M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur l’action des collectivités locales dans le domaine de la couverture numérique du territoire.
5
Prise d’effet de nominations à des commissions mixtes paritaires
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution des commissions mixtes paritaires sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux et du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 28 mars prennent effet.
6
Fin de mission d’une sénatrice
M. le président. Par lettre en date du 29 mars 2013, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 9 avril 2013, de la mission temporaire sur l’accessibilité des personnes handicapées aux bâtiments recevant du public, à la voirie et aux transports publics, confiée à Mme Claire-Lise Campion, sénatrice de l’Essonne, auprès de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.
Acte est donné de cette communication.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Communication relative à des commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi organique relatif à l’élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
Par ailleurs, la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, n’est pas parvenue à l’adoption d’un texte commun.
8
Régime social du bonus exceptionnel outre-mer
Discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi tendant à proroger jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer (propositions nos 414 et 421, texte de la commission n° 450, rapport n° 449).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Michel Vergoz, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la loi pour le développement économique des outre-mer, ou LODEOM, du 27 mai 2009 a prévu la possibilité, pour les entreprises implantées dans un département d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy, de verser à leurs salariés un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié. Cette possibilité est subordonnée à l’existence d’un accord régional interprofessionnel applicable dès l’année 2009.
Cette mesure provisoire, prise initialement en 2009 pour une durée de trois ans, visait à répondre aux vives protestations qui s’étaient élevées contre la « vie chère » et aux fortes revendications sociales qui s’étaient exprimées au cours de la crise qui devait durement toucher les collectivités ultramarines en 2009.
Le revenu disponible des ménages domiens apparaît en effet inférieur de 35 % en moyenne à celui des ménages hexagonaux, tandis que les produits alimentaires sont de 30 % à 50 % plus chers dans les DOM qu’en métropole.
En outre, la proportion de salariés du secteur privé domien couverts par une convention collective est inférieure à 60 %, tandis qu’elle s’établit à 85 % au niveau national, si bien que la proportion de salariés rémunérés au voisinage du SMIC est plus élevée dans les DOM.
Dans le but d’inciter les employeurs à recourir au bonus exceptionnel, celui-ci est exonéré de toutes les charges sociales, à l’exception de la contribution sociale généralisée, de la contribution au remboursement de la dette sociale et du forfait social.
Quel est l’objet du texte adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales le 27 mars dernier ?
Dans sa rédaction d’origine, l’article 3 de la LODEOM prévoyait une durée maximale de trois ans pour le dispositif incitatif d’exonération de charges sociales.
Faute d’amélioration du contexte économique et social dans les outre-mer, la loi de finances pour 2012 a ensuite porté de trois à quatre ans la durée de ce dispositif, à compter de la date de versement prévue par l’accord ou, à défaut, à compter de la date de conclusion de l’accord.
Au terme de cette prolongation, le régime social favorable dont bénéficie le bonus exceptionnel sera, dans les faits, conduit à s’interrompre entre le mois de mars et le mois de décembre de l’année 2013.
Alors que la loi relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, adoptée en novembre dernier, n’a pas encore pu produire tous ses effets, le risque de sortie brutale d’un dispositif important de soutien au pouvoir d’achat des salariés les plus modestes n’est pas de nature à apaiser les tensions sociales récurrentes dans les outre-mer, bien au contraire. Pour mémoire, je rappelle que ce dispositif concerne trois salariés sur quatre, c’est-à-dire près de 95 000 personnes à La Réunion, près de 52 000 en Guadeloupe et près de 25 000 en Guyane.
Dans ce contexte, le Premier ministre a pris l’engagement, lors de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer du 10 décembre dernier, de prolonger le dispositif d’un an supplémentaire dans l’attente de la montée en charge des mesures de lutte contre la vie chère adoptées depuis l’entrée en fonction du nouveau gouvernement, notamment le « bouclier qualité-prix » et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.
Cet engagement s’est traduit par la présentation au Sénat d’un amendement du Gouvernement au projet de loi portant création du contrat de génération. L’article 9 de ce texte, tel qu’il a été adopté définitivement par le Parlement le 14 février 2013, prévoyait la prorogation du dispositif d’exonération jusqu’au 31 décembre de la même année.
Toutefois, par une décision du 28 février 2013, le Conseil constitutionnel a invalidé cette disposition, pour des raisons formelles, en considérant qu’elle ne présentait pas de lien, même indirect, avec le texte initial du projet de loi.
La proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui vise à répondre aux préoccupations d’ordre social que j’ai mentionnées, tout en tenant compte des objections exprimées par le Conseil constitutionnel sur la procédure. Elle reprend le dispositif de prorogation sur lequel le Parlement s’est déjà prononcé favorablement.
Il s’agit en effet de prolonger les exonérations de cotisations sociales appliquées au bonus salarial exceptionnel outre-mer jusqu’au 31 décembre 2013, dans un esprit de transition, avant un retour au droit commun.
Avant de conclure, je souhaite rappeler que la commission des affaires sociales a réintroduit dans le texte le mécanisme de compensation budgétaire qui avait été proposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement dans le cadre de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération. La mission « Outre-mer » prendrait ainsi en charge les pertes de recettes engendrées par la prorogation pour les organismes de sécurité sociale, pertes évaluées à 12 millions d’euros.
Ce mécanisme permet de se conformer à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, selon lequel toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale doit obligatoirement donner lieu à une compensation intégrale aux organismes de sécurité sociale concernés par le budget de l’État pendant toute la durée de son application.
Mais la situation a évolué et le Gouvernement présentera tout à l’heure un amendement de suppression de l’article 2 qui rend obsolète ce gage financier, ce que je salue.
Je remercie vivement la conférence des présidents qui, compte tenu de l’urgence et de la situation économique et sociale outre-mer, a bien voulu inscrire ce texte à l’ordre du jour de la présente séance. J’exprime aussi ma reconnaissance à mes collègues de la commission des affaires sociales, qui l’ont adopté à l’unanimité.
Puisse une telle unité de vue s’exprimer de nouveau ce soir dans notre assemblée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui est soumise aujourd’hui à votre examen est importante pour les économies des départements et régions d’outre-mer. Elle correspond, en outre, à un engagement du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault.
Voilà quatre ans, les parties prenantes dans la grave crise sociale qui a secoué la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion signaient une série d’accords prévoyant le versement d’un complément salarial, ce dernier étant pris en charge par l’État, les collectivités et les entreprises.
La LODEOM du 27 mai 2009 a transposé dans la loi la possibilité de versement par les employeurs d’un bonus exceptionnel de 1 500 euros par an et par salarié, et son exonération de toutes cotisations et contributions, hors CSG, CRDS et forfait social.
Aux côtés du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA, cette exonération est l’une des modalités de prise en compte par l’État du coût des accords de sortie de crise.
Prévue pour une durée de trois ans, la mesure a été prolongée d’un an dans la loi de finances pour 2012 par la précédente majorité. Cette décision n’a cependant fait que repousser l’échéance, sans offrir de visibilité quant aux conditions de retour vers le droit commun.
Dès la nomination du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, il nous a fallu reprendre ce dossier et réfléchir aux moyens de faire face à ce qui aurait constitué un choc salarial brutal pour les entreprises et pour le pouvoir d’achat des salariés, à savoir la fin de la participation de l’État au complément salarial de 2009 – le RSTA – et la fin concomitante, ou presque, de l’exonération de charge des bonus versés par les employeurs, sans compter l’absence de participation, depuis plusieurs années déjà, des collectivités.
Nous avons souhaité donner du temps aux salariés comme aux entreprises, et mettre en place toutes les conditions d’une transition réussie, en l’accompagnant de manière volontariste.
C’est dans cette optique que, le 10 décembre 2012, le Premier ministre en personne a annoncé deux décisions importantes : d’une part, la prolongation du RSTA jusqu’à la fin du premier semestre 2013, assortie d’une action vigoureuse pour faciliter la transition des bénéficiaires éligibles vers le dispositif national du revenu de solidarité active, ou RSA ; d’autre part, la prolongation, jusqu’au 31 décembre 2013, de l’exonération de charge du bonus « employeurs », afin de donner aux entreprises un délai nécessaire pour s’organiser, à la faveur de la mise en œuvre d’un nouveau dispositif national, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dont les modalités de préfinancement permettront aux entreprises éligibles d’en percevoir le bénéfice dès cette année.
Ces engagements ont été tenus.
En ce qui concerne spécifiquement le bonus « employeurs », nous avons présenté très rapidement un amendement au projet de loi portant création du contrat de génération.
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, cet article a été censuré par le Conseil constitutionnel, mais uniquement pour des raisons de procédure, ainsi que l’a indiqué M. le rapporteur.
C’est pourquoi je tiens aujourd’hui à remercier très chaleureusement les sénateurs de La Réunion, Paul Vergès et Michel Vergoz, qui ont très vite pris leurs responsabilités afin de permettre la concrétisation de cet engagement du Gouvernement.
Je remercie tout autant la présidente de la commission des affaires sociales et le groupe socialiste, qui ont permis l’inscription à l’ordre du jour de ce texte dans le cadre de la semaine d’initiative.
Enfin, je remercie tous les sénateurs de la commission des affaires sociales, qui ont adopté la proposition de loi à l’unanimité. C’est donc vraiment « transcourant » !
Naturellement, le Gouvernement l’accueille très favorablement. Elle est, je le répète, importante à la fois pour les entreprises et pour le pouvoir d’achat des salariés.
Cette double préoccupation est au cœur de l’effort financier significatif que consent l’État, à travers cette disposition, en faveur des outre-mer.
Il s’agit d’un effort d’autant plus important que chacun mesure le contexte budgétaire difficile qui est le nôtre et qui ne permettra pas que ces dispositifs soient davantage prolongés. Mais il s’agit aussi d’un effort légitime et nécessaire, au regard de la situation économique et sociale de nos outre-mer.
Contrairement à ce qui se faisait du temps de nos prédécesseurs, nous ne nous contenterons pas de planifier le calendrier d’une simple extinction. Je l’ai dit, nous nous sommes en premier lieu attachés à créer les conditions d’un retour harmonieux vers le droit commun.
Cependant, au-delà de ce retour au droit commun et quelques mois après le vote d’une loi importante contre la vie chère, texte dont l’application est aujourd’hui effective grâce à la signature des accords de modération des prix, nos efforts se poursuivent afin de préserver et de rebâtir un cadre adapté, favorable au financement des entreprises, à l’investissement et au développement économique des outre-mer.
Nous aurons d’ailleurs très bientôt à parler de dépenses fiscales et de dispositifs incitatifs à l’investissement, dans le cadre de l’application du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Ces actions, que nous engagerons tout au long de l’année 2013, doivent avoir pour objectif ultime de favoriser la création de valeur et d’emplois dans nos territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.
M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos concitoyens ultramarins vivent depuis plusieurs années – mais surtout depuis l’hiver 2008-2009 – dans un climat de fortes tensions récurrentes et subissent quotidiennement les effets d’une crise sans précédent : un chômage qui ne laisse aucun répit, un pouvoir d’achat de plus en plus réduit, une précarité qui s’amplifie de jour en jour et des entreprises confrontées à une baisse constante d’activité.
Lorsque le législateur, en 2009, a mis en place le dispositif du bonus exceptionnel sur les bas salaires exonéré de charges sociales, il s’agissait avant tout de répondre aux vives inquiétudes exprimées dans nos territoires ultramarins contre la vie chère et la pauvreté. La population avait lancé un cri d’alarme en direction de la République et clamé son exaspération, sa détresse, sa souffrance.
Ce faisant, elle avait révélé sa vulnérabilité et chacun avait pu mesurer l’ampleur de la crise économique, sociale et sociétale qui couvait depuis des années en outre-mer.
Le dispositif mis en place par la loi pour le développement économique des outre-mer ne devait durer que trois ans. Toutefois, le contexte économique et social des territoires ultramarins, comme cela a été souligné par M. le rapporteur, a conduit le gouvernement, à la fin de 2011, à le prolonger d’une année.
Selon la date à laquelle les accords interprofessionnels ont été signés, l’exonération prendra donc fin entre mars et décembre de cette année.
Pourtant, aujourd’hui encore, force est de constater que le contexte ne s’est pas amélioré, bien au contraire.
La crise économique n’épargne pas nos compatriotes d’outre-mer. Si la situation géographique et l’environnement naturel des collectivités ultramarines sont souvent considérés comme un formidable atout, nous ne devons pas oublier qu’ils sont également sources de contraintes : les images enchanteresses que les publicitaires nous renvoient de l’outre-mer cachent malheureusement une réalité beaucoup plus dramatique.
Le chômage – faut-il le rappeler ? – y est deux fois plus élevé qu’en métropole, quelles que soient les tranches d’âge. Il touche plus lourdement encore les jeunes : 60 % d’entre eux sont sans emploi en Martinique et à La Réunion, contre 22 % dans l’Hexagone.
Je rappelle également que le coût de la vie y est très supérieur. Les prix des produits alimentaires sont ainsi de 30 % à 50 % plus chers qu’en métropole, alors que le revenu disponible des ménages y est inférieur en moyenne de 35 %.
Par ailleurs, l’activité des économies ultramarines s’est ralentie, voire détériorée, en 2012. Les entreprises, particulièrement fragilisées, interviennent dans un contexte très perturbé. Il est pourtant impératif de leur donner les moyens de redynamiser leurs activités économiques et de créer des emplois.
C’est dans ce contexte, et sous votre impulsion, monsieur le ministre, que le Parlement a voté, il y a quelques mois, une loi contre la vie chère, mais nul ne sait quand elle produira pleinement ses effets !
C’est la raison pour laquelle le ministre du travail avait proposé, dans le cadre des contrats de génération, de prolonger d’une cinquième année l’exonération du bonus exceptionnel. En toute logique, le Conseil constitutionnel a invalidé ce cavalier législatif.
Nous voici donc appelés à nous prononcer à nouveau sur la prolongation de ce dispositif. Or, comme l’a rappelé notre excellent rapporteur, depuis la fin du premier trimestre 2012, la conjoncture ultramarine se dégrade et le climat social demeure extrêmement tendu. Si l’on veut éviter d’aggraver une situation déjà très préoccupante, il paraît indispensable de maintenir le dispositif quelques mois encore. Nous le savons bien, sa disparition entraînerait inéluctablement une baisse de revenus pour les salariés les plus pauvres et une chute de leur pouvoir d’achat.
Pour autant, le rapporteur l’a bien rappelé, cette mesure ne peut pas être provisoire ; elle doit bien être transitoire, le temps, je le cite, « d’organiser une sortie sans brutalité ». Le dispositif devra prendre fin au plus tard le 31 décembre 2013.
Dans ces conditions, l’ensemble des sénateurs du groupe du RDSE apporteront leur soutien à ces textes, donc aux populations d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à proroger le dispositif ouvrant la possibilité du versement d’un bonus exceptionnel aux salariés d’une entreprise implantée dans une région ou un département d’outre-mer – à l’exception de Mayotte –, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin ou à Saint-Barthélemy.
Elle a été déposée, quasi simultanément, par nos collègues Paul Vergés et Michel Vergoz, et concerne en fait ce que l’on appelle la prime COSPAR, du nom du Collectif des organisations syndicales, politiques et associatives de La Réunion.
Cette prime a été mise en place pour une durée de trois ans, en 2009, dans un contexte extrêmement tendu. Un conflit social majeur mobilisait alors les populations des départements d’outre-mer, excédées par les inégalités de revenus et la dure réalité de la vie chère.
À la fin du mois de mai 2009, l’article 3 de la LODEOM a accordé, aux employeurs implantés dans un département d’outre-mer, la possibilité de verser à leurs salariés, sous certaines conditions, un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par an et par salarié.
Ce bonus exceptionnel est assorti d’un régime incitatif d’exonération quasi intégrale des charges sociales, comme cela vient d’être également rappelé.
Notre rapporteur nous assure que ce dispositif a, par exemple, concerné trois salariés sur quatre à La Réunion, soit 94 400 salariés répartis dans 9 400 entreprises. Nous ne savons s’il faut se réjouir du succès rencontré par ce dispositif ou s’inquiéter du nombre de personnes concernées par cette mesure réservée aux bas salaires…
Quatre ans plus tard, la situation n’est malheureusement pas beaucoup plus satisfaisante. Plusieurs des orateurs m’ayant précédée à cette tribune ont rappelé les chiffres qui montrent l’ampleur de la crise économique et sociale traversant ces pays.
Compte tenu du contexte économique et social toujours difficile en outre-mer, l’article 60 de la loi de finances initiale pour 2012 avait d’ailleurs porté la durée de l’exonération à quatre ans. La même proposition a de nouveau été présentée au Parlement, à l’occasion de la discussion de la loi de finances pour 2013. L’amendement en question a toutefois été repoussé à la demande du Gouvernement, avant d’être finalement réintroduit quelques semaines plus tard dans le cadre de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
Le Conseil constitutionnel, peu convaincu, a « retoqué » cette dernière option, dans laquelle il a vu un cavalier législatif.
Nous voilà donc aujourd’hui réunis en urgence pour venir en aide aux Domiens puisque, dans les faits, et compte tenu de l’ensemble des dispositions en vigueur, ce dispositif sera conduit à s’interrompre entre le mois de mars et le mois de décembre 2013 – selon les territoires et la date de signature de l’accord initial – alors que le contexte économique et social ne s’est pas encore sensiblement amélioré.
Le groupe écologiste du Sénat, solidaire des populations ultramarines confrontées à des difficultés particulièrement exacerbées, votera bien sûr cette prolongation, comme il l’avait déjà fait lors de la discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.
Afin d’éviter une sortie précipitée qui ne ferait que raviver les tensions sociales latentes, nous devons proroger temporairement ce dispositif, jusqu’à la fin de l’année 2013, en attendant de sentir les premiers effets des mesures contenues dans la loi contre la vie chère, adoptée par le Parlement il y a quelques mois sur votre initiative, monsieur le ministre.
Nous espérons qu’un vote conforme de l’Assemblée nationale, le 9 avril, permettra à cette prorogation d’entrer en vigueur dans les plus brefs délais.
Pour autant, proroger indéfiniment ce type de dispositif d’urgence n’est pas satisfaisant et ne règle rien à long terme, nous en sommes tous conscients.
L’accord sur le dispositif bouclier qualité-prix intervenu le 1er mars dernier sur un panier de produits de grande consommation est, à ce titre, une bonne nouvelle. Les baisses de prix pour l’instant constatées, qui vont de 10 % à 13 %, constituent, monsieur le ministre, un résultat positif.
La guerre des prix que ce bouclier a enclenchée entre différentes enseignes laisse peut-être penser que la concurrence est de nouveau de rigueur en outre-mer. Il ne s’agit cependant que d’un premier pas et nous ne devons ni nous en satisfaire ni nous laisser déconcentrer. Bien au contraire, cela doit nous encourager à aller plus loin.
À ce titre, les négociations actuellement en cours concernant le prix des carburants nous paraissent primordiales. De plus, nous attendons avec impatience que soient pris l’ensemble des décrets d’application du projet de loi contre la vie chère, notamment celui qui concerne la composition des observatoires que les parlementaires ont appelé de leurs vœux pour qu’un suivi très régulier de l’application de la loi soit attentivement effectué. Cela implique que des élus, y compris des parlementaires, en soient membres. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, quand ces dispositions entreront en vigueur ?
De même, nous lirons avec intérêt le rapport que doit rendre en avril notre collègue député Serge Letchimy sur les échanges commerciaux entre le marché intérieur des collectivités d’outre-mer et ceux des États voisins, puisqu’il s’agit là en fait de chercher les moyens de faciliter, au sein des grandes régions du monde, Caraïbes, Pacifique, Océan indien, Océanie, des échanges directs.
En conclusion, notre groupe est convaincu que le développement soutenable de l’activité économique en outre-mer est la seule solution. Cela suppose le respect des écosystèmes et de la biodiversité afin que des filières économiques nouvelles, porteuses de nombreux emplois locaux non délocalisables – c’est l’une de vos préoccupations, monsieur le ministre – émergent et se consolident : économies d’énergies, biomasse, énergies renouvelables, circuits courts de production et de transformation agricoles…
Je sais que les occasions d’en reparler, monsieur le ministre, mes chers collègues, ne manqueront pas dans les mois qui viennent ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Fontaine.
M. Michel Fontaine. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de loi tendant à proroger jusqu’au 31 décembre 2013 le régime social du bonus exceptionnel outre-mer, institué par l’article 3 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.
Ce dispositif, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, a pour but d’inciter les employeurs implantés dans un département d’outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, territoires devant disposer d’un accord régional ou territorial interprofessionnel, à verser un bonus exceptionnel d’un montant maximum de 1 500 euros par salarié et par an.
Ce bonus, exonéré de cotisations et de contributions d’origine légale ou conventionnelle, à l’exception de la CSG et de la CRDS, a été initialement conçu pour avoir une existence de trois ans.
Sa vocation est donc d’inciter les employeurs ultramarins à verser à leurs salariés un complément de rémunération afin de revaloriser leur pouvoir d’achat, tout en évitant un surcoût à leurs entreprises.
Le dispositif est assorti d’un régime social favorable.
Il a été mis en place dans des circonstances très particulières : le contexte économique et social tendu et difficile ayant engendré des troubles sociaux importants, ce dispositif était une réponse aux mouvements violents qui avaient éclaté en 2009.
Il a été prorogé en 2011 par la majorité de l’époque à laquelle j’appartiens au regard du contexte économique et social dégradé qui perdurait en outre-mer : l’article 60 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 l’a ainsi prolongé d’un an, portant la durée totale du dispositif à quatre années. Le bonus exceptionnel devait donc s’éteindre entre les mois de mars et de décembre 2013, selon les territoires et les dates de signature de l’accord initial.
Or, face aux tensions sociales et aux problèmes économiques qui demeurent dans nos territoires ultramarins, le gouvernement actuel a dû se déterminer à une nouvelle prolongation, mais l’exercice a manqué d’un peu de méthode et s’est déroulé en plusieurs étapes...
Tout d’abord, lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, le Gouvernement s’est opposé à l’amendement tendant à la prorogation du système qu’avait déposé M. Paul Vergès, ainsi que celui-ci le rappelle d’ailleurs dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi, et l’amendement a alors été rejeté, à la demande du Gouvernement.
Certes, comme M. le rapporteur l’a souligné en commission, cet amendement visait une prorogation de trois ans, ce qui aurait augmenté considérablement le coût de la mesure. Mais n’appartenait-il pas alors au Gouvernement de déposer un sous-amendement visant à prolonger le dispositif d’une année, comme il allait s’y engager quelques jours plus tard, lors de la Restitution nationale des conférences économiques et sociales des outre-mer ?
En effet, le Gouvernement est revenu sur sa position le 10 décembre dernier. Il a alors décidé d’insérer un article spécifique dans le projet de loi portant création du contrat de génération, lors de la lecture de ce texte au Sénat. Cet article fut « retoqué » par le Conseil constitutionnel, puisqu’il s’agissait d’un cavalier législatif. C’est cette décision qui a provoqué l’inscription précipitée à notre ordre du jour des propositions de loi de nos collègues Michel Vergoz et Paul Vergès.
Je souhaitais souligner l’incohérence de la méthode, car j’ai été surpris de la manière dont le rapporteur, Michel Vergoz, présentait ces « rebondissements » à la presse. Ainsi, se plaignant du recours constitutionnel des députés UMP, il s’est félicité de la fermeté gouvernementale « face à l’obstruction systématique et politicienne de l’UMP et aux conséquences brutales de ces postures vis-à-vis des salariés les plus modestes ». Je me permets de formuler trois remarques à cet égard.
D’une part, le recours des parlementaires UMP portait non pas sur l’article visant le dispositif ultramarin, mais sur l’article 6 relatif au corps de l’inspection du travail, qui constituait un autre cavalier. Contrairement à ce qui a été dit, les députés UMP se sont gardés de remettre en cause l’article 9 ; c’est le Conseil constitutionnel qui a jugé opportun d’assurer le respect de la Constitution en le déclarant non conforme. Vous deviez probablement être mal renseigné, monsieur le rapporteur, pour parler d’« obstruction » !
D’autre part, il est difficile de comprendre une telle attaque, alors que c’est notre majorité qui a inséré le dispositif du bonus dans la LODEOM, puis l’a prorogé d’une année dans la loi de finances pour 2012 ! Je pense que cette mise au point était nécessaire.
Mais le sujet ne peut, pour autant, souffrir d’aucune position partisane, car il est consensuel ; les clivages et les oppositions trouveront d’autres tribunes. Nous sommes tous conscients, dans cet hémicycle, que tout doit être mis en œuvre pour aider les salariés de nos territoires ultramarins. C’est une nécessité ; c’est notre devoir.
Le souci de soutenir le pouvoir d’achat des salariés ultramarins les plus modestes nous rassemble aujourd’hui, au-delà de nos appartenances politiques.
Mon département, La Réunion, a récemment été secoué par des violences à la suite d’un mouvement social déclenché par le prix de l’essence aboutissant à la dénonciation du problème de la vie chère, cette préoccupation constante de nos collectivités. Viennent s’ajouter à cette problématique des facteurs sociaux préoccupants : à La Réunion, dans certains quartiers, le chômage concerne près de 70 % des moins de vingt-cinq ans. Cette situation provoque détresse, exclusion et précarité. De plus, 30 % de la population active réunionnaise est au chômage. La persistance d’une croissance quasi nulle, tant en métropole qu’à La Réunion, ne fait qu’obscurcir encore plus les perspectives. Et nous ne guérirons ce mal que par l’emploi.
La croissance économique de notre île devra s’appuyer beaucoup plus sur le secteur privé. À cette fin, il faudra développer la formation de la population et l’alternance, encourager nos échanges commerciaux avec nos voisins immédiats et s’attacher à baisser le coût du travail. C’est la raison pour laquelle j’appelle le Gouvernement à proposer des réformes d’ampleur, qui sont nécessaires pour donner aux entreprises les moyens d’embaucher.
Néanmoins, je me réjouis, ce soir, de l’unanimité que recueille cette mesure favorable aux salariés d’outre-mer. C’est pourquoi, mes chers collègues, ainsi que le groupe UMP, j’apporte mon soutien à la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)