M. Jean-Jacques Mirassou. Elle existe pourtant !
M. Alain Houpert. Un enfant, pour se construire, a besoin d’un modèle masculin et féminin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Dire le contraire, et je parle en médecin,…
Mme Éliane Assassi. Quel argument ! On ne parle pas de médecine !
M. Alain Houpert. … reviendrait à remettre en cause les travaux de Freud, ainsi que l’importance des complexes d’Œdipe et d’Électre dans la construction de l’enfant. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. Scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous encouragez les inégalités !
M. Alain Houpert. C’est non pas le besoin d’un second parent qui est en cause, mais la nécessité d’avoir les deux sexes en modèle de référence, afin de se construire de manière équilibrée, de construire sa personnalité au regard d’un modèle à la fois masculin et féminin.
Mme Esther Benbassa. Et les familles monoparentales ?
M. Alain Gournac. Et la parité ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Vive la parité pour tous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Houpert. Respecter l’enfant, c’est respecter le droit de l’enfant de se construire autour de cette différence, de cette dualité, de cette richesse qui a construit notre société.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Houpert. Un enfant est un être en devenir qui a besoin de se construire autour de cette altérité qui s’additionne : le masculin et le féminin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, j’entends déjà le Gouvernement dénoncer, comme il ne manquera pas de le faire dans un instant, le caractère itératif de nos prises de parole.
M. René Vandierendonck. Mais non ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. François Rebsamen. C’est un peu le cas…
M. Jean-Claude Lenoir. Sans doute Mmes les ministres préféreraient-elles des interventions semelfactives !
Je ne serai pas original, mais, pour autant, je n’en serai que plus sincère.
J’ai lu avec beaucoup d’attention, comme mes collègues, le texte qui nous est proposé. Son intitulé est le suivant : « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ».
Le mot « adoption » a été supprimé, alors qu’il faisait partie des engagements du candidat François Hollande. Après tout, je crois savoir que certaines de ces promesses, que je n’ai pas toutes retenues, attendent toujours d’être satisfaites…
Dans le projet de loi finalement soumis au Parlement, il n’est donc plus question d’adoption. Or voilà de nouveau le sujet à l’ordre du jour, l’Assemblée nationale ayant adopté un certain nombre de dispositions à cet égard, qui constituent le deuxième pilier de ce texte.
Nous avons longuement débattu de l’article 1er, qui concerne l’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels ; nous aurions pu nous arrêter là, considérant, comme c’est notre cas, que ce texte ne correspond pas à ce que nous souhaitons. Nous avions proposé un contrat d’union civile qui vous aurait donné toute satisfaction.
Nous aurions donc pu faire une pause, puis nous retrouver pour réfléchir au sort qui serait réservé au grand absent de ce débat : l’enfant.
L’enfant ne s’exprime pas. Nous devinons cependant qu’il est évidemment concerné et qu’il pourra, demain, s’interroger sur le sort qui lui a été réservé à l’occasion de ce débat et dans le texte qui sera éventuellement adopté.
Loin de moi l’idée de porter un jugement sur la capacité des uns et des autres, couples hétérosexuels ou homosexuels, à bien élever un enfant et à faire en sorte qu’il se sente bien. La question n’est pas là.
Nous nous sommes demandé, puisque vous vouliez aborder le sujet de l’adoption, si nous allions plutôt retenir l’adoption simple ou l’adoption que l’on qualifie de plénière.
Pour ma part, j’ai été particulièrement convaincu par les arguments exposés par le doyen Gélard. L’aspect « bricolé » du texte qui nous est proposé, son caractère artisanal en quelque sorte, doit nous conduire à prendre conscience ensemble de la nécessité de renvoyer à plus tard, après une large consultation, la discussion d’un dispositif entier relatif à la famille.
Nous sommes d’ailleurs en plein paradoxe : vous nous annoncez un texte consacré à la famille et, déjà, nous anticipons cette discussion puisque nous évoquons déjà ce sujet ! Pourquoi ne pas attendre ?
En réalité, nous voyons bien quel est le but de la manœuvre. Après vous être efforcés de cacher les intentions réelles du Gouvernement, et sans doute de la majorité, le porte-parole dudit gouvernement a déclaré que celui-ci était favorable à la PMA : personne ne l’a contesté, quand bien même ces déclarations dataient du 28 janvier dernier, car c’est ce que vous voulez !
Nous savons bien que les demandes des couples homosexuels en matière d’adoption ne seront pas satisfaites. Sur ce point, votre texte est un mensonge, car le nombre d’enfants en situation d’être adoptés a beaucoup diminué ces dernières années.
Pourquoi faire croire à des couples homosexuels qu’ils pourront adopter, qu’il s’agisse d’ailleurs – ce débat n’a en effet plus aucun sens ! – d’adoption simple ou d’adoption plénière ?
Nous savons, je le répète, qu’il n’y aura pas suffisamment d’enfants adoptables. Pour satisfaire la demande, somme toute assez légitime, de ces couples qui souhaitent avoir des enfants, vous nous expliquerez qu’il n’y a pas d’autres solutions que la GPA et la PMA.
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. François Rebsamen. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous nous direz dans quelques mois, une fois établi le constat selon lequel il n’est pas possible d’adopter plus d’enfants que ceux qui se présentent à l’adoption, qu’il convient de recourir à d’autres moyens pour satisfaire cette demande.
Mes chers collègues, on se bouscule au bal des hypocrites ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) J’avais même à l’esprit une autre expression…
Mme Esther Benbassa. C’est plutôt le bal des vampires !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous pourrez alors pratiquer la danse que vous aimez le mieux et dont vous êtes des spécialistes, le tango : deux pas en avant, un pas en arrière ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est incorrect !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez abuser les parlementaires et tromper l’opinion française. Nous sommes là pour dénoncer cette manœuvre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis bouleversé… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous l’avons tous compris, cet article sur l’adoption aura de graves conséquences, non pas seulement sur notre droit de la famille, mais aussi sur la philosophie bioéthique qui oriente notre système de santé.
Je ne répéterai pas les propos qui ont été tenus sur la PMA et la GPA. Aujourd’hui, tous les doutes ont été levés : l’adoption entraînera inéluctablement un glissement vers la PMA et la GPA !
Ce texte me donne l’occasion d’aborder un point sur lequel le Gouvernement n’est pas très clair.
Vous nous assurez depuis le début de cette discussion, mesdames les ministres, que le projet de loi ne changerait rien pour les couples hétérosexuels ! Or c’est complètement faux, et l’article sur l’adoption nous en donne un exemple flagrant.
Tout d’abord, il me paraît normal d’aborder dès à présent la question du nom – nous aurons l’occasion d’y revenir, puisque c’est la conséquence directe de cet article –, sans toutefois la développer autant qu’elle le sera par la suite.
Lorsqu’un couple de deux hommes ou de deux femmes adoptera un enfant, il faudra bien trancher la question de la transmission du nom de famille, n’est-ce pas ! Si les deux conjoints se mettent d’accord sur le nom qu’ils souhaitent transmettre, alors, j’en conviens, il n’y aura pas de problème ; mais qu’arrivera-t-il si jamais ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, ou bien si, par erreur, ils ne signalent pas expressément leur choix ?
Aux termes de la nouvelle règle, il conviendra de transmettre à l’enfant le nom de ses deux parents selon un ordre organisé par les textes, à savoir l’ordre alphabétique en l’absence d’accord des parents.
Quoi qu’il en soit, les couples hétérosexuels seront concernés par cette modification. Or la règle en vigueur jusqu’à présent disposait qu’à défaut de précision expresse, le nom transmis à l’enfant devait être celui de son père. Pourquoi, me direz-vous ? Non pas pour des raisons machistes, mais parce que le mariage, nous ne cessons de le dire, englobe la présomption de paternité.
Or qu’est-ce ce qui concrétise la présomption de paternité ? La transmission du nom du père à son enfant !
Les choses sont donc simples. En ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, avec les conséquences pratiques que cela entraîne, vous faites peser ce choix sur l’ensemble des couples hétérosexuels.
Peut-être cela ne signifie-t-il pas grand-chose pour vous, mais pour des millions de Français, cela veut dire beaucoup.
Il faut concevoir le mariage comme un tout : l’altérité sexuelle s’explique par la procréation, et la transmission du nom de famille à l’enfant par la présomption de paternité. Ce sont tous ces éléments que vous fragilisez avec le présent projet de loi !
Par ailleurs, je voudrais comprendre pourquoi Mme le garde des sceaux ne se préoccupe pas d’égalité lorsqu’il s’agit des enfants dont il est question dans ce texte.
Pour ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’une des préoccupations majeure dans ce débat, je rappellerai, comme nombre d’autres collègues avant moi, que beaucoup de pays ouvrant l’adoption à des couples français le font, notamment, sur la base de leur situation matrimoniale. Certes, cette position peut vous déplaire ; elle n’en constitue pas moins une réalité.
Par ailleurs, ce texte entraîne une rupture d’égalité entre les enfants qui auront le droit à un père et une mère, et ceux qui en seront privés. Ces derniers voudront un jour rechercher leurs parents, et les blessures suscitées par ce projet de loi seront alors profondes, causant des traumatismes psychologiques et des carences affectives. C’est un grave problème, auquel vous ne répondez pas ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Je crois que ce silence, comme celui qu’oppose le Gouvernement aux questionnements de tous les Français, lui coûtera cher !
Vous ne cessez de nous reprocher de ralentir la procédure, de nous répéter.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Colette Mélot. C’est pourtant bien normal, puisque vous ne répondez pas à nos questions !
Mme Cécile Cukierman. Nous ne sommes pas d’accord avec vous !
Mme Colette Mélot. De deux choses l’une : soit vous vous moquez complètement des interrogations que nous soulevons, et qui sont pourtant celles, légitimes, des Françaises et des Français, soit vous n’avez pas de réponse à nous donner parce que vous savez que le tableau que nous dressons correspond à la réalité. Dans tous les cas, c’est bien malheureux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. Je vous avais dit, madame la ministre chargée de la famille, que nous nous retrouverions après l’article 1er pour débattre de ces questions de fond.
Je tiens à dire une nouvelle fois combien il est regrettable, de mon point de vue, que le contrat d’union civile n’ait pas été adopté. C’était en effet la bonne solution, celle qui aurait permis d’éviter tous les problèmes liés à la PMA et à la GPA.
Je veux saluer, à cet égard, les propos excellents tenus par le doyen Gélard, Jean-Jacques Hyest et tous les orateurs qui sont intervenus pour défendre cette proposition. Pourtant, rien n’y a fait !
Nous avons l’impression d’une « bunkerisation » de la majorité et du Gouvernement, majorité qui, je le précise, libre de voter comme elle l’entend, n’est pas le moins du monde « godillot » et a soutenu et voté avec beaucoup d’enthousiasme l’article 1er.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n’avons pas besoin de vous pour savoir ce qu’il faut faire !
M. Bruno Sido. Cet article ayant été voté, et puisque le mariage emporte l’adoption, ainsi que vous l’avez dit, madame le garde des sceaux, les difficultés commencent.
Avec cet article 1er bis, nous voici au pied du mur, et nous sommes toujours au cœur du sujet.
On aurait pu écouter le Comité consultatif national d’éthique. Il n’en a rien été !
On aurait pu créer une commission ad hoc – après tout, elle n’aurait pas été la première ! –…
M. Alain Gournac. Ils adorent ça !
M. Bruno Sido. ... pour discuter de ces sujets de fond et trouver des solutions adaptées. Je vous signale d’ailleurs que le doyen Gélard vient de nous expliquer à nouveau, et je l’en remercie, qu’il conviendrait de revoir l’ensemble du corpus législatif concernant l’adoption.
La commission des lois elle-même, monsieur le rapporteur, aurait également pu faire des propositions alternatives ou des annonces, bref bouger. Il ne s’est rien passé !
J'en veux d'ailleurs un peu à François Rebsamen d’avoir transformé la majorité du Sénat, au moins le groupe socialiste, en toile cirée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Quoi que l’on dise, on n’obtient aucune réponse !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On connaît votre capacité de réaction à vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et vous ? Rappelez-vous les retraites, le CPE ou d'autres débats !
M. Bruno Sido. Il ne se passe rien ! Le débat n’a pas lieu ou alors il se réduit à un monologue de l'opposition, car nous n’entendons pas nos collègues. C’est fort dommage ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n'en ont rien à cirer ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Le Gouvernement, la majorité, la commission des lois font en quelque sorte preuve d’autisme.
J'en viens maintenant aux enfants, puisque c'est le cœur du sujet. Cela a été rappelé, mais je le répète : les enfants ne sont pas des objets, ce sont les premiers concernés. Ils sont sensibles et les enfants adoptables, qui sont blessés, cherchent plus que les autres la normalité vis-à-vis de leurs camarades.
Vous le savez, dans les collèges ou dans les lycées, c'est la dictature de la normalité : tout le monde est habillé de la même manière. (M. David Assouline s’exclame.) Bien sûr ! Et vous qui êtes professeur, monsieur Assouline, vous le savez mieux que quiconque : les enfants ne veulent pas se distinguer les uns des autres.
Avec plusieurs de mes collègues, j’ai essayé de démontrer que l’adoption, nationale ou internationale, deviendrait impossible. Il ne reste que l'adoption de l'enfant du conjoint ou – et l’on revient toujours au même sujet – la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
Margaret Thatcher...
Mme Cécile Cukierman. Elle est morte !
M. Bruno Sido. Feu Margaret Thatcher aurait dit : il n'y a pas d'alternative ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Permettre l'adoption pour les couples de même sexe aujourd'hui, c'est permettre la PMA ou la GPA demain.
Vous n’êtes pas intervenue à ce sujet hier, madame le garde des sceaux. Je dois même dire que vous sembliez gênée. (Mme le garde des sceaux esquisse un geste de surprise.) Vous avez préféré parler du gruyère qui picotait plutôt que de cette question lourde ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) D'ailleurs, je précise, pour la bonne information de M. le rapporteur, que l'emmenthal ou le gruyère sont d'origine helvétique ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le rapporteur ne m'écoute pas : il est en train de dormir, comme à son habitude ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dites des choses sensées !
M. Bruno Sido. Madame le garde des sceaux, c'est maintenant qu'il faut nous dire la vérité.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé le temps de parole qui vous était imparti !
M. Bruno Sido. Monsieur le président, j’interromps donc mon intervention, mais je reprendrai la parole. En tout cas, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quel galimatias !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l'article.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention s'inscrit dans le droit fil de celle de M. Sido.
L'article 1er bis, dont nous commençons l’examen, découle de l'article 1er qui a été voté. C'est parce que nous savions que l'adoption serait consécutive à l’introduction du mot « mariage » que nous nous sommes battus, tous autant que nous sommes, pour tenter de lui substituer l'expression « union civile ».
Par cet article, vous confirmez que vous voulez créer un droit à l'enfant au détriment des droits de l'enfant. Ce faisant, vous apportez une réponse à un désir exprimé par des adultes, désir presque physique des couples homosexuels d'avoir un enfant et de l'élever. Votre démarche est compréhensible, car il est normal que le politique essaie de répondre favorablement à un désir exprimé par des adultes.
Si nous pouvons entendre ce souhait formulé par ces couples, ce désir a-t-il pour autant le droit de dépasser le droit de l'enfant ? À nos yeux, il ne saurait en être question : le désir exprimé par des adultes d'avoir un enfant ne peut primer le droit de l'enfant d'être élevé dans l'altérité sexuelle d'un père et d'une mère.
J'entends déjà vos objections : les familles monoparentales, les enfants orphelins… Bien sûr, ces souffrances existent, elles ne nous échappent pas. Notre rôle à nous, pouvoirs publics, est de les soulager, de les accompagner, non de généraliser un problème. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
Mes chers collègues de l’UMP, je tiens à vous saluer, parce que vous intervenez tous, certes dans l'itérativité, mais avec une conviction qui m’époustoufle. Je suis heureux de faire partie de ce groupe (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tant mieux !
M. Jean-Pierre Leleux. … dont chacun des membres, avec sa personnalité, s'exprime dans cet hémicycle pour se heurter, me semble-t-il, non pas à une toile cirée, mon cher Bruno Sido, mais à un mur. Dans cette attitude, je discerne…
M. Roger Karoutchi. Du mépris !
M. Jean-Pierre Leleux. … de l'indifférence, parfois de l'ironie, souvent du dédain, voire, je le regrette, du mépris.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. De la consternation aussi !
M. Jean-Pierre Leleux. Que se cache-t-il derrière ce ciment et derrière ce mur ? Je sais pertinemment que, parmi les gens de gauche, beaucoup sont extrêmement réticents devant ce texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, on en connaît tous !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et chez vous, certains ne sont pas pour ?
Mme Cécile Cukierman. Vous faites les débats et vous parlez pour nous !
M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaite citer une philosophe que vous connaissez bien et qui, aujourd'hui, inspire mon respect par le courage dont elle fait montre. Loin de moi l’idée de l’instrumentaliser, elle m’en voudrait, mais je rappelle qu’elle parle d'« intoxication idéologique » : « En réalité, je pense qu'il y a énormément de gens de gauche qui sont extrêmement sceptiques sur ce projet. Je crois que le Gouvernement s'est fourvoyé en unissant d'entrée de jeu le mariage et l'adoption, ce qui constitue immédiatement les deux époux comme un couple parental. »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Complètement fourvoyé !
M. Jean-Pierre Leleux. Vous l’aurez deviné, il s’agit de Mme Sylviane Agacinski (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste), courageuse philosophe, qui inspire la pensée de gauche et dont je voudrais un jour qu'elle touche votre conscience pour que le ciment qui vous unit dans une discipline partisane se fissure et que vous ayez le courage de nous accompagner et de voter la suppression de cet article ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. François Zocchetto applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l'article.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes là au cœur de ce projet de loi et nous abordons un thème qui m'attriste. Comme ma collègue députée Marie-Christine Dalloz, qui est issue du même département que moi, je considère que « la modification profonde de la filiation est bel et bien inscrite dans ce texte, même si le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’elle fera l’objet d’un autre texte, d’un autre débat – peut-être aurons-nous d’ailleurs réellement un débat au moment du projet de loi sur la famille. En effet, comme le mariage, la filiation est une notion essentielle du droit de la famille tel que nous le connaissons. Juridiquement, le mariage ouvre droit à l’adoption et demain, au nom de la même égalité qu’aujourd’hui, puisque nous sommes sur ce registre, à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes ».
« Les désirs des individus ne sont pas constitutifs de droits ou de créances sur la société. Toute la partie du code civil relative à la filiation adoptive doit être lue au travers de ce principe d’interprétation et d’application. »
C’est pour cette raison que je ne souhaite pas que soit instauré un droit à l’enfant, comme vous voulez le faire, même si un certain nombre de couples, homosexuels ou hétérosexuels, le souhaitent. Ce n’est d’ailleurs pas ce qui se passe dans les commissions d’agrément : ce n'est pas parce que les gens veulent des enfants qu'on leur délivre un agrément. Ainsi que je l’ai fait remarquer au cours de nos débats, donner des enfants aux couples homosexuels n'est pas la solution.
Il est clair que le droit à l'enfant nie le droit de l'enfant. Un certain nombre d'entre vous, notamment les plus raisonnables, s'accordent pour donner la primauté au droit de l’enfant. Si vous êtes d’accord avec cette idée fondamentale, vous devez accepter d’inscrire dans la loi qu’il n’y a pas de droit à l’enfant et qu’il n’y en aura pas.
Il est parfaitement compréhensible et respectable que les couples de même sexe aient un désir très fort d’enfant, mais il appartient à la société, à nous, législateurs, d’accorder la priorité au droit de l’enfant et de ne pas céder à ce fantasme, à cette attente, à ce désir, même s’ils sont compréhensibles. C'est le droit de l'enfant d'avoir un père et mère ; je pensais, mes chers collègues, que vous partagiez également ce point de vue.
Il est surprenant que ce projet de loi ne parle jamais de l’enfant. C’est à l’opposition, et à elle seule, que l’on doit d’avoir ouvert la question centrale des droits sacrés de l’enfant. Est-ce bien le souci du Gouvernement, du ministre chargée de la famille ? Cela nous étonne.
Vous prétendez que ce texte ne crée pas de situation nouvelle. Bien sûr que si ! Dès lors que le mariage sera autorisé pour deux personnes de même sexe, nous serons dans une situation nouvelle, parce que certains enfants vivront avec deux mères ou deux pères C’est une situation totalement nouvelle qui sera légalisée. Certes, elle existe aujourd’hui, mais elle n’est pas la règle. Or vous voulez en faire la règle de demain, voire permettre à ces couples d’obtenir l’adoption d'un enfant extérieur à eux-mêmes, ce que, en tant que président de conseil général, je n’acceptais pas.
Dans ces conditions, nous devons accorder la priorité absolue au droit de l’enfant de vivre avec un père et une mère.
Cette idée n’est pas d’ailleurs le monopole des hommes politiques et je ne rappellerai pas les propos de Mme Guigou qui ont déjà été cités. Il n’est qu’à lire l’analyse du pédopsychiatre Pierre Lévy-Soussan dans le Figaro Magazine du 5 novembre 2012.
Mme Esther Benbassa. Ah ! Le Figaro Magazine !
M. Gérard Bailly. Réaffirmer qu'il n'existe pas de droit à l'enfant, c'est donc faire usage du principe de précaution au regard de deux dérives : d’une part, les avancées technologiques, qui nous obligent à anticiper un phénomène de marchandisation des êtres humains, d’autre part, la filiation fictive via l’adoption que ce texte veut instaurer au titre du principe d’égalité.
Or ce principe d’égalité qui vous aveugle nous conduira inéluctablement à la procréation médicalement assistée pour convenance – et non plus pour raison médicale – et à la gestation pour autrui, laquelle est contraire à la dignité de la femme.
Mes chers collègues, je ne comprends pas que, de ce côté de l’hémicycle, nous soyons quasi unanimes à penser que l’adoption suppose un père et une mère et que, de l’autre côté, comme si un mur avait été érigé entre nous, personne ne pense que, comme nous, il faut un père et une mère à un enfant. Je n'arrive pas à comprendre un tel clivage politique sur ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Nous devons le dire haut et fort : chaque enfant a droit à un père et à une mère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, sur l'article.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas rédigé mon intervention à l’avance, parce que, sur un sujet aussi grave, il me semble que l’on peut parler avec son cœur, de façon simple et spontanée.
Vous pensiez que, dans l'opinion publique, les thèmes que nous abordons dans le cadre de ce débat – le mariage, l'adoption, la PMA et la GPA – iraient decrescendo ; or, à mon avis, c'est le contraire qui se produit : les discussions iront crescendo. Hier, nous avons débattu du mariage, aujourd'hui, c’est de l'adoption qu’il s’agit, demain, il sera question de PMA et de GPA.
Gérard Bailly a raison de parler de mur, mais, plus que d’un débat entre la droite et la gauche, je pense qu’il s’agit d'un débat avec notre conscience. Le point de fracture surgira lorsque nous aborderons la question de la PMA et de la GPA.
Le débat ne doit pas se faire dans la rue. Il ne doit pas non plus être dans l'invective, comme on l'a vu à l'Assemblée nationale, où les discussions étaient trop politiques. Nous devons faire preuve de tolérance et parler.
Je n'ai pas l'outrecuidance de décréter ce qu'il faut penser : je me pose des questions.
La première interrogation s’est imposée à moi après l’audition de Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre de renommée internationale.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il y en a d'autres !
M. Gérard Roche. Alors que je suis moi-même médecin neurologue, son intervention m’a beaucoup frappé. Il nous a expliqué que, quoi que l'on fasse, puisque l'enfant passait neuf mois dans le ventre de sa mère, il y avait dans la vie affective de celui-ci une asymétrie entre le père et la mère, asymétrie contre laquelle on ne pouvait pas lutter.
Il explique qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel peut reporter cette asymétrie affective sur ses parents adoptifs. Mais que se passera-t-il, s’est-il demandé, dans le cas d’un couple adoptif homosexuel ? Qu’adviendra-t-il de cette asymétrie affective, et quelles en seront les conséquences pour l’enfant ?
Je voulais vous faire part de cette interrogation, mes chers collègues, car, depuis que j’ai entendu ses propos et acheté son livre, je me pose vraiment des questions.
Ma deuxième interrogation tient au fait que, en tant que président de conseil général, je signe des agréments d’adoption. De fait, je connais le parcours du combattant auquel les familles candidates doivent se livrer. Certaines doivent attendre cinq ou six ans.
Pour 25 000 demandes courantes et 8 000 demandes supplémentaires chaque année, il n’y a environ que 5 000 enfants adoptés en France chaque année, dont 4 000 sont nés à l’étranger.
Si l’adoption est ouverte aux couples homosexuels, les chiffres des demandes vont croître de manière exponentielle. En conséquence, certains couples hétérosexuels, à qui le destin n’a pas permis d’avoir des enfants, et qui devaient jusqu’à présent attendre cinq ou six ans, se verront peut-être définitivement privés de la possibilité d’adopter, car il n’y aura jamais assez d’enfants pour tout le monde.
Et comme il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter, ce texte, en ouvrant l’adoption aux couples de même sexe, ouvre en réalité la porte au débat sur la PMA et la GPA.
Or ces pratiques posent un véritable problème de conscience, en raison de notre culture et de nos convictions religieuses et philosophiques.
C’est pourquoi je m’interroge et je vous invite, mes chers collègues, à vous interroger également.
Je comprends parfaitement que l’on puisse être favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Je respecte cette position. Mais sachez que l’on ouvre ainsi inévitablement le débat sur la PMA et la GPA, avec à la clé des enjeux philosophiques et humains autrement plus importants. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)