M. le président. La parole est à Mme Caroline Cayeux, pour la réplique.
Mme Caroline Cayeux. Je vous remercie de ces précisions, madame la ministre. Permettez-moi d’ajouter que les allocataires et les usagers qui fréquentent les caisses d’allocations familiales n’ont pas tous internet à leur disposition, et qu’ils ne comprennent pas toujours la simplification induite par cette dématérialisation. Il me paraît donc nécessaire de mieux l’expliquer.
Comme mes collègues l’ont dit, il ne s’agit pas d’augmenter les charges financières des caisses d’allocations familiales, mais de simplifier leur gestion et de leur permettre de répondre de façon plus rapide et plus claire aux usagers, notamment ceux qui ne sont pas familiarisés avec internet.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Plusieurs de mes collègues l’ont dit, en attendant la signature de la prochaine COG, les acteurs locaux de la politique familiale se posent aujourd’hui de nombreuses questions.
Les CAF s’inquiètent de l’arbitrage exact qui sera rendu en matière d’emplois, alors que leur équilibre charges-moyens est déjà chroniquement précaire, en dépit de l’utilisation permanente de mesures dites « exceptionnelles », comme les heures supplémentaires ou les fermetures d’accueil.
Pouvez-vous nous confirmer, madame la ministre, la création de 700 emplois, dont 500 emplois d’avenir, pour la période 2013-2014, et nous indiquer s’il est exact que les caisses auront, par ailleurs, à en « rendre » 1 500 sur les années 2016 et 2017, ce qui signifierait au final une diminution des moyens en personnels des caisses ?
Vous nous avez assuré à de multiples reprises vouloir soutenir un effort majeur de simplification. Il y a dix ans, le service de la petite enfance d’une commune remplissait un seul document pour le financement de la prestation de service unique, la PSU ; aujourd’hui, il en remplit six. Récemment, chaque caisse a été mobilisée pour faire remonter des propositions concrètes de simplification. Comment les prendrez-vous en compte pour accélérer ce chantier ?
En matière d’action sociale, vous avez annoncé une augmentation de 7,5 % du Fonds national d’action sociale, le FNAS, sur la période de la COG, afin de financer un plan pour la petite enfance et la réforme des rythmes scolaires. Est-il exact que les caisses départementales verraient, dans le même temps, leur dotation d’action locale baisser de 7,5 % à 8 % ? Pourtant, la raison d’être des fonds locaux est de compléter les dispositifs réglementaires pour mieux tenir compte des spécificités locales. C’est particulièrement vrai dans le département du Nord, compte tenu de son hétérogénéité, c’est ce qui avait justifié la mise en place de commissions territoriales.
Vous ne souhaitez pas, madame la ministre, que la diversité devienne disparité. Elle ne doit pas non plus devenir uniformité et recentralisation, ce qui lui ferait perdre tout son sens, toute sa proximité.
Enfin, pouvez-vous nous confirmer que la prochaine COG garantira la continuité du régime de gouvernance aménagée, à travers ses huit commissions territoriales, propre à la CAF du Nord et garante de l’équilibre de ses territoires ? (M. Alain Fouché applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Répondre en deux minutes à ce qui définit l’ensemble de la politique familiale, madame la sénatrice, est un tour de force et je ne sais pas si je parviendrai à le réaliser. J’essaierai néanmoins d’apporter des éléments de réponse, même partiels, aux diverses questions que vous avez posées.
La progression du FNAS est effectivement de 7,5 %. Il est passé, lors de la précédente COG, de 4 milliards à 4,6 milliards d’euros. Il va désormais passer de 4,6 à 6,6 milliards. C’est une augmentation très substantielle. On sait qu’une grande partie de ces fonds bénéficieront à la petite enfance et contribueront donc à aider les collectivités à développer les modes d’accueil des enfants de 0 à 3 ans.
Par ailleurs, deux fonds spécifiques seront créés : un fonds d’accompagnement, pour aider en particulier les communes dont l’établissement de la petite enfance connaît des difficultés de gestion, et un fonds destiné à corriger les inégalités territoriales. Chacun d’eux sera doté de 100 millions d’euros, tandis que 250 millions d’euros seront consacrés à la réforme des rythmes scolaires sous la forme d’un accompagnement financier des collectivités.
Cet effort financier, il faut bien le mesurer, est tout à fait substantiel. À un moment, il faut faire des choix, sans pour autant forcément supprimer des crédits sur d’autres lignes budgétaires, pour renforcer le développement des modes d’accueil et pour recibler l’affectation des fonds vers la correction d’inégalités territoriales jugées insupportables par l’ensemble de nos concitoyens.
S’agissant de la question des effectifs, j’aurai l’occasion d’y revenir ultérieurement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour la réplique.
Mme Valérie Létard. Je remercie Mme la ministre de sa réponse.
Les personnels des caisses ont besoin d’être rassurés sur le maintien des effectifs. Dans le contexte économique actuel, en effet, le public accompagné par les caisses est en augmentation et les personnes en grande difficulté sont de plus en plus nombreuses. Il faudra continuer à les accompagner, notamment au travers de dispositifs d’action sociale très lourds.
Il est vrai que l’enveloppe consacrée à ces dispositifs progresse globalement, mais, vous le savez bien, une partie de celle-ci nécessitera l’accompagnement des collectivités si vous voulez créer, par exemple, des places d’accueil pour la petite enfance et ces contributions auront lieu alors même que l’on réduit les dotations des collectivités locales. Il faudra donc veiller à cet équilibre dans les cofinancements afin qu’ils ne deviennent pas de plus en plus lourds et inaccessibles pour les communes.
Enfin, la partie des fonds d’action sociale qui diminue est justement celle qui permet d’aider les territoires les plus en difficulté, notamment ceux du Nord, à s’adapter à ces réalités, et de les accompagner dans la proximité. N’arrêtons pas cet effort au moment où les communes en ont plus que jamais besoin !
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Madame la ministre, comme partout en France, la charge de travail de la CAF du Tarn a connu, ces dernières années, une forte progression des flux d’activité : le nombre d’allocataires a progressé de 51 %, au même rythme que sur le plan national.
Dans ce contexte de crise économique et sociale, le rôle du service public est évident. Pourtant, les effectifs des caisses continuent de diminuer. Ces dernières ne parviennent plus à faire face aux demandes des allocataires, dont le nombre augmente chaque mois. S’ajoutent à cela les nouvelles missions dont elles ont la charge : depuis 2009, elles gèrent le RSA et le RSA jeunes, en plus de leurs missions traditionnelles.
Je souhaite justement insister sur ce point. Les « indus non intentionnels » liés à la gestion du RSA pèsent sur les CAF. Aujourd’hui, le remboursement de sommes versées à tort concerne un allocataire sur deux, et fait suite à une erreur de l’usager ou de l’organisme payeur. Il s’agit bien d’une erreur, et non d’une fraude !
À la suite de ces dysfonctionnements, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes 2011 de la branche famille. Voilà où peuvent mener les dispositifs complexes ! Ils ne sont pas neutres financièrement et entraînent des coûts de gestion importants.
Ainsi, à moyens constants, les charges de gestion s’alourdissent considérablement.
Malgré les fermetures auxquelles certains accueils de CAF ont dû recourir pour traiter les dossiers en attente, les retards continuent de s’accumuler et deviennent chroniques.
Le recrutement de 1 257 postes autorisé par l’État dans le cadre de la dernière convention 2009-2012, pour faire face à la prise en charge du RSA, n’a pas eu lieu. Pourquoi ?
Dans ce contexte, les négociations qui vont s’engager pour préparer la nouvelle convention d’objectifs et de gestion apparaissent donc de première importance pour assurer la continuité de ce service public en grande difficulté.
Des pistes sont évoquées pour améliorer cette situation : les nouvelles technologies, les simplifications annoncées, notamment concernant le RSA, qui devraient faire gagner du temps sur le travail administratif, ainsi que la mutualisation des moyens. En outre, les orientations de la politique familiale n’apporteront pas de surcharge supplémentaire pour les CAF, dans la mesure où c’est l’évolution du quotient familial qui a été retenue, et non la modulation des allocations familiales selon les revenus.
Cependant, il semble que la seule vraie solution serait de réinjecter des postes dans la branche famille. Cette orientation peut-elle être envisagée, madame la ministre, et dans quelle mesure ? (Mme Gisèle Printz ainsi que MM. Ronan Kerdraon, André Gattolin et Yvon Collin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La question des indus, centrale pour la branche famille, doit être appréhendée de manière globale et inclure les indus, les fraudes et la maîtrise des risques.
À ce titre, plusieurs objectifs sont poursuivis : d’abord, un objectif comptable, avec en point de mire la certification des comptes de la branche famille par la Cour des comptes ; ensuite, un objectif de paiement à bon droit, puisque les allocataires doivent percevoir la prestation qui leur est due.
Vous l’avez souligné, des difficultés subsistent, qu’il est hors de question de nier. Elles sont essentiellement liées à la complexité de certaines prestations ou, plus exactement, à la nécessité d’ajuster très régulièrement le montant de la prestation en fonction de l’évolution des revenus de l’allocataire, ce qui crée le phénomène des indus. Cette prise en compte doit en outre répondre à une injonction paradoxale : payer vite et sans erreur, ce qui est compliqué.
Le RSA, et notamment le RSA activité, illustre cette complexité puisqu’il s’agit d’examiner une déclaration trimestrielle de revenus et, potentiellement, le changement de situation des allocataires qui en bénéficient. Cette obligation de gérer des données fournies par les allocataires et contrôlées sur la base des informations transmises par les services fiscaux est particulièrement lourde et peut engendrer ce problème des indus. Les CAF rencontrent les mêmes difficultés avec les allocations logement.
Le Gouvernement a confié à Christophe Sirugue une mission sur les pistes d’évolution et de simplification du RSA activité. Par ailleurs, une mission IGAS-IGF travaille sur les règles de récupération des indus. Il s’agit effectivement de rechercher des pistes de simplification afin de limiter le poids de ces indus. (Mme Gisèle Printz ainsi que MM. Jean-Pierre Sueur et Jacky Le Menn applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour la réplique, en quelques secondes.
Mme Jacqueline Alquier. Madame la ministre, vous semblez avoir pris la mesure du réel malaise ressenti à la fois par les personnels et par les usagers des caisses d’allocations familiales. Vous promettez des simplifications dans le traitement administratif et sur le plan fiscal, notamment. Tout cela semble de bon augure !
La question des effectifs et des conditions de rémunération des personnels n’a pas été abordée, mais je sais que vous ne l’oubliez pas. Nous vous faisons confiance pour trouver de nouvelles pistes de simplification, que vous avez d’ailleurs évoquées. Vous pouvez compter sur notre soutien. (Mme Gisèle Printz, M. Ronan Kerdraon ainsi que Mmes Éliane Assassi et Annie David applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Vous le savez, madame la ministre, l’emploi est source de grandes préoccupations à la veille de la signature de la future COG. Nous avons en effet appris avec inquiétude que celle-ci pouvait contenir la restitution, par le réseau des CAF, de 1 500 équivalents temps plein en moyenne annuelle d’ici à 2017, date de son échéance.
Autrement dit, la modernisation de l’action publique voulue par le Président de la République ne rompt pas avec la logique de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui a eu pour effet de réduire le nombre d’agents et de dégrader considérablement leurs conditions de travail, avec un accroissement des troubles psychosociaux, ainsi que la qualité du service proposé aux usagers.
La réduction des dépenses, à commencer par celles qui concernent les personnels, demeure le principal levier du Gouvernement pour réduire les déficits.
Les besoins sont pourtant immenses. Dans un article d’un grand quotidien national, Jean-Louis Deroussen, président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales, estime que 70 % des caisses d’allocations familiales sont submergées. À Marseille, il aura fallu que toutes les caisses ferment pendant quinze jours pour absorber une partie du retard accumulé, ce qui a naturellement reporté le délai de traitement des demandes nouvelles.
Dans ce contexte, l’annonce de la suppression de 1 500 postes n’est pas acceptable. Nous avons pris acte de la création éventuelle de 500 emplois d’avenir, mais ces contrats sont par nature temporaires et, compte tenu des exigences de restitution d’emploi, on peut s’attendre à ce qu’ils ne soient pas reconduits, ce qui constituera un double gâchis, pour les caisses et pour les jeunes concernés, qui n’auront aucune perspective professionnelle à moyen terme.
Ma question, madame la ministre, est simple : comment pouvez-vous, dans le cadre de la restitution de 1 500 emplois que vous vous apprêtez à signer, garantir aux agents des caisses d’allocations familiales une amélioration de leurs conditions de travail et aux usagers un haut niveau de service qui leur garantisse un traitement de qualité de leurs dossiers, dans un délai raisonnable ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Gisèle Printz et M. André Gattolin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je remarque que la question des effectifs est récurrente.
Tout d'abord, la convention d'objectifs et de gestion n'étant pas encore signée, il convient de faire attention aux chiffres qui circulent, lesquels ne sont pas nécessairement ceux qui figureront définitivement dans la convention.
Comme je l’ai déclaré devant l'ensemble des directeurs des CAF à Montbéliard vendredi dernier, il peut d'ores et déjà être acté que des effectifs supplémentaires seront affectés au réseau des CAF lors des deux premières années d'application de la convention d'objectifs et de gestion. Le Gouvernement ne reviendra pas sur cet engagement qu'il a pris au cours de la négociation.
Très concrètement, au cours de ces deux premières années, la branche sera autorisée à remplacer les départs en retraite et à recruter des effectifs supplémentaires.
Outre les recrutements classiques, la CNAF va aussi procéder à l'embauche d'au moins 500 emplois d'avenir. Je veux bien que l'on critique ces emplois, mais ils auront quand même une durée de trois ans et permettront véritablement, dans les territoires qui en ont le plus besoin, de mettre le pied à l'étrier de l'emploi à de nombreux jeunes, lesquels peuvent être eux-mêmes les enfants, les frères, les sœurs, les cousins ou les cousines de tout un chacun, y compris des salariés des caisses d'allocations familiales.
J'attire votre attention sur cette volonté clairement exprimée de renforcer les effectifs pour les deux années qui viennent, y compris avec l'embauche d’emplois d’avenir.
Reste posée la question des effectifs dans les années suivantes. J'invite à cet égard M. Deroussen à faire preuve, lui aussi, d’un grand volontarisme dans la poursuite des efforts de simplification et de mutualisation des procédures, afin que nous puissions trouver une meilleure adéquation entre la charge de travail et les effectifs.
M. le président. Veuillez conclure, madame la ministre.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je conclurai sur le cas très spécifique des Bouches-du-Rhône. Prenons garde lorsque nous évoquons des situations particulières. La caisse d’allocations familiales des Bouches-du-Rhône connaît un très grave problème de gouvernance, à tel point que nous avons été obligés de nommer un administrateur provisoire. Quand une caisse rencontre ce genre de problèmes, nous pouvons comprendre qu'elle ait ensuite des problèmes de gestion. (Mme Gisèle Printz et M. Jacky Le Menn applaudissent.)
Mme Éliane Assassi. En Seine-Saint-Denis, c’est pareil !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour la réplique, en quelques secondes, si possible.
Mme Isabelle Pasquet. Certes, le cas de la caisse d'allocations familiales des Bouches-du-Rhône est particulier, mais il s'explique aussi par la situation explosive qui prévaut en termes d'effectifs et de nombre de dossiers à traiter. À un moment donné, il faudra bien trouver une solution pour résoudre ce problème.
Quant à l'expérience de simplification et de dématérialisation des procédures, elle existe aussi à Pôle emploi et n'est pas forcément probante en termes d'efficacité et de qualité des conditions de travail des agents.
Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il me paraît absolument nécessaire, et c’est la position de l’ensemble du groupe CRC, de maintenir les emplois à leur niveau actuel jusqu’à la fin de la COG en 2017.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Madame la ministre, la politique familiale est au cœur de l’actualité.
Vous avez annoncé certes la création de nouvelles places de crèche, mais aussi la réduction de moitié de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, pour 280 000 ménages, une modification concernant les pensions alimentaires non recouvrées et la création d’une allocation de 450 euros pour les jeunes de 18 à 25 ans qui ne sont ni à l’école, ni au travail, ni en formation, sans oublier la baisse du plafond du quotient familial et de la déductibilité pour les emplois à domicile.
Je ne partage pas la plupart de ces choix, mais le but de ma question est de mesurer leurs incidences sur les CAF, qui, pour l’instant, comme l'ont souligné mes collègues, n’ont aucune visibilité quant à leur future convention d’objectifs et de gestion.
Comment peuvent-elles avancer alors qu’elles ne connaissent pas les règles du jeu ?
Le Gouvernement empile des missions supplémentaires. Vous avez répondu à mes collègues qui vous ont interrogé précédemment qu'il y aurait des moyens humains supplémentaires. Sachez toutefois que la charge s’accroît automatiquement avec la précarisation croissante du public, comme c'est le cas dans le Val-de-Marne où, pour désengorger les accueils, on ne pourra bientôt plus passer que par internet.
J'attire votre attention, madame la ministre, et celle de mes collègues, sur le fait que cette tendance va accroître le risque de phishing à l’encontre d’une population d’allocataires de plus en plus fragilisée, qui risque de se faire prendre au piège.
Madame la ministre, j’aimerais savoir si, en matière d’allocations de soutien familial, les CAF auront bien la possibilité de procéder par prélèvement direct auprès des employeurs, comme cela se fait pour les impôts ? Et pourquoi faudrait-il attendre 2016 pour que toutes les mères puissent bénéficier de ce système ?
S’agissant de la future allocation pour les jeunes de 18 à 25 ans en rupture avec leur famille, bizarrement appelée Garantie jeunes, quels moyens les CAF auront-elles pour identifier les bénéficiaires et vérifier ce critère de rupture ? Combien de jeunes sont-ils ciblés ? Cette allocation va forcément engendrer une surcharge de travail. Les CAF que j’ai contactées en région parisienne n’ont aucune information. Comment travaillez-vous en amont avec elles pour ne pas monter une usine à gaz ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Il est toujours difficile de répondre en deux minutes à une question qui cible l'ensemble de la politique familiale, une politique au sein de laquelle, manifestement, rien ne recueille votre assentiment, madame la sénatrice. Jusqu’à présent, toutes les questions, quelle que soit la couleur politique de ceux qui les posaient, portaient sur la manière de mieux faire fonctionner les caisses d'allocations familiales.
Je vous répondrai sur deux points, madame Procaccia.
Le premier point, qui sera aussi une façon de répondre à la question de la dématérialisation, concerne l'accueil des allocataires. Vous avez raison de souligner qu'un certain nombre d'allocataires ne bénéficient pas d'internet. Mais je reviens sur l'exemple de la caisse de Montbéliard, qui a installé au niveau de son accueil tout un service internet, afin que les allocataires qui le souhaitent puissent se former à cet outil. Une fois qu'ils le maîtrisent, ils peuvent venir seuls régler leurs problèmes de dossiers. Ce type de service permet donc in fine un gain de temps pour tout le monde, employés comme allocataires.
Le second point a trait au RSA jeunes, une réforme qui émanait de vos rangs. La complexité du dispositif, qui a peut-être été mal mesurée, empêche de nombreux jeunes d'en profiter. Aujourd'hui, on compte moins de 10 000 bénéficiaires du RSA jeunes et aucun aménagement des conditions d'entrée dans le dispositif n’est prévu.
Le Gouvernement réfléchit donc à une réforme structurelle pour satisfaire les besoins financiers des jeunes de 18 à 25 ans. Comme je l’ai déjà mentionné, Christophe Sirugue est chargé d'élaborer des propositions de réforme du RSA activité et de la prime pour l'emploi, qui ont vocation à inclure les jeunes actifs. Il doit remettre ses conclusions d'ici à quelques jours et nous en tiendrons le plus grand compte, afin d’être le plus efficace possible à l'égard de cette population. (Mme Gisèle Printz ainsi que MM. Jacky Le Menn et Yvon Collin applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Je ne vous parlais pas du RSA jeunes, madame la ministre, mais de la décision du Gouvernement, annoncée par Matignon, de mettre en place à partir du 1er septembre une allocation de 450 euros pour les jeunes en rupture familiale qui ne sont ni en formation ni en emploi.
Cette allocation, dont nous ne sommes nullement à l'origine – c'est le Premier ministre qui a annoncé sa création –, n'a rien à voir avec le RSA jeunes. J'attendais des informations sur ce dispositif, je n'en ai toujours pas.
Vous auriez pu aussi répondre à ma question relative au recouvrement des pensions pour les femmes en charge des enfants, et me dire comment vous comptiez aider les CAF à récupérer cet argent.
Je m'étonne que vous ne m’ayez apporté aucune réponse sur ces deux questions très précises. (Mme Colette Mélot applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Madame la ministre, mon intervention portera sur les préoccupations des gens de mer quant à l’avenir de la caisse maritime d’allocations familiales, ou CMAF.
Cette dernière, née de la fusion, voilà maintenant dix ans, des CAF commerce et pêche, accompagne les familles de marins en versant les prestations familiales ; elle joue également un rôle d’URSSAF.
Cet organisme développe aussi une action adaptée aux spécificités du monde maritime et assure une homogénéité de traitement sur l’ensemble du littoral. Il coopère également avec l’Établissement national des invalides de la marine.
Le territoire breton, dont je suis élu, compte ainsi près de 22 000 bénéficiaires.
Je rappelle que le trépied de la protection sociale du monde maritime est composé de l’Établissement national des invalides de la marine – l’ENIM –, de la caisse maritime et du service social maritime.
Or, à l’heure de la signature de la COG de la branche famille, l’État prévoit de répartir les allocataires dans les caisses d’allocations familiales de chaque département.
Une telle décision, si elle devait se concrétiser, fragiliserait le système de protection sociale du monde maritime, alors même que les orientations des organismes dédiés au monde maritime s’inscrivent pleinement dans une recherche d’efficacité au meilleur coût, par le développement des téléprocédures, la coopération entre les organismes de protection sociale pour faciliter l’accès aux droits, l’accompagnement des publics fragilisés ou encore la simplification des procédures administratives.
La disparition de la caisse maritime constituerait un signal négatif, au moment où la France veut à juste titre développer une politique maritime ambitieuse.
Par ailleurs, elle n’engendrera aucune économie majeure : les frais de personnels, qui représentent 82 % du budget, resteront intégrés dans les budgets de la branche famille – la CMAF ne représente que 0,05 % des coûts de la branche famille.
En revanche, sa disparition ne manquera pas de provoquer un problème de lisibilité pour les familles de marins, avec un risque fort sur les problématiques d’accès aux droits. Elle remettrait aussi en cause, à terme, la spécificité de l’ENIM.
Aussi, madame la ministre, pourriez-vous nous préciser les dispositions que le Gouvernement entend prendre afin non seulement de rassurer les gens de mer, mais aussi de conforter la CMAF dans son rôle essentiel au dispositif social du monde maritime ? (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Madame Procaccia, le projet de loi sur les droits des femmes apportera une réponse à la question de l’allocation de soutien familial, l’ASF, et le rapport de Christophe Sirugue répondra à votre autre question sur les jeunes. Donc, pas d'impatience !
En ce qui concerne la caisse maritime d'allocations familiales, il faut tenir compte des remarques de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur la fusion de la CMAF avec le régime général, auquel elle est déjà liée par convention. La population couverte par la CMAF est en forte décroissance, tout comme le nombre de marins. Elle ne compte que 6 388 allocataires, lorsque la plus petite CAF métropolitaine couvre 17 000 allocataires.
Par ailleurs, compte tenu de sa petite taille, cette caisse affiche un ratio de frais de gestion sur prestations très élevé ; elle ne couvre pas l'ensemble des marins et dispose d'un ancrage territorial réduit puisqu'elle ne possède qu’une caisse à La Rochelle et quatre antennes locales.
Une réflexion est donc menée pour tenir compte à la fois de la particularité de la CMAF, ne pas heurter cette population dont la spécificité doit être totalement reconnue, et de la volonté d’harmonisation, de rapprochement pour que le système soit tout aussi efficace, sur la base d’une intégration des personnels de la CMAF, sur le fait que les prestations légales familiales versées par la CMAF sont identiques à celles qui sont versées par le régime général, et afin de pouvoir bénéficier d’un réseau d’accueil plus important. Mon collègue chargé des transports et moi-même réfléchissons à la meilleure adéquation possible entre le maintien d’une spécificité et la nécessité d’être plus efficace. (MM. Michel Teston, André Gattolin et Yvon Collin applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour la réplique.
M. Ronan Kerdraon. J’ai bien entendu votre réponse, madame la ministre. Je veux simplement rappeler l’attachement de la profession à cette caisse, un attachement récemment réaffirmé par le Conseil supérieur des gens de mer.
Par ailleurs, des réflexions sont en cours en matière de recherches d’optimisation de la structure. Elles concernent le renforcement du partenariat entre l’ENIM et la CMAF, la simplification des démarches administratives, le domaine du recouvrement. Il est aussi question de permettre aux allocataires de la CMAF de bénéficier de toutes les prestations familiales au sein de la caisse, étant rappelé, par exemple, que celle-ci ne verse pas pour l’instant l’aide personnalisée au logement, l’APL. Le travail mené avec le service social maritime sur l’accompagnement des familles est également poursuivi. Grâce au guichet unique, il sera possible d’optimiser l’accès aux droits tout en simplifiant les démarches administratives.
Je soulignerai, pour conclure, que la profession de marin est une profession à risque, que les familles sont relativement isolées et que les marins pêcheurs connaissent une importante fragilité de leur rémunération. Ils sont particulièrement attachés, même uniquement sur les littoraux, à leur caisse spécifique.