M. Roland Courteau. Évidemment !
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Tout le monde le sait !
Mme Mireille Schurch. Pour notre part, nous pensons que la procédure a effectivement été trop rapide, ne nous permettant pas de mener, autant que nous l’aurions voulu, la concertation et le travail parlementaire. Ainsi, alors que nous avions obtenu l’examen conjoint de ce texte avec notre proposition de loi pour une stratégie publique en faveur du logement, les délais extrêmement courts n’ont en réalité par permis à la commission et à nos collègues d’examiner réellement notre texte, ce que nous avions regretté.
Aujourd’hui, nous considérons qu’il est urgent que le projet de loi qui nous est soumis soit adopté, car il porte en lui l’infléchissement des logiques de marchandisation du logement qui ont guidé l’action publique depuis trop longtemps.
Au-delà des aléas de la procédure, nous souhaitons réaffirmer notre soutien plein et entier aux objectifs visés par ce texte, lequel permettra d’engager un effort sensible en faveur de la construction de logements sociaux.
Je ne reviendrai pas, ici, sur l’intégralité des dispositions qu’il contient, car nous en avons déjà largement débattu, mais je veux insister sur quelques éléments concernant les deux axes de ce projet de loi.
S’agissant de la mobilisation du foncier, nous regrettons une nouvelle fois que ces dispositions ne concernent que le foncier public et que le dispositif préconisé soit un « fusil à un coup ». Vous le savez, nous préférions, et préférons toujours, un instrument pérenne et dynamique : la création d’une agence nationale foncière pour le logement, qui permettrait de sanctuariser du foncier et de l’immobilier, constituant ainsi une sorte de domaine public du logement social. Une telle démarche, assise sur des financements durables, aurait permis à l’État, non seulement de reprendre les responsabilités qui lui incombent en la matière, mais également de libérer les offices du poids de l’acquisition foncière, renforçant ainsi leurs marges de manœuvre financières.
Nous notons, à cet égard, que les débats que nous avons eus à l’automne ont confirmé tout l’intérêt de certains éléments de notre proposition de loi, notamment le recours aux baux emphytéotiques, qui permet à l’État de conserver la propriété des sols, tout en s’assurant de la destination réelle de ces terrains.
Nous espérons sincèrement que nous aurons l’occasion d’y revenir dans le prochain projet de loi sur le logement et l’urbanisme que vous nous annoncez, madame la ministre.
Sur le deuxième axe, celui qui concerne l’obligation de construction, nous avons deux remarques principales à formuler.
D’une part, nous considérons qu’en zone tendue l’obligation de construction pourrait atteindre 30 % de logements sociaux. Cet objectif n’est pas déraisonnable, d’autant que le présent projet de loi reporte la date limite pour parvenir à ce niveau de 2020 à 2025.
D’autre part, nous regrettons que la prise d’un arrêté de carence soit non pas une compétence liée du préfet, mais une simple faculté. À nos yeux, la souplesse de ce dispositif doit plutôt se situer dans la définition du niveau des pénalités.
Plus largement, nous serons attentifs aux capacités réelles que se donne le Gouvernement pour atteindre les objectifs audacieux en termes de construction, fixés par le Président de la République à hauteur de 150 000 logements sociaux par an.
Aussi, nous avons été surpris de constater que, dans le projet de loi de finances pour 2013, la hausse des crédits du logement soit en réalité en trompe-l’œil, en raison, notamment, de la poursuite de l’externalisation du financement de la politique du logement sur les deux acteurs principaux que sont Action logement et les bailleurs sociaux.
En effet, alors même que, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous avons décrié l’utilisation à outrance du 1 % logement pour le financement de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine et de l’Agence nationale de l’habitat, vous le sollicitez aujourd’hui, madame la ministre, pour le financement des APL.
Par ailleurs, si l’enveloppe des aides à la pierre est en légère augmentation de 50 millions d’euros, pour atteindre 500 millions d’euros, je vous rappelle l’engagement de campagne du Président de la République d’abonder les aides à la pierre à hauteur de 800 millions d’euros.
Plus inquiétant, la subvention pour la construction de chaque logement social est en diminution : de 33 % concernant les PLUS, les prêts locatifs à usage social, et de 22 % concernant les PLAI, ce qui n’est pas négligeable.
Il est regrettable que le Gouvernement impose, d’un côté, un effort juste et légitime aux collectivités pour atteindre le quota de 25 % de logements en zone tendue, et prévoit, de l’autre, des aides à la pierre si peu ambitieuses.
Comment ne pas mentionner, à l’instar de mes prédécesseurs à cette tribune, les conséquences du prochain plan de compétitivité, qui va entraîner une hausse de la TVA sur la construction de logements sociaux et peser de manière très lourde sur les marges de manœuvre des offices d’HLM ? D’ores et déjà, la hausse de la TVA de 5,5 % à 7 % a grevé les comptes des organismes de près de 250 millions d’euros. Sur cette question, nous serons attentifs à toute évolution.
Pour garantir le droit au logement pour tous, le Gouvernement doit non seulement édicter des règles justes et strictes, mais également donner des moyens aux acteurs à la hauteur de ces ambitions.
Nous attendons avec beaucoup d’impatience la future grande loi sur le logement et l’urbanisme, pour que cette première avancée législative se traduise par une réorientation significative de la politique du logement en France.
En attendant, nous voterons le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme tout le monde l’a rappelé avant moi, nous voici arrivés non pas, malheureusement, à la deuxième lecture, mais au deuxième passage de ce projet de loi.
Madame la ministre, il est vrai qu’à l’automne vous étiez très pressée d’en finir avec ce texte…
M. Claude Dilain. Elle avait raison !
M. Daniel Dubois. Il faut respecter le Parlement, mon cher collègue.
M. Alain Néri. Vous n’êtes pas les mieux placés pour nous donner des leçons !
M. Daniel Dubois. Nos institutions sont ainsi faites : quand le Gouvernement ne respecte pas le Parlement, il est rappelé à l’ordre.
Madame la ministre, vous passez en quelque sorte, aujourd’hui, l’examen de rattrapage !
Je vais commencer en regrettant le recours à une procédure de passage en force. Cela fait deux fois que vous nous présentez sensiblement le même texte, pour autant d’utilisations de la procédure accélérée.
Je ne reviendrai pas sur l’examen totalement rocambolesque de ce projet de loi au mois de septembre, intervenu moins d’une semaine après son adoption en Conseil des ministres. Cette brutalité était due à de mauvais sondages sur l’inaction du Gouvernement. Remarquez, cela ne s’améliore pas ! Le Premier ministre vous avait donc demandé d’agir toutes affaires cessantes, quel qu’en soit le prix à payer auprès des parlementaires.
Bien mal vous en a pris, puisque, le 24 octobre dernier, le Conseil constitutionnel, saisi par les sénateurs UDI–UC et UMP, censurait l’intégralité de la loi pour non-respect de la procédure parlementaire. Il fallait donc tout recommencer et, au final, il vous aura fallu près de quatre mois pour faire adopter ce texte.
J’espère vraiment que vous aurez compris : deux bonnes lectures, des échanges constructifs et une écoute du Parlement constituent un gain de temps pour faire avancer les réformes.
Je constate que vous avez déjà annoncé que le prochain projet de loi ne serait pas présenté en procédure accélérée. Ce texte étant, je crois, très important et modifiant beaucoup de dispositions, je ne peux que m’en féliciter.
M. Jean-Louis Carrère. Il faut surtout féliciter Mme la ministre ! (Sourires.)
M. Daniel Dubois. Ces sujets sont fondamentaux, et il ne faut pas les bâcler.
Avant de passer au fond du projet de loi, j’aimerais ajouter que j’ai assez peu goûté les remarques de M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, qui, après la décision du Conseil constitutionnel, a cherché à mettre sur le dos du Sénat la responsabilité de cette censure. Il s’agissait d’une manifestation de mépris supplémentaire.
Le seul responsable, c’est le Gouvernement, et j’aimerais vous l’entendre dire, car les mauvaises accusations laissent des traces inutiles entre les pouvoirs législatif et exécutif.
J’en viens désormais au contenu du texte.
Nous partageons les constats que vous faites, mais nous doutons de l’efficacité des solutions que vous proposez. Comme cela a déjà été dit, je voudrais préciser que, cette année, il va se construire 100 000 logements de moins que l’année dernière en France. Sachant que, grosso modo, un logement construit, ce sont deux salariés occupés pendant un an, 200 000 emplois vont donc être concernés très directement par cette baisse. Pourtant, vous avez pris un certain nombre de décisions, depuis six mois, dont vous pensiez certainement qu’elles auraient un effet positif et qu’elles feraient réagir le secteur. Nous vous avions prévenu que tel ne serait pas le cas, car elles n’étaient pas adaptées au contexte.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Vous vous y connaissez !
M. Jean-Louis Carrère. C’est pour ça que vous nous avez tant retardés !
M. Daniel Dubois. Nous regrettons ce qui se passe aujourd’hui.
Nous pensons que la situation du logement social n’est pas satisfaisante. Il est vrai que notre pays souffre d’un déficit structurel de logements.
Je le répète, nous partageons avec vous l’objectif de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements locatifs.
Le groupe UDI-UC, comme vous l’avez souligné lors du travail en commission, est l’héritier de Laurent Bonnevay, sénateur centriste du Rhône, à l’origine de la première loi sur le logement social en 1912, dont nous fêterons d’ailleurs le centenaire dans quelques jours, le 23 décembre. Nous souhaitons, dans cet esprit, être constructifs sur votre texte, encore faut-il être entendu.
Même si, comme le relève M. le rapporteur, le rythme de financement des logements sociaux s’est accéléré au cours des dix dernières années, passant de 50 000 logements financés en 2002 à 130 000 en 2010, leur nombre est encore insuffisant. L’objectif de construire 2,5 millions de logements intermédiaires sociaux et étudiants durant le quinquennat est, certes, louable, mais il est peu réaliste à nos yeux, d’autant que les mesures que vous avez prises sont contre-productives.
Les collectivités locales participent de plus en plus au financement de la construction de logements sociaux, avec des subventions souvent supérieures à celles de l’État. Or le texte que vous nous présentez est très contraignant et peu incitatif pour elles. Comme je l’avais déjà dit lors de la première lecture, vous maniez très bien le bâton pour les collectivités, mais très mal la carotte.
Pour un PLUS, l’État contribue en moyenne à hauteur de 600 euros. Quant aux collectivités locales, elles fournissent un apport compris entre 10 000 et 30 000 euros pour réaliser un logement locatif sur leur territoire, sans compter tout ce que leur coûtera, en termes de dépenses publiques, les écoles et autres services publics attenants.
M. Claude Bérit-Débat, rapporteur. Depuis quand l’État s’est-il désengagé ?
M. Daniel Dubois. La seule proposition que vous faites aux communes pour les inviter à construire plus, c’est la sanction. Ce texte modifie également l’affectation du prélèvement et sa majoration, que vous renvoyez au niveau national, alors qu’il était initialement prévu que celui-ci reviendrait aux territoires.
Autrement dit, votre texte vise à organiser la récupération par l’État du prélèvement annuel.
Madame la ministre, que l’État fixe des objectifs, c’est normal, il est dans son rôle. Mais quand il fait porter la charge sur les collectivités, il détourne les ressources de celles-ci et compromet leur santé financière. Or ce n’est pas vraiment le moment !
La loi Bonnevay que je citais précédemment avait pour objectif de créer des offices publics d’habitations à bon marché, les HBM, financés par les municipalités. Le Sénat avait compris, déjà à l’époque, l’importance des collectivités pour le logement. Nous vous demandons aujourd’hui de vous en souvenir.
Ma collègue Valérie Létard a d’ailleurs déposé un certain nombre d’amendements allant dans ce sens et permettant d’évoluer vers une prise en compte du fait intercommunal dans la politique du logement.
Pour finir sur l’aspect du financement, je voudrais évoquer l’augmentation de la TVA dans le secteur du bâtiment. Elle risque d’être catastrophique pour la construction de nouveaux logements, et pas seulement dans le secteur social. En une année, la TVA dans le bâtiment a quasiment doublé. Certes, les deux majorités y ont participé, mais vous venez de passer la seconde couche, si je peux m’exprimer ainsi. Pour les professionnels du secteur, cette seule mesure remet en cause l’objectif de construction de 500 000 logements par an.
Enfin, je regrette que vous ignoriez l’accession sociale à la propriété, car elle participe au parcours social. Pourtant, le professeur Mouillard, spécialiste de ces questions, a précisé dernièrement qu’il fallait construire annuellement au minimum 300 000 logements en accession à la propriété pour atteindre le fameux objectif de 500 000 logements.
La crise du logement affecte aujourd’hui les classes moyennes, notamment dans les zones les plus tendues de l’Île-de-France et de la Côte d’Azur. Coincée entre l’incapacité d’accéder à la propriété et l’impossibilité d’intégrer le parc d’HLM, cette catégorie de la population souffre du faible nombre de logements intermédiaires disponibles.
M. Jean-Louis Carrère. C’est l’heure !
M. Daniel Dubois. En Île-de-France, seuls 28 % des besoins des 450 000 ménages locataires à revenus moyens seraient couverts. Il serait bon que le ministère se saisisse aussi de cette question, qui ne tardera pas à poser autant de difficultés que la gestion du logement social.
Pour toutes ces raisons, comme lors du premier passage, le groupe UDI-UC, dans sa très grande majorité, s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.
M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les péripéties purement formelles qui ont émaillé l’examen de ce texte ne doivent pas nous faire oublier l’essentiel : le logement social !
Comme le disait très justement notre collègue députée rapporteure du projet de loi à l’Assemblée nationale ainsi que, à l’instant, Daniel Dubois, la loi Bonnevay, qui créa les Habitations à bon marché, a été votée à l’unanimité il y a cent ans, le 11 juillet 1912.
Cent ans après, le logement reste au cœur des préoccupations des Français.
La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 a inclus le droit au logement dans son article 25, en précisant : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires […] ».
De même, la Charte sociale européenne a consacré son article 31 à cette question, en y proclamant : « En vue d’assurer l’exercice effectif du droit au logement, les Parties » – c’est-à-dire les pays européens signataires – « s’engagent à prendre des mesures destinées :
« 1. à favoriser l’accès au logement d’un niveau suffisant ;
« 2. à prévenir et à réduire l’état de sans-abri en vue de son élimination progressive ;
« 3. à rendre le coût du logement accessible aux personnes qui ne disposent pas de ressources suffisantes. »
Le traité européen y a également consacré un article.
Le logement décent fait donc bien partie des droits de l’homme. Il nous faut passer des droits aux faits et mettre rapidement des toits au-dessus des têtes de tous nos concitoyens.
Le 28 novembre dernier, encore une fois, malheureusement, la fondation Abbé-Pierre lançait une nouvelle campagne d’hiver. Cela fait vingt ans que celle-ci s’engage contre le mal-logement. C’en est trop !
Alors, quand l’État s’investit, quand il projette la construction de 500 000 logements, intermédiaires, sociaux et étudiants, par an, pour ce quinquennat, il nous faut s’engager à ses côtés.
On compte aujourd’hui 3,6 millions de personnes mal logées. Les bidonvilles, que l’on croyait disparus, sont en train de réapparaître. Près de 5 millions de personnes sont en situation de réelle fragilité en matière de logement et 1,2 million de demandeurs de logements sociaux sont en attente.
Il importe d’atteindre l’objectif fixé de 150 000 logements sociaux.
Madame la ministre, votre texte a été travaillé et expurgé de toutes les pierres d’achoppement. Il constitue un bon équilibre entre les préoccupations de nos collègues de l’Assemblée nationale et les nôtres, nous qui représentons les territoires, tous les territoires.
Ainsi, nous améliorons fortement l’article 55 de la loi SRU. Celui-ci fait désormais consensus, il est finalement accepté par tous et pratiqué par presque tous.
C’est justement parce qu’il convient d’améliorer encore son application que je souhaite revenir sur l’image des logements sociaux : il est nécessaire de revaloriser, au plus vite, celle des HLM.
Pourquoi ne veut-on pas, ici ou là, de logement social aujourd’hui ? Parce qu’il reste dans l’esprit d’un certain public une image de barres et de tours surpeuplées, d’immeubles grouillant de voyous et de paresseux, je caricature à peine. Or la réalité est tout autre.
Aujourd’hui, le logement social est de qualité. Il s’agit, le plus souvent, de petites résidences, qui réussissent le pari de la mixité sociale et d’une bonne intégration dans le paysage de toutes les villes.
Votre texte, madame la ministre, a été longuement débattu, ici, au Sénat, ainsi qu’à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire. Vous nous avez souvent entendus, sur le bail emphytéotique notamment, pour ne citer que cet exemple. Dès lors, je m’interroge, car un certain nombre d’amendements, déjà largement examinés, ont été de nouveau déposés. Passons maintenant à un autre débat ; celui-ci a assez duré.
La loi à venir devra être promulguée dans les meilleurs délais. Si certaines idées méritent d’être retenues et débattues, pour l’essentiel, ce texte, tel qu’il est, est un dénominateur commun de nature à permettre la création de logements dans de bonnes conditions.
Il faut en effet trois ans pour faire sortir un bâtiment du sol, entre le début du projet discuté dans le bureau du maire et l’entrée du locataire ; trois ans pour construire un immeuble dans lequel des appartements seront des logements sociaux, aux financements variés.
Nous avons eu l’occasion de le souligner lors de la séance des questions cribles thématiques organisée la semaine dernière : oui, le temps presse, afin de permettre à nos concitoyens d’être logés décemment !
N’oublions pas, en outre, que le débat sera rapidement rouvert avec la grande loi que vous nous proposerez d’ici à quelques mois.
Il reste, madame la ministre, le problème de la TVA à 5 %. Vous le savez, nombreux sont les sénateurs qui y sont attachés. Même si nous comprenons très bien les impératifs d’un redressement compétitif de la France, nous espérons que ce dossier sera rapidement rediscuté, car il constitue une incitation profonde à la construction de logements sociaux. (M. Joël Labbé applaudit.)
M. André Reichardt. Oui !
M. René Vandierendonck. Absolument !
M. Claude Dilain. Pour l’heure, le groupe socialiste votera, bien entendu, le projet de loi avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René Vandierendonck.
M. René Vandierendonck. Monsieur le président Raffarin, avec votre sens bien connu de la métaphore, vous avez coutume de dire, à propos des niches fiscales : « Quand il y a une niche, il y a un chien ! ». (Sourires.)
Madame la ministre, mes chers collègues, le dispositif Scellier, c’est une sacrée niche fiscale. Je n’ai pas eu le temps de compter le nombre de chiens, mais j’ai une idée de la taille de l’os ! (Nouveaux sourires.) Ce dispositif, s’agissant des logements vendus entre 2009 et 2012, coûtera environ 12 milliards d’euros à l’État.
Mme Bernadette Bourzai. Bel os !
M. Marc Daunis. Pour une grosse meute !
M. René Vandierendonck. Moi, ancien maire de Roubaix, je vous le dis une bonne fois pour toutes : on ne peut pas être de gauche et tolérer que le taux de TVA sur le vrai logement social, financé en PLUS ou en PLAI, ne soit pas diminué à 5 %. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et sur les travées du groupe écologiste.) Je reprends donc à mon compte le propos de Claude Dilain, car il s’agit là d’un marqueur évident ; d’autant que, comme l’a très justement souligné mon collègue de l’UMP, nous avons besoin de réfléchir également au financement du logement social.
Madame la ministre, vous avez fait coïncider la lecture de ce texte au Sénat aujourd'hui avec le lancement de la concertation sur la grande loi « Urbanisme, foncier, logement » qui sera présentée en Conseil des ministres en juin prochain.
La commission des lois a d'ores et déjà désigné deux rapporteurs, François Pillet et votre serviteur, pour faire d’ici là le tour de la question sur les outils et les moyens à mettre en place pour lutter contre la spéculation foncière. Mon vœu le plus cher est de pouvoir, avec le concours, bien sûr, de la commission des affaires économiques, présidée par Daniel Raoul, apporter ma contribution à ce sujet essentiel.
Nous sommes à peu près d’accord sur toutes les travées pour le reconnaître, la planification urbaine, telle qu’elle a été mise en œuvre en France, est mauvaise. Rien que le code de la construction et de l’habitation et le code de l’urbanisme comptent plus de 3 000 pages à eux deux ! C’est un problème qu’Éric Doligé n’a d’ailleurs pas évoqué l’autre jour.
M. André Reichardt. Il aurait pu !
M. René Vandierendonck. Essayons de simplifier, ce ne serait déjà pas mal. Essayons aussi de mieux articuler les choses là où elles doivent l’être, pour concilier, par exemple, l’édiction de règles communes et l’opposabilité des documents, et mettre ainsi fin à une lacune de la loi Voynet en matière de schéma régional d’aménagement et de développement du territoire.
M. André Reichardt. Eh oui !
M. René Vandierendonck. Et faisons, comme moi, confiance aux EPCI !
Autre aspect essentiel de la question : il convient de lutter contre les mécanismes de fragmentation sociale qui sont à l’œuvre dans notre société. Nous retrouvons là le débat sur la politique de la ville que nous avons eu, ici même, il y a quelques jours, avec votre ministre délégué.
Je forme également le vœu que l’on veille à ce que la programmation du logement social obéisse à une volonté de mixité sociale. Au-delà des mots, il faut mettre les politiques d’attribution et les plans locaux de l’habitat, nécessairement intercommunaux, plus en phase avec la réalité.
Madame la ministre, puissions-nous travailler ensemble, dans les mois à venir, de manière exemplaire, au Sénat comme à l’Assemblée nationale. Je vous encourage dans le combat qui est le vôtre. Même si le contexte est extrêmement compliqué, nous aurions tort de négliger les difficultés de financement du logement en France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur Mazars, vous avez eu parfaitement raison de souligner que le projet de loi a été significativement enrichi par le travail parlementaire. Je l’ai moi-même salué, et je m’attacherai à ce que nous ayons un débat approfondi dans le cadre de la future loi, avant et pendant son examen. En tant que membre du Gouvernement, je n’hésite pas à le dire, car j’en suis absolument convaincue et c’est aussi ainsi que je conçois mon rôle : le travail parlementaire a plus que sa place, il a toute sa légitimité.
Monsieur Labbé, je vous remercie de votre soutien. Vous avez été plusieurs, dont M. Dilain, à évoquer la question du taux de TVA dans le logement social. Chacun a entendu les arguments avancés et saisi à quel point il s’agit d’un élément déterminant au regard de la réalisation de l’objectif ambitieux que nous nous sommes fixé, à savoir la construction de 150 000 logements par an.
Le Premier ministre a lui-même parfaitement conscience de cette réalité. Il n’y a aucune raison d’en douter, il y a toute raison de lui faire confiance, la question sera traitée d’ici à la fin de l’année prochaine.
Monsieur Calvet, le nouveau dispositif d’investissement locatif, sur lequel vous avez émis des doutes, a été dimensionné pour pouvoir répondre à la demande et développer un certain type de logements, qui font actuellement défaut aujourd'hui. Je veux parler des logements intermédiaires entre le parc social et le parc privé.
Ce segment de marché était occupé par les investisseurs institutionnels. Nous travaillons à faire en sorte que ces derniers y reviennent, car il est nécessaire à la fluidité du marché locatif. Il permet, d'une part, le départ de populations issues du logement social vers un logement à un tarif plus élevé, même s’il n’atteint pas celui du marché libre, et, d'autre part, à l’inverse, l’entrée dans le logement de ménages, dont les ressources, supérieures aux plafonds prévus, ne leur permettent pas d’être accueillis dans le logement social.
C'est la raison pour laquelle nous avons dimensionné le nouveau dispositif en termes à la fois de niveaux de loyers et de zonages géographiques, pour qu’il puisse se déployer là où c’est nécessaire. Il se trouve que, parallèlement à la concertation, j’ai lancé l’étape n° 2 de la procédure mise en place à la suite de la remise du rapport sur les observatoires des loyers, réalisé par M. Vorms et Mme Baietto-Beysson. Les dix-sept observatoires de la phase expérimentale sont en place, sous l’autorité d’un comité scientifique, en attendant leur généralisation à la fin du mois de juin.
À la fin de l’année 2013, nous aurons donc, sur l’ensemble du territoire, des observatoires des loyers qui auront des données comparables. Celles-ci serviront d’outils de pilotage de la politique du logement, qui pourra être conduite bien plus finement. Nous saurons mesurer la demande sociale, qui est parfois différente suivant les territoires, et adapter les réponses, y compris en matière d’investissement locatif.
Pour résoudre la crise du logement, il faut faire feu de tout bois. Orienter une partie de l’épargne en direction de l’investissement locatif a donc du sens.
Monsieur Calvet, vos critiques et vos remarques sur les dégâts d’une partie des investissements faits dans le cadre du dispositif Scellier sont fondées. Les logements vacants auxquels vous faites allusion ont des conséquences pour leurs propriétaires, qui, déjà privés de rentrées locatives, ne bénéficient pas non plus des dispositifs fiscaux et se retrouvent, pour certains, dans des situations extrêmement périlleuses.