Mme Hélène Lipietz. Cela ne les gêne pas de les envoyer à l’abattoir !
M. François Fortassin. Enfin, il faut défendre le pastoralisme pour des raisons environnementales, car l’élevage ovin est le dernier rempart avant la friche.
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
M. François Fortassin. Si les éleveurs sont obligés de parquer les troupeaux ou de les enfermer, comme c’est le cas dans le Causse Méjean, par exemple,…
M. Jean-Louis Carrère. Nos camarades Verts iront nettoyer !
M. Jean Desessard. Oui, venez avec nous !
M. François Fortassin. … que j’ai traversé durant l’été et où je n’ai pas vu un seul troupeau en liberté – tous étaient dans les bergeries –, c’est l’ensemble du paysage qui se fermera du même coup, ce qui aura des conséquences environnementales dramatiques.
Je voterai donc ce texte avec beaucoup d’enthousiasme, car il vise à protéger l’activité humaine. D’autant que le loup n’est pas une espèce menacée : ce n’est pas parce que nous en prélevons quelques individus dans certaines zones que la population de loups se trouvera menacée pour autant dans notre pays.
M. Jean-Louis Carrère. J’ai voté pour la parité ! Je voterai ici pour 50 % d’hommes et pour 50 % de loups !
M. François Fortassin. Je suis favorable à la biodiversité, mais n’attendez pas de moi que je sois « l’agneau qui invite le loup à manger », pour reprendre les paroles d’une chanson à la mode ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Desessard. Y aurait-il des loups au Havre, maintenant ?...
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, peut-être pourriez-vous vous étonner d’entendre un élu normand intervenir à l’occasion de l’examen d’une proposition de loi traitant du problème des loups,…
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Hélène Lipietz. Il y a aussi des loups de mer !
M. Charles Revet. … du développement rapide de la population de ce prédateur et des conséquences qui en découlent pour les propriétaires d’ovins et autres, amenés à constater que des milliers de bêtes sont égorgées par ces représentants de la faune sauvage. M. le rapporteur a indiqué que, pour 2011 ou pour 2012, il s’agit de près de 5 000 moutons.
Sans doute des indemnisations sont-elles versées à ceux qui subissent ces pertes, mais, par-delà l’aspect financier, on comprend le désarroi des éleveurs et leur sentiment d’être abandonnés par les responsables publiques.
Nombre de collègues dénoncent cette situation, comme l’a encore fait aujourd’hui Gérard Bailly avec sa fougue coutumière, et pour la énième fois.
Cela étant, je vous rassure, les loups ne sont pas encore présents sur les collines normandes. (Sourires.) Cela étant, des prédateurs d’autres espèces se sont multipliés de manière anarchique. Ils causent des dégâts considérables aux récoltes et constituent parfois un risque important pour les personnes, à coup sûr pour les animaux, sans parler de la sécurité sanitaire.
Est-il normal qu’aujourd’hui des renards viennent en périphérie de certaines grandes villes chercher de la nourriture dans les poubelles ?
M. Jean Desessard. Et alors ? Il y en a à Paris !
Mme Hélène Lipietz. Voilà, après le loup, le renard !
M. Charles Revet. Probablement la raréfaction du petit gibier n’est-elle pas étrangère à cette prolifération du renard et d’autres animaux nuisibles.
Il y a quelques années, on avait constaté une recrudescence de cas de rage, avec les risques que cela faisait courir aux habitants. Il en est de même des sangliers, qui se sont multipliés. Alors qu’il y a plusieurs années ils étaient cantonnés dans les forêts et les bois, aujourd’hui ils se sont répandus dans la plaine, occasionnant des dégâts importants aux différentes récoltes.
Je pourrais, de la même manière, citer des gibiers plus sympathiques – biches ou chevreuils – dont l’augmentation de la population peut aussi occasionner des dégâts aux récoltes.
M. Henri de Raincourt. Et des dégâts considérables !
M. Charles Revet. Autre exemple, nous avons en Seine-Maritime plusieurs forêts importantes, et de qualité. Les cerfs s’y sont développés en grand nombre. Est-ce le surnombre et les risques de maladies qui en découlent ? Après une attaque de tuberculose, M. le préfet à fait abattre les bêtes malades. Entre-temps, des cheptels bovins ont été contaminés. Pourtant, grâce à des campagnes de prophylaxie, nous avions pu éradiquer cette maladie contagieuse, et bien d’autres.
En citant ces exemples, madame le ministre, je ne veux pas laisser entendre qu’il faudrait supprimer tous ces animaux - certains ont été réimplantés sur le territoire national ces dix ou vingt dernières années -, mais il est manifestement nécessaire de mettre en place une meilleure régulation pour chaque espèce animale afin d’aboutir à l’équilibre entre la présence d’une faune sauvage sur le territoire et les différentes activités économiques développées, notamment dans le domaine agricole.
Cette régulation, indispensable, ne peut se faire dans des conditions satisfaisantes qu’avec la participation des différents acteurs présents sur le terrain, le préfet ayant pour mission, pour le compte de l’État, d’en assurer la coordination et la responsabilité.
Madame le ministre, ce n’est pas à Paris que les choses se jouent, c’est sur le terrain. C’est donc sur le terrain que les décisions doivent être prises. Au travers de toutes nos interventions, vous aurez compris que beaucoup de personnes responsables sont prêtes à apporter leur contribution. Il nous faut véritablement engager cette démarche sur l’ensemble du territoire.
C’est, me semble-t-il, ce qui ressort de la proposition de loi déposée par notre collègue Alain Bertrand et dont notre collègue Stéphane Mazars est le rapporteur.
Je suggère que cette démarche soit élargie à l’ensemble de la faune sauvage et à l’ensemble du territoire national. C’est le sens de mon intervention.
En conclusion, le groupe UMP apportera son soutien à la proposition de loi de notre collègue Alain Bertrand, amendé par notre rapporteur, Stéphane Mazars. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Ladislas Poniatowski.
M. Ladislas Poniatowski. Il n’est pas facile d’être le dernier orateur à intervenir dans une discussion générale, mais surtout aujourd’hui, car tout a déjà été dit, et fort bien dit !
J’aimerais néanmoins apporter ma touche personnelle à ce débat, en tentant d’éviter la répétition.
Mme Hélène Lipietz. Cela va être difficile !
M. Ladislas Poniatowski. Je voudrais tout d’abord remercier mes collègues Alain Bertrand et Stéphane Mazars, représentant respectivement la Lozère et l’Aveyron – ce n’est bien sûr pas un hasard –, d’avoir présenté et rapporté cette proposition de loi sur le magnifique animal qu’est le loup.
Comme souvent, la France, se caractérise par une approche assez dogmatique en la matière.
Mme Hélène Lipietz. C’est sûr !
M. Ladislas Poniatowski. Si l’on regarde hors de nos frontières, en Espagne comme en Suède, on constate que le loup peut, dans ces deux pays, faire l’objet d’une régulation en fonction de ses effectifs et des atteintes à la faune et aux troupeaux dont il est responsable.
En Suède, il existe de facto une espèce de plan de chasse. En Espagne, les chasseurs peuvent obtenir une licence de tir dans les zones où le loup a été constaté en surabondance, le produit de cette licence étant affecté à la compensation des dommages en faveur des éleveurs.
Je signale, par ailleurs, que la Fédération nationale des chasseurs, la FNC, dans le cadre du programme Médialoup, a analysé précisément le statut et les pratiques de gestion du loup en Europe. Ses préconisations seront bientôt présentées publiquement, le 7 février prochain. Dommage que nous n’ayons pas eu connaissance de ces éléments d’information, qui auraient pu enrichir utilement le débat d’aujourd’hui !
Pour ce qui me concerne, je pense que le statut d’espèce sauvage du loup ne saurait nous faire perdre de vue une évidence : dans nos pays fortement peuplés et abritant un élevage répandu jusqu’en moyenne montagne, le loup doit faire l’objet d’une gestion. Que cette gestion soit avisée, c’est évident, mais qu’elle soit refusée au nom d’une idéologie sans support scientifique, voilà ce que j’ai du mal à accepter.
Cette gestion et cette régulation du loup pourraient reposer sur quelques principes simples.
Il faut exprimer de façon concrète et explicite, dans un plan national d’action sur le loup, le ou les objectifs de la politique du loup en France. Combien de loups veut-on dans un pays aussi peuplé et aménagé que la France ? Où accepte-t-on le loup ? Quels sont les scénarios de recolonisation ?
Il faut prendre en compte la prédation sur les troupeaux, bien sûr, mais aussi sur d’autres espèces sauvages sensibles, telles que le chevreuil ou le mouflon. Ce dernier est en train de disparaître dans certains secteurs, car, contrairement au chamois, qui se sauve rapidement, le mouflon pense qu’il peut faire face au loup. Résultat : il disparaît totalement dans certains secteurs !
Il faut rechercher l’acceptation locale des éleveurs, des élus, des habitants, seul gage de pérennité des efforts entrepris, par tout un ensemble de mesures adaptées.
Il faut associer les chasseurs aux projets de conservation et de suivi du loup, INTERREG, LIFE, DREAL. C’est un gage d’efficacité. Néanmoins, à l’évidence, il ne faut pas remettre en question leur participation à l’indemnisation des dégâts.
Il faut définir, vous avez été plusieurs à le dire, des aires géographiques pertinentes, ce qu’envisagent les auteurs de la présente proposition de loi. Il faut intégrer, comme dans certains pays d’Europ, une gestion adaptative et différenciée de la population par grands massifs, et non globalement, au niveau national. Il faut fixer des objectifs et des quotas de prélèvements pour les Alpes du Nord, pour les Alpes du Sud, pour les Pyrénées, pour le Massif central et pour le massif jurassien-vosgien.
Il faut intégrer, enfin, dans le plan national d’action, les lignes directrices et les principes européens sur la gestion des grands prédateurs en Europe, tels qu’édictés par le Conseil de l’Europe, par exemple pour la compatibilité de la chasse – locale ou de tourisme – et du développement de l’espèce, comme dans d’autres pays d’Europe.
Mes chers collègues, il me semble tout à fait possible de donner une place au loup dans notre pays, je suis même tenté de dire toute sa place, mais rien que sa place. Cela exige simplement de refuser l’idéologie pour privilégier la recherche et le respect du « local ».
C’est dans cette perspective que la création de zones d’exclusion pour les loups trouve toute sa justification. C’est un instrument, un outil parmi d’autres, qui peut nous permettre de progresser. Je suis donc tout à fait prêt à voter cette proposition de loi pour manifester mon soutien aux principes qui l’animent.
Je me demande, toutefois, si, ce faisant, nous n’aurions pas traité qu’une partie du problème seulement. Le loup est un animal extraordinaire, fascinant à bien des égards, qui mérite peut-être plus et mieux. La suite des débats parlementaires et la prise en compte des préconisations à venir, notamment de la FNC, nous permettront sans nul doute de progresser sur cette voie.
Dans le même temps, nous aurons aussi à réfléchir sur le statut de l’animal, qu’il soit sauvage, domestique ou d’élevage. C’est un sujet considérable dont le Saint-Hubert Club de France, dans son colloque organisé lundi dernier ici même, au Sénat, nous a montré toutes les facettes avant de nous indiquer un certain nombre de pistes de réflexion. Peut-être aurons-nous le temps de revenir sur ce sujet ? C’est en tout cas ce que je souhaite.
Mes chers collègues, comme vient de le rappeler Charles Revet, le groupe UMP votera cette proposition de loi. Nous demanderons qu’elle soit mise aux voix par scrutin public, monsieur le président, car il faut que les positions de chacun soient claires ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Delphine Batho, ministre. Au terme de cette discussion générale, je souhaite réagir aux différentes interventions.
Je veux dire à Michel Teston qu’en effet la gestion différenciée est la question-clé de l’adaptation des réponses à apporter sur les différents territoires. Le point qui fait discussion par rapport au texte de cette proposition de loi est celui de l’articulation entre la gestion différenciée adaptée aux territoires et l’approche globale que nous devons garder sur le plan national par rapport à un plafond national de prélèvement. Le respect de ce plafond est une exigence liée à nos obligations et à nos engagements internationaux pour protéger l’espèce.
Je vous confirme que les différentes mesures prises seront adaptées à chaque territoire. Il en ira ainsi pour le Massif central.
Madame Didier, je vous remercie de votre intervention, en particulier de votre propos concernant la sérénité qui doit présider aux débats ainsi que l’écoute dont nous devons faire preuve les uns à l’égard des autres afin de prendre en compte la réalité du contenu des interventions.
Monsieur Amoudry, vous avez regretté que la France n’ait pas formulé de réserves sur la convention de Berne. Nous sommes en discussion permanente avec la Commission européenne, auprès de laquelle nous défendons une approche équilibrée. Aujourd’hui, on recense 250 loups en France, effectif qui, au stade actuel, ne garantit pas la non-disparition de l’espèce. Nous avons donc constamment à démontrer que le loup ne va pas disparaître dans notre pays.
Monsieur Placé, je vous remercie de votre propos concernant la future loi-cadre sur la biodiversité. Le processus d’élaboration de ce projet de loi-cadre est effectivement engagé. Le texte sera soumis au Conseil national de la transition écologique, le 12 février prochain, dans la perspective de discussions qui auront lieu dans les régions. La loi permettra notamment de créer l’Agence nationale de la biodiversité.
Je vous remercie également de votre propos sur le maintien de l’élevage et sur la nécessité de réorienter la politique agricole commune. C’est le travail qu’a engagé Stéphane Le Foll dans la perspective du « verdissement » de la PAC et d’un soutien plus important à l’élevage extensif.
Monsieur Bernard-Reymond, dans le cadre du plan loup actuellement en discussion, est envisagée l’extension des tirs de défense dans les endroits où cela sera nécessaire. (M. Alain Bertrand s’exclame.)
C’est l’une des dispositions qui seront discutées la semaine prochaine entre les parties prenantes.
M. Gérard Bailly a fait allusion à un propos que j’aurais prononcé concernant le bien-être animal. Or je ne crois pas avoir évoqué ce sujet.
Je précise également que les éleveurs ne soutiennent pas la proposition de loi, ce qui me paraît être un élément très important à verser aux débats. Mesdames, messieurs les sénateurs, les éleveurs ne sont pas favorables à la création de zones d’exclusion du loup.
M. Alain Bertrand. C’est faux !
Mme Delphine Batho, ministre. C’est absolument vrai ! J’ai moi-même rencontré les associations d’éleveurs : elles sont tout à fait opposées à des dispositions qui introduiraient une distorsion de concurrence entre les élevages.
M. Alain Bertrand. Mais non !
Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Fortassin, je vous remercie de vos commentaires sur mon élocution, mais je crois, moi aussi, à la sagesse du Parlement. À aucun moment je n’ai mis en cause la légitimité du Parlement à débattre de ce sujet, bien au contraire. La discussion d’aujourd’hui est essentielle et je souhaite qu’à l’issue le Sénat, ayant été pleinement éclairé sur ce qui inspire aujourd’hui le Gouvernement, puisse soutenir sa démarche.
Monsieur Revet, vous avez souhaité étendre cette discussion aux espèces nuisibles. Sachez qu’il y a une grande différence entre les espèces nuisibles, pour lesquelles un certain nombre de mesures de gestion sont prévues, et les espèces protégées.
Enfin, monsieur Poniatowski, je souligne que votre intervention faisait écho à des propos que je n’ai pas tenus. Je ne crois pas avoir fait preuve d’idéologie dans l’approche de ces problèmes que j’ai défendue au nom du Gouvernement. J’ai bien mis en lumière à la fois la nécessité de respecter les engagements internationaux de la France en matière de biodiversité, notre devoir de préservation d’une espèce protégée, mais aussi la volonté déterminée qui est la mienne de répondre à la détresse des éleveurs. Je l’ai dit dès le départ, et c’est cette ligne de conduite qui sous-tend aujourd’hui mon action. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Mes chers collègues, j’insiste à nouveau sur la nécessité de respecter les temps de parole impartis. La durée de cette discussion a été fixée à quatre heures : par conséquent, le temps excédentaire qui sera consacré au loup le sera au détriment de la contribution économique territoriale.
Article additionnel avant l'article unique
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié, présenté par MM. Revet et Pointereau, est ainsi libellé :
Avant l'article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 411-2 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans chaque département, il appartient au préfet de prendre des dispositions pour réguler le développement de la population des animaux sauvages pouvant modifier un fonctionnement équilibré des espèces animales et avoir des conséquences sur les activités qui en dépendent. Celui-ci, chaque année, organise une réunion d’information des différents acteurs concernés. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue et ami Rémy Pointereau, va dans le sens de mon intervention liminaire : si l’on veut être efficace, il faut rapprocher la décision du terrain.
Dans chaque département, il convient de déterminer, à partir de l’observation du développement de certaines espèces, celles qui méritent d’être régulées. C’est à celles et ceux qui sont les représentants de l’État, donc aux préfets, qu’il appartient de décider, par arrêté, des mesures à prendre.
C’est dans cet esprit que j’ai déposé cet amendement visant à mettre en place une organisation dont le préfet serait le responsable, sans qu’il soit à chaque fois nécessaire de remonter à l’échelon national. On sait très bien que, dans ce domaine comme dans d’autres, neuf fois sur dix, cela n’aboutit à rien.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Monsieur Revet, votre amendement vise à étendre à toutes les espèces nuisibles les dispositions qui pourraient être prises aujourd’hui pour le loup. Il s’agirait pour le préfet de déterminer de façon pragmatique, dans chaque département et au cas par cas, les modalités à mettre en œuvre afin d’éviter les conséquences dommageables, notamment pour les cultures, du développement des animaux nuisibles.
Comme je vous l’ai indiqué ce matin en commission et comme l’a également souligné tout à l’heure Mme la ministre, le texte que nous examinons concerne spécifiquement le loup, qui est une espèce protégée, un animal sauvage, donc très particulier. Toute la difficulté – c’est le pari que nous avons fait et que nous sommes en train de relever au travers de ce texte – est d’arriver à un point d’équilibre entre la nécessaire protection de l’espèce et la non moins nécessaire protection de l’agropastoralisme.
Donc, il ne me paraît pas opportun d’introduire dans ce débat la faune nuisible.
Je précise, comme en commission, que les difficultés dont vous faites état semblent pouvoir être en partie levées par les dispositions du décret du 23 mars 2012 qui permet, dans chaque département, de prendre des mesures utiles concernant les espèces nuisibles.
Je comprends le souci qui est le vôtre : en tant qu’élu de terrain, vous êtes effectivement au plus près des préoccupations des éleveurs qui voient leurs récoltes régulièrement mises à mal par les animaux nuisibles. Mais, pour la clarté du débat et sur la base du décret que j’ai indiqué, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement fait sien l’avis du rapporteur, monsieur le président.
Monsieur le sénateur, votre amendement soulève deux difficultés.
Premièrement, un parallèle est fait entre espèce nuisible et espèce protégée, alors que les dispositions concernant l’une et l’autre ne peuvent pas être similaires.
Deuxièmement, je rappelle que la réforme introduite par le précédent gouvernement a porté au niveau national les dispositions relatives aux espèces nuisibles. Il y a donc là une contradiction qu’a soulignée le rapporteur.
Je le rejoins sur sa demande de retrait de votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour explication de vote.
M. Rémy Pointereau. L’amendement que Charles Revet et moi-même avons déposé est un amendement d’appel. Nous en avons discuté ce matin en commission du développement durable, il est en effet souhaitable que les décisions nationales puissent être décentralisées à l’échelon des départements et que les préfets puissent prendre des dispositions afin de réguler certaines populations animales ; on parle du loup, mais cela vaut aussi pour les sangliers ou les cervidés, par exemple. C’est ce qui se fait dans les départements avec beaucoup d’efficacité et ces plans de chasse sont établis en fonction du développement des espèces.
C’est la raison pour laquelle Charles Revet et moi-même avons pensé qu’il était important d’évoquer ce problème à l’occasion de la discussion de cette proposition de loi.
La régulation nationale autorise l’élimination de 11 loups sur une population évaluée à 250 loups - mais l’effectif serait plus proche, semble-t-il, de 300 voire de 400. Donc, prélever 11 loups sur 300, c’est très peu, au regard des dégâts que ces prédateurs occasionnent dans l’ensemble des départements concernés.
Peut-être Charles Revet va-t-il accepter de retirer cet amendement. Il nous semblait en tout cas important d’évoquer à cet instant les problèmes que pose la faune sauvage en général.
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. J’ai indiqué que nous voterions cette proposition de loi parce qu’il y a urgence. J’ai simplement voulu, avec Rémy Pointereau, élargir le problème. J’ai lu le décret en question, monsieur le rapporteur, et il n’apporte pas de réponse aux questions posées. Faire remonter à l’échelon national pratiquement toutes les décisions est une erreur : on est irresponsable, sur le terrain !
M. Charles Revet. Nous reviendrons en tout cas sur cette question.
M. Charles Revet. Mais, ne voulant surtout pas perturber le débat et souhaitant que la proposition de loi soit votée, je retire cet amendement, ainsi que l'amendement n° 3 portant sur l’intitulé de la proposition de loi. (Très bien ! sur les travées du RDSE.)
M. Stéphane Mazars, rapporteur. Merci !
M. le président. L’amendement n° 2 rectifié est retiré, ainsi que l’amendement n° 3 rectifié, également présenté par MM. Revet et Pointereau et dont je rappelle les termes, pour la clarté des débats :
Rédiger ainsi cet intitulé :
Proposition de loi visant à une meilleure régulation du développement de la faune sauvage sur le territoire national.
Article unique
L’abattage de loups est autorisé dans des zones de protection renforcée délimitées chaque année par arrêté préfectoral, indépendamment du prélèvement défini au niveau national. Un plafond de destruction spécifique est déterminé pour chaque zone.
Les zones de protection renforcée regroupent les communes dans lesquelles des dommages importants sont constatés, causant une perturbation de grande ampleur aux activités pastorales en dépit des mesures de protection susceptibles d’assurer un équilibre entre les intérêts économiques et sociaux et la protection de l’environnement.
Les zones de protection renforcée contre le loup ne peuvent nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, de cette espèce sur le territoire national.
Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, sur l'article unique.
Mme Chantal Jouanno. Monsieur le président, cette intervention vaudra présentation de l’amendement n° 1 rectifié visant à supprimer l’article unique.
J’ai connu ce type de débats dans mes précédentes fonctions, auxquelles je conserve une certaine fidélité.
M. Rémy Pointereau. Par solidarité !
Mme Chantal Jouanno. Non, ce n’est pas de la solidarité ; je reste fidèle à mes convictions et aux idées que j’ai défendues dans d’autres fonctions.
Ce n’est pas la première fois que nous débattons de l’opportunité de créer des zones d’exclusion pour les loups et, à l’époque, nous avions également eu ce débat pour les ours.
Rivaliser avec les orateurs qui se sont exprimés, en termes souvent très affectifs, est malaisé quand on parle des loups. Il est difficile de placer sur le même plan la vie des éleveurs, les drames qu’ils peuvent connaître lorsque se produisent des attaques de loups, et la situation du loup, qui, s’il est un animal plutôt farouche, sait prélever aussi ses proies sur les troupeaux. Il est donc difficile, je le répète, de rivaliser sur ce terrain.
Le débat qui a lieu aujourd'hui, dans cet hémicycle, est néanmoins utile, car il permet de rappeler la nécessité d’un équilibre écosystémique et, à cet égard, rien n’est parfait, puisque la réapparition des loups a des conséquences négatives. Il permet aussi de rappeler, en particulier aux représentants des territoires d’élevage, la nécessité d’un soutien public à l’élevage, notamment au pastoralisme, qui contribue très largement au maintien des paysages, des territoires et de la biodiversité.
Si j’ai déposé cet amendement de suppression, c’est tout simplement parce que, cela a été dit, le dispositif de cette proposition de loi est illégal au regard de la directive Habitats. Celle-ci nous impose de préserver les territoires propices au développement des espèces protégées et, par définition, les zones d’exclusion se situeront sur ces territoires.
Par ailleurs, cette proposition de loi serait certainement inapplicable, car il est extrêmement difficile de repérer ces animaux pour effectuer des tirs de prélèvement, comme on a pu le constater lorsqu’on a eu à le faire. D’ailleurs, on trouve aujourd’hui des loups partout dans les zones d’expansion, mais jamais ils n’avaient été repérés lors de leurs déplacements.
Enfin, j’ai déposé cet amendement car le plan loup, qui permet la concertation entre toutes les parties prenantes, est une bonne méthode. Sans doute aurait-il été opportun de rapprocher beaucoup plus les mesures de soutien au pastoralisme du plan loup et de ne pas donner trop souvent le sentiment que les deux démarches étaient séparées. Mais on constatait déjà la même chose de mon temps, si je puis dire.
J’ajoute qu’il y a eu des évolutions puisque l’on a déconcentré la prise de décision. Nathalie Kosciusko-Morizet avait également ouvert la possibilité de tirs de défense et de tirs de prélèvements. Contrairement à l’époque où j’étais secrétaire d’État chargée de l’écologie, des tirs de prélèvements ont été effectués.
Une fois n'est pas coutume, nous devrions accorder une présomption de confiance à ce qui sera décidé dans le cadre du plan loup. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement de suppression de l’article unique, que mon collègue Christian Namy a cosigné. (Applaudissements sur certaines travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste.)