M. Michel Mercier. Qu’il me soit permis tout d’abord de remercier les présidents de séance qui se sont succédé pour présider nos débats. Je tiens également à saluer M. le président et M. le rapporteur de la commission des lois, MM. les rapporteurs pour avis et Mmes les ministres pour l’excellente ambiance dans laquelle nous avons travaillé et l’esprit constructif qui a largement animé nos débats, en dépit des désaccords, bien naturels, qui subsistent sur certains points.
Il me semble que le Sénat a fait son travail : il a cherché des accords lorsque ceux-ci étaient possibles et s’est donné un peu de temps supplémentaire dans les autres cas.
La réforme de l’organisation territoriale est désormais une entreprise de plus en plus difficile, après trente ans de décentralisation.
Vouloir organiser de la façon la plus efficace possible la décentralisation sur le terrain oblige aujourd’hui à modifier les compétences de telle ou telle collectivité, ou à inciter les collectivités à travailler en commun. Ce projet est plus difficile à mener à bien que de transférer les compétences de l’État vers les collectivités, ce qui était nécessaire, mais relativement simple.
Avec les efforts accomplis par les uns et par les autres, nous parvenons aujourd’hui à un texte qui m’apparaît satisfaisant.
Je regrette bien entendu que nous n’ayons pas trouvé de solution pour l’Île-de-France, et j’espère que des progrès pourront être accomplis d’ici à la deuxième lecture.
S’agissant du chapitre Ier du titre 1er, « le rétablissement de la clause de compétence générale », je n’ignore pas que toute loi doit contenir des emblèmes et des pavillons. Celui-ci signifiait en réalité : « je vous aime ! », ou plus exactement : « je vous aime beaucoup, mais je n’ai pas d’argent, alors je vais désigner un chef de file… »
Si vous nous aimez, madame la ministre, on vous aimera ! (Sourires.) Il est toujours agréable de recevoir des preuves d’amour, mais l’on sait que tout ce chapitre n’aura pas beaucoup d’effets concrets sur le terrain.
L’objet premier de ce texte, c’est la reconnaissance du fait métropolitain.
À ce titre, je vous remercie tous pour l’accueil que vous avez réservé à la proposition lyonnaise. Nous avions localement travaillé à la recherche d’un accord. Pour cela, il faut que chacun fasse un pas vers l’autre, mais il n’était pas si facile, pour celui qui était encore président du conseil général, de se dire qu’il n’y aurait plus de département sur le territoire de l’agglomération lyonnaise. J’ai pris cette décision parce que je crois très honnêtement qu’elle va dans le sens du progrès et de la responsabilité des élus. Quand il y a trop de structures, on ne sait plus qui fait quoi. Une grande métropole a besoin de responsabilité politique, et le rôle de chacun sera désormais plus clair pour les citoyens.
Je suis aussi très satisfait de la façon dont le dossier de la métropole Aix-Marseille-Provence a été traité. Les maires sont tous présents dans le conseil de communauté et la diversité des territoires me semble préservée. En dépit des difficultés, je crois qu’il sera possible de vivre ensemble. Il y aura, comme dans toute vie commune, des jours de crise et des jours de bonheur, en espérant que ces derniers soient plus nombreux.
Le travail théorique sur la métropole a également été de bonne qualité. Nous savons tous que nous allons buter sur l’inéluctable baisse des dotations de l’État – n’importe quel gouvernement aurait été obligé de prendre cette décision.
Nous accueillerons cette baisse en responsabilité, mais il faudra dire les choses clairement, et arrêter d’ériger des petites chapelles un peu partout. Il convient d’élaborer un système clair afin que chacun comprenne quelle dotation il reçoit de l’État, et pourquoi il la reçoit. Plus ce sera simple, mieux ce sera !
Au final, nous avons eu plaisir à travailler sur ce texte. Pour ma part, je le voterai, et nous serons assez nombreux dans mon groupe à le faire. D’autres ont choisi de s’abstenir : même s’ils ne sont pas satisfaits, notamment du titre 1er, ils ne veulent pas que la discussion se poursuive à l’Assemblée nationale sans texte du Sénat ; enfin, quelques-uns sont assez mécontents pour justifier leur vote contre. (Applaudissements sur quelques travées de l'UDI-UC, ainsi que sur le banc des commissions. – Mme Hélène Lipietz applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Je ne reviendrai pas sur les propos que Jean-Jacques Hyest a prononcés au nom du groupe UMP ; je les partage.
Je dirai en revanche quelques mots des dispositions relatives à l’agglomération lyonnaise.
En 2009, au moment où Claude Belot et Yves Krattinger sont venus à la communauté urbaine de Lyon pour préparer le texte, il leur a été dit que nous étions favorables à la création d’une métropole. Le président Mercier avait déjà pris date en indiquant, dès 2009, qu’il consentait à transférer les compétences du conseil général à cette future métropole.
Nous avons voté le texte créant les métropoles en décembre 2010, avec, pour ce qui me concerne, l’espoir que la métropole lyonnaise verrait très rapidement le jour.
Toutefois, dans les premiers mois de 2011, le président de la communauté urbaine n’a pas fait ce choix, en décidant de constituer un pôle métropolitain sans pour autant donner le statut de métropole à la communauté urbaine de Lyon.
Au mois de décembre dernier, toutefois, les choses ont évolué, nous permettant de proposer une avancée dont la portée est assez importante. En effet, au-delà de la création même de cette métropole de Lyon, qui exercera les compétences du conseil général du Rhône sur le territoire de l’agglomération lyonnaise, la communauté urbaine lyonnaise aura désormais le statut de collectivité territoriale ; c’est là le changement le plus important, puisqu’elle ne sera plus un établissement public de coopération intercommunale.
Ce projet a suscité des craintes, notamment parmi certains maires qui se demandent dans quelles conditions nos communes évolueront au sein de la nouvelle collectivité territoriale. Nous avons fait part de ces inquiétudes à plusieurs reprises dans le débat. Incontestablement, des progrès ont été réalisés dans ce domaine : les réclamations des maires ont été entendues, et leurs pouvoirs ont été confortés par voie d’amendement, ce qui est une très bonne nouvelle.
Néanmoins, deux incertitudes demeurent : le mode d’élection applicable à la métropole de Lyon en 2020 et les incidences financières de la nouvelle organisation.
Sur la demande de la commission des lois et de certains de nos collègues, le Gouvernement a pris l’engagement clair que ces deux questions seraient abordées au cours de la navette ; j’en prends bonne note et je m’en réjouis.
L’agglomération lyonnaise mérite cette évolution, d’autant que ce projet dépasse les clivages politiques, ce qui est une bonne chose. La nouvelle métropole apparaîtra sans doute comme un modèle, même s’il est incontestable que j’ai des désaccords avec le président de la communauté urbaine de Lyon sur un certain nombre de sujets ; de fait, je suis son rival puisque je préside le principal groupe d’opposition dans cette communauté urbaine. Reste que nous pouvons nous retrouver sur l’évolution institutionnelle et structurelle de notre communauté urbaine, parce que celle-ci doit relever des enjeux de territoire et qu’il est absolument nécessaire d’organiser son développement.
Certaines inquiétudes sont légitimes, mais l’intérêt général doit prévaloir. C’est pourquoi je voterai le projet de loi !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Très bien !
M. François-Noël Buffet. Pour finir, je tiens à remercier M. le rapporteur ; ce n’est pas une figure imposée, car un travail considérable a été réalisé par la commission des lois et par lui-même, pour trouver de bons équilibres et aboutir à un texte positif, au moins en ce qui concerne Lyon. (MM. Jean-Claude Lenoir et Roland du Luart applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Après de très longues heures de débat en commission et en séance, nous sommes heureux d’arriver au terme de la discussion de ce projet de loi.
Comme les précédents orateurs l’ont souligné, les débats se sont déroulés dans un climat positif rendu possible par M. le rapporteur ; il a écouté les uns et les autres en vrai démocrate et, avec talent, clarté et non sans humour, il a réussi à concrétiser nombre de nos demandes.
Mes remerciements vont également à Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; lui aussi a veillé en permanence à ce que chacun puisse s’exprimer et exposer son point de vue.
Enfin, madame la ministre, je vous remercie de votre franchise, votre liberté d’esprit et votre efficacité, sans lesquelles le succès de cette discussion n’aurait pas été possible.
Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, au sein de laquelle siègent aussi MM. Hervé et Mézard, peut être satisfaite parce qu’elle a été entendue ; bien souvent, du reste, il a été fait référence à ses travaux. Les membres de cette délégation avaient vraiment le souci que soit reconnue la diversité de la France, ce qui supposait de créer des cadres avec des outils. Nous nous sommes efforcés de respecter cet esprit tout au long de ce débat.
En vue de la création de la métropole de Lyon, je vous rappelle que notre délégation s’est déplacée deux fois sur place, en 2009 et cette année. Nous avons ainsi pu mesurer la progression des idées défendues par Michel Mercier et Gérard Collomb : ils ont mûri leur projet, toujours en présence des élus locaux – conseillers généraux et maires de la communauté urbaine – et de François-Noël Buffet.
La simplification apportée par la métropole dont le projet de loi prévoit la création sera un exemple pour d’autres territoires ; c’est du moins ce que je souhaite.
Pour Marseille, on connaissait la situation de départ ; comme l’a dit M. Mercier, nous avons finalement trouvé une solution afin de calmer les craintes des élus, en leur assurant la représentation de chaque commune dans la métropole.
Au final, nous avons créé un établissement public de coopération intercommunale, rien d’autre. À mes yeux, il faut maintenant que les élus de Marseille et d’Aix prennent en main leur destinée et continuent de construire cette métropole nécessaire comme « porte sur la Méditerranée ».
S’agissant de la clause de compétence générale, j’ai exactement le même point de vue que MM. Hyest et Mercier. Comme je le disais déjà en 2010, c’est un faux problème, car à côté des compétences affectées et compte tenu des moyens financiers dont les collectivités territoriales disposent aujourd’hui, je ne pense pas que la donne sera bouleversée. En revanche, le projet de loi pourra permettre à telle ou telle collectivité de répondre à un besoin que nous n’aurions pas prévu.
Bien sûr, j’ai un regret : Paris.
Nous regrettons qu’une solution n’ait pas été trouvée. On sent bien que les positions des élus franciliens sont très divergentes, les clivages dépassant d’ailleurs les frontières politiques. Je souhaite que l’Assemblée nationale arrive à construire un texte et qu’en deuxième lecture le Sénat apporte sa pierre à l’édification absolument nécessaire d’une structure nouvelle pour Paris.
Avec M. Dilain, je me demandais si le fait d’avoir maintenu Paris dans une situation particulière, en dehors des règles générales, avait été une bonne idée. Quoi qu’il en soit, j’espère que, lors de la deuxième lecture, nous saurons poursuivre le travail de l’Assemblée nationale. Fluctuat nec mergitur : soyons donc optimistes !
Bien entendu, je voterai le projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur le banc des commissions. – Mme Hélène Lipietz et M. Jacques Mézard applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les débats de ces derniers jours ont bien montré que, sur de nombreux sujets, la réflexion du Sénat méritait d’être poursuivie.
C’est la raison pour laquelle nous regrettons que notre motion tendant au renvoi à la commission n’ait pas été adoptée. Un nouveau travail de fond en commission aurait permis de renforcer les échanges avec les élus locaux et de donner du temps à la consultation des habitants eux-mêmes ; à cet égard, vous savez que nous sommes très exigeants. En outre, nous en sommes persuadés, des modifications plus substantielles encore auraient pu être apportées au projet de loi si nous avions pris en compte les mesures contenues dans les deux projets de loi à venir.
Quoi qu’il en soit, nous nous réjouissons des améliorations proposées par M. le rapporteur ; nous tenons nous aussi à le féliciter, ainsi que M. le président de la commission des lois.
Ces modifications concernent particulièrement la conférence territoriale, qui sera un lieu d’échange destiné à favoriser les coopérations possibles.
Compte tenu de cette mission pour ainsi dire resserrée, la mise en place de cette conférence ne nous apparaissait plus nécessaire, sauf à penser que le pion est ainsi avancé pour pouvoir, à l’avenir, lui octroyer de plus larges compétences.
Finalement, cette conférence remplit les missions des conférences régionales des exécutifs, déjà prévues dans notre législation. Pourquoi, dès lors, mettre en place une nouvelle instance ?
En revanche, nous regrettons que notre proposition visant à instaurer des conférences des exécutifs au niveau départemental n’ait pas été retenue. Ces conférences auraient pourtant permis de renforcer la place du département, auquel nous sommes attachés, dans la mise en œuvre des politiques publiques de proximité et de renforcer les solidarités au sein du territoire départemental.
Nous nous félicitons de la suppression, par le Sénat, du pacte de gouvernance territoriale qui, à nos yeux, était un outil centralisé de régulation et d’encadrement de l’action des départements et des communes. Ce pacte compromettait la libre administration de ces collectivités en les plaçant, de fait, sous la tutelle de la région, plus précisément de son président.
Toujours est-il que, malgré les modifications que je viens de saluer, le projet de loi va dans le sens de la concentration des pouvoirs locaux ; c’est du reste son objectif essentiel. Nous le regrettons – vous pouvez le constater, mes regrets sont nombreux !
S’appuyant sur la réforme de 2010 et visant à en compléter, qu’on le veuille ou non, la mise en œuvre, le projet de loi renforce l’intégration communale au sein d’un grand nombre de métropoles, mais aussi – fait nouveau introduit au Sénat – de communautés urbaines aux pouvoirs étendus et dont la multiplication est favorisée.
De ce fait, il réduit l’intervention de plusieurs milliers de communes, mettant à mal le principe de libre administration des collectivités, éloignant toujours plus les citoyens des lieux de décision et des élus qui disposent de réels pouvoirs, et affaiblissant leur pouvoir d’intervention.
Actuellement, la France compte une métropole, celle de Nice, et quinze communautés urbaines, soit seize aires urbaines très intégrées. Avec ce projet de loi, il pourra y avoir demain douze métropoles, hors Paris, et toujours seize communautés urbaines.
Cette réorganisation, qui concernera tout de même 20 millions d’habitants, touchera plus de 5 000 communes dont les prérogatives seront encore un peu plus réduites. Il s’agit donc d’une évolution considérable, d’autant que, par effet de ricochet, l’ensemble de la population sera touchée par le développement de ces grosses intercommunalités.
La nouvelle physionomie de la carte de nos institutions locales renforce la place des grandes aires urbaines au détriment des autres territoires, cassant toute possibilité d’avenir pour un aménagement équilibré de notre territoire et rompant les solidarités nationales.
En ce qui concerne Aix-Marseille-Provence, ma collègue Isabelle Pasquet, qui a dû quitter l’hémicycle et m’a chargée de la remplacer, regrette que la parole de 109 maires sur les 119 que compte le département des Bouches-du-Rhône n’ait pas été prise en compte. De fait, contrairement à ce que certains ont prétendu, je ne suis pas sûre que ce projet de loi satisfasse les maires, mais aussi les sénatrices et les sénateurs de ce département.
Je souligne que les amendements relatifs aux Bouches-du-Rhône ont été rédigés collectivement, dans un esprit consensuel et en mettant de côté les différences qui nous opposent souvent.
l s’agit tout de même d’une situation inédite ! Dans cette affaire, madame Gourault, les élus se sont pris en main, mais on leur nie cette capacité. Ne pas prendre en compte l’avis de 109 maires sur 119, je n’appelle pas cela une démarche démocratique ! (Mlle Sophie Joissains applaudit vivement.)
En tout cas, je le dis en leur nom, ils ne baisseront pas les bras. Au cours de la navette parlementaire, ils poursuivront leur démarche, qui me semble très constructive, rassembleuse et, pour le coup, tout à fait démocratique. Nous tenons également à associer les populations : ce sont elles qui devront décider. Les territoires ne sont pas seulement des petits bouts de terrain ! Ce sont des gens qui y vivent et travaillent ; il serait bon qu’ils aient leur mot à dire.
Même si je suis consciente d’avoir été un peu longue, je n’ai pas réussi à développer tous mes arguments. Cela étant, vous n’en serez pas surpris, mes chers collègues, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour ce qui concerne ce projet de loi, nous sommes à l’heure du bilan.
La commission des lois du Sénat a réalisé sur ce texte un travail considérable. J’ai d’ailleurs déjà rendu hommage, in limine, au rapporteur et au président de la commission des lois, qui ont surtout voulu écouter les uns et les autres. Cette écoute était indispensable ; elle a été bien réelle.
Ensuite, la commission a fait des propositions, dans le but de trouver, sur un certain nombre de dossiers difficiles, des solutions qui pouvaient ne pas contenter tout le monde, mais étaient susceptibles de rassembler une majorité. Nous en avons la démonstration ce soir.
Ce texte comportait un certain nombre d’éléments qui ne nous satisfaisaient pas. J’ai été amené, ainsi que mes collègues du RDSE, à les dénoncer à plusieurs reprises.
Les dispositions relatives aux métropoles sont bien sûr les plus importantes. Nous avons tous entendu la position des élus de la métropole lyonnaise, qu’il s’agisse du maire de Lyon, Gérard Collomb, de notre collègue Michel Mercier, président du conseil général, ou du représentant de l’opposition à Gérard Collomb, notre collègue François-Noël Buffet. Tous ont mené un travail considérable, qui leur a permis d’arriver à une solution très consensuelle, dans l’intérêt de leur territoire. C’est un pas important, Lyon jouant un rôle éminent dans le territoire national.
Nous avons également traité du cas d’Aix-Marseille. Pour notre part, nous n’avons pas été insensibles aux propos tenus par nos collègues de différentes sensibilités, qui nous ont fait part des inquiétudes des « 109 maires ». Nous les avons entendus. Je crois qu’un pas important a été franchi, je l’avais souligné, concernant la représentation de tous les maires au sein de cette nouvelle structure. Elle était indispensable, et il eût été inimaginable que tel ne soit pas le cas, nous l’avons très majoritairement ressenti.
Il est vraisemblable que des inquiétudes subsistent, mes collègues s’en feront l’écho. Au demeurant, des progrès peuvent encore être faits.
Cette remarque me permet d’évoquer le cas de l’Île-de-France, désormais absente du texte, ce qui représente tout de même un manque considérable, puisqu’il s’agit de la région capitale, moteur de notre développement. C’est vrai, Paris est une ville-monde.
Je l’ai dit, mais je veux insister sur ce point, nous avons eu le témoignage, pour ce qui concerne Lyon, de nos collègues Michel Mercier, François-Noël Buffet et Gérard Collomb. S’agissant de Marseille, des sénateurs de sensibilités diverses se sont exprimés, mais les propos tenus par Jean-Claude Gaudin ont été déterminants pour dessiner une majorité sénatoriale.
En revanche, sur la région d’Île-de-France, madame la ministre, ni le maire de Paris ni le président du conseil régional ne se sont exprimés.
M. Jean-Claude Lenoir. Bonne remarque !
M. Jacques Mézard. Vous pouvez imaginer ce qui se passera dans le futur, quand cette assemblée, à la suite de l’adoption de projets scélérats, ne pourra plus faire entendre la voix de nos territoires et de nos collectivités.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Jacques Mézard. Un tel exemple est déterminant pour l’avenir.
À mes yeux, la création des métropoles était indispensable. Il convient toutefois de tenir compte, je l’ai dit, de l’inquiétude de nos collègues s’agissant de la métropole d’Aix-Marseille-Provence. Se pose également le problème des autres strates de l’intercommunalité, à savoir les communautés urbaines et d’agglomération. J’entends que Clermont-Ferrand et Dijon pourront devenir des communautés urbaines, tandis que Mende se transformera, mais tel était déjà le cas, en communauté d’agglomération. Pour Lourdes, on n’a pas encore trouvé la solution pour la rapprocher de Rome, mais je ne doute pas que cela vienne ! (Sourires.)
Personnellement, j’étais opposé au rétablissement de la clause générale de compétence. En effet, si l’on additionne à cette clause le chef de filat, on obtient quelque chose plein d’antagonismes et de contradictions, même si nous avons heureusement fait sauter le pacte de gouvernance. En l’espèce, il n’y a pas eu de volonté ou de capacité politique d’aller plus loin, ce que je regrette. Nous aurions également dû nous pencher sur l’application de l’article 72 de la Constitution, qui pose effectivement des problèmes.
Pour finir, j’évoquerai un certain nombre de complexifications. Je n’aime pas le mot, mais à force de vouloir créer de nouveaux outils, c’est bel et bien ce qui en résulte et cela ne rend pas service à nos territoires. Bien que j’aie beaucoup d’estime et de respect pour ma collègue Jacqueline Gourault, elle doit admettre que, en la matière, la souplesse ne suffit pas ; il faut surtout des outils efficaces.
Mme Jacqueline Gourault. Évidemment !
M. Jacques Mézard. Ainsi, à force de ne pas avoir le courage politique de simplifier, on en arrive à de mauvais résultats.
Globalement, nous voterons ce texte. (M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Madame la présidente, mes chers collègues, à l’issue de ce long et passionnant débat, je voudrais en premier lieu vous remercier, madame la ministre, malgré nos différences d’appréciation, de votre écoute et de votre respect du travail parlementaire.
Je veux également saluer M. le rapporteur, mais aussi MM. les rapporteurs pour avis, ainsi que M. le président de la commission des lois pour le travail réalisé et les évolutions qu’ils ont permis au texte d’enregistrer.
Permettez que, pour expliquer le vote des membres groupe CRC sur le texte issu de nos travaux, je revienne d’abord sur la suppression par notre assemblée des articles qui contraignaient les communes d’Île-de-France à se regrouper dans des intercommunalités de très grande taille et sur ceux qui instituaient une métropole parisienne.
Les désaccords qui se sont exprimés dans de très nombreux domaines, en lien avec ces questions, et le manque évident d’enthousiasme, et même de soutien, en faveur des propositions contenues dans ces articles sont responsables de ce rejet.
Pour des raisons parfois très différentes, les mesures prévues dans ce projet de loi n’ont pas rencontré de majorité.
Maintenant, le texte sur lequel nous allons nous prononcer ne comporte plus rien concernant ces questions. Est-ce pour autant que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont réglés ? Évidemment, nous ne le pensons pas. Même si, de façon étonnante, la vie de nos concitoyens a été peu présente dans nos débats, j’ose espérer que chacun avait cette question en tête.
Devant la monté du chômage et de la précarité, face à la désindustrialisation de notre économie, compte tenu de la crise du logement et eu égard aux déséquilibres territoriaux qui se développent, allons-nous doter nos collectivités territoriales des moyens pour répondre enfin à l’attente sociale ? Allons-nous faire face aux besoins qui se font jour pour un grand nombre de nos concitoyens, souvent de façon plus prégnante qu’auparavant, comme l’ont particulièrement souligné ces derniers jours nos collègues élus des petites villes de France ?
Tel est le défi auquel nous sommes confrontés aujourd’hui. L’objectif primordial est de le relever, dans le cadre d’un débat citoyen ouvert à tous.
Sur cet enjeu, je formulerai une remarque : même si nos collectivités territoriales jouent un rôle irremplaçable – nous avons été nombreux à le rappeler –, elles ne peuvent à elles seules être la réponse et ne pourront jamais se substituer à l’action de l’État, à Paris, à Lyon, à Marseille, comme partout en France.
Or la place de l’État n’a pas été abordée au cours de nos travaux, alors que la situation que nous vivons exigerait, dans bien des domaines, un renforcement de sa présence. Il ne faut pas qu’il se replie sur ses seules fonctions régaliennes.
Mais, pour en revenir à la situation des collectivités territoriales, sont-elles confrontées d’abord et avant tout à un problème de gouvernance dans la mise en œuvre des réponses qu’elles doivent apporter aux besoins de nos concitoyens, comme pourrait le laisser penser ce texte ? Franchement nous ne le pensons pas.
En revanche, il est évident qu’elles ont besoin de démultiplier leurs actions dans de nombreux domaines, en particulier pour lutter contre le développement des inégalités sociales et territoriales.
Il nous semble qu’il leur faut, pour y parvenir de façon la plus efficace possible, trouver le chemin de la mise en commun et de la coopération.
Nous en avons la conviction pour toutes les communes de France et sans doute encore plus particulièrement pour les communes d’Île-de-France, compte tenu de l’ultra-urbanisation de cette région, où les bassins de vie se mêlent, où les géographies se mélangent, au gré des conditions de vie et de travail de chacun, où les phénomènes d’exclusion se renforcent.
Dans ce cadre, il faut sans aucun doute structurer cette mise en commun au sein d’intercommunalités volontairement construites à partir d’un territoire de projet, sans pour autant forcer quiconque à y participer, pour respecter la libre administration des communes, fondement de notre démocratie locale qui assure à nos populations que leurs élus de proximité disposent des pouvoirs pour répondre à leurs besoins.
Telle est notre conviction. Si cela vaut pour toutes les communes de France, c’est tout particulièrement vrai pour celles d’Île-de-France.
C’est pourquoi nous avons proposé, pour répondre aux spécificités des trois départements de la petite couronne, et comme le demande le syndicat mixte d’études Paris Métropole, que ces intercommunalités prennent la forme de « coopératives de ville » reposant sur des principes d’égalité des territoires, sur des modes de travail et de décision collaboratifs – proposition du bureau de Paris Métropole –, en fondant cette collaboration sur la recherche du consensus.
Malheureusement, cette proposition ne fut pas réellement étudiée en commission. J’espère qu’elle pourra être entendue à l’Assemblée nationale et en deuxième lecture au Sénat.
Pour notre part, nous ne pouvions accepter l’autoritarisme dont on a fait preuve pour que des villes soient contraintes de se regrouper avec d’autres sans qu’il y ait de réels projets communs.
Qui plus est, ces intercommunalités devaient atteindre, de façon dérogatoire aux règles communes, un seuil de population exorbitant, ne recouvrant aucune réalité objective et mettant en cause in fine l’expression du pluralisme, sans assurer leur réelle mixité.
S’agissant de la métropole parisienne, nous proposions, sur le même modèle que celui de l’intercommunalité, de créer une « coopérative métropolitaine » ouverte aux départements, aux régions, aux intercommunalités et aux communes qui le souhaitaient, pour coordonner leur action à l’échelle de l’unité urbaine et gérer en commun des compétences déléguées par leurs membres, par décision concordante.
Pour respecter chacun, une gouvernance fondée sur trois collèges – ville, intercommunalité et région-département – permettait la représentation de tous.
Cette proposition s’inspirait, chacun peut mieux le mesurer aujourd’hui, des préconisations, une nouvelle fois, de Paris Métropole.
La preuve est ainsi faite que nous voulons dépasser le statu quo. Malheureusement, les conditions d’examen de ce texte ont abouti au résultat que nous connaissons. Dans ces circonstances, si nous nous félicitons du retrait des mesures contenues dans ces articles supprimés, nous ne sommes pas satisfaits que ces questions ne soient pas traitées.
Aussi, même si nous étions en désaccord avec le contenu de ces articles, leur suppression ne saurait être un motif pour changer notre avis global sur ce texte. C’est pourquoi nous voterons contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Madame la présidente, mes propos sont sans rapport avec le débat qui nous occupe.
Le ministre que je suis n’a pas l’autorisation d’assister à un rassemblement, aussi magnifique en soit l’objet, à savoir l’exigence du respect de la République. Mais au nom des parents de Clément Méric, que j’ai eu l’honneur de connaître, je remercie le Sénat de permettre à chacun de s’associer par cette suspension de séance à l’hommage qui va lui être rendu, au delà des différences d’opinions.
Je veux souligner que des militants, en particulier des militants antiracistes – son frère avait déjà été blessé dans une manifestation – se battent pour que la République reste belle. (Applaudissements.)
Mme la présidente. Madame la ministre, au nom du Sénat, je vous remercie de ces mots très touchants.
Mes chers collègues, après consultation de l’ensemble des groupes, de la commission et du Gouvernement, je vais suspendre la séance pour permettre à celles et à ceux qui le souhaitent d’assister au rassemblement place Saint-Michel en hommage à Clément Méric.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quinze, est reprise à dix-neuf heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Dans la suite des explications de vote sur l’ensemble du projet de loi, la parole est à Mme Hélène Lipietz.