M. le président. L’amendement n° I-150 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 15
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le résultat d’ensemble est majoré de 5 % de la fraction excédant un million d’euros du montant des produits de participations mentionnés aux deuxième et troisième alinéas dont la société mère n’apporte pas la preuve qu’ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice ou par une société intermédiaire et provenant de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d’un exercice. Le montant ajouté au résultat d’ensemble en application du présent alinéa ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par les sociétés du groupe au cours de la même période pour l’acquisition et la conservation des participations dont sont issus ces produits. » ;
2° Au deuxième alinéa de l’article 223 F, après les mots : « afférente à », sont insérés les mots : « la fraction inférieure à un million d’euros de ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Adopté par le Sénat l’an dernier à pareille époque sur proposition de Mme Nicole Bricq, alors rapporteur général de la commission des finances, cet amendement nous semble vraiment bienvenu en ces temps particulièrement difficiles pour les comptes publics. Pour exposer les motifs de son intéressante proposition, je reprendrai exactement les termes que notre ex-collègue avait employés.
« Cet amendement vise à encadrer les règles de neutralisation des quotes-parts pour frais et charges dans le régime de l’intégration fiscale et donc à restreindre l’emploi d’un avantage non justifié de ce régime.
« Il suit en cela une recommandation de la Cour des comptes, laquelle estime que certains avantages outrepassent la simple compensation des résultats bénéficiaires et déficitaires, en l’état actuel du droit du régime de l’intégration fiscale.
« Ainsi, les transferts de dividendes sont considérés comme des mouvements de trésorerie et ne sont donc pas imposés. Or, dans un autre régime du groupe dit « mère-filles » que nous avons déjà évoqué, les dividendes sont imposés à hauteur de 5 %.
« Par exemple, une société qui reçoit 10 millions d’euros de dividendes d’une filiale n’acquittera pas d’impôt sur les sociétés sur ce montant dans le régime de l’intégration fiscale, tandis qu’elle versera 160 000 euros dans le régime mère-filles.
« À mes yeux, il convient de mettre un terme à cet avantage inconsidéré ; en outre, cette mesure permettrait de faire revenir au moins 1 milliard d’euros dans les caisses de l’État – ce ne serait pas inutile, par les temps qui courent ! –, sachant que le régime de l’intégration fiscale coûte chaque année près de 15,8 milliards d’euros aux finances publiques. »
Des explications et des éléments déjà fournis gardent, me semble-t-il, toute leur pertinence !
Nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à confirmer son vote de novembre 2011 en adoptant de nouveau cet amendement tout à fait signifiant.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à restreindre un avantage injustifié du régime de l’intégration fiscale au regard du régime mère-fille.
Comme l’a indiqué M. Éric Bocquet, une telle proposition a déjà été faite au Sénat. Je peux difficilement être défavorable à un amendement présenté l’an passé par Mme Nicole Bricq, qui m’a précédé à ce poste de rapporteur général, et adopté par notre assemblée.
Cela dit, il faut souligner que la configuration du budget pour 2013 s’appuie sur une politique de prélèvements fiscaux à l’égard des entreprises et des particuliers qui fait jouer d’autres leviers, d’où la perception d’une fiscalité additionnelle relativement importante sur les entreprises.
L’amendement pourrait susciter un gain fiscal de l’ordre de 1,1 milliard d’euros. Mais c’est au regard de l’équilibrage global de ces recettes sur les entreprises qu’il faut analyser les conséquences de cet amendement. La commission des finances a donc choisi de se positionner en fonction des explications du Gouvernement sur ce sujet. C’est pourquoi elle souhaite entendre préalablement son avis sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le souligner, il s’agit d’une mesure souvent proposée et défendue vaillamment par les uns et par les autres dans un contexte qui n’était pas exactement celui que nous connaissons aujourd’hui.
Depuis, en effet, deux mesures au moins sont intervenues : d’abord la suppression du plafonnement de la quote-part taxable des frais et charges dans le régime mère-fille, puis l’augmentation de 5 % à 10 % de la quote-part de frais et charges afférente aux plus-values de cession de titres de participation, ainsi que l’article 14 du projet de loi que nous avons examiné tout à l’heure et qui consiste à prendre en compte non plus les plus-values nettes, mais les plus-values brutes.
Entre le moment auquel vous avez fait référence, ce dont je vous remercie, et l’instant de notre débat, trois dispositions ont donc été envisagées, deux qui ont été adoptées et la troisième qui, je l’espère, le sera lorsque ce texte sera définitivement voté.
Comparaison n’étant pas toujours raison, il s’avère que si le Sénat, le cas échéant le Parlement, adoptait la disposition que vous préconisez, les taxations sur les entreprises ne deviendraient pas importantes ou lourdes ; elles deviendraient probablement excessives. Il faut savoir jusqu’où l’on peut aller et se garder d’aller trop loin.
Le Gouvernement s’est efforcé de retenir des dispositions équilibrées avant de les proposer au Parlement. C’est le cas du projet qu’il dépose. Or, si votre amendement était adopté, ce que je ne souhaite pas, c’est l’économie générale du texte qui serait compromise, et la taxation pour les entreprises prendrait un tour que le Gouvernement jugerait excessif. C’est pourquoi il appelle au rejet de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° I-150 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 16
À la première phrase du troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts, le taux : « 60 % » est remplacé par le taux : « 50 % ».
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-77 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier, Baylet, Bertrand et Collombat, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - Après le montant : « 1 000 000 € », la fin de la première phrase du troisième alinéa du I de l’article 209 du code général des impôts est ainsi rédigée : « majoré de 50 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant et majoré de 60 % du montant correspondant au bénéfice imposable dudit exercice excédant ce premier montant pour les petites et moyennes entreprises au sens communautaire. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Le présent amendement a pour objet d’exclure les PME du dispositif durcissant les règles de « reports des déficits », prévu par l’article 16. M. le rapporteur général a demandé en commission le retrait du présent amendement en indiquant qu’il était satisfait.
Si tel est le cas, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous le précisiez clairement devant nous, car notre présence sur le terrain nous a permis de constater la très grande inquiétude de nombre de petites et moyennes entreprises à ce sujet et concernant la stratégie fiscale du Gouvernement en général.
Or, monsieur le ministre, il nous semble qu’un certain nombre de mesures de ce projet de loi de finances, dont celle qui est prévue à l’article 16, sont conçues pour s’appliquer uniquement aux grandes entreprises qui peuvent contribuer à l’effort de redressement sans mettre en péril leur activité.
Les petites et moyennes entreprises doivent quant à elles être clairement soutenues, leur développement doit être encouragé car, nous le savons tous et vous plus que quiconque, monsieur le ministre, notre croissance économique souffre de l’absence d’un tissu suffisamment solide d’entreprises de taille intermédiaire.
Il me semble que le Gouvernement partage ce constat, d’ailleurs rappelé récemment dans l’excellent « rapport Gallois ». Je vous invite donc, monsieur le ministre, à confirmer clairement, avec cet amendement, le soutien de votre Gouvernement aux PME de notre pays.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° I-42 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. de Legge, P. Leroy et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.
L'amendement n° I-125 est présenté par Mme Des Esgaulx.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le I de l’article 209 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2012 jusqu’au 31 décembre 2013, le taux de 60 % est abaissé à 50 %. »
II.- La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-42 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l’amendement n° I-125.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. La deuxième loi de finances rectificative pour 2011 a plafonné le dispositif de report en avant des déficits des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.
L’article 16, en portant le taux de 60 % à 50 %, diminue ce plafond, ce qui a pour conséquence de rendre le mécanisme d’imputation des déficits plus pénalisant pour les entreprises françaises que celui qui est appliqué en Allemagne.
Par conséquent, cet amendement vise à donner à cette baisse du plafond un caractère provisoire, ce qui permettra aux entreprises françaises de ne pas altérer la présentation de leurs comptes consolidés, tout en participant pour deux ans à l’effort budgétaire.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° I-43 rectifié est présenté par MM. Doligé, P. André et Cardoux, Mme Cayeux, MM. Cambon, Charon, Cléach, Cornu et Couderc, Mme Deroche, MM. P. Dominati, B. Fournier et Gilles, Mme Giudicelli, MM. Grignon et Houel, Mlle Joissains, MM. Lefèvre, de Legge, P. Leroy et Pointereau, Mme Sittler et M. Trillard.
L’amendement n° I-209 est présenté par Mme Des Esgaulx et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Cette mesure s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-43 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour présenter l’amendement n° I-209.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’article 16, en portant le taux de 60 % à 50 %, diminue le plafond du déficit reporté en avant imputable sur un exercice bénéficiaire. Je note que cette mesure s’appliquerait aux résultats des exercices ouverts à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, c’est-à-dire aux résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2012.
Ce caractère véritablement rétroactif de la mesure ajoute à l’instabilité d’un dispositif adopté voilà un an seulement, ce qui est particulièrement préjudiciable à la sécurité juridique des entreprises.
Avec cet amendement, je propose que la mesure s’applique aux résultats des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
M. le président. L'amendement n° I-62, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
A. Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
II. – Le présent article s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2013.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
B. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :
I. –
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Sur le fond, cet amendement est identique à celui qui vient d’être excellemment défendu par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Nous observons d’ailleurs, non seulement sur cet article 16, mais aussi sur l’article 15 que nous examinions en fin de matinée, que le Gouvernement semble faire de la rétroactivité un nouveau principe d’action législative, alors que le contraire devrait être vrai. Nous constatons en effet que prolifèrent dans ce projet de loi de finances des dispositions qui sont volontairement rétroactives et qui placent les agents économiques dans une situation imprévisible au moment où leurs décisions ont pu être prises, d’où cet amendement de rappel dans lequel, bien entendu, les objectifs poursuivis sont les mêmes que pour l’amendement précédent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. L’amendement n° I-77 rectifié, qui a une forme d’originalité, vise à exempter les PME de l’application de l’article 16 sur le régime de report en avant des déficits.
En commission des finances, il nous a semblé que cet amendement était satisfait dans l’esprit. En effet, le report en avant des déficits ne subit aucune limitation jusqu’à un million d’euros. Ce seuil n’est pas modifié par l’article 16 et vise justement à préserver les PME.
Dans ces conditions, la commission estime que le retrait de cet amendement serait opportun.
Je suis défavorable à l’amendement n° 125, qui vise à n’appliquer les dispositions de l’article 16 que pour les seuls exercices clos entre le 31 décembre 2012 et le 31 décembre 2013.
Il sera possible, à l’avenir, de moduler le régime de report en avant des déficits, y compris de manière plus favorable à celui qui existe aujourd’hui.
La priorité doit rester le redressement de nos finances publiques. Il n’est donc pas opportun d’indiquer que l’article 16 aurait un caractère provisoire.
Enfin, les amendements nos I-209 de Mme Des Esgaulx et I-62, présenté à l’instant par M. Marini, visent à reporter d’une année l’application de la disposition prévue par l’article 16, ce qui ferait perdre un milliard d’euros au budget pour 2013. Est-il vraiment souhaitable de dégrader à ce point le solde budgétaire ? Non, bien évidemment !
J’ai le sentiment, monsieur le président de la commission, que les entreprises, ayant été informées dès la fin du mois de septembre des dispositions contenues dans le projet de loi de finances pour 2013, ont pu intégrer dans leurs perspectives cette évolution de la législation fiscale et financière.
La commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. Philippe Marini. Quelle tristesse !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Collin, l’amendement n° I-77 rectifié est intéressant, mais il me semble satisfait dans la mesure où la disposition introduite par cet article, de portée générale, est assortie d’une franchise d’un million d’euros, ce qui évitera précisément aux PME, que vous voulez défendre et dont le sort nous préoccupe, d’avoir à pâtir du dispositif, lequel ne concernera, je le crois véritablement, que les plus grandes sociétés.
L’instauration d’une telle franchise illustre d’ailleurs ce que nous avons souvent indiqué, à savoir que les sacrifices demandés aux entreprises – mais aussi aux ménages – ne pèseront que sur ceux qui disposent de la marge nécessaire pour les consentir sans compromettre leur capacité d’investissement.
Ainsi, dans la mesure où les PME ne seront pas pénalisées par les dispositions de l’article 16, l’amendement n° I-77 rectifié est à mes yeux sans objet. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Madame Des Esgaulx, l’opposition et le Gouvernement ne s’inscrivent pas dans la même démarche. Pour notre part, nous souhaitons faire participer les grandes entreprises. Le régime français de report en avant a été comparé par vos soins avec le régime allemand. Pour être complet, il aurait fallu également établir un parallèle avec le régime de report en arrière, qui est beaucoup plus favorable en France qu’il ne l’est en Allemagne. Dès lors que l’on souhaite harmoniser nos dispositions fiscales avec celles de notre voisin, il nous faut les considérer dans leur ensemble !
Or le régime que nous proposons de report en avant, combiné avec les dispositions auxquelles nous ne touchons pas de report en arrière, aboutit à un ensemble équilibré par rapport à ce que font les Allemands, dont le système n’est pas rigoureusement identique, mais qui, selon moi, se vaut. La réforme du report en avant est possible, dès lors que nous ne modifions en rien le report en arrière.
En effet, vous le savez, le régime des reports en arrière, que nous ne remettons pas en cause, est très favorable aux entreprises françaises, puisqu’il concerne les années de crise particulièrement difficiles que les entreprises ont pu connaître.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° I-125.
Monsieur Marini, vous regrettez que la rétroactivité apparaisse dans notre droit fiscal. À mon avis, il s’agit bien moins d’une apparition que d’une confirmation, puisque, dans la loi de finances pour 2012 que vous avez votée…
M. Philippe Marini. Non, je ne l’ai pas votée, parce qu’elle avait été corrigée par la majorité du Sénat !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’en suis pas certain. Cette disposition est entrée en vigueur ; j’ai donc du mal à imaginer que la majorité de l’époque ne l’ait pas votée.
M. Philippe Marini. Ici, nous n’étions pas dans la majorité !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Oui, mais vous étiez dans la majorité gouvernementale. Quoi qu’il en soit, les comptes rendus feront foi !
Il me semble bien que vous avez voté la suppression de l’abattement du tiers pour les entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés dans les départements d’outre-mer ; c’était rétroactif ! Vous avez approuvé, j’en suis certain, le durcissement du régime fiscal des redevances de brevets et des charges déductibles afférentes aux produits de la propriété industrielle ; c’était rétroactif ! Vous avez approuvé, c’est également une certitude, la limitation de l’imputation des reports déficitaires ; c’était rétroactif ! Vous avez voté la suppression du bénéfice mondial consolidé ; c’était rétroactif ! Vous avez voté, on l’a vu tout à l’heure, le rehaussement du taux de la quote-part pour frais et charges sur plus-values de cession de titres de participation ; c’était rétroactif ! Enfin, la majorité gouvernementale à laquelle vous apparteniez a voté, j’en ai un vif souvenir, la contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse de prix constituée par les entreprises du secteur pétrolier ; c’était rétroactif !
Bref, six mesures entrant en vigueur sur les exercices en cours ont été votées en 2011 par les parlementaires de la majorité gouvernementale de l’époque, qui semblent aujourd’hui regretter d’avoir fait œuvre législative rétroactive et qui, donc, pour manifester l’ampleur de leurs regrets et la vivacité de leur contrition, demandent au Gouvernement de ne pas faire ce qu’eux-mêmes ont fait.
Monsieur le président de la commission des finances, nous faisons, au moins pour ce qui concerne la méthode, comme vous, parce que nous sommes soumis aux mêmes contraintes. Par conséquent, si je peux comprendre votre argument juridique, je vous demande, si c’est possible, un peu d’indulgence politique.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° I-62. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Bien que le groupe CRC n’ait pas déposé d’amendement sur ce sujet, je formulerai quelques remarques sur l’article 16 et l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés par nos collègues.
En matière de convergence fiscale, peut-on faire son marché chez nos voisins allemands en ne gardant que ce qui nous séduit et en rejetant ce qui ne nous plaît guère ? C’est un peu ce que font nos collègues de l’opposition sénatoriale, et notamment M. le président de la commission des finances, qui vient de s’exprimer, en rechignant devant l’application de nouvelles règles relatives au report en avant comme en arrière des déficits, ce que les comptables nourris au lait de l’anglomanie appellent le carry back.
Voilà tout de même, mes chers collègues, l’un des instruments principaux de l’optimisation fiscale en matière d’impôt sur les sociétés, un jouet assez coûteux qui prive l’État de plusieurs milliards d’euros de ressources par an, et fait d’ailleurs du Trésor public une sorte de guichet de banque des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.
On peut aller jusqu’à considérer que l’essentiel du décalage entre impôt brut et impôt net perçu provient de l’application de ces dispositifs. Je le souligne ici même, l’État, dans le fascicule Évaluation des voies et moyens estime à 15,6 milliards d’euros, soit plus que le budget du travail et de l’emploi ou le budget de la justice, ce décalage, dont 13,9 milliards au seul titre des restitutions d’acomptes en trop-perçus.
La disposition introduite par l’article 16 est une pure mesure de trésorerie, qui ne change pas véritablement la nature de l’impôt sur les sociétés. On continue de fait d’accepter la prise en compte de ce qui peut parfois – ne l’oublions jamais ! – procéder de la plus parfaite optimisation fiscale.
Le débat sur l’article 15 l’a suffisamment montré, il existe moult manières de placer une entreprise dans une situation financière incertaine, notamment en transformant sa marge d’exploitation en intérêts financiers versés à un créancier d’autant plus gourmand qu’il s’agit parfois de la société chapeautant l’entreprise. Dans cette affaire, l’État fait donc face à ses difficultés de trésorerie en les faisant porter par les entreprises, dont il ne met pas en cause les choix de gestion générateurs de ces déficits reportables.
Je me demande bien ce que nos collègues de l’opposition peuvent trouver là de répréhensible, à moins qu’ils ne préfèrent que nous émettions encore un peu plus de dette publique en n’adoptant pas le dispositif prévu à l’article 16.
Pour notre part, nous voterons cet article, dans l’attente, toutefois, d’une véritable expertise de l’absolue pertinence du dispositif des reports en arrière comme en avant des déficits, dont le coût, important pour les finances publiques – plus de 20 % du déficit budgétaire de cette année et 0,7 point de PIB environ –, est cependant très réduit au regard des marges brutes d’exploitation. Qu’est-ce donc, en effet, que nos 13,9 milliards d’euros de déficits reportables par rapport aux 550 milliards d’euros de profits bruts ?
M. le président. L’amendement n° I-77 rectifié est-il maintenu, monsieur Collin ?
M. Yvon Collin. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, cet amendement avait pour objet d’attirer particulièrement votre attention sur la situation des PME-PMI, qui constituent le vivier fort de notre économie, ce afin de le préserver au maximum.
Dans la mesure où les réponses que vous nous avez fournies semblent nous satisfaire, nous retirons l’amendement n° I-77 rectifié. Nous resterons bien entendu très vigilants sur ce sujet.
M. le président. L’amendement n° I-77 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° I-125.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 16.
(L'article 16 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 16
M. le président. L'amendement n° I-83, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier et Collombat, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 217 undecies du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai simultanément l’amendement n° I-84, qui porte sur le même sujet.
M. le président. J’appelle donc en discussion l’amendement n° I-84, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Barbier et Collombat, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, et qui est ainsi libellé :
Après l’article 16
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 217 duodecies du code général des impôts est abrogé.
Veuillez poursuivre, monsieur Collin.
M. Yvon Collin. Ces deux amendements concernent l’outre-mer, sujet que nous avons déjà évoqué lors de l’examen des amendements visant à introduire des articles additionnels après l’article 4 quinquies. Alors que ces derniers ciblaient l’impôt sur le revenu et, donc, les particuliers, les amendements nos I-83 et I-84 portent sur les déductions d’impôts accordées aux entreprises qui réalisent des investissements outre-mer.
Ces niches fiscales sont à la fois coûteuses pour l’État et peu efficaces, ce qui constitue à mes yeux deux défauts majeurs. Elles permettent surtout aux contribuables aisés et aux grandes entreprises de réduire le montant de leur impôt, ce qui est profondément inéquitable. La Cour des comptes a préconisé leur suppression. C’est précisément ce que nous vous proposons par ces deux amendements.