M. Gérard Le Cam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je remercie mon collègue du groupe du RDSE des exemples qu'il a donnés pour rendre compte de la spéculation sur les matières premières agricoles. Son inquiétude en la matière montre que nous sommes loin d'avoir résolu ce problème.
Pour autant, comme je l'ai fait remarquer hier au cours de la discussion générale, il faut considérer ce projet de loi comme une étape en vue d’un travail commun avec l'Europe visant à consolider la régulation des marchés financiers.
L’avis favorable du Gouvernement sur les amendements nos 230 rectifié et 214 rectifié, même si ceux-ci vont moins loin que la mesure prévue par l'amendement n° 228 rectifié, témoigne d’une meilleure prise en compte de la nécessité de réguler le marché des matières premières agricole. J’en suis conscient.
Par conséquent, même si j’aurais aimé que nous soyons plus audacieux sur ce sujet, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 228 rectifié est retiré.
L'amendement n° 233, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les transactions impliquant un instrument financier de couverture de risques pour les opérateurs du physique dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole devront être réalisées auprès d’une chambre de compensation, au plus tard le 1er janvier 2016.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. On estime que 80 % des transactions agricoles se font de gré à gré ; c'est beaucoup. Il s’agit là d’une évaluation, car ces marchés, qui s’appuient sur des transactions bilatérales et qui, par définition, ne sont pas soumis à une autorité de contrôle, sont peu transparents. Cet état de fait facilite tous les montages financiers et offre une grande, une trop grande flexibilité.
Par comparaison, les marchés organisés sont régis par des autorités de gouvernance qui édictent un règlement intérieur, lequel précise notamment le montant des dépôts de garantie à constituer et permet de demander à un participant de réaliser des engagements d’achat ou de vente si l’autorité juge son volume d’engagement excessif par rapport à sa surface financière.
Ces marchés disposent d’une chambre de compensation des opérations ou d’un système de règlement-livraison où se déroulent simultanément le règlement et la livraison des contrats. De la sorte, il n’existe pas de risque de contrepartie et la transparence des transactions y est assurée. Ces marchés sont gouvernés par les ordres d’achat ou de vente, dont la confrontation dégage un « prix du marché ».
Pour mettre en place une mesure de plafonnement des positions prises par les opérateurs financiers, afin de circonscrire le champ de la spéculation sur les produits dérivés, une condition est nécessaire.
C’est d’ailleurs pour ces raisons que, à l’occasion du sommet du G20 de Pittsburgh, en 2009, soit l’année suivant la crise alimentaire, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé le transfert progressif des transactions de gré à gré vers des marchés organisés. Dans la déclaration « Améliorer les marchés de gré à gré de produits dérivés », ils s’engageaient à soutenir une transition des contrats de produits dérivés de gré à gré vers des plates-formes d’échanges ou des plates-formes de négociations électroniques et compensés par des contreparties centrales d’ici à la fin 2012 au plus tard.
De même, dans son rapport préparatoire aux G8 et G20 remis au mois d’octobre 2010 au Président de la République, Jean-Pierre Jouyet, alors président de l’Autorité des marchés financiers, insistait sur la nécessaire transparence des marchés financiers agricoles, en particulier les marchés de gré à gré, et proposait d’appliquer au monde agricole les mesures avancées dans le domaine financier par la Commission européenne.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de rendre transparents les marchés de gré à gré.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Sur ce sujet, monsieur Desessard, nous avons une assez grande convergence de vue. En effet, vous prévoyez, au travers de cet amendement, que les transactions sur produits dérivés de couverture soient réalisées auprès d’une chambre de compensation.
De quoi s'agit-il ? Une chambre de conversation est le préalable à un marché organisé ; cela implique une publicité des achats et des ventes et le déroulement des transactions dans un lieu déterminé. La chambre de compensation s'engage à organiser le marché, à publier et, le cas échéant par exemple, à maintenir les prix et à garantir la reprise de produits et de contrats pour lesquels aucun acheteur ne se serait déclaré. Elle garantit donc la liquidité et fait en sorte que le système fonctionne.
Une chambre de compensation permet l'organisation d'un marché plus transparent, plus clair, avec des garanties de prix, et offre une sécurité supplémentaire aux différents acteurs.
Dans la mesure où, par définition, les contrats et transactions de gré à gré se font sans publicité – personne ne connaît les quantités échangées, le prix des transactions, etc. –, la création d’une chambre de compensation constitue à l’évidence un grand progrès. Bien plus, elle tend à devenir une obligation à l'échelon européen, avec l’entrée en vigueur du règlement européen EMIR, European market infrastructure regulation, qui demande à tous les pays d'organiser des chambres de compensation pour les différents produits que nous venons de mentionner.
C'est la raison pour laquelle cet amendement est satisfait.
M. Jean Desessard. Vraiment ?
M. Joël Bourdin. Oui !
M. Richard Yung, rapporteur. Le ministre vous le confirmera sans doute dans un instant, monsieur Desessard.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Moscovici, ministre. Monsieur le sénateur, je comprends la préoccupation que vous exprimez par cet amendement : il faut améliorer la sécurisation et la transparence des transactions sur les produits dérivés de matières premières agricoles.
Je pense cependant, à l’instar de M. le rapporteur, que la chambre de compensation n’est pas le bon instrument pour y parvenir, car elle ne pourra être efficace sur un champ aussi vaste de produits dérivés.
Par ailleurs, l'outil que vous proposez n'est pas conforme à la réglementation européenne EMIR, qui prévoit déjà cette obligation de compensation centrale pour les produits dérivés de gré à gré, chaque fois que c’est possible et uniquement dans ces cas. C'est ce principe que le G20 a acté.
Dans la mesure où d'autres amendements, notamment l'amendement n° 230 rectifié sur lequel j'ai déjà annoncé que le Gouvernement émettrait un avis favorable, permettront de mettre en place un dispositif que je juge efficace et complet pour assurer la transparence et limiter la spéculation sur ces marchés, je vous invite à retirer l'amendement n° 233.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 233 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 233 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 229, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et peut fixer des dérogations lorsque les positions en cause ont été constituées pour :
« 1° atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales,
« 2° sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l'entreprise non financière. »
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 229 est retiré.
L'amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et fixe des dérogations notamment lorsque les positions en cause ont été constituées à des fins de couverture."
II.-Le présent article s'applique à partir du 1er juillet 2015.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. À défaut de pouvoir interdire complètement la spéculation sur les matières premières agricoles, je propose par cet amendement d’introduire une forme de contrôle et de régulation en dotant l’Autorité des marchés financiers du pouvoir d’établir des limites aux positions des opérateurs financiers sur les marchés à terme de matières premières agricoles.
Le principe d’imposer des limites aux positions que sont susceptibles de détenir les acteurs de marché n’est pas une idée nouvelle. Nous nous inspirons ici de l’esprit de la réglementation existante aux États-Unis et mise en place par la CFTC – non pas le syndicat, mais la Commodities futures trading commission (Sourires) –, le régulateur américain chargé des dérivés de matières premières.
Depuis 2011, cette structure met en œuvre une réglementation en matière de limites de position par la fixation de plafonds, imposés ex ante, qui déterminent le nombre de contrats ouverts que peut détenir un même opérateur sur un produit financier ou une gamme donnée de produits financiers ayant le même sous-jacent.
Les États-Unis jouent un rôle de pionnier en la matière. Cette question est l’objet de la refonte de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers. Il serait heureux que la France, en particulier le Sénat, se positionne dès aujourd’hui sur cette option, pour affirmer nos choix dans le cadre des négociations européennes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que l’AMF fixe des limites de position sur dérivés sur les matières premières. Nous avons déjà largement débattu de ce sujet.
La commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Jean Desessard. Tout arrive, il suffit d'attendre ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.
M. Joël Bourdin. Cet amendement me semble satisfait par la pratique des organismes de compensation.
Il existe deux façons de réguler le marché et les contrats à terme.
En premier lieu, il est possible d’agir sur les positions autorisées : acheteurs, vendeurs, échéances, etc. Ainsi, en cas de surchauffe, les organismes de compensation limitent les positions des acheteurs, si la tendance est à la hausse, ou celles des vendeurs, si le cours est à la baisse.
En second lieu, les organismes de compensation peuvent intervenir sur le montant de garantie et l’augmenter si les circonstances l’exigent. Sur les marchés à terme, la spéculation existe, l’acheteur ne devant verser qu’une garantie initiale qui représente 7 %, 8 %, quelquefois 10 % du total de la transaction, alors que l’échéance est de plusieurs mois.
Même si cette pratique existe déjà dans la plupart des organismes de compensation, il est bon de le rappeler à l’AMF. C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.
M. Jean Desessard. Là encore, tout arrive ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.
L'amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances ne peuvent proposer à leurs clients aucun fonds d’investissement indexés, même partiellement, sur des matières premières agricoles.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans leur rédaction comme dans leur philosophie, les dispositions de cet amendement ressemblent à celles de l'amendement n° 228 rectifié. Comme j’ai accepté de retirer celui-là, je retire également celui-ci, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 231 rectifié est retiré.
L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier est complété par une section ainsi rédigée :
« Section … – Obligation d’information par les personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole
« Art. .... – Toute personne détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est constitué en tout ou partie d’une matière première agricole, au-delà d’un seuil de détention fixé pour chaque matière première concernée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et dans les conditions fixées par ce dernier, communique quotidiennement le détail de ses positions à l’Autorité des marchés financiers. »
La parole est à M. François Fortassin.
M. François Fortassin. Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. L’amendement n° 214 rectifié tend à obliger toute personne dépassant un seuil de détention d’instruments financiers relatifs à des matières premières à déclarer ses positions à l’AMF.
L’amendement n° 140 rectifié bis, que nous allons examiner dans quelques instants, a, lui, pour objet d’obliger l’AMF à publier un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées sur les différents instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole.
Nous allons donc toujours dans le sens, opportun selon moi, d’un renforcement des pouvoirs de l’AMF, qu’il s’agisse de connaître les positions prises sur le marché ou de les limiter.
La commission est favorable à ces instruments, qui permettront au régulateur de mieux connaître les positions et les acteurs présents sur ces marchés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.
L'amendement n° 140 rectifié bis, présenté par MM. Botrel et Caffet, Mme M. André, M. Berson, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II du livre IV du code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La section 6 du chapitre Ier est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un marché réglementé et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.
« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » ;
2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article ainsi rédigé :
« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un système multilatéral de négociation et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.
« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. »
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Nous avons déjà longuement évoqué le problème du détournement des instruments de couverture des risques, instruments qui ont, au demeurant, toute leur utilité en matière agricole.
Les détournements importants qui ont été constatés ont amené le Gouvernement à introduire dans le projet de loi une interdiction pour la filiale cantonnée d’opérer à titre propre sur ce marché, ce qui est une très bonne chose.
Il apparaît toutefois nécessaire à nombre d’entre nous d’aller plus loin dans l’encadrement des activités au compte de clientèle.
Comme pour l’encadrement des relations avec les hedge funds, nous sommes face à deux options.
L’une, assez radicale, défendue à travers plusieurs amendements, consiste à interdire l’essentiel des transactions dès lors qu’elles ne couvriraient pas un risque économique, agricole ou industriel. Comme Jean-Pierre Caffet l’a clairement démontré tout à l’heure, la limite de cette solution est qu’elle prive en réalité les acteurs, qui doivent impérativement se couvrir, d’acheteurs qui porteront le risque. Or le problème de ces marchés, ce n’est pas la présence d’intervenants financiers, c’est la déconnexion entre le volume de titres échangés et les volumes de matières premières agricoles.
En outre, la question des matières premières agricoles se posant à un niveau international, il ne peut être réglé que dans un cadre international. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste, à l’interdiction sous différentes formes je préfère l’encadrement des positions prises, dans la logique que promeut la directive MIF 2, en cours de négociation.
C’est dans cet esprit que nos collègues écologistes et radicaux de gauche proposent de mettre en place un système de reporting régulier des acteurs financiers, au-delà des seules banques. Ce reporting se fera sous le contrôle de l’AMF, qui pourra fixer des limites de positions individuelles, afin d’éviter toute perturbation du marché.
Ces amendements complètent d’ailleurs les améliorations apportées à l’Assemblée nationale et en commission des finances sur les manipulations de cours.
Par cet amendement, qui vise à compléter le dispositif introduit par les amendements du RDSE et du groupe écologistes, nous demandons que la surveillance opérée par l’AMF fasse l’objet d’un rapport hebdomadaire, qui permettra d’identifier les différents acteurs et les volumes échangés.
Nous savons que la spéculation se nourrit d’une certaine opacité. Dès lors, créer de la transparence aura forcément pour effet de dissuader la spéculation.
Nous pensons que le système ainsi mis en place assurera un encadrement optimal du marché, qui permettra à la fois de couvrir utilement les risques agricoles et de limiter les fluctuations de cours, donc, par voie de conséquence, les effets pervers que peut engendrer la spéculation.
Cet ajout au dispositif, déjà très élaboré, que vous avez mis au point avec ce projet de loi, monsieur le ministre, nous semble utile.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.
M. Francis Delattre. Nous approuvons les intentions qui sous-tendent cet amendement, mais, à vrai dire, il ne change pas grand-chose.
De plus, je me demande si la disposition qu’il introduit ne serait pas plutôt de nature réglementaire. Du reste, j’ai le sentiment que, au fil de nos débats, nous incluons dans la loi des mesures qui me semblent relever du domaine du règlement.
Si M. le ministre s’engageait à inclure ce dispositif dans un futur texte réglementaire, cela ne suffirait-il pas ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre. Cette disposition relève bien du domaine législatif, monsieur le sénateur.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.
L'amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances doivent tenir une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion des contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré.
Ces informations sont transmises à l’Autorité des marchés financiers, de façon hebdomadaire. Chaque trimestre, l’Autorité des marchés financiers publie un rapport, rendu public, présentant pour chaque établissement les montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, la typologie des instruments financiers utilisés et des résultats financiers.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement porte sur la transparence.
Nous avons constaté précédemment une convergence pour dire qu’il existe un lien entre spéculation sur les matières premières agricoles et accentuation de la volatilité des prix alimentaires, même si d’autres facteurs ont aussi une incidence sur ces variations de prix.
Nous avons noté que les fonds indexés sur les matières agricoles créés en France l’ont été après la crise alimentaire de 2008.
Nous avons indiqué que les investisseurs institutionnels étaient largement représentés parmi les souscripteurs des fonds indexés, en tout ou en partie, sur les matières premières agricoles.
Si nous voulons que la spéculation sur les matières premières agricoles et la financiarisation à outrance de ces marchés cessent, encore faut-il avoir une idée précise de l’activité des banques et des investisseurs sur ces marchés.
Mais l’exigence de transparence, pour être efficace, doit être conditionnée à une notification régulière de l’évolution de ces positions puisque, comme avec le trading à haute fréquence, ce sont les variations rapides qui permettent d’identifier une activité purement spéculative sur un marché. Elle doit être également conditionnée à la publication de ces notifications.
Pour freiner, voire stopper cette financiarisation des marchés agricoles, il faut pouvoir disposer d’un « levier de pression ». Et quel meilleur « levier de pression » que la transparence sur les activités ?
La publication du rapport d’Oxfam France, en février dernier, a déjà conduit BNP Paribas à suspendre les souscriptions à son fonds Parvest World Agriculture, indexé à 100 % sur le cours de matières premières agricoles, et à fermer son fonds ETF Ultra Light Energy, indexé à plus de 40 % sur les matières premières agricoles.
Cette transparence a également conduit le Crédit Agricole à fermer trois fonds indiciels qui permettaient à ses clients de spéculer sur les matières premières agricoles.
De son côté, le groupe Axa a fourni à l’ONG des informations sur plusieurs fonds, que l’opacité du système financier ne lui avait pas permis d’identifier.
C’est bien lorsqu’elles sont confrontées à une obligation de transparence que les banques s’organisent.
On peut également estimer que les banques et investisseurs « irréprochables » en la matière gagneront à voir publier ces informations. Les investisseurs vertueux, ceux qui ont le souci de l’éthique, se repéreront ainsi mieux dans le paysage bancaire.
C’est la transparence des positions, leur communication régulière à l’AMF et leur publication que nous préconisons au travers de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Richard Yung, rapporteur. Cet amendement impose une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion de contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré, lesquels peuvent concerner d’autres sous-jacents que les matières premières agricoles – des actions, des obligations, des indices, du pétrole, que sais-je encore…
La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement, monsieur Desessard, en dépit de vos excellents arguments invoquant la transparence et la vertu.
La vertu est souvent citée dans cet hémicycle, mais Offenbach nous a appris ce qu’il fallait en penser… (Sourires.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a de petites et de grandes vertus ! (Nouveaux sourires.)
M. Richard Yung, rapporteur. Pour ce qui concerne les matières premières agricoles, les amendements que nous venons d’adopter sur la communication des positions quotidiennes et hebdomadaires à l’AMF et la fixation de limites de positions me semblent de nature à répondre à vos préoccupations, monsieur Desessard.
S’agissant des contrats sur les marchés de gré à gré, un problème de définition se pose puisque vous englobez l’ensemble des transactions, qu’elles concernent ou non les matières premières agricoles. Or cette mesure est probablement irréalisable sur le plan technique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Desessard, l’amendement n° 232 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. Vous avez reconnu que cet amendement portait une vraie question, monsieur le rapporteur. Vous estimez toutefois qu’il serait aujourd'hui techniquement difficile de le mettre en œuvre.
Comme je l’ai dit, je considère ce projet de loi comme une étape. Je retire donc cet amendement, en espérant que, lors d’une prochaine étape, y compris à l’échelon européen, nous pourrons mettre en place ces instruments de transparence.