Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, depuis sa constitution après-guerre, la biologie médicale est devenue une spécialité de santé stratégique. Un peu comme l’industrie pharmaceutique, elle se situe en effet au carrefour de la santé publique et du marché de la santé, entre risque maladie et enjeu économique.
On le voit, la matière n’est pas facile. Elle soulève des questions proprement médicales, bien sûr, mais aussi de gouvernance du système de santé, de droit de la concurrence, communautaire en particulier, de droit des sociétés et de financement de la recherche.
Face à ces difficultés, l’ordonnance Ballereau de 2010 a globalement relevé le défi.
Ce n’est pas sans malice, monsieur le rapporteur, que nous vous voyons contraint de l’admettre, alors que le groupe socialiste s’y était, à l’époque, opposé ! Je vous cite, avec plaisir d’ailleurs : « Dans l’ensemble, l’ordonnance de 2010, malgré ses défauts, est porteuse d’un renouveau de la biologie médicale auquel nous pouvons tous adhérer et qui doit maintenant être consacré par la loi. »
Ce propos, nous y souscrivons totalement, y compris, d’ailleurs, pour ce qui touche aux réserves qu’il exprime. L’ordonnance Ballereau n’est en effet pas parfaite, ce qui nécessite de procéder à des ajustements.
Ces ajustements, nous avons été les premiers à les formaliser au Parlement, avec Jean-Luc Préel, coauteur, avec Valérie Boyer, de la proposition de loi adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 26 janvier 2012. Bien sûr, avec le présent texte, nous ne pouvions partir que d’une base favorable puisqu’il reprend les principaux axes de cette proposition de loi.
Puisqu’il faut procéder à des ajustements, quels sont-ils ? Schématiquement, je dirai qu’il faut concilier qualité et proximité, qui ne sont pas toujours compatibles !
Il y a, à nos yeux, un troisième impératif dont on parle peu, malgré son importance, c’est l’impératif budgétaire. L’on consomme, en effet, de plus en plus d’actes de biologie médicale, ce qui pèse évidemment sur les comptes sociaux.
Dans l’immédiat, je dirai que cette problématique peut être décomposée en cinq questions.
La première est la question du rythme et de l’ampleur de l’accréditation. Sur cette question clé, monsieur le rapporteur, nous vous apporterons notre plein et entier soutien.
Le calendrier fixé par la présente proposition de loi nous semble un bon modus vivendi entre les desiderata des grands laboratoires, dits financiers, et ceux des indépendants.
De plus, et c’est à nos yeux essentiel, le texte issu des travaux de notre commission rétablit l’objectif d’une accréditation à 100 %. Pour des raisons techniques, les actes de biologie médicale étant en constante évolution, une accréditation ne pourra jamais être, comme nous l’avons appris, de 100 %, mais seulement de 96 ou de 97 %. Du moins doit-elle tendre vers l’objectif des 100 % parce que c’est la meilleure garantie de qualité que nous ayons.
La deuxième question est celle de la financiarisation. Nous souscrivons à l’objectif consistant à maintenir des limites en matière de détention du capital et de liberté d’installation pour les non-biologistes. Il s’agit d’aider les biologistes à conserver le contrôle capitalistique de leurs laboratoires. Les articles 8 et 9 sont supposés permettre d’atteindre cet objectif.
Cependant, monsieur le rapporteur, vous le relevez vous-même, nombre de professionnels libéraux s’inquiètent des possibilités de contournement des restrictions qu’imposerait le législateur.
Cette crainte, on ne peut pas la balayer d’un revers de main, madame la ministre, sous prétexte de ne pas excessivement complexifier le droit positif, objet de l’amendement que vous avez déposé à l’article 8. En effet, c’est l’efficacité même du dispositif proposé qui est en jeu.
C'est précisément pour éviter tout risque de contournement que nous présenterons un amendement visant à encadrer le régime des sociétés d’exercice libéral et à imposer une transparence sur les conventions extrastatutaires pour écarter tout risque de contournement.
La troisième question est celle des fameuses « ristournes ». Nous ne voyons absolument rien de choquant à ce que le public puisse favoriser le public ! En revanche, l’impératif économique peut se heurter à l’impératif de proximité, dont dépend la qualité du service rendu au patient.
Nous défendrons donc un amendement en vertu duquel les établissements publics seront tenus de lancer un appel d’offres au cas où il n’y aurait pas de laboratoires publics à proximité.
La quatrième question est celle de la médicalisation de la spécialité, laquelle pose, à nos yeux, deux problèmes : celui de la phase pré-analytique et celui de l’exercice de la biologie médicale en CHU.
Le traitement de la phase pré-analytique est l’un des seuls points sur lesquels, monsieur le rapporteur, nous semblons avoir un désaccord. Pourquoi faire échapper au contrôle du biologiste médical la totalité de la phase pré-analytique ? Nous ne nous l’expliquons pas et nous défendrons donc un amendement destiné à revenir sur ce point. C’est une question de responsabilité. Je ne pense pas que celle-ci puisse être partagée.
Nous retrouvons d’ailleurs le même type d’interrogation en ce qui concerne l’exercice de la profession en CHU. La proposition de loi ouvre de nouvelles dérogations à l’exercice de la biologie médicale par des non-biologistes. Or ces dérogations ne nous semblent en rien se justifier.
La cinquième et dernière question est celle de la facturation. Pour être moins fondamentale que les précédentes, elle a toutefois son importance. Nous avions déposé un amendement, mais nous le retirerons, car le texte que vous proposez, monsieur le rapporteur, nous paraît bien tendre à harmoniser et à clarifier ces règles de facturation des actes de biologie. Je vois dans la facture unique un facteur de responsabilité, qui vaut pour tous les établissements, qu’ils soient publics ou privés, et même en cas de sous-traitance.
En conclusion, vous l’aurez compris, madame la ministre, hormis les quelques réserves que je viens d’émettre, nous sommes globalement favorables à ce texte qui précise, encadre et procède à de bons ajustements.
Je tiens à saluer le travail de la commission, en particulier, celui de notre rapporteur, Jackie Le Menn.
Spécialiste du sujet, puisqu’ancien directeur d’hôpital, vous avez su mener ce dossier avec intelligence et esprit d’ouverture, monsieur le rapporteur, et je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux tout d’abord remercier Jacky Le Menn de l’énergie qu’il a consacrée à la réécriture, ô combien délicate ! de ce texte qui a connu tant de péripéties ; il nous a permis, grâce à sa remarquable capacité d’écoute, de parvenir à la meilleure solution possible sur ce sujet aussi politique que technique.
Les biologistes médicaux, on l’a rappelé, participent pour beaucoup au parcours de soins de nos concitoyens, puisqu’ils contribuent à établir 60 % du diagnostic des pathologies.
Reconnaissance de la dimension médicale exercée par les médecins et les pharmaciens, qualité des soins, proximité, égalité d’accès aux soins, efficience : tels sont les défis qu’il nous faut relever. Nous devons par ailleurs stabiliser la situation juridique des biologises médicaux en prévoyant une égalité de traitement entre laboratoires privés et publics.
Nous devons légiférer dans le cadre du droit européen, qui nous laisse deux voies alternatives en matière d’organisation de la biologie : il nous faut soit considérer la biologie comme une prestation susceptible de relever d’une définition très large de la communauté scientifique, soit réserver la possibilité de pratiquer les examens de biologie relatifs à la santé humaine aux seuls médecins et pharmaciens ayant suivi une spécialisation en biologie.
Nous avons choisi la seconde voie, celle la médicalisation de la biologie médicale. Il faut nous en féliciter, alors même que nous devons répondre à un double enjeu : garantir le haut niveau de qualité des examens pratiqués et limiter la possibilité pour des investisseurs soucieux du taux de retour de leur capital de contrôler l’activité de biologie médicale. Nous avons en effet la volonté de lutter contre la financiarisation de cette activité.
Notre marge de manœuvre est étroite. La Communauté européenne n’est certes pas habilitée à se prononcer sur l’opportunité du choix, par un État membre, de réserver l’exercice de certaines activités aux professions de santé, mais elle peut, en revanche, exiger que cette restriction ne constitue pas une entrave déguisée au droit de la concurrence.
Si notre marge de manœuvre est étroite, elle ne doit pas, pour autant, entraver notre détermination à lutter contre la financiarisation de la biologie médicale.
Défendre la qualité des examens biologiques, c’est mettre en place une méthodologie d’évaluation qualitative qui permette d’en déduire une preuve objective : l’accréditation de l’ensemble des laboratoires.
Cette procédure inquiète une grande partie des biologistes. Nous devons les entendre et mettre en place des garde-fous afin que l’accréditation soit au service de la biologie médicale, et non une entrave à son développement, en particulier pour les jeunes biologistes qui souhaitent s’installer.
L’accréditation doit être généralisée afin de contrecarrer la tentation de qualifier différemment des laboratoires de tailles diverses, mais elle ne doit pas être uniforme. Elle doit tenir compte, entre autres choses, des familles d’examens biologiques médicaux.
Nous devons par ailleurs veiller à ce que ne soit pas validée l’idée selon laquelle l’accréditation impose une forme particulière d’exercice de la biologie médicale, impliquant une forte concentration de l’exercice autour d’appareils volumineux et très coûteux.
Pour être acceptée et réalisable dans de bonnes conditions, l’accréditation doit pouvoir être pratiquée de façon progressive, par paliers ; nous aurons l’occasion d’y revenir lors de la discussion des articles.
Au-delà des principes, nous avons à répondre de façon précise aux questions relatives à la pratique de l’accréditation.
Toute accréditation est conduite sous l’égide du Comité français d’accréditation, le COFRAC, chargé d’une mission de service public, qui dispose pour mener son action d’un monopole national.
Le coût de ses prestations est dénoncé par nombre de biologistes ; certains d’entre eux considèrent même qu’il peut mettre en cause la viabilité de leur laboratoire. Alors qu’il est censé représenter, en théorie, de 1 % à 2 % du chiffre d’affaires d’un laboratoire, il atteint en réalité, selon l’Ordre des médecins, plus du double de ce taux.
Si le coût de l’accréditation est un enjeu central, ses modalités pratiques, notamment la sélection des experts et l’établissement des normes, ne manquent pas non plus de nous interpeller.
La sélection des experts doit permettre de représenter l’ensemble de la profession. Il faut aussi des normes visant à prendre en compte les conditions de sécurité du prélèvement, de la réalisation de l’examen, mais aussi la qualité et la permanence de l’investissement humain. Doivent ainsi être appréciées la présence effective du biologiste dans son laboratoire, ainsi que la rapidité avec laquelle il transmet les examens.
Sans chercher de boucs émissaires, je salue donc votre volonté, monsieur le rapporteur, de demander à la commission des affaires sociales de solliciter auprès de la Cour des comptes un rapport d’évaluation relatif au COFRAC.
L’accréditation, dont la réussite dépendra de son efficacité, est la première priorité de cette proposition de loi ; le refus de la financiarisation est la seconde.
L’indépendance des biologistes de laboratoire est mieux garantie, grâce à la possibilité qui leur est réservée d’acquérir une fraction, voire la totalité, du laboratoire dans lequel ils travaillent. Cela semble une évidence ; d’ailleurs, 85 % des laboratoires sont d’ores et déjà détenus par des professionnels.
L’engagement que nous manifesterons au cours de nos débats sera déterminant pour faire obstacle à cette financiarisation, délétère pour la pérennisation de nos laboratoires, de proximité en particulier.
Je souhaite à présent évoquer certaines questions qui, je le crois, sont propres à susciter le débat.
Tel est le cas, tout d’abord, de la détermination de la responsabilité des différents intervenants lors de la phase dite « pré-analytique » de l’examen biologique, qui court du moment où l’on pratique le prélèvement jusqu’au transport de celui-ci, et qui précède la pratique de l’examen lui-même. Il me semble en effet important de déterminer à partir de quel moment la responsabilité du biologiste peut être engagée.
Nous devrons par ailleurs nous pencher et, partant, sans doute prendre position – négativement, en ce qui me concerne ! – sur la décision de ne pas confier à l’Établissement français du sang les examens biologiques du receveur. On constate en effet l’existence de doublons, sources de dépenses supplémentaires.
M. Gilbert Barbier. Tout à fait !
Mme Catherine Génisson. Je tiens d’ailleurs à dire, même si tel n’est pas l’objet de cette proposition de loi, que l’Établissement français du sang est en grand danger. En effet, le don éthique, gratuit et anonyme dont nous sommes si fiers se heurte actuellement aux dispositions prises aux niveaux européen et mondial. La France est ainsi complètement isolée sur la question du rappel des lots de médicaments dérivant du sang, en particulier du plasma.
Il est urgent de se pencher sur ce problème. Pour autant, ce n’est pas une raison pour confier aux centres de transfusion des examens qui sont excellemment pratiqués par les laboratoires d’hématologie publics et privés.
Il nous faudra également réfléchir à la nécessité de rétablir une consultation médicale dans le cadre des examens biologiques relatifs à la création médicale assistée. Nous avions proposé un amendement en ce sens, mais celui-ci n’a pas été retenu, l’article 40 de la conséquence l’ayant « sabré ».
Nous devrons également mettre en place des procédures visant à lutter contre les inégalités territoriales. Vous l’avez rappelé, madame la ministre, certains de nos collègues estiment que le maintien des ristournes serait une solution pour y parvenir ; tel n’est pas mon avis. Vous avez indiqué une voie, en suggérant que les agences régionales de santé parviendraient à trouver une solution.
Il nous revient aussi de trouver un équilibre entre la légitime revendication des étudiants en DESS de biologie, qui doivent pouvoir accéder à cette spécialisation sans difficulté, et la possibilité offerte aux étudiants des centres hospitaliers universitaires, non diplômés en biologie, de travailler sur des objectifs de recherche. Je pense que nous aurons de beaux débats à l’article 6...
Bien que peu d’entre nous l’aient abordé, peut-être évoquerons-nous aussi le sujet de la facturation unique. Je considère néanmoins que cette discussion serait plus à sa place dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En conclusion, nous pouvons nous féliciter, et remercier derechef notre rapporteur, de l’occasion qui nous est donnée de débattre de cette proposition de loi, car elle doit nous permettre d’assurer le statut juridique de nos biologistes médicaux et d’optimiser la qualité des soins de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux tout d’abord vous remercier de la grande qualité de ce débat. Celui-ci montre qu’il existe une volonté partagée d’avancer sur ce sujet qui, vous l’avez souligné, fut trop longtemps laissé en jachère, pour des raisons diverses.
Je salue votre engagement à tous et je souhaite que nous puissions, lors du débat sur les articles, avancer ensemble.
Vos interventions, vos préoccupations, voire vos motifs d’interrogation et d’inquiétude, se concentrent autour de certains sujets : la financiarisation du modèle d’exercice de la biologie médicale, l’accréditation des laboratoires, la formation des professionnels. Nous aurons l’occasion de revenir plus en détail sur ces points lors de l’examen des amendements que vous avez déposés.
Gilbert Barbier a été le premier à poser clairement la question de la financiarisation.
Je tiens à lui dire que le Gouvernement partage les inquiétudes qui se sont exprimées, en des termes différents, sur l’ensemble de ces travées, et qui se rejoignent en ce qu’elles traduisent votre volonté de garantir la présence de laboratoires de biologie médicale sur l’ensemble du territoire national.
Allons-nous laisser libre cours, dans le domaine de la santé, à la logique de financiarisation ? Au reste, comme l’a souligné M. Barbier, celle-ci ne concerne d’ailleurs pas uniquement les laboratoires de biologie médicale.
Cette logique de pure rentabilité financière des capitaux investis, sans lien avec l’activité elle-même, est à l’œuvre dans d’autres secteurs d’activité, mais elle est inacceptable dans le secteur de la santé, qui touche au bien-être, aux soins, à l’avenir et à la vie même de nos concitoyens.
La logique capitalistique, je le réaffirme, est sans lien avec nos engagements et nos objectifs en matière de santé. C’est l’une des raisons majeures pour lesquelles le Gouvernement soutient cette proposition de loi : la volonté qui s’est exprimée sur toutes les travées du Sénat, il la fait sienne !
La question de l’accréditation a également été évoquée par tous les intervenants.
Madame Archimbaud, le Gouvernement partage votre point de vue : l’accréditation est en effet une condition de la qualité et de la transparence, et donc un élément socle d’une sécurité sanitaire renforcée et améliorée.
Je n’insisterai pas outre mesure sur les débats actuels sur l’usage de certains médicaments, mais l’enjeu est bien là : la sécurité sanitaire est directement liée à la capacité de garantir une information et des procédures transparentes, qui sont gages de confiance.
J’ai bien entendu, par ailleurs, que vous souteniez la démarche de l’accréditation par paliers.
Celle-ci permettra de répondre à la préoccupation que vous avez exprimée avec force, madame Cohen. J’en suis parfaitement d’accord avec vous, il ne faudrait pas que l’on assiste à un effet boomerang de l’accréditation et que les objectifs poursuivis ne soient pas atteints du fait même des instruments mis en place à cette fin.
Si tel devait être le cas, nous mettrions en effet en danger les petits laboratoires, mais il me semble que la mise en place de la démarche de l’accréditation par paliers, saluée comme un point positif par Mme Archimbaud, devrait éviter une telle évolution.
Si j’ai bien noté votre soutien en la matière, madame Archimbaud, j’ai également relevé vos inquiétudes, que vous partagez d’ailleurs avec plusieurs de vos collègues, concernant l’indépendance et les tarifs du Comité français d’accréditation.
M. le rapporteur a indiqué comment il entendait assurer la transparence du fonctionnement de ce comité. Je n’y vois pour ma part que des avantages. Nous avons besoin d’avoir confiance dans les instruments que nous mettons en place pour encadrer nos politiques et garantir la qualité de nos procédures et de nos institutions. Sinon, le doute subsistera. Je ne peux donc que me rallier aux propos tenus par M. Le Menn.
Monsieur Milon, j’ai été particulièrement sensible à votre intervention, dans laquelle vous avez affirmé votre soutien à la démarche d’ensemble. Vous avez très justement fait remarquer que la situation dans laquelle nous nous trouvions ne pouvait pas perdurer : elle est source d’insécurité tant juridique que sanitaire.
Vous avez par ailleurs souligné que les actes de biologie médicale étaient des actes médicaux. Nous ne pouvons pas, comme on l’a trop souvent fait par le passé, présenter la biologie médicale comme un secteur à part du système de santé. Elle est indissociable d’une chaîne de soins, qui va de la phase pré-analytique au soin et à son accompagnement.
Je souhaite que nous parvenions à trouver des solutions satisfaisantes pour l’ensemble de nos concitoyens, car c’est bien là notre préoccupation commune, afin d’effacer vos inquiétudes.
Madame Cohen, au-delà du point que je viens d’évoquer, je suis sensible, je le répète, à la démarche que vous avez prônée. Tout l’enjeu est de réussir à apporter des réponses sur les deux tableaux : d’une part, celui de la maîtrise d’un processus, qui, aujourd’hui livré à lui-même, nous conduit droit dans le mur d’une financiarisation excessive, dont l’objectif est non pas la santé de nos concitoyens, mais plutôt l’intérêt des actionnaires de différents groupes ; d’autre part, celui de la garantie de la qualité des actes, qui nous impose de ne pas laisser les procédures sans contrôle ni maîtrise.
Il nous faut trouver un équilibre satisfaisant entre ces deux impératifs. Tel est l’objet de ce texte. Sans doute pouvons-nous encore l’améliorer : ce sera tout l’enjeu de la discussion des articles, conformément à la volonté de M. le rapporteur.
Monsieur Vanlerenberghe, je ne reviendrai ni sur la financiarisation ni sur l’accréditation, dont je viens de parler.
Je vous remercie d’avoir apporté votre soutien à l’accréditation par paliers pour atteindre notre objectif de qualité. Il serait évidemment irréaliste et insensé de fixer un objectif à atteindre immédiatement !
Vous avez particulièrement insisté sur la formation des professionnels et l’accès à l’exercice de la biologie médicale dans les hôpitaux, sujets qui doivent, en effet, être liés à l’exigence d’une permanence des soins sur tout notre territoire.
Il s’agit non pas d’ouvrir sans contrôle la pratique d’une profession, mais de faire en sorte que celle-ci s’exerce dans des conditions et un cadre déterminés, comportant des exigences en matière de permanence des soins, par des professionnels aux compétences médicales identifiées possédant l’expérience nécessaire. On ne peut pas dire, d’un côté, que la biologie médicale fait partie de la chaîne des soins et, de l’autre, l’en détacher lorsque l’on parle d’assurer la permanence des soins de proximité.
Madame Génisson, j’ai bien entendu vos propos sur les contraintes juridiques extérieures, européennes notamment. Tout l’enjeu, pour nous, est de nous frayer un chemin entre nos propres exigences en matière de sécurité sanitaire et ces contraintes juridiques dont nous ne pouvons nous abstraire.
Comme vous l’avez dit, cet objectif nous oblige à faire preuve d’une ténacité et d’une volonté absolues : nous ne pouvons pas renoncer. Telle est bien, d’ailleurs, la volonté du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle nous soutenons cette proposition de loi. Elle nous paraît en effet porter l’expression d’une volonté forte, notamment s’agissant de l’accréditation, que vous avez vous-même présentée comme une démarche positive.
Nous espérons mettre ainsi en place un cadre pour l’exercice de la biologie médiale, à la fois satisfaisant pour les professionnels et rassurant pour les patients.
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
L’ordonnance n° 2010-49 du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale est ratifiée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l'article.
Mme Laurence Cohen. Cet article a pour objet de ratifier l’ordonnance du 13 janvier 2010, afin de permettre aux dispositions qu’elle contient et qui ont aujourd’hui force réglementaire d’avoir demain, après promulgation de la loi, force législative.
Il est naturellement souhaitable que des règles qui encadrent l’exercice d’une profession aussi déterminante que celle de la biologie médicale dans le parcours de santé des patients puissent figurer dans la loi.
Toutefois, nous considérons que le processus utilisé ici, qui consiste à faire ratifier une ordonnance par l’adoption du premier article d’une proposition de loi pour ensuite, à l’occasion de l’examen des dix articles suivants, modifier le texte qui vient d’être ratifié, est un exercice particulier, même s’il est conforme aux pratiques habituelles et au droit.
Au-delà du recours à l’ordonnance, contre lequel chacun des groupes de gauche, je me permets de le rappeler, s’était à l’époque élevé, le contexte même de l’élaboration de cette ordonnance paraît problématique. De très nombreux interlocuteurs dénoncent l’absence de concertation réelle entre les autorités en charge de sa rédaction et les professionnels de terrain.
Elle a fait suite au rapport remis par M. Ballereau, missionné par la ministre de la santé de l’époque, Roselyne Bachelot-Narquin, rapport qui a servi de base à la rédaction de la réforme adoptée au début de l’année 2010.
Si, à l’image des professionnels concernés, nous souscrivons à la volonté de renforcer la médicalisation de la profession, nous regrettons que celle-ci s’inscrive dans la même logique que celle qui a conduit, peu après, à l’adoption de la loi HPST.
Il n’est pas indifférent de constater que c’est dans ce premier support juridique que cette ordonnance a commencé à prendre vie, puisque, comme pour la loi HPST, il y est question, au nom de la réduction des dépenses publiques, de diminuer le nombre de centres existants, en favorisant les fusions et les regroupements.
Comme pour les hôpitaux et maternités de proximité, on prend prétexte du besoin légitime de sécurité sanitaire pour fermer les plus petits sites, avec la conviction que la réduction de l’offre entraînera mécaniquement une réduction des dépenses. Les groupes financiers, ceux qui rêvent depuis des années de faire main basse sur le secteur, n’ont d’ailleurs pas manqué de rappeler que, par la fusion des structures et la concentration en un lieu des machines les plus performantes et les plus coûteuses, ils permettraient de réaliser des économies d’échelle profitables à la sécurité sociale.
Voilà le contexte dans lequel cette ordonnance a pris forme. Pour autant, certaines des dispositions qu’elle contenait initialement allaient dans le bon sens. Je pense par exemple à l’interdiction de recruter un candidat ne possédant pas un DES de biologie médicale à un poste à responsabilité au sein d’un CHU. Cette interdiction était cependant toute relative, dans la mesure où les dérogations existantes étaient maintenues…
Approuver aujourd’hui la ratification de cette ordonnance, même rectifiée par la proposition de loi – je salue à cet égard le travail mené par M. le rapporteur –, revient donc à entériner la logique comptable qui a présidé à sa rédaction.
Vous le savez, ce n’est pas un scoop, nous sommes pour l’abrogation de la loi HPST et contre sa logique comptable. C’est la raison pour laquelle le groupe CRC s’abstiendra sur cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l'article.
M. René-Paul Savary. La ratification de l’ordonnance de 2010 vise à instaurer une stabilité juridique et, comme vous l’avez fort bien dit, madame la ministre, financière.
À cet égard, nous sommes nombreux à nous inquiéter du sort des laboratoires de proximité dans les territoires ruraux. Maintenant que vous avez déclaré votre flamme à ces laboratoires, madame la ministre, il va falloir leur donner un certain nombre de gages !
On voit bien que la logique de médicalisation va à l’encontre des logiques de proximité, de lutte contre la financiarisation et d’implantation de jeunes diplômés. Je pense notamment à l’un des amendements que nous avons étudié en commission, quelques minutes avant ce débat, à propos des actionnaires ultra-minoritaires et dont l’adoption aurait pour effet de freiner l’implantation des jeunes.
Si nous voulons maintenir les laboratoires de proximité, il faut impérativement donner des perspectives aux jeunes qui s’engagent dans une formation visant à obtenir un DES de médecin-biologiste.
Demeurent donc un certain nombre d’orientations contradictoires, raison pour laquelle il serait important, madame la ministre, que vous nous donniez des gages de votre volonté de trouver un consensus transpartisan dans cette proposition de loi fort importante pour la biologie médicale.
En tout état de cause, nous allons voter l’article 1er.