compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
M. Hubert Falco,
M. Jean-François Humbert.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
3
Ratification de nominations à une commission mixte paritaire
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la création de la banque publique d’investissement.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 11 décembre dernier prennent effet.
4
Simplification des normes applicables aux collectivités LOCALES
Suite de la discussion et adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la suite de la discussion de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par M. Éric Doligé (proposition n° 779 [2010-2011], texte de la commission n° 38, rapport n° 37, avis nos 25, 26 et 58).
Je rappelle que la discussion générale s’est déroulée lors de notre séance du 24 octobre dernier, qu’elle a été close et qu’une motion tendant au renvoi à la commission a été rejetée.
Nous abordons maintenant la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS APPLICABLES AUX NORMES CONCERNANT LES COLLECTIVITES TERRITORIALES
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Ne sont applicables aux collectivités territoriales que les normes issues de la loi ou de mesures réglementaires édictées par décret.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, ce texte est en quelque sorte à exécution successive, ce qui ne rend pas son suivi plus simple ! (Sourires.)
L’amendement que je présente au nom de mon groupe et dont le premier signataire est Michel Mercier, notre ancien garde des sceaux, est extrêmement simple. Il a pour objet de poser comme principe que ne sont applicables aux collectivités territoriales que les normes issues de la loi ou de mesures réglementaires édictées par décret.
Les choses semblent évidentes, mais, du point de vue de la sécurité juridique, le statut de ces normes est incertain. S’agit-il de directives administratives ou d’actes administratifs au sens strict du terme ? Cette incertitude est à l’origine de très nombreux contentieux devant les tribunaux administratifs. Aussi proposons-nous simplement de « fermer le robinet normatif », en consacrant d’emblée ce principe de saine administration.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, en remplacement de Mme Jacqueline Gourault, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je voudrais tout d’abord excuser auprès de nos collègues Mme Jacqueline Gourault, rapporteur en titre de ce texte, qui est actuellement en convalescence. Je serai donc, en quelque sorte, non seulement le représentant de la commission des lois mais également son porte-parole, la commission ayant examiné les amendements dont nous allons débattre en sa présence.
J’en viens à l'amendement n° 16 rectifié. Cette disposition est séduisante, sans aucun doute, sauf qu’elle écarte sans plus d’examen l’application de règles découlant de règlements fédéraux, alors même que le pouvoir réglementaire leur a été officiellement délégué, s’agissant par exemple d’équipements sportifs.
Il passe également sous silence le problème des textes européens, qui peuvent imposer des normes aux collectivités territoriales.
Si un certain nombre de normes sont heureusement facultatives, telles que les normes AFNOR tant qu’elles n’ont pas été étendues par voie de décret, celles qui concernent les équipements sportifs résultant des directives des fédérations internationales s’imposent souvent, de fait, aux collectivités.
Les dispositions de cet amendement, en apparence séduisantes, posent par conséquent d’importants problèmes et laissent de côté un certain nombre de voies normatives qui s’imposent aujourd’hui aux collectivités locales. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, je ferai une intervention liminaire assez générale avant l’article 1er, dans la mesure où nous avons reçu très tardivement l’avis du Conseil d’État et que nous souhaitons, avec ma collègue Anne-Marie Escoffier, que les choses soient dites en amont.
La discussion des articles de cette proposition de loi porte sur la question de l’adaptation des normes aux particularités locales. Sur ce point, le Gouvernement avait demandé l’avis du Conseil d’État, afin d’être éclairé sur les dispositions à prendre.
Cet avis rendu à la mi-novembre dernier, soit quelques jours après que nous nous fûmes réunis la première fois, conclut que notre droit contient toutes les dispositions permettant au législateur d’adapter les normes applicables aux particularités locales – contrairement à ce que nous avions pu dire à un moment donné –, sous réserve que ces adaptations respectent des principes constitutionnels d’égalité et de non-tutelle.
Je vous cite l’avis du Conseil d’État, afin qu’il figure dans le compte rendu intégral des débats du Sénat : « L’attribution d’un pouvoir réglementaire aux collectivités par la loi n’est pas, par elle-même, contraire au principe d’égalité. L’attribution par la loi de pouvoirs de dérogation à la norme nationale ou de pouvoirs d’adaptation de la norme nationale respecte même le principe d’égalité si elle remplit deux conditions : la modulation de la norme repose sur une différence objective et la différence de traitement qui en découle est en rapport direct avec le but visé par le texte de loi. Une loi peut donc prévoir dans chaque cas les circonstances qui autoriseraient les collectivités à déroger à la mise en œuvre de telle ou telle disposition.
« Il revient aussi au législateur de se saisir de cette question en mesurant à chaque fois, au cas d’espèce, si les conditions essentielles de mise en œuvre des libertés publiques ne dépendent pas uniquement des collectivités, ce qui contreviendrait à la jurisprudence constitutionnelle. Chaque loi doit prévoir l’articulation entre le pouvoir réglementaire que le Premier ministre tient de l’article 37 de la Constitution et le pouvoir réglementaire des collectivités.
« La loi peut aussi prévoir qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités de mise en œuvre d’une norme générale. Selon la situation objective rencontrée, le législateur peut parfaitement inviter le Gouvernement à prévoir les modalités concrètes de l’adaptation des normes qu’il vote à la particularité des territoires qu’il estime devoir être soumis à son attention particulière. »
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’attire votre attention sur la conclusion du Conseil d’État, que je n’étais pas en mesure de vous donner lors de notre dernier débat : « Notre droit permet déjà de faire plus et mieux que ce que nous faisons aujourd’hui ; dégager une règle générale d’adaptation des normes au niveau local serait vain. Surtout, la rédaction d’une telle règle générale la rendrait peu intelligible, suscitant une forte insécurité juridique. »
Nous prendrions donc le risque de complexifier le droit applicable aux collectivités, alors qu’il suffit de faire des lois plus claires, plus opérantes, mieux adaptées aux réalités des territoires. C’est précisément l’objectif que nous visons au travers du texte portant sur la réforme de l’action publique et la décentralisation sur lequel nous travaillons actuellement.
Nous tenions, avec Anne-Marie Escoffier, à vous faire part officiellement, en séance publique, de ces précisions.
J’en viens maintenant à l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 16 rectifié. Cet amendement vise sans doute, dans un souci de clarté, à identifier précisément les normes opposables aux collectivités territoriales, mais il présente des faiblesses juridiques, comme l’a d'ailleurs indiqué M. le rapporteur.
Dans sa rédaction actuelle, on peut s’interroger sur la portée de cette disposition. Plusieurs interprétations sont possibles.
Une interprétation stricte conduit à en conclure que seules les normes visées dans l’article additionnel sont applicables aux collectivités territoriales, c’est-à-dire les lois ou les décrets, ce qui exclut les arrêtés, qui ne seraient plus applicables aux collectivités, mais également les règles d’un rang supérieur à la loi dans la hiérarchie des normes, à savoir les règlements européens, voire la Constitution, ce qui n’est pas envisageable, vous en conviendrez largement avec moi. Dans l’ordre juridique national, les collectivités territoriales ne sauraient se soustraire aux normes de valeur constitutionnelle d’application directe, par exemple celles qui sont issues de la Charte de l’environnement.
Pour toutes ces raisons, vous en conviendrez sans doute vous-même, la première interprétation ne peut être la bonne.
La seconde interprétation est plus souple. Elle permettrait de considérer que seuls les arrêtés ne sont pas applicables aux collectivités. Or la nature des actes réglementaires n’est pas conditionnée par les catégories de publics concernés, mais par des considérations tenant à la répartition des compétences au sein de l’exécutif et aux conditions d’exercice du pouvoir réglementaire.
En l’absence de précisions apportées par les auteurs de cet amendement, en regard de son objet et de sa portée, le Gouvernement ne peut qu’être hostile au principe visant à soustraire les collectivités à l’application de tous les actes juridiques autres que les lois et les décrets.
Madame Goulet, je pense donc que vous allez allègrement retirer cet amendement ! (Sourires.)
M. le président. Madame Goulet, l’amendement n° 16 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Goulet. « Allègrement », je ne sais pas, mais je le retire, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 16 rectifié est retiré.
L'amendement n° 24, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi reconnaît le principe de proportionnalité des normes notamment celles applicables aux collectivités territoriales.
Le préfet est en charge dans chaque département d'en faire respecter l'application.
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Compte tenu de l’avis du Conseil d’État que vient de lire Mme la ministre, le retrait de cet amendement s’impose, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Doligé et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-5-1. - La loi ou le règlement, selon le cas, peuvent prévoir, pour leur application, des mesures d’adaptation conformes aux objectifs poursuivis si la mise en œuvre des prescriptions et procédures techniques qu’ils fixent, entraîne, pour les collectivités territoriales et leurs groupements, des conséquences matérielles, techniques ou financières manifestement disproportionnées au regard de ces objectifs.
« Les dispositions prévues au premier alinéa ne sont pas applicables aux mesures résultant des engagements internationaux ou européens à caractère obligatoire. »
La parole est à M. Éric Doligé.
M. Éric Doligé, auteur de la proposition de loi. Je vous remercie, mesdames les ministres, de votre présence conjointe pour l’examen de ce texte, qui me paraît important.
Madame Lebranchu, nous apprécions que vous nous ayez lu l’avis du Conseil d’État, même reçu tardivement, car il est éclairant. Ce texte aura déjà eu l’intérêt, en quelque sorte, de dire le droit ou au moins la règle, de sorte que le Gouvernement et les parlementaires réfléchiront bien, chaque fois qu’ils rédigeront un projet ou une proposition de loi, à sa clarté et à ses applications, voire à son adaptabilité, puisque, à la limite, chaque loi peut être adaptable en fonction d’un certain nombre de critères.
L’article 1er ayant été supprimé, cet amendement vise à rétablir l’article dans une rédaction bien plus simple et plus brève, afin d’introduire, parmi les principes généraux de la décentralisation fixés par le code général des collectivités territoriales, qui déterminent, notamment, les normes opposables aux collectivités, un principe général d’adaptation, selon des critères objectifs, des prescriptions et procédures techniques législatives et réglementaires applicables aux collectivités territoriales.
M. le président. Le sous-amendement n° 25, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :
Amendement n° 2, alinéa 3
Remplacer les mots :
peuvent prévoir
par les mots :
prévoient
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Ce sous-amendement devrait subir le même sort que l’amendement précédent. J’attends donc l’avis de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yves Détraigne, rapporteur. Mme Goulet et M. Doligé l’ont pressenti : l’avis du Conseil d’État que nous a présenté Mme la ministre nous conforte dans notre demande de retrait de l’amendement n° 2 et du sous-amendement n° 25. À défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même si je comprends la genèse de cet amendement et de ce sous-amendement, ainsi que la volonté de leurs auteurs, il n’est pas possible d’improviser en droit. L’avis du Conseil d’État, que je viens de lire, s’impose, je n’y reviens pas.
Je demande donc le retrait de cet amendement et de ce sous-amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Doligé, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Éric Doligé. Je rappelle que le Conseil d’État avait déjà rendu un avis au début du mois d’octobre dernier au président du Sénat. Il a donc beaucoup travaillé sur ce sujet, car il a dû préciser de nouveau son avis… Peut-être serait-il intéressant de substituer à l’article 1er l’avis du Conseil d’État ? (Sourires.)
Cela dit, puisqu’il est globalement satisfait par l’avis du Conseil d’État, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré.
En conséquence, le sous-amendement n° 25 n'a plus d'objet.
L'amendement n° 12 rectifié ter, présenté par MM. Détraigne et Maurey, Mmes N. Goulet, Férat et Létard, MM. Pozzo di Borgo, Amoudry, Roche, Bockel, J.L. Dupont, Marseille, Merceron, Dubois, Tandonnet et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l’article L. 1111-5 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 1111-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 1111-5-1. - Par dérogation aux dispositions de l’article L. 1111-5, et pour les seules décisions qui relèvent de leur compétence, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, lorsque des dispositions de nature réglementaire prises en application de dispositions législatives leur imposent la réalisation de prestations ou de travaux techniquement ou financièrement disproportionnés par rapport aux besoins à satisfaire ou à leurs capacités financières, mettre en œuvre des mesures de substitution adaptées à la condition que ces dernières satisfassent aux objectifs poursuivis par la loi.
« Le présent article n’est pas applicable aux dispositions réglementaires organisant les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ou transposant des normes à caractère obligatoire édictées par l’Union européenne ou une organisation internationale. »
La parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Je le retire, monsieur le président, pour les raisons invoquées précédemment.
M. Jean-Pierre Michel. Après avoir écouté la déclaration liminaire du Gouvernement et la lecture de l’avis du Conseil d’État, je tiens à dire que nous ne sommes pas hostiles à toute adaptabilité des normes. Toutefois, il faut désormais compter avec l’avis du Conseil d’État, qui est très clair.
Le Président de la République a lui-même évoqué la question de l’allégement des normes lors des États généraux de la démocratie territoriale. Il conviendra de revenir sur ce sujet et de voir ce qu’il est possible de faire dans le cadre global des lois de décentralisation.
À la suite de ces mêmes États généraux, le président Bel a demandé à Jean-Pierre Sueur et à Jacqueline Gourault de réfléchir également à cette question. Une proposition de loi a été déposée. Elle sera examinée à la fin du mois de janvier prochain. Son rapporteur a été désigné ; il s’agit de notre collègue Alain Richard.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il n’a pas encore été désigné !
M. Jean-Pierre Michel. Il le sera prochainement, et ce sera vraisemblablement notre collègue Alain Richard, grand spécialiste de cette question au Conseil d'État, on peut le dire. (Sourires.)
Pour notre part, nous voterons ce texte, si les choses se déroulent normalement. Une fois cette proposition de loi adoptée, nous disposerons d’un certain nombre d’articles qui nous permettront d’avancer. Ensuite, à la fin du mois de janvier prochain, d’autres dispositions nous seront soumises. Enfin, madame la ministre, peut-être serons-nous amenés à examiner d’autres dispositions lorsque vous nous présenterez votre projet de loi sur la décentralisation.
Tout ceci nous satisfait et devrait également satisfaire les nombreux élus locaux qui réclament plus de souplesse dans l’application des normes par les conseils municipaux.
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Permettez-moi d’ajouter un bref commentaire à l’échange qui vient d’avoir lieu et de préciser le mode d’emploi d’un avis du Conseil d’État. Comme son nom l’indique, il ne s’agit pas d’une décision.
M. Alain Richard. Le Conseil d’État rend un avis au Gouvernement, à sa demande, laquelle doit préciser quelles sont les questions auxquelles il lui faut répondre.
M. Doligé proposait de faire un article de l’avis du Conseil d’État. S’il ne faut pas le faire, c’est parce qu’un tel avis a pour vocation de faire un résumé du droit existant. Il n’apporte rien au droit en vigueur : il l’explicite et il en fait la synthèse.
Je remercie donc beaucoup Mme la ministre de nous avoir communiqué l’avis du Conseil d’État. Cela nous permettra de le lire de façon plus réfléchie et d’en disposer durant tous nos travaux sur la question des normes.
Par ailleurs, M. le président du Sénat a répondu – je ne commenterai pas cette réponse – à Jean-Pierre Sueur, qui, à la demande de quelques-uns d’entre nous, l’avait questionné sur l’usage des avis rendus par le Conseil d’État sur des propositions de loi. Le premier cas a précisément été la proposition de loi de notre collègue Éric Doligé. Je le rappelle, le principe est que les avis du Conseil d’État ne sont pas publics, sauf exception, avec l’accord du Gouvernement. Or l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi restera à la disposition de l’auteur de la proposition, qui en aura, en quelque sorte, la propriété intellectuelle.
Cette réponse, que je respecte parfaitement, demandera tout de même un petit effort d’interprétation, car, dans le cas où il y aura plusieurs auteurs, la décision de diffuser l’avis devra être prise en commun.
Je souligne en outre que le Gouvernement est collégial. Lorsqu’un avis est rendu sur un projet de loi par le Conseil d’État, tous les ministres en disposent donc.
Si l’auteur d’une proposition de loi décide, à la suite d’un avis nuancé du Conseil d’État, de ne pas donner suite, il peut tout à fait ne pas faire circuler l’avis. En revanche, une fois que la proposition de loi est mise en débat, la collégialité est celle de l’ensemble de l’Assemblée, me semble-t-il. Je crois donc que, sauf raisons impérieuses, l’auteur de la proposition de loi doit faire connaître à l’ensemble de ses collègues, en particulier aux membres de la commission et au rapporteur, la totalité de l’avis du Conseil d’État. Cela permettra à tous de profiter des clarifications qu’il comporte et, éventuellement, des conseils qu’il contient.
M. le président. L’article 1er demeure supprimé.
Article 2
L’article L. 1211-4-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :
« Art. L. 1211-4-2. – I. – Il est créé, au sein du comité des finances locales, une formation restreinte, dénommée commission consultative d’évaluation des normes.
« Elle est composée de représentants des administrations compétentes de l’État, du Parlement et des collectivités territoriales. Elle est présidée par un représentant élu des collectivités territoriales.
« II. – Elle est consultée sur l’impact financier, quel qu’il soit, des mesures réglementaires créant ou modifiant des normes à caractère obligatoire applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, préalablement à leur adoption, sous réserve des dispositions de l’article L. 1211-5.
« Elle est également chargée d’émettre un avis sur les propositions de textes communautaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales et leurs établissements publics.
« Sont en revanche exclues de cette consultation les normes directement justifiées par la protection de la sûreté nationale.
« Le Gouvernement informe la commission des motifs qui le conduise à s’écarter des avis de cette dernière.
« Les avis défavorables de la commission sont motivés. Le Gouvernement dispose d’un délai de deux mois pour présenter un nouveau projet devant la commission.
« Chaque année, la commission examine les évolutions réglementaires applicables aux collectivités territoriales intervenues au cours des années précédentes dans un domaine déterminé et évalue leur mise en œuvre et leur impact au regard des objectifs poursuivis. Ce rapport est remis au Gouvernement et au Parlement.
« Le Gouvernement peut la consulter sur tout projet de loi ou tout projet d’amendement du Gouvernement concernant les collectivités territoriales.
« III. – La composition et les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par décret en Conseil d’État. »
M. le président. La parole est à M. Christian Favier, sur l'article.
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat parlementaire sur cette proposition de loi est, me semble-t-il, un peu surréaliste.
C’est en effet la troisième fois que ce texte est examiné en séance. Or, on le voit bien, il ne suscite toujours pas un grand enthousiasme ni de la part de la commission, qui l’a pourtant adopté, contre toute attente, ni de l’auteur du texte lui-même, qui a désormais, me semble-t-il, un peu de mal à le reconnaître.
Bien que nous ayons débattu de nombreuses heures de ce texte, nous sommes restés sur des thématiques générales, sans réellement examiner le fond. La proposition de loi contient diverses mesures disparates, sans cohérence entre elles, bien souvent éloignées de l’objet du texte, et qui changent les normes mais ne les diminuent pas.
Le cœur de ce texte était en fait son article 1er, lequel a fort heureusement été supprimé par la commission. Divers amendements visant à rédiger cet article et à mettre en œuvre un principe de proportionnalité des normes viennent de nouveau d’être débattus. Je me félicite évidemment que cet article soit maintenant définitivement supprimé.
Pour notre part, nous récusons la notion de proportionnalité des normes. Nous ne reconnaissons que le principe républicain d’égalité des citoyens devant la loi. Nous ne sommes évidemment pas favorables à une loi à géométrie variable.
Avec l’examen de l’article 2, qui porte sur la nouvelle commission consultative d’évaluation des normes, ainsi que des articles additionnels, nous allons ouvrir un débat qui devrait se poursuivre au moins lors de l’examen du futur projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique. Un avant-projet de loi circule déjà, qui traite aussi du sujet de l’article 2. J’ignore évidemment quelle est la qualité de ce texte, mais je sais qu’il diffère de la proposition de loi que viennent de déposer Jean-Pierre Sueur, le président de la commission des lois, et notre collègue Jacqueline Gourault. C’est dire combien les positions sont encore mouvantes et confuses !
L’avenir de cette proposition de loi est pour le moins fragile. Quant à l’article 2, il devrait connaître d’importantes modifications avant même de s’appliquer.
Nous sommes donc dans l’expectative. Nous pensons que le renvoi du texte à la commission aurait été une bonne solution. Cela aurait permis d’associer l’ensemble des réflexions sur ce sujet à une réforme globale de l’action publique.
Aussi ne nous associerons-nous pas à cette sorte de course de vitesse pour tenter de déterminer qui, le premier, parviendra à faire adopter un texte sur les normes. Le sujet, à mon avis, est trop important, pour que l’on se livre à un tel exercice. Les préoccupations des élus locaux sont trop sérieuses pour être traitées ainsi.
Dès le premier examen de cette proposition de loi en séance, une majorité d’entre nous ont pensé que les sujets qui y étaient traités étaient bien trop vastes pour qu’une issue puisse être trouvée dans le cadre d’une niche parlementaire. Cela reste vrai aujourd’hui encore.
Ce texte ne prévoit pas simplement des mesures de simplification, comme le laisse entendre son intitulé. Il propose également un ensemble de nouvelles normes, lesquelles semblent parfois relever plus du règlement que de la loi, dans de multiples domaines de compétences, et dont certaines semblent être appelées à être modifiées prochainement.
Pour notre part, nous pensons que, avant de s’attaquer aux normes, il faudrait peut-être commencer par clarifier les compétences des collectivités.
Enfin, vous le savez, mes chers collègues, certaines propositions, en particulier celles qui concernent les CCAS, sont pour nous inacceptables. Nous nous sommes déjà exprimés lors de précédents débats sur ce sujet.
Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur de nombreux articles et nous voterons contre les autres. Du reste, chacun comprendra que, ayant déposé une motion tendant au renvoi du texte à la commission, nous ne pouvons adopter cette proposition de loi en l’état.
Compte tenu de l’appréciation globale que nous portons sur cette proposition de loi, en l’état actuel de sa rédaction, il serait logique que nous votions contre. Toutefois, la disparition de certains articles, comme l’article 18 concernant les CCAS, pourrait peut-être faire évoluer notre vote vers une abstention que l’on pourrait qualifier de « constructive ». Nous serons attentifs aux débats qui vont suivre.