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Désignation d'une sénatrice en mission temporaire

Mme la présidente. Par courrier en date du 20 mars 2013, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L. O. 297 du code électoral, Mme Aline Archimbaud, sénatrice de la Seine-Saint-Denis, en mission temporaire auprès de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé.

Cette mission portera sur les améliorations en faveur de l’accès aux soins des personnes en situation de précarité.

Acte est donné de cette communication.

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Communications du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 717-3 du code de procédure pénale (exécution des peines privatives de liberté) (2013-320 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 mars 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 717-3 du code de procédure pénale (exécution des peines privatives de liberté) (2013-321 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

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Article 1er (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 1er (début)

Séparation et régulation des activités bancaires

Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires.

Nous poursuivons la discussion des articles.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires
Article 1er (interruption de la discussion)

Article 1er (suite)

Mme la présidente. Dans la suite des interventions sur l’article 1er, la parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Rien ne vaut un détour par l’histoire pour comprendre comment nous en sommes là, occupés à tenter de réguler un secteur que l’on a mis tant de temps et d’énergie à déréguler.

Par contraste avec l’avant-guerre, les crises financières sont rares de la Libération au tournant des années 1975-1980. La « révolution libérale » mondiale et, en France, la grande « modernisation » démarrant vraiment avec la loi bancaire de 1984 changent le paysage. Les crises recommencent à se suivre, à un rythme de plus en plus accéléré.

« Vive la crise ! » proclamait alors la gauche moderne, avec Yves Montand reconverti en monsieur Loyal d’une célèbre émission de télévision du service public. La crise est en effet la rançon de la modernité et, Rimbaud est formel, « il faut être absolument moderne ».

De gouvernements de gauche en gouvernements de droite, seront donc poursuivies l’interconnexion planétaire, la complexification et la dématérialisation, la désintermédiation et l’opacification, la privatisation et la dérégulation du système financier, la banque universelle distributrice de crédit devenant, en France, le modèle de référence.

La foi en un système aussi moderne explique pourquoi aucun responsable ne vit venir la crise, pourquoi les réactions furent tardives et pourquoi personne ne se demanda comment une banale affaire de spéculation immobilière locale, fût-elle survenue aux États-Unis, pouvait dégénérer en crise systémique globale.

Manifeste pourtant dès la fin de l’année 2006, la crise immobilière provoque une cascade de faillites dans le système hypothécaire des États-Unis et l’intervention massive de l’État. C’est au tour des banques, gorgées de créances douteuses, et des assureurs censés les garantir d’être menacés. Si l’État américain les sauve, il oublie malheureusement Lehman Brothers, dont la mise en règlement judiciaire, le 15 septembre 2008, mettra le feu aux explosifs massivement entreposés.

Dès août 2007, BNP-Paribas doit suspendre, certes temporairement, la cotation de trois de ses fonds adossés à des titres immobiliers américains ; c’est dès août 2007 que la crise est devenue européenne, ce que personne ne veut voir.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Collombat. Un mois plus tôt, en juillet 2007, Mme Lagarde, alors toute nouvelle ministre, évoquant les splendeurs passées de la place de Paris devant le conseil d'orientation de celle-ci, prononça cette phrase qu’il faudra graver dans le marbre : « L’avenir est devant nous. Il y a eu une Belle Époque ? Préparons-en de sublimes ! »

Qu’elle ait été non pas la seule des économistes surréalistes à se tromper, mais simplement la plus lyrique, ne rassure guère sur la capacité d’autocontrôle du système financier, sous le regard bienveillant de l’État et de sa technostructure.

Comme les États-Unis, les États européens puis la Banque centrale européenne, au nom de la sauvegarde des dépôts, doivent intervenir. Sous l’effet conjugué des injections de capitaux et du ralentissement de l’économie, l’endettement public augmente de l’ordre de 25 % en Europe et en France. Pour y faire face, la mobilisation en faveur de l’équilibre budgétaire est décrétée, transformant la crise financière en crise sociale. La crise est d’ailleurs déjà politique dans plusieurs pays européens, en attendant qu’elle le devienne dans les autres, y compris la France. Nous en sommes là.

La question est non pas de faire le tri entre les activités financières utiles à l’économie réelle et celles qui ne le seraient pas, mais d’éviter que, à l’occasion d’un soubresaut de la crise, la comète financière ne pulvérise la planète où vivent et travaillent les hommes. Le problème est de savoir comment limiter la casse en France, sachant que le bilan cumulé de nos banques représente quatre fois le PIB du pays, et celui de BNP Paribas huit fois le budget de l’État.

La première urgence, sauf pour les défenseurs du présent projet de loi, est de séparer banques de dépôt et banques d’investissement afin d’exclure du champ de la garantie publique la totalité des activités de marché, d’éviter que les dépôts ou la Banque centrale européenne n’alimentent la spéculation. La discussion des amendements permettra de décliner les diverses dispositions permettant d’y parvenir.

« On ne peut rien comprendre au monde de la haute finance tant que l’on n’a pas vu qu’il accorde son admiration la plus vive à ceux qui préparent les pires catastrophes », disait John Kenneth Galbraith. Constatons que le monde de la haute finance a toujours des amis, beaucoup d’amis…

Mme la présidente. La parole est à M. François Fortassin, sur l’article.

M. François Fortassin. L’article 1er constitue le cœur du titre Ier, si ce n’est du projet de loi tout entier, puisqu’il organise la séparation des différentes activités bancaires. Mais quelles activités nous propose-t-on réellement de cantonner ?

Le projet de loi vise les activités « spéculatives », qui seront séparées des activités « utiles au financement de l’économie ». Les premières seront désormais exercées par une filiale cantonnée qui, selon l’exposé des motifs du projet de loi, « devra être capitalisée et financée de manière autonome comme si elle n’appartenait pas au groupe bancaire qui la contrôle ».

Pouvons-nous nous contenter de faire comme si les activités seront réellement séparées ? Là est la véritable question soulevée au travers de plusieurs amendements déposés sur l’article 1er, dont ceux de notre collègue Pierre-Yves Collombat, que nous soutenons.

« Reprendre la main par rapport aux dérives de la finance, répondre […] aux causes profondes de la crise financière » : telles sont, selon les propos qu’a tenus cet après-midi M. le ministre de l’économie et des finances en introduction de son discours, les ambitions, ô combien vastes, du présent projet de loi. Mais celui-ci y répond-il vraiment ? Rien n’est moins sûr…

La séparation des activités doit permettre de réduire le risque systémique et l’aléa moral, à l’origine des crises financières et causes de leur ampleur puisqu’ils renforcent le cercle vicieux des crises bancaires alimentant les crises de dette publique.

La question importante à se poser quant à la séparation des activités bancaires est la suivante : où placer le curseur ? Contrairement aux préconisations du rapport Liikanen, le projet de loi prévoit, par exemple, de ne pas filialiser a priori la tenue de marché. Un amendement adopté à l’Assemblée nationale permet désormais au ministre de l’économie et des finances de faire entrer, par un arrêté, tout ou partie des activités de tenue de marché dans la filiale spéculative.

Cependant, madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment vous allez utiliser ces fameux « ciseaux » ? Allez-vous soudainement vous rendre compte que des activités qui n’étaient pas « dangereuses » auparavant le sont devenues ? Surtout, ne sera-t-il pas trop tard ? En effet, on peut imaginer que la tenue de marché pourrait jouer un rôle important dans la prochaine crise financière, comme les produits titrisés dans la précédente. Mais quand la crise sera sur le point d’éclater, à quoi cela servira-t-il encore de filialiser cette activité ?

On peut certainement disserter sur le pourcentage exact des activités des banques qui sera concerné par la filialisation. En réalité, il sera extrêmement faible : de l’ordre de 1 % de leur chiffre d’affaires. On voit mal comment une telle séparation serait en mesure de résoudre le problème du risque systémique.

En quoi nos établissements financiers ne seront-ils plus trop grands pour tomber, autrement dit pour faire faillite ? Toutes les activités conservées par le projet de loi dans la maison mère sont peut-être « utiles à l’économie », mais si nous ne réduisons pas considérablement l’importance du bilan de nos banques, celles-ci resteront toujours systémiques. Nous serons bien obligés de venir à leur secours, le cas échéant, car leur défaillance menacerait l’ensemble de l’économie… Je vous rappelle que le bilan cumulé des banques françaises représente 10 000 milliards d’euros, soit cinq fois le PIB de notre pays ! Je ne vois donc pas en quoi le présent projet de loi prévient le risque systémique ou l’aléa moral.

La flexibilité et la souplesse sont certainement des qualités pour un texte tendant à encadrer et à réguler le secteur financier et les pratiques spéculatives déstabilisantes. On le constate bien aux États-Unis, où le régulateur peine à appliquer la loi Dodd-Frank de 2010 interdisant strictement les activités pour compte propre. En effet, un dispositif législatif trop rigide et précis présente un risque de contournement rapide par le secteur financier, dont nous ne devons pas sous-estimer la créativité.

Des réformes ont été engagées ou sont en cours de négociation au niveau européen, qui nous semble plus adapté que l’échelon national pour traiter ce type de problématique. Je note d’ailleurs que si les améliorations de la supervision et de la régulation des systèmes financiers ont déjà été largement abordées par Bruxelles, notamment à travers le projet d’union bancaire, la réforme des structures des banques a pour l’instant été mise de côté, ce qui est regrettable. Les suites qui seront données au rapport Liikanen sont incertaines. C’est pourquoi il est du devoir du Gouvernement français, madame la ministre, de redoubler d’efforts pour faire aboutir une réforme européenne des banques.

C’est justement la raison pour laquelle le présent projet de loi, qui a le mérite d’exister, doit être véritablement plus ambitieux, car il a vocation à « servir d’exemple » au reste de l’Europe.

Mes chers collègues, permettez-moi une petite digression. Tout à l’heure, un certain nombre de sénateurs de l’opposition ont fustigé, avec un talent oratoire certain et quelque véhémence, l’approche retenue dans le présent projet de loi. Le béotien que je suis s’étonne que ces experts confirmés, particulièrement avertis des choses de la finance, ne se soient pas aperçus que l’homme providentiel qu’ils ont soutenu avec enthousiasme avait doublé en cinq ans la dette de la France !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un peu facile ! Je vous ai connu mieux inspiré !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l’article.

M. Jean-Pierre Caffet. Nous sommes ici au cœur de la problématique de la régulation des banques, puisque l’article 1er porte sur la séparation entre les activités bancaires utiles à l’économie réelle, à l’investissement et à l’emploi et les opérations spéculatives.

Pour ma part, je considère que la ligne de partage qui a été tracée est la bonne, d’autant que l’Assemblée nationale a adopté un amendement permettant au ministre de l’économie et des finances de transférer à la filiale spéculative les opérations de tenue de marché dès lors que leur montant atteint un certain seuil. C’est à mon sens une avancée considérable.

Rien n’indique, dans le rapport Liikanen, que toutes les opérations de tenue de marché doivent être affectées à la filiale. De surcroît, les propos qu’a tenus M. Liikanen sur cette question sont sinon contradictoires, du moins ambigus. C’est la raison pour laquelle je considère que le texte du Gouvernement est satisfaisant sur cette question du partage des activités.

Cela étant, dans le monde global de la finance, il n’y a pas que les banques. Il y a aussi, par exemple, les organismes de placement collectif à effet de levier, dont la principale caractéristique est de ne pas être régulés ou, en tout cas, d’échapper aux normes prudentielles des accords de Bâle III. Il y a également les marchés financiers, qui depuis trente ans ont été dérégulés, déréglementés et libéralisés. Enfin, il y a toute une série de produits et de techniques financières – je pense notamment à la titrisation – qui comportent un certain nombre de dangers.

Je suis de ceux qui considèrent que, si nous voulons avancer vers la maîtrise et la régulation du monde de la finance, il faut s’intéresser aux banques, bien évidemment, mais aussi aux autres acteurs que je viens de citer.

Je comprends que l’on puisse avoir la tentation d’interdire certaines activités aux banques.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ira vers le shadow banking !

M. Jean-Pierre Caffet. Mais que fait une banque, mes chers collègues ? Elle fait ce que lui permet la réglementation des marchés financiers, avec les instruments financiers à sa disposition. Nous ne pouvons donc ignorer la régulation des marchés financiers et d’un certain nombre d’instruments et de techniques financiers, en particulier la titrisation, qui pose un certain nombre de problèmes. À titre d’exemple, pour s’affranchir des ratios de solvabilité fixés par les accords de Bâle III, les banques espagnoles ont titrisé massivement des créances dont un certain nombre étaient totalement pourries.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jean-Pierre Caffet. La régulation du monde de la finance doit donc être envisagée de façon globale. Bien évidemment, il faut réguler les banques, mais si nous décidons de leur interdire un certain nombre d’activités de manière unilatérale, uniquement en France, cela aura pour conséquence que ces activités se déplaceront hors de nos frontières, au profit d’organismes financiers étrangers.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !

M. Jean-Pierre Caffet. Nous devrons être très attentifs à cette question quand nous parlerons, par exemple, des marchés de produits dérivés liés aux matières premières agricoles. Il convient de s’intéresser non seulement aux banques, mais aussi à l’ensemble de leur environnement. Ainsi, une directive européenne visant à réformer les marchés des instruments financiers est en préparation. Je considère qu’un certain nombre d’éléments vont dans le bon sens, en particulier la proposition de limiter les positions des banques, mais il faut que nous avancions sur tous les fronts, et pas simplement sur la question bancaire, car sinon nous ne ferons que déplacer le problème.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances, et M. André Reichardt. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de vingt-neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 36 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 24

Remplacer ces alinéas par neuf alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 511-47. –  I. – Afin de garantir la stabilité financière, leur solvabilité à l'égard des déposants, leur absence de conflit d'intérêts avec leurs clients et leur capacité à assurer le financement de l'économie, il est interdit aux établissements de crédit :

« 1° Les activités de négociation portant sur des instruments financiers, à l'exception des activités relatives :

« a) À la couverture des risques de l'établissement de crédit ;

« b) À la couverture des risques de taux et des risques de change pour le compte d'entreprises non financières et par le biais d'instruments simples ;

« c) À la gestion saine et prudente de la trésorerie de l'établissement de crédit et de celle de ses filiales ;

« d) Aux opérations d'investissement du groupe au sens de l'article L. 511-20 ;

« 2° Toute opération conclue par l'établissement de crédit avec des organismes de placement collectif à effet de levier ou autre véhicules d'investissement similaires, répondant à des caractéristiques fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie.

« II. – Les activités interdites au I peuvent être exercées uniquement par une compagnie financière, ou par une filiale d’une compagnie financière ou d’une compagnie financière holding mixte dédiée à ces activités. La compagnie financière ou compagnie financière holding mixte détenant une telle filiale, ne peut compter un établissement de crédit à son capital.

« III. – Au sens du présent article, on entend par « couverture » l'activité d'un établissement mentionné au I qui se porte partie à des opérations sur des instruments financiers dans le but de réduire ses expositions aux risques de toute nature liés aux activités de crédit et de marché. Les instruments utilisés pour ses opérations de couverture doivent présenter une relation économique avec les risques identifiés. »

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. L’histoire récente a montré que le système financier mis en place ces trente dernières années, libre de poursuivre ses propres finalités et de rechercher le profit maximum, représentait un risque majeur pour notre économie – ce n’est pas contestable ! –, pour la cohérence de notre société et, demain, pour notre démocratie. Les établissements financiers ne courent de surcroît aucun risque, l’État et la collectivité ne pouvant faire autrement que de les sauver de la faillite, dans la mesure où ils sont trop gros pour tomber.

Si elle ne peut à elle seule nous protéger, la disparition des banques bénéficiant, quoi qu’elles fassent, de cette garantie automatique de l’État et du contribuable, au nom de la protection de déposants pris en otages, n’en est pas moins une absolue nécessité. Telle est en tout cas ma conviction.

Autrement dit, il s’agit de séparer les activités de banque de dépôt liées à l’économie réelle – prêts à l’économie, achat et vente de titres acquis dans l’intention de les conserver durablement, activités de couverture d’opérations économiques, etc. – des opérations de marché, qu’elles soient effectuées pour compte propre ou pour tiers, ces deux activités étant indiscernables en pratique.

C’est en effet cette garantie de fait accordée par l’État aux établissements trop gros pour faire faillite qui a permis l’explosion des activités de marché, qui sont devenues les activités essentielles des banques dites « universelles ».

Qu’est-ce qu’une banque universelle aujourd'hui ? C’est une banque commerciale, plus une compagnie d’assurances, plus un casino, plus un bureau de conseil et d’ingénierie financière, plus un gestionnaire d’actifs et même parfois un supermarché vendant divers produits. Une banque universelle, c’est aussi l’institutionnalisation du conflit d’intérêts, les règles prudentielles de l’établissement de crédit orientées vers la protection du déposant s’opposant à la recherche du profit maximum par la banque d’investissement et les teneurs de marchés.

Sur les 9 000 à 10 000 milliards d'euros de bilan cumulé des banques françaises – soit quatre fois le PIB du pays –, de l’ordre de 25 % seulement représentent des prêts à l’économie et aux ménages et environ 10 % des titres obligataires. Telle est, à quelques pourcents près, l’importance des activités de marché en rapport avec l’économie réelle, c'est-à-dire de la contribution des banques à notre appareil productif. Je ne parle pas des transactions sur produits dérivés, dont les montants, qui se chiffrent en milliers de milliards d’euros, ont littéralement explosé ces dernières années.

Le projet de loi faisant passer l’intérêt immédiat des banques françaises avant la stabilité économique, la sécurité des finances publiques et celle des contribuables de ce pays, il évite soigneusement d’opérer une coupure entre banques de dépôt et banques d’investissement. Au final, de 1 % à 2 % seulement des activités de marché devront être cantonnées dans des filiales : autant dire qu’il s’agit d’un texte d’affichage.

Pour faire simple, cet amendement vise à interdire aux établissements de crédit les activités de négociation portant sur les instruments financiers autres que directement nécessaires au fonctionnement des établissements et à la couverture des risques auxquels sont exposées les entreprises non financières dans le cadre de leur activité, ce qui exclut donc l’essentiel des transactions sur les produits dérivés. Il tend à interdire également toutes les opérations d’investissement à caractère spéculatif, notamment pour le compte de hedge funds – le moindre des paradoxes du projet de loi n’étant pas qu’il ne prévoit nullement une telle interdiction.

Il s'agit donc de réserver les activités interdites aux compagnies financières, à leurs filiales ou à celles d’une holding dédiée. Cela ne signe pas la fin des banques d’investissement dans notre pays : simplement, elles ne bénéficieront plus de la garantie de l’État. Elles mèneront leurs activités à leurs risques et périls.

Je terminerai en citant le Président de la République.

M. Philippe Marini. C’est une citation normale !

M. Pierre-Yves Collombat. « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société et même de nos vies. » J’espère que nous allons desserrer un peu cette contrainte…

M. André Reichardt. Le Bourget !

Mme la présidente. L'amendement n° 69, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

déposants

insérer les mots :

, leur absence de conflits d’intérêt avec leurs clients

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Avec l’examen de l’article 1er du projet de loi, nous abordons de plain-pied la problématique de la séparation des activités bancaires, dont le candidat François Hollande avait fait un de ses engagements principaux lors de la dernière campagne présidentielle.

Nous avons vu que, pour l’essentiel, le texte restait quelque peu au milieu du gué, et même plus près de la rive de départ que de la rive d’arrivée, ne serait-ce qu’en raison du flou entretenu sur la notion de « tenue de marché », qui limite sérieusement la portée des mesures dont nous débattons.

Je me bornerai à insister sur quelques points, sans chercher à présenter de manière exhaustive et approfondie l’ensemble des amendements que nous avons déposés sur cet article.

À propos du contenu de la filialisation, solution choisie par le Gouvernement pour réaliser la séparation, je ne peux manquer de vous donner lecture de la retranscription d’un entretien accordé, en février 2012, par l’un de nos dirigeants bancaires les plus éminents, François Pérol, P-DG du groupe BPCE,…

M. André Reichardt. Un excellent P-DG !

M. Thierry Foucaud. … à un site d’information en ligne :

« Depuis le début de la crise financière, les banques sont pointées du doigt par la classe politique, qu’elle soit de droite ou de gauche. Est-ce justifié ? »

« Je ne me reconnais pas dans cette “finance sans visage” dont il est parfois question. Dans le groupe que je dirige, qui regroupe les Banques populaires, les Caisses d’épargne, Natixis, le Crédit foncier, la Banque palatine, etc., la finance doit être au service de l’économie. Sur la base d’un projet coopératif, nous sommes la propriété de 8 millions de sociétaires qui sont aussi nos clients. Nous nous contentons de faire notre métier de banquier et d’assureur en étant au service de nos clients. »

« Pourtant, les affaires des taux révisables du Crédit foncier et les activités spéculatives de Natixis ont fait beaucoup de bruit… »

« C’est vrai, mais les gens ne se rendent pas compte à quel point les banques ont changé depuis la crise. Elles ont tenu compte des dérives passées. À nous d’expliquer le travail que l’on fait et comment on le fait. Depuis la création de BPCE en 2009, nous n’avons plus d’activité spéculative en compte propre. Nous n’avons pas de stock-options, ni d’activité dans les paradis fiscaux. Le groupe BPCE n’est pas né de la crise financière mais il est né pendant la crise financière. Quand une banque utilise ses fonds propres pour essayer de faire mieux que le marché, ou lorsqu’elle achète de la titrisation, comme avec les “subprimes”, elle sort de son rôle : ce n’est pas ce qu’attendent les clients. »

« Êtes-vous d’accord avec la proposition de François Hollande de séparer la banque de détail, celle que nous connaissons tous, de ses activités de marché afin d’éviter la spéculation ? »

« Je suis d’accord pour interdire aux banques toute activité spéculative lorsqu’elles agissent pour leur compte. Une initiative en ce sens est menée aux États-Unis, sous la dénomination “ règle Volcker ”, du nom de l’ancien président de la banque centrale américaine. Il faudrait bien sûr l’adapter au marché français mais, sur le principe, on a le droit de demander aux banquiers de se consacrer à leurs clients et de ne pas spéculer avec leur argent. Il faut également mieux réguler les produits complexes et spéculatifs, ce que l’on appelle les produits dérivés. »

« Ces produits sont dans le collimateur de la taxe sur les transactions financières prônée par Nicolas Sarkozy. Que pensez-vous de cette taxe Tobin ? »

« C’est une cause qui mérite d’être soutenue, mais qui ne prend tout son sens qu’à la condition d’être suivie par le plus grand nombre. Je suis d’accord avec le fait de taxer tout ce qui ne finance pas l’économie, comme le trading à haute fréquence ou les CDS sur la dette souveraine. Le fait que la France donne l’exemple ne me choque pas. »

Pouvons-nous, mes chers collègues, aller moins loin que celui qui, avant d’être placé à la tête du groupe BPCE, exerçait ses talents au secrétariat général de l’Élysée ? Le projet de loi dont nous débattons ne saurait rester en deçà de ce que d’autres grands pays, notamment les États-Unis, que mentionnait François Pérol, peuvent accomplir.

Au bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter nos amendements nos 69, 70, 71, 72, 78 et 73.