M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bonne remarque !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous parlons en effet de montants relativement importants. Pour le FSI, cela représente 3,6 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros pour l’État et 1,9 milliard d’euros pour la CDC. Pour OSEO, cela représente 500 millions d’euros – 365 millions d’euros pour l’État et 135 millions d’euros pour la CDC – sur le milliard d’euros de recapitalisation qui devait s’opérer à la suite de la création de la filiale OSEO Industrie par la loi du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, la fameuse « banque de l’industrie ».
En tout état de cause, la BPI, que nous allons mettre en place, aura une capacité d’action tout à fait importante.
Côté crédits, en reprenant le profil de risque actuel des prêts octroyés par OSEO, la capacité totale de prêts du groupe devrait être de l’ordre de 20 milliards d’euros. Avec l’effet d’entraînement de ces prêts sur les banques privées – on sait que c’est, en moyenne, de 1 pour 1 –, les concours bancaires totaux à destination des PME et des ETI qui en seraient issus devraient donc représenter un total de 40 milliards d’euros.
En outre, la capacité de prise de risque en garantie totale de cet établissement s’élèverait à 13 milliards d’euros, ce qui permettrait de faciliter l’octroi de plus de 26 milliards d’euros de concours bancaires supplémentaires.
Enfin, la capacité de la branche « innovation », qui dépend des dotations budgétaires et du niveau de risque retenu, serait de l’ordre de 600 millions d’euros par an pour le soutien individuel et collaboratif de projets innovants.
Côté investissement en capital, il est prévu une capacité d’intervention de l’ordre de 1,8 milliard d’euros par an.
De plus, comme je l’ai déjà souligné, la BPI sera étroitement associée à Ubifrance et à la COFACE, dont elle distribuera les produits dans son réseau.
La BPI, groupe financier public, aura donc les moyens de sa politique. Elle sera en mesure d’imprimer une stratégie cohérente du financement public de l’économie et des entreprises, en particulier des PME et des sociétés innovantes et exportatrices.
Bien entendu, afin d’agir efficacement, elle devra avoir accès à des ressources financières en quantité suffisante et aux meilleures conditions possibles.
Or, dans cet hémicycle comme en dehors, certains craignent que, à l’issue de la création de la BPI, le nouvel établissement ne se refinance paradoxalement à des conditions moins avantageuses que l’actuel OSEO. Certains amendements s’alimentent d’ailleurs d’une telle crainte, et nous aurons à en débattre.
Cette crainte tient au choix de la structure du groupe retenue par les deux actionnaires, qui consiste à placer à la tête de l’ensemble une holding faîtière, dénommée BPI-Groupe, chapeautant la totalité des filiales opérationnelles. Certains se demandent en particulier si le fait de placer un niveau d’interposition entre des actionnaires à la solidité incontestable et la filiale active en matière de crédit ne perturbera pas les investisseurs susceptibles de souscrire les émissions obligataires de cette dernière. D’autres s’interrogent quant à la capacité de la BPI de se refinancer auprès de la Banque centrale européenne.
Monsieur le ministre, je crois donc nécessaire que vous puissiez, d’une part, rassurer le Sénat sur ces différents points, en nous confirmant que les émissions du nouvel ensemble bénéficieront toujours de la garantie de l’établissement public BPI-Groupe, et, d’autre part, nous éclairer sur les raisons qui ont poussé l’État et la CDC à privilégier le schéma ainsi retenu.
Mes chers collègues, je vous l’ai dit, dans Banque publique d’investissement, il y a « banque publique ». Il s’agit d’un élément fort d’identité. Une banque publique ne doit pas être une banque comme les autres. Tout en agissant, naturellement, en investisseur avisé, elle doit savoir faire ce que les autres ne font pas.
Elle doit savoir se montrer audacieuse et prendre certains risques qui en valent la peine. Elle doit se montrer présente sur ces segments que les banques classiques ne financent pas, ou ne financent pas seules, et dont notre économie a pourtant tant besoin. Je veux parler des entreprises en amorçage, des petites et moyennes entreprises manufacturières du secteur industriel ou encore des PME exportatrices.
La BPI doit savoir oser. Elle doit pouvoir entraîner les autres à sa suite.
La BPI doit aussi faire reposer son action sur des principes.
En commission des finances, certains ont ironisé. Mais nous assumons ! Nous sommes même fiers que le Parlement se soucie de valeurs quand il crée une banque publique.
Nous assumons que cette banque ait à soutenir l’emploi et la compétitivité de l’économie. Nous assumons qu’elle ait à appuyer les politiques publiques tournées vers les secteurs d’avenir. Nous assumons qu’elle ait vocation à mettre en œuvre la transition écologique.
Nous assumons, de la même manière, que la BPI soit soucieuse, quand elle intervient, de prendre en compte dans ses pratiques les enjeux environnementaux, sociaux ou encore d’égalité professionnelle, c'est-à-dire, en un mot, qu’elle ne se résume pas à un animal financier à sang froid.
Ce choix de ne pas tourner le dos au monde dans lequel elle vivra se reflète aussi dans ses futurs modes de gouvernance.
Au sommet, un conseil d’administration aura évidemment à prendre les décisions les plus importantes qui engageront son avenir. C’est là une chose normale.
Mais nous assumons le choix de placer, à côté de ce conseil, un comité national d’orientation, présidé par un président de région, par définition impliqué au premier chef dans la vie économique de son territoire, qui s’exprimera sur les orientations stratégiques de la BPI, sur sa doctrine d’intervention et sur la façon dont elle doit remplir ses missions d’intérêt général.
Nous assumons le choix de décliner ce comité au niveau régional, près de l’économie réelle, afin d’articuler au mieux l’action de tous les acteurs publics d’un territoire et de faire en sorte que l’action de la BPI soit pleinement cohérente avec les stratégies régionales de développement économique.
Nous assumons enfin le choix de faire de la BPI une banque exemplaire dans un monde financier très largement dominé par des hommes, en affichant la parité entre les femmes et les hommes à tous les étages de gouvernance : comités régionaux d’orientation, comité national d’orientation et conseil d’administration. À cet égard, je rends hommage à l’esprit pionnier du Sénat et à notre collègue Jean-Vincent Placé, qui avait déjà osé prôner la parité pour des fonctions à responsabilités en matière financière s’agissant du Haut Conseil des finances publiques.
M. Jean-Vincent Placé. Merci, monsieur le rapporteur général !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons trouvé ici une concrétisation nouvelle de ce principe.
Cependant, mes chers collègues, les parlementaires que nous sommes doivent savoir rester modestes ; au Sénat, nous le savons fort bien. (Sourires.)
Une fois que nous aurons voté ce texte et contribué à faire exister la Banque publique d’investissement, l’essentiel restera à faire.
M. Francis Delattre. Ça, c’est vrai !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. En effet, cette banque, ce n’est pas nous qui la bâtirons ; ce seront les personnes qui y travailleront, au premier rang desquelles le futur directeur général de la société de tête, la société anonyme BPI-Groupe.
Il faudra beaucoup de finesse et de volonté pour rassembler des énergies aujourd’hui éparses ainsi que pour faire de différentes « maisons » à la culture d’entreprise diverse et forte un ensemble harmonieux qui sache marcher d’un seul pas. Il faudra de l’énergie pour définir une stratégie précise et la décliner sur le terrain.
Bref, en la matière, le choix des personnes compte. Il est même capital. C’est pourquoi il m’a paru indispensable que le directeur général, futur « chef d’orchestre » de la Banque publique d’investissement, soit choisi en associant le Parlement, c’est-à-dire après la procédure d’avis public des commissions compétentes définie au cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, comme l’est d’ailleurs actuellement le « patron » d’OSEO.
J’ai donc déposé le 23 octobre dernier une proposition de loi organique en ce sens. Je suis heureux que nous ayons à débattre, en même temps que du projet de loi relatif à la création de la BPI, d’une proposition de loi organique s’inscrivant dans le même esprit et qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.
Nous avons, sur un point, modifié le texte des députés lors de la réunion de la commission des finances, mercredi dernier. Il nous a paru opportun de limiter l’usage de cette procédure solennelle et contraignante à la nomination du seul directeur général de la société anonyme, sans y ajouter, comme l’Assemblée nationale l’a imaginé, celle du président de l’établissement public BPI-Groupe. Il ne nous a pas semblé que cette dernière nomination était particulièrement stratégique dans un nouveau contexte où celui-ci aura principalement pour rôle de porter la participation de l’État.
Je suis heureux que le Gouvernement ait partagé cette analyse quand nous avons examiné cet amendement. Donner « l’onction parlementaire » à plusieurs personnalités d’un même ensemble au sens large peut contribuer à créer des conflits de légitimité qui n’ont pas lieu d’être. Il est, au contraire, plus clair que la BPI n’ait à sa tête qu’un dirigeant ainsi désigné.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cheminant vers ma conclusion, je veux simplement émettre le souhait que la création de la Banque publique d’investissement puisse rassembler toute la majorité, bien sûr, mais également qu’elle nous permette d’aller au-delà des clivages partisans.
Ce projet de loi rationalise des structures utiles, mais que nous avons empilées sans y prendre garde et sans leur donner une feuille de route commune. Il va plus loin que ce qu’ont fait Jacques Chirac en créant OSEO et Nicolas Sarkozy en augmentant la voilure de ce même OSEO et en créant le FSI. Pour autant, ce projet de loi, voulu et porté par François Hollande, ne s’inscrit pas en opposition avec l’action de ses prédécesseurs.
M. André Reichardt. Ça change !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La motivation est la même ; seule l’ambition est plus grande. Les moyens et l’exemplarité, nous l’avons vu, seront au rendez-vous.
Ce projet de loi est une chance pour notre économie et pour nos entreprises. C’est donc avec conviction, mes chers collègues, que je vous appelle à l’adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui met en œuvre le premier des soixante engagements du Président de la République, celui de créer une banque publique d’investissement. Ce sera un outil essentiel pour le rétablissement de la compétitivité de notre pays, un outil au service d’une politique de croissance durable et de l’emploi.
Nous le savons tous, les TPE, les PME et les ETI de notre pays ont souvent du mal à financer leurs projets de développement. Or, lors de notre visite dans le Bade-Wurtemberg, nous avons pu constater quelle était la puissance industrielle allemande, grâce à ses clusters, à ses écosystèmes productifs, mais aussi grâce à une banque d’investissement publique qui aide les petites et moyennes entreprises et crée de véritables politiques de filières.
Les critères de rentabilité et de risque des financeurs privés, notamment des banques, empêchent d’éclore nombre de projets innovants. C’est le constat de ces défaillances du marché qui justifie, en premier lieu, l’intervention financière des pouvoirs publics, cette intervention ayant pour objet d’entraîner les financeurs privés par des mécanismes de cofinancement. L’idée repose sur le principe d’entraînement.
La nécessité de cette action publique est admise depuis longtemps. Vous connaissez tous le rôle d’OSEO et celui de la Caisse des dépôts et consignations dans ce domaine. Je tiens d’ailleurs à souligner la qualité du travail réalisé par ces institutions. Il y a chez OSEO une culture de la proximité, de la simplicité et de la réactivité qui est appréciée des entreprises. Il y a dans les filiales de la Caisse des dépôts et consignations une vraie expertise dans le domaine des fonds propres ; sans elle, aujourd’hui, le marché français du capital-investissement serait complètement sinistré.
La finalité de la création de la BPI n’est donc pas de sanctionner une carence des outils existants, mais, au contraire, elle est de s’appuyer sur des compétences et sur des qualités reconnues pour leur offrir un cadre plus ambitieux, capable de mieux répondre aux insuffisances actuelles du financement de notre économie.
Notre dispositif d’appui financier aux entreprises est en effet, cela a été souligné avant moi, trop complexe et trop dispersé. L’État, la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que les régions agissent au travers de dispositifs incroyablement nombreux et divers. Cela pose un problème évident de cohérence dans le pilotage d’ensemble. Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés pour que les acteurs communiquent mieux, à la fois sur le plan stratégique et sur le plan opérationnel. Cependant, il faut aller beaucoup plus loin.
La BPI va permettre l’intégration d’OSEO et des filiales de la Caisse des dépôts et consignations dans un ensemble bénéficiant désormais d’une direction unique et mettant en œuvre une stratégie définie de façon plus cohérente. L’association des régions à la gouvernance de la BPI ira dans le même sens.
L’objectif final de cette rationalisation du dispositif n’est évidemment pas de créer un beau schéma sur le papier. Il est de mettre fin à l’empilement des outils de financement sur le terrain, et donc de rendre l’offre de financement public plus lisible et plus accessible pour les entreprises. Cela répond à une demande du monde économique. J’ai reçu les représentants de la CGPME, la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, qui me l’ont confirmé.
Le second grand objectif de la création de la BPI est de renforcer les liens entre les outils de financement et la stratégie de développement économique, au niveau tant national que régional. C’est également un point très important.
La BPI aura, d’une part, une mission de financement qu’on pourrait qualifier de générale ou de systémique en direction des PME et des TPE. Toute entreprise ayant un projet et des difficultés à le financer pourra s’adresser à elle.
Cependant, la BPI aura, d’autre part, et ce point est beaucoup plus novateur, une mission de financement ciblé sur des priorités nationales définies par l’État. Par ce dernier aspect, la BPI ne se situera plus strictement dans le champ des justifications à l’intervention économique de l’État, qui est de pallier les défaillances du marché. Elle se rattachera à une tradition différente : celle de l’État stratège et organisateur.
La BPI viendra ainsi soutenir, j’y reviendrai, les grandes priorités dans le domaine de la politique industrielle – M. le ministre l’a rappelé à l’instant –, notamment en matière d’organisation des filières. Sans politique de filières, il n’y a pas de politique industrielle viable. Elle apportera également son soutien dans le domaine de la transition écologique et énergétique.
Je ne reviendrai pas sur la présentation du schéma d’organisation et sur les règles de gouvernance prévues pour la BPI, car le ministre et le rapporteur général l’ont déjà fait. La position de la commission des affaires économiques du Sénat est que le texte a atteint sur ces questions un point d’équilibre satisfaisant. Je tiens d’ailleurs à saluer tant la qualité du texte initial transmis au Parlement que la qualité du travail d’amendements réalisé par les députés et par nos collègues de la commission des finances.
Parmi les changements apportés au texte qu’il me semble important de souligner, je citerai, en particulier, l’introduction d’un principe de parité dans les organes de gouvernance de la BPI.
Mme Michèle André. Bravo !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Cela répond, comme la représentation des salariés au conseil d’administration, à un souci d’exemplarité de la gouvernance de la banque.
De même, je me félicite du renforcement du contrôle du Parlement sur la BPI. C’est une disposition d’autant plus nécessaire que le projet de loi pose un cadre d’action général et qu’une grande partie de la réforme va se tenir dans la mise en œuvre opérationnelle de la nouvelle banque. Le Parlement doit donc avoir un droit de regard sur cette phase opérationnelle.
Nos débats, aujourd’hui, permettront d’apporter quelques avancées supplémentaires. Je présenterai d’ailleurs au nom de la commission des affaires économiques un certain nombre d’amendements. Toutefois, il ne me paraît pas utile, comme certains en ont émis le souhait, de modifier profondément l’organisation de la BPI par rapport au schéma prévu, qui est satisfaisant.
Des schémas de substitution ont été évoqués dans la presse. L’un d’eux prévoit de « remonter » la filiale crédit correspondant à l’actuel OSEO pour en faire la tête de groupe.
Le principal argument avancé est financier. Actuellement, la SA OSEO finance en effet son activité de crédit en levant des fonds sur les marchés financiers et elle le fait à un coût très faible – taux souverain plus 20 points de base –, parce que, du point de vue des marchés, la SA OSEO bénéficie de la garantie totale de l’État français via l’EPIC, l’établissement public à caractère industriel et commercial, OSEO.
Or certains craignent que le nouvel organigramme dans lequel la holding BPI s’intercale entre l’État et la filiale crédit soit perçu comme une forme de désengagement de l’État et que cela aboutisse à un coût de refinancement plus important.
Chers collègues, je n’y crois pas un instant. La filiale crédit de la BPI, dans le schéma du projet de loi, est adossée à une tête de groupe, qui bénéficie à 100 % de la garantie de l’État et de la CDC, dont la qualité de signature est équivalente. La garantie des pouvoirs publics dans la BPI-crédit est donc totale ; d’ailleurs, elle est déjà reconnue par les marchés. Si ces derniers, qui connaissent depuis plusieurs semaines l’organisation prévue pour la BPI, avaient un doute sur la qualité des émissions de la BPI-crédit, ils l’auraient déjà exprimé par une perte de confiance envers OSEO qui est appelé à devenir cette filiale de crédit. Or le taux de refinancement d’OSEO ne s’est pas détérioré.
Par ailleurs, je tiens à le rappeler, faire remonter OSEO en position de tête de groupe ferait entrer les banques privées actionnaires d’OSEO dans le capital de la société mère à hauteur de 2 %.
M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très juste !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Ces banques seraient donc représentées dans le conseil d’administration, ce qui ne me paraît pas souhaitable. La BPI doit rester une banque publique !
Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Très bien !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Certains voudraient aussi renforcer davantage la place des régions. Comme M. le ministre l’a précisé, des ajustements sont évidemment souhaitables et possibles. Je présenterai d’ailleurs un amendement en ce sens. L’essentiel est que l’on reste dans le cadre d’une association étroite des régions à la gouvernance de la BPI, mais sans remettre en cause la responsabilité première de l’État dans son pilotage.
Cette formule est juste et équilibrée. En effet, les régions font beaucoup pour accompagner les entreprises sur leur territoire. Elles sont en lien avec les communautés urbaines, les communautés d’agglomération, les communautés de communes, les départements. Elles ont un savoir-faire maintenant historique. Il serait donc dommage de s’en priver.
Il est donc essentiel que la gouvernance de la BPI reflète cette réalité. Pour autant, le pilotage stratégique de la BPI doit rester sous la responsabilité première de l’État et son pilotage opérationnel sous celle de son directeur général. La BPI est en effet, comme je l’ai souligné, un outil au service d’une stratégie nationale de soutien aux entreprises, de restauration de la compétitivité, ainsi que de stimulation de la croissance et de l’emploi. Son capital sera détenu à parité par deux acteurs, l’État et la CDC, dont le périmètre d’action et les objectifs sont clairement du ressort national.
Voila donc pour la position de la commission des affaires économiques sur l’organisation de la future BPI.
J’en viens maintenant aux missions et à la doctrine d’intervention de la BPI.
Dans sa rédaction initiale, l’article 1er du texte, qui définit ces missions, était très concis, pour ne pas dire elliptique parfois. L’essentiel y figurait, c’est vrai, mais on restait un peu sur sa faim compte tenu de l’importance du texte. Les députés ont donc opportunément introduit plusieurs précisions pour mieux fixer le cadre d’action de la BPI.
Ils ont tout d’abord clairement indiqué que la BPI orientera en priorité son action vers les TPE, les PME et les ETI, en particulier dans le secteur industriel. Cette précision est importante.
Ils ont ensuite mieux défini le champ de son offre, en précisant qu’elle développera une offre de service et d’accompagnement des entreprises dans leurs projets de développement. On passe ainsi d’une offre de produits financiers stricto sensu à une offre intégrée mêlant à la fois produits financiers et service d’accompagnement.
Nous le savons, chers collègues, quand une entreprise est accompagnée, elle a beaucoup plus de chance de réussir.
C’est un point qui me paraît essentiel : la BPI ne sera pas seulement un guichet qui offrira un catalogue de produits standardisés répondant à des besoins de financement prédéfinis. Les chargés d’affaires de la BPI devront entrer dans un dialogue stratégique avec les entreprises en leur apportant un regard extérieur, une analyse, un conseil sur leurs possibilités de développement.
L’enjeu est de les guider vers les bons outils, de les pousser à l’innovation, à la croissance et à la recherche de gains dans l’efficacité opérationnelle. Cela se fait déjà en partie bien sûr, mais de manière informelle. La future loi systématisera cette démarche en l’inscrivant dans les missions mêmes de la BPI.
Au passage, cela justifie d’autant plus la fusion d’Ubifrance au sein de la BPI, puisque le métier d’Ubifrance est axé sur l’accompagnement vers l’export.
Les députés ont également explicité la doctrine de la banque. Elle interviendra en investisseur avisé de long terme et agira en complémentarité avec les acteurs financiers privés en favorisant la mobilisation de l’ensemble du système bancaire sur les projets qu’elle soutient.
Je tiens cependant à souligner qu’elle ne fera pas que cela. Dans le domaine des subventions à l’innovation et des interventions en garantie, on est en effet sur des opérations d’où le marché est souvent absent, ce qui justifie pleinement une intervention selon des critères d’intérêt général.
Par ailleurs, les députés ont précisé la fonction stratégique de la BPI en indiquant qu’elle viendra en appui de diverses stratégies nationales : elle accompagnera la politique industrielle, notamment pour soutenir les stratégies de développement de filières ; elle participera au développement des secteurs d’avenir, de la conversion numérique et de l’économie sociale et solidaire ; elle contribuera à la mise en œuvre de la transition écologique ; elle pourra stabiliser l’actionnariat de grandes entreprises porteuses de croissance et de compétitivité pour l’économie française. Le rôle stratégique de l’État est donc bien affirmé.
Au total, il me semble que, sur la question des missions de la BPI, le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale est globalement satisfaisant. Je vous présenterai cependant quelques amendements, mais qui ne le modifient pas de façon substantielle.
Je tiens d’ailleurs à appeler votre attention sur la nécessité de garder à la BPI une priorité d’action clairement définie. L’annonce de sa création – M. le ministre vient de s’en faire l’écho – a nourri beaucoup d’attentes et d’espérances fortes, si fortes et si diverses qu’elles pourraient placer la BPI devant le risque paradoxal d’être victime de son succès. On voit bien en effet que tous les acteurs, publics ou privés, dont les besoins de financement sont difficilement satisfaits par des mécanismes privés, voient dans la BPI une réponse potentielle à leurs difficultés.
Cependant, il faut être clair : la BPI n’a pas vocation à devenir l’outil unique et polyvalent de l’intervention économique publique. Elle est et doit rester, d’une part, un outil d’appui au financement des entreprises, prioritairement des TPE, des PME et des ETI indépendantes, et, d’autre part, le bras financier d’une stratégie nationale de compétitivité et de croissance.
Une dilution de ses missions conduirait à un saupoudrage des interventions et à une perte d’efficacité. Comme vous le savez, le volume de moyens mis à la disposition de la BPI est voisin de celui dont disposent actuellement OSEO et la CDC. Ajouter des missions nouvelles à moyens constants impliquerait une dégradation des missions fondamentales.
En particulier, la problématique du financement des collectivités territoriales – ce sujet a en effet suscité un débat en commission – ne relève pas des missions de la BPI. Il y a de vraies questions à régler dans ce domaine, mais la réponse n’est pas la BPI. Il y a d’autres outils adaptés à cette problématique ; je veux parler de l’enveloppe de 20 milliards d’euros récemment annoncée par le Gouvernement et de la mise en place d’une banque spécialisée dans le financement des collectivités sous la houlette de la Banque postale et de la Caisse des dépôts et consignations.
La BPI n’est pas non plus un outil d’aménagement économique du territoire.
M. Francis Delattre. Pour l’instant !
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis. Certes, l’appui financier aux PME et aux TPE – selon le président de l’Association des régions de France, que nous avons auditionné voilà quelques jours, 60 % des entreprises sont situées en territoire rural – ne peut que contribuer in fine au développement du tissu commercial et productif de proximité, participant, de ce fait, à l’aménagement du territoire. Cependant, l’existence ou la recherche de convergences entre l’action de la BPI et les stratégies d’aménagement du territoire n’impliquent pas que la BPI ait vocation à se substituer aux outils spécifiquement conçus pour remédier aux difficultés endémiques que connaissent certains territoires ruraux ou urbains ni qu’elle ait vocation à compenser l’assèchement financier de certains de ces dispositifs. Je pense notamment au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, qui a été complètement vidé de ses moyens dans la dernière loi de finances.
M. Roland Courteau. En effet !