M. Jean Bizet. Oh !
Mme Jacqueline Gourault. Comment ça, « plus dynamiques » ?
Mme Hélène Lipietz. … aurait bien compris notre démarche.
La loi, la politique n’est pas faite pour le passé, elle est faite pour l’avenir. Il faut savoir passer la main en accompagnant les plus jeunes et non en se cramponnant aux bras de son fauteuil, aussi confortable soit-il. (Mmes Muguette Dini et Françoise Férat sourient.) Ce n’est donc pas une affaire de jeunesse, c’est une affaire de sagesse. (M. Alain Gournac s’exclame.)
Pour revenir sur cette vieille coutume de la primogéniture, qui n’a d’autre légitimité que le poids des ans, voire des siècles, j’évoquerai les arguments mis en avant par l’Assemblée nationale, selon laquelle « ce ne serait pas le bon véhicule législatif, il faudrait une loi plus générale qui s’occupe de l’ensemble des codes, on ne renverse pas un principe sans en mesurer les conséquences… ».
Vous observerez comme moi que, eu égard à l’encombrement parlementaire actuel, et malgré le rythme soutenu de nos travaux, il est possible de douter que le Gouvernement aura le temps de s’attaquer au toilettage de l’ensemble de nos codes législatifs, dont certains ont bien besoin !
Lorsque nous en avons la possibilité, il faut corriger ce que le temps et l’histoire ont rendu obsolètes ; attendre est parfois une forme de lâcheté et un renoncement, à moins que ce ne soit un conservatisme craintif.
En reprenant, comme je le lui suggérais, ses amendements de première lecture, dès la première séance de la commission des lois, nous avons fait preuve de clairvoyance et mis fin à la légende d’un Sénat conservateur : nous avons innové en faisant confiance aux moins vieux, nous les moins jeunes.
Mme Nathalie Goulet. Il était temps que vous arriviez !
Mme Hélène Lipietz. Cependant, nous avons rappelé que l’expérience vient parfois avec l’âge et que celui-ci ne doit alors être que le second critère : c’est ainsi que, pour l’élection à la présidence du conseil départemental, l’expérience dans le mandat prime, l’âge n’étant que le second critère. En effet, être âgé laisse présumer une meilleure connaissance du terrain – peut-être à tort –, mais cette présomption est légitime.
Nous oublions quelquefois certaines dispositions abrogées qui continuent à servir de références à d’autres articles ! Aussi, je proposerai un amendement de coordination qui règle l’un de ces problèmes.
Eh oui, parfois, en voulant corriger et simplifier, on introduit de nouvelles références à des articles abrogés ! Il faut dire que Légifrance est compliqué à utiliser, apparemment même dans les cabinets ministériels !
Curieusement, l’Assemblée nationale, plus conservatrice sur les questions d’âge, le fut moins concernant le seuil du nombre d’habitants pour l’application du scrutin de liste dans les petites communes en l’abaissant à 500, là où notre assemblée, pourtant représentante des collectivités locales, a préféré maintenir ce seuil à 1000 habitants en excluant de fait près de 75 % des communes françaises et en les abandonnant aux petits arrangements entre amis ou ennemis !
Je proposerai, comme d’autres, une série d’amendements pour rétablir ce seuil à 500 habitants. (Brouhaha ! sur les travées de l’UMP.)
M. Joël Labbé. Ne vous laissez pas impressionner !
Mme Hélène Lipietz. Je ne me laisse pas impressionner, je préfère baisser le ton.
Je vous rappelle ce que je disais lors de l’examen du texte en première lecture : ce scrutin binominal n’a qu’un seul mérite, c’est celui de la parité !
M. Philippe Kaltenbach. C’est déjà pas mal !
Mme Hélène Lipietz. C’est bien, mais la parité, comme les femmes, n’est pas un gadget. C’est le seul moyen pour qu’enfin non seulement le suffrage mais aussi les responsabilités politiques deviennent universels.
De fait, avec cette proposition, un élu cantonal sur deux va perdre son mandat, sans avoir démérité, sans avoir été censuré par les électeurs, mais combien de femmes, depuis des siècles ou simplement depuis 1945, n’ont pas eu accès aux postes éligibles parce qu’elles étaient toujours inscrites comme suppléantes ou victimes d’une entente masculine souvent tacite ?
Oui, je sais que nombre de nos élus départementaux vont être éliminés. Je les plains sincèrement... Mais je plains aussi toutes les femmes qui ont voulu être élues pour porter les couleurs de leur parti, de leurs idées et qui n’ont pas trouvé de place, ou alors dans des cantons « ennemis », ingagnables qu’elles ont pourtant parfois gagnés, « par hasard », disaient certains messieurs...
Par ailleurs, nous, les écologistes, vous proposons pas moins de quatre manières différentes d’introduire la proportionnelle dans le mode de scrutin pour l’élection des conseillers départementaux, y compris des dispositifs dans lesquels il y a un ancrage local, et deux manières différentes de l’introduire pour l’élection des conseillers communautaires !
Parmi ces options, il y en a une qui devrait plaire particulièrement à nos partenaires socialistes, puisqu’il s’agit de tenir un des engagements du Président de la République,…
Mme Hélène Lipietz. … l’engagement 48, visant à introduire une dose de proportionnelle – nous ne demandons pas tout ! – pour l’élection des parlementaires ! Cet engagement est d’ailleurs repris dans les recommandations du rapport Jospin sur la moralisation de la vie publique.
J’affirme que les écologistes sont sur ce point les premiers soutiens du Président de la République, en espérant que nos collègues de gauche nous rejoindront dans cet effort.
C’est pourquoi j’espère vivement que les positions évolueront lors de cette deuxième lecture afin que nous introduisions au moins une toute petite dose de proportionnelle. Un peu de représentativité dans notre démocratie qui en a bien besoin. Un peu, beaucoup, voire passionnément de proportionnelle, tant nous en avons besoin pour que le débat d’idées revienne au centre de la politique afin de permettre aux citoyens et citoyennes de croire encore à la puissance de leur vote.
Vous savez aussi, eu égard au nombre des amendements que j’ai déjà déposés, que les écologistes ne peuvent se satisfaire de la confiscation, par les intérêts communaux, de l’intérêt général des intercommunalités pour lequel nous avons un profond attachement.
Tant qu’il n’y aura pas de listes autonomes représentant le projet d’intercommunalité, tant qu’il n’y aura pas d’élu indépendant des listes municipales, les intercommunalités resteront le pâle reflet des intérêts des communes alors qu’elles doivent être le moteur d’une nouvelle organisation territoriale, gage d’économie de moyens et de pertinence des réponses publiques aux attentes des habitants.
Il faut inventer la France de demain, où les communes resteront la base de la vie sociale et les intercommunalités seront les porteurs de la cohérence territoriale.
Bref, il nous faut passer au XXIe siècle ; cette loi nous y invite, sachons aller de l’avant. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France va mal ! (Oui ! sur les travées de l’UMP.) Nous devons donc nous intéresser à l’essentiel. Ce texte est-il l’essentiel pour résoudre les problèmes que notre pays connaît ? (Non ! sur les mêmes travées.) J’ai tendance à penser que le prochain texte sur la décentralisation sera bien plus grave que présent projet de loi.
Monsieur le ministre, à mon sens, le binôme ne mérite pas toutes les critiques dont il est l’objet (M. Bruno Sido sourit.). En effet, certains commettent des erreurs d’appréciation : quand on est élu sur un territoire, c’est pour gérer non pas ce territoire, mais le département.
M. Didier Guillaume. Évidemment !
M. Philippe Adnot. Tous ceux qui prétendent que les élus en binôme se disputeront, par exemple pour savoir qui se rendra à telle inauguration, se trompent. Le conseiller général n’est pas le gestionnaire de son canton ni le président de l’intercommunalité ; il est là pour participer à l’animation, écouter, représenter…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est tout à fait vrai !
M. Philippe Kaltenbach. Paroles de bon sens !
M. Philippe Adnot. On ne combat pas bien ce texte en faisant des erreurs d’appréciation et en formulant des critiques qui, de mon point de vue, n’ont pas lieu d’être.
En revanche, on peut vraiment s’interroger sur la nécessité d’organiser notre société en exigeant 50 % d’hommes et 50 % de femmes. Jusqu’où va-t-on aller ?
Je m’adresse particulièrement à ceux de nos collègues qui sont présidents de conseil général : demain, les assistantes sociales devront-elles compter 50 % d’hommes ?
M. Christian Cambon. Oui !
M. Philippe Adnot. Jusqu’où allons-nous pousser le bouchon ? Quel est le bon critère ?
À un moment donné, il faut savoir raison garder ! Nous aurions très bien pu favoriser la représentation des femmes, qui me paraît absolument essentielle, en adoptant une réforme pour laquelle j’avais proposé un amendement visant à conserver le système actuel en milieu rural et à appliquer la proportionnelle en milieu urbain.
Mes chers collègues communistes et Verts, si vous acceptiez de vous rallier à nos amendements,…
Mme Éliane Assassi. Cela ne sera pas possible !
M. Philippe Adnot. … vous auriez déjà en partie satisfaction, et le Sénat pourrait ainsi faire preuve d’originalité en adoptant un dispositif plus équilibré qui sera débattu en commission mixte paritaire.
Même si cette solution n’était pas retenue, le redécoupage proposé avait de toute façon été prévu par la loi précédente, ainsi que la suppression des chefs-lieux de canton par la fusion des petits cantons.
Mme Jacqueline Gourault. Exact !
M. Philippe Adnot. Pour ceux de 1 500 habitants, ce texte avait envisagé à l’époque plus ou moins 20 %. Donc, nous allions bien assister au massacre des chefs-lieux de canton. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Mais il y a plus d’élus !
M. Philippe Adnot. Absolument !
Toutefois, l’essentiel n’est pas là. Ce qui importe, c’est que l’on obtienne plus ou moins 30 %. De ce point de vue, monsieur le président de la commission, le texte qui nous est proposé me donne satisfaction et je souhaite simplement qu’il soit retenu.
Monsieur le ministre, cette avancée est, à mes yeux, fondamentale, de même que le fait de revenir à 1 000 habitants. J’aurais préféré un seuil de 1 500 habitants pour les communes, mais 1 000, c’est mieux que 500, et je suis certain que tous nos concitoyens apprécieront cette mesure.
En résumé, ma préférence va au scrutin mixte : la proportionnelle en milieu urbain et le système actuel en milieu rural, avec un redécoupage qui serait tout à fait légitime. Notre assemblée peut voter un tel amendement, qui servirait de base de discussion avec les députés.
Si cet amendement n’est pas adopté, je voterai néanmoins le présent texte, car la mesure prévoyant plus ou moins 30 % est importante…
M. Philippe Kaltenbach. Très bien !
M. Philippe Adnot. … et il faut savoir choisir. Ceux qui refuseront de le voter pourraient, si nous étions privés d’une telle avancée, fortement le regretter. (M. Henri de Raincourt fait un signe de dénégation.)
J’estime personnellement, et j’assume mes responsabilités, qu’avec un seuil de 1 000 habitants pour appliquer le scrutin de liste et plus ou moins 30 % pour le redécoupage, je peux voter ce texte, bien que je préférerais, je le répète, le scrutin proportionnel en milieu urbain et le scrutin classique en milieu rural. (MM. Jean-René Lecerf et Louis Pinton applaudissent. – Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est amenée à examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers intercommunaux, et modifiant le calendrier électoral.
Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous devons profiter de cette nouvelle opportunité pour que le Sénat ne rende pas encore une fois une « copie blanche ».
Rappelez-vous, en première lecture, le Sénat a rejeté l’intégralité du texte.
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. Philippe Kaltenbach. Pourtant, les débats avaient été longs – trente-deux heures ! – et riches, et nous avions adopté ici même des amendements allant dans un sens positif.
Malheureusement, le texte ayant été rejeté, l’Assemblée nationale a eu à débattre directement du texte proposé par le Gouvernement. Certains des apports qui avaient été portés au Sénat ont été réintégrés à l’Assemblée nationale, et nous devons collectivement nous en féliciter.
Je pense tout d’abord aux exceptions pour le découpage électoral, à la règle des plus ou moins 20 %, exceptions qui pourront maintenant prendre en compte le nombre de communes ainsi que des spécificités géographiques comme l’insularité ou les zones de montagne.
La disposition visant à rendre obligatoire la déclaration de candidature afin d’être élu dans les petites communes a également été reprise par l’Assemblée nationale, de même que celle qui concerne le nombre de cantons impairs dans chaque département, pour assurer dans chaque conseil départemental une majorité stable.
Enfin, le minimum de quinze cantons pour les départements de plus de 500 000 habitants a lui aussi été retenu par l’Assemblée nationale.
On le voit, si le texte a été rejeté au Sénat, certains des amendements qui y ont été déposés ont été repris par l’Assemblée nationale. Cela est-il suffisant ? Je ne le crois pas. Toute l’expertise du Sénat en matière de collectivités locales doit être mise à profit à l’occasion de cette seconde lecture, puis dans le cadre de la commission mixte paritaire.
Beaucoup se sont émus, à juste raison, qu’un texte aussi important pour les collectivités ait été rejeté par le Sénat. Cela a été dit, le Sénat est la chambre des territoires et nous sommes comptables devant les élus de ce que nous votons.
Aussi, au nom du groupe socialiste, je forme le vœu qu’à l’issue de ce nouvel examen nous parvenions à l’adoption du texte.
Nous savons quelles seraient les conséquences d’un nouveau rejet par le Sénat : nous serions amenés à nous présenter en commission mixte paritaire avec une colonne blanche pour ce qui concerne les modifications du projet de loi à mettre au crédit du Sénat et nous n’aurions rien à défendre. Autrement dit, notre apport sur cette importante révision des modes d’élection des représentants de nos territoires serait tout simplement nul.
Je doute qu’aucun d’entre nous puisse se réjouir d’une telle perspective, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.
Nous sommes tous profondément attachés au bicamérisme et au rôle essentiel que doit jouer le Sénat auprès des collectivités territoriales et des élus locaux. À l’heure où notre pays est en proie à des difficultés économiques et sociales d’une rare ampleur, ces élus sont les principaux artisans du maintien de la cohésion nationale. Nous devons donc continuer à les assurer de notre écoute et à leur démontrer notre volonté de faire avancer la démocratie locale. L’adoption d’un texte à l’issue de nos débats s’inscrirait dans cet esprit. Du reste, j’ai bien noté que le Gouvernement était ouvert au dialogue, comme il l’a d'ailleurs montré lors de l’examen du projet de loi en première lecture.
J’en viens à l’économie générale du projet de loi.
Le texte gouvernemental est équilibré. En effet, pour ce qui concerne l’élection du conseiller départemental, il répond à un triple objectif : la proximité, la parité et l’égalité devant le suffrage.
J’ai entendu certains rappeler que le précédent gouvernement voulait instaurer un conseiller territorial. Toutefois, je dois dire que j’ai été peu convaincu par les plaidoyers en faveur de cet élu hybride. On sent bien que l’indignation de nos collègues sur les travées de droite n’a d’égale que leur satisfaction de voir ce conseiller territorial définitivement enterré… (Exclamations sur quelques travées de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. C’est faux !
M. Philippe Kaltenbach. Chers collègues, reconnaissez que votre défense du conseiller territorial se caractérise par une grande mollesse ! (M. le ministre s’esclaffe.)
M. Jean-René Lecerf. Nous respectons les orateurs !
M. Philippe Kaltenbach. Merci pour cet égard, cher collègue ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
D’autres se sont prononcés contre le redécoupage, défendant que l’on touche à la carte électorale. Je vous rappelle tout de même que la carte électorale cantonale date de 1801 !
M. Henri de Raincourt. Et alors ?
M. Philippe Kaltenbach. Deux siècles plus tard, il est temps de tenir compte des évolutions démographiques et de la réalité de la France d’aujourd'hui.
Quoi qu’il en soit, le découpage est obligatoire ; il est nécessaire. Alors, procédons suivant les règles les plus claires possibles, de façon que personne ne soit accusé de « charcutage ».
Mais, pour cela, et pour que nous puissions aboutir à un vote du texte par le Sénat, nos débats doivent être de nouveau apaisés.
Lors de la première lecture, nous avons assisté à quelques dérapages, à quelques échanges houleux, notamment sur la parité, cette parité qui ne serait qu’un « gadget » pour des élues qui ne seraient que des « potiches »… Néanmoins, les auteurs de ces mots regrettables me semblent aujourd'hui les regretter.
Nous devons dépasser les invectives pour aller à l’essentiel : un scrutin binominal qui permettra enfin la parité dans tous les départements de France. Je rappelle qu’aujourd'hui seulement 13 % des conseillers généraux sont des femmes. C’est bien sûr inacceptable.
Il faut que les débats en séance publique prolongent dans l’écoute et le respect mutuels ceux qui ont eu lieu en commission des lois où, je le rappelle, le texte a été adopté sans aucun vote « contre ».
D'ailleurs, je dois saluer la qualité du dialogue qui s’est établi entre les membres de la commission des lois et rendre hommage à son président, Jean-Pierre Sueur, ainsi qu’à notre excellent rapporteur,…
Mme Jacqueline Gourault. Excellent, en effet !
M. Philippe Kaltenbach. … Michel Delebarre, qui ont réussi à amener la commission à voter en faveur du texte.
Pour aller plus loin et permettre son adoption cette fois par la Haute Assemblée, le groupe socialiste est disposé à faire évoluer le texte : sans bien évidemment chercher à remettre en cause l’architecture générale du projet de loi, puisque nous soutenons le Gouvernement, nous estimons néanmoins que ce texte bon, équilibré et qui répond aux besoins d’évolution et de modernisation de nos collectivités locales, peut encore être amendé de manière significative.
C’est pourquoi le groupe socialiste est favorable à un certain nombre d’amendements, d’ores et déjà intégrés dans le texte élaboré par la commission ou qui le seront, je l’espère, à l’occasion de cette discussion en séance publique.
Je retiendrai quatre points sur lesquels nous souhaitons faire évoluer le texte.
Premier point, le « tunnel » pour le redécoupage.
Si le Gouvernement a proposé une marge de plus ou moins 20 % par rapport à la taille moyenne du canton dans chaque département, le groupe socialiste est favorable à ce que ce tunnel soit élargi et qu’il passe à plus ou moins 30 %.
M. Gérard Bailly. Bravo !
M. Philippe Kaltenbach. La plus grande amplitude qui en résulterait dans la redéfinition des contours des futurs cantons permettrait de mieux prendre en compte la particularité des territoires.
Bien entendu, pour que nous parvenions en commission mixte paritaire avec ce plus ou moins 30 %, un tel élargissement doit être adopté par l’Assemblée nationale. Pour notre part, nous considérons que ce serait une avancée. En effet, l’élu restant indissociablement lié à son territoire, ce dernier ne saurait être trop vaste, même s’il reste peu peuplé. Il y va de la préservation du lien de proximité qui unit un citoyen à son représentant.
Deuxième point, le fléchage pour l’élection des conseillers intercommunaux.
Dans le texte qui est soumis à notre examen, seuls les premiers de la liste seront concernés par ce fléchage. C’est forcément réducteur ! Pour notre part, nous souhaitons un élargissement du dispositif, de façon que ne siègent pas systématiquement au sein des instances intercommunales les seuls élus figurant en tête de liste.
Ce point avait déjà fait l’objet de débats lors de la première lecture. En particulier, les amendements de notre collègue Alain Richard allaient dans le sens d’une plus grande liberté en matière de fléchage vers l’intercommunalité. Nous considérons que le texte devra évoluer en ce sens, de manière que les équipes municipales et les candidats au poste de maire puissent disposer d’une marge de manœuvre afin d’orienter vers l’intercommunalité d’autres élus que les premiers de liste.
Troisième point, le seuil pour le maintien au second tour des élections départementales.
Aujourd'hui, ce seuil a été ramené à 10 % du nombre des électeurs inscrits. Nous souhaitons, par amendement, le relever à 12,5 %. Il s’agit de ne pas augmenter le nombre de triangulaires, lesquelles sont parfois de nature à fausser le résultat d’une élection.
Cela a été dit, la commission des lois avait initialement voulu restreindre l’accès au second tour aux deux binômes arrivés en tête à l’issue du premier tour. Après réflexion, nous pensons qu’il faut allier la nécessaire diversité à une sélection des candidats ayant obtenu les scores les plus significatifs. À cet égard, nous pensons que le seuil de 12,5 % constitue un juste compromis entre ceux qui souhaitent un accès au second tour large et ceux qui souhaitent le restreindre parfois trop fortement.
Quatrième et dernier point, le seuil d’application du scrutin proportionnel pour les petites communes.
En première lecture, le Gouvernement avait limité l’application de ce mode de scrutin aux communes de 1 000 habitants et plus. Depuis, l’Assemblée nationale a abaissé ce seuil à 500 habitants et plus…
Les membres du groupe socialiste considèrent que le seuil initial de 1 000 habitants était un point d’équilibre…
M. Michel Delebarre, rapporteur. Exactement !
M. Philippe Kaltenbach. … et qu’il doit être réintroduit de façon à tenir compte des échanges avec les diverses associations représentant les maires et des débats que nous avons pu avoir.
Du reste, le seuil de 500 habitants semble poser des difficultés, alors qu’un compromis nous paraît pouvoir être trouvé au sein de la Haute Assemblée autour du seuil de 1 000 habitants.
L’Assemblée nationale a voulu réduire, il est vrai de manière un peu drastique, le nombre de conseillers municipaux dans les communes de moins de 3 500 habitants, en supprimant deux conseillers municipaux dans toutes les strates, ce qui a provoqué un fort émoi dans certains départements.
Nous considérons qu’une telle diminution serait une erreur. Dans ces petites communes, les conseillers municipaux font vivre la démocratie au quotidien. En notre qualité de sénateurs, nous devons leur signifier que nous tenons au travail remarquable qu’ils accomplissent et, loin de les montrer du doigt, nous devons les encourager.
En outre, puisque l’on parle beaucoup de coûts pour les finances publiques, rappelons-nous que le travail quotidien de ces conseillers municipaux au bénéfice de nos concitoyens ne coûte rien à la collectivité !
Tels sont les quatre points forts sur lesquels le groupe socialiste entend faire évoluer le texte, de manière à le faire répondre aux attentes des élus locaux.
Pour clore mon propos, je rappelle que, pour que ce travail soit constructif, pour que nous puissions siéger à la commission mixte paritaire avec des amendements permettant d’infléchir l’ensemble du texte, il faut bien évidemment que le texte soit voté – sous réserve, bien sûr, de l’adoption des amendements que j’ai évoqués.
Le ministre semble particulièrement ouvert au débat : intervenant dans la discussion générale lors de la première lecture, il a rappelé ici que, loin d’être un modèle abouti, un modèle figé, la démocratie doit pouvoir se réformer, se moderniser, s’approfondir, pour renforcer le lien essentiel si particulier qui unit les citoyens à leurs représentants. Et cette modernisation ne saurait se faire sans l’apport du Sénat.
C’est dans ce sens que le groupe socialiste travaillera à l’évolution du texte. J’espère que nous pourrons ici recueillir une majorité permettant l’adoption d’un texte amendé, puis la poursuite du débat en commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Robert Tropeano applaudit également.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous le dis d’emblée, l’élection des élus départementaux au scrutin majoritaire binominal est une mauvaise idée. C’est même une très mauvaise idée, que je sens déjà rejetée un peu partout sur le terrain. (C’est vrai ! sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.) Du moins est-ce ce que nous entendons, de réunion d’élus en réunion d’élus.
M. Claude Bérit-Débat. Des élus de droite !
M. Gérard Larcher. Comme Jean-Jacques Hyest l’a indiqué, ce mode de scrutin, qui n’a aucun équivalent dans aucune démocratie au monde, est, au mieux, une idée saugrenue.
Pour essayer de comprendre comment une idée aussi peu naturelle avait germé, j’ai pris le parti de m’en tenir aux intentions que votre gouvernement avait affichées, à savoir la promotion de la parité, objectif que je fais mien. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Il est vrai qu’avec ce « binôme » vous assurerez, en faveur de la parité, non plus une « obligation de moyens », mais bel et bien une « garantie de résultat ».
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
M. Gérard Larcher. En effet, quel que soit le résultat des urnes, les femmes seront aussi nombreuses que les hommes à siéger dans les assemblées départementales. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
M. Michel Delebarre, rapporteur. C’est vrai !
M. Gérard Larcher. Cependant, cette quête vous a fait oublier d’autres objectifs constitutionnels tout aussi importants.
Il n’existe pas de hiérarchie dans les principes constitutionnels, qu’il convient de faire coexister harmonieusement dans le choix d’un mode de scrutin. À cet égard, le respect du pluralisme et la garantie de la représentation des territoires sont des objectifs d’une portée aussi fondamentale que la promotion de la parité.
Or le système que vous proposez a une conséquence forte, et négative, sur la représentation et sur l’organisation des territoires, notamment des territoires ruraux.
Quand on fait l’addition d’un certain nombre de projets, comme l’évolution des dotations aux collectivités locales, la réforme de l’élection sénatoriale, la neuvième version de l’avant-projet de l’acte III de la décentralisation, l’évolution du réseau des préfectures et sous-préfectures,…