M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En effet, je vous rappelle que nous avons déjà beaucoup de travail !
Sans relancer le débat sur la démocratie représentative et la démocratie référendaire, je fais observer que, pour des raisons à la fois réalistes et pratiques, je ne comprendrais pas que ces amendements, qui visent à prévoir que « toute modification du statut ou du périmètre d'une commune ou d'un établissement public de coopération intercommunale est précédée de l’obligation de consulter les habitants par voie de référendum », puissent être votés en l'état. Il faudrait au moins les rectifier.
Je connais le cas d'une commune qui a échangé 150 mètres carrés de terrain avec une autre, de manière à s'intégrer dans une communauté de communes. L’adoption de ces amendements obligerait donc à organiser un référendum dans les deux communes concernées.
Je rappelle par ailleurs que les syndicats intercommunaux sont des établissements publics de coopération intercommunale. Dès lors qu'une commune adhère à un syndicat ou s’en retire, si ces amendements sont adoptés, il faudrait un référendum.
Dès lors qu’il s’agit de modifier un article des statuts d’un syndicat de traitement des ordures ménagères, d'un syndicat scolaire ou de n'importe quel syndicat, il faudrait un référendum.
Dès lors qu’une commune entre dans une intercommunalité ou en sort, il faudrait un référendum.
L’adoption de cette disposition nous obligerait en outre à supprimer une très ancienne loi de la République – elle date de plus d'un siècle –, qui dispose que l'on peut créer un syndicat ou un établissement public de coopération intercommunale dès lors que les deux tiers des communes correspondant à la moitié de la population ou que la moitié des communes correspondant aux deux tiers de la population sont d'accord. Dans ces conditions, une commune de 50 habitants pourrait éternellement bloquer la création d'une intercommunalité. Il faudrait revoir tous les pouvoirs de l'État en matière d'achèvement des cartes intercommunales.
Enfin, ayons à l’esprit que 10 000, 20 000, voire 30 000 référendums devraient être organisés chaque année.
J’attire donc l'attention du Sénat sur les conséquences du texte qui nous est proposé.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Povinelli, pour explication de vote.
M. Roland Povinelli. Je partage le point de vue de Mme Pasquet et de Mlle Joissains, même si je comprends l’analyse du président de la commission des lois. Il est vrai que le sujet est complexe et emporte certaines conséquences.
Ce qui est inadmissible aux yeux de Mme Pasquet, de Mlle Joissains et de moi-même, c'est que certaines lois font obligation à une collectivité, sans même qu’il y ait de discussion, de changer d'intercommunalité.
La loi Chevènement a eu pour conséquence la création de la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, qui compte dix-huit communes.
Ma commune jouxte à la fois Marseille et Aubagne. Pour de multiples raisons, pas seulement politiques, et après consultation de la population par un référendum local, j’ai préféré qu’elle intègre l'intercommunalité d'Aubagne. J’ai rencontré le préfet, représentant de l'État, qui m'a sagement écouté et m'a dit que j’avais raison ; il a ensuite pris un arrêté et ma commune a été placée d'office dans la communauté urbaine de Marseille ! La commune a alors perdu certaines compétences, comme le nettoyage des rues, lesquelles n'ont jamais été aussi sales, ou la réfection des routes – maintenant il faut que je pleure pour que les chemins soient goudronnés. C'est inadmissible !
Le plus simple serait sans doute de décider que 36 000 communes, c'est trop, et de tout regrouper, comme en Allemagne ou en Espagne !
Au mois de mars prochain auront lieu les élections municipales. Dirai-je aux 25 000 habitants de ma commune – si elle a cette taille, c'est un choix : elle pourrait compter jusqu'à 90 000 habitants –, que, en matière d'urbanisme, j’ignore ce que nous pourrons faire, car, si la métropole est créée, ce n'est pas nous qui élaborerons le PLU ? Dans ces conditions, pourquoi même préparer un programme ? C'est absolument ridicule !
Les communes sont le socle de la démocratie de notre pays ; je parle de démocratie de proximité. Elles ne doivent pas être écrasées par des superstructures.
Nous ne sommes pas contre les coopérations et nous sommes prêts à aider Marseille, mais Marseille aurait aussi pu commencer par s’aider elle-même !
Gaston Defferre, qui était un de mes amis, est resté maire de Marseille pendant trente ans. Pourquoi n’a-t-il pas fait venir toutes les grandes entreprises à Marseille et les a-t-il laissées s’installer à l'extérieur de la ville ?
La question est valable pour Jean-Claude Gaudin, qui achève son troisième mandat en tant que maire de Marseille. Sur le site de Château Gombert, tous les jours, des immeubles sortent de terre. Pourquoi pas des entreprises ? Ce serait mieux !
Je suis favorable à la coopération et à l'entraide, mais pas au détriment des communes. C'est la raison pour laquelle je voterai ces amendements. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC. – Mlle Sophie Joissains applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Ce débat est passionnant.
Je rappelle qu’il y a quelques semaines nous avons déjà évoqué la question du référendum à l’occasion du découpage régional. Or je constate que, si certains sont constants dans leur prise de position, et il faut leur rendre hommage, d'autres sont un peu plus fluctuants !
Je souscris aux propos du président de la commission des lois. Il faudrait un groupe de travail sur la question du référendum quand les décisions concernent les limites communales ou régionales ou visent à apporter de la souplesse en matière d’organisation.
En tant qu’écologiste, je crois important que les populations soient consultées. Toutefois, il faut éviter les minorités de blocage et empêcher, par exemple, une commune de 70 habitants de nuire à l'intérêt général d'une grande aire urbaine.
Sur ces questions, la réflexion ne me semble pas mûre. À la suite du président de la commission, Jean-Pierre Sueur, je suggère donc la constitution d’un groupe de travail, qui ne devrait pas se perdre en conjectures théoriques, mais plutôt réfléchir très sérieusement à une proposition concrète et globale, qui pourrait être intégrée au prochain texte de loi sur les régions. Certains problèmes de découpages régionaux peuvent en effet se traiter par le référendum, de même que certaines questions relatives aux intercommunalités.
On ne peut pas résoudre le problème autrement, me semble-t-il.
Dans l’immédiat, je m’abstiendrai donc sur cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 74 et 126.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 431, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur permettre de bénéficier de ressources propres.
Par ailleurs la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État vers les collectivités doit être réellement assurée.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans le texte initial du Gouvernement, l’article 1er énonçait un nouveau principe de notre droit, celui de la libre coordination des politiques publiques.
Nous sommes heureux que la commission l’ait supprimé. Quant à nous, avec les deux articles additionnels que nous vous proposons à présent, nous souhaitons réaffirmer, dès l’ouverture de nos débats, des principes constitutionnels qui sont au cœur des problématiques que nous allons traiter.
En effet, il ne peut être question de moderniser l’action publique et de renforcer les métropoles en ignorant ces principes.
Les deux premiers principes, contenus dans cet amendement, concernent des sujets particulièrement brûlants, mais anormalement absents de ce texte, alors qu’ils préoccupent l’ensemble des élus locaux, comme nous avons pu nous en rendre compte lors des états généraux de la démocratie territoriale.
Il s’agit bien évidemment des moyens financiers dont disposent les collectivités territoriales pour s’acquitter des missions que la loi leur a dévolues.
Le principe de l’autonomie financière des collectivités et son corolaire, leur autonomie fiscale, ont été particulièrement mis à mal au cours de ces dix dernières années ; chacun connaît les difficultés de nos départements et régions face à l’absence de compensation intégrale des allocations nationales de solidarité qui leur ont été transférées.
Ces prestations sont donc dorénavant à la charge des contribuables locaux.
Réaffirmer ces principes d’autonomie financière et de droit à compensation intégrale, en ouverture de nos débats, aurait valeur d’engagement du Gouvernement et du Sénat à les mettre effectivement en œuvre dans les prochaines lois de finances.
Ces principes ont d’ailleurs été réaffirmés, parmi d’autres, voilà quelques semaines, par le vote à l’unanimité au Sénat d’une résolution pour le respect des droits et libertés des collectivités territoriales.
Je ne doute donc pas que, à quelques semaines d’intervalle, le Sénat ne se déjugera pas et adoptera notre amendement, dont les dispositions font implicitement référence à cette prise de position.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Cet amendement vise à rappeler ces principes constitutionnels que sont l’autonomie financière des collectivités territoriales et la compensation intégrale des transferts de compétences de l’État vers les collectivités territoriales.
Ces principes étant inscrits dans la Constitution, la loi doit en assurer l’effectivité. Or le présent amendement ne fait que les rappeler. Il n’a donc pas de réelle portée normative.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Le Gouvernement sollicite également le retrait de cet amendement. La loi fondamentale prime sur la loi ordinaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Je comprends l’argumentation de M. le rapporteur et de Mme la ministre.
Le problème, c’est que, en l’occurrence, le texte fondamental n’est pas appliqué. Néanmoins, ce n’est pas parce qu’on le rappellera aujourd’hui dans la loi qu’il le sera davantage…
M. Jean-Jacques Hyest. Il pourrait même l’être encore moins ! (Sourires.)
Mme Éliane Assassi. Quel respect pour la loi !
M. Roger Karoutchi. Le drame, c’est que lorsque les gouvernements, de gauche comme de droite, procèdent à un transfert de compétences, c’est moins par souci d’efficacité que pour faire des économies. Lorsqu’une mission coûte trop cher à l’État, celui-ci est tenté d’en transférer la compétence aux collectivités, le plus souvent sans que ledit transfert s’accompagne de la dévolution des ressources correspondantes. Ce constat vaut d'ailleurs quel que soit le gouvernement – je puis en témoigner pour la région Île-de-France.
Toutefois, je ne suis pas convaincu que répéter dans la loi les dispositions de la Constitution permette d’accélérer l’exécution de la compensation financière. Il serait sans doute plus pertinent de réfléchir aux mécanismes de contrôle de la compensation. Le problème n’est pas la loi, mais la pratique. Trouvons des solutions. On a déjà mis en place des structures, mais il semblerait qu’elles aient du mal à fonctionner.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Cet amendement est excellent, me semble-t-il. Il est aussi amusant et devrait logiquement tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution (Sourires.), puisque le manque de compensation des compétences transférées aux collectivités semble éternel !
Cette situation n’est pas récente, et notre collègue Christian Favier le sait bien. Ainsi, la dotation des départements pour la gestion des collèges s’élève à 3 millions d’euros, quand mon conseil général dépensait allègrement – j’emploie l’imparfait, car, aujourd’hui, il ne peut plus se le permettre – 16 à 20 millions d’euros par an.
Les dispositions de cet amendement me permettent donc de vous poser la question qui fâche, madame la ministre : un groupe de travail, voulu par le Président de la République et constitué sous l’égide du Premier ministre, n’a-t-il pas été chargé de constater le déficit de compensation existant en matière d’allocations de solidarité transférées aux départements et de trouver des solutions ?
Il me semble de surcroît que ce point fait désormais consensus : il manquerait de 4,8 milliards d’euros à 5,4 milliards d’euros pour les trois allocations de solidarité que sont l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, la prestation de compensation du handicap, la PCH, et le revenu de solidarité active, le RSA.
Vous souhaitez clarifier et rationaliser le système, madame la ministre. En l’occurrence, le bureau de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, se pose la question de l’intérêt pour les départements de verser le revenu des bénéficiaires du RSA. Autant les départements apportent une valeur ajoutée, un savoir-faire en matière de compensation de la dépendance, à travers l’APA ou la PCH, autant ils n’apportent rien en versant le RSA, une prestation qui accusait, à elle seule, un différentiel de 1,8 milliard d’euros en 2012.
Les départements ont une responsabilité dans le domaine de l’insertion sociale et professionnelle, mais ils n’ont plus les moyens de l’exercer, voyant leurs finances asséchées par le versement du RSA – c’est un robinet perpétuellement ouvert, dont le débit s’accentue de mois en mois !
Le constat étant partagé, le temps me semble venu d’administrer les remèdes nécessaires pour résorber ce différentiel.
Quelles propositions pouvez-vous avancer aujourd’hui devant le Sénat pour rassurer les départements, madame la ministre ? (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Roger Karoutchi. Et les régions !
Mme la présidente. La parole est à M. Edmond Hervé, pour explication de vote.
M. Edmond Hervé. Cet amendement est en effet extrêmement intéressant, car ses dispositions nous permettent d’apporter des précisions utiles.
Toutefois, que ses auteurs me pardonnent, je perçois une ambiguïté dans sa rédaction. Il est écrit que « l’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle ». En effet, ce principe est inscrit à l’article 72-2 de la Constitution.
Il est précisé ensuite que cette garantie constitutionnelle a été conçue « pour leur permettre de bénéficier de ressources propres ». Là, il s’agit non plus d’autonomie financière, mais d’autonomie fiscale, un principe que le Conseil constitutionnel ne veut pas reconnaître et que vous-mêmes, chers collègues de l’opposition, n’avez pas inscrit dans la Constitution en 2002, malgré vos critiques adressées au gouvernement Jospin, lesquelles avaient alimenté un excellent rapport de Michel Mercier.
Souvenez-vous, mes chers collègues, du débat sémantique que nous avons eu à l’époque pour savoir si les ressources propres devaient représenter une part prépondérante ou déterminante des ressources des collectivités. Au nom de la liberté communale et de l’autonomie fiscale, vous avez, très fièrement, récusé l’idée de part « prépondérante » et retenu celle de part « déterminante ».
Nous sommes là au cœur de la discussion politique. Madame la ministre, il ne peut y avoir de réforme de la décentralisation sans réforme parallèle de la fiscalité locale.
Mes chers collègues, je vous mets en garde : le jour où les avis de taxe d’habitation des habitants de nos communes et de nos villes seront publiés, vous aurez beaucoup de difficultés à justifier les différences de montant.
C’est pourquoi – cette idée figurait déjà dans le rapport Mercier – j’ai toujours été favorable à une taxe d’habitation assise sur les revenus. Nul n’ignore que le temps fiscal est très long – trente ans ! –, mais je vous fais confiance pour relever le défi, madame la ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.
M. Daniel Dubois. Comme vient de le souligner notre collègue Edmond Hervé, les dispositions de cet amendement posent une question de fond : peut-on parler de décentralisation sans parler de finances ?
J’entends encore le Président de la République nous dire à la Sorbonne que ces réformes allaient se faire facilement, dans la transparence, la cohérence et l’efficacité, et que la compétence générale serait rendue à toutes les collectivités. Mais avec quel argent ? Tout le problème est là : comment, demain, financerons-nous les compétences dont nous aurons la responsabilité ?
Je ne reviendrai pas sur la compensation, mais j’avoue que les propos de M. Karoutchi m’inquiètent. À l’entendre, ni la droite ni la gauche ne tiennent les engagements constitutionnels, et l’État n’a de toute façon plus d’argent pour payer.
Nous devons avoir un vrai débat sur le sujet : au-delà des grandes déclarations et des grands principes, comment va-t-on, demain, faire fonctionner nos collectivités ?
M. Philippe Dallier. Il faut rationaliser !
M. Daniel Dubois. Fort bien, monsieur Dallier. Sauf que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui n’est pas un texte de rationalisation.
M. Philippe Dallier. Je n’ai jamais dit cela !
M. Daniel Dubois. Même une chatte n’y retrouverait pas ses petits. Non seulement on ne rationalise pas, mais il n’y aura pas d’argent pour résoudre nos problèmes de compétences.
C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je remercie Edmond Hervé d’avoir opéré une distinction entre l’autonomie financière et l’autonomie fiscale.
Je voudrais aussi appeler votre attention, mes chers collègues, sur les contradictions qui nous traversent parfois. Ce sont en effet les mêmes – et je m’inclus dans cette catégorie ! – qui réclament l’autonomie fiscale et qui demandent des dotations de compensation. C’est là le cœur du problème. Les territoires qui dépensent le plus – je pense notamment aux départements qui assument de lourdes charges au titre de l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA –, ne sont pas forcément ceux qui disposent des ressources les plus importantes.
Par conséquent, si la notion d’autonomie financière ne soulève aucune difficulté, il n’en va pas de même de la notion d’autonomie fiscale : plus la République sera décentralisée, plus nous devrons mettre en place des mécanismes de péréquation nationale et moins les collectivités locales auront d’autonomie fiscale.
Cet amendement est intéressant dans la mesure où ses dispositions posent bien le problème, mais il serait peut-être judicieux de le sous-amender afin de distinguer l’autonomie financière de l’autonomie fiscale.
Mme la présidente. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mlle Sophie Joissains. J’entends bien les propos de Dominique de Legge et Edmond Hervé, et je partage leur volonté de sous-amender cet amendement. Cependant, j’estime que cette disposition rappelle un point très important : l’écart entre les obligations de la République et ce qu’elle fait.
Je voterai donc cet amendement, tout en sachant qu’il sera sans doute sous-amendé en deuxième lecture.
Mme la présidente. La parole est à M. Louis Nègre, pour explication de vote.
M. Louis Nègre. Je m’interroge au sujet des propos d’Edmond Hervé, selon lequel il faudrait modifier les bases du financement des communes, notamment la taxe d’habitation. Cette taxe serait désormais assise sur les revenus.
Or j’ai cru comprendre qu’un personnage au nom célèbre possédait un appartement parisien d’une valeur de plusieurs millions d'euros mais ne déclarait pas de revenus. Par conséquent, comment fera-t-on pour l’imposer ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Vous élevez le débat, monsieur Nègre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Comme je l’ai indiqué quand j’ai exposé l’objet de cet amendement, nous avons repris les termes d’une proposition de résolution présentée par l’UMP, que le Sénat a adoptée à l’unanimité.
Je comprends que la distinction entre autonomie financière et autonomie fiscale donne lieu à un débat. Notre amendement tend à rappeler que « l’autonomie financière des collectivités territoriales est une garantie constitutionnelle pour leur permettre de bénéficier de ressources propres ». Je veux bien admettre qu’il comporte un défaut rédactionnel, mais, comme aime à le souligner le président de la commission, la procédure accélérée n’a pas été mise en œuvre pour ce texte et il y aura une deuxième lecture.
Nous n’avons fait que reprendre le texte que nous avions voté à l’unanimité. Je vous propose donc de conserver cette formulation pour le moment. Nous aurons ensuite le temps de l’améliorer avant la deuxième lecture, en y intégrant les éléments complémentaires qui ont été mentionnés. Il est important que nous posions véritablement la question de l’autonomie financière et fiscale de nos collectivités.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, pour explication de vote.
M. Philippe Dallier. Voilà un amendement dont les dispositions nous emmènent bien loin, puisque nous sommes en train de balayer l’ensemble des problèmes des collectivités locales. Je ne peux pas le voter, car il n’a aucune portée juridique : on ne peut pas accepter qu’un tel texte soit adopté par le Sénat, ce n’est pas sérieux !
Quel est le problème ? Si nous n’avions pas accepté, de nombreux sénateurs présidents de conseil général en tête, le transfert en 2004 du revenu minimum d’insertion, RMI, et de l’APA aux départements, nous n’en serions pas là. Toute dépense de solidarité nationale devrait être financée au niveau national. Il va bien falloir que nous nous reposions la question.
Pourquoi avons-nous accepté le transfert du RMI et de l’APA en 2004 ? Parce que les autorités départementales avaient un problème existentiel, elles se sentaient mises en cause… Les présidents de conseil général ont donc accepté de récupérer ces sommes énormes qui gonflaient leur budget, même si l’on en voyait bien le risque. Ce risque, nous l’avons pris ; dans leur majorité, les présidents de conseil général l’ont accepté. Le résultat, c’est une catastrophe dont on ne sait comment sortir.
Plutôt que de débattre de l’autonomie fiscale ou financière, nous devrions nous reposer ces questions. Qu’est-ce qui doit rester géré au niveau national ? À mon avis, ce qui relève de la solidarité nationale ne peut être délégué aux collectivités locales.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je m’abstiendrai de faire de longs commentaires sur ces sujets très généraux. Ils sont certes fort intéressants, et nous pouvons toujours en débattre, comme nous l’avons déjà fait trente-six fois. (Sourires.)
M. François Patriat. Bien plus !
M. Jean-Jacques Hyest. Edmond Hervé a évoqué les débats sur l’autonomie fiscale et financière. Ce qui est sûr, c’est que l’autonomie fiscale des collectivités locales, notamment des départements et des régions, a diminué.
Mme Cécile Cukierman. Elle est proche de zéro pour les régions !
M. Jean-Jacques Hyest. J’ai été élu conseiller général en 1982 ; je sais quelle était alors notre autonomie fiscale. Depuis lors, on a supprimé la vignette, la part salaires de la taxe professionnelle, etc. Cela a été un mouvement permanent.
Cette évolution est en partie justifiée par des besoins de péréquation. Il existe en effet des injustices criantes en matière de charges et de ressources entre les départements. Certains d’entre eux ont une population vieillissante, et ils assument donc de lourdes charges au titre de l’APA ; d’autres en assument au titre du revenu de solidarité active. Comment fait-on ? On dit que l’autonomie fiscale, c’est très bien !
Il s'agit de problèmes complexes. Plutôt que d’introduire dans la loi des dispositions purement déclaratoires – cela va sans doute continuer encore un certain temps, peut-être toute la journée, mais je n’interviendrai plus –, nous pourrions peut-être aborder le fond du texte. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Gérard Collomb. Très bien ! Je vous soutiens, cher collègue.
Mme Cécile Cukierman. On pourrait aussi arrêter de déposer des amendements ! Et pourquoi pas changer de peuple, tant qu’on y est ? Où est la démocratie ?
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Halte au feu ! Plutôt que de passer notre temps sur les articles que notre commission a pertinemment supprimés, essayons de nous concentrer sur ce qui reste.
Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.
M. Vincent Capo-Canellas. Daniel Dubois a exprimé avec force et fougue le sentiment de notre groupe. Il s'agit d’un amendement de principe, qui nourrit un beau débat. Je crois que l’on peut remercier le groupe CRC de l’avoir ouvert en introduction. Nous ne devons certes pas – Jean-Jacques Hyest l’a souligné – passer trop de temps sur des dispositions peu opératoires, mais il est bien que nous ayons débattu de cet amendement.
Nous voulons tous que les collectivités territoriales soient dotées d’une réelle autonomie financière. Les interventions de René-Paul Savary et des autres orateurs ont montré que cette autonomie était mise à mal dans de nombreux cas. Cependant, j’entends aussi les arguments juridiques du rapporteur : soit le principe est constitutionnel, et dans ce cas il est superflu d’y revenir ; soit il est nécessaire de le renforcer, et dans ce cas il faut le faire par d’autres moyens, car la disposition proposée n’est pas opératoire.
Nous devons essayer d’adopter des dispositions législatives qui permettent de donner de la réalité à ces principes auxquels nous souscrivons tous. Telle doit être notre démarche. Plutôt que de réaffirmer un principe existant et quelque peu battu en brèche, nous devrions nous concentrer sur les dispositions qui permettraient son application concrète. C’est notre métier de législateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Nous sommes au début de l’examen d’un projet de loi extrêmement important, et la question des moyens financiers dont les collectivités territoriales ont besoin pour exercer leurs compétences est essentielle. Il me paraît donc fondamental de rappeler, par précaution, les principes d’autonomie financière des collectivités et de compensation intégrale des transferts de compétences.
En effet, nous avons été échaudés, en tant qu’élus départementaux, par les problèmes liés au transfert de la gestion des allocations universelles de solidarité ; plusieurs d’entre nous l’ont souligné. Dans mon département, le décalage entre les versements faits au titre du RSA, de la prestation de compensation du handicap, la PCH, et de l’APA, d'une part, et les compensations apportées par l’État, d'autre part, s’élève à 80 millions d'euros. Pourra-t-on continuer encore longtemps comme ça ?
Ces allocations relèvent effectivement de la solidarité nationale. Les départements n’ont aucun pouvoir de décision, ils ne font office que de guichet : c’est l’État qui fixe les montants et les règles. D'ailleurs, si on crée des métropoles, je suis tout à fait disposé à ce que le versement du RSA leur soit transféré ! (Rires.)
M. Philippe Dallier. Nous allons enfin nous retrouver !
M. Christian Favier. Nous verrons alors si les métropoles sont vraiment conçues dans une perspective de solidarité, ou si c’est autre chose que l’on est en train de nous préparer.
Je pense qu’il est très important de commencer par fixer les principes. En effet, ce que nous avons connu en matière d’allocations de solidarité, nous risquons de le subir demain dans d’autres domaines. Dès lors, autant rappeler en préambule du projet de loi le principe de compensation intégrale – nous aurions pu ajouter « et pérenne », cela aurait été encore plus précis – des transferts de compétences.
Mme la présidente. L'amendement n° 432, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La commune occupe une place fondamentale dans l’architecture locale de notre République. Elle est le pivot de l’organisation et du dialogue territorial, située au plus près des besoins des populations et un premier échelon de la vie démocratique.
Aussi l’intercommunalité doit être un outil de coopération et de développement au service des communes, dans le respect du principe de subsidiarité.
La parole est à M. Christian Favier.