M. Jean-Claude Lenoir. Oui !
M. André Reichardt. Pour les rendre encore plus efficaces dans le contrôle des flux internet, ne faut-il pas doter nos services de police judiciaire et de renseignement de personnels supplémentaires particulièrement aguerris et formés au contrôle des nouveaux moyens de communication ?
Telles sont, monsieur le ministre, les questions que m’inspire cet événement survenu dans mon département ; je vous remercie de bien vouloir y répondre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Reichardt, nous reprenons en effet une discussion que nous avions eue lors de l’examen du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme et, jeudi dernier encore, lors des questions cribles sur la politique de lutte contre le terrorisme.
D’une manière générale, nous devons rester mobilisés, car la menace est là, en France, en Europe et dans le monde. Les événements de ces dernières heures en font la démonstration. Après le Président de la République et le Premier ministre, je veux exprimer la solidarité du Gouvernement à l’égard de nos amis Britanniques, victimes d’une attaque particulièrement horrible, qui soulève de nombreuses questions sur la nature de cette menace et nous rappelle la nécessité d’une mobilisation forte et constante.
Je tiens à saluer à mon tour, monsieur le sénateur, le travail et l’engagement des forces de l’ordre dans l’affaire que vous avez évoquée. La menace, postée sur un forum de jeux, a été repérée rapidement et un dispositif adapté de sécurisation des lycées a été mis en place immédiatement : il sera maintenu tout le temps nécessaire. Actuellement, 455 policiers ou gendarmes assurent la protection des établissements concernés.
L’enquête se poursuit et toutes les pistes sont exploitées. L’engagement de la police nationale est total. Trois services travaillent de façon bien coordonnée sur cette affaire : la sûreté départementale, chargée de l’investigation de proximité, la police judiciaire et l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication.
La détection de la menace et la lutte contre les rumeurs qui se répandent sur internet passent par un renforcement de la coopération avec les opérateurs et les réseaux sociaux, à l’instar de la démarche que nous avons entreprise avec Twitter à la suite d’une recrudescence, ces derniers mois, des propos antisémites et homophobes.
En ce qui concerne la surveillance d’internet, nous devons concilier les impératifs de sécurité et le respect des grandes libertés constitutionnelles. La tâche est difficile, mais les services ne manquent ni d’outils techniques ni de personnels spécialisés aptes à identifier les cyber-délinquants. La direction centrale du renseignement intérieur va se voir attribuer des moyens supplémentaires, notamment en termes de recrutement. Toutes les technologies doivent être exploitées : dans le cas de l’affaire de Strasbourg, nous pouvons par exemple nous appuyer sur les images du système de vidéosurveillance du cybercafé.
Quoi qu’il en soit, monsieur le sénateur, les menaces contre les lycées de Strasbourg doivent être prises au sérieux. Leur auteur doit être identifié et, qu’il s’agisse ou non d’un canular, il devra être sanctionné. Nous nous consacrons à cette tâche, sans céder à la panique, mais avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
protection judiciaire de la jeunesse
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, je souhaite attirer votre attention sur une dérive qui met en péril l’exercice, par les départements, de leurs missions de protection de l’enfance. En effet, nous assistons à un transfert progressif des responsabilités de l’État vers les conseils généraux en matière d’accueil des mineurs délinquants.
En dépit de l’accroissement des crédits, les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, ne permettent plus de faire face aux besoins. Dès lors, au nom de la « graduation de la réponse pénale », les magistrats sont conduits à confier de plus en plus fréquemment des mineurs délinquants, relevant normalement du dispositif de l’ordonnance de 1945, aux services de l’aide sociale à l’enfance, c’est-à-dire aux départements.
La situation en Mayenne met en évidence un dysfonctionnement préoccupant. Le foyer d’hébergement de la PJJ a été fermé et la direction départementale de cette administration a été supprimée, au profit d’un regroupement couvrant trois départements.
Il en résulte que les magistrats confient les jeunes à la PJJ en fonction des places disponibles dans les foyers de cette dernière. En Mayenne, près d’un tiers des entrées en maison d’accueil d’urgence enregistrées entre janvier et avril 2013 concernaient des jeunes faisant l’objet de poursuites judiciaires
Durant la même période, et corrélativement, les agressions envers les éducateurs se sont multipliées, ainsi que les saisies de couteaux, de pistolets à grenaille et autres coups de poing américains. C’est dire si le profil de ces jeunes a changé !
Dans les maisons d’accueil d’urgence, la présence de mineurs délinquants met en danger les autres enfants. Nous sommes ainsi bien loin de la protection des jeunes victimes de leur environnement familial et social ! Du reste, les éducateurs eux-mêmes sont en danger.
Dans une affaire récente, un jeune confié à l’aide sociale à l’enfance s’est livré à une succession d’actes délictueux, conclue par le vol et l’incendie d’un véhicule de service. Interpellé par les gendarmes quelques jours plus tard et présenté au pénal en comparution immédiate, accompagné d’un éducateur de la PJJ, il fait l’objet d’une mesure de liberté surveillée préjudicielle, prise sans jugement, dans le cadre de l’ordonnance de 1945. Ce jeune reste donc placé sous l’assistance éducative et la responsabilité du conseil général, au seul motif que l’on manque de place dans les foyers d’hébergement de la protection judiciaire de la jeunesse.
Madame la ministre, j’aimerais savoir quelles mesures vous entendez prendre pour mettre un terme à cette dérive. Je voudrais vous convaincre que l’aide sociale à l’enfance ne doit pas être la soupape de sécurité de la protection judiciaire de la jeunesse. La prochaine fois, je vous interrogerai sur le placement des mineurs étrangers isolés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. Nicolas Alfonsi applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, l’aide sociale à l’enfance n’est absolument pas la soupape de sécurité de la protection judiciaire de la jeunesse !
Les chiffres que vous avancez doivent être vérifiés, car ils ne correspondent pas à ceux de la protection judiciaire de la jeunesse. Il n’empêche que la situation que vous évoquez est juridiquement possible, l’article 10 de l’ordonnance de 1945 autorisant le juge à placer dans les hébergements de l’aide sociale à l’enfance des jeunes ayant été pris en charge dans le cadre pénal. Toutefois, je l’ai vérifié, de telles situations demeurent absolument exceptionnelles.
Les cas que vous évoquez méritent d’être examinés de plus près, en lien avec les services de la protection judiciaire de la jeunesse. Concernant la fermeture de la direction départementale de la Mayenne, je souligne que la protection judiciaire de la jeunesse a perdu, entre 2008 et 2012, près de 600 emplois, soit environ 8 % de ses effectifs. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste. – M. Jean-Pierre Michel applaudit.)
M. David Assouline. C’est Fillon !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les crédits dévolus aux services associatifs habilités, qui, vous le savez, prennent en charge une part importante des publics concernés, ont baissé de 22 %, c’est-à-dire de 67 millions d’euros.
Le Président de la République a décidé de faire de la jeunesse sa priorité. Le Premier ministre a procédé à des arbitrages en ce sens, de sorte que le budget de la PJJ a augmenté de 2,4 %. Nous avons ainsi pu recruter, dès cette année, 205 éducateurs et psychologues pour assurer une prise en charge, sur l’ensemble du territoire, de ces jeunes dans les cinq jours, et nous avons abondé de 10 millions d’euros la dotation hors crédits courants des associations.
Mme Claire-Lise Campion. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Nous avons augmenté la capacité d’accueil de la PJJ, avec soixante-dix nouvelles familles d’accueil. Le nombre de celles-ci est passé de 340 à 410, soit une hausse de 20 % en un an. Par ailleurs, nous avons légèrement relevé la dotation journalière, de 30 à 36 euros.
En outre, nous avons ouvert trois centres éducatifs fermés durant le second semestre de 2012 et nous en ouvrirons quatre autres en 2013. Nous mettons un terme aux fermetures d’établissements éducatifs : ainsi, nous avons maintenu les dix-huit établissements dont la fermeture était programmée pour 2012.
Enfin, nous travaillons, à l’échelon interministériel et en coordination avec les départements, sur la gouvernance de la protection judiciaire de la jeunesse. Monsieur Arthuis, la Chancellerie vous est ouverte ; vous y serez le bienvenu. Je vous informe que j’ai déjà reçu M. Claudy Lebreton, le président de l’Assemblée des départements de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol.
Mme Laurence Rossignol. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le ministre, hier s’est tenue, à Matignon, la réunion préparatoire à la deuxième conférence sociale, qui elle-même se réunira dans un mois.
Permettez-moi d’abord de dire un mot sur la méthode, car elle est déterminante pour l’obtention des résultats attendus.
Grâce à ce rendez-vous régulier et honoré, le Gouvernement installe un processus durable de réforme par la démocratie sociale. Parce qu’il prend acte de la diversité des points de vue et vise à les rapprocher sans les heurter, parce qu’il rompt avec les injonctions et les confrontations brutales de la période précédente (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…
M. Rémy Pointereau. Avec vous, c’est toujours la faute des autres !
Mme Laurence Rossignol. … parce qu’il aboutit à la prise de décisions dans un climat de respect et d’écoute, fussent-elles non consensuelles, ce processus est la juste voie pour mobiliser les partenaires sociaux dans la bataille pour l’emploi. D'ailleurs, tous, qu’ils aient ou non été signataires des conclusions, s’en félicitent.
Les emplois d’avenir, les contrats de génération, l’accord national interprofessionnel sont autant de résultats déjà à l’actif de cette méthode. Ils témoignent de la volonté du Gouvernement de réussir le redressement du pays par la voie du dialogue social et de la négociation.
L’emploi, la formation, l’égalité professionnelle entre hommes et femmes, les conditions de travail, l’équilibre des régimes de retraite sont à l’ordre du jour de ce deuxième rendez-vous. Tous ces sujets sont liés.
Les salariés sont méfiants. Dans le passé, le mot « réforme » n’a souvent servi qu’à couvrir des mesures instaurant davantage de précarité. La formation est plus souvent vécue comme un parking pour chômeurs que comme une deuxième chance. Les salariés attendent des avancées sociales, davantage de sécurité professionnelle et une plus grande efficacité.
M. Rémy Pointereau. Parlons-en !
Mme Laurence Rossignol. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles priorités et quel calendrier ont été retenus lors de la réunion d’hier ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Rémy Pointereau. Merci pour votre question !
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la sénatrice, je vous remercie en effet de cette question ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Vous l’avez souligné, c’est d’abord la méthode qui est différente.
MM. Daniel Raoul et Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. Le dialogue social n’est plus un simple slogan, l’occasion d’une grand-messe, un rendez-vous sans lendemain, comme cela a pu être le cas dans un passé peu éloigné… Désormais, le dialogue social est une méthode qui s’inscrit dans la durée : la deuxième grande conférence aura lieu en juin prochain, mais c’est tout au long de l’année passée que se sont succédé rencontres et échanges sur de nombreux sujets, et il en ira de même au cours de l’année à venir. Les calendriers sont respectés par les uns et par les autres. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout va très bien, monsieur le ministre !
M. Michel Sapin, ministre. Cette démarche donne satisfaction à l’ensemble des partenaires sociaux, ce dont vous pourriez être jaloux… (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Il ne faut quand même pas pousser !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Déni de réalité !
M. Michel Sapin, ministre. Madame la sénatrice, à la demande unanime des participants à la réunion préparatoire d’hier, la prochaine grande conférence sociale portera sur le sujet qui constitue la préoccupation fondamentale des Français, à savoir l’emploi (Exclamations sur les travées de l'UMP.)…
M. Jean-Pierre Raffarin. Le chômage, voulez-vous dire !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’emploi, c’est maintenant !
M. Michel Sapin, ministre. … et la lutte contre le chômage.
Dans ce cadre, seront abordés les thèmes de la création d’emplois par les entreprises – quelles sont les conditions propices à son développement ? – et de la formation professionnelle. Celle-ci joue un rôle fondamental pour permettre aux jeunes n’ayant pas reçu une formation initiale suffisante d’accéder à un emploi ou pour aider des travailleurs licenciés à en retrouver un, par le biais d’une transition professionnelle.
La grande conférence sociale portera aussi sur toute une série d’autres sujets connexes, intéressant ceux qui ont déjà un travail. En effet, à côté des 5 millions de personnes en situation de chômage complet ou partiel,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Depuis un an, combien de chômeurs en plus ?
M. Michel Sapin, ministre. … il y a 25 millions de Françaises et de Français qui ont un emploi mais veulent de meilleures conditions de travail. Ils souhaitent que l’on améliore la santé au travail, que l’on lutte contre la pénibilité, et pas seulement en la prenant en compte dans le cadre de la réforme des retraites, ce qui est indispensable en termes de justice.
Au cours de la prochaine grande conférence sociale sera également abordée la dimension européenne de la problématique de l’emploi. Des initiatives sont prises pour apporter des solutions européennes, en particulier en matière de lutte contre le chômage des jeunes. Oui, l’Europe peut être aussi une solution ! Je pense qu’il y a là, mesdames, messieurs les sénateurs, de quoi nous rassembler tous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
filière porcine
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Ma question, qui s'adresse à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, concerne la filière de production porcine.
À l’instar de bien d’autres secteurs, hélas, cette filière traverse une crise ayant de lourdes incidences, sur les plans tant sociaux qu’économiques et environnementaux, et pas seulement en Bretagne, même si cette région assure 60 % de la production porcine française.
Par ailleurs, en dix ans, le nombre d’exploitations porcines a diminué de 23 %, passant de 7 000 à 5 699.
Monsieur le ministre, dans ce contexte particulièrement délicat, vous avez pris la situation à bras-le-corps. Nous tenons à vous en remercier et à saluer le fait que vous nous informiez et que vous nous associiez à vos décisions autant que faire se peut.
Vous avez annoncé et présenté un plan d’avenir pour la filière porcine. L’objectif est de retrouver le niveau de production de 2010, à savoir 25 millions de têtes, contre 23 millions aujourd'hui. Même si cette diminution est à relativiser, dans la mesure où le poids des animaux à l’abattage a augmenté, il est nécessaire d’agir. Dans cette perspective, le plan d’avenir pour la filière porcine vise à consolider les secteurs de l’abattage, de la découpe et de la transformation, en améliorant la valeur ajoutée, à mieux encadrer les relations commerciales au sein des filières agricoles et agroalimentaires et à mieux vendre en promouvant l’origine française des viandes, car le marché national est véritablement à reconquérir. En termes de production, il est nécessaire de moderniser les outils, en facilitant l’installation et la rénovation des bâtiments.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous proposez d’alléger les procédures administratives. Cette question fait débat, mais, s’agissant de l’assouplissement des normes, n’oublions pas que nous encourons des sanctions européennes pour non-respect de la directive « nitrates » !
Enfin, si la méthanisation peut être une réponse, elle ne doit pas être le prétexte à une nouvelle vague de concentration de la production.
J’en viens à ma question. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Joël Labbé. Envisagez-vous, monsieur le ministre, un retour au contrôle des structures, afin notamment d’éviter la course à la concentration, qui aboutit à l’élimination d’un certain nombre d’exploitations encore viables ?
M. le président. Il vous reste trois secondes pour conclure !
M. Joël Labbé. En ce qui concerne la méthanisation, quid de l’utilisation des terres agricoles pour alimenter en maïs les digesteurs ? Pour ma part, je suis convaincu qu’il faut réserver les terres agricoles à la production alimentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe CRC et sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, il est exact que la filière porcine française connaît aujourd’hui une situation extrêmement difficile, dont la spécificité, par rapport à celle du secteur de l’élevage en général, tient à une baisse de la production, liée à la concurrence et au renchérissement du coût de l’alimentation.
Cette situation a des incidences sur l’outil de transformation et des conséquences sociales majeures, en particulier en Bretagne. Ce matin, une rencontre a été organisée au ministère avec les représentants des salariés du groupe Gad.
Face à ces difficultés, il faut mettre en place plusieurs stratégies.
La première consiste à essayer de réunir autour d’une table les acteurs de la filière, où le dialogue n’est pas à la hauteur de ce qu’il devrait être, pour discuter d’une revalorisation du prix de la viande porcine française.
L’idée est de tenter de mettre en place, d’ici au mois de juillet, un cadre commun, assorti d’un cahier des charges, à l’ensemble des viandes produites en France. Les consommateurs doivent savoir que l’étiquetage « Viande de France » représente une garantie en termes de conditions sanitaires et sociales de production, de localisation de la production et d’alimentation. Cela permettra de mieux valoriser les viandes produites dans notre pays.
Parler de la production porcine, c’est aussi évoquer le débat conflictuel, très ancien en Bretagne, sur l’excès d’azote dans l’eau, qui se manifeste notamment par la prolifération des « algues vertes ».
Comment résoudre ce problème ? Trouve-t-il son origine dans la densité de la production porcine ? En partie, mais pas totalement. Nous devons adopter une nouvelle démarche pour aborder cette question.
La première étape consiste à poser la question de la valorisation de l’azote organique, sachant que, même en Bretagne, on achète et on épand de l’azote minéral. Il convient donc de raisonner en termes d’azote total : là où il existe un excédent d’azote organique, il n’est nul besoin de recourir à l’azote minéral.
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure.
M. Stéphane Le Foll, ministre. La deuxième étape consiste à promouvoir la méthanisation, sans aller vers une croissance ou une concentration des élevages, mais en ouvrant la possibilité à des exploitations de s’engager ensemble dans cette autre voie de valorisation de la matière organique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
réforme de la décentralisation
M. le président. La parole est à M. Christian Favier.
M. Christian Favier. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Dans une semaine, le Sénat examinera un projet de loi tendant à renforcer les métropoles. Loin d’être un texte de décentralisation, il vise à concentrer les pouvoirs locaux en poursuivant l’effacement des communes et des départements entamé avec la réforme de 2010.
L’entreprise, on le sait, est difficile à faire accepter. Pas moins de dix versions du projet ont été élaborées ; finalement, il sera présenté sous la forme de trois textes, à la cohérence incertaine.
Le premier, relatif aux métropoles, donne pleins pouvoirs à des conférences territoriales pour imposer aux départements et aux communes des politiques locales venues d’ailleurs, crée des métropoles dans une quinzaine d’aires urbaines en retirant tout pouvoir à quelque 5 000 communes, réduit la capacité d’intervention de plus de quarante départements et déstabilise l’action d’une bonne douzaine de régions.
Ce bouleversement est appelé à toucher près de 30 millions de nos concitoyens : cette réforme, on peut le dire, ébranle l’ensemble de notre édifice républicain, fondé sur nos communes.
Notre attachement aux communes ne relève pas d’un archaïsme. La commune est pour nous le creuset de notre système démocratique. À l’heure où l’éloignement des centres de décision inquiète nos concitoyens et suscite souvent leur colère, la démocratie de proximité, symbolisée par la commune et le département, constitue un atout et non une charge, contrairement à ce qu’affirment volontiers certains cercles libéraux.
Devant la perspective de ce chamboulement généralisé, la commission des lois du Sénat a supprimé certaines des mesures annoncées et récrit le texte, sans en remettre en cause l’orientation.
Madame la ministre, le Sénat ne dispose que d’une seule semaine pour étudier ce nouveau texte…
Mme Isabelle Debré. C’est vrai !
M. Christian Favier. … et aucune consultation n’est plus possible. De telles conditions de travail ne permettent pas de faire vivre l’esprit des états généraux de la démocratie territoriale que notre assemblée a organisés, ni de solliciter l’avis des élus, des agents territoriaux et des populations sur des sujets qui les concernent directement. Il n’est pas sérieux de travailler ainsi.
M. Jackie Pierre. C’est vrai !
M. Christian Favier. Compte tenu de l’importance des enjeux pour l’avenir de nos territoires et de ceux qui y vivent, nous vous demandons de reporter l’examen de ce texte. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Il faut le récrire pour y introduire une nouvelle phase de démocratisation – réelle – de nos collectivités territoriales, afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des populations, d’assurer leur autonomie financière, comme le prévoit notre Constitution, et de créer les conditions de leur coopération volontaire en vue de développer les services locaux. En un mot, il faut faire confiance à l’intelligence locale et non la contraindre.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Christian Favier. Il est de notre responsabilité, madame la ministre, d’assurer la tenue d’un réel débat démocratique, dans un climat serein, respectueux de chacun. Cette réforme doit constituer la nouvelle étape d’une décentralisation démocratique et sociale et rejeter les dogmes libéraux, dont le seul credo est la réduction des services publics. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le sénateur Favier, je note que l’UMP a applaudi votre appel au rejet des dogmes libéraux… (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Dallier. Eh oui ! C’est le changement !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. L’article 42 de la Constitution impose que la discussion porte sur le texte issu des travaux de la commission, et non sur celui que le Gouvernement avait déposé.
Il n’en reste pas moins que le Gouvernement a bien l’intention de défendre son texte initial, au travers d’un certain nombre d’amendements et d’un débat sans aucun doute de haute tenue sur les modifications introduites par la commission des lois. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le sénateur, vous avez insisté sur le respect des communes et sur les compétences attribuées à certaines collectivités territoriales au détriment d’autres.
Nous avons tenu, conformément à un engagement pris par le Président de la République avant son élection, à garder les communes comme élément majeur et fondateur de la République.
Mme Éliane Assassi. C’est la moindre des choses !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avons eu ici de longs échanges sur le rôle du maire, représentant de la République, garant de la conduite d’un certain nombre de politiques. Ce rôle sera maintenu.
Nous avons également eu de longs débats sur la mutualisation des services entre les communes et les intercommunalités ; personne n’y reviendra.
Monsieur le sénateur Favier, nous avons choisi de faire confiance aux élus. Nous aurions pu définir durement les « chefs de filat », à l’image de ce qui avait été proposé en amont, mais nous avons préféré demander aux élus de réfléchir entre eux sur la façon dont on peut partager des compétences. Dès lors que le Président de la République s’est engagé à rétablir, pour toutes les collectivités territoriales, la clause de compétence générale, il faudra en gérer l’application. À cet égard, nous avons proposé, à travers les conférences territoriales de l’action publique, de s’en remettre aux élus pour définir la répartition des compétences et le champ de la subsidiarité.
Tout repose sur la confiance ; malheureusement, monsieur le sénateur Favier, je n’ai pas l’impression que les élus se fassent confiance entre eux. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP. – Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.)