M. Alain Richard. Monsieur Longuet, j’entends votre raisonnement, mais ce sous-amendement n’abolit pas l’article 40 du code de procédure pénale.
Que, par souci de respecter les formes, on souhaite renvoyer au bureau de chaque assemblée la responsabilité de saisir la justice, je le comprends. Reste que la Haute Autorité, si elle observe des éléments qui lui semblent constitutifs d’un délit pénal, sera tenue de saisir parallèlement le parquet. (M. Claude Dilain acquiesce.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Lorsque j’ai présenté ce sous-amendement, je n’ai pas omis de faire référence à l’article 40 du code de procédure pénale, mais j’ai aussi souligné que, en instaurant la Haute Autorité, nous créons de fait une autre structure juridique, même si sa forme n’est pas fixée, en lui donnant le pouvoir du parquet. (M. Alain Richard le conteste.)
Pour ma part, j’incline à penser qu’il faut préserver le peu qu’il reste de l’immunité parlementaire. Confier aux bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, dont les décisions ont toujours été empreintes d’un grand sens de l’éthique, le soin de saisir le parquet permettra au moins de sauvegarder l’existence du Parlement !
Pour autant, les membres de la Haute Autorité seront tenus d’observer l’article 40 du code de procédure pénale. Simplement, prévoir que c’est aux bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’il appartiendra le cas échéant de saisir la justice permettra que le Parlement soit respecté ! La tâche de la Haute Autorité sera de préparer les dossiers et de transmettre les informations recueillies aux bureaux des assemblées ; elle sera une autorité administrative, composée de fonctionnaires. J’ai beaucoup de respect pour les fonctionnaires – j’en ai été un moi-même, comme vous, monsieur Richard –, mais un fonctionnaire n’est pas un élu du peuple. Chacun doit rester dans son rôle : il revient aux élus du peuple de faire la discipline dans leurs rangs, pour que la séparation des pouvoirs soit respectée, en un temps où le poids de l’exécutif ne fait que s’accroître, au détriment du législatif !
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Souhaitant préserver le peu qui reste du pouvoir législatif, je souscris au raisonnement de notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Nous voterons le sous-amendement n° 186.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Aux termes de l’article 40 du code de procédure pénale, tout fonctionnaire ayant acquis la connaissance d’un fait délictuel est tenu d’en saisir le parquet. Dans la même situation, un parlementaire saisit le bureau de son assemblée, à qui il incombe ensuite de décider des suites à donner. Un parlementaire ne peut proprio motu saisir le parquet. La raison pour laquelle a été instauré ce filtre est d’ailleurs très simple : nous sommes parfois exposés, il faut bien le reconnaître, à la jalousie, à l’hostilité, voire à des règlements de comptes locaux, qui amènent des délations, fondées ou non.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 186.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 306 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 189 |
Contre | 158 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 150.
M. Gérard Longuet. Ce sous-amendement, auquel M. Hyest est très attaché, vise à reprendre la notion, connue de tous les fonctionnaires, de connaissance du dossier. Il s’agit, dans cette optique, de prévoir que la future Haute Autorité devra transmettre au bureau de l’assemblée un mémoire écrit, qui fondera en quelque sorte ses interrogations, ses doutes, voire ses suspicions.
M. le président. Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 145.
M. Gérard Longuet. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 145 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 20, 63, 126, 64, 7, 116 rectifié, 71, 117 rectifié, 9 et 21 rectifié n'ont plus d'objet.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Gérard Longuet. Je ne voudrais pas donner le sentiment de poursuivre un débat personnel avec M. Sueur…
Monsieur le rapporteur, vous vous êtes étonné que je m’oppose au dispositif du III du nouvel article L.O 136-12 du code électoral introduit par l’amendement n° 80 rectifié, aux termes duquel « les informations mentionnées au présent article ne peuvent être communiquées qu’à la demande expresse du déclarant ou de ses ayants droit ou sur requête des autorités judiciaires lorsque leur communication est nécessaire à la solution du litige ou utile pour la découverte de la vérité ».
Certes, cette disposition découle très directement de l’article L.O. 135-2 du même code, institué par la loi du 11 mars 1988. Vous avez eu tout à fait raison de rappeler cette évidence, mais vous avez omis de faire le lien avec l’actualité : le I de l’article L.O. 136-12 prévoit que ne peuvent être rendues publiques un certain nombre d’informations très personnelles, telles que les adresses personnelles du député et celles des biens immobiliers, les numéros et références des comptes bancaires et contrats d’assurance sur la vie, ainsi que les noms des établissements teneurs, etc.
Vous prétendez protéger ainsi la vie privée des parlementaires, mais, en cas de litige ou de polémique – il ne s’agira pas nécessairement de la recherche de la vérité dans le cadre d’une procédure pénale –, il pourra leur être demandé par les autorités judiciaires de dévoiler ces éléments très personnels qui n’étaient jusqu’à présent absolument pas visés au titre de la déclaration de situation patrimoniale, et ce même s’ils ne sont a priori pas communiqués.
Comme vous avez par ailleurs instauré un système de la délation organisée permanente, il y aura toujours quelques maniaques procéduriers qui voudront empoisonner l’existence des parlementaires en les obligeant à rendre publiques ces données privées.
Le texte proposé pour l’article L.O. 135–2 du code électoral avait du sens si le champ des informations visées était limité, mais, par le jeu de la délation, les éléments que vous prétendez protéger seront mis sur la place publique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Monsieur Longuet, les informations qui ne peuvent être rendues publiques ne pourront être communiquées qu’à la demande expresse du déclarants ou de ses ayants droit ou sur requête des autorités judiciaires dans le cadre d’un procès pénal.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard, pour explication de vote.
M. Alain Richard. Pour compléter d’une phrase les propos de M. le rapporteur, je précise que le projet de loi organique vise uniquement le déroulement d’une procédure judiciaire et que l’interdiction de publication s’impose aussi à l’autorité judiciaire. Lorsque le ministère public aura communication de ces données, éventuellement pour les vérifier, lorsque la formation de jugement en disposera pour se prononcer sur un dossier, elles demeureront non communicables. Les éléments personnels seront tout simplement gommés de la rédaction du jugement. Au cours d’une procédure judiciaire, seuls les magistrats, qui sont bien sûr tenus de respecter la loi, disposeront de ces informations, qui ne circuleront pas.
Ensuite, il y a le secret de l’instruction…
M. René Garrec. Oui !
Mme Nathalie Goulet. Pour ce qu’il en reste !
M. Alain Richard. Je vous suggère de ne pas ouvrir cette discussion !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant l'une du groupe du RDSE, l'autre du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 307 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Pour l’adoption | 167 |
Contre | 173 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
M. Jean-Pierre Caffet. Monsieur le président, nous demandons une suspension de séance de dix minutes.
M. le président. Le Sénat va bien sûr accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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Hommage aux victimes d’une catastrophe ferroviaire à Brétigny-sur-orge
M. le président. Mes chers collègues, M. le président du Sénat m'a demandé de vous faire part de notre émotion face à la catastrophe ferroviaire qui s'est produite cet après-midi dans l'Essonne, à Brétigny-sur-Orge. Les informations dont nous disposons à cet instant font état de quatre morts et de dix blessés.
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Transparence de la vie publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique.
La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Nous vivons un moment important, chacun en a conscience. Nous étions nombreux, sur toutes les travées, à vouloir qu’un texte permettant de renforcer la transparence de la vie publique soit voté. Déjà, en son temps, le gouvernement Fillon avait déposé un projet de loi en ce sens, qui n’a pas prospéré.
Depuis le début de cet après-midi, une majorité s'était formée pour adopter de nombreux amendements. Mais, au moment du vote sur l'article 1er, tout à coup, elle s'est évaporée…
C'est une occasion perdue, en tout cas provisoirement. Ce scrutin ne sera pas sans conséquences : ceux qui, aujourd'hui, se sont opposés à la transparence dans la vie publique ne pourront pas cacher leur vote, qui lui est transparent. Nos concitoyens en concluront qu'ils avaient sans doute quelque chose à cacher. Ce n'est peut-être pas le cas, et je ne veux faire de procès d'intention à personne ; je reste néanmoins persuadé que c’est ainsi que sera perçu cet événement.
Ce qui se jouait aujourd'hui, ce n’était pas simplement l’adoption de quelques dispositions, c’était surtout la prise de conscience de la perte de confiance de nos compatriotes en leurs élus et l’affirmation de notre volonté de rétablir notre image dans l’opinion.
M. Vincent Delahaye. Il ne faut pas en rajouter !
M. Alain Anziani. Nous n’en rajoutons pas : voyez les résultats des sondages ! Ils font apparaître qu’une très grande majorité de Français, jusqu’aux deux tiers d’entre eux, considèrent que leurs élus ne sont pas vertueux. Voilà la vérité ! Les échanges que nous pouvons avoir avec nos concitoyens ou le niveau de l’abstention lors des échéances électorales témoignent d’une profonde désaffection envers les élus, au bénéfice de forces obscures.
M. Jeanny Lorgeoux. Très bien !
M. Alain Anziani. Vous n’avez pas voulu comprendre que tel était l'enjeu véritable de ce débat. Vous avez eu peur de la transparence, et cette peur vous a paralysés au moment où il fallait au contraire être conquérant ! C'est tout à fait regrettable.
Quoi qu’il en soit, je voudrais remercier tous ceux qui, dans cette enceinte, ont œuvré pour renforcer la transparence. Je suis sûr que celle-ci prévaudra nécessairement, dans quelques mois ou quelques années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Certains ont peut-être peur de la transparence, mais c’est surtout la peur des médias qui s’exprime chez d’autres, car ce que l’on appelle l’opinion, c’est en fait l’opinion médiatique.
Pour notre part, nous n'avons pas peur d’affirmer nos choix : les votes émis dans cet hémicycle sont publics, et cela ne nous pose aucun problème !
En effet, c'est une occasion manquée : le sous-amendement que j'avais déposé aurait pu nous permettre de trouver un accord sur la publication des seuls éléments qui importent, à savoir ceux concernant les parlementaires qui ont manqué à leur devoir de probité et profité de leur mandat pour s'enrichir. Malheureusement, il a été jeté à la corbeille au moyen d’un artifice de procédure… Vous avez reçu commande de l'Élysée, et vous avez obéi en bons soldats ; très bien !
Cependant, quelle est l'origine du problème ? Les scandales proviennent du seul pouvoir véritable qui existe, le pouvoir exécutif. En entrant dans le détail, on observe que ce sont d’ailleurs les mêmes personnages que l’on retrouve impliqués dans à peu près toutes les affaires. Ils sont là où est le pouvoir, donc pas au Parlement !
Si j’osais une image triviale, je dirais que, parce qu’il y a une fuite d'eau à l'Élysée, on envoie les plombiers au Sénat… Mais, encore une fois, les problèmes viennent non pas du Parlement, qui n’a aucun pouvoir, mais de la concentration des pouvoirs entre les mains de l’exécutif et de l’absence de contre-pouvoirs. Voilà le sujet qu’il faut traiter si l'on veut vraiment apporter une réponse à la défiance manifestée par nos concitoyens ! La question n’est pas de savoir si les malheureux parlementaires doivent étaler leur patrimoine sur la place publique…
Respecter les votes de son assemblée vaut mieux que se livrer à des envolées lyriques sur la moralité des uns et l'immoralité des autres !
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur Anziani, nous ne sommes pas au catéchisme ! En vous écoutant, j'avais l'impression de revenir à mes 12 ans et aux leçons de morale que me donnait un père jésuite !
Cette affaire est tout de même partie de l’exécutif ! Le Président de la République a renvoyé aux parlementaires le ballon de rugby qu’il avait reçu dans le ventre ! Comme cela vient d’être rappelé à l'instant, le problème ne vient pas des parlementaires, qui n’ont plus aucun pouvoir. M. Longuet a cité les chiffres communiqués par M. Sauvé : en vingt-cinq ans, il y a eu quatorze saisines, six parlementaires mis en cause et aucune condamnation !
Par ailleurs, pourquoi recourir à la procédure accélérée sur ce sujet important ? Pourquoi faut-il faire aussi vite, sans prendre le temps de rechercher un consensus ? Arrêtez donc ces leçons de morale, monsieur Anziani ! Les choses doivent évoluer, nous en sommes tous conscients, mais pas dans la précipitation, sous la pression médiatique. Savez-vous que, en termes d’image, l’opinion publique classe les parlementaires juste au-dessous des prostituées ! Et l’on en rajoute en permanence !
Le vrai problème, c’est celui de la répartition des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire. La transparence est un sujet de société, qui concerne toutes les institutions. Dans une société de plus en plus déstabilisée, marquée par la progression des extrêmes, la recherche du consensus est nécessaire. Monsieur Anziani, j’ai passé l’âge du catéchisme !
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Il ne s’agit pas seulement d’une occasion manquée, mais d’une faute.
L'exigence de transparence ne date pas de l'affaire Cahuzac ; elle est beaucoup plus profonde et traverse notre pays. Le vote intervenu sur l’article 1er constitue à cet égard un très mauvais signal : il donnera à nos compatriotes le sentiment qu'une petite caste d'élus cherche par tous les moyens à se protéger et refuse la transparence. Je crains qu’un tel vote ne contribue à creuser encore un peu plus le fossé entre la population et les élus qui sont censés la représenter.
Pour notre part, nous n'avons rien à cacher et dévoiler notre situation patrimoniale ne nous pose aucun problème. Les citoyens sauront que nous ne tirons aucun profit de notre mandat d’élu. Il importe de rétablir la confiance, à l’heure où nos concitoyens croient de moins en moins en leurs élus. Chacun devra tirer toutes les conséquences de son vote.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Il ne faut être ni hypocrite ni démagogue, au contraire de ce texte et de certains propos que j'ai pu entendre.
Je ne vois pas pourquoi refuser que la vie privée des élus soit étalée sur la place publique et que ceux-ci soient désignés comme des boucs émissaires serait un gage de malhonnêteté.
Si ceux qui ont pensé et soutenu ce projet de loi étaient vraiment mus par la seule volonté d'insuffler de l'honnêteté dans la vie publique, ils auraient plutôt dû renforcer les contrôles et les procédures de vérification. Ce n’est certainement pas en étalant la vie privée des élus sur la place publique que l’on va progresser ! Ils méritent un minimum de respect !
À ceux qui prétendent que les élus doivent être parfaitement transparents, je réponds que si les élus ont certes l'obligation d'être honnêtes, ils ont droit au respect de leur vie privée. Ce sont deux choses complètement différentes. Les personnalités politiques qui font actuellement l'objet de poursuites judiciaires auraient commis exactement les mêmes actes si le texte que nous examinons aujourd’hui était déjà en vigueur. En effet, celui qui touche des pots-de-vin ou place des sommes en Suisse à l’insu de l’administration fiscale ne va de toute façon pas le déclarer. De telles fraudes resteront inconnues, mais la presse fera état de la situation patrimoniale des élus honnêtes…
Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale me semblait pertinent, car il permettait de prévenir la démagogie et la surenchère, qui ne contribuent nullement à moraliser la vie publique.
Ceux d’entre nous qui ont voté contre l'article 1er n’ont pas à raser les murs, au contraire : ils ont administré une gigantesque claque aux démagogues et aux hypocrites prêts à accepter n'importe quoi pour se donner bonne conscience, en sachant très bien que cela ne contribuera en aucun cas à renforcer la transparence et la probité.
Ce que nos concitoyens veulent, c'est de l’honnêteté dans la vie publique, certainement pas un étalage de la vie privée des élus !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Hier, la commission des lois a adopté, à une large majorité, un amendement essentiel, qui instaurait la publication des patrimoines. Le débat sur ce sujet est sur la place publique : les positions de chacun sont connues et les conséquences des votes intervenus seront tirées, comme l'a souligné M. Anziani.
L'Assemblée nationale a adopté un dispositif qui, nous le savons tous, n'est pas praticable : on ne saurait prévoir que la publication de données patrimoniales pouvant être consultées par 45 millions d'électeurs constituera un délit passible d’une peine de prison.
Nous avons été très nombreux à percevoir les défauts du texte transmis par l'Assemblée nationale ; il revenait au Sénat d’y remédier.
Dans un premier temps, nous avons supprimé l'infraction et la sanction et, par voie de conséquence, instauré la possibilité de publier les patrimoines, au travers de l’adoption d’un amendement qui reprenait tout simplement le texte initial du Gouvernement.
Or, comment expliquer que certains aient signé et voté cet amendement, avant de rejeter l'article dont il forme pourtant l’élément essentiel ? J'ai du mal à comprendre leur logique… Je m’adresse à eux : leur attitude est contradictoire, incompréhensible ; je ne sais pas s’ils peuvent la justifier.
Tout cela apparaîtra confus et obscur à nos concitoyens. À l’instar de M. Favier, je crois qu’il s’agit d’une faute. Sur ce sujet, les clivages politiques se trouvent dépassés, puisque des sénateurs de différents groupes étaient favorables à la publication, les groupes socialiste, CRC et écologiste ayant pour leur part adopté, de manière unanime, une position extrêmement claire.
J’espère que l’on pourra revenir sur ce vote, par la force de la conviction, car il interdit au Sénat de peser dans le débat, ce qui ne fortifie pas le bicamérisme. Surtout, en une période où il faut réconcilier les citoyens et la politique, manifester de telles réticences, adopter des attitudes aussi difficiles à comprendre ne va pas dans le bon sens. Je crains des réactions extrêmement négatives.
Enfin, je n’accepte pas le manichéisme selon lequel les partisans de la publication prôneraient en fait l’étalage de la vie privée des élus sur la place publique. M. Masson, notamment, soutient que tout et n’importe quoi sera publié. Eh bien non ! Tant en commission qu’en séance publique, tout notre travail a eu pour objet de concilier transparence, publication, contrôle et respect de la vie privée. Ainsi, il a bien été précisé que les noms ne seraient pas mentionnés, que le patrimoine des conjoints et des autres membres de la famille de l’élu serait complètement exclu du champ de la déclaration.
Nous avons donc bien travaillé, et, en dépit de l’adoption de sous-amendements auxquels je ne souscrivais pas, l’article 1er tel qu’il était rédigé constituait une excellente synthèse. Il garantissait à la fois la transparence, la publicité, le contrôle dans de bonnes conditions et le respect de la vie privée. Nous n’avons rien à cacher de ce qui ne relève pas de la vie privée.
Je regrette vraiment que, pour des raisons que les intéressés ne pourront eux-mêmes expliquer, l’article 1er ait été rejeté. (M. Jean Louis Masson proteste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Vos différents propos, que j’ai écoutés avec beaucoup d’attention, mesdames, messieurs les sénateurs, ont fait référence à plusieurs reprises au Gouvernement et à l’Élysée.
Nous savons tous que, malheureusement, la vie politique est émaillée depuis fort longtemps de scandales. Comme vous l’indiquez au début de votre rapport, monsieur Sueur, Saint Louis rappelait que ses officiers royaux ne devaient percevoir ni or ni argent, sous quelque forme que ce soit.
Sous la Ve République, les scandales qui sont survenus ont touché les différents partis et des élus siégeant sur tous les bancs des deux assemblées. De même, les Présidents de la République, de droite comme de gauche, qui se sont succédé ont essayé d’instaurer davantage de transparence dans la vie politique, pour établir ou rétablir la confiance entre les citoyens et les élus. C’est pourquoi je ne peux laisser dire que le présent texte serait de circonstance : il s’inscrit dans une continuité législative tendant vers une moralisation toujours plus poussée de la vie politique. J’aimerais que, au moins, cela soit entendu.
Par ailleurs, à la demande du Président de la République, les ministres ont rendu public leur patrimoine. Nous aurions pu nous poser les mêmes questions que certains d’entre vous, mais je constate que cette démarche n’a pas donné lieu à voyeurisme, à étalage ou à atteinte à la vie privée. Nos concitoyens sont plus matures que certains ne le pensent : ils veulent simplement que leurs élus fassent preuve de transparence, sans porter de jugement sur le niveau de leur patrimoine.
Il faut tenir compte des évolutions de la société française, qui est beaucoup plus avancée que l’on ne semble le penser sur certaines travées.
Articles additionnels après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 119, présenté par MM. Zocchetto, Amoudry, Guerriau, Dubois, Merceron, Roche, Arthuis et Namy, Mme Férat, M. Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article 8 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, il est inséré un article 8-... ainsi rédigé :
« Art. 8-... – I. – Les magistrats veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts.
« II. – Les magistrats nommés à la Cour de cassation et les personnes visées à l’article 40-1 sont tenus, lors de l’installation dans leurs fonctions, d’effectuer une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d’intérêts dans les conditions fixées par la loi organique n° ........ du ........ »
La parole est à M. Vincent Delahaye.
M. Vincent Delahaye. Nous considérons que la liste des personnes soumises aux obligations de déclaration prévues par le projet de loi organique et par le projet de loi ordinaire est largement incomplète.
Dans cette optique, le présent amendement vise à soumettre les magistrats nommés à la Cour de cassation, juridiction la plus élevée de l’ordre judiciaire, ainsi que les conseillers et avocats généraux en service extraordinaire au sein de celle-ci, aux obligations de déclaration créées par le projet de loi organique.
On l’aura compris, si nous sommes obligés d’aborder le cas spécifique des hauts magistrats de l’ordre judiciaire dans le cadre de ce texte, c’est parce que leur statut découle de l’ordonnance du 22 décembre 1958, qui a valeur de loi organique.
Lors de l’examen du projet de loi ordinaire, nous proposerons de procéder à d’autres ajouts à la liste des personnes soumises aux obligations de déclaration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, tout simplement parce qu’il s’agit d’un cavalier. Vous le savez très bien, mon cher collègue, le texte que nous examinons ne porte pas sur le statut des magistrats, sujet sur lequel, d’ailleurs, le Gouvernement travaille.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
J’indique que Mme la garde des sceaux a saisi, la semaine dernière, le Conseil d’État d’un projet de loi organique sur le sujet, que le Parlement aura à examiner dès cet automne.
Je rappelle en outre que des rapports commandés par M. Fillon avaient conduit à l’élaboration de deux projets de loi, présentés l’un par M. Sauvadet, l’autre par M. Mercier.
M. le président. Monsieur Delahaye, l'amendement n° 119 est-il maintenu ?
M. Vincent Delahaye. Non, je le retire, monsieur le président.