M. Jean-Claude Lenoir. Quelle chance !
Mme Françoise Laborde. C’est parce qu’il s’agissait de très bons amendements, monsieur Lenoir ! (Sourires.)
On peut citer, parmi les mesures retenues, la consécration législative de la lutte contre les inégalités territoriales dans les missions du service public de l’éducation, le renforcement de la place des parlementaires au sein du Conseil supérieur des programmes ou les précisions apportées sur la composition du futur institut des hautes études de l’éducation nationale.
Je mentionnerai également l’encadrement de l’extension de l’exception pédagogique permettant d’établir un équilibre entre la préservation des œuvres de l’esprit et la démocratisation du savoir, l’accès des enseignants aux ressources numériques des associations complémentaires ou encore le développement de la promotion de la culture scientifique et technologique.
Le bilan est donc très positif : le texte né d’une large concertation s’est enrichi et a atteint un degré de maturité nous permettant de l’accueillir avec une profonde satisfaction.
Toutefois, la traduction en actes de ces objectifs constitue de nouveaux défis qu’il faudra relever avec succès. Je pense notamment au fonds de soutien en faveur des communes qui accompagne la réforme des rythmes scolaires, sur laquelle les élus seront bien sûr très vigilants afin qu’elle ne se réalise pas au mépris de l’égalité des territoires ; il importe que tous les élèves puissent profiter d’activités périscolaires bénéfiques pour l’apprentissage, avec un personnel formé et compétent.
La pérennisation de ces aides doit être évoquée pour les communes en difficulté et un encadrement efficace des élèves doit être garanti.
Je pense aussi à la formation des professeurs qui constitue la mesure phare de ce projet de loi et dont le contenu doit peut-être encore évoluer.
Ainsi, ce texte confirme incontestablement l’engagement de la nation pour son école, l’orientation qu’elle lui offre pour que la réussite et la réduction des inégalités reprennent place au cœur d’une institution longtemps fragilisée. Il devra être accompagné des moyens nécessaires représentant l’effort le plus pertinent qu’un État peut consentir : l’investissement dans la jeunesse de notre pays.
C’est pourquoi la majorité des membres du RDSE apportera son soutien à ce projet de loi. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame la rapporteur, mes chers collègues, nos travaux touchent à leur fin. Le groupe écologiste votera sans réserve ce texte. Certes, il ne satisfait pas toutes les attentes au regard de l’école que nous appelons de nos vœux en tant qu’écologistes. Néanmoins, sur un grand nombre de valeurs, nous nous retrouvons.
L’école de la bienveillance, l’école inclusive, l’école quel que soit le milieu social, une école où le redoublement est non plus une sanction mais un événement exceptionnel voué à disparaître, une école qui permet d’initier au parcours artistique, une école où l’éducation à la non-violence doit se diffuser, une école de l’écoute, une école avec les parents, avec les enseignants : pour nous, cela va dans le bon sens.
Mme Sophie Primas. Alléluia !
Mme Corinne Bouchoux. Fidèle au principe de laïcité, ce n’est pas une expression que j’utiliserais !
La prise en compte de l’éducation à l’environnement durable va également, selon nous, dans le bon sens.
Pour toutes ces raisons – qui montrent en outre qu’une commission présidée par une écologiste, c’est possible !(Sourires) –, nous voterons en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.
M. René-Paul Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à faire part de la déception que m’inspire cette deuxième lecture, qui était pourtant l’occasion d’apporter, très modestement, quelques améliorations au texte initial.
J’ai le sentiment que les collectivités territoriales n’ont pas bénéficié du traitement qu’elles méritaient.
Un amendement fort pertinent du groupe UMP visant à renforcer la représentation des collectivités locales dans le conseil de l’école n’a pas été adopté. En revanche, lorsqu’il est question de financement, là, on n’hésite pas à se tourner vers les collectivités locales !
Il est dommage également, s’agissant de la réforme des rythmes scolaires, que vous n’ayez pas donné suite à l’amendement consistant à reporter en 2014 les sommes non utilisées pour l’année scolaire 2013-2014 par le fonds en faveur des communes. C’était une avancée et vous auriez adressé un signe fort aux élus, qui font remonter les préoccupations financières de terrain qu’ils connaissent.
À l'article 14 bis, monsieur le ministre, je vous ai interpellé sur la possibilité pour les départements de pratiquer la cohésion sociale au sein même des établissements scolaires dont ils ont la responsabilité. Vous n'avez pas souhaité répondre.
M. Jean-Claude Lenoir. Vous n’êtes pas le seul !
M. René-Paul Savary. Sur la décentralisation, des avancées pratiques étaient possibles. Je pense à l'interpellation fort judicieuse de M. Lenoir,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ne parlez pas d’interpellation, c'est un gros mot !
M. René-Paul Savary. Je corrige : à la question très intéressante de M. Lenoir (Sourires) sur la médecine scolaire, laquelle aurait pu, en matière de prévention, compléter la protection maternelle et infantile assurée par les départements.
Nous avons l’expérience de la décentralisation. Même si le personnel TOS relève de la compétence des départements pour les collèges et de celle des régions pour les lycées et que la pédagogie relève, elle, de l'État, il aurait été possible, en faisant évoluer les responsabilités des gestionnaires, d’harmoniser le dispositif et de trouver des complémentarités entre les différents domaines. Telle n'a pas été votre volonté.
Pour les élèves en situation de handicap, l’intervention des auxiliaires de vie scolaire individualisée, les AVSI, constitue un progrès intéressant. Nous vous avions également proposé d’avancer sur la question du temps périscolaire pour ces élèves, en mutualisant les moyens de prise en charge entre le scolaire et le périscolaire. Il est décevant que vous n'ayez pas saisi la balle au bond.
Au final, lorsqu’on regarde le rapport qualité-prix de cette réforme, le compte n'y est pas ! C'est la raison pour laquelle, personnellement, je ne voterai pas ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mes chers collègues, je serai extrêmement bref, n’ayant rien à ajouter aux propos de ma collègue Françoise Laborde, si ce n’est vous adresser, monsieur le ministre, de chaleureuses félicitations. Vous avez en effet su donner à ce projet de loi le souffle de la laïcité, qui est le socle de la République, et en faire la ligne directrice de ce texte. La restauration de l'école de la République est la tâche la plus noble qui puisse exister pour un gouvernement, quel qu'il soit. C'est peut-être là que se trouve le léger clivage entre la droite et la gauche dans notre République. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jacques-Bernard Magner. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à vous remercier très chaleureusement de ce débat dont j’aimerais tirer quelques conclusions.
D’abord, vous l’avez relevé, par respect pour le Parlement, je n’ai pas demandé l’engagement de la procédure accélérée. Les débats en première lecture et le respect dont l'Assemblée nationale a fait preuve à l’égard du travail approfondi du Sénat ont permis de grandes avancées. Il est assez rare qu’un tel travail en commun avec la représentation parlementaire soit mené sur des projets de loi d'orientation et de programmation.
Le respect du Parlement passe également par le respect de l’accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat pour ne pas modifier de nouveau ce texte. Je remercie les différents groupes qui soutiennent la majorité d'avoir su se rassembler, car ce n'est pas toujours le cas, dans le respect de leur diversité. Cela n’était pas évident pour le groupe CRC.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, si vous aviez défendu des propositions permettant de construire le texte autour de l’idée qui aurait dû tous nous rassembler – la réussite de tous les élèves, sur l'ensemble du territoire, quelle que soit leur classe sociale –, alors il n'y aurait eu aucune difficulté.
Aujourd'hui, la majorité, qui a déjà fourni un travail considérable et qui tenait à respecter l’accord que je viens d’évoquer, vous a largement laissé faire.
Dans les amendements que vous avez proposés, quels sont ceux qui auraient permis d’obtenir des avancées par rapport à la première lecture sur les axes forts suivis par notre pays pour redresser son système éducatif ? Étaient-ce ceux qui concernaient les écoles supérieures du professorat et de l’éducation ? Vous y êtes tous favorables ; parfois vous vous plaignez d'être mal informés, mais vous n’avez jamais cherché à enrichir les dispositions de ce texte.
S’agit-il de la priorité au primaire dont vous regrettez qu’elle ne soit pas mise en œuvre ? Je ne l'ai vu ni sur les postes, ni sur la pédagogie, ni sur la formation des enseignants.
Est-ce vos interventions, même positives, sur la réforme des rythmes scolaires qui vous a tellement occupé cet après-midi et qui ne figure pas dans le texte ? Sur ce sujet, j'ai entendu une nouvelle fois bien des choses très éloignées de la réalité et toujours fondées sur les mêmes arguments.
Vous le savez, en matière d’activités périscolaires, les inégalités sont grandes : le rapport est de un à dix. Pour la première fois, cette réforme permettra de financer les activités périscolaires par des subventions qui intègrent la péréquation ; je pense aux communes les plus pauvres comme Denain ou Mende, qui appliqueront dès la rentrée prochaine la réforme des rythmes scolaires.
Notre objectif, dont ce projet de loi témoigne, est bien d’améliorer la réussite de tous les élèves. Il faut du temps : nous en donnons. Il faut des moyens : nous en donnons aussi.
Je suis prêt à entendre toutes les critiques – et j’ai écouté toutes celles qui m’ont été adressées –, mais non à m’entendre reprocher, comme cela a été fait, de mettre en jeu la réussite des élèves. Je le redis, cette réussite est notre seul but, y compris lorsque nous mettons en œuvre la réforme des rythmes scolaires.
Monsieur le président du conseil général, cher René-Paul Savary, lorsque l’on est passé à la semaine de quatre jours et qu’il a fallu réorganiser les transports scolaires entre le primaire et le collège, il ne m’a pas semblé que l’argent a été redirigé vers la réussite des élèves. (M. René-Paul Savary s’exclame.)
J'ai vu ce qui s’est passé : la disparition de la formation et la suppression de 80 000 postes n’ont été un progrès ni pour les élèves ni pour les enseignants.
Ce que je retiens de notre débat, c'est que la gauche a, comme toujours, porté très haut l’exigence éducative, et je pense à mes grands prédécesseurs. Si vous étiez restés aux responsabilités, l'école de la République serait aujourd'hui encore plus abîmée qu'elle ne l'était il y a un an lorsque je suis devenu ministre de l’éducation nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Je souhaite que notre travail de refondation se poursuive, et ce dans l'intérêt non pas d'un camp, mais des élèves. Une fois de plus, la droite n'a pas été présente au rendez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Leleux. On verra les résultats !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 282 :
Nombre de votants | 347 |
Nombre de suffrages exprimés | 347 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 171 |
Le Sénat a adopté définitivement le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
11
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé d’avancer la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable à neuf heures trente, le jeudi 27 juin 2013.
Par ailleurs, il a demandé l’inscription à l’ordre du jour du mardi 2 juillet 2013, le soir, de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales, présentée par M. Jean-Pierre Sueur.
En conséquence, l’ordre du jour des séances des jeudi 27 juin et mardi 2 juillet 2013 s’établit comme suit :
Jeudi 27 juin 2013 (jour supplémentaire de séance)
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable (n° 662, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire, avant le mercredi 26 juin, à dix-sept heures.)
2°) Suite éventuelle de la deuxième lecture du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
De 15 heures à 15 heures 45 :
3°) Questions cribles thématiques sur la situation des caisses d’allocations familiales
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
4°) Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin
5°) Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la représentation des Français établis hors de France (n° 684, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 26 juin, à dix-sept heures ;
- au mercredi 26 juin, à dix-sept heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le jeudi 27 juin, à neuf heures trente.)
SESSION EXTRAORDINAIRE 2012-2013
Mardi 2 juillet 2013
À 14 heures 30 :
1°) Ouverture de la session extraordinaire 2012-2013
2°) Discours de M. le Président du Sénat
3°) Débat sur la réforme de la politique agricole commune (PAC)
(La conférence des présidents a décidé d’attribuer, à la suite de l’intervention liminaire du Gouvernement de quinze minutes, un temps d’intervention d’une heure aux orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe et de quinze minutes aux représentants du groupe de travail sur la réforme de la politique agricole commune ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1er juillet, à dix-sept heures.
À la suite de la réponse du Gouvernement, les sénateurs pourront, pendant une heure, prendre la parole (deux minutes maximum) dans le cadre d’un débat spontané et interactif comprenant la possibilité d’une réponse du Gouvernement.)
4°) Projet de loi portant application du protocole additionnel à l’accord entre la France, la Communauté européenne de l’énergie atomique et l’Agence internationale de l’énergie atomique relatif à l’application de garanties en France, signé à Vienne le 22 septembre 1998 (texte de la commission, n° 622 rectifié, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1er juillet, à dix-sept heures.
La commission des affaires étrangères se réunira pour examiner les amendements le mercredi 26 juin, à quinze heures trente.)
5°) Projet de loi autorisant l’approbation des amendements des annexes II et III à la convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est relatifs au stockage des flux de dioxyde de carbone dans des structures géologiques (texte de la commission n° 471, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1er juillet, à dix-sept heures.)
Le soir :
6°) Suite éventuelle de l’ordre du jour de l’après-midi
7°) Proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (texte de la commission n° 631, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 1er juillet, à dix-sept heures.)
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
12
Débat sur le bilan annuel de l'application des lois
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le bilan annuel de l’application des lois, organisé à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Mes chers collègues, au moment d’entamer ce débat, je voudrais me réjouir avec vous de ce rendez-vous annuel, désormais bien inscrit dans notre paysage institutionnel.
Je rappellerai que le Sénat fut précurseur en la matière puisque c’est lui qui a institué, dès 1972, un dispositif permettant aux commissions de suivre la publication des textes d’application des lois, possibilité ensuite élargie à l’ensemble des citoyens grâce au site Internet du Sénat.
Ce dispositif a depuis été profondément modernisé et dynamisé avec la mise en place, début 2012, de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Sous la présidence active de notre collègue David Assouline et en association étroite avec les commissions permanentes, la commission a déjà présenté dix rapports d’information, tous de très grande qualité, qui trouvent leur point d’orgue avec le rapport annuel sur l’application des lois.
Au-delà des clivages politiques, les binômes formés de sénateurs de la majorité et de l’opposition ont travaillé avec le souci de développer une évaluation qualitative de l’application des lois, application indispensable à la mise en œuvre concrète des textes que nous votons.
Je ne doute pas que le débat qui s’ouvre sera rempli d’enseignements, pour nous comme pour le Gouvernement, et je remercie par avance M. le ministre chargé des relations avec le Parlement des réponses qu’il apportera à nos observations sur des sujets qui préoccupent légitimement nos concitoyens.
La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour la discussion du bilan annuel de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Cet exercice n’a rien de formel. Au contraire, je le considère comme l'un des temps forts de l’activité de contrôle du Sénat.
En effet, en présence du Gouvernement et des présidents des sept commissions permanentes du Sénat, ce débat nous donne l’occasion d’une réflexion d’ensemble sur l’application des lois, thème auquel le Sénat accorde une grande attention depuis plus de quarante ans, comme vient de le rappeler M. le président.
Aujourd’hui, le Parlement ne peut plus se contenter de voter des lois. Chacun en est conscient, nous devons aussi contrôler la manière dont ces lois s’appliquent et vérifier si elles répondent vraiment aux attentes de nos concitoyens. C’est un enjeu de démocratie, c'est une question de crédibilité de l’action publique et de confiance dans l’institution parlementaire et, comme vous le savez tous, c'est une œuvre particulièrement indispensable dans la période que nous traversons.
En outre – je l’ai souvent souligné à cette tribune –, je vois une forte logique de continuité entre la fonction de contrôle et la fonction législative. En faisant le bilan des régimes existants, nous sommes conduits à identifier leurs faiblesses ou leurs lacunes et à envisager les améliorations nécessaires pour tendre vers ce que j’appellerai un travail législatif efficace – d'autres parlent de « rendement législatif ».
Contrôler plus pour légiférer mieux : voilà, en quelque sorte, la maxime qui pourrait résumer la philosophie de cette commission depuis sa mise en place, en 2012.
À ce propos, je tiens à souligner le précieux concours que nous apportent, depuis le début, les commissions permanentes, le Gouvernement – en particulier le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui anime la procédure législative et l’écriture des décrets d’application – et le secrétariat général du Gouvernement, dont il est en quelque sorte le bras armé pour ces questions d’application des lois.
J’en viens au bilan annuel. Mes chers collègues, vous avez pu constater que le rapport ne ressemble pas tout à fait à celui des années précédentes. Bien entendu, vous y retrouvez les grands indicateurs habituels de l’application des lois. J’ai toutefois jugé important d’y évoquer aussi plusieurs perspectives nouvelles qui, à terme, devraient faciliter l’exercice de cette mission de contrôle et rendre l’environnement normatif plus performant, plus simple et plus accessible à tous.
Je commencerai par les statistiques. Je vous indique d’abord que, cette année, nous avons méthodiquement recoupé nos chiffres avec ceux du secrétariat général du Gouvernement, pour constater que nos décomptes respectifs aboutissaient à des résultats d’ensemble convergents. C’était une précaution indispensable pour prévenir toute controverse inutile sur les statistiques, comme cela a pu avoir lieu par le passé.
Je précise ensuite que le rapport couvre une période allant du 14 juillet 2011 au 30 septembre 2012. Nous avons retenu ces bornes en coordination avec le secrétariat général du Gouvernement pour mesurer correctement l’incidence du changement de gouvernement et de législature survenu à la suite des élections de mai et juin 2012.
Toute polémique mise à part, nous ne pouvions faire abstraction de la chronologie des mandatures depuis 2007. En effet, à partir de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, le gouvernement de François Fillon n’a eu à mettre en application que des lois issues de lui-même ou héritées des gouvernements Raffarin et Villepin, c'est-à-dire des textes issus tous de la droite.
En 2012, au contraire, la situation a été moins confortable, car l’actuel Gouvernement a dû mettre en application les lois de l’ancienne majorité et ses propres textes.
Sous le bénéfice de ce double rappel, il est possible d’examiner la mise en application des lois cette année.
Mon premier constat est que les chiffres de 2011-2012 marquent une amélioration par rapport aux exercices précédents, aussi bien en valeur absolue qu’en termes de délais de parution des décrets d’application.
L’application des lois a été une priorité forte du Gouvernement : dès son entrée en fonction, il a confirmé l’objectif énoncé en 2008 – mais rarement respecté jusque-là – de faire paraître dans un délai maximum de six mois les décrets d’application de toute loi nouvelle.
Vous trouverez le détail des chiffres dans mon rapport ; retenons simplement que le taux global de mise en application des mesures législatives adoptées durant la session 2011-2012 atteint 66 %, pourcentage supérieur de deux points à celui de la session précédente, qui, avec 64 %, était déjà un bon résultat. Certes, avec seulement deux points de différence, d’aucuns voudront conclure à une stagnation, mais ne nous y trompons pas : sans être artificiel, le taux de l’an dernier s'explique en réalité par un effet de calendrier.
Depuis de nombreuses années, le taux d'application avait plafonné entre 30 % et 40 %, si bien que, en 2010-2011, il n’a pu enregistrer un brutal gonflement – pour atteindre 64 % – au seul motif que de vrais efforts avaient été engagés par le secrétariat général du Gouvernement et par le ministre des relations avec le Parlement. Ce ressaut s'explique surtout par le fait que, dans les derniers mois avant les élections, le gouvernement Fillon a redoublé d'effort pour que toutes les lois de la mandature soient mises en application. Ce gonflement ne reflète donc pas une tendance de fond qui caractériserait la précédente législature.
Dès la première année de son action, le Gouvernement actuel a dépassé le meilleur taux atteint par le précédent gouvernement. Cela mérite d'être souligné et nous espérons que ce nouveau rythme sera tenu.
En tout cas, nous constatons actuellement que la pression a été maintenue et que presque 90 % des lois de la session 2011-2012 sont aujourd’hui partiellement ou totalement appliquées.
Pour les textes de la XIVe législature, c’est-à-dire ceux de l’actuelle majorité, les premières statistiques confirment la tendance : plus de 80 % des lois sont déjà partiellement ou totalement en application, alors même que le délai de six mois n’est pas encore expiré.
Un autre élément positif se dégage : le taux et les délais de mise en application des textes d’initiative parlementaire – propositions de loi et amendements – sont à peu près du même ordre que pour les lois d’origine gouvernementale. Cela n’a pas toujours été le cas : le gouvernement précédent était moins diligent à faire appliquer les textes qui venaient du Parlement.
Je regrette simplement que le Gouvernement ait montré plus d’empressement pour les textes de l’Assemblée nationale que pour ceux du Sénat. Si le taux est le même pour les textes issus du Gouvernement et ceux dont le Parlement est à l'origine, un déséquilibre demeure entre les lois issues de l’Assemblée nationale et celles qui émanent du Sénat. Il se trouve que nous sommes au Sénat ; nous insisterons donc sur cette situation jusqu'à l'obtention d'une parfaite égalité de traitement.
En revanche, l’application des lois votées après engagement de la procédure accélérée révèle un paradoxe. Si une telle décision est prise par le Gouvernement, c’est qu’il faut aller vite. Mais pourquoi imposer au Parlement un examen en urgence pour un si grand nombre de projets, s’il faut souvent attendre plusieurs mois la publication des décrets d’application ? Le taux d'application des lois votées selon cette procédure n’est en effet pas meilleur que pour les autres lois. C’est un problème que nous soulevons.
Cette urgence à deux vitesses peut paraître choquante, même si je peux comprendre que les procédures d’élaboration des décrets imposent des cadences et des consultations impossibles à court-circuiter. Néanmoins, si l'on trouve le moyen d'accélérer le travail parlementaire, on doit pouvoir accélérer aussi le travail de l'administration.
Pour conclure sur les chiffres de l’année, la situation marque une amélioration réelle par rapport aux années précédentes. Je crois légitime d’en donner acte au Gouvernement, même si nous sommes encore loin d’atteindre le taux de 100 %. On me rétorquera que 100 %, c'est la perfection… Mais il s’agit ici des lois et toutes doivent trouver application ! Nous continuerons donc à nous battre pour cet objectif.
Le deuxième constat concerne le rattrapage des retards antérieurs. Sur ce point, je serai plus nuancé. L’objectivité force à reconnaître que l’on avance à un rythme plus médiocre et que l'on se trouve même, parfois, totalement bloqué… Il est difficile de demander à un gouvernement d’établir des priorités, d'accélérer et de mettre son énergie dans la publication de décrets de lois votées sous une précédente législature. Même en 2007, on ne s’est pas empressé d'appliquer les lois précédentes, alors qu’il s'agissait globalement de la même majorité ; il est vrai que le nouveau Président de la République avait d'autres priorités…
Pour les lois héritées de la précédente majorité parlementaire, entre les mois de juin 2007 et de juin 2012, l’actuel Gouvernement a publié cinquante règlements ou rapports, soit la moitié des textes attendus. Sans chercher aucunement à polémiquer, je précise que c'était pire après 2007 pour les lois antérieures à 2007…
Aujourd'hui, l’apurement des lois antérieures à 2007 ne marque aucun progrès significatif par rapport aux sessions précédentes. Devons-nous nous résigner à ce qu’une loi qui n’est pas mise en application rapidement après son adoption soit, à la longue, condamnée à ne jamais l’être ?
Je n’engagerai pas ce débat ce soir. Il n’en demeure pas moins que cela reste un sujet de préoccupation pour la commission que je préside, comme en témoigne mon rapport.
Le troisième constat porte sur les rapports que le Gouvernement est tenu de remettre au Parlement. Sur ce point également, la situation n’est guère satisfaisante, même si elle n’est pas nouvelle.
Comme chaque année, nous observons moins de diligence dans la production des rapports que dans la publication des décrets, malgré les rappels quasi incantatoires du Parlement.
Une statistique annuelle n’aurait pas grand sens, mais, si l’on considère la totalité des lois adoptées depuis 1980, le Parlement aurait dû se voir remettre plus de 500 rapports. Or il n’en a reçu que 245, soit un taux global inférieur à 50 %.
Cependant, comme l’ont souligné à juste titre plusieurs membres de la commission, n’avons-nous pas une part de responsabilité, en tant que parlementaires, dans cette situation ? Le Parlement ne demande-t-il pas trop de rapports ?