compte rendu intégral
Présidence de M. Thierry Foucaud
vice-président
Secrétaires :
M. Jacques Gillot,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
3
Candidatures à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des finances m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France.
J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale m’a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.
4
Candidature à un organisme extraparlementaire
M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de l’Établissement public de financement et de restructuration, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier.
La commission des finances a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Claude Frécon pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
5
Dépôts de rapports
M. le président. M. le président du Sénat a reçu le rapport 2012 au Parlement sur les recompositions de l’offre hospitalière, en application de l’article 17 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 67 de la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme.
Ce rapport a été transmis à la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et, pour information, à la commission des lois.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
M. le président du Sénat a reçu le rapport 2011-2012 au Parlement et au Gouvernement de la commission nationale des accidents médicaux.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales.
En application de l’article 108 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’examen de la situation du crédit immobilier de France.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances.
6
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date du 11 juillet 2013, le Gouvernement demande d’intervertir l’ordre d’examen des projets de loi inscrits à l’ordre du jour de la séance du mardi 16 juillet.
En conséquence, l’ordre du jour du mardi 16 juillet s’établit comme suit :
Mardi 16 juillet 2013
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens (procédure accélérée) (texte de la commission n° 743, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juillet, à 17 heures ;
- au lundi 15 juillet, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 juillet, à 9 heures.)
2°) Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique (texte de la commission n° 754, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 juillet, à 17 heures ;
- au lundi 15 juillet, à 12 heures, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 juillet, à 9 heures.)
Acte est donné de cette communication.
7
Candidature à une commission
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des affaires européennes, en remplacement de Jean-Louis Lorrain, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
8
Retrait d'une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 460 de M. Michel Billout est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.
9
Transparence de la vie publique
Suite de la discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (projet n° 688, rapport n° 731, résultat des travaux de la commission n° 732).
Je rappelle que, à la suite de l’adoption de la motion de renvoi à la commission, la commission des lois a rejeté le texte du projet de loi organique qu’elle avait adopté le 3 juillet dernier.
En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion porte sur le texte du projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale en première lecture.
Nous passons à la discussion des motions déposées sur le projet de loi organique relatif à la transparence de la vie publique.
Exception d’irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Longuet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n°39.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n° 688, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour la motion.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que ce ne soit pas mon talent naturel, je m’efforcerai de présenter le plus brièvement possible la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité sur ce projet de loi organique. (Sourires.) Je me contenterai pour cela de faire référence aux articles sur lesquels mon groupe s’appuie pour faire valoir ses arguments.
Premièrement, l’article II de la Déclaration des droits de l’homme garantit à chacun le droit à la vie privée. Or la publication du patrimoine des élus méconnaît ce droit, qui est aussi un devoir. Je rappelle que le fait pour les électeurs, avant un vote, de prendre la totalité des bulletins et de passer par l’isoloir est non pas un droit, mais un devoir qui garantit en quelque sorte la liberté du vote.
En méconnaissant le droit à la vie privée, on prive le citoyen d’un débat politique en déplaçant ce dernier sur le terrain de la vie privée. Je suis convaincu que tel n’est pas votre souhait.
Deuxièmement, l'article IV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 reconnaît la liberté d’entreprise. Or ce droit est nié pour une catégorie de Français, puisque le projet de loi organique interdit à un parlementaire de débuter une activité nouvelle en cours de mandat. Cette mesure, au regard de son caractère général comme de son absence de motivation, apparaît donc comme une sorte de procès d’intention à l’égard des parlementaires, sans aucune légitimité, et porte atteinte à cet article IV.
Troisièmement, l'article VI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 est également gravement battu en brèche par le projet de loi organique. Je rappelle qu’il garantit l’égal accès de nos compatriotes à des fonctions publiques et qu’il a été consolidé par une décision du Conseil constitutionnel du 30 mars 2000, aux termes de laquelle les règles d’inéligibilité et d’incompatibilité des parlementaires que fixe l'article 25 de la Constitution doivent être restrictives et ne peuvent fonder des oppositions générales. Or le projet de loi organique prévoit que les Français dont le métier est le conseil ne peuvent accéder aux fonctions parlementaires qu’en renonçant à leur activité professionnelle. Je signale que l’activité de conseil représente en France, comme dans la plupart des pays développés, une importante activité : notre pays compte actuellement plus de 170 000 salariés, répartis dans des entreprises de tailles diverses. Aux membres de la Haute Assemblée qui semblent mal connaître cette activité, je précise que près de la moitié des jeunes diplômés des grandes écoles de commerce commencent leur vie professionnelle dans des activités de conseil. Par le dispositif que vous souhaitez mettre en place, ils seront écartés du libre accès à un mandat.
Quatrièmement, l'article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 précise : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Cet article est gravement méconnu par ce projet de loi organique.
En effet, comme toutes les juridictions, la Haute Autorité de la transparence de la vie publique doit permettre l’exercice des droits de la défense. Or, en ignorant ces droits de la défense, le projet de loi organique est inconstitutionnel.
Cette exigence relative aux droits de la défense s’applique si l’on admet le postulat que la Haute Autorité est une juridiction. Si tel n’est pas le cas, le principe de double degré de juridiction doit être assuré ; or il n’en est rien.
En conclusion, comme l’a rappelé l’ancien président de la commission des lois, Jacques Larché, lors du débat de 1988, dès lors qu’une telle instance cesse d’être une simple structure administrative destinée à enregistrer de façon quasi notariale les déclarations patrimoniales des parlementaires et des élus et peut apporter des appréciations qui sont rendues publiques sur ces déclarations comme sur les déclarations d’intérêt, elle s’implique en quelque sorte dans la vie parlementaire.
De ce fait, l’indépendance fondamentale du législatif par rapport à l’exécutif est méconnue. En effet, la Haute Autorité sera composée de personnalités issues de l’exécutif, et son président est proposé par l’exécutif même si sa candidature est soumise à une forme de ratification par le Parlement.
Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP considère le projet de loi organique comme irrecevable au titre de l’article 44, alinéa 2, du règlement, pour inconstitutionnalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, contre la motion.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord remercier M. Longuet pour la brièveté de son propos. Je serai aussi bref, voire plus bref que lui !
Monsieur Longuet, vous venez, au nom du groupe UMP, de justifier le dépôt de cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité par un ensemble de motifs tirés de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Il me semble en réalité que vous méconnaissez les principes essentiels de cette Déclaration !
Vous méconnaissez le contrôle du peuple sur ses élus ; vous méconnaissez la séparation du pouvoir politique et du pouvoir judiciaire ; vous méconnaissez l’indépendance de la presse !
Vous êtes depuis longtemps contre les juges ; vous êtes désormais contre le Conseil constitutionnel, mais aussi contre l’opinion dès l’instant que celle-ci porte un jugement sévère sur ses élus.
Vous êtes finalement contre tout contrôle autre que celui qui s’exerce entre amis.
Monsieur Longuet, le seul mot « transparence » semble vous tétaniser, vous et vos amis, et provoquer dans votre camp un mouvement de panique.
Rassurez-vous, tout devrait bien se passer ! Et pour qu’il puisse en aller ainsi, je vous propose d’entrer immédiatement dans le vif du sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. Bien envoyé ! Bravo !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. La commission est défavorable à cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Le Gouvernement est également défavorable à la motion.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 39, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi organique.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 298 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l’adoption | 166 |
Contre | 177 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. J.C. Gaudin, Cambon et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 40.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transparence de la vie publique (n° 688, 2012-2013).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Christian Cambon, pour la motion.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc de nouveau réunis, un vendredi matin de juillet,…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Qui a voté le renvoi à la commission ?
M. Christian Cambon. … dans un hémicycle quasi désert, pour jouer le troisième acte d’une comédie un peu triste et cynique, pompeusement appelée « transparence de la vie publique ».
Le moment est lui-même particulièrement savoureux, puisque, après avoir passé des heures à débattre en commission et dans l’hémicycle de ces projets de loi, nous en sommes arrivés à effacer d’un coup tout ce travail pour repartir de zéro et reprendre le texte de l’Assemblée nationale.
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La faute à qui ?
M. Christian Cambon. Monsieur Sueur, vous avez suffisamment l’occasion d’intervenir ! Merci par conséquent de me laisser parler !
Mardi dernier, notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat se posait à juste titre la question de savoir à quoi sert le Sénat. On peut, en effet, s’interroger.
La réponse, nous la connaissons tous. En ces temps de disette électorale, le Président de la République et une partie de sa majorité ont souhaité tendre un rideau de fumée opaque pour qu’aux yeux de l’opinion publique disparaissent peu à peu l’invraisemblable scandale d’État de l’affaire Cahuzac ainsi que les affaires des fédérations socialistes des Bouches-du-Rhône et du Pas-de-Calais, et qu’apparaissent, pour les remplacer, des acteurs toujours capables d’attirer les foudres de l’électeur : je veux parler des femmes et des hommes politiques qui, par milliers dans ce pays, exercent avec courage et honnêteté leurs missions publiques.
M. Ronan Kerdraon. Vous oubliez l’affaire Tapie !
M. Christian Cambon. Beau tour de passe en passe en vérité : pendant que M. Cahuzac assure tranquillement la promotion de son futur livre, les médias consentants – je vous renvoie à L’Express paru hier – s’en prennent chaque jour avec un peu plus de sévérité aux élus de la République, à leurs avantages (Mme Nathalie Goulet s’exclame.), à leur statut, à leurs indemnités, à leur système de retraite, à la complicité supposée de leur conjoint, ou même de leurs ascendants, à la réserve parlementaire. Bref, un beau tour de magie susceptible de faire gonfler les voiles de l’extrême droite.
Quand les difficultés électorales se profilent pour vous à l’horizon, chers collègues de gauche, cette vieille recette est toujours la bienvenue. (M. Gérard Longuet s’exclame.)
Le Président de la République porte en vérité une lourde responsabilité dans cette évolution, lui qui est en charge de protéger les institutions de la République, mais qui, au lendemain de l’affaire Cahuzac, a lancé ce projet dirigé contre les parlementaires.
Il aura du reste fallu la résistance du président de l’Assemblée nationale en personne pour que ces projets n’aillent pas plus loin encore, en exposant à la vindicte populaire les parlementaires et les grands élus de la République.
Ces textes, présentés en grande pompe comme une amélioration de la transparence de la vie publique, vous évitent en vérité de parler des vrais sujets qui concernent les Français : le chômage, la rigueur et l’avalanche d’impôts qui est son corollaire.
Si l’on mettait bout à bout le nombre d’heures que le Sénat vient de consacrer au changement des modes de scrutin et aux lois dites « de société », les Français, qui attendaient des solutions à leurs problèmes, comprendraient que votre projet est en réalité de changer l’ensemble des institutions : modification du scrutin départemental, changement de statut des métropoles, transparence de la vie publique… Même le mode de scrutin des sénateurs des Français de l’étranger n’aura pas échappé à votre volonté d’en finir avec une partie significative de nos institutions.
Vous qui avez tant de fois reproché au précédent président de la République de proposer des lois qui tiraient les conséquences de faits d’actualité, vous retombez aujourd’hui dans le même travers ! J’en donne deux indices : comment se fait-il que ce projet s’intéresse à la rémunération des ministres quittant le Gouvernement ? Ne s’agit-il pas simplement de régler un problème qui avait fait scandale pour M. Jérôme Cahuzac ? Mme Delphine Batho, elle, appréciera sûrement d’avoir quitté le Gouvernement en temps utile pour pouvoir toucher ses indemnités…
Engager par ailleurs la procédure accélérée sur ce texte, et supprimer ainsi d’un coup l’indispensable travail de navette législative, prouve bien, là encore, qu’il s’agit d’une loi de circonstance.
Fallait-il pour autant ne rien faire ? Non, bien évidemment, et le thème fort de la transparence et de l’honnêteté en politique méritait effectivement que l’on renforce nos procédures au lendemain d’affaires qui ont eu un tel retentissement négatif dans l’opinion publique. Mais l’importance de ces sujets est telle qu’elle méritait davantage de concertation et d’échanges entre la majorité et l’opposition. Elle méritait mieux que les petits conciliabules entre tendances de la rue de Solférino…
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est vrai qu’à l’UMP il n’y a pas de tendances ! (Sourires.)
M. Christian Cambon. … qui réduisent le Parlement tout entier à des chambres d’enregistrement, tant qu’il vous reste à l’Assemblée nationale, à deux voix près, la sacro-sainte majorité absolue vous permettant de vous passer de tous les autres.
Dans ces conditions, ne nous étonnons pas que ces projets n’aient rien à voir avec des considérations éthiques légitimes. Il s’agit plutôt de soumettre le politique aux injonctions de l’air du temps. Vers quelle démocratie allons-nous si le responsable politique s’aplatit honteusement à chaque fait divers, par définition immoral ? Que reste-t-il du suffrage universel si ceux qui prennent le risque de s’y soumettre sont par avance accusés d’ignorer l’intérêt général ?
Oui, vos projets de loi sont dangereux pour la démocratie ! De plus – mon collègue Gérard Longuet l’a parfaitement souligné, et nous le répéterons autant que nécessaire –, ces projets de lois ignorent ostensiblement nombre de principes constitutionnels.
Ces dispositions, partout où elles trouveront à s’appliquer, détruiront l’autorité de ceux qui exercent des responsabilités et affaibliront immanquablement nos institutions.
Les personnalités publiques soumises à ces nouvelles règles devront ainsi se plier aux injonctions et aux conclusions d’une haute autorité pour la transparence de la vie publique. Et c’est là que se situe votre première erreur.
Cette haute autorité ne sera, en effet, ni indépendante ni compétente.
Elle ne sera pas indépendante puisqu’elle sera composée de membres issus du pouvoir judiciaire, de membres issus de l’administration et de personnalités nommées par l’exécutif. Les parlementaires seront donc subordonnés à des décisions élaborées par d’autres pouvoirs ou autorités. Dès lors, par quel mécanisme pourrons-nous nous assurer que cette haute autorité ne sera pas l’objet de manipulations politiques ?
Indépendamment de la neutralité des membres de cette haute autorité se pose la question de sa compétence. En effet, l’article 12 du projet de loi ordinaire soumet l’appréciation de la déontologie des élus et autres personnalités nommées en conseil des ministres à des personnes n’ayant jamais exercé de mandats et qui n’étant pas plus aptes que nous à juger si une situation relève ou non du conflit d’intérêts.
Mais ce n’est pas tout. Dans sa recherche de transparence, la Haute Autorité bénéficiera du concours d’agents d’un nouveau genre, ceux que vous appelez pudiquement « les lanceurs d’alerte ». Ainsi, les dénonciateurs de tout poil, protégés par l’anonymat d’internet, seront-ils désormais encouragés à se livrer à leur triste besogne. La commission des lois nous avait évité le pire. Espérons qu’elle persistera dans sa sagesse !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Bien sûr !
M. Christian Cambon. L’Histoire, hélas ! nous a fourni de tristes précurseurs en matière de délation organisée. On connaissait déjà cela avec les bocca di leone, à Venise ; on en eut un triste aperçu lors d’une période très sombre de notre propre histoire ; on les retrouva aussi à l’occasion de la révolution culturelle chinoise, une grande période de démocratie comme chacun sait…
M. Ronan Kerdraon. Quel amalgame ridicule !
M. Christian Cambon. Comme si cela ne suffisait pas, vous ouvrez la possibilité aux électeurs de consulter les déclarations de patrimoine et d’intérêts. Ajoutons à cela la suppression de l’incrimination de divulgation des déclarations et nous obtenons un cocktail détonnant !
M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. C’est votre discours qui est détonnant !
M. Christian Cambon. Là encore, à l’instar de la Haute Autorité, vous confiez une mission de contrôle du régime juridique des parlementaires à des personnes sans légitimité sur ce sujet. Autre étrangeté de vos projets de loi, vous transformez des considérations d’ordre déontologique en délits pénaux.
M. Gérard Longuet. Exact !