M. Benoît Hamon, ministre délégué. À quoi servira l’action de groupe ? Elle permettra aux consommateurs de demander réparation d’un préjudice subi dans le champ des contrats de consommation et des pratiques anticoncurrentielles. Concrètement, nous voulons que, demain, lorsqu’un certain nombre de grands groupes constituent des rentes économiques au détriment du consommateur, celui-ci puisse être indemnisé.
Aujourd’hui, c’est le pot de terre contre le pot de fer : il est extrêmement compliqué pour un consommateur d’obtenir réparation du préjudice qu’il a subi parce que, seul, il ne parvient pas à aller au bout de la procédure qu’il veut intenter. Avec les actions de groupe que nous allons créer, les consommateurs pourront, par l’intermédiaire d’associations agréées, mener à bien des procédures.
L’action de groupe sera une arme de dissuasion massive. Nous espérons que les procédures seront aussi peu nombreuses que possible parce que, de facto, les grands groupes changeront leurs politiques pour les éviter.
Nous voulons permettre aux consommateurs, par l’intermédiaire de leurs associations, d’obtenir réparation des préjudices subis devant des tribunaux d’instance spécialisés.
En clair, l’action de groupe à la française permettra que la rente économique amassée par un certain nombre de grands groupes, au lieu de servir à rémunérer des cabinets d’avocats, comme c’est le cas aux États-Unis, passe des entreprises vers les consommateurs sous forme de pouvoir d’achat.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens de la mesure que le Gouvernement présentera dans le projet de loi sur la consommation. Puisque tous les Présidents de la République et presque tous les candidats à l’élection présidentielle au cours des vingt dernières années ont défendu cette mesure de protection des consommateurs, j’espère que les parlementaires de tous les bords la soutiendront ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Mmes Annie David et Françoise Laborde applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.
M. Robert del Picchia. Madame la présidente, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait au ministre des affaires étrangères, mais je comprends qu’il ne puisse y répondre puisque, si je suis bien informé, il accompagne le Président de la République en Chine.
L’explosion d’une voiture piégée à Tripoli, dont on parle depuis trois jours, suscite un certain nombre de questions à Paris, mais aussi de graves inquiétudes chez nos compatriotes du réseau diplomatique et parmi les communautés françaises à l’étranger.
Certes, M. Laurent Fabius, au cours de son déplacement à Tripoli, a annoncé l’envoi sur place d’une équipe du GIGN ; celle-ci, du reste, est arrivée. Il a également annoncé le renforcement de la sécurité de nos intérêts au Moyen-Orient et dans le Sahel. Cependant, pour bienvenues qu’elles soient, ces annonces sont-elles suffisantes ?
Soyons clairs : nous savons tous qu’Al-Qaïda a lancé des menaces contre la France. Vendredi dernier, Al-Qaïda au Maghreb islamique, AQMI, a directement menacé notre pays de représailles pour son intervention au Mali. Dans ces conditions, il paraît légitime de s’interroger : l’attentat de Tripoli n’était-il pas la mise à exécution de cette menace ?
Surtout, avait-on bien pris toutes les mesures de précaution ?
M. Alain Gournac. Non ! La voiture stationnait dans la rue ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est la vérité ! Quand je suis allé sur place, j’ai pu emprunter cette rue sans qu’on me demande rien !
M. Robert del Picchia. À la suite de l’assassinat de l’ambassadeur américain Christopher Stevens et de trois autres ressortissants américains à Benghazi, en septembre dernier, le gouvernement libyen avait promis de mettre sur pied une force spéciale de protection des diplomates. Or, me dit-on, on ne voit que de rares voitures de police libyennes patrouiller de temps en temps…
Le pouvoir libyen éprouve toujours les plus grandes difficultés à imposer son autorité sur un pays où d’importantes quantités d’armes restent en circulation et où de nombreuses milices agissent à leur guise. Est-on intervenu auprès des autorités libyennes pour que la sécurité de nos compatriotes, dont on comprend qu’ils soient de plus en plus inquiets, soit mieux assurée à l’avenir ?
J’ajoute que, au-delà de ses implications politiques en Libye, et surtout dans la région, cet attentat est un signal très inquiétant pour les entreprises, qui vont être encore un peu plus dissuadées de travailler en Libye et dans les pays voisins.
Le vice-Premier ministre libyen, Awad al-Barasi, a déclaré : « Nous sommes dans une période cruciale et certains veulent déstabiliser la Libye. » Les auteurs de l’attentat de Tripoli ont touché deux cibles à la fois : la Libye et la France. Dans ce contexte de violence et de risque extrême, on voit mal comment les relations franco-libyennes pourraient se développer. Alors, comment peut-on envisager leur avenir ?
À Paris, mais aussi au sein de nos communautés à l’étranger, chacun s’accorde pour réaffirmer avec force qu’il ne faut jamais, absolument jamais, céder aux terroristes !
Mme la présidente. Mon cher collègue, veuillez conclure.
M. Robert del Picchia. Permettez-moi, au nom des Français de l’étranger, de rendre hommage aux deux gendarmes blessés à Tripoli et, plus largement, à tous les membres de nos services de sécurité qui font quotidiennement preuve de courage au service de nos compatriotes à travers le monde ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie M. del Picchia de sa question, qui me permet de vous confirmer que la sécurité de nos ressortissants à l’étranger est un objectif prioritaire pour le ministère des affaires étrangères. C’est une question que nous traitons avec sérénité et responsabilité.
Laurent Fabius est parti à Tripoli immédiatement après l’annonce de l’attentat pour apporter le soutien du Gouvernement aux deux gendarmes blessés, dont l’un grièvement ; ils ont, depuis, été rapatriés en France. Le ministre s’est rendu sur place pour exprimer notre solidarité à nos agents consulaires, qui accomplissent un travail remarquable, ainsi qu’à la communauté française en Libye – une petite communauté puisqu’elle ne compte qu’environ 300 personnes. Il a veillé à ce que les mesures nécessaires soient prises pour que la sécurité de nos ressortissants en Libye soit renforcée.
Ces compatriotes participent à la reconstruction de la Libye ; ils y promeuvent nos intérêts, mais aussi nos valeurs. Nous devons les protéger.
Les mesures de sécurité étaient déjà très importantes avant l’attentat, je peux en témoigner. Des décisions immédiates ont été prises pour les renforcer encore. C’est ainsi que les différentes implantations françaises, c’est-à-dire l’école, l’institut, le service et la mission économique, ont été fermées. Par ailleurs, comme M. del Picchia l’a signalé, un groupe du GIGN a été déployé à la résidence de l’ambassade, où la chancellerie a été rapatriée. En outre, il a été demandé à nos ressortissants de ne pas sortir en attendant de nouvelles instructions. Ils reçoivent quotidiennement des consignes venant du poste.
Si la France a été prise pour cible par cet acte terroriste, ce sont aussi les Libyens qui en sont victimes. Plus que jamais, la France est déterminée à accompagner la Libye sur le chemin de la stabilité. Le 12 février dernier, Laurent Fabius a présidé une conférence au Quai d’Orsay pour mobiliser la communauté internationale. Nous avons notamment prévu de former près de 3 000 policiers libyens, et une mission européenne devrait arriver sur place au mois de juin.
Ces actes isolés et barbares sont le fait d’extrémistes qui bafouent les idéaux des révolutions arabes. Avec les Libyens et tous les peuples qui luttent pour leur liberté, nous resterons fidèles à ces idéaux.
L’attentat de Tripoli n’a pas été revendiqué. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées : tentative de déstabilisation interne ou représailles à la suite de l’action de la France contre le terrorisme, notamment au Mali.
Quoi qu’il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, soyez certains que nous ne céderons jamais à la violence. Les auteurs de ces actes seront retrouvés, où qu’ils se cachent ; ils seront jugés et punis. L’enquête a commencé à Paris et à Tripoli, avec la nomination d’un juge antiterroriste. Les autorités libyennes nous apportent tout leur soutien et nous les en remercions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC.)
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-cinq, est reprise à seize heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
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Saisine du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante députés, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
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Débat sur la politique européenne de la pêche
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique européenne de la pêche, organisé à la demande du groupe UDI-UC.
La parole est à M. Jean-Claude Merceron, orateur du groupe auteur de la demande.
M. Jean-Claude Merceron, pour le groupe UDI-UC. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit à la veille de la suspension printanière des travaux parlementaires se retrouve au cœur du calendrier de la politique commune de la pêche, la PCP. En effet, le Conseil des ministres de la pêche s’est déroulé ce lundi 22 avril.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je vous demanderai d’emblée de bien vouloir nous exposer tout à l’heure les avancées des négociations du « trilogue informel ».
Le groupe UDI-UC est persuadé que la pêche, qui représente encore en France plus de 80 000 emplois directs et induits, est un secteur économique d’avenir, même s’il est en pleine mutation, comme à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée.
Il est utile de rappeler ici que la France, notamment grâce à la dispersion de ses territoires ultramarins, possède, avec 11 millions de kilomètres carrés, le deuxième domaine maritime mondial après celui des États-Unis. Pourtant, elle n’occupe, avec 10 % des captures, que le quatrième rang de l’Union européenne.
Selon les chiffres de la Commission pour l’année 2012, l’Union européenne, qui ne représente que 4,4 % de la production mondiale de la pêche et de l’aquaculture, annonce un doublement du déficit de sa balance commerciale en trente ans. Et la baisse est constante ! C’est ainsi que l’Union européenne doit importer plus de 65 % du poisson qu’elle consomme.
Au moment où une grande partie du Gouvernement se trouve en Chine pour défendre notre commerce extérieur, il me semble important de rappeler que la pêche est une spécialité française à soutenir.
Si les atouts sont indéniables, la situation est, somme toute, très critique et mérite une réforme qui réponde aux objectifs de préservation des stocks et de l’environnement marin, de garantie de la viabilité économique des flottes de l’Union européenne, celle de la France en particulier, et de qualité des produits issus de la mer pour les consommateurs.
Nous sommes également au lendemain, dans le cadre de la procédure de codécision, du vote par le Parlement européen du rapport d’Ulrike Rodust sur la réforme de la pêche, puisque ce vote a eu lieu le 6 février dernier. Il a ainsi été majoritairement décidé de mettre en œuvre, sans nuance, la pratique des rejets en mer ; c’est bien ce manque de nuance qui me préoccupe.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jean-Claude Merceron. Nous nous retrouvons dans la phase finale d’un processus qui a commencé en avril 2009, avec l’adoption par la Commission européenne du Livre vert pour une vision de la pêche en 2020, après analyse de son fonctionnement actuel et de ses enjeux.
Dès le mois de mai 2009, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques organisait au Sénat un débat sur « la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches », prolongeant le rapport sur « l’apport de la recherche à l’évaluation des ressources halieutiques et à la gestion des pêches », que notre collègue Marcel-Pierre Cléach à rendu public fin 2008.
Au mois de décembre 2009, la France, à l’issue des assises de la pêche lancées par Michel Barnier et clôturées par Bruno Le Maire, alors ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, présentait, en réponse au Livre vert de la Commission européenne, avec son Livre bleu, le constat partagé d’une nécessaire réforme.
Le 16 juillet 2010, le Sénat adoptait, sur le rapport de notre collègue Charles Revet, la proposition de résolution sur la politique commune de la pêche, déposée le 29 juin précédent par Charles Gautier, au nom de la commission des affaires européennes.
La Commission européenne, les 15 juillet, 20 juillet et 7 décembre 2011, validait plusieurs propositions de règlements communautaires, complétées par des rapports et des communications.
Plus près de nous, le Sénat mettait en place un groupe de travail associant les commissions des affaires économiques et des affaires européennes, dont les conclusions ont abouti, en juin 2012, à la proposition de résolution relative à la réforme de la politique commune de la pêche, présentée par nos collègues Joël Guerriau, Odette Herviaux, Gérard Le Cam, Bruno Retailleau et Charles Revet, proposition que nous avons adoptée le 3 juillet dernier.
Je fais ces rappels pour vous faire comprendre, monsieur le ministre, combien le Sénat se veut acteur de la réforme de la pêche européenne.
S’agissant de la politique commune de la pêche, avant d’aborder les questions qui sont primordiales pour la PCP de 2014 à 2020, je voudrais évoquer la situation actuelle de la ressource et porter une rapide appréciation sur la politique suivie.
Selon les chiffres fournis par la Commission européenne, on est passé, de 2004 à 2011, de plus de 90 % à 47 % des stocks en situation de surpêche, alors que, dans le même temps, le nombre d’espèces dont le stock est évalué est passé de 34 à 38. Ont par ailleurs été autorisées, en 2012 et en 2013, des augmentations des quantités maximales de poissons d’une espèce pouvant être prélevées sur une zone et une période délimitées – les totaux admissibles de captures, ou TAC –, tout en respectant l’objectif d’avoir des stocks en référence au rendement maximal durable, ou RMD.
Le RMD est à la fois un changement d’objectif au regard de la PCP de 2003 et une anticipation sur celle que nous essayons d’élaborer.
En effet, il faut le rappeler, la PCP de 2002 avait pour seul objectif le maintien des stocks dans les limites biologiques de leur exploitation durable.
Comme je l’indiquais dans mon intervention à cette même tribune en 2009, la surpêche n’est pas le seul facteur de raréfaction de la ressource. Il convient de bien identifier l’ensemble des causes et leur impact réel.
À bord des bateaux, la conservation des rejets soulève de multiples problèmes, à commencer par la sécurité même des bateaux quand la pêche est trop importante et le salaire des marins-pêcheurs qui auront la charge de la gestion des rejets.
Au débarquement se pose la question des filières, notamment du renforcement de celle des farines animales, mais aussi de celle de l’approvisionnement en matières premières de l’industrie parapharmaceutique autour du marché des Oméga 3.
Par ailleurs, comment seront considérés les rejets débarqués s’ils sont soumis à la réglementation des quotas ? Il est indispensable, monsieur le ministre, que nous parvenions à un compromis avant une valorisation optimale des rejets.
Dans cette perspective, je demande que l’État français s’engage à soutenir une interdiction progressive des rejets, qui ne devrait pas concerner l’ensemble des espèces exploitées et des espèces règlementées ; un élargissement du calendrier pour correspondre à la capacité d’adaptation des filières ; une révision à la hausse des quotas concernés par l’interdiction ; des niveaux d’exemption de minimis adaptés à la réalité de chaque pêcherie, à fixer lors de la mise en place de plans de gestion.
Ces niveaux pourraient se situer entre 7 % et 9 % ; je sais que le Parlement européen y est opposé, mais le zéro absolu est à mon avis un non-sens économique et il conduira, de surcroît, à une augmentation de la fraude, dont le contrôle sera difficile.
L’État doit enfin s’engager à soutenir l’introduction de mécanismes de flexibilité facilitant la mise en place de l’interdiction des rejets, l’aide à la recherche pour améliorer la sélectivité des engins de pêche et le soutien à un renouvellement de la flotte par des bateaux plus performants et plus éco-responsables.
S’agissant des quotas individuels transférables, les QIT, il semble que les concessions de pêche transférables ne soient plus un sujet, le Parlement européen entendant supprimer cet instrument et la Commission ne souhaitant pas le rendre obligatoire. Pouvez-vous nous le confirmer, monsieur le ministre ? Savoir que la France ne s’engage pas dans cette direction nous rassurerait !
J’en viens à l’extension dès 2015 du rendement maximal durable, le RMD, à toutes les espèces.
Le RMD est un système de gestion à long terme de la pêche communautaire visant à garantir une exploitation des ressources halieutiques dans des conditions économiques, environnementales et sociales durables.
L’objectif partagé est, à terme, la reconstitution de stocks qui seront de surcroît en capacité de se renouveler. Ce système favorisant une augmentation des captures pour des durées de sortie réduites des bateaux, la compétitivité de la pêcherie européenne serait accrue.
Il faut être réaliste et pragmatique. En effet, certaines pêcheries ont des stocks qui se trouvent déjà au niveau du RMD. C’est le cas pour le cabillaud en mer Celtique, ou pour la sole en Manche Ouest.
Cependant, d’autres stocks exigent plus de temps pour atteindre l’objectif : la fixation de l’année 2020 semble un bon compromis, qui doit être intégré dans le règlement de base.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Jean-Claude Merceron. S’agissant du renforcement de l’organisation commune des marchés, je salue, tout d’abord, le lancement officiel, hier, par Mme Maria Damanaki, commissaire européenne chargée de la pêche et des affaires maritimes, de l’Observatoire européen des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture, l’EUMOFA.
L’accès aux données de la production était attendu depuis des années.
En matière d’organisation commune des marchés, si la Commission a ouvert le chantier, il faut reconnaître que l’organisation, au niveau de la PCP, n’est pas suffisamment opérationnelle.
Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quelles orientations, en termes de proposition de règlement, seraient susceptibles de renforcer le rôle des organisations de producteurs et de limiter les possibilités d’intervention aux questions du stockage ?
J’aborderai, ensuite, la question de la gestion du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, qui va remplacer le Fonds européen pour la pêche, le FEP, contribue au financement des objectifs de la politique commune de la pêche.
On sait que cet instrument financier, dont on ne connaît pas le niveau d’intervention, doit élargir son champ d’intervention, notamment, aux questions environnementales. Certains pays, comme le Danemark, se sont prononcés en faveur d’un règlement transitoire, comme en matière de politique agricole commune. La France est-elle sur la même ligne ? Je vous remercie de nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre.
Compte tenu des masses financières en jeu, les financements doivent être mieux ciblés pour être plus efficaces.
Pouvez-vous nous assurer que l’enveloppe disponible pour la France est équivalente au FEP sur la partie en gestion partagée ?
Les aides à la reconstruction de la flotte doivent être maintenues. En effet, la moyenne d’âge des bateaux, passée de cinq à dix-huit ans, ne favorise pas l’installation des jeunes, qui sont en droit d’exiger des bateaux plus sûrs, plus confortables, plus sécurisés et plus adaptés aux nouvelles exigences d’une pêche raisonnable et rentable.
Quelles que soient les considérations communautaires sur le sujet, la modernisation des navires n’induit pas la surpêche. Au contraire, elle permet d’adapter les moyens technologiques aux choix économiques des chefs d’entreprise et de favoriser les engins qui réduisent les captures accessoires.
Il faut, monsieur le ministre, que la France défende cette prime à la rénovation des bateaux.
J’en viens à la gouvernance régionalisée des pêches.
Dans la précédente politique commune de la pêche, la régionalisation, bien qu’inscrite, n’a pas su s’imposer et trouver ses modalités de fonctionnement, notamment du fait des réticences des autres États membres.
En France, nous avons sept conseils consultatifs régionaux, les CCR, qui ont le mérite d’exister. Ils doivent être les « mini-parlements » pour l’élaboration et la mise en œuvre des normes en référence aux règles de la PCP.
Il reste ainsi à clarifier les niveaux d’intervention des CCR, qui ne doivent en aucune manière se substituer au Conseil des ministres ou au Parlement européen.
Quant à la Commission européenne, elle doit se doter des moyens de communication adéquats pour suivre les travaux du niveau régional.
La défense de la régionalisation a pour objectifs de s’opposer à une renationalisation parfois aveugle et, surtout, de défendre les petites entreprises qui se développent au niveau local et font la vie de notre littoral. La Vendée en est une illustration, et vous savez que j’y suis tout particulièrement attaché.
M. Bruno Retailleau. Très bien ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Merceron. Ce chapitre me permet d’aborder les missions et moyens d’IFREMER.
En 2009, j’appelais de mes vœux un rapprochement fructueux entre les scientifiques d’IFREMER et les professionnels de la pêche concernant, notamment, l’évaluation des stocks. Je me réjouis que ce lien existe aujourd’hui et qu’il rapproche dans un diagnostic partagé les études scientifiques menées dans la durée et les constats empiriques des pêcheurs. Cette expertise partagée a favorisé la régulation de la pêche pour une préservation et un renouvellement des stocks de certaines espèces.
Comme tout le secteur public, l’IFREMER est soumis à la contrainte des moyens. Certains redéploiements ou regroupements ont été réalisés, notamment pour ce qui concerne l’unité de Lorient, dont une partie des travaux de recherche est dédiée à la sélectivité des engins de pêche. Cette unité est un maillon important dans la réflexion conduite pour limiter les prises accessoires et conforter la politique d’interdiction des rejets.
Si les CRR représentent le bon niveau pour que les décisions soient bien préparées et comprises, ils doivent bénéficier de l’expertise d’IFREMER et être accompagnés dans leurs travaux, ce qui renforcera d’autant les liens entre les pêcheurs et les scientifiques.
Monsieur le ministre, je vous remercie de conforter I’IFREMER dans sa mission en lui donnant les moyens d’accompagner la régionalisation de la PCP. En effet, certaines spécialités scientifiques se perdent actuellement, du fait des départs à la retraite.
Mme Odette Herviaux. Tout à fait !
M. Jean-Claude Merceron. J’en viens à la pêche ultramarine.
Nos outre-mer font rayonner la France sur tous les océans. Pour conforter leurs missions dans le domaine de la pêche, il convient de prendre en compte leurs spécificités.
Tout d’abord, il faut les protéger en créant des zones de pêche durable autour des îles.
Les instruments financiers européens d’intervention doivent ensuite les aider à moderniser les bateaux, afin que soit pratiquée une pêche plus respectueuse du milieu marin.
Les traités européens nous permettent de les aider plus et mieux que les autres régions. Il faut les défendre, même si notre pays est forcément plus isolé que les autres dans ce combat.
Il faut aussi que Mayotte devienne une véritable région ultrapériphérique, au sens communautaire du terme.
Le dernier sujet sur lequel je souhaite vous interroger concerne la pêche des espèces en eau profonde.
Monsieur le ministre, quels sont les projets de règlements européens et quel est l’engagement de la France sur ces mêmes projets ?
En conclusion, les objectifs de la politique commune de la pêche semblent être partagés.
Il reste à trouver un compromis pour mettre en place les instruments adaptés, répondre aux défis majeurs des prochaines années portant sur la menace d’extinction de certaines espèces, mieux appréhender la gestion des stocks et leur renouvellement et enfin redonner confiance à un secteur où à la fragilité économique s’ajoutent la dépendance climatique et la dureté du travail.
En mars dernier, monsieur le ministre, nous étions réunis en salle des conférences pour honorer les meilleurs apprentis de France. Nous avons eu la chance de distinguer un apprenti pêcheur passionné et talentueux : ni le Sénat, ni la France, ni l’Europe ne doivent le désespérer ! (Applaudissements.)
Mme la présidente. Dans la suite du débat, la parole est à M. Bruno Retailleau.