M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-170.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 18 ter (nouveau)
I. – L’article 220 octies du code général des impôts est ainsi modifié :
A. – Le III est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Après le taux : « 20 % », sont insérés les mots : « , pour les entreprises qui ne satisfont pas à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l’annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d’exemption par catégorie), et à 30 % pour celles qui répondent à cette définition, » ;
b) L’année : « 2012 » est remplacée par l’année : « 2015 » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « européenne de la petite et moyenne entreprise au sens de la recommandation 2003/361/CE de la Commission du 6 mai 2003 concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises » sont remplacés par les mots : « des micro, petites et moyennes entreprises au sens du règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, précité » ;
B. – Le 1° du VI est ainsi rédigé :
« 1° La somme des crédits d’impôt calculés au titre des dépenses éligibles ne peut excéder 800 000 € par entreprise et par exercice. »
II. – Le a du 1° et le 2° du A et le B du I entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2014.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-63, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
AA. - À la deuxième phrase du b du II, les mots : « aux albums de nouveaux talents dont la moitié au moins » sont remplacés par les mots : « aux entreprises visées au I dont la moitié au moins des albums de nouveaux talents » ;
II. - Alinéa 9
Rédiger ainsi cet alinéa :
II. - Le AA, le a du 1° et le 2° du A et le B du I entrent en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2014.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Cet amendement nous conduit à aborder un domaine un peu différent de ceux qui ont été évoqués jusqu’à présent, je veux parler de l’industrie musicale, dans laquelle nous cherchons à favoriser la francophonie.
Le dispositif du crédit d’impôt en faveur des entreprises de production phonographique a déjà été modifié dans la loi de finances pour 2009, sur l’initiative de notre commission des finances, afin d’éviter, pour l’éligibilité au crédit d’impôt, la suppression de la clause de francophonie dans la définition des albums de nouveaux talents.
Il s’agit à présent d’aller plus loin en réservant le bénéfice du crédit d’impôt aux seules entreprises produisant plus de la moitié d’albums de nouveaux talents en français ou dans une langue régionale en usage en France.
En effet, l’application actuelle comporte un point de fuite : si, au titre d’un exercice, la production d’albums de nouveaux talents en français n’est pas majoritaire, les albums en français sont toutefois éligibles au crédit d’impôt ; parallèlement, si, au titre d’un exercice, la production d’albums de nouveaux talents en français est majoritaire, alors tous les albums de nouveaux talents, y compris dans une langue étrangère, c’est-à-dire en anglais, sont éligibles au crédit d’impôt.
Ma proposition permettrait de supprimer le premier type d’éligibilité et inciterait donc les entreprises du secteur à produire majoritairement des albums d’expression française.
Un tel périmètre devrait être validé sans difficultés par la Commission européenne – je m’en suis assuré – du fait de la faible capacité à l’exportation des artistes francophones et de l’absence de discrimination en raison de la nationalité des artistes ou du lieu d’établissement des prestataires – points qui avaient été retenus par la Commission pour valider le premier dispositif en 2006.
Inciter l’industrie phonographique à produire des artistes s’exprimant en français est crucial à l’heure où le recul de la diversité et de l’exposition des artistes francophones à la radio pose de plus en plus problème. En effet, le système des quotas de diffusions francophones à la radio ne fonctionne pas correctement, en particulier parmi les stations destinées aux jeunes.
Au cours du premier trimestre 2012, 245 nouvelles productions francophones ont été programmées par les radios, contre 298 en 2011 pour la même période.
En outre, 50 nouvelles productions francophones représentent les trois quarts des diffusions.
Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vivement que les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt soient simplifiées et qu’elles servent mieux la cause de la francophonie dans l’univers musical.
M. Yves Pozzo di Borgo. Bravo !
M. le président. L’amendement n° I-354, présenté par Mmes Morin-Desailly et Férat et M. Roche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
... - À la deuxième phrase du troisième alinéa du II les mots : « aux albums de nouveaux talents dont la moitié au moins » sont remplacés par les mots : « aux entreprises visées au I dont la moitié au moins des albums de nouveaux talents »
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. La défense de la francophonie ne se résume pas à l’action culturelle extérieure de la France. Elle consiste aussi à veiller au caractère incitatif de nos dispositifs, en particulier fiscaux, pour le développement et la promotion de la langue française qui doit pouvoir être lue, entendue et exportée dans le monde entier, notamment au travers d’œuvres musicales.
Philippe Marini ayant défendu un amendement comparable, je n’entrerai pas dans les détails techniques de ma proposition, qui tend à corriger le dispositif retenu à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’adoption de cette disposition, qui vise à limiter le bénéfice du crédit d’impôt aux seules entreprises produisant une majorité d’albums de nouveaux talents en français ou en langue régionale, pourrait avoir des effets inquiétants pour les PME.
Les entreprises de production phonographique peuvent actuellement bénéficier du crédit d’impôt sur les dépenses de production d’albums de nouveaux talents dans deux cas.
Premièrement, si la majorité des albums de nouveaux talents produits est d’expression française ou régionale, sont prises en compte les dépenses liées à la production de tous les albums quelle que soit leur langue.
Deuxièmement, si la majorité des albums de nouveaux talents produits est en langue étrangère, sont prises en compte les dépenses liées à la production des seuls albums en français ou en langue régionale.
Les amendements visent à supprimer ce deuxième cas pour que seules les entreprises produisant plus de la moitié d’albums de nouveaux talents en français ou en langue régionale puissent bénéficier du crédit d’impôt.
Cette mesure pourrait, en apparence, inciter les entreprises à produire plus d’albums de nouveaux talents d’expression francophone afin de ne pas être exclues du dispositif et d’en bénéficier au contraire plus pleinement, tous les albums produits y étant éligibles. Toutefois, et c’est pour nous un sujet d’inquiétude, en cette période difficile ces amendements auraient pour conséquence d’exclure du dispositif les petites entreprises qui ne peuvent produire que quelques albums en français (Mme Michèle André opine.) et n’ont pas les moyens d’atteindre le seuil de 50 %. Ils risqueraient donc de remettre en cause l’équilibre trouvé en 2009 et, in fine, de pénaliser la francophonie.
M. Philippe Marini. Pas du tout !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Les petites entreprises ne bénéficiant plus du crédit d’impôt sur les albums en français pourraient en effet renoncer à les produire.
Inquiète pour le sort des petites entreprises du secteur, qui sont nombreuses, mais aussi pour celles qui voudraient se lancer dans la production et risqueraient d’y regarder à deux fois, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Vous parlez d’inquiétude. Le plus inquiétant, c’est de voir que les entreprises de production, y compris les plus petites d’entre elles, ne sont pas encouragées à produire des albums en français, alors même que notre langue est utilisée comme moyen d’expression dans nombre de morceaux de musique ou de chansons.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Et il faudrait les décourager davantage ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Je ne vois pas en quoi le dispositif proposé restreindrait l’accès à ce crédit d’impôt, y compris pour les petites entreprises.
Ce qui m’inquiète, pour ma part, c’est l’envahissement de la langue anglo-saxonne, tandis que la langue française souffre, a contrario, d’un déficit d’encouragement et de promotion. Il y va de la civilisation, de la culture et de la diversité culturelle à la radio, sur les chaînes de télévision et à l’exportation !
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. Je suis très surpris de la réponse que l’on nous fait ! Vous dites défendre la cause des PME. Ce faisant, vous refusez de voir qu’elles peuvent adapter leur comportement. Ce que nous demandons est très simple : nous voulons que plus de 50 % des albums produits soient en langue française ou régionale, en breton, en corse...
M. Richard Yung. En picard ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. Si vous voulez, mais il y en aura sans doute moins. (Nouveaux sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous nous prenez par les sentiments ! (Même mouvement.)
M. Philippe Marini. Ce n’est pas une question de sentiments !
Un crédit d’impôt est-il légitime lorsqu’il a pour effet d’inciter à la production de chansons en anglais ? Voilà la question qui est posée ! Il y va de la diversité culturelle, de notre univers culturel et du message que nous transmettons à nos jeunes.
Cet amendement a par ailleurs pour intérêt de resserrer une dépense fiscale. J’ai de la peine à croire que le rapporteur général et le ministre du budget ne soient pas sensibles à cet argument.
Quels que soient les motifs qui viennent de nous être opposés, mes chers collègues, il nous faut voter largement cet amendement, qui ne saurait être réduit à une question de politique politicienne.
M. Richard Yung. Oh !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je ne peux pas être sensible à ces arguments, et nous ne nous livrons pas à un exercice de politique politicienne !
Nous avons tous ici le souci de la culture et de la francophonie, mais également la volonté d’encourager les petites et moyennes entreprises au travers de leviers fiscaux. Il nous semble en effet qu’à défaut de préserver quelques outils qui leur sont favorables, nous risquons d’accentuer la concentration.
Madame Morin-Desailly, une entreprise, en particulier de petite taille, qui produit 30 % d’albums francophones bénéficie aujourd’hui du crédit d’impôt.
M. Philippe Marini. Cela laisse 70 % de productions en anglais !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vos amendements visent à leur imposer un seuil de 50 % d’albums francophones pour bénéficier du crédit d’impôt. À défaut de l’atteindre, elles perdront totalement le bénéfice du dispositif ! C’est un recul en matière d’incitation fiscale des petites entreprises, dont le sort est pour nous un sujet de préoccupation.
Les membres de la commission se sont forgé une opinion en la matière au vu du champ de la concurrence dans ce secteur et des risques encourus par les PME si une telle mesure devait être appliquée. Voilà pourquoi je préconise le rejet de ces amendements.
M. Philippe Marini. C’est une erreur !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je soutiens la position du rapporteur général François Marc. Le dispositif actuel de défense de la francophonie est équilibré. Je rappelle qu’il est passé en quatre ans de 3,5 millions à 6,2 millions d’euros. Les récentes modifications ont permis d’en porter le taux de 20 % à 30 % pour les PME et les TPE. Quant aux conditions d’accès, elles ont été assouplies : le plafonnement se situe désormais à 800 000 euros, contre 700 000 euros auparavant.
Les amendements proposés par M. Marini et Mme Morin-Desailly auraient en revanche pour conséquence de fragiliser les petits labels, qui produisent de la musique chantée en français, mais aussi dans d’autres langues.
M. Philippe Marini. Majoritairement en anglais !
Mme Marie-Christine Blandin. Cette mixité est la condition de leur survie !
Ces labels survivent en effet en exportant des disques et de la musique, dont une partie est en langue française. La diversité est donc la condition de leur existence et le véhicule de la francophonie.
M. Philippe Marini. C’est le véhicule de l’anglais, encouragé par le crédit d’impôt !
Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, tous ces dispositifs seront remis à plat au travers de la réflexion sur le stop qui a été donné au centre national de la musique.
En outre, je rappelle que, dans les comptabilités, il arrive que l’on ne compte en francophone que ce qui est prononcé en français et que toutes les musiques non chantées ne sont pas comptabilisées, et que les taux sont parfois faussés. (M. André Gattolin applaudit.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Moi aussi, je soutiens le dispositif qui nous est proposé et je m’oppose donc à ces deux amendements.
Nous recevons tous, pour les auditionner, à peu près les mêmes représentants des secteurs d’activité, et notamment ceux du secteur culturel. D’aucuns s’inquiétaient que ce crédit d’impôt puisse servir à financer l’ensemble de la production, ultra-majoritairement non francophone, et nous ont alertés sur les pratiques de certaines entreprises de production visant à détourner le dispositif en ce sens.
Or ce qui nous est proposé, dans cet article, est d’apporter un financement au prorata, et non sur l’ensemble, de la production. Fixer à 50 % la proportion d’albums produits en langue française ou régionale, même au nom de la francophonie, aurait donc pour effet pervers, comme l’a dit Marie-Christine Blandin, de désavantager ceux-là mêmes qui sont des moteurs pour la francophonie, la promotion de titres francophones et la diversité.
M. Philippe Marini. Surtout pour la promotion de l’anglais !
M. David Assouline. Ce sont surtout les petits labels, d’ores déjà très fragilisés, qui en pâtiraient. Ils ne sont certes pas les seuls, mais eux risqueraient d’en mourir ! En revanche, les entreprises plus importantes pourraient supporter ce que vous proposez, notamment parce qu’elles n’ont pas besoin de ce crédit d’impôt.
M. Philippe Marini. Quel sectarisme incroyable ! On n’a pas le droit de faire une proposition dans le domaine qu’ils se sont approprié...
M. le président. L’amendement n° I-357, présenté par Mme Morin-Desailly, M. Dubois, Mme Férat et M. Roche, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Au b du 2°, les mots : « engagées afin de soutenir la production de concerts de l'artiste en France ou à l'étranger, dont le montant global est fixé dans le cadre d'un contrat d'artiste ou de licence » sont remplacés par les mots : « d’achats d’espaces publicitaires, télévision, radio, presse et Internet, engagées afin de soutenir la promotion de l’enregistrement phonographique ou vidéographique musical » ;
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. L’objet de cet amendement est de rendre plus efficace le crédit d’impôt sur la production phonographique pour promouvoir les nouveaux talents, sans le faire au détriment des producteurs de spectacles vivants.
En l’état, le dispositif permet aux producteurs de musique de déduire leurs dépenses engagées pour des concerts promotionnels des nouveaux talents.
Afin d’éviter une distorsion de concurrence avec les producteurs de spectacles, qui ne bénéficient pas d’un dispositif équivalent, sans pour autant augmenter le coût du dispositif, il est proposé de rendre éligibles au crédit d’impôt les investissements en achats d’espaces en lieu et place des dépenses engagées pour l’organisation de concerts promotionnels.
L’achat d’espaces est un investissement majeur de promotion des nouveaux talents francophones. Ces derniers souffrent en effet d’une moindre exposition en raison, essentiellement, de deux facteurs : une baisse de 60 % des achats d’espaces depuis 2003, exactement proportionnelle au repli du chiffre d’affaires des producteurs phonographiques, ainsi qu’une moindre programmation dans les médias.
En outre, l’achat d’espaces publicitaires a un effet positif sur les ventes non seulement de disques mais également de billets de concerts.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à modifier les dépenses éligibles au crédit d’impôt en remplaçant la prise en compte des dépenses de production de concerts par celle des dépenses d’achats d’espaces. Actuellement, les dépenses engagées pour soutenir la production de concerts de l’artiste en France ou à l’étranger sont éligibles au crédit d’impôt. Il est proposé de ne plus prendre en compte ces dépenses, mais de rendre éligibles les dépenses d’achats d’espaces publicitaires sur tous supports.
Aux yeux des membres de la commission des finances, dont le champ d’appréciation n’est évidemment pas le même que celui des membres de la commission de la culture, qui auront peut-être leur mot à dire, cette mesure devrait permettre de mieux exposer les talents francophones. Si en plus ces talents francophones peuvent chanter dans des langues régionales, cela n’est que mieux (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.), mais là n’est pas notre sujet.
Mes chers collègues, si la mesure nous a paru assez sympathique, nous n’en connaissons pour autant pas le coût et, en attendant que le Gouvernement nous éclaire, nous nous sommes proposé de nous en remettre à la sagesse de notre assemblée.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les dépenses liées à l’organisation de concert ne me paraissent pas devoir être sorties de l’assiette du crédit d’impôt, car elles sont indispensables pour que les jeunes talents puissent émerger.
Par ailleurs, le champ des dépenses de développement éligibles est déjà suffisamment large et intègre certains frais relatifs à la promotion des productions phonographiques.
Dans ce contexte, les modifications du dispositif proposées ne paraissent vraiment pas, je regrette d’avoir à le dire, opportunes. J’ai compris que le rapporteur général appelait à une forme de sagesse ; pour ma part, je préférerais être compris, en indiquant que le Gouvernement souhaiterait voir le sénat rejeter cet amendement, en tout cas tel qu’il semble présenté.
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. J’ai un véritable problème à considérer que le crédit d’impôt recherche puisse financer des investissements publicitaires. Si l’on s’engage dans cette voie, l’industrie pharmaceutique pourra très bien prétendre demain, au nom de la promotion d’un produit « valable », favorisant le « progrès » et la « santé sociale », se faire payer sa publicité par le crédit d’impôt recherche. Je ne veux donc pas que l’on crée un précédent en la matière.
Pour moi, un concert promotionnel, un showcase comme l’on dit, c'est-à-dire une production faite à des fins promotionnelles, est un produit culturel qui fait l’objet d’une organisation, d’une production et d’une performance. En revanche, financer la création d’un message publicitaire par le crédit d’impôt recherche me paraît pervers au regard de l’objet même de ce crédit d’impôt.
C'est la raison pour laquelle le groupe écologiste votera contre l’amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je crois qu’il faut prendre en considération ce que vient de dire M. Gattolin et donc voter contre l’amendement.
J’ajoute qu’il n’est pas très sain, dans un débat budgétaire et alors que tant de sujets sont abordés, de soulever une telle question, en dernière instance et au dernier moment, sans même que la commission de la culture, qui est la commission spécialisée en la matière, n’ait eu à en débattre, parce que nous savons les uns et les autres que les lobbies cherchent à faire valoir leurs intérêts jusqu’à la dernière minute.
Pour autant, on peut s’ouvrir à cette question. Il ne faut en effet pas caricaturer : on ne peut pas comparer industrie pharmaceutique et industrie phonographique.
La promotion de ces jeunes talents français, dans un monde hostile où le modèle anglo-saxon domine tout, est un sujet qui doit être considéré globalement, mais il ne faut pas le faire par la bande, sous le couvert d’une disposition relative à un crédit d’impôt et sans qu’il y ait eu d’échanges approfondis.
Votre amendement, madame Morin-Desailly, a permis d’ouvrir le débat et a montré, comme l’ont d’ailleurs fait tous les amendements sur l’industrie phonographique, qu’il y avait un problème. Discutons-en, et commençons par le faire à la commission de la culture, qui connaît bien ces sujets. Nous pourrons toujours ensuite introduire une disposition dans un futur projet de loi de finances rectificative ou dans le prochain projet de loi de finances, mais au moins ferons-nous les choses sérieusement !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. M. Assouline a bien mis l’accent sur la vraie question : jusqu’où va-t-on pour permettre à nos artistes de s’exposer ? Et cette question relève en effet d’une politique globale.
Pour ma part, je suis tentée, puisque M. le rapporteur général s’en est remis à sa sagesse, de laisser notre assemblée se prononcer, ce qui ne nous empêchera pas ensuite d’approfondir en commission le sujet sous ses différents aspects.
Par ailleurs, je dois dire que je n’ai pas compris ce qu’a voulu dire M. le ministre en réponse à la question de M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier. Au moins c’est clair !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-64 est présenté par M. Marini.
L'amendement n° I-355 est présenté par Mme Morin-Desailly et M. Roche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Le dernier alinéa est supprimé.
La parole est à M. Philippe Marini, pour présenter l’amendement n° I-64.
M. Philippe Marini. Cet amendement vise à supprimer la limitation du nombre d’albums éligibles au crédit d’impôt applicable aux entreprises ne répondant pas à la définition de la micro, petite et moyenne entreprise.
Actuellement, ne sont prises en compte que les productions excédant la moyenne des productions réalisées au titre des deux derniers exercices, après application d’une décote de 70 % – c’est d’une extrême simplicité…
L’amendement tire ainsi les conséquences de la modification, par l’Assemblée nationale, du dispositif du crédit d’impôt en faveur des entreprises de production phonographique, qui crée deux taux de dépenses éligibles au crédit d’impôt : 30 % pour les micro, petites et moyennes entreprises et 20 % pour les autres.
S’il est légitime de chercher ainsi à accentuer le bénéfice de la mesure en faveur des entreprises les plus fragiles, maintenir la décote de 70 % me semble créer une discrimination de nature à causer des distorsions de concurrence. En d’autres termes, les usines à gaz, même les plus sophistiquées, ont tout de même leurs limites et le code général des impôts ressemble un peu trop à cet objet dont je ne sais s’il est artistique.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° I-355.
Mme Catherine Morin-Desailly. Le dispositif proposé à l’Assemblée nationale distingue deux taux pour le crédit d’impôt selon la taille des entreprises. Le crédit d’impôt serait désormais égal à 30 % des dépenses éligibles réalisées par les entreprises qui répondent à la définition européenne de la micro, petite et moyenne entreprise, et resterait égal à 20 % pour les autres entreprises.
Concrètement, par application de ce dispositif de limitation, une entreprise ne répondant pas à la définition de PME ayant produit une moyenne de dix albums de nouveaux talents sur les deux exercices précédents ne peut bénéficier du crédit d’impôt qu’à compter du quatrième album de nouveaux talents produit dans l’exercice en cours.
S’il est légitime de chercher à accentuer le bénéfice de la mesure en faveur des entreprises les plus fragiles, la double peine ainsi imposée aux entreprises ne répondant pas à la définition de PME n’est pas proportionnée au regard de l’objectif visé.
De surcroît, le système d’aide ainsi configuré introduit une discrimination de nature à causer des distorsions de concurrence sensibles et à perturber le bon fonctionnement du marché de la musique enregistrée, puisque les entreprises ne répondant pas à la définition de PME cumuleront deux handicaps : d’une part, le taux réduit de leur crédit d’impôt et, d’autre part, une absence d’éligibilité à la mesure d’un nombre significatif d’albums de nouveau talents.
En conséquence, le présent amendement supprime le dispositif de limitation du nombre d’albums éligibles applicable aux entreprises ne répondant pas à la définition de PME.