûr, ce projet de loi va plus loin que le précédent texte, issu du Sénat. Je suis très heureux du travail accompli.
On a toujours tendance à se demander quelle a été la principale avancée d’un texte. À titre personnel, je considère qu’il s’agit, en l’espèce, du registre national des crédits aux particuliers, en faveur duquel je mène combat depuis longtemps. Lorsque nous avons adopté cette mesure, à une large majorité et dans le respect des interrogations des uns et des autres, j’ai songé à toutes les auditions que nous avons menées. M. Labbé a évoqué, voilà un instant, une figure célèbre qui vient de disparaître. Plus largement, j’ai pensé à toutes ces personnes qui agissent au plus près de la misère, pour le Secours populaire, ou pour une association comme CRESUS, par exemple.
Ces personnes nous ont décrit les détresses quotidiennes auxquelles elles font face, et elles nous ont dit : « Je vous en supplie, créez ce registre ; même s’il se révèle imparfait, créez-le ! » Depuis très longtemps, elles réclamaient ce dispositif. Aujourd’hui, c’est cet acquis-là qu’elles regarderont en premier en découvrant ce texte.
Je suis conscient des résistances à l’œuvre. À ce titre, lorsqu’un premier obstacle est apparu, devant le Conseil d’État, j’ai été très heureux de constater que le ministère ne cédait pas. Dans un certain nombre de secteurs, on a cru l’affaire perdue, une fois de plus. Non ! Le Gouvernement a retravaillé son projet de loi ; il a eu le courage de défendre la volonté du Premier ministre. C’est une excellente chose. Mais les résistances demeurent.
Monsieur le ministre, il vous faudra rester très attentif, vigilant et mobilisé sur le sujet précis du fichier positif. Quand on sait combien il a fallu lutter pour créer ce dispositif, on a conscience qu’il reste aujourd’hui à se battre pour le faire vivre ! Il demeure encore des efforts à accomplir afin que certains secteurs ne continuent pas à traîner des pieds pour tenter de le dénaturer ou pour faire en sorte qu’il n’entre jamais en vigueur.
Quoi qu’il en soit, il me semble que nous avons accompli une belle œuvre. Ce bon travail va sans nul doute continuer à être amélioré au cours des examens à venir. Je remercie toutes les sénatrices et tous les sénateurs présents dans cet hémicycle de la manière dont ils m’ont aidé, quelquefois avec beaucoup d’indulgence, car je ne suis pas un spécialiste de ce type de débats. Je leur dis « à bientôt », à la faveur de la navette parlementaire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – MM. Joël Labbé et Vincent Capo-Canellas applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur.
M. Martial Bourquin, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai très bref.
Avec ce projet de loi, il me semble que la France entre dans la modernité. Plusieurs grands pays d’Europe se sont déjà dotés d’une loi de protection des consommateurs, et il importait que la France dispose elle aussi d’un tel texte.
J’éprouve une certaine fierté et même une fierté certaine à prendre part à cet événement. Depuis trente ans, les présidents de la République successifs, de gauche comme de droite, ont affirmé qu’il fallait accomplir cette avancée. Aujourd’hui, c’est chose faite, et c’est très important.
Voilà quelques instants, Mme Lamure se demandait si le présent texte ne conduirait pas à accrocher un boulet aux pieds des entrepreneurs, en attribuant de nouveaux pouvoirs aux consommateurs. Au contraire, il s’agit là d’une occasion assez singulière pour nos entreprises de monter en gamme, et de faire en sorte que la qualité des produits devienne une obsession. Ainsi, les handicaps céderont la place à des avantages certains pour demain.
En effet, nombre de firmes veilleront de manière beaucoup plus attentive à fidéliser leurs clients. Dans une économie mondialisée, il n’y aura pas de place pour un pays comme le nôtre s’il se contente de produire du bas de gamme, si le consommateur ne trouve pas son compte avec les produits qui lui seront proposés.
De plus, il n’existe pas de contradiction entre une France des producteurs et une France des consommateurs. Je crois que c’est la conciliation des deux qui fera que nous aurons une France certes productive, mais sachant respecter ses consommateurs.
Par ailleurs, nous avons rencontré, Alain Fauconnier et moi-même – mais Élisabeth Lamure et d’autres élus participaient également aux auditions – les organisations professionnelles, qui nous ont dit que le dispositif d’action de groupe était équilibré parce qu’il comportait le filtre des seize associations, qui empêchera toute dérive à l’américaine. Puisque nous avons mis en place ce filtre, qui constitue en même temps un pouvoir pour les consommateurs en ce qu’il leur offre un relais puissant, nous pouvons regarder l’avenir avec une certaine confiance. Et je crois que ce projet de loi nous permettra d’aborder l’avenir économique de notre pays de façon plus confiante.
Une autre interrogation a porté sur la judiciarisation ou non des sanctions. Je pense que le choix qui a été fait est de nature politique. Il est normal qu'un gouvernement fasse un choix politique et que le Parlement opère lui aussi de même. L’avenir nous dira très vite si nous avons eu raison ou non.
M. Vincent Capo-Canellas. La réponse est « non » !
M. Martial Bourquin, rapporteur. Un grand sociologue, Pierre Bourdieu, disait que les processus sociaux sont mille fois plus riches que n’importe quelle pensée. J’ai l’impression que cela marchera. Nous nous apprêtons à voter un projet de loi très important. Nous allons donner de nouveaux pouvoirs aux consommateurs.
La forme compte beaucoup. J’ai été très heureux de travailler avec l’ensemble de mes collègues, de toutes opinions. J’ai le sentiment que, aujourd’hui comme hier et pendant les auditions, nous nous sommes parlé, nous nous sommes écoutés.
Je tiens à rendre un hommage particulier aux services du Sénat, qui nous ont accompagnés avec beaucoup de brio et de savoir-faire. Le Sénat peut s’honorer de posséder des services de haute qualité.
Je souhaite également rendre un hommage particulier au ministre et à ses services. Tout au long des auditions et des allers-retours entre le Sénat et le ministère, nous avons été en contact avec des services compétents et un ministre qui connaît son dossier, qui est attaché à ce projet de loi, qui veut le faire voter, mais qui sait aussi écouter lorsque des avis divergents sont exprimés, lorsque les parlementaires, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, apportent leur pierre à l’édifice que constitue le présent texte.
J’ai eu un très grand plaisir à travailler sur le sujet pendant plusieurs mois avec un homme que je connaissais un peu, mais que je connais maintenant beaucoup mieux : Alain Fauconnier. Je crois que nous avons fait du bon travail ensemble et avec tous nos collègues. (M. Alain Fauconnier, rapporteur, applaudit.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.) (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je voudrais remercier l’ensemble des sénateurs, et au premier chef les deux rapporteurs au fond, le président de la commission des affaires économiques et les rapporteurs pour avis.
Nous avons eu un débat de qualité. Cent soixante amendements ont été adoptés sur les sept cent cinq qui avaient été déposés ; cela représente un taux d’adoption d’environ 23 %. J’ignore si c’est un bon taux par rapport à ce qui se passe d’habitude, mais en tout cas le débat a été riche et parfois âpre, parce que, quand on est convaincu, on défend ses convictions avec beaucoup de ferveur. En on comme en off, nous avons parfois eu de vives discussions, arguments contre arguments, mais nous sommes parvenus à construire des compromis.
Je voudrais saluer la qualité des débats qui se sont déroulés, et ce avec tous les groupes : le groupe CRC, le groupe écologiste, le RDSE, l’UDI-UC, qui a joué un rôle important et que je veux remercier, car je mesure la valeur de son vote favorable – j’en tire beaucoup de fierté –, et enfin l’UMP, notamment Élisabeth Lamure, avec laquelle nous avons eu des débats jamais vifs, mais toujours intéressants, puisqu’ils ont permis de faire la lumière sur les orientations des uns et des autres. Ces échanges ont été extrêmement utiles.
Je veux aussi remercier les services du Sénat. Les administrateurs nous ont donné du fil à retordre. Mon cabinet peut témoigner que nous avons très bien travaillé ensemble pour rechercher des solutions au service de l’intérêt général. Je présenterai bientôt un texte sur l’économie sociale et solidaire ; j’espère qu’il nous donnera lui aussi matière à discussion.
Je remercie également les services de l’État, en particulier la DGCCRF. Sans eux, ce projet de loi n’aurait pas la même charpente. Je souligne la satisfaction que doivent éprouver certains fonctionnaires, militants de l’action de groupe, qui se battaient pour cette mesure depuis longtemps.
Je n’oublie pas les autres services qui m’ont accompagné : le Trésor et la Direction du budget, évidemment, mais aussi les services du ministère de la culture, la Chancellerie, la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, les services en charge du commerce, les services et le cabinet de Sylvia Pinel, les services de la jeunesse et des sports, les services de la santé et des affaires sociales, ou encore les services de l’économie numérique. Bref, c’est presque tout l’État et tout le Gouvernement qui soutenaient ce texte.
Je remercie enfin le personnel du Sénat, qui nous a accompagnés dans notre travail, et les cabinets des différents responsables de la Haute Assemblée.
Que restera-t-il du présent projet de loi dans dix ou vingt ans ? Il comporte des mesures importantes en matière de pouvoir d’achat, qui évolueront peut-être par le jeu de l’alternance ou en fonction du contexte, mais l’action de groupe demeurera. Quoi que l’on dise, c’est du pouvoir que l’on donne aux consommateurs. Je suis fier que cette mesure ait été votée aujourd’hui. C’est du concret, du tangible ; « ça cogne », comme on dit.
« Le réel, c’est quand on se cogne », disait Lacan. Eh bien, certains se cogneront à l’action de groupe, et je pense que c’est une bonne chose, parce que de la rente sera ainsi redistribuée sous forme de pouvoir d’achat en faveur des consommateurs.
L’autre mesure dont je suis fier, c’est la création du registre national des crédits aux particuliers. C’est un instrument de responsabilisation du prêteur et de moralisation du crédit qui nous permettra d’empêcher certains drames de la vie. Peut-être est-il dommage, comme vous l’avez affirmé, monsieur Labbé, d’en arriver là pour lutter contre le surendettement, mais je pense que, grâce à cet instrument, nous pourrons nous mettre au diapason des demandes des organisations comme le Secours populaire ou CRESUS. Vous avez raison, monsieur Fauconnier, nous aurons les moyens de lutter plus efficacement contre le surendettement.
Je termine en remerciant de nouveau les deux rapporteurs au fond. J’ai apprécié de travailler avec eux. Nous aurons encore l’occasion de travailler ensemble à l’avenir, mais je crois que, avec ce projet de loi, nous avons déjà fait du bon travail au service des Français. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur celles de l'UDI-UC.)