Mme Hélène Lipietz. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, je souhaiterais avant toute chose saluer le travail de notre assemblée, de nos commissions, en particulier du rapporteur de la commission des lois, qui travaille d’arrache-pied depuis plusieurs semaines sur ce texte en collaboration avec les services du Sénat. Je salue également M. le président de la commission des lois, qui a su faire preuve de sérénité en toutes circonstances.
Je me suis demandé pourquoi ma métaphore « jupe-culottesque » fut tant reprise par les journalistes, sur les quatre heures que dura notre discussion générale. En fait, rien ne les intéresse dans ces débats et les citoyens n’y comprennent que peu de choses. Nous prononçons des discours de spécialistes, entre initiés.
Nous, écologistes, regrettons l’absence de discussion concernant la métropole du Grand Paris. Nous n’étions pas favorables au texte qui nous avait été proposé par le Gouvernement, mais, comme d’autres groupes, nous avions déposé une série d’amendements qui auraient permis de l’améliorer et, surtout, de débattre. Je vous rappelle que nous sommes dans un parlement et que nous devons parler, nous devons nous parler. Nous y sommes parvenus pour la métropole de Marseille. Si nous n’avions pas supprimé ab initio le premier article relatif à la métropole de Paris, nous aurions peut-être pu également discuter.
Je suis curieuse de voir le chemin que va suivre ce texte au cours de la navette parlementaire, d’autant plus curieuse que, depuis dix jours, il ne s’agit plus d’un projet de loi gouvernemental mais d’une proposition sénatoriale. Tous les sénateurs ont pu apporter leur pierre à ce texte – certains plus que d’autres –, si bien qu’il ne ressemble plus guère à celui que le Gouvernement nous avait soumis initialement.
À cet égard, je voudrais féliciter nos deux ministres. Après de longs mois de préparation durant lesquels elles ont patiemment écouté tous les acteurs, toutes les associations d’élus, les syndicats, les fédérations, elles ont vu leur texte subir un détricotage puis une reconstruction rarement observés. Néanmoins, elles ont abordé ce débat avec courage, sachant à quel point il serait long, complexe, émaillé de rebondissements. Je tiens d’ailleurs à faire remarquer que, nous, écologistes, avons parfois été les seuls à les soutenir.
Bien entendu, ce texte n’est pas parfait. Il ne nous convient pas encore, car le scrutin direct – a minima pour cette collectivité de plein exercice qu’est la métropole de Lyon – n’est pas au rendez-vous. Le débat électoral et le choix des citoyens lyonnais en 2014 vont donc se réduire à un cadre municipal. Il est pourtant crucial de susciter les débats autour des projets métropolitains. La métropole doit être perçue comme le lieu où se prennent les décisions touchant à la vie quotidienne de demain.
Nous ne souhaitions pas voir le texte initial du Gouvernement repartir vers l’Assemblée nationale en l’état. Il était pourtant, à plusieurs égards, préférable à celui qui va sortir de notre assemblée. Nous regrettons par exemple la disparition du pacte de gouvernance territoriale.
Certes, nous sommes quelque peu consolés par des avancées comme celles concernant les délégations de compétences de l’État ou les d’amendements relatifs à l’écologie : la définition écologiste des pôles métropolitains, l’Agenda 21 régional ou le rôle de chef de file de la région en matière de biodiversité et de transition énergétique. Nous apprécions également que les conseils de développement métropolitain ainsi que la renaissance des pays sous une autre forme aient été votés.
Dans l’attente d’avancées encore plus significatives, notamment démocratiques pour la métropole de Lyon, lors du débat à l’Assemblée nationale, les écologistes s’abstiendront. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé.
M. Edmond Hervé. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, permettez-moi d’exprimer un sentiment très personnel : j’ai pris beaucoup d’intérêt aux échanges qui ont eu lieu ces derniers jours ; je suis également très heureux, comme une majorité d’entre nous, des conclusions auxquelles nous sommes parvenus. C’est pourquoi je veux à mon tour remercier et féliciter le président de la commission des lois, les rapporteurs pour avis, le rapporteur, tous ceux qui ont participé à ces débats et, bien évidemment, Mmes les ministres.
Ce texte, il faut le dire, est particulier : il ne réalise pas de transferts, contrairement aux précédents textes, il appelle à une mobilisation. De surcroît, il est examiné dans un contexte de crise économique et de déficit de nos comptes publics. C’est la raison pour laquelle le Président de la République et vous-mêmes, mesdames les ministres, avez eu raison de parler de « nouvelle étape de la décentralisation ».
Je ferai trois observations.
La première est de nature institutionnelle.
Nous parlons beaucoup de consultation. C’est une procédure à laquelle je suis favorable, mais je ne crois pas au respect intransigeant d’une nouvelle clause de consultation permanente : je crois au débat et à la délibération. À cet égard, il est important que nous rendions hommage à l’institution sénatoriale, car c’est de manière publique et transparente que se prennent ici les décisions. Lorsque l’on est attaché à la démocratie, il est important d’avoir des institutions qui fonctionnent bien. Je souhaitais le réaffirmer !
Dans le cadre du bicamérisme, la navette va prospérer. Reste que ce n’est pas parce que ce texte va être transmis à l’Assemblée nationale que nous ne devons pas chercher à voir comment l’enrichir, indépendamment des apports des députés.
Ma deuxième observation porte sur l’aspect normatif.
Je suis très heureux de la partie du texte consacrée à la métropole de Lyon et de celle relative aux métropoles. Quant au cas de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, je souhaite que nous fassions preuve d’objectivité.
Nous sommes tous attachés à cette partie de la France ; elle a une histoire et elle a un projet tout à fait exceptionnel. Il n’existe d’ailleurs pas de ville ou de métropole sans projet, sans défi. Toutefois, je ne voudrais pas que ceux de nos collègues qui ne se reconnaissent pas dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence affirment que ce texte a été imposé par le Gouvernement. Nous l’avons voté en notre âme et conscience, fort de notre expérience. Il est important que cela soit dit et que l’on ne s’enferme pas dans le ressentiment.
Mes chers collègues, n’hésitez pas à aller voir ce qu’il s’est passé dans les autres métropoles, dans les autres communautés.
M. Louis Nègre. Oui !
M. Edmond Hervé. Leur mise en place a parfois été extrêmement difficile. En outre, le système communautaire et le système municipal sont totalement différents. La communauté, quelle qu’elle soit, ne fonctionne que si l’on recherche le consensus. Le fait que tous les maires y soient présents est un élément positif.
Ne désespérez pas, et faites vivre cette institution : elle vous concerne, comme elle concerne la France tout entière. Voilà notre responsabilité !
Paris est un acte un peu manqué.
Mme Catherine Procaccia. Un acte réfléchi !
M. Edmond Hervé. Je suis persuadé que nos collègues parisiens sauront profiter du temps de la navette pour trouver des éléments supplémentaires.
M. Christian Cambon. Il faudra faire des efforts !
M. Edmond Hervé. Enfin, à l’instar de Mme Gourault, je voudrais rappeler votre franchise, votre liberté d’expression, votre efficacité, votre conviction, mesdames les ministres. Cela ne peut que faciliter le chemin qui est devant vous.
Ma dernière observation est d’ordre prospectif.
M. le Président de la République a parlé d’un pacte de confiance et de solidarité. Je souhaite que ce pacte soit conclu et qu’il vive. Je suis donc très heureux que le Premier ministre ait installé sans attendre, le 13 mars dernier, le Haut Conseil des territoires.
Un pacte, ce n’est pas une annonce unilatérale ! Pour ma part, je ne me satisfais pas de la diminution des crédits de 1,5 milliard d’euros. C’est un élément du pacte et, même s’il y en a d’autres, nous devons négocier, dans un esprit de responsabilité. En tout cas, soyez assurées de mon optimisme actif et national. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Samia Ghali.
Mme Samia Ghali. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, Marseille est une grande et belle ville qui a beaucoup d’atouts. Pourtant, vous avez décidé d’imposer la création d’une métropole à l’ensemble des maires des Bouches-du-Rhône – 109 sur 119 ! – et à une grande partie des conseillers municipaux de Marseille.
Ma position n’a pas varié depuis le début de la discussion du projet de loi. Je dirai même qu’elle s’est renforcée quand j’ai vu la manière dont on traitait Marseille : les 20 millions d’euros qui étaient programmés ne le sont plus. Il n’y a pas eu d’avancées. Nous devons donc prendre notre destin en main, et quand je dis notre destin, je pense non pas au mien, mais à celui des Marseillaises et des Marseillais qui m’ont fait confiance et qui m’ont confié le mandat que j’exerce.
Je comprends que Lyon ait suivi une autre voie, mais Lyon avait avancé autrement, s’était développée d’une autre manière. Elle n’a pas pris de retard, contrairement à Marseille, qui, depuis trente ans, accuse un retard important en matière de transports, d’infrastructures…
M. Michel Mercier. Pourquoi ?
Mme Samia Ghali. Tout simplement parce que les politiques qui ont été menées, qu’elles soient de droite ou de gauche, ont été catastrophiques pour la ville. Quant à l’État, il n’a malheureusement jamais regardé Marseille comme il regardait les autres villes de France.
Si nous avions avancé plus vite en matière de transports, d’économie, d’infrastructures, nous serions prêts aujourd'hui à accepter une métropole. Mais la création d’une métropole ne suffira pas à résoudre les problèmes de Marseille – nous en avons aujourd’hui la preuve –, et c’est bien mal connaître cette ville que de penser le contraire.
Je ne suis pas opposée par principe à la création d’une métropole, mais le besoin premier de Marseille, c’est que l’État lui accorde des moyens, qu’il lui donne la main.
L’État a promis 30 milliards d'euros à Paris.
Paris a bien de la chance : elle va recevoir 30 milliards d'euros et, en plus, elle refuse la métropole… J’ai écrit au Premier ministre pour lui réclamer non pas 30 milliards d'euros, mais seulement 10 % de ce que recevra Paris, c'est-à-dire 3 milliards d'euros. Avec une telle somme, Marseille pourrait rattraper tout le retard qu’elle a pris en matière de transport, ce qui permettrait aux Marseillaises et aux Marseillais de se déplacer à l’extérieur de leur ville.
Monsieur le président de la commission des lois, je vous remercie du travail que vous avez fait, de votre dévouement pour les maires. Si je le dis, c’est parce que c’est ainsi qu’ils ont perçu votre action.
M. Jean-Noël Guérini. C’est vrai !
Mme Samia Ghali. Vous nous avez entendus, mais pas sur tous les sujets. J’espère que votre position évoluera d’ici à la deuxième lecture. J’espère aussi que l’État acceptera la contractualisation et de donner des moyens à Marseille.
En attendant, il est pour moi hors de question de voter un texte qui ne répond pas aux attentes des Marseillaises et des Marseillais. Ceux qui auront voté le projet de loi dans sa rédaction actuelle en porteront la responsabilité lorsqu’ils se présenteront devant les électeurs marseillais. Je saurai alors dénoncer avec force leur position.
Mes chers collègues, je souhaite que l’État tende réellement la main à Marseille. J’espère être entendue, pas pour moi, mais pour les Marseillaises et les Marseillais, qui, au-delà des paroles et des promesses, attendent des actes. C’est pourquoi je ne peux ce soir signer un chèque en blanc au Gouvernement. La métropole qui nous est proposée est une coquille vide. Si, comme je le souhaite, elle venait à se remplir dans les semaines qui viennent, croyez-moi, je voterai alors le texte avec plaisir. (MM. Jean-Noël Guérini et Roland Povinelli ainsi que Mlle Sophie Joissains applaudissent. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Messieurs les rapporteurs, à défaut d’être original, je serai sincère : je vous remercie du travail que vous avez accompli ; nous l’avons beaucoup apprécié.
Mesdames les ministres, nous avons, à l’UMP, été touchés par la solitude dans laquelle vous vous êtes parfois trouvées lorsque vous défendiez des amendements qui ne rencontraient pas un grand écho auprès de votre majorité. Le dire, c’est simplement vous témoigner que nous n’avons finalement pas un si mauvais fond. (Sourires.)
C’est avec une grande attention que j’ai suivi, depuis son commencement, la discussion de ce projet de loi. D’abord, parce que ce texte m’intéressait, comme tous nos collègues. Je l’ai donc examiné avec curiosité, mais parfois aussi avec méfiance.
Je partage sans réserve l’appréciation de notre collègue Edmond Hervé. Il a exprimé les sentiments que notre débat m’inspire, la manière dont nous avons examiné ce texte et la façon dont nous entendons travailler sur le terrain. J’y vois la preuve que, au-delà des clivages politiques, nous pouvons nous retrouver sur la meilleure façon de développer nos territoires.
Le projet de loi comporte des aspects positifs. Je ne les énumérerai pas, car ils ont déjà été évoqués. J’insisterai simplement sur la réintroduction de la clause générale de compétence, qui constitue plutôt une bonne nouvelle, même si je ne me fais pas beaucoup d’illusion. Il ne suffit pas d’avoir des compétences très larges, encore faut-il avoir les moyens de les assumer. J’ajoute, même si cela peut sembler anecdotique, qu’il me paraît intéressant d’avoir rendu aux communes des compétences en matière de tourisme.
Une autre initiative importante, qui a d’ailleurs donné lieu à un large débat, est d’avoir confié le développement du numérique non pas aux régions, mais aux départements. Ces derniers travaillent en effet au plus près du terrain et, en outre, nombre d’entre eux ont d’ores et déjà engagé des programmes importants pour développer l’accès au numérique et au très haut débit dans nos territoires.
Nous avons assisté, souvent en qualité d’observateurs, à un débat extrêmement riche et très fécond sur la situation de Lyon. Les heures que nous y avons consacrées méritent de figurer parmi les grands moments qu’il nous a été donné de vivre dans la Haute Assemblée. Le fait de constater un large consensus entre des représentants des différentes collectivités, toutes sensibilités confondues, nous a, je le dis comme je le pense, beaucoup impressionnés.
Je me réjouis également que nous ayons pu répondre aux demandes concernant les métropoles, notamment celle de Marseille. Sachez que j’apporte mon soutien le plus amical et le plus affectueux à Jean-Claude Gaudin dans les travaux qu’il a menés avec beaucoup de courage et de détermination.
Au-delà de ces points positifs, qui auraient pu m’amener à voter ce texte, d’autres aspects vont finalement me conduire à m’abstenir, comme nombre de nos collègues.
Je représente un département rural, et j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises d’exprimer mes inquiétudes et mes préoccupations. Je m’adresse en cet instant à tous nos collègues qui estiment qu’ici, au Sénat, nous devons défendre les territoires ruraux.
J’ai vu des tentations, et même observé des tentatives, pour que la solidarité s’organise au sein des territoires riches, développés, peuplés et parfois, je l’ai perçu, au détriment des territoires ruraux qui les entourent. C’est pourquoi je suis intervenu avec force sur le sujet, quelquefois aux côtés de collègues d’autres groupes qui avaient déposé des amendements portant sur le développement des réseaux d’énergie, d’électricité, de gaz. On voit bien qu’une vraie menace pèse sur la notion de solidarité, comme l’illustrent les dispositions qui ont été prises en matière de péréquation tarifaire.
Cette menace me conduit à être d’une extrême vigilance et à interpeller l’ensemble de la classe politique : on ne peut pas concevoir que la France ne se développe qu’à partir de ses métropoles. Le territoire rural est riche d’initiatives, de personnes particulièrement dynamiques. Nous devons les écouter, faire en sorte que les textes que nous votons ne compromettent pas leurs efforts. Certes, la création de pôles ruraux est de nature à répondre à certaines préoccupations, mais encore faut-il savoir ce que l’on y mettra, tant à l’intérieur qu’en surface. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Mes chers collègues, c’est pour exprimer avec force mes inquiétudes que je m’abstiendrai sur ce texte, tout en souhaitant que certaines de ses dispositions puissent prospérer. (M. le président de la commission des lois applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Après ces fleurs, voici quelques épines… En effet, au terme de cette discussion, force est de constater que le grand échec de ce texte concerne notre région d’Île-de-France.
Mesdames les ministres, les articles qui portaient le dispositif proposé par le Gouvernement pour la région capitale ont été supprimés. En effet, face à la désinvolture affichée à l’égard des élus franciliens, il nous était impossible, sur nombre de ces travées, de soutenir vos propositions.
Vous avez cru pouvoir imposer aux communes, aux départements et aux intercommunalités existantes des intercommunalités factices de 200 000 habitants, voire de 300 000 habitants, sans aucun lien avec la réalité du terrain. Comment est-il concevable, pour le maire d’une ville de 20 000, 30 000 ou 50 000 habitants, de se voir imposer des opérations d’urbanisme ou d’aménagement de l’espace par un conseil d’agglomération regroupant des dizaines de communes ne connaissant même pas le territoire ?
Vous avez cru pouvoir laisser à l’exécutif le soin de procéder à la constitution de ces nouvelles intercommunalités factices en fonction de critères qui nous sont apparus pour le moins subjectifs.
Vous avez cru pouvoir ignorer le lent travail des intercommunalités, qui a permis de rassembler de nombreuses communes au sein des départements franciliens.
Nos communes, vous le savez, ont toutes un poids démographique, une histoire, des coopérations qui méritaient sans doute d’être mieux respectés. Leurs compétences intercommunales, obligatoires ou choisies, ont émergé à travers un long travail qui a souvent associé les populations. Avec ce projet, sans doute aviez-vous l’intention de réduire tout ce travail à néant… C’est du moins ainsi que nous l’avons perçu.
Les plus grands syndicats de communes franciliens, tels le Syndicat des eaux d’Île-de-France, le SEDIF, ou le Syndicat intercommunal pour le gaz et l’électricité en Île-de-France, le SIGEIF, qui ont une histoire presque centenaire, ont porté tous les efforts d’investissements en matière d’assainissement, de développement des réseaux de gaz et d’électricité, d’aménagement du territoire. Pourtant, ils ont été considérés comme quantités négligeables et ils l’ont ressenti, la semaine dernière encore, comme une véritable provocation.
En vérité, sous prétexte qu’il s’agit d’une région de plus de 11 millions d’habitants et que, dès lors, on pouvait la livrer aux fantasmes des technocrates, vous avez oublié une règle d’or : une coopération intercommunale, c’est d’abord une volonté conjointe d’avancer ensemble, dans le respect de la liberté de chaque commune de travailler avec les voisins qu’elle se choisit.
Vous auriez pu procéder autrement. Le dialogue voulu par le maire de Lyon et par le président du conseil général du Rhône en est un bon exemple. Grands connaisseurs de ces terroirs, de ces territoires urbains, ils ont bien vu que le rôle des maires dans une métropole doit être compris, respecté et privilégié. Ils ont négocié, pour ne pas dire imposé, un dispositif intercommunal que nous approuvons. Nous regrettons que celui-ci n’ait pas servi d’exemple à l’Île-de-France. Mais, manifestement, telle n’est pas la culture de M. le maire de Paris !
En ce qui concerne Marseille, des avancées ont été consenties. Je pense notamment à la présence des maires dans le conseil de la métropole, qui, même si elle ne donne pas totalement satisfaction aux maires des communes voisines, va néanmoins dans le bon sens.
Mesdames les ministres, en prévision de la deuxième lecture de ce texte, nous vous encourageons à revoir votre copie. Nous respectons le dialogue exemplaire qui a présidé à la constitution des métropoles de Lyon et de Marseille, mais nous espérons que vous saurez tenir compte du gâchis auquel a abouti le projet pour l’Île-de-France.
Ici même, il y a quelques mois, le président du Sénat a organisé des assises de la décentralisation. Nous y avons travaillé dans tous les départements d’Île-de-France ; je prends à témoin M. Favier, qui préside mon conseil général. Nous y avons participé avec honnêteté, avec la volonté de contribuer à une réforme de la gouvernance en Île-de-France. Las, le présent texte n’a pas retenu grand-chose de nos propositions.
Mesdames les ministres, faute de vous être inspirées de ces travaux, vous chutez lamentablement pour l’Île-de-France. Mais à tout péché miséricorde, affirment les Écritures. Ainsi, tout en votant, à l’instar de quelques-uns de nos collègues de l’UMP, ce qui reste de votre texte pour Lyon et Marseille, je vous invite à revenir en deuxième lecture avec un véritable projet pour la région capitale.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, j’enchaînerai avec les propos de M. Cambon en soulignant à mon tour que ce texte n’est pas parfait. En effet, il souffre de quelques insuffisances.
On l’a constaté avec les fluctuations qu’a subies le périmètre des nouvelles communautés urbaines : on s’est un peu cherché, on a quelque peu abaissé le seuil, bref, on éprouve des difficultés à trouver une solution.
On l’a également constaté avec les enjeux financiers, qui sont liés au précédent problème. Ces aspects méritent sans doute d’être affinés et précisés, car quelques interrogations demeurent, incontestablement.
Enfin, l’affirmation des métropoles déplore un grand absent : Paris et la région parisienne. C’est précisément parce qu’il manque la tête de file des métropoles françaises que ce texte est un peu bancal.
Une fois toutes ces insuffisances relevées, il faut admettre que le projet de loi opère des avancées considérables.
Premièrement, il s’inscrit dans la continuité d’une démarche républicaine transversale amorcée par la loi du 16 décembre 2010, adoptée sur l’initiative du précédent gouvernement. C’est la preuve que le gouvernement actuel et les parlementaires, quelle que soit leur sensibilité, ont pris conscience de la nécessité de moderniser l’action publique territoriale. La France est un pays très conservateur, qui a besoin de réformes de structures. Eh bien, le présent texte s’attaque à ce chantier, et c’est un point positif ! Il met en œuvre une transversalité qui fait plaisir à voir et à laquelle nos concitoyens sont sans doute sensibles.
Deuxièmement, un grand travail législatif a été accompli sur la base d’un texte initial complexe, dense et même touffu, sinon confus. Le 7e de cavalerie, à savoir la commission des lois, est arrivé et est parvenu à élaguer, à nettoyer et à remettre d’équerre un certain nombre de dispositions. À cet égard, je rends hommage au président de la commission des lois et au rapporteur. Le travail considérable qu’ils ont accompli a rendu ce texte plus abordable : on l’a clairement constaté sur toutes les travées de cet hémicycle. Les autres commissions y ont également concouru et, à ce titre, je salue les avancées que les trois rapporteurs pour avis ont permis d’accomplir concernant les métropoles.
En la matière, nos travaux en séance publique ont permis de faire chuter par endroits ce projet de loi, lorsqu’il n’était pas à la hauteur de nos attentes, par exemple au sujet de Grand Paris Métropole. Sur ces points, nous attendons qu’un nouveau texte nous soit soumis.
Quoi qu’il en soit, nos débats illustrent la qualité de la réflexion du Sénat. Je souligne que les ministres ont également pris leur part à nos discussions ouvertes et constructives. À mon sens, c’est également un signe de la qualité du travail accompli par la Haute Assemblée.
Troisièmement, l’affirmation des métropoles, qui constitue l’intitulé même du présent texte, se traduit par une grande avancée pour Lyon et Marseille. D’autres avant moi ont évoqué cette question. Nous considérons que les métropoles sont un outil adapté à un monde en mouvement. Sans remonter jusqu’à la création de la DATAR, je souligne que, face à la compétition européenne, de tels instruments nous donnent les moyens de réussir et, surtout, de garantir les emplois de demain pour nos enfants et nos petits-enfants.
À ce titre, je ne peux manquer de saluer la confirmation de la métropole de Nice Côte d’Azur, à travers l’article 33. Cette instance, mise en œuvre grâce à l’action de Christian Estrosi, a joué un rôle de pionnier, à l’avant-garde du mouvement. Nous avons ouvert la voie ! Cet exemple – parmi les autres cas cités – prouve qu’il est possible de faire fonctionner une métropole avec la participation de tous les maires. Le présent texte a repris cette idée. À mes yeux, c’est une excellente chose.
Bref, la reconnaissance que le Sénat a accordée à la métropole de Nice Côte d’Azur nous va droit au cœur. Tous ceux qui souhaiteraient disposer de renseignements plus précis sont bien sûr les bienvenus... (Sourires.)
M. Louis Nègre. Mes chers collègues, avant de conclure, je citerai quelques exemples du travail constructif que nous avons mené.
La décentralisation et la dépénalisation du stationnement constituent un progrès considérable, qui, je le rappelle, était attendu depuis plus d’une décennie.
La prise en compte du grave problème des inondations est centrale. Pierre-Yves Collombat, d’autres collègues ici présents et moi-même avons contribué à faire passer ce message, qui est repris par le présent texte. Nous vous en remercions.
L’avancée sur la gouvernance partagée des gares est également un point positif, de même que la compétence transférée à la métropole de la gestion des plages.
En définitive, ce texte, à défaut d’être parfait, comporte de nombreuses avancées. Il a été élaboré de façon constructive et avec une grande ouverture d’esprit. Par conséquent, je le voterai sans aucun état d’âme. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.