M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Roland du Luart. Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce point de vue, mais vous ne pouvez pas contester que la remise en question de ces principes entraîne un bouleversement bioéthique qui devrait faire l'objet d'un grand débat national.
Je vous laisse, mes chers collègues, méditer cette question. En conclusion, j’indique que je voterai l’amendement de M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Victor Hugo a écrit que « la forme, c'est le fond qui revient à la surface ». Je crois que cette formule pourrait s'appliquer au présent texte.
Le mariage n’est pas seulement l'union de deux êtres ; il implique aussi la filiation : tout le monde l’a bien compris, et le Gouvernement, par la voix de son porte-parole, Mme Vallaud-Belkacem, l’a confirmé vendredi.
Je considère que ce texte présente un risque d'ordre bioéthique extrêmement grave, dont la majorité et le Gouvernement n'ont pas semblé prendre la mesure.
C'est la raison pour laquelle je reste opposée à l’ouverture du mariage aux couples de personnes du même sexe et je continue de défendre le mariage en tant qu'union d'un homme et d'une femme, estimant que la filiation ne peut être véritablement solide que si elle découle d’une telle union.
Je conteste également les arguments que vous avancez pour imposer ce texte. Vous tentez de justifier l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe par des raisons juridiques ; il s’agirait, selon vous, de rétablir l'égalité et de lutter contre les discriminations.
Selon la tradition juridique française, le mariage n'est pas un simple contrat, ni la reconnaissance de l'amour que se portent deux personnes. C'est une institution au statut très particulier.
J'aimerais rappeler les propos du doyen Carbonnier sur la place du mariage dans la loi : « Le code civil n'a pas défini le mariage et il a eu raison : chacun sait ce qu'il faut entendre par là ; c'est la plus vieille coutume de l'humanité et l'état de la plupart des hommes adultes. »
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 janvier 2011, a indiqué qu'il ne lui appartenait pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur la situation des couples de personnes de même sexe. Autrement dit, il a clairement jugé non discriminatoire le fait que le mariage soit, en droit français, réservé aux couples de personnes de sexe différent.
J’ajoute qu’il existe même un risque d'inconstitutionnalité, soulevé par des spécialistes du droit constitutionnel qui estiment que l'altérité sexuelle des époux, et donc des parents, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Le mariage entre personnes de même sexe serait donc inconstitutionnel.
Je m'inscris en faux contre l’invocation d’une inégalité entre les sexes. Si les citoyens sont égaux, il est de fait que la situation des couples homosexuels est différente de celle des couples hétérosexuels. La nature est ainsi faite que la conception d'un enfant nécessite une relation entre un homme et une femme.
L'égalité que vous proposez, c'est l'égalité par l'effacement, par la négation de ce que sont l’homme et la femme.
Pour notre part, nous voulons préserver cette différence dans le cadre du mariage à cause de la filiation. Les enfants ne sont ni des objets de plaisir, ni des médicaments destinés à soulager une souffrance.
M. Philippe Marini. Très bien !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Ne faites pas primer le désir des adultes sur les droits fondamentaux des enfants ! Tel est notre raisonnement ; nous le répéterons tout au long des débats.
Vous invoquez également le fait européen. Ce sont, là encore, des arguties. Pour vous, la France serait en retard par rapport à ses voisins européens. Vous savez bien que cette affirmation est loin de correspondre à la réalité. La situation est la suivante : moins d'un quart des vingt-sept pays de l'Union européenne ont autorisé le mariage et l'adoption pour les couples de personnes de même sexe, et cela en posant des règles beaucoup plus restrictives que celles que vous nous présentez. Il en va de même pour la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. En revanche, seize pays, soit la majorité des pays européens, ont introduit l'union civile pour les couples de personnes de même sexe. C'est donc cette voie, que depuis des mois nous vous proposons de suivre, qui est privilégiée en Europe. Puisque vous êtes soucieux d’harmonisation européenne, c’est cette voie que vous auriez choisie si vous étiez cohérents.
Vous arguez en outre de raisons sociétales pour justifier votre projet. Or il n'y a pas de consensus sur ce texte et, surtout, cessez de répéter que nous menons un combat d'arrière-garde, qui opposerait les anciens aux modernes !
Les statistiques montrent que le nombre de mariages ne cesse de décliner : il est passé de 400 000 en 1970 à 240 000 en 2011, soit une baisse de 40 %. À l’inverse, le nombre de divorces a progressé de 12 % ces dernières années. En moyenne, on compte aujourd'hui un divorce pour 2,5 mariages. Les chiffres le prouvent : le mariage est une institution qui n'attire plus, d'où notre surprise que, à l’heure où beaucoup la contestent, on nous présente ce texte ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ! Tout se passe comme si le fait de pouvoir accéder au mariage, en tant que symbole de la revendication égalitaire, primait sur la recherche de sécurité juridique, que nous comprenons et soutenons.
Par ailleurs, nous entendons des arguments tout à fait respectables, notamment celui selon lequel il faut respecter l'amour que se portent deux êtres et leur donner le droit de s'unir. Nous avons nous aussi pleinement conscience qu'il faut apporter des réponses en matière de protection des personnes.
On ne saurait engager, comme vous prétendez le faire, une réforme de civilisation dans la précipitation ou en suggérant des solutions aux élus pour ne pas appliquer la loi. Ainsi, j’ai trouvé quelque peu gênant, lors du congrès de l’Association des maires de France, d’entendre le Président de la République parler d’une « liberté de conscience » laissée aux maires ; cela revient à leur donner le choix d'appliquer ou non la loi.
En conclusion, je soutiens pleinement l’amendement de M. Gélard. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, pour explication de vote.
Mme Françoise Férat. L'amendement que notre groupe a présenté résulte avant tout de notre volonté de répondre au besoin de reconnaissance sociale des couples homosexuels – que nous entendons ! – en leur permettant de s'unir par un acte solennel en mairie.
Cette proposition que nous formulons, à la place du projet du Gouvernement d’ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe, permettrait selon nous de rassembler largement les Français autour d’un projet qui répondrait aux attentes de tous. Il s’agirait de créer une nouvelle institution, distincte du mariage et du pacte civil de solidarité, offrant aux couples un cadre juridique protecteur : l’union civile.
Le PACS a permis de répondre aux évolutions de la société en créant des liens juridiques entre personnes de même sexe, mais il ne répond pas entièrement aux attentes de certains couples homosexuels. En effet, il est dépourvu de la solennité qui entoure la célébration du mariage. Autre point négatif, la rupture d’un PACS peut se faire par une simple lettre, comme une forme de répudiation – cela avait d’ailleurs été dénoncé lors des débats sur le PACS. C’est pourquoi nous proposons l’intervention du juge. En outre, la conclusion d’une union civile déclencherait l’application d’un statut patrimonial protecteur.
Ainsi, l’union civile proposée par notre amendement serait déclarée en mairie devant l’officier d’état civil dans des conditions similaires au mariage, donnant de la solennité à l’engagement des couples homosexuels, même si celle-ci ne leur est pas réservée ; en cela, elle se distingue de la proposition de nos collègues de l’UMP.
L’alliance civile permet donc une reconnaissance des couples homosexuels, laquelle est nécessaire, nous en sommes tous d’accord. Elle leur permet aussi d’inscrire leur relation de couple dans la durée. C’est tout le sens de cet amendement. Mais il s’agit aussi de maintenir une différence avec le mariage, acte fondateur d’une famille pour un couple hétérosexuel.
Ce qui, vous l’avez bien compris, nous préoccupe vraiment, ce sont les questions de filiation, d’adoption plénière, de procréation médicalement assistée et de gestation pour autrui. La formule de l’union civile présente plusieurs avantages : elle organise la relation juridiquement et sur le plan patrimonial, elle règle les questions de solidarité et elle pose les conditions de reconnaissance et de construction d’un couple homosexuel selon les mêmes critères que pour un couple hétérosexuel, tout en préservant sa spécificité au mariage tel qu’il est actuellement défini dans le code civil, à savoir l’union d’un homme et d’une femme dans le but de fonder une famille. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.
M. Michel Bécot. Conformément à la position que nous avons défendue à l’occasion de la discussion générale, nous proposons ici l’adoption de l’union civile, dont l’objet est de réparer trois grandes erreurs que le présent projet de loi s’apprête à commettre.
La première est d’oublier que le mariage ne peut se dissocier de la présomption de paternité.
La deuxième erreur tient à la transposition aux couples de personnes de même sexe des droits matrimoniaux que confère le mariage.
La troisième erreur a trait au caractère symbolique du mariage pour tous. On nous parle souvent du symbole envoyé aux couples de personnes de même sexe, mais croyez-vous que le mariage n’a pas la même dimension symbolique pour les couples hétérosexuels ? En conséquence, pour envoyer un signal à quelques milliers de couples, nous allons en contrarier des centaines de milliers d’autres.
Je reviendrai surtout sur ce que je crois être la première erreur du Gouvernement, à savoir oublier que l’on ne peut dissocier le mariage et la présomption de paternité.
Le mariage n’est pas la reconnaissance sociale de l’amour. Il est le cadre de la filiation, ou plutôt le moyen de la rationaliser et de la définir. Pour ce faire, la présomption de paternité est apparue comme le meilleur moyen de protéger l’enfant, de sécuriser la mère et de mettre le père devant ses responsabilités. En occultant la présomption de paternité de ce nouveau mariage, nous nous privons du principal outil dont nous disposons pour lutter contre l’explosion des cellules familiales.
Or cette présomption de paternité ne peut se transposer aux couples de personnes de même sexe. Voilà le niveau d’imprécision du Gouvernement dans le projet de loi, car même si, aujourd’hui, la présomption de parenté a été très justement écartée, notamment parce qu’elle revenait à autoriser le recours à la procréation médicalement assistée et à la gestation pour autrui, nous voyons que tous les membres de la majorité ne sont pas sur la même longueur d’onde.
À ce titre, en admettant que, dans un avenir proche – mais nous sommes en pleine fiction, du moins je l’espère –, le recours à la procréation médicalement assistée soit autorisé par le Gouvernement, comment allons-nous transposer la présomption de paternité aux couples de femmes ?
Passons sur le problème sémantique… Comment appliquer une présomption de parenté à la conjointe de la mère, alors que l’existence d’un projet parental, élément essentiel pour justifier la présomption de parenté, ne peut s’appliquer dans les mêmes termes aux couples de sexe féminin ?
Je ne vais pas faire un cours d’anatomie, mais la présomption de paternité trouve sa justification par le fait que le couple marié de sexe différent voit son projet parental concrétisé.
Or le projet parental d’un couple de personnes de même sexe ne peut se concrétiser par un acte sexuel puisque ces couples sont naturellement stériles. La présomption de paternité viendra donc entériner un projet parental avec l’intervention d’un tiers, intervention qui, je le rappelle, est l’exception, afin de répondre à un problème médical, pour les couples de personnes de sexe différent, mais qui serait la norme pour les couples de personnes de même sexe. C’est oublier que le tiers, selon les couples, n’aurait pas toujours la même place. Le texte qui nous est soumis ne prend donc pas en compte, car il ne le peut pas, la place de ces tiers.
Alors, ayez conscience d’une chose très simple : vouloir faire entrer la présomption de parenté, impérieuse nécessité pour le développement harmonieux de la famille, dans les couples de personnes de même sexe, c’est vouloir faire entrer un cube dans un cylindre ! Par conséquent, il est vain de croire qu’une présomption de parenté ou de paternité puisse s’appliquer aux couples de personnes de même sexe. C’est pour cette raison que le mariage entre personnes de même sexe est un contresens : celui-ci ne pourra s’accompagner de la présomption de parenté.
L’union civile proposée par le doyen Gélard permettrait de lever toutes les ambiguïtés. En effet, cette union, en écartant les droits matrimoniaux, ne rend plus indispensable la présomption de parenté. De ce fait, l’union civile permettra de mettre au clair la situation des couples de personnes de même sexe. C’est pour cette raison, mes chers collègues, que je vous invite à adopter notre amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, pour explication de vote.
M. Alain Gournac. Avec l’union civile, notre groupe a tenté de trouver une solution de compromis, même si ce terme ne plaît pas à tout le monde. Il s’agit en effet d’une forme de reconnaissance légale qui accorderait aux couples homosexuels des droits dont le PACS ne leur permettait pas de bénéficier.
J’avoue que j’ai d’abord été partagé sur cette proposition, parce qu’une solution de compromis n’a de sens qu’à partir du moment où l’on est deux. Or, depuis jeudi après-midi, je constate que nous sommes avec la majorité sénatoriale et le Gouvernement dans un dialogue de sourds.
Les argumentations de très haute tenue intellectuelle et morale développées, notamment par nos collègues Patrice Gélard, Bruno Retailleau, Philippe Bas, Jean-Jacques Hyest, Gérard Longuet, Jean-Pierre Raffarin et Roger Karoutchi, ne semblent pas vous avoir le moins du monde intéressée, madame la garde des sceaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est injuste : Mme la garde des sceaux vous écoute attentivement !
M. Alain Gournac. Vous faites une fixation sur le mot « égalité », tenant à le répéter inlassablement, consciente de la fascination qu’il exerce toujours sur une partie de votre électorat. Il y a des mots qui chantent plus qu’ils ne parlent, des mots qui font d’autant plus rêver qu’ils restent flous.
Vous avez cité Hegel, puis Aimé Césaire. Je ne suis pas sûr que le grand poète martiniquais se retrouverait dans l’utilisation que vous avez faite d’un vers tiré de Cahier d’un retour au pays natal, publié en 1939. Quant à Hegel, il doit se retourner dans sa tombe tellement votre projet de loi n’a rien à voir avec sa théorie du mariage fondée sur la différence des sexes.
C’est parce que j’ai compris que la proposition d’une union civile était plus profonde qu’un simple compromis que je la défends et que je la voterai. Elle permet en effet de sortir de la confusion qu’installe votre projet de loi.
« Les homosexuels », expliquait Jean-Luc Romero dans un film, « n’ont plus qu’un seul objectif : l’égalité des droits et la conquête de son hétéro-symbole le plus précieux : le mariage. » Mais où certains militants de la cause homosexuelle ont-ils vu, ont-ils lu que le mariage était un « hétéro-symbole » ? Leur homosexualité semble les empêcher de saisir que le mariage n’institue nullement une orientation sexuelle, mais une réalité biologique incontournable qui contraint tout individu à avoir besoin de l’autre sexe pour engendrer.
Devant ce fatum biologique, tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, se trouve à égalité avec tout autre individu, tout citoyen à égalité de droit avec tout autre citoyen. C’est cette égalité que notre droit a mise en forme. Aussi le mariage est-il un droit ouvert, non pas aux couples, comme on le dit à tort, mais à l’individu qui est invité, en tant qu’individu libre, à donner librement son consentement. Le mariage n’est donc en rien discriminant et n’institue en aucun cas une rupture d’égalité, comme on se plaît à le répéter à nos concitoyens en les trompant.
Il est évident ensuite que, des deux orientations sexuelles, l’hétérosexuelle est, de loin, la mieux adaptée à cette réalité biologique constatée, puis, partant, instituée par la loi. L’institution du mariage ne prend pas en charge toute l’activité sexuelle. Ce qu’elle prend en charge, en l’ordonnant à l’aide de règles, c’est uniquement la part procréative de la sexualité.
Même si nous sommes passés en quelques siècles du mariage de raison au mariage d’inclination, il y a ce socle de la part procréative que personne n’avait envisagé d’ébranler et qui fondait non pas notre civilisation mais toutes les civilisations. C’est parce que le mariage ne prend en compte que cette dimension à l’exclusion de tout autre aspect de l’activité sexuelle que le mariage homosexuel est une contradiction dans les termes. Vous ne pouvez avoir ni un même mot ni une même institution qui s’attacherait, d’un côté, à la dimension procréative de la sexualité et, de l’autre, à sa dimension non procréative.
La grande séparation qui traverse l’humanité, depuis la nuit des temps, est celle des hommes et des femmes. Les uns et les unes ont cependant un point commun fondamental : tous sont procréateurs. Or vous voulez supprimer cette division pour lui en substituer une autre : vous voulez un monde désormais divisé en hétérosexuels et homosexuels, en procréateurs et non procréateurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Dominique Gillot. Mais non !
M. Alain Gournac. L’institution du mariage consacrait cette capacité procréative commune. Or, en mettant sous la même enseigne institutionnelle du mariage les couples hétérosexuels et les couples homosexuels, vous évacuez ce qui était commun aux hommes et aux femmes, pour consacrer quelque chose que les couples hétérosexuels et les couples homosexuels ne peuvent avoir en commun. Et c’est ce que vous appelez l’égalité ! Eh bien, madame la garde des sceaux, je vous le dis : elle est belle votre égalité ! (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. J’entendais tout à l’heure notre collègue Mme Benbassa parler au nom des couples homosexuels. En commençant cette explication de vote, j’ai envie de lui dire que, si elle est naturellement qualifiée pour le faire, nous ne le sommes pas moins qu’elle, car nous sommes tous les représentants de nos concitoyens, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, et naturellement aussi de nos concitoyens homosexuels qui vivent en couple. Nous avons simplement une conception différente de ce qu’il faut faire pour traiter les difficultés rencontrées par ces couples, à la fois pour la reconnaissance du lien qui les unit, l’organisation dans un cadre stable de leur vie commune, la description des droits et des devoirs qui tissent leurs engagements mutuels.
Il me semble que nos différences sont en réalité circonscrites à un sujet essentiel, celui de la filiation et de la parenté. À cet égard, contrairement à ce que nous entendons trop souvent, nous ne cherchons pas à faire moins que vous, nous voulons faire mieux ! Nous considérons en effet que le système dans lequel vous voulez faire entrer les couples homosexuels a des conséquences négatives ou lacunaires.
Tout d’abord, en l’occurrence c’est une lacune, votre texte ne traite nullement le cas le plus fréquent, c'est-à-dire celui où un père forme, après avoir eu des enfants, un couple avec un autre homme. En la circonstance, le compagnon du père n’est évidemment pas le père – il y a le plus souvent une mère –, mais celui-ci peut, comme dans toutes les familles recomposées, jouer un rôle éducatif et tisser un lien affectif très fort avec l’enfant.
Ensuite, vous êtes confrontés à une difficulté que nous prétendons régler mieux que vous.
Nous considérons – cela nous paraît relever du bon sens – que l’on ne peut pas être juridiquement parent sans être ni père ni mère. C’est pourtant la situation que vous allez créer en permettant, par un jugement, soit l’adoption conjointe d’un enfant par un couple d’homosexuels, soit l’adoption des enfants de son conjoint par l’autre membre du couple, lorsque ceux-ci n’ont pas de père ou de mère.
Comment la loi pourrait-elle désigner comme parent à un enfant un deuxième adulte de même sexe, en lieu et place du père ou de la mère qu’il n’a pas, surtout si cet adulte est d’un autre sexe que ce père ou cette mère qui lui manque ? C’est l’une des failles de votre système. Alors même que les couples homosexuels ne mentent jamais aux enfants qu’ils élèvent – c’est du moins ce qu’ils disent toujours –, la loi créerait un mensonge légal, ce qui me paraît très grave.
Enfin, loin d’instaurer un prétendu « mariage pour tous », ce qui est un abus de langage, vous créez trois types de mariage à l’égard des enfants.
Le premier correspond au mariage que nous connaissons : l’enfant naît de la mère et l’époux de la mère devient père par la présomption de paternité.
Le deuxième type de mariage concerne les couples composés de deux femmes, où un enfant serait conçu par l’une d’elles grâce à l’assistance médicale à la procréation. À ce sujet, le fait que les choses se passent à Bruxelles, plutôt qu’à Nantes ou à Rennes, ne représente pas une très grande différence, car, dès l’adoption du projet de loi, la question fondamentale, celle de la filiation, sera réglée. Vous créerez ainsi la possibilité de faire reconnaître, par un jugement d’adoption, la filiation à l’égard de « l’épouse de la mère », puisque ce sont les termes qu’il faudra employer.
Le troisième type de mariage correspond au mariage de deux hommes. Un enfant conçu à l’étranger par gestation pour autrui, seul moyen pour un homosexuel d’avoir un enfant avec une paternité reconnue à l’étranger, ne pourra être adopté par l’époux en France, pour la simple – et heureuse ! – raison que la gestation pour autrui est contraire à l’ordre public français.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Bas. Voilà les trois mariages que recouvre en fait le prétendu « mariage pour tous » ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
M. Alain Fouché. L’amendement du doyen Gélard, de Jean-Jacques Hyest et d’autres membres de notre groupe est important, parce qu’il fait avancer le débat.
Dans le texte du Gouvernement, nous trouvons la volonté de donner les mêmes droits aux homosexuels qu’aux autres citoyens. Notre volonté est identique, mais pas sur toutes les dispositions. Dans ce domaine, nous pouvons avoir des opinions différentes, vous en avez convenu, madame la garde des sceaux. Quoi qu’il en soit, sachez que je me battrai toujours pour favoriser les droits des homosexuels, qui ne sont plus une minorité cachée.
La différence entre notre amendement et le texte du projet de loi se situe au niveau de la filiation et de l’adoption, les précédents intervenants l’ont fort bien expliqué. Sur ces sujets très importants, j’ai toujours émis des réserves. Je ne voterai donc pas les dispositions qui les concernent.
En revanche, je voterai l’amendement n° 4 rectifié bis, parce qu’il représente une avancée : l’union sera célébrée à l’hôtel de ville par le maire, avec la même publicité et le même cérémonial que le mariage – les choses ne sont plus cachées, comme dans le cas du PACS. Les conditions de dissolution seront les mêmes que pour le mariage. Il conviendra, si cet amendement est adopté, de voter les dispositions fiscales et testamentaires idoines.
Notre amendement n’établit pas de lien avec la filiation ni avec l’adoption, contrairement au mariage pour tous. Le droit à l’enfant, dans notre législation, est différent du droit de l’enfant.
Le projet de loi suscite de nombreuses inquiétudes chez les Français, notamment toutes ses dispositions relatives à la filiation et à l’adoption. Mes chers collègues, vous circulez tous dans vos départements, en semaine ou le week-end, vous rencontrez des jeunes et des moins jeunes : quelle que soit leur catégorie sociale, tous, dans leur grande majorité, expriment des inquiétudes sur cette partie du texte.
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas vrai !
M. Alain Fouché. Chacun connaît ma liberté de vote et mon engagement sur des dossiers de société parfois difficiles, sur lesquels je travaille avec des collègues de tous horizons. Certains élus ont reçu des menaces. Pour ma part, ni menaces ni directives, c’est en toute liberté que je pense, par ce vote, répondre en toute sécurité à la grande majorité des souhaits formulés par les homosexuels, dont je continuerai à faciliter l’accession aux droits ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je voudrais m’en tenir à quelques remarques d’ordre politique.
L’amendement n° 4 rectifié bis me semble extrêmement révélateur du point de vue politique. Peut-être s’agit-il du vrai tournant de nos débats, car cet amendement permet de comparer les approches qui s’opposent au sein de notre hémicycle.
De notre côté, nous défendons un amendement réaliste qui, sur le plan des principes, peut exiger quelques efforts de la part de quelques-uns d’entre nous ; mais nous allons le voter très largement, car il marque notre volonté d’éviter l’affrontement, d’éviter d’opposer des Françaises et des Français à des Françaises et des Français.
De l’autre côté de l’hémicycle, que voyons-nous ? Nous voyons s’exprimer l’esprit de doctrine. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Roland Courteau. Mais non !
M. Jean-Claude Gaudin. Mais si !
M. Philippe Marini. Nous voyons que ce texte joue pour vous un rôle essentiel, un rôle identitaire, car peut-être est-ce le seul ciment qui peut, aujourd’hui, rassembler les éléments épars de votre majorité contradictoire, car telle est la réalité que nous voyons s’exprimer lors de très nombreux votes dans la Haute Assemblée.
M. Roland Courteau. Hors sujet !
M. Philippe Marini. Peut-être aussi tenez-vous tant à ce projet de loi parce que le prétendu « mariage pour tous » est l’une des seules promesses faites pendant la période électorale que vous soyez capables d’honorer vis-à-vis de celles et ceux qui, hélas ! à tort et par naïveté, vous ont fait confiance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Pas du tout !
M. Philippe Marini. À mon sens, il serait raisonnable de tenir compte des démarches de bonne volonté, en particulier de celles de notre groupe, afin d’éviter de durcir davantage les rapports au sein de notre société, de prendre le très grand risque de voir s’exprimer toujours plus de violence. Si M. le rapporteur était présent, je le lui dirais que, quand on ne veut pas recevoir des représentants de larges fractions de l’opinion publique, quand on se refuse à les écouter,…