M. Philippe Dallier. Et les applaudissements ? Pourquoi n’applaudissez-vous pas ?
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement.
L’Assemblée nationale vient d’adopter l’article 2 du projet de loi portant réforme de l’université, article visant à permettre la multiplication des cursus universitaires en anglais.
Cette mesure est présentée comme étant de nature à accroître l’attractivité des universités françaises, mais c’est là une profonde erreur.
Oui, nous avons besoin de renforcer l’apprentissage des langues, et pas seulement de l’anglais, monsieur le ministre, au sein de notre enseignement, et ce dès le primaire.
Nous devons viser l’excellence par le biais d’une réforme profonde de nos universités, et nous avons le devoir d’y travailler ensemble. Mais c’est d’abord sur la qualité de l’accueil des étudiants étrangers que nous devons progresser, avec, bien sûr, la mise en place de cours intensifs de mise à niveau linguistique à leur intention.
Notre objectif, en tout cas, doit être non pas de faire du chiffre, mais de former les meilleurs ambassadeurs de notre diplomatie économique et d’influence.
M. David Assouline. Oui ! Et c’est nous qui le faisons !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Le filtre de la langue constitue à cet égard un atout, pas un obstacle, car il représente aussi une ouverture appréciée sur un espace francophone en pleine croissance économique et démographique : 60 % des francophones ont moins de 30 ans, le français est la seconde langue en termes de progression mondiale, après le chinois, et nous devrions atteindre le chiffre de 700 millions de locuteurs à l’horizon 2050.
Au-delà du monde étudiant, c’est un signal très négatif de renoncement que nous envoyons. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Nos partenaires francophones ne nous le pardonneront peut-être pas, mes chers collègues. Comment ne pas nous juger schizophrènes, quand nous encourageons l’enseignement du français à l’étranger tout en nous exonérant de nos responsabilités linguistiques sur notre sol ! Pourquoi financer un programme de « 100 000 formateurs pour l’Afrique » si nous renonçons à notre langue dans l’enseignement supérieur ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Didier Guillaume. Nous n’y renonçons pas !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Que dire à ces jeunes qui font l’effort d’apprendre le français dans nos lycées, nos instituts et nos alliances à l’étranger, dans l’espoir d’aller étudier dans notre pays ?
Il s’agit évidemment non pas d’interdire tout cours en langue étrangère à l’université – il s’en dispense déjà –, mais de refuser l’inscription dans la loi d’une mesure aussi absurde, aussi négative. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Les hispanophones, les lusophones ou la Chine redoublent d’efforts en faveur de l’émergence d’un monde multipolaire et multilingue.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Allons-nous capituler, alors que la Chine a créé en Afrique une chaîne de télévision en français ? Ce serait une honte pour notre pays ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Vous êtes d’accord avec ça, monsieur Raffarin ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Et vous, monsieur Assouline ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
M. Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je vous demande de bien vouloir excuser Geneviève Fioraso, qui est précisément retenue à l’Assemblée nationale par la discussion du projet de loi relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Je tiens tout d’abord à souligner que nous n’avons pas l’intention de modifier la Constitution : la langue de la République restera bien le français ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Tout de même !
M. Philippe Dallier. Nous voilà rassurés !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. L’article 2 du projet de loi a naturellement suscité un débat, qui a parfois pris une tournure assez outrancière, notamment lorsque certains ont affirmé que l’adoption du texte entraînerait l’abandon de notre langue.
Je rappelle que le principe suivant lequel le français est la langue de l’enseignement, des examens et des concours n’est nullement remis en cause. Le projet de loi vient prolonger et préciser des dispositions qui figurent déjà dans le droit positif, puisque la loi Toubon a prévu une exception à ce principe en faveur des établissements dispensant un enseignement à caractère international. L’article 2 est donc très loin d’introduire l’anglais comme langue de droit commun au sein du service public !
M. François Rebsamen. Évidemment !
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il ne prévoit pas que des formations existantes basculeront vers l’anglais. Il n’ouvre aucun droit à suivre un enseignement ou à passer un examen dans une autre langue que le français.
Trois raisons ont conduit le Gouvernement à retenir cette rédaction pragmatique et encadrée de l’article 2.
Il s’agissait d’abord de répondre à une demande émanant des établissements d’enseignement supérieur. Elle figurait dans la synthèse du comité des pilotages des assises de l’enseignement supérieur et de la recherche et a d’ailleurs été reprise par Jean-Yves Le Déaut dans son rapport sur la traduction législative des conclusions de ces assises. Ce sont donc les acteurs de l’enseignement supérieur eux-mêmes, ceux qui exercent directement la responsabilité du recrutement et de la formation des étudiants étrangers, qui estiment cette mesure nécessaire.
La deuxième raison tient au renforcement de l’attractivité de notre enseignement supérieur. La qualité de nos universités et de nos écoles constitue le premier critère d’attractivité, mais, à qualité égale, certains étudiants issus de pays émergents font de la langue d’enseignement un critère de sélection. Dans ces conditions, les établissements doivent pouvoir déployer la stratégie de leur choix.
Enfin, il est nécessaire d’encadrer un mouvement qui existe déjà. L’offre de formation comprend aujourd’hui plus de 700 parcours ou cursus dispensés dans une langue étrangère.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Alain Vidalies, ministre délégué. Il s’agit de promouvoir l’attractivité de la France. Je pense que le débat qui a lieu actuellement à l’Assemblée nationale et qui se tiendra bientôt au Sénat montrera que c’est la voie du progrès et que notre langue n’est nullement menacée. (Applaudissements sur la plupart des travées du groupe socialiste.)
l’industrie pharmaceutique (sanofi)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question s’adresse à M. le ministre du redressement productif. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
Il y a maintenant près d’un an, la direction de Sanofi annonçait, dans le cadre d’une restructuration de son secteur recherche et développement, la fermeture de la plateforme de recherche de Toulouse à l’horizon 2015.
La mobilisation des salariés a été forte et immédiate. Depuis, elle ne s’est jamais démentie, et a pris l’allure d’un bras de fer avec une direction qui n’était guère encline à accepter le dialogue social. (Marques d’approbation sur les travées du groupe CRC.)
Dès le départ, avec l’appui des élus concernés, vous vous êtes saisi de ce dossier, monsieur le ministre, en refusant la fatalité de la disparition d’un site de recherche et de ses 612 emplois. Ses équipes ont fait leurs preuves, en découvrant des molécules et en mettant au point des médicaments maintenant mondialement connus.
Faut-il rappeler que Sanofi enregistre des bénéfices confortables – le mot est faible – et se classe, bon an mal an, parmi les premières capitalisations du CAC 40 ?
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. Par la suite, vous avez confié à deux personnalités incontestables une mission sur l’avenir du site toulousain. Leur rapport a été rendu public vendredi dernier, à la préfecture de la Haute-Garonne, au cours d’une table ronde qui réunissait les représentants syndicaux, la direction de Sanofi et les élus haut-garonnais.
Il ressort de cette rencontre, conformément aux conclusions du rapport, que le site toulousain est considéré comme viable, moyennant une réorganisation passant par la définition d’une nouvelle architecture de la recherche, qui permettrait de découvrir et de valider de nouveaux médicaments.
Le rapport, et ce n’est pas la moindre des choses, souligne en outre la compétence incontestable du personnel toulousain.
Enfin, vous n’avez pas ménagé vos efforts, monsieur le ministre (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.),…
M. François Rebsamen. C’est vrai !
M. Jean-Jacques Mirassou. … pour que ce même rapport soit considéré par le plus grand nombre comme une base de relance du dialogue entre les salariés et la direction : c’est le passage obligé en vue de la construction d’un nouvel avenir pour le site de Toulouse de Sanofi, qui mérite, par ailleurs, d’être fortement impliqué dans la dynamique du futur oncopôle.
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ma question est très simple, monsieur le ministre : comment comptez-vous continuer à agir pour conforter cet avenir ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé les discussions franches que le Gouvernement, comme les élus du territoire toulousain et d’ailleurs, ont eues avec la direction du groupe Sanofi, première capitalisation du CAC 40.
Dans la première phase de ces discussions, qui furent, chacun le reconnaît, difficiles et âpres, nous avons obtenu un certain nombre de concessions de la part de Sanofi, avant même que le problème particulier du site de Toulouse ait été posé et ait fait l’objet d’un début de solution. Il faut savoir que nous partions de loin.
L’intention de Sanofi était de supprimer 2 000 postes ; ce chiffre a été ramené à 917, sans aucun licenciement, après discussion avec le Gouvernement. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Les dirigeants de l’entreprise ont également déclaré vouloir maintenir les centres de décision de Sanofi sur le territoire national et les vingt-six sites de production implantés en France.
Enfin, ils se sont engagés à maintenir les dépenses de recherche et développement en France à un haut niveau, à savoir 1,8 milliard d’euros, soit 40 % du total des investissements de Sanofi en la matière.
En ce qui concerne le cas spécifique du site toulousain, j’ai confié une mission à un expert incontesté, M. Jean-Pierre Saintouil, et à M. Amalric, professeur à l’université Paul-Sabatier. Ils ont entendu toutes les parties, dès le mois de février, et rendu leur rapport la semaine dernière, en présence des élus de la Haute-Garonne, des représentants des partenaires sociaux et de moi-même.
Voici les conclusions de ce rapport, que nous faisons nôtres.
Tout d’abord, nous souhaitons que Sanofi maintienne pendant cinq ans un centre d’innovation à Toulouse, permettant l’emploi de 250 chercheurs actuellement en poste.
M. Didier Guillaume. Très bien !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Ensuite, il est proposé de créer des structures communes entre Sanofi et le monde universitaire, de manière à permettre des transferts de technologies et une synergie en matière de recherche.
En outre, Sanofi s’engage à financer la création de start-up et d’entreprises innovantes, à concurrence d’une petite centaine d’emplois.
Enfin, les fonctions support seront maintenues.
L’ensemble de ces propositions permet de considérer que, sous diverses formes, 450 emplois seront conservés à Toulouse, la majorité d’entre eux pour cinq ans. C’est un compromis entre la fermeture pure et simple du site et le statu quo.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Arnaud Montebourg, ministre. Le moment est venu de réenclencher le dialogue social, la direction de Sanofi ayant accepté les conclusions du rapport. Je souhaite que les partenaires sociaux négocient les modalités de mise en œuvre de celles-ci. C’est une deuxième chance pour Toulouse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre.
M. Francis Delattre. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Dans un grand fracas médiatique, M. Gallois nous proposait ici même, le 7 novembre dernier, de créer un choc de compétitivité par un allégement de 30 milliards d’euros des charges sociales des entreprises, en recourant à parité à la fiscalité et à la réduction de la dépense publique.
La loi de finances pour 2013, déjà beaucoup plus modestement, a ramené ce montant à 20 milliards d’euros en régime de croisière. Après bien des discussions, nous avons compris que, pour l’année 2013, l’objectif n’était plus que de 10 milliards d’euros d’allégements.
Les préconisations du rapport Gallois semblaient indiquer une prise de conscience, par le Gouvernement, des effets négatifs de sa politique économique, fondée essentiellement jusque-là sur une hausse des prélèvements obligatoires, parfois même sur la stigmatisation des entrepreneurs.
Près de six mois après ces annonces, où en sommes-nous ?
Pour 2013, le préfinancement effectué de manière assez curieuse par la Banque publique d’investissement s’établit à 660 millions d’euros. D’après le directeur général de cette institution, il ne dépassera pas, au total, 2 milliards d’euros, ce chiffre ayant été confirmé par le directeur du budget. L’écart entre ce montant et les 10 milliards d’euros annoncés initialement fait apparaître que la boîte à outils est plutôt une boîte à malices ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Concernant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, le grand flou budgétaire demeure, s’agissant notamment des économies affectées, qui doivent constituer la moitié de son financement.
L’expérimentation en cours permet déjà de mesurer l’impact réel du CICE.
Quels sont, tout d’abord, les salariés concernés ?
L’absence d’application dégressive du dispositif conduit à un blocage des salaires moyens : l’entreprise peut obtenir 1 700 euros de crédit d’impôt si le salaire est égal à 2,49 SMIC, rien s’il dépasse un tant soit peu le plafond de 2,5 SMIC.
Malgré une instruction fiscale de 41 pages, entre les primes, le treizième mois et les abattements pour frais professionnels, les entreprises ont bien du mal à s’y retrouver : pour elles, l’analyse du SMIC ne peut être qu’annuelle.
Quelles sont, ensuite, les entreprises qui bénéficient de ce dispositif ?
Alors que l’industrie était essentiellement visée, c’est la grande distribution, pour 3 milliards d’euros, et les grandes entreprises de travaux publics, pour 2 milliards d’euros, qui figurent aux premiers rangs des bénéficiaires. Or il s’agit d’entreprises peu délocalisables.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Francis Delattre. Parmi les entreprises en difficulté, PSA bénéficiera d’environ 100 millions d’euros, tandis que Carrefour touchera entre 110 millions et 180 millions d’euros.
Monsieur le ministre, l’objectif de réindustrialisation visé par le biais de ce dispositif n’est pas atteint. Quelles mesures comptez-vous prendre pour remédier à cette situation ? (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget. Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur, qui me donne l’occasion de faire un point sur les conditions de mise en œuvre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, ainsi que de l’ensemble des mesures qui sont prises pour favoriser le retour à la compétitivité de notre secteur productif.
Le CICE est un dispositif simple, qui s’inspire de mesures antérieures, prises par des gouvernements que vous avez soutenus. Il s’agit d’une extension du crédit d’impôt, permettant aux entreprises de bénéficier en ligne et de façon immédiate de la mesure. Elles pourront la comptabiliser dès 2013 pour améliorer leur compte d’exploitation ou, pour celles qui sont soumises à la concurrence internationale, pour faire baisser leurs prix.
Les entreprises qui rencontrent des difficultés de trésorerie pourront aussi bénéficier dès 2013 de l’effet du crédit d’impôt non seulement dans leur comptabilité, mais aussi de manière immédiate, grâce au dispositif que nous avons mis en place auprès de la BPI. Entre 500 millions et 600 millions d’euros sont mobilisés à ce titre.
Cependant, nous avons souhaité aller au-delà. Pierre Moscovici a signé une convention avec la Fédération française des banques pour que celles-ci puissent ouvrir elles-mêmes aux entreprises de leur ressort l’accès à ce crédit d’impôt. Cela est rendu possible par un mécanisme de garantie offert par la BPI, qui va permettre la montée en puissance de la mesure au cours de l’année 2013.
Enfin, monsieur le sénateur, concernant la portée de la mesure, je voudrais simplement vous rappeler, sans esprit polémique, que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi représentera, pour les entreprises, un allégement de charges sociales de 20 milliards d’euros, contre 12 milliards d’euros pour la fameuse TVA « sociale » qui avait été voulue par le précédent gouvernement et dont le coût aurait été beaucoup plus important pour l’État.
Mme Catherine Tasca. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur : nous détaillerons l’effet du CICE tout au long des débats budgétaires à venir, et vous vous rendrez alors compte que vos préventions d’aujourd’hui étaient infondées. Je suis convaincu que, ayant pu constater les effets bénéfiques de cette mesure pour les entreprises de notre pays, vous la soutiendrez avec ardeur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
bilan de l’application de la loi contre la vie chère en outre-mer
M. le président. La parole est à M. Serge Larcher.
M. Serge Larcher. Ma question s’adresse à M. le ministre des outre-mer.
La problématique de la vie chère constitue un sujet de débat et de mobilisation sociale lancinant dans nos outre-mer. Il s’agit non pas d’un simple ressenti, mais bien d’une réalité statistique. Ainsi, l’INSEE estime que le niveau général des prix dans les départements d’outre-mer est supérieur de 6 % à 13 % à celui que l’on mesure dans l’Hexagone, l’écart atteignant même près de 40 % pour les produits alimentaires.
Monsieur le ministre, le Gouvernement a fait de la lutte contre la vie chère outre-mer une de ses priorités, comme l’a illustré le vote, moins de six mois après sa prise de fonctions, de la loi relative à la régulation économique outre-mer. La mise en œuvre des dispositions de ce texte, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le Sénat, commence à produire des résultats. Les négociations engagées avec la grande distribution ont ainsi permis une baisse de plus de 10 % des prix des produits relevant du « bouclier qualité-prix », ainsi qu’un essor de certaines productions locales.
Au-delà du cas des produits alimentaires, le prix des carburants pèse lourdement sur le pouvoir d’achat des ménages ultramarins. Il a d’ailleurs été le déclencheur de la grave crise sociale qui a touché nos outre-mer au début de l’année 2009. Il s’agit pourtant d’un prix réglementé.
Le précédent gouvernement a publié, en novembre 2010, un décret organisant, sur la base d’un savant calcul, la compensation du manque à gagner des compagnies pétrolières locales, filiales de Total. En application de ce décret, l’État a dû faire à ces compagnies un chèque de 144 millions d’euros pour la période 2009-2012 ! Lors des débats sur la loi relative à la régulation économique outre-mer, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à modifier ce décret. Où en est-on six mois plus tard ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des outre-mer.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le sénateur, je comprends votre impatience, que je sais partagée par nombre de nos compatriotes des outre-mer. Cependant, permettez-moi de relativiser quelque peu la situation.
Six mois après l’adoption de la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, la plupart des décrets et des projets de décret sont prêts. À titre de comparaison, je rappellerai que vingt et un mois se sont écoulés entre la publication, en mars 2009, du rapport de l’Inspection générale des finances sur le prix des carburants et celle, en décembre 2010, du décret que vous avez mentionné et que nous souhaitons réviser.
Le Premier ministre a validé voilà quelques jours les grandes orientations de la réforme. Nous procédons actuellement à quelques vérifications techniques afin de préciser la rédaction du projet de décret, avant de soumettre celui-ci aux collectivités, qui doivent nécessairement être consultées, à l’Autorité de la concurrence et, bien entendu, au Conseil d’État.
J’en viens maintenant au fond et aux grandes orientations retenues.
D’abord, tout doit être fait pour assurer la transparence, la formation loyale des prix, afin que chacun des opérateurs s’y retrouve.
Ensuite, les prix d’importation des hydrocarbures seront rendus plus transparents, en accordant un rôle central aux prix de marché, c'est-à-dire aux cotations publiques.
Par ailleurs, les comptes annuels des entreprises régulées seront désormais contrôlés chaque année, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent, afin de détecter la constitution de revenus supérieurs aux prévisions et d’apporter le cas échéant les corrections nécessaires. Je rappelle que les prix sont fixés selon des budgets prévisionnels. Ce n’est à l’heure actuelle jamais contrôlé.
Enfin, une marge spécifique accordée aux gérants de stations-services sera distinguée, afin de bien identifier ce qui leur revient en propre et ce qui revient aux propriétaires des stations. Nous souhaitons connaître les marges nettes et non plus seulement, comme c’est le cas aujourd'hui dans les outre-mer, les marges brutes. Je rappelle que le facteur déclencheur des émeutes survenues en Guyane fut le prix du carburant, qui s’établissait alors à 1,77 euro le litre, ce qui constituait un record mondial !
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre. D’autres mesures importantes seront prises, comme la régulation séparée des stocks stratégiques et un retour à un taux de rémunération unique de la Raffinerie des Antilles et de la Société réunionnaise de produits pétroliers.
Enfin, j’ai demandé aux préfets d’engager des concertations en vue de la prise des nouveaux arrêtés de méthode. Le décret sera prêt avant la fin de l’été. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)
situation en syrie
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, le dramatique conflit déchirant la Syrie, qui a déjà fait tant de morts et créé tant de souffrances, semble avoir évolué récemment dans trois dimensions.
Sur le plan intérieur, les observateurs parlent de rééquilibrage des forces en faveur du pouvoir en place, ainsi que d’un renforcement des extrémistes au sein des forces de libération.
Sur le plan régional, jamais les répercussions du conflit syrien sur les autres pays du Proche-Orient et du Moyen-Orient n’ont été aussi dangereuses pour leur intégrité et pour la stabilité de la zone.
Sur le plan international, sans parler de nouvelle guerre froide, force est de constater que la Russie et la Chine d’un côté, les États-Unis et leurs alliés de l’autre, ont des analyses et des intérêts très divergents, à la veille d’une tentative de réunion d’une conférence internationale, née de la conviction que ce conflit ne pourra pas se régler par les armes.
Monsieur le ministre, face à cette situation en pleine évolution, quelle est aujourd’hui l’analyse de la France ? Juge-t-elle opportun de prendre de nouvelles initiatives ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui pose très bien les données de ce redoutable problème.
J’étais cette nuit en Jordanie, où se tenaient des discussions entre les onze pays qui soutiennent la coalition nationale syrienne.
Il est un principe auquel nous ne dérogerons pas : nous soutenons cette coalition, composée d’hommes et de femmes qui résistent à l’offensive de Bachar Al-Assad et sont animés par des valeurs que nous pouvons partager. L’affirmation de ce soutien pose le problème de l’éventuelle levée de l’embargo sur les livraisons d’armes.
Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, une évolution est constatée sur le terrain depuis quelques semaines.
Ainsi, un certain nombre d’extrémistes prennent des positions de plus en plus fortes au sein de la résistance. Pour nous, il ne doit pas y avoir de confusion. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons demandé aux Nations unies d’inscrire Al-Nosra sur la liste des organisations terroristes.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Laurent Fabius, ministre. De la même façon, la branche armée du Hezbollah, émanation de l’Iran, se montre de plus en plus présente depuis quelques semaines, comme on l’a vu notamment lors de l’attaque d’Al-Qusayr. C'est pourquoi j’ai annoncé hier la décision de la France de proposer, dans le cadre européen, l’inscription de la branche armée du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Par ailleurs, vous avez raison de le souligner, il n’y aura de solution que politique. Nous demandons depuis très longtemps la réunion d’une conférence de « Genève II ». Celle-ci va possiblement avoir lieu, mais certaines conditions doivent être réunies pour qu’elle puisse être un succès. Nous avons ainsi pris position pour que l’Iran, qui ne souhaite pas qu’une telle conférence puisse aboutir, en soit écarté. Quant à l’objet de la conférence, il doit être d’installer un gouvernement de transition doté des pleins pouvoirs, y compris sur les forces de sécurité. Du même coup, cela fait tomber, si l’on peut dire, la question du maintien au pouvoir de M. Bachar Al-Assad.
Enfin, des enquêtes sont actuellement menées, y compris par la France, sur le recours à des armes chimiques. Dans le communiqué rendu public hier, nous avons indiqué que s’il est établi que des armes chimiques ont été utilisées, la réponse sera sévère, ce qui a une signification très précise en termes de droit international et de frappes.
Ce qui se passe en Syrie constitue évidemment un drame épouvantable, monsieur le sénateur, ayant des conséquences humaines terribles et des effets dans l’ensemble de la région. La France essaie d’apporter sa pierre à l’élaboration de la solution, en étant à la fois fidèle à ses principes et pragmatique, compte tenu des évolutions constatées sur le terrain. (Applaudissements.)