Mme la présidente. L'amendement n° 258 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 60.
(L'article 60 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 60
Mme la présidente. L'amendement n° 428, présenté par Mmes Bouchoux et Blandin, M. Gattolin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre unique du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code de l'éducation est complété par un article ainsi rédigé :
« Art. L. 511...- Avant de procéder à l'inscription d'un enfant dans un traitement de données à caractère personnel relevant de l'éducation nationale, le directeur académique des services de l'éducation nationale s'assure que les responsables légaux ont, d'une part, été dûment informés de l'existence de tels traitements, de leur contenu, de leurs finalités, de leurs durées de conservation, des catégories de personnes habilitées à les visualiser ou à les modifier et, d'autre part, que les mêmes responsables légaux aient donné leur accord préalable à l'inscription de leur enfant.
« Le directeur d'école est tenu de respecter la volonté des responsables légaux qui font la demande expresse de s'opposer à l'inscription de leur enfant dans les traitements susmentionnés.
« Aucune sanction disciplinaire n'est prise à l'encontre d'un enseignant du premier degré assumant les fonctions de directeur d'école sur le seul fondement du refus de l'enseignant assurant la fonction de direction, à la demande expresse des responsables légaux, de renseigner l'un des traitements de données à caractère personnel dont il aurait la charge dans le cadre de ses missions. »
La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Cet amendement d’appel vise à encadrer strictement la multiplication des traitements de données à caractère personnel que l’on observe au sein de l’éducation nationale depuis 2007.
Chaque enfant est inscrit dans la Base élèves dès son entrée en première année de maternelle et se voit attribuer un « identifiant national élève », stocké dans un répertoire national des identifiants élèves, étudiants et apprentis. C’est ce numéro qui permet d’établir le lien entre les fichiers du primaire et ceux du secondaire, via le fichier AFFELNET. C’est ce numéro que l’on retrouve aussi dans le livret personnel de compétences numérique qui doit suivre chaque enfant tout au long de sa scolarité et de sa formation et s’intégrer au passeport orientation et formation. Ce livret permet de centraliser des renseignements extrêmement sensibles sur les enfants, puis sur les adultes, dans des serveurs académiques nationaux et même européens, tel le serveur Europass. Ces informations concernent les compétences et les incompétences, les rythmes d’acquisition et, par là même, les difficultés rencontrées par chaque élève au cours de sa scolarité et au-delà.
À l’égard de ces fichiers informatiques, les directeurs d’école sont considérés statutairement, au sens de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, comme les « coresponsables de traitement ». C’est en effet à eux et au directeur académique des services de l’éducation nationale, le DASEN, que les responsables légaux peuvent s’adresser pour exercer leur droit d’accès, de rectification ou d’opposition.
Ces droits restent largement inappliqués dans toute la France, par manque d’information. Le droit d’information des responsables légaux n’est en effet pas du tout effectif dans notre pays. Notre amendement a pour objet, en premier lieu, de renforcer le devoir d’informer les parents de l’existence de ces fichiers. Plus largement, nous rappelons qu’à aucun moment la création de ces fichiers n’a fait l’objet d’un débat parlementaire ou d’une réflexion éthique sur les potentialités et les risques que ceux-ci présentent au regard du respect des libertés individuelles. À aucun moment elle n’a été encadrée par la loi.
Au regard du respect des libertés individuelles, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a recommandé à la France « que seules des données anonymes soient entrées dans des bases de données et que l’utilisation des données collectées soit régulée par la loi de manière à en prévenir un usage abusif ».
Certains enseignants, conformément à la Convention internationale des droits de l’enfant ratifiée par la France, ont refusé de renseigner le fichier Base élèves, encourant de ce fait des sanctions. Plusieurs tribunaux administratifs, tels que ceux de Montpellier et, tout récemment, d’Orléans et de Grenoble, ont annulé des décisions administratives sanctionnant – par des retraits de poste, des diminutions de salaire, des mutations d’office ou autres – des enseignants ayant refusé de renseigner la Base élèves.
Dans ce contexte, nous souhaitons que soit levé le principe de sanction à l’encontre des directeurs ayant refusé de renseigner le fichier Base élèves après opposition expresse des représentants légaux.
Au-delà de cet amendement, monsieur le ministre, nous souhaitons attirer votre attention sur la nécessité d’un moratoire sur l’utilisation de ce fichier, dans l’attente de la réalisation d’un audit officiel sur l’ensemble des fichiers existants.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Gattolin, si les tribunaux administratifs ont annulé des sanctions disciplinaires contre des enseignants refusant de renseigner la Base élèves, c’est la preuve que les recours sont effectifs et permettent de sanctionner des excès de pouvoir. Il n’existe donc pas de raison d’interdire des sanctions disciplinaires qui sont contrôlées par le juge administratif à l’encontre de fonctionnaires qui ne respecteraient pas, d’une façon plus globale, les devoirs de leur charge.
Vous avez précisé en préambule qu’il s’agissait d’un amendement d’appel ; permettez-moi donc de vous demander de bien vouloir le retirer.
M. André Gattolin. Je souhaiterais d’abord entendre l’avis du ministre !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Monsieur le sénateur, l’objet de la première partie de votre amendement est satisfait par les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, que respectent scrupuleusement les traitements de données à caractère personnel de l’éducation nationale utilisés par les établissements scolaires, en matière tant de droit d’information que de droit d’opposition.
Ces traitements informatiques sont tous soumis à la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, et font l’objet d’arrêtés publiés au Journal officiel. Les directeurs d’école et les chefs d’établissement informent les parents d’élèves de la mise en œuvre de ces traitements, notamment lors de la mise à jour des fiches de renseignements administratifs.
L’articler 38 de la loi « informatique et libertés » donne à toute personne physique le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement. L’article 39 de la même loi donne également le droit d’interroger le responsable du traitement en vue d’obtenir confirmation que les données à caractère personnel font ou ne font pas l’objet de ce traitement. Une copie des données à caractère personnel est délivrée à l’intéressé à sa demande.
Dans ces conditions, je souhaite moi aussi que vous acceptiez de retirer cet amendement.
Mme la présidente. Monsieur Gattolin, l'amendement n° 428 est-il maintenu ?
M. André Gattolin. Je le retire, madame la présidente.
Il est cependant dommageable que des sanctions soient prises et qu’il faille saisir le tribunal administratif pour faire valoir un droit qui correspond à une liberté publique et est garanti par des conventions relatives aux libertés individuelles ratifiées par la France. Il faudrait tout de même que ces tracasseries cessent.
Mme la présidente. L’amendement n° 428 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 164 est présenté par M. Ries, Mmes Schillinger, Lepage et Blondin, MM. Leconte, Sutour et Yung et Mme Khiari.
L'amendement n° 536 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures législatives nécessaires à la création d’un établissement public local d’enseignement, intitulé « école européenne de Strasbourg », qui est constitué de classes maternelles, élémentaires et du second degré et dispense un enseignement qui prend en compte les principes de l’organisation pédagogique figurant à l’article 4 de la convention portant statut des écoles européennes signée à Luxembourg le 21 juin 1994.
« Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de cette ordonnance. »
La parole est à M. Roland Ries, pour présenter l'amendement n° 164.
M. Roland Ries. Le présent amendement vise à permettre la création d’un établissement public local d’enseignement regroupant, au sein d’une personne morale unique, l’ensemble des niveaux de formation de l’École européenne de Strasbourg : école maternelle, école élémentaire, collège et lycée. Il prévoit ainsi l’insertion d’un article additionnel, après l’article 60, autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à cette création.
Sans cette modification du texte, la gestion de cet établissement spécialisé dans l’accueil des enfants du personnel des institutions européennes et offrant un enseignement plurilingue préparant aux épreuves du baccalauréat européen se trouverait en fait éclatée entre trois instances différentes. Chaque niveau d’enseignement serait soumis à une autorité particulière, comme c’est d'ailleurs le cas aujourd’hui : commune, département et région.
Avec le rectorat de l’académie de Strasbourg, le département du Bas-Rhin et la région Alsace, la ville de Strasbourg considère qu’une telle situation méconnaîtrait les engagements pris par la France au moment de la création de l’École européenne de Strasbourg. Il pourrait en résulter la perte par celle-ci de l’agrément qui lui a été donné par le Conseil supérieur des écoles européennes.
Seule école européenne ouverte aujourd’hui en France, l’École européenne de Strasbourg est un marqueur fort du rôle européen que les traités ont conféré à cette ville. La conjugaison des efforts qui ont abouti à sa création et qui président actuellement à son installation sur un site dédié, dans ses propres locaux, constitue, je crois, le témoignage de l’unanimité du soutien apporté au renforcement des fonctions européennes de Strasbourg par l’État, le département du Bas-Rhin, la région Alsace, la ville et la communauté urbaine de Strasbourg, par-delà les appartenances politiques et les alternances institutionnelles.
Monsieur le ministre, l’adoption de cet amendement devant conduire à ce que divers chapitres du code de l’éducation soient adaptés à la marge, le recours à une ordonnance a paru comme l’instrument le plus propre à permettre le toilettage juridique nécessaire.
Toutefois, la jurisprudence du Conseil constitutionnel n’étant pas favorable à ce que le recours aux ordonnances ait sa source dans une démarche parlementaire, le Gouvernement a bien voulu reprendre à son compte l’amendement que je présente à cet instant. Dans un souci de sécurité juridique, il me paraît donc sage de retirer celui-ci et de vous inviter, mes chers collègues, à adopter l’amendement identique du Gouvernement.
Mme la présidente. L'amendement n° 164 est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 536.
M. Vincent Peillon, ministre. En présentant cet amendement, le Gouvernement répond au souhait exprimé par la ville de Strasbourg et par l’ensemble des collectivités territoriales alsaciennes, en accord avec l’État, de se doter d’une école européenne, comme il en existe dans d’autres pays de l’Union européenne, en particulier en Belgique et au Luxembourg.
L’École européenne de Strasbourg, créée en 2008, regroupe actuellement des classes réparties dans divers établissements et écoles de la ville. Cet éparpillement des différents niveaux d’enseignement entraîne des difficultés à la fois d’organisation pédagogique, du fait d’un découpage des cycles secondaires différent du système français, et de gestion administrative et financière, en particulier en termes de répartition de la subvention accordée par la Commission européenne entre les différents niveaux d’enseignement.
Cet amendement vise donc, au vu de ces spécificités, à réunir dans un établissement unique, à titre tout à fait exceptionnel et dérogatoire, l’ensemble des cycles de formation, de la maternelle au lycée, afin de permettre à l’École européenne de Strasbourg de dispenser dans les meilleures conditions possibles l’enseignement européen prévu par la convention de Luxembourg du 21 juin 1994, qui fonde le système des écoles européennes.
Parallèlement, les collectivités locales concernées ont engagé la construction d’une cité scolaire permettant le regroupement physique des différents niveaux d’enseignement dans un lieu unique.
La création d’une école européenne de qualité contribuera sans aucun doute au rayonnement et à l’attractivité de Strasbourg comme capitale européenne. L’État a toujours soutenu cette vocation de la métropole strasbourgeoise, c’est pourquoi le Gouvernement appuie chaleureusement aujourd’hui ce projet d’école européenne.
Étant donné les nombreuses adaptations du code de l’éducation que nécessite la création de cet établissement public local d’enseignement dérogatoire au droit commun, le Gouvernement demande l’autorisation de prendre une ordonnance à cet effet. Un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement au plus tard six mois après la publication de cette ordonnance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Avis favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Ries, pour explication de vote.
M. Roland Ries. Je tiens à remercier M. le ministre d’avoir pris une fois de plus en compte un élément constitutif de l’identité européenne de Strasbourg, à savoir cette école européenne dont nous avons besoin et dont nous rêvions depuis vingt ans !
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. La défense du rôle européen de Strasbourg tient évidemment à cœur à tous les parlementaires français. Par conséquent, nous voterons très volontiers cet amendement. (MM. Roland Ries et Richard Yung approuvent.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 60.
L'amendement n° 240, présenté par MM. Legendre, Carle, Bordier et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J. C. Gaudin, Grosdidier, Humbert, Leleux et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas, MM. Savin, Soilihi, Vendegou, Lenoir et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Après l'article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les rapports prévus par la présente loi sont transmis au Parlement avant le début de l'examen de la loi de finances devant celui-ci, de manière à éclairer ses débats.
La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. L’article 60 prévoit à juste titre que le comité de suivi de l’application de la présente loi transmette chaque année au Parlement un rapport sur ses travaux. Nous pensons qu’il est utile de préciser que ce rapport devra être porté à la connaissance du Parlement au cours du dernier trimestre de l’année, avant le début de l’examen du projet de loi de finances et la discussion des crédits alloués à l’éducation nationale.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Françoise Cartron, rapporteur. Monsieur Legendre, nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer votre souci bien légitime de pouvoir disposer en temps utile de ces éléments d’information, afin d’être en mesure d’examiner le projet de budget de l’éducation nationale en toute connaissance de cause. M. le ministre s’étant engagé à plusieurs reprises à transmettre au Parlement toute l’information nécessaire à cette fin, je vous invite à retirer votre amendement. Nous sommes dans une relation de confiance !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Vincent Peillon, ministre. Le Gouvernement souhaite lui aussi le retrait de cet amendement.
Au cours du débat, vous vous êtes tous, mesdames, messieurs les sénateurs, légitimement souciés de la mise en œuvre des dispositions du texte. Le rôle du parlementaire ne se borne évidemment pas à voter la loi : il doit aussi contrôler sa bonne application. J’entends que vous disposiez de tous les moyens nécessaires pour contrôler l’action de l’exécutif. Ce sera pour ce dernier une incitation à agir.
Mme la présidente. Monsieur Legendre, l’amendement n° 240 est-il maintenu ?
M. Jacques Legendre. Au bénéfice de cette déclaration, je le retire.
Mme la présidente. L’amendement n° 240 est retiré.
L'amendement n° 292 rectifié bis, présenté par Mme Laborde et MM. Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin, Hue, Mazars, Mézard, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 60
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un décret institue une mission d’information et d’audit global de l’ensemble des systèmes d’insertion des jeunes dont les conclusions sont rendues dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi. Ces conclusions sont prises en compte dans la future réforme du lycée.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Les propos tenus par M. le ministre en réponse à M. Legendre m’amènent à retirer cet amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 292 rectifié bis est retiré.
Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés)
article 1er
Le rapport définissant la programmation des moyens et les orientations de la refondation de l’école de la République, annexé à la présente loi, est approuvé.
Mme la présidente. La parole est à M. Félix Desplan, sur l'article.
M. Félix Desplan. Le présent projet de loi marque une volonté forte de placer notre jeunesse au cœur de la République. Les objectifs, les orientations et la programmation des moyens proposés pour y parvenir enclenchent une nouvelle dynamique, porteuse d’une grande ambition.
En Guadeloupe, la concertation qui a précédé l’élaboration de ce texte a beaucoup mobilisé. Les collectivités locales, qui consacrent une part importante de leur budget à l’éducation, et la très grande majorité des familles sont très attentives à la vie et aux résultats scolaires des enfants. Il faut en chercher les raisons dans la particularité de l’histoire des Antilles, de leur structure géographique, de leur situation économique passée et actuelle.
L’attente est donc forte. Elle l’est d’autant plus que, malgré des progrès réguliers, les résultats au brevet et au baccalauréat sont parmi les plus faibles de France ; ceux des évaluations de CM2 de l’académie de Guadeloupe accusent un retard d’une dizaine de points par rapport aux chiffres nationaux. En outre, les abandons sont nombreux à l’université.
Le malaise s’installe aussi au sein de l’école parce que, même si la plupart des élèves se sentent bien dans leur établissement et estiment avoir de bons rapports avec leurs enseignants, les violences, incivilités, vols, addictions, agressions de toutes sortes sont en constante augmentation.
Quelles demandes ont émergé de cette concertation dans mon département ?
Tout d’abord, celle d’un ancrage territorial plus important de l’école. La prise en compte de l’environnement social, culturel et linguistique de l’élève est jugée insuffisante. Ainsi, la langue de communication de l’élève, qui est le plus souvent le créole, est très peu utilisée pour faciliter l’apprentissage et la compréhension des notions par les enfants et pour dialoguer avec les familles, en particulier en maternelle.
L’enseignement des langues des pays voisins est également souhaité. Cela n’exclut en aucun cas la volonté d’acquérir une meilleure maîtrise du vocabulaire et de la syntaxe du français soutenu, indispensable à la réussite du futur adulte.
Or, ces dernières années, les créoles sont restés marginaux dans les académies ultramarines. Peu d’enseignants y sont formés. On ne compte que quatre admis au CAPES de créole par an pour tous les départements d’outre-mer, un ou deux postes en créole seulement sont ouverts au concours de professeur des écoles en Guadeloupe. Dans les faits, seul un petit nombre d’élèves bénéficient d’un enseignement en créole, langue pourtant largement utilisée au quotidien en Guadeloupe.
Les autres demandes ont porté sur la nécessité de favoriser l’intégration des parents dans la communauté scolaire, l’accès au numérique et une meilleure prise en compte du handicap.
C’est précisément dans ce sens que va ce projet de loi ; je m’en réjouis. Il prend acte des inégalités subies par les élèves ultramarins, encourage l’accueil des enfants de moins de 3 ans dans ces territoires. Il instaure l’apprentissage d’une langue vivante dès le primaire, encourage le bilinguisme français-créole, favorise la connaissance des langues et cultures régionales, permet aux enseignants de recourir à celles-ci dès lors qu’ils en tirent profit pour leur enseignement. Les parents disposeront de locaux au sein des établissements scolaires. L’accent est mis sur le mieux vivre ensemble, l’exigence du respect de la personne, de ses origines et de ses différences.
Cet attachement de la Guadeloupe à une meilleure prise en compte de la réalité caribéenne pour l’éducation de ses enfants, je l’illustrerai par l’adoption récente, par les élus du congrès de Guadeloupe, d’une résolution demandant à ce que soit votée au Parlement, à l’occasion de l’examen de l’acte III de la décentralisation, une habilitation dans le domaine de l’éducation. Celle-ci permettrait aux collectivités territoriales de Guadeloupe d’adapter les contenus des programmes et des rythmes scolaires, d’intervenir dans le contenu des supports éducatifs, ainsi que d’assurer une prise en charge renforcée de certaines pathologies ou de certains risques touchant les enfants, tels que l’obésité, la maltraitance, l’inadaptation sociale.
Je me réjouis donc à l’avance de l’adoption de cet article et de l’ensemble du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Après avoir achevé l’examen des articles du projet de loi proprement dit, nous allons entamer notre marathon final avec la discussion des quelque 150 amendements portant sur l’annexe. Afin que notre débat ne se prolonge pas trop avant dans la nuit, je vous suggère, mes chers collègues, de retirer ceux qui ont déjà été débattus précédemment et de présenter les autres de façon cursive. Ils seront appelés et votés à la chaîne, à moins bien entendu que vous ne souhaitiez mettre l’accent sur un sujet particulier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Le vote d’une loi d’orientation et de programmation suppose la mise en œuvre de nouveaux moyens financiers ; du moins est-ce l’opinion du groupe CRC.
Dans cet esprit, nous nous sommes reportés au contenu du texte et de son annexe, pour rechercher quelles seraient les incidences financières réelles de la loi après sa promulgation.
Je dois avouer, monsieur le ministre, mes chers collègues, avoir été quelque peu surprise de devoir me contenter de la formule suivante, figurant dans l’annexe : « Les lois de finances votées chaque année définiront précisément la programmation annuelle de ces emplois supplémentaires. »
Cela signifie donc que la programmation budgétaire nécessaire à l’atteinte des objectifs de la loi d’orientation et de programmation est plutôt à rechercher dans la loi de programmation des finances publiques votée à l’automne dernier, que notre groupe avait d’ailleurs rejetée, considérant qu’elle s’inscrivait dans une trajectoire d’austérité durable néfaste aux intérêts de notre pays et de nos concitoyens.
La loi de programmation des finances publiques dispose ainsi que le budget de l’enseignement scolaire, fixé à 45,69 milliards d’euros cette année, passera à 46,10 milliards d’euros en 2014 et à 46,58 milliards d’euros en 2015, soit une augmentation d’environ 1 % chaque année. Avec ces crédits, il faudra mener les politiques de pré-recrutement d’enseignants, de rémunération des auxiliaires de vie scolaire et des personnels de surveillance et d’encadrement, de renforcement de l’école maternelle et de lutte contre le décrochage scolaire.
Ajoutons que les cinq années à venir seront marquées par le départ à la retraite de nombreux enseignants qui seront remplacés par de jeunes professeurs moins bien rémunérés : cela ne manquera pas d’alléger la contrainte financière pesant sur le budget général.
Or il est très important de bien analyser le fait qu’affecter 21 000 enseignants supplémentaires dans les écoles des quartiers populaires et des territoires ruraux et dans les lycées professionnels constitue un atout considérable, qu’il convient de préserver.
Cette politique exige la mise en œuvre de moyens financiers importants, d’autant que le nombre des postes créés reste insuffisant pour répondre à tous les besoins qui ont été évoqués.
Créer des emplois publics pour une école de la République de qualité est une urgence. Nombre d’entre nous partagent ce point de vue, surtout à gauche de l’hémicycle, puisque l’état actuel de l’école est l’héritage d’une période où celle-ci a été extrêmement malmenée. Il faut à la fois remédier aux dégâts causés par le gouvernement précédent et réaliser l’ambition que nous avons affirmée : promouvoir une école qui réponde à une visée émancipatrice.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Vincent Peillon, ministre. Madame Cohen, je vous suis très reconnaissant d’avoir insisté sur cet aspect.
Lorsque Mme la rapporteur m’a demandé d’inverser l’ordre de la discussion en réservant l’article 1er du projet de loi et l’annexe, j’ai hésité, car une telle organisation du débat risquait de ne pas mettre suffisamment en relief la différence entre la suppression de 80 000 emplois en cinq ans et la création programmée de 60 000 postes : 5 000 pour l’enseignement supérieur, 1 000 pour l’enseignement agricole et 54 000 pour l’éducation nationale.
Je précise, pour dissiper toute incompréhension, que les emplois à venir de professeur ou de personnel d’accueil des enfants en situation de handicap, ainsi que l’aide aux directeurs d’école, que la droite a fortement appauvrie, déstabilisant ainsi profondément le fonctionnement de nos écoles et rendant le métier de directeur d’école encore plus difficile, ne sont pas comptabilisés dans ces 54 000 postes nouveaux et viendront donc s’y ajouter.
Mobiliser des moyens suffisants est absolument nécessaire pour mettre en œuvre, au bénéfice des élèves, les réformes dont nous avons débattu.
Ainsi, sur les 54 000 emplois nouveaux créés dans l’éducation nationale, 27 000 seront affectés à la formation des enseignants. La restauration de l’année de stage est à ce prix.
De la même façon, les priorités pédagogiques qui sont les nôtres, à commencer par la priorité accordée au primaire, sont bien marquées.
Il ne s’agit donc pas, comme je l’ai entendu faire ces derniers jours, d’opposer les moyens aux fins, le quantitatif au qualitatif. Nous pouvons observer que la droite a supprimé des moyens et n’a pas mené de réformes de structures. Pour notre part, nous mobilisons les moyens nécessaires à la mise en œuvre de telles réformes. Nous le ferons tout au long du quinquennat. Au-delà du présent texte, il y a un agenda de la refondation. Notre seule perspective est la réussite de tous les élèves, le redressement de la France et la justice sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)