PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

Mme Colette Mélot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 44 du présent projet de loi de finances, évaluant le montant du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne, est soumis aujourd’hui à notre examen.

L’analyse du prélèvement européen permet une ouverture sur les finances publiques de l’Union. Il conduit également à faire le point sur les engagements budgétaires européens et sur la contribution des différents États membres de l’Union européenne.

Cet examen a lieu dans un contexte de crise, la Commission européenne ayant en effet présenté, le 26 novembre dernier, une nouvelle proposition pour le budget 2013. Identique à 99 % au texte pourtant rejeté il y a deux semaines, ce document nous fait courir le risque de raviver les tensions qui ont conduit à l’échec des négociations lors du Conseil européen des 22 et 23 novembre dernier, au titre du projet de budget européen prévu dans le cadre financier pluriannuel 2014-2020.

C’est dans cette perspective de négociation du budget et dans l’objectif d’un compromis final que le Sénat souhaite rappeler au Gouvernement les grandes priorités qui doivent être défendues à Bruxelles par les autorités françaises.

La contribution de la France au budget de l’Union européenne est évaluée, par l’article 44 du présent projet de loi de finances, à 19,6 milliards d’euros.

Ce montant – en hausse de 2,9 % par rapport à 2012 – comprend 4,049 milliards d’euros de ressources TVA – dont 1,1 milliard d’euros au titre de la correction britannique – et 15,6 milliards d’euros de contribution « RNB ». Dans le contexte actuel de redressement des finances publiques, un tel effort est difficilement compatible avec la stratégie adoptée par la France en vue d’un retour à l’équilibre.

De nombreux pays, comme la France ou l’Allemagne, grands contributeurs au budget européen, souhaitent voir ce débit contenu dans des limites raisonnables, tout en appelant de leurs vœux une politique ambitieuse pour l’Europe.

Personne sur les travées de notre Haute Assemblée ne souhaite que l’on abandonne la politique agricole commune. Il est impératif de ne pas réduire le soutien économique aux agriculteurs européens, confrontés à une forte volatilité des prix agricoles sur les marchés internationaux.

Personne ne souhaite que les fonds structurels, qui ont déjà vu leurs montants fortement diminués, délaissent les régions de France.

Personne ne se prononcera non plus contre une politique de croissance, d’innovation et de recherche, contre une politique culturelle ambitieuse.

Il convient de donner à l’Union européenne les moyens de déployer sa stratégie Europe 2020, d’assumer ses nouvelles compétences issues du traité de Lisbonne, notamment en matière de citoyenneté, de justice et d’action extérieure, tout en relevant les défis internationaux que constituent l’aide au développement, la politique de voisinage, la lutte contre le changement climatique ou l’aide humanitaire.

La commission des affaires européennes du Sénat a présenté trois propositions de résolution européenne devenues, par la suite, résolutions du Sénat. La première a trait aux propositions de règlements relatifs à la politique européenne de cohésion 2014-2020. La deuxième porte sur le mécanisme pour l’interconnexion en Europe. La troisième a pour objet « Erasmus pour tous », qui serait le nouveau programme de l’Union européenne pour l’éducation, la formation, la jeunesse et le sport. C’est sur ce dernier point que je souhaite insister.

Concernant les investissements d’avenir, nous souhaitons que le Gouvernement affirme son soutien à l’augmentation des crédits proposée pour le nouveau programme « Erasmus pour tous », de manière à permettre à ce dispositif, qui contribue à forger la conscience européenne et à préparer l’avenir, d’atteindre sa pleine efficacité. À cet égard, nous plaidons pour que les engagements pris au titre de ce programme pour 2014-2020 se traduisent annuellement en crédits de paiement suffisants, afin que ce programme ne souffre pas à l’avenir des sous-financements que nous avons hélas ! pu déplorer en cette fin d’année 2012.

Pour mémoire, le programme Erasmus, créé en 1987, a permis à près de trois millions d’étudiants de trente-trois pays d’étudier à l’étranger tout en conservant le bénéfice des droits sociaux acquis dans leur pays d’origine. Erasmus a été mis en images avec humour par Cédric Klapisch dans L’Auberge espagnole.

Désormais, ce programme devrait s’intituler « Erasmus pour tous », et s’ouvrir à d’autres catégories : Comenius pour les écoles, Leonardo da Vinci pour l’enseignement technologique et la formation professionnelle, Gruntvig pour l’éducation des adultes. Ce dispositif regrouperait l’ensemble de ces programmes, qui s’ajouteraient au dispositif Erasmus, destiné aux études supérieures.

Ainsi, le programme « Erasmus pour tous » deviendrait plus visible et développerait la conscience européenne à tous les niveaux.

Au cours de l’année scolaire 2012-2013, 270 000 étudiants peuvent bénéficier de ce programme, grâce à un budget annuel de 450 millions d’euros. En France, l’État y a consacré 52 millions d’euros en 2012 et 31 000 étudiants de notre pays y ont participé.

Ce programme est essentiel pour l’avenir. Il assure l’équivalence des diplômes, l’émulation des universités, la mobilité et l’intégration culturelle européenne au meilleur niveau : celui de la jeunesse. C’est un instrument incontournable dans la perspective de la réalisation des objectifs « Europe 2020 », suscitant l’adhésion des citoyens autour du projet européen. Il s’agit là d’un dispositif dont on pourrait regretter qu’il soit, à l’avenir, remis en cause. À cet égard, je déplore que la France fasse partie des sept États membres qui refusent l’augmentation du budget demandée par la Commission, pour l’année 2013.

De fait, les États contributeurs refusent de fournir de nouveaux crédits pour combler le déficit des 8,9 milliards d’euros manquant au titre du budget 2012.

Même si ce refus ne vise pas spécifiquement le programme Erasmus, il nous faut veiller à ce que l’avenir ne soit pas une fois de plus sacrifié à des considérations budgétaires, notamment dans la négociation du projet de budget pluriannuel pour la période 2014-2020.

Le groupe UMP se prononce en faveur de l’adoption de l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013. Toutefois, cet avis favorable à l’adoption du prélèvement européen est indissociable de l’appel à une véritable réforme du système actuel de ressources propres.

À plus long terme, il faut envisager une réforme plus profonde qui mettra un terme aux contributions nationales et aux rabais qui, aujourd’hui, ne sont plus justifiés. Cette réforme instaurerait enfin des sources de financement en rapport avec les politiques de l’Union.

De fait, l’architecture financière de l’Union européenne est aujourd’hui à bout de souffle, au moment même où les dirigeants des États membres ont échoué à s’entendre sur un projet de budget pluriannuel pour la période 2014-2020, lors du Conseil européen des 22 et 23 novembre dernier. (M. Pierre Bernard-Reymond applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’exprimerai pas devant vous aujourd’hui un point de vue strictement financier et technique. Je voudrais plutôt évoquer quelques éléments plus politiques, qui pour moi s’imposent dans le contexte actuel avec la force de l’évidence, mais qui permettront, me semble-t-il, de cadrer ce débat, lequel a des aspects techniques complexes, mais surtout une dimension politique forte.

Concrètement, nous sommes ici, ce matin, pour débattre de l’article 44 du projet de loi de finances pour 2013, plus communément appelé prélèvement européen. Cet article dispose que le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est environ de 20 milliards d’euros.

Mes chers collègues, il y a là bien plus que le simple énoncé d’un chiffre. Derrière ces milliards se cache en effet une vision, une certaine conception de la construction européenne. C’est bien cela qui, en réalité, mérite d’être débattu, au-delà des chiffres qui nous sont présentés.

Nous serons cet après-midi amenés à voter les ressources, afin de pouvoir ensuite, peut-être, parler des dépenses. Cependant, à l’inverse du budget français, voté par la représentation nationale, le budget européen n’est pas entièrement débattu par le Parlement européen. Les députés de Strasbourg s’expriment uniquement sur les dépenses, tandis que les ressources, d’origine nationale, sont débattues au niveau intergouvernemental lors de réunions du Conseil plus ou moins extraordinaires, souvent peu ordinaires en tout cas.

Ainsi, selon la décision du Conseil du 7 juin 2007 relative au système des ressources propres, les États membres versent au budget de l’Union européenne des ressources dites « traditionnelles » – droits de douanes, prélèvements agricoles et cotisations diverses –, une partie de leur TVA ainsi qu’un prélèvement appelé revenu national brut, c’est-à-dire, en l’occurrence, pour la France, environ 20 milliards d’euros pour 2013.

A priori, tout comme nos collègues députés européens, nous ne pouvons argumenter sur cette somme, qui est destinée à assurer l’équilibre du budget européen pour 2013. Ce débat nous permet néanmoins de vous interpeller, monsieur le ministre, et d’échanger avec l’ensemble des groupes politiques qui composent cet hémicycle sur les moyens de rendre ce budget européen plus efficace, mais aussi plus solidaire et d’éviter les périls auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.

Comme cela a été dit, ce débat sur le budget 2013 s’inscrit effectivement dans un contexte de crise très important : crise économique et financière, crise écologique, mais aussi crise institutionnelle entre le Conseil, la Commission et le Parlement européen, crise, enfin, au sein même du Conseil entre les différents États membres.

Crise institutionnelle, car le budget européen de l’année 2012 n’est pas définitivement réglé. Crise institutionnelle, car les négociations sur le budget européen 2013 se sont soldées par un échec le 13 novembre dernier. Crise institutionnelle, enfin, car, parallèlement à ces tensions, les négociations qui ont eu lieu le week-end dernier sur le nouveau cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 n’ont pas abouti non plus.

Mes chers collègues, nous pouvons le dire, « l’Europe budgétaire » est aujourd’hui dans une grande impasse. Son passé n’est pas soldé, son présent est incertain et son futur est préoccupant.

En ce qui concerne le passé, le budget pour l’année 2012, qui pourtant devrait être aujourd’hui derrière nous, demeure d’actualité puisqu’une dizaine de programmes européens avaient déjà utilisé, au mois d’octobre, entre 95 % et 100 % des fonds alloués pour l’année budgétaire en cours. Il manque ainsi une rallonge de 9 milliards d’euros pour la recherche, la croissance et l’emploi, l’enseignement, la santé, l’aide alimentaire et l’aide humanitaire. En pratique, il manque par exemple 90 millions d’euros pour les seules bourses Erasmus. Certains pays comme l’Espagne sont à court d’argent et incapables de verser leurs bourses à leurs étudiants. Une situation dramatique pour l’avenir d’un dispositif dont on sait pourtant l’importance dans l’émergence d’une citoyenneté et d’une conscience européennes.

Aucun accord n’a été conclu sur ce point : le Parlement insiste pour qu’une solution soit trouvée sur le paiement des factures de 2012 et fait pression en bloquant les négociations sur le budget 2013. Cette pression du Parlement européen est, à mon sens, d’autant plus nécessaire que ce n’est pas la première fois que les crédits accordés à l’Union européenne ne permettent pas de tenir l’année. En effet, fin 2011, le budget européen s’était déjà retrouvé dans une situation similaire, car le budget alors adopté était nettement sous-évalué. La Commission avait donc dû reporter à 2012 environ 5 milliards d’euros de factures, qui ont par conséquent amputé ledit budget 2012 d’autant. D’ailleurs, lors de l’adoption de ce budget, le commissaire européen avait prévenu que les montants adoptés étaient sous-évalués et « ne permettraient pas de couvrir les besoins ».

Nous sommes donc face à une situation endémique, qui se reproduira certainement l’an prochain, le manque augmentant chaque année du fait du report du déficit d’un exercice budgétaire sur l’autre.

Le présent budget n’est guère plus encourageant. Le budget 2013 se révèle en effet être dans l’impasse. Le Conseil, confronté à des États membres divisés entre une augmentation et une stabilisation budgétaire, a revu à la baisse le projet de la Commission, qui prévoyait une hausse de 9 milliards d’euros par rapport au budget de l’année qui se termine.

En réalisant un grand nombre de coupes budgétaires, le Conseil a donc davantage écouté les États membres qui demandent une discipline budgétaire renforcée que ceux qui sollicitent une augmentation. Il a tenu à souligner le paradoxe qu’il y a « à autoriser au niveau européen une progression des dépenses publiques qui est interdite à la majorité des États membres au niveau national ».

En réalité, mes chers collègues, il s’agit là non pas uniquement d’un arbitrage budgétaire, mais d’un choix économique et politique. À l’austérité des pays s’ajouterait désormais l’austérité de l’Union, quand la France plaide, elle, pour un budget raisonnable et orienté vers la croissance et l’emploi. La France souhaite en effet un budget qui s’inscrit dans la ligne de la réorientation engagée par le Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, et des priorités fixées par le Pacte pour la croissance et l’emploi. Rappelons que nous avions alors obtenu une réaffectation de 55 milliards d’euros de fonds structurels et une recapitalisation de la Banque européenne d’investissement à hauteur de 10 milliards d’euros.

La commission des budgets du Parlement européen s’est cependant opposée aux réductions voulues par le Conseil et a voté, en séance plénière le 23 octobre dernier, un budget très proche de celui qui avait été initialement proposé par la Commission. Un bras de fer s’engage donc sur la table de l’Europe entre, d’un côté, le Conseil et, de l’autre, la Commission et le Parlement, qui plaident pour un budget qui soit « un instrument privilégié de relance et de croissance économique ».

C’est donc en quelque sorte Keynes contre Friedman et, faute d’aboutir à un consensus impossible, les eurodéputés se préparent à ce que le budget 2013 ne soit pas voté et que, à défaut, le système des douzièmes provisoires soit appliqué.

Comment, dans ces conditions, envisager sereinement le futur budgétaire de l’Union ? Déjà, lors des négociations concernant le cadre financier 2007-2013, Tony Blair, alors Premier ministre du Royaume-Uni, avait dit : « si on ne change pas nos méthodes, la prochaine fois, il y aura des morts entre nous ! » Il fallait voir dans cette remarque comme une prémonition, car le Conseil extraordinaire des 22 et 23 novembre dernier est bien en passe de faire une première victime : l’Europe elle-même.

Tout le monde s’aperçoit en fait que, ce qui se joue à l’occasion de ces négociations, c’est bien l’avenir de l’Europe. Car construire un budget, fût-il européen et pluriannuel, ne relève pas du simple exercice comptable, mais constitue un acte politique. Et c’est précisément sur les contours de ce projet politique européen que portent, et que doivent porter les débats. Aux tenants d’une Europe du progrès économique et de la justice sociale, d’une Europe qui dispose des moyens financiers nécessaires pour soutenir une politique résolue en matière d’investissement et de croissance, s’opposent en effet les tenants d’une Europe minimale, simple variable d’ajustement budgétaire dans un contexte économique difficile pour ses États membres.

Je considère, pour ma part, que nous ne pouvons pas laisser se compromettre le destin européen dans les eaux glacées des calculs égoïstes. Sinon, comme l’a rappelé le Président de la République, François Hollande, à l’occasion de son déplacement en Pologne, « c’est une Europe au rabais qui se prépare, où chacun viendra chercher son chèque », quand le projet européen vise, au contraire, à sublimer les intérêts nationaux.

Dès lors, mes chers collègues, les négociations pluriannuelles 2014-2020 doivent être l’occasion d’engager un vrai débat, à la fois sur le niveau et l’origine des ressources budgétaires de l’Union Européenne et sur le ciblage des dépenses et des priorités. Du côté des ressources, la Commission européenne proposait, par exemple, de revoir les différents rabais dont disposent certains États membres, mais également de trouver des ressources budgétaires propres à l’Union, afin d’éviter que cette dernière ne dépende presque exclusivement des seules contributions nationales, aujourd’hui si âprement négociées. Je souscris évidemment à cette orientation. Ces ressources budgétaires propres pourraient être constituées, au-delà des ressources propres traditionnelles, par la taxe sur les transactions financières, par une taxe carbone ou encore par la création d’un impôt européen.

Je sais que cette perspective n’est pas populaire dans le contexte d’aujourd’hui, mais, par exemple, un impôt sur les sociétés, même faible, et harmonisé au niveau européen, permettrait notamment de lutter contre le dumping fiscal auquel se livrent les pays de l’Union pour renforcer l’attractivité de leur territoire. (M. Yannick Botrel opine.)

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial. Quelle en serait l’assiette ?

M. Roland Ries. J’ajoute que la création de cet impôt européen, qui prendrait place aux côtés des impôts strictement nationaux, permettrait par ailleurs « d’ouvrir une brèche dans la citadelle de la souveraineté nationale », pour reprendre une expression de Jean Monnet, et constituerait de mon point de vue un pas important vers une Europe fédérale.

Telles sont les réflexions que je souhaitais vous soumettre ce matin, mes chers collègues.

Quoi qu’il en soit, je voterai bien évidemment, avec mon groupe, en faveur de cet article 44 de la loi de finances, qui concerne la participation de la France au budget de l’Union. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin, Robert Tropeano et Pierre Bernard-Reymond applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le budget de l’Union européenne est financé par trois types de ressources : des ressources propres, dites « traditionnelles », collectées par des États membres pour le compte de l’Union – droits de douanes et cotisations sur le sucre –, une ressource assise sur une assiette de TVA harmonisée et une ressource qui est en fonction du revenu national brut de chaque État membre.

La contribution de la France au budget européen prend la forme d’un prélèvement sur recettes, évalué en projet de loi de finances pour 2013 à un peu moins de 20 milliards d’euros, 19,598 milliards d’euros pour être précis.

Il est prévu de soumettre au Parlement un prélèvement sur recettes en hausse de 720 millions d’euros par rapport à 2012, une augmentation qui marque l’attachement de la France à un budget européen consistant.

Cette hausse de 3,8 % s’inscrit toutefois dans la trajectoire de redressement de nos finances publiques, puisque ce prélèvement sur recettes en faveur de l’Union européenne, comme le prélèvement sur recettes en faveur des collectivités, fait partie du champ de la norme « zéro valeur ».

L’effort réalisé au profit du budget européen s’est donc accompagné d’un effort important de maîtrise de la dépense publique dans les autres ministères. Toute augmentation qui irait au-delà de celle qui est envisagée dans ce projet de loi de finances devra être compensée à due concurrence par une maîtrise des dépenses ou des économies dans d’autres domaines.

La contribution de la France en fait le deuxième pays contributeur, avec 17,7 % du budget européen, derrière l’Allemagne, qui contribue à hauteur de 19,9 %. Le solde net de la France, constitué de l’écart entre les fonds européens perçus et la contribution au budget de l’Union, est négatif et s’élève à 6,5 milliards d’euros en 2010, ce qui place notre pays au troisième rang des contributeurs nets, derrière l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Le prélèvement sur recettes qui vous est présenté permet de financer la contribution de la France au budget 2013, mais également de prendre en compte les budgets rectificatifs au budget 2012.

Le budget 2013 de l’Union Européenne n’a pas encore été déterminé. Comme vous le savez, des négociations difficiles sont en cours, et ce budget résultera d’une procédure de « trilogue » entre la Commission, le Conseil et le Parlement, qui n’a pas encore abouti.

La Commission a présenté en avril 2012 un projet de budget pour 2013 s’élevant à 151 milliards d’euros en crédits d’engagement et 138 milliards d’euros en crédits de paiement, soit, par rapport au budget 2012, une augmentation de 2 % en crédits d’engagement et de 6,8 % en crédits de paiement.

Le Conseil a arrêté sa position le 24 juillet. Jugeant la position de la Commission trop élevée et incompatible avec les contraintes budgétaires des États membres, il a proposé une hausse du budget ramenée à 2,79 % pour les crédits de paiement, soit 132,7 milliards d’euros.

Le Parlement européen a, pour sa part, adopté le 23 octobre une position qui revient sur les montants proposés par la Commission.

Pour établir le présent projet de loi de finances, le Gouvernement a retenu une progression du budget 2013 de 2,79 %, correspondant à la position du Conseil.

Cette proposition d’un budget à 132,7 milliards d’euros permet d’assurer les objectifs du budget européen, suivant les rubriques suivantes, que vous connaissez bien.

Les crédits regroupés au sein de la rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l’emploi » s’élèvent à 11,7 milliards d’euros. Ces crédits contribuent à la croissance et à l’emploi en Europe, cette rubrique intégrant notamment les programmes-cadres de recherche et développement technologique, le programme Erasmus d’échanges européens, ou des grands projets comme ITER ou Galileo.

À cet égard, sachez, monsieur Arthuis, que le programme ITER est aux yeux de la France un programme essentiel pour conduire des projets d’avenir structurants. Ces programmes sont intégrés dans le budget européen sous cette rubrique « Compétitivité pour la croissance et l’emploi ».

C’était un point majeur pour la France. En effet, la Commission européenne voulait, à l’inverse, les placer hors cadre, ce qui risquait à moyen terme de remettre en cause leur financement.

De la même manière, je veux rassurer M. Pozzo di Borgo : la continuité du programme Erasmus n’est pas menacée, ni pour 2013, ni au-delà, dans le prochain cadre financier.

En 2012, la Commission européenne a d’ailleurs demandé dans son budget rectificatif 90 millions d’euros pour ce programme. La France a d’ores et déjà donné son accord ; elle le rappellera lors des négociations qui s’engageront avec le Parlement européen dans les prochains jours.

Les crédits de la sous-rubrique 1b « Cohésion pour la croissance et l’emploi » s’élèvent à 47,4 milliards d’euros. La vocation de la politique de cohésion, deuxième poste de dépense au sein du budget communautaire, est de renforcer la cohésion économique et sociale au sein de l’Union européenne, en réduisant les disparités de développement entre les régions.

Monsieur le rapporteur spécial Marc Massion, le programme européen d’aide aux plus démunis a fait l’objet d’une proposition de la part de la Commission européenne dans la rubrique 1b. Le montant envisagé était de 2,5 milliards d’euros, somme réduite à 2,1 milliards d’euros dans la proposition du président Van Rompuy. La France entend œuvrer avec détermination pour la reconduction de ce programme, qui est essentiel, mais, nous le savons, contesté par plusieurs de nos partenaires, dont l’Allemagne, du moins à ce stade des discussions.

Les crédits de la rubrique 2 « Conservation et gestion des ressources naturelles » sont de 57,5 milliards d’euros. Cette rubrique regroupe les crédits de la politique agricole commune, la PAC, avec ses deux piliers, le premier étant constitué des mesures dites « de marché », ou aides directes, le second correspondant à la politique de développement rural. La France a bénéficié de 9,9 milliards d’euros de retours au titre de la PAC, qui constitue plus de 70 % des retours français.

Monsieur le rapporteur spécial Jean Arthuis, vous avez exprimé votre attachement à l’enveloppe de la PAC. Vous le savez, la France demande, avec d’autres partenaires, que l’Union européenne conserve son indépendance alimentaire, essentielle dans un contexte de très forte volatilité, notamment du marché des matières premières alimentaires. Nous voulons aussi que s’engagent les réformes nécessaires de cette politique, par la convergence progressive des aides entre les États membres et par le « verdissement », démarche certes ancienne, mais que la France souhaite approfondir.

Les crédits de la rubrique 3 « Citoyenneté, liberté, sécurité et justice » sont de 1,5 milliard d’euros.

La rubrique 4 « L’Union européenne en tant que partenaire mondial » regroupe les actions extérieures de l’Union. Ses crédits sont de 6,3 milliards d’euros.

Enfin, les crédits de la rubrique 5 « Administration » s’élèvent à 8,4 milliards d’euros. Cette rubrique assure le fonctionnement des institutions européennes. Et, on le sait, de très nombreux États souhaitent que les frais de fonctionnement soient mieux maîtrisés. D’ailleurs, il serait surprenant que la Commission, alors qu’elle demande à un certain nombre d’États membres de réaliser des économies et de veiller à ce que la progression des frais de fonctionnement ne soit pas déraisonnable, ne donne pas elle-même l’exemple en prouvant par son action qu’elle est également capable de maîtriser ses dépenses, au sein de ses propres services.

Après avoir évoqué le budget pour 2013, je dois aborder les budgets rectificatifs pour 2012.

La Commission a présenté deux budgets rectificatifs au mois d’octobre. Le budget rectificatif n° 5, d’un montant de 670 millions d’euros, prévoit un renforcement du fonds de soutien de l’Union européenne au profit de l’Italie au titre du tremblement de terre intervenu en Émilie-Romagne. Le budget rectificatif n° 6, d’un montant de près de 9 milliards d’euros, couvrira les besoins de crédits de paiement de fin d’année, principalement sur les fonds structurels.

Le budget rectificatif n° 5 ne posait pas de difficulté et a été adopté. En revanche, il n’en va pas de même du budget rectificatif n° 6. Son importance le rend inacceptable à plus d’un titre. D’une part, il a été annoncé extrêmement tardivement, alors que ses effets en paiement seraient massifs : plus de 1 milliard d’euros pour la France. D’autre part, son adoption placerait le budget 2012 au-delà de la proposition initiale de la Commission, donnant le fort sentiment d’un non-respect en exécution des arbitrages rendus sur le budget 2012.

La conciliation n’a pas permis d’aboutir à un compromis sur ce budget rectificatif, qui reste, à ce stade, sur la table des négociations. La France travaille à la recherche d’un compromis compatible avec les efforts budgétaires auxquels s’astreignent l’ensemble des États membres.

Voyons maintenant quelles sont les perspectives financières 2014-2020. Au-delà de la question du prélèvement sur recettes 2013, celle de la négociation en cours sur le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 doit aussi être évoquée.

Le Conseil européen des 22 et 23 novembre a été un Conseil européen « d’étape ». C’est ainsi que préfère le qualifier le Gouvernement, marquant ainsi son espérance de voir déboucher les discussions, qui, à ce stade, n’ont pas encore pu être conclusives.

Comme en 1998 et en 2005, il s’est révélé nécessaire d’avoir une première discussion au niveau des chefs d’État et de gouvernement, en vue d’un accord au début de l’année 2013.

Ce Conseil européen a été utile, à supposer que certains aient pu en douter. Il a permis de faire des progrès et de mieux comprendre les priorités de chacun. Un accord nous semble désormais possible, et nous sommes prêts à y contribuer.

La France a réaffirmé à l’occasion de ce sommet trois priorités.

Premièrement, nous avons exprimé le souhait d’un budget européen qui soit consistant et qui donne la possibilité de financer les politiques européennes. La proposition de M. Van Rompuy se situe au bon niveau de dépense globale, soit 1 % du RNB.

Deuxièmement, la répartition des dépenses doit être revue. Le niveau des crédits de la PAC doit permettre d’assurer à la fois la compétitivité de l’agriculture et, en même temps, le développement rural indispensable.