Mme Catherine Tasca. Madame Garriaud-Maylam, nous récusons sur plusieurs points l’analyse qui vous pousse à présenter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Vous contestez, avec beaucoup de constance, l’urgence de la réforme. Il a pourtant été établi de manière suffisamment claire que nos concitoyens établis hors de France, et l’AFE elle-même, attendent que nous procédions au plus vite à cette réforme.
Par ailleurs, vous considérez que le mode de scrutin pour les élections sénatoriales prévu par l’alinéa 3 de l’article 33 octies du présent projet de loi viole les principes constitutionnels de secret du vote et de sincérité du scrutin. Ces propos relèvent plus, ce me semble, d’un procès d’intention que d’une réelle démonstration.
En outre, vous avancez, madame la sénatrice, que le renvoi à un décret en Conseil d’État des conditions d’enregistrement et de conservation des enveloppes de vote ouvrirait la voie à de multiples possibilités de fraude. Cette allégation est sans fondement.
Nous estimons que vos propos, bien que vous veniez de vous en défendre, jettent le discrédit sur nos ambassadeurs, nos chefs de poste consulaire et le personnel de notre réseau diplomatique (Mme Garriaud-Maylam proteste.), qui sont parfaitement à même de garantir le secret du vote et la sincérité du scrutin.
M. Christophe-André Frassa. Mais ce n’est pas du tout le propos !
Mme Catherine Tasca. Je m’en étonne d’ailleurs, parce que je sais que vous connaissez très bien notre réseau diplomatique et que vous l’appréciez.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Absolument !
Mme Catherine Tasca. Vous utilisez donc un argument qui ne vous correspond pas !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. C’est une question de principe, pas de personnes !
Mme Catherine Tasca. Vous prétendez que ce mode de vote serait dangereux pour la sincérité du scrutin. Comme il est indiqué à l’article 33 octies du présent texte, le décret en Conseil d’État qui définira les conditions dans lesquelles l’enregistrement et la conservation de l’enveloppe devront se faire répondra, bien évidemment, aux principes constitutionnels de secret du vote et de sincérité du scrutin. Je ne doute pas, d’ailleurs, que le débat avec le Gouvernement, notamment au moment de la discussion de l’article 33 octies, permettra de dissiper bien des inquiétudes.
Nous considérons qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute ni le secret du vote ni la sincérité du scrutin, de même qu’il n’y a pas lieu de revenir, comme vous le faites pourtant dans votre défense de la motion, sur la question de la cessation anticipée des mandats en cours des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Nous vous l’avons déjà dit, cette assemblée comprenant deux séries de membres renouvelées sur un rythme triennal, il n’y a pas d’autres solutions, pour sortir de ce système et mettre en œuvre la réforme, que de diminuer la durée du mandat d’une série et d’augmenter celle de l’autre.
Pour toutes ces raisons, nous estimons qu’il n’y a pas lieu d’opposer l’exception d’irrecevabilité à ce texte et, par conséquent, nous voterons contre cette deuxième motion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. La motion déposée par Mme Garriaud-Maylam reprend, tout d’abord, un certain nombre d’arguments relatifs à la durée des mandats déjà évoqués lors de la discussion de la précédente motion tendant à opposer la motion d’irrecevabilité. Je n’y reviendrai donc pas, bien que la pédagogie soit l’art de la répétition !
Je préfère en venir au second point de l’argumentation développée par Mme Garriaud-Maylam, qui pose la question de la constitutionnalité de certains modes de vote, tel que le vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée.
Je pourrais entendre cette démonstration, si elle n’était pas exposée par une sénatrice qui, parallèlement, a déposé un amendement visant à rétablir le vote par correspondance ! En effet, le vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée, tel qu’il est prévu dans le présent projet de loi, offre des garanties bien supérieures au vote par correspondance que vous proposez de rétablir, madame la sénatrice.
Pour faire face aux difficultés que vous avez évoquées, le projet de loi précise que le vote aux élections sénatoriales doit être personnel. La commission des lois a ajouté que ce vote donnerait lieu à la remise d’un récépissé. Enfin, s’inspirant d’un amendement de MM. Frassa et Cointat, la commission vous proposera d’adopter un amendement tendant à ce que chaque vote remis sous pli fermé fasse l’objet d’une inscription sur un registre spécial.
Ces garanties étant acquises, et sans préjuger de l’issue de nos travaux, les inquiétudes que vous manifestez, madame la sénatrice, devraient se dissiper. J’ajoute que la commission, pour que le vote sous pli fermé ne soit que l’un des modes de vote possibles pour l’élection des sénateurs représentant les Français établis hors de France, a rétabli, d’une part, le vote à l’urne à Paris et, d’autre part, contrairement au texte initial du projet de loi, maintenu la possibilité de voter par procuration, cette dernière pouvant être donnée à un autre membre du collège électoral qui irait voter à Paris.
Tout électeur éprouvant des réticences à recourir au vote par remise en mains propres sous enveloppe fermée peut donc voter à l’urne. Dans tous les cas, un panel de plusieurs possibilités de vote est offert à l’électeur, ce qui devrait tempérer vos inquiétudes, madame la sénatrice !
Pour toutes ces raisons, la commission demande au Sénat de ne pas adopter cette motion.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger. Je ne vais pas reprendre les arguments que j’ai eu l’occasion d’exposer lors de la discussion sur la motion précédente ; ils n’ont pas changé depuis !
Je voudrais simplement vous dire, madame la sénatrice, que la ministre chargée des Français de l’étranger que je suis ne peut accepter que vous puissiez ainsi, de manière si légère, faire porter le soupçon sur les fonctionnaires du ministère,…
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Pas du tout !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. … dont la probité ne peut pas être remise en cause.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Bien sûr !
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. J’en viens donc immédiatement au deuxième point que vous avez abordé.
Afin de permettre un taux de participation satisfaisant, le Gouvernement a choisi d’ouvrir deux modalités de vote : le vote à l’urne et le vote sous pli fermé. Il s’agit de prendre en compte les difficultés que l’on peut rencontrer à l’étranger et qui peuvent justifier des adaptations.
Vous soutenez que le vote sous pli fermé ne permet pas le respect des principes de secret et de sincérité du suffrage, puisque l’ensemble du dispositif n’est pas prévu dans les textes législatifs. Mais la définition des modalités pratiques d’exercice du vote sous pli fermé est de nature réglementaire ; il n’est donc pas nécessaire de l’inscrire dans la loi.
Enfin, comme vous avez pu le constater, de lourdes sanctions sont prévues en cas de violation du secret du suffrage. Le respect des principes de sincérité et de secret du suffrage peut donc être assuré par le vote sous pli fermé. D’ailleurs, les modalités de mise en œuvre feront l’objet d’un décret en Conseil d’État, institution qui sera extrêmement attentive à cet égard. (Très bien ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christophe-André Frassa, pour explication de vote.
M. Christophe-André Frassa. Ma position se fonde sur des motifs certes différents, mais cohérents avec ceux que j’ai développés lors de l’examen de la première motion. Je ne ferai donc pas durer l’insoutenable suspense !
Ce texte, tout comme le projet de loi sur la prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger, porte atteinte aux droits des électeurs, garantis par l’article 3 de la Constitution, c’est pourquoi je souscris à l’analyse de ma collègue Joëlle Garriaud-Maylam. Je voterai en faveur de sa motion, à l’instar des membres du groupe UMP.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 79, tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.
Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l’une, du groupe socialiste et, l’autre, du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 111 :
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 159 |
Pour l’adoption | 140 |
Contre | 176 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Nous allons donc examiner les articles des textes de la commission
projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’assemblée des français de l’étranger
M. le président. Nous passons à la discussion de l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi portant prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger.
Article unique
Le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger élus, au titre du premier alinéa de l’article 1er de la loi n °82-471 du 7 juin 1982 relative à l’Assemblée des Français de l’étranger, au sein de la série B (Europe, Asie et Levant) dont le renouvellement est prévu en juin 2013 prendra fin, au plus tard, en juin 2014.
Le mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’étranger nommés en application du dernier alinéa du même article dont le renouvellement est prévu en juin 2013 prendra fin, au plus tard, en juin 2014.
M. le président. Je rappelle que le vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi. Avant de le mettre aux voix, je donne la parole à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Nous ne pourrons pas voter cet article unique, pour des raisons qui ont déjà été exposées, notamment lors de l’examen de la première motion.
Quand on veut faire une réforme, on s’en donne le temps et les moyens. On le fait non pas en bousculant les règles et les usages, mais dans la sérénité, d’autant que le jeu en vaut la chandelle !
Je remercie Mme la ministre de s’être attelée à la tâche, mais je regrette les conditions dans lesquelles nous légiférons. La commission des lois a travaillé dans une précipitation insupportable, et nous avons dû voter sans prendre le temps de réfléchir aux conséquences des décisions que nous prenions. Ce n’est pas normal !
Il eût été tellement plus simple d’organiser les élections comme prévu, mais pour un mandat de trois ans seulement, en précisant que tous les conseillers seraient élus selon les nouvelles règles à compter de 2016. Nous aurions ainsi pu préparer cette loi tranquillement, peut-être avec deux lectures dans le cadre de la navette, ce qui aurait été beaucoup plus efficace !
M. Christophe-André Frassa. Mais il y avait les élections sénatoriales…
M. Christian Cointat. Certes, j’approuve le principe de la réforme. Après tout, ne rien faire, c’est reculer. Même si je cherche parfois à corriger le tir, j’applaudis quand on agit !
Le temps dont nous aurions eu besoin pour réfléchir et travailler sereinement nous est malheureusement refusé. On nous demande de réformer à la hâte, sans réfléchir aux conséquences de nos décisions. Je ne peux pas l’accepter.
Par conséquent, nous voterons contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre excellent collègue Christian Cointat indique que la commission des lois a travaillé dans des conditions de trop grande rapidité.
Certes, et je vous en donne acte, mon cher collègue, ce soir, nous avons hâté le pas pour les derniers amendements, qui étaient d’ailleurs quelque peu répétitifs ou qui étaient des amendements de conséquence. Mais, la semaine dernière, nous avons entendu Mme la ministre pendant deux heures. À la suite de quoi, la commission s’est réunie et a siégé durant deux heures trente. Aujourd’hui même, nous avons siégé pendant une heure trente l’après-midi et pendant une heure quinze lors de la suspension de séance.
Si mes calculs sont exacts, nous avons donc consacré sept heures quinze à l’examen de ce texte. Vous-même vous êtes d’ailleurs exprimé avec beaucoup de force de conviction, et nous aimons que vous participiez de cette manière ! On ne peut donc pas dire que la commission n’a pas procédé à un examen approfondi du texte.
M. Christian Cointat. Je n’ai pas dit cela ! J’ai dit que nous avions travaillé de manière approfondie en trop peu de temps !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je vous remercie de cet hommage, qui va droit au cœur de tous les membres de la commission des lois.
M. Christian Cointat. Dont je fais partie !
M. Robert del Picchia. Ce qui n’est pas mon cas !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Et nous le regrettons, monsieur del Picchia ! (Sourires.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi relatif à la représentation des français établis hors de france
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du projet de loi relatif à la représentation des Français établis hors de France.
Titre Ier
LES INSTANCES REPRÉSENTATIVES DES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE
(Division et intitulé nouveaux)
Article 1er
Les instances représentatives des Français établis hors de France sont l’Assemblée des Français de l’étranger et les conseils consulaires.
M. le président. L’amendement n° 61, présenté par Mme Tasca et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après le mot :
sont
rédiger ainsi la fin de cet article :
les conseils consulaires et l’Assemblée des Français de l’étranger.
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Cet amendement vise à revenir à la rédaction initiale, en mentionnant les « conseils consulaires » avant « l’Assemblée des Français de l’étranger ».
Ce point peut paraître mineur, mais la création des conseils consulaires constitue le véritable cœur de la réforme, telle qu’elle a été conçue et telle que nous la soutenons. C’est la principale innovation du projet de loi, dont le premier objectif est de renforcer la démocratie de proximité. Il nous paraît donc naturel et nécessaire de rétablir l’ordre initial.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Cet amendement, qui, formellement, semble revenir sur la position de la commission, est en réalité cohérent avec la structure du texte qu’elle a adopté.
La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.
Comme l’a rappelé la sénatrice Catherine Tasca, la philosophie de la réforme réside dans l’élection d’élus locaux, les conseillers consulaires. Il est donc logique de les faire figurer en première position.
M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.
M. Christian Cointat. Cet amendement n’est pas fondamental, mais j’attire votre attention sur un élément que je trouve un peu cocasse.
L’article 1er définit les « instances représentatives des Français établis hors de France » et l’Assemblée des Français de l’étranger est citée en premier lieu. Or on nous propose de mentionner d’abord les conseils consulaires qui, je vous le rappelle, sont présidés et dirigés par le consul. Est-ce donc ainsi que vous définissez des « instances représentatives » ? En tout cas, telle n’est pas ma conception de la démocratie !
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.
(L’article 1er est adopté.)
Chapitre IER
Les conseils consulaires
Article 2
Auprès de chaque ambassade pourvue d’une circonscription consulaire et de chaque poste consulaire, un conseil consulaire est chargé de formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général, notamment culturel, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription.
Les conseillers consulaires sont consultés sur toute question relative à la protection sociale et à l’action sociale, à l’emploi, à la formation professionnelle et à l’apprentissage, à l’enseignement français à l’étranger et à la sécurité, concernant les Français établis dans la circonscription.
L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire assure la présidence du conseil consulaire ayant son siège dans sa circonscription consulaire. Il peut se faire représenter. Le vice-président du conseil consulaire est élu par les membres élus du conseil consulaire en leur sein.
Les conseillers consulaires sont membres de droit du ou des conseils consulaires constitués dans la circonscription électorale dans le ressort de laquelle ils ont été élus.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet article, le premier du chapitre dédié aux conseils consulaires, devrait clairement établir leur mission et leurs objectifs.
Or la seule indication qui est fournie est qu’ils sont chargés de « formuler des avis sur les questions consulaires ou d’intérêt général » concernant « les Français établis dans la circonscription ».
À quelle occasion ? Et à qui sera fourni l’avis ? Comment sera-t-il rendu public ? Quelle en sera la portée ?
L’article 19 nous apprendra ensuite que c’est un décret ultérieur qui fixera les attributions, l’organisation et le fonctionnement de ces conseils consulaires !
Ce manque de précisions quant au rôle des conseils consulaires, dès le tout premier article du chapitre, semblerait dénoter le peu d’intérêt que le Gouvernement porte à leur action réelle, comme s’il s’agissait davantage de justifier la multiplication des grands électeurs que de leur donner réellement les moyens d’accomplir un travail de terrain.
En assignant comme principal, voire unique rôle aux élus de terrain la participation aux conseils consulaires, le projet de loi témoigne d’une véritable méconnaissance du rôle des élus actuels qui, loin de se contenter de prendre part aux différentes commissions sur les bourses ou l’aide sociale, réalisent surtout un véritable travail d’animation des communautés françaises et de soutien individuel aux compatriotes en difficulté.
Par ailleurs, le dispositif des conseils consulaires est bancal. Renvoyer les modalités de fonctionnement à un futur décret permet d’éluder des problèmes « basiques » d’organisation.
Ainsi, dans les conseils consulaires ne comptant qu’un seul élu, en cas de vote, il n’y aura que deux voix : celle de l’élu et celle du chef de poste ! Même dans les conseils consulaires comptant davantage d’élus, le fait que le chef de poste consulaire ait le droit de vote maintient le conseil sous une forme de tutelle. Si les avis qui sont votés portent sur la conduite des services consulaires, le président du conseil sera alors juge et partie !
Il est primordial d’assurer la collégialité de ces instances. Il s’agit, en particulier, de permettre la présence des représentants des grandes associations historiques d’expatriés, qui continuent à jouer bénévolement un rôle essentiel.
J’émets également quelques doutes quant à l’opportunité de fusionner les comités actuels en un unique conseil consulaire. Au mieux, c’est un gadget, si des réunions séparées continuent d’avoir lieu sur des thèmes particuliers – bourses, aide sociale, sécurité – avec des intervenants spécifiques. Au pire, c’est une source de confusion si toutes les réunions abordent l’ensemble des thèmes et mobilisent la venue d’intervenants divers, dont le statut juridique au sein du conseil demeure flou.
Je note que nous avons aujourd’hui 205 comités consulaires pour la protection et l’action sociale, les CCPAS, mais que seuls 130 conseils consulaires sont prévus, ce qui signifie, en fait, un éloignement du terrain, en contradiction avec l’esprit de la réforme.
Je souligne aussi que seuls les consulats de plein exercice seront dotés d’un conseil consulaire : les consulats à gestion simplifiée ou les communautés n’ayant qu’un consul honoraire n’auront aucun conseiller consulaire.
Alors que, dans un contexte de restrictions budgétaires, la tendance est plutôt à la fermeture de consulats qu’à leur ouverture, le lien automatique entre conseiller consulaire et présence d’un consulat ne peut qu’accentuer le sentiment d’isolement de nombreuses communautés éloignées des consulats.
M. le président. L'amendement n° 75, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cantegrit, Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
notamment culturel, économique et social, concernant les Français établis dans la circonscription
par les mots :
et coopère avec les services consulaires pour améliorer le service public rendu aux Français établis dans la circonscription
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement tend à améliorer la rédaction du texte en supprimant une énumération de domaines qui pourrait être interprétée comme limitant les compétences des conseils aux trois champs mentionnés.
Surtout, il vise à énoncer la fonction première des conseils consulaires, qui n’est pas uniquement de « donner des avis » dont la portée juridique et pratique n’est nullement définie par le texte actuel. Il tend à introduire un principe de « cogestion » des Français de la circonscription, qui, sans aller aussi loin que le pouvoir dévolu aux conseillers municipaux, généraux ou régionaux en France, puisque le Gouvernement n’a malheureusement pas souhaité s’engager dans cette voie, permettrait au moins de doter les élus de terrain de certaines compétences réelles, qu’il faudrait ensuite préciser par décret.
Tant que les élus de proximité représentant les Français de l’étranger n’auront qu’un rôle consultatif et largement indéfini, ils ne seront pas plus écoutés ni considérés qu’ils ne le sont aujourd’hui par le réseau diplomatique et consulaire !
Je tiens à préciser, madame la ministre, que j’ai énormément d’admiration pour ce réseau. Je l’ai souligné à de très nombreuses reprises : si je me suis exprimée comme je l’ai fait lors de la présentation de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité, ce n’est certainement pas contre nos postes consulaires et diplomatiques. Il s’agissait uniquement d’une question de principe.
Il est inadmissible d’insinuer que je serais opposée à ces personnels ou que je critiquerais leur honnêteté et leur intégrité intellectuelle !
M. Marc Daunis. Ce sont vos insinuations qui étaient inadmissibles !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Faute d’obtenir des compétences réelles, les élus dont nous parlons risquent de demeurer méconnus de leurs électeurs, ce qui ne fera qu’aggraver le cercle vicieux de l’abstention.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Yves Leconte, rapporteur. Comme vous l’avez indiqué, chère collègue, cet amendement prévoit un principe de cogestion entre les élus, d’une part, et l’administration, d’autre part. La commission est défavorable à cette idée.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les présidents des conseils consulaires sont les chefs de poste diplomatique et consulaire. Il n’y a pas de cogestion, il y a une enceinte de dialogue, ce qui n’est pas la même chose.
Un certain nombre de nos collègues de l’Assemblée des Français de l’étranger ont souligné qu’ils ne souhaitaient pas, compte tenu des contraintes d’effectifs dans les consulats, que les élus puissent devenir des collaborateurs des services consulaires. Or, d’une certaine manière, c’est ce que vous proposez au travers de cet amendement.
Dans la mesure où la commission refuse la cogestion et souhaite bien faire la séparation entre les élus et l’administration, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée. Madame la sénatrice, les conseils consulaires ne sont pas créés pour se substituer aux services de l’État.
On peut s’interroger sur le type de coopération que vous envisagez. En tout état de cause, les compétences seront déterminées par décret en Conseil d’État.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour explication de vote.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je précise que le terme de « cogestion » n’est pas employé dans le corps de l’amendement. Ce principe est uniquement évoqué dans son objet, où il figure entre guillemets. La rédaction de l’amendement fait uniquement référence à une coopération dans l’intérêt de nos communautés.
M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mme Garriaud-Maylam, MM. Cointat, Duvernois, Ferrand et Frassa et Mme Kammermann, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
L’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. Le conseil consulaire en débat et formule des avis sur les questions qui y sont traitées.
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cet amendement prévoit que l’ambassadeur ou le chef de poste consulaire présente annuellement au conseil consulaire un rapport sur les activités du poste consulaire pendant l’année écoulée et sur les projets pour l’année suivante. La présentation de ce rapport serait suivie d’un débat et éventuellement du vote d’avis.
De même que le ministre des affaires étrangères présente un rapport devant l’AFE, il est important que, dans chaque conseil consulaire, le chef de poste puisse présenter un rapport d’activité.
C’est l’un des seuls moyens de garantir qu’un minimum d’information sera effectivement apporté aux conseillers consulaires, car le projet de loi demeure particulièrement muet sur les modalités concrètes de mise en œuvre de cet objectif.
En effet, pour qu’il soit légitime aux yeux des Français de la circonscription, il est essentiel que le conseil consulaire soit doté de compétences clairement identifiées, permettant de l’appréhender comme un canal de communication privilégié entre la communauté française de la circonscription et le poste consulaire.
Cet amendement tente de tirer parti des difficultés jusqu’ici rencontrées par certains élus de l’AFE pour être, sinon associés, au moins informés par leur ambassade ou leur consulat des mesures concernant les Français de leur circonscription.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?