M. Éric Bocquet. À notre sens, il convient de solder les comptes des errements fiscaux du précédent gouvernement, auxquels le présent amendement tend à remédier. De fait, nous proposons de revenir à la situation antérieure, s’agissant d’un dispositif coûteux et injuste de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA » : à savoir la mesure relative aux droits de mutation à titre gratuit, les DMTG.
On sait d’ailleurs que la loi TEPA a eu moult effets pervers en la matière, nonobstant celui de priver l’État d’environ 1 milliard d’euros de recettes fiscales par an, dont nous payons aujourd’hui le capital et les intérêts via le gonflement de la dette publique.
Le moindre des effets de ce processus d’allégement fiscal, engendrant autant de dépenses publiques que de pressions sur la situation des comptes publics, a été de favoriser la conservation du patrimoine. Parallèlement, il a donc tari l’offre immobilière et asséché le marché en le privant de biens qui auraient été mis en vente sans cet appel d’air.
De même, quand on tarit l’offre de logements à vendre, que risque-t-on de provoquer ? Rien de moins que le maintien à un niveau artificiellement élevé des prix de l’immobilier, ce qui accentue la pression sur le logement social, comme d’ailleurs la dépense liée à la résolution temporaire des difficultés de logement qu’éprouvent les exclus de ce marché.
Bref, sur le plan de la dynamique économique du secteur du logement, la loi TEPA a été un désastre, amplifié d’ailleurs par la prise en charge partielle des intérêts d’emprunt comme base de crédit d’impôt. Ce dispositif a favorisé le maintien des taux d’intérêt et des prix à un niveau élevé.
Il est vrai que la loi TEPA n’était pas destinée à résoudre les problèmes de logement. Du reste, nous avons pu constater qu’elle ne réglait guère davantage les difficultés d’emploi et de pouvoir d’achat.
Revenir sur cette disposition votée au titre de la loi TEPA stimulerait sans doute un peu l’offre sur le marché du logement, pour lequel la baisse des prix est plus que souhaitable. Ce mouvement irait de pair avec la mise en œuvre de la loi Duflot, dont nous serons appelés à débattre de nouveau dans quelques jours ici même.
Quant à la proportion de successions imposées, elle passera de 5 % environ aujourd’hui à quelque 25 %. Comme avant 2007, le quart des successions seraient imposées, à des taux n’ayant au demeurant rien de confiscatoire.
Au bénéfice de ces observations, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter le présent amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je ne peux soutenir cet amendement. Certes, le Sénat l’a voté en 2012 mais, depuis lors, l’adoption du collectif budgétaire de l’été dernier l’a satisfait en très grande partie.
Pour mémoire, je vous rappelle que les abattements ont alors été réduits, évoluant de près de 160 000 euros à 100 000 euros. De surcroît, le délai de reprise des donations a été porté de dix ans à quinze ans. Le rendement de l’ensemble de ces mesures, qui font écho à la sollicitation que vous formulez, est estimé à près de 1,5 milliard d’euros en année pleine : le travail a donc déjà été accompli, et on ne saurait engager de nouveau une telle discussion à l’occasion de chaque débat budgétaire.
Mes chers collègues, il serait donc préférable que vous retiriez cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-148 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-85 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand et Collombat, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du troisième alinéa de l'article 776 A, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix » ;
2° À l’article 776 ter, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix » ;
3° Au deuxième alinéa de l'article 784, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix » ;
4° Au premier alinéa du I de l'article 790 G, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix » ;
5° Au troisième alinéa de l'article 793 bis, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. La loi de finances rectificative du 16 août dernier a modifié la fiscalité applicable aux mutations à titre gratuit. Au-delà de la réduction de l’abattement personnel en ligne directe sur la perception des DMTG, elle a porté à quinze ans le délai de rappel fiscal pour les donations et successions en ligne directe.
Le présent amendement tend à réduire ce délai à dix ans, ce qui nous semble plus raisonnable et ne serait nullement incompatible avec l’objectif de justice fiscale visé par le Gouvernement, auquel nous adhérons bien sûr. En effet, à nos yeux, transmettre un patrimoine à ses enfants est un geste naturel et légitime pour chaque parent. Dissuader toute nouvelle mutation à titre gratuit pendant quinze ans, quel que soit le patrimoine transmit, nous semble par conséquent très excessif.
En outre, il est évident que les sommes issues de ces successions et donations sont rapidement réinvesties dans l’économie par leurs bénéficiaires et contribuent donc à renforcer la croissance de notre pays. Aussi, il n’y a pas lieu de les limiter.
Voilà pourquoi nous vous proposons de fixer à dix ans le délai pendant lequel une donation ou succession doit être prise en compte pour toute nouvelle donation ou succession en ligne directe entre les mêmes personnes, pour les patrimoines supérieurs à 100 000 euros. Tel est le sens de cet amendement, que je vous engage à voter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande à M. Yvon Collin de retirer cet amendement, car il va directement à l’encontre de la réforme des droits de mutation adoptée l’été dernier.
Il n’est pas interdit de rappeler que, dans le système actuel, chaque parent peut donner à chaque enfant jusqu’à 100 000 euros tous les quinze ans en totale franchise de droits, avant l’entrée dans un barème d’imposition progressif, lequel ne dépasse 20 % qu’au-delà de 552 324 euros, là encore, par parent et par enfant ! Objectivement, la proportion de foyers pouvant aller au-delà de ce plafond n’est pas très élevée.
Mme Marie-France Beaufils. En effet !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On le constate aisément, il s’agit là de franges très étroites de notre population, regroupant ceux de nos concitoyens qui possèdent des patrimoines très élevés.
Les dispositions du présent amendement étant en totale contradiction avec ce que nous avons proposé et adopté au mois de juillet dernier concernant ce dispositif, je souhaite que notre collègue accède à cette demande de retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
Monsieur le sénateur, dans le domaine des DMTG, la situation a déjà beaucoup évolué. En 2006, sur l’initiative du ministre du budget de l’époque, Jean-François Copé,…
M. Philippe Marini. Excellent ministre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … les seuils des donations et droits de reprise sont fixés à 50 000 euros par parent et par enfant tous les six ans. Avec la loi TEPA, ils sont portés à 150 000 euros tous les six ans ! Ensuite, la même majorité corrige le tir – elle a légèrement besoin de financer la réforme de l’ISF – et le seuil est fixé à 150 000 euros tous les dix ans. Enfin, la dernière loi de finances rectificative a porté le seuil à 100 000 euros tous les quinze ans. Je suggère que l’on en reste là.
M. le président. Monsieur Collin, l’amendement n° I-85 rectifié est-il maintenu ?
M. Yvon Collin. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° I-85 rectifié est retiré.
L'amendement n° I-142 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les articles 885 I bis, 885 I ter et 885 I quater du code général des impôts sont abrogés.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Le présent amendement tend à supprimer certaines dispositions correctrices de l’ISF qui, à nos yeux, nuisent à sa bonne répartition entre les contribuables.
Est tout d’abord visée la disposition permettant aux membres de pactes d’actionnaires, qui constituent le noyau dur de l’actionnariat d’entreprise, de diminuer leur contribution à l’ISF à proportion de leur participation. Cette exonération des intérêts minoritaires, instaurée par la loi pour l’initiative économique, dite « loi Dutreil », n’a pas rencontré un grand succès, malgré les assurances contraires qui figuraient, à l’époque, dans le rapport sur le fondement duquel elle avait été élaborée.
À en croire l’évaluation des voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, 12 700 ménages recourraient à ce dispositif en 2012, pour une dépense fiscale globale de 70 millions d’euros. Ce coût est estimé à 170 millions d’euros cette année, du simple fait du quasi-retour au tarif antérieur, ce qui signifie tout de même un bonus de plus de 13 000 euros par contribuable ! Les redevables de l’impôt sur le revenu qui paient moins de 3 000 euros en moyenne apprécieront le cadeau.
S’agissant du dispositif de l’article 885 I quater du code général des impôts, son coût s’élèverait à 40 millions d’euros pour 11 700 ménages déclarants ; ce montant est également estimé à la hausse cette année, du fait de l’article 9 tel que rédigé, ce qui le porte aux alentours de 120 millions d’euros. Cela signifie un bonus de plus de 10 000 euros par contribuable, et ce sans faire d’effort, étant donné qu’en la matière ce n’est pas la valeur des biens imposables qui augmente, c’est uniquement l’effet du tarif… Bref, seul un peu plus de 3 % des redevables de l’ISF font jouer ces dispositifs pourtant déjà relativement anciens, et de fait peu employés.
Le pacte d’actionnaires concerne au premier chef des actionnaires minoritaires et non impliqués dans la gestion courante de l’entreprise : il s’agit avant tout d’une technique d’optimisation fiscale pour celles et ceux dont le rapport avec l’entreprise se limite à la perception de dividendes. Ce système est fort utile aux riches dynasties industrielles que notre pays compte encore.
Au demeurant, lesdits pactes d’actionnaires font parfois l’objet de contestations et de controverses, comme l’illustre par exemple l’affaire de Wendel : parmi les héritiers de cette grande famille industrielle de Lorraine, certains actionnaires minoritaires ont porté plainte contre les agissements de plusieurs cadres dirigeants – dont l’ex-président du Medef – qu’ils accusent d’avoir mésusé de leurs titres et actions dans la gestion des affaires du groupe.
Or, comme le pacte de Wendel est précisément le modèle dont s’est largement inspiré le dispositif « Dutreil », on peut se demander si le maintien de ce dispositif est tout à fait fondé.
Compte tenu de ces éléments, nous ne pouvons qu’encourager le Sénat à confirmer sa position exprimée l’an dernier en faveur de la suppression du dispositif Dutreil : il s’agit d’une niche fiscale très coûteuse, inutile et peu opératoire de l’ISF, dont elle réduit le rendement de manière inacceptable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La commission demande le retrait de cet amendement, car il va à l’encontre du principe de stabilité fiscale des mesures favorisant l’investissement dans les PME – principe énoncé par le Président de la République – et à rebours du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi.
J’insiste sur ce point : au cours des derniers jours, le Premier ministre a bien indiqué qu’il était nécessaire de stabiliser pour cinq ans les conditions de la fiscalité, précisément pour conforter l’actionnariat des entreprises françaises, en particulier des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI.
En l’occurrence, les pactes « Dutreil » sont un moyen d’atteindre cet objectif. À mon sens, il serait opportun de s’en tenir à ce dispositif.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-142 rectifié est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-241, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au début du premier alinéa de l’article 885 N du code général des impôts, sont insérés les mots : « Dans la limite de deux millions d’euros… (le reste sans changement) ».
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Avec cet amendement, nous sommes dans le champ de la fiscalité du patrimoine versant ISF.
Un impôt de solidarité sur la fortune dont le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas encore aujourd’hui parfaitement représentatif de la situation patrimoniale réelle des Français, ni des profondes inégalités en la matière, pas plus que de leur juste participation aux efforts collectifs de redressement de la nation.
De manière évidente, l’ISF est en effet un impôt à la fois mythique et mité, si je puis dire, puisqu’il participe largement des clivages politiques en matière budgétaire et fiscale, très au-delà de la relative modicité de son rendement, mais aussi parce que nombre de dispositions viennent en atténuer la portée de façon très significative.
Pour ce projet de loi de finances, comme d’habitude, la recherche de la justice fiscale et celle de l’efficacité économique de l’impôt constituent les deux principaux axes de notre démarche.
Or, dans les faits, notre ISF est aujourd’hui insuffisant pour répondre à ces deux exigences.
L’assiette de cet impôt est largement tronquée, puisque nombre de biens parfaitement représentatifs de la réalité des patrimoines les plus importants sont exonérés ou pris en compte très en deçà de leur valeur.
Cet amendement a donc pour objet de revenir au principe de réalité, en faisant en sorte que la justice la plus élémentaire s’applique entre les contribuables.
Nous n’avons jamais jugé normal – j’insiste sur ce point – que les biens professionnels se trouvent exclus de l’assiette de l’ISF, d’autant qu’il ne s’agit bien souvent que de titres et de parts de sociétés, patrimoine dont la matérialité se résume à celle de morceaux de papiers imprimés...
Ainsi, persiste dans notre fiscalité un traitement différencié des titres, à nos yeux injustifié : exonération de droit pour les biens professionnels ; exonération possible en cas de participation à un pacte d’actionnaires, qui, en règle générale, n’entraîne d’ailleurs aucune conséquence en termes d’implication desdits actionnaires dans la vie quotidienne de l’entreprise concernée ; exonération impossible pour les titres détenus par des actionnaires minoritaires n’étant pas liés par un tel pacte.
Notre démarche est simple : rendons imposables les biens professionnels au-delà du seuil de 2 millions d’euros, afin de rétablir l’égalité de traitement entre les actionnaires.
Nous mettrons ainsi un terme à une situation qui constitue une inégalité de traitement entre contribuables et entraîne une perte de recettes non négligeable pour les finances publiques.
J’ajoute que notre proposition reste relativement mesurée, eu égard au taux actuel de l’ISF, et même au taux moyen d’imposition.
C’est donc au bénéfice de ces observations que nous vous invitons à l’adopter, mes chers collègues.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ceux qui ont de la mémoire se souviennent que François Mitterrand, lors de la création de l’impôt sur les grandes fortunes, l’IGF, avait indiqué que les biens professionnels et les biens culturels seraient exonérés.
L’exonération des biens professionnels a toujours été un principe fondateur de l’ISF, comme de l’IGF.
Il s’agit là d’un principe général dont l’intérêt économique est clair. Soumettre les biens professionnels à l’impôt nécessiterait de réduire considérablement les taux du barème.
Il nous semble donc préférable d’en rester au droit actuel et à la philosophie initiée par François Mitterrand. Dès lors, je vous suggère, mon cher collègue, de retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Bocquet, l’amendement n° I-241 est-il maintenu ?
M. Éric Bocquet. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-189, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - À la première phrase du second alinéa de l'article 885 S du code général des impôts, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 100 % ».
II. - La perte de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° I-242, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 885–O V bis A du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Avec le présent amendement, nous en sommes particulièrement conscients, nous pouvons heurter un discours relativement en vogue, tout en mettant en question l’une des plus étonnantes mesures de la loi TEPA, celle qui a consisté créer un crédit d’impôt spécifique pour contribuables de l’ISF à un niveau de dépenses éligibles et de montant tout de même jamais atteint par ailleurs.
Instauré par la loi TEPA, le dispositif ISF-PME n’a jamais rencontré le succès que ses promoteurs pouvaient en attendre.
On peut comprendre leur préoccupation de départ. Il s’agissait de permettre aux petites et moyennes entreprises de disposer de fonds propres versés par de généreux donateurs sous forme de souscription de parts, d’actions, de titres, etc.
Nous partageons nous aussi ce souci d’assurer le financement des PME, particulièrement dans le contexte actuel.
Il est toutefois permis de se demander si le problème de nos PME est un problème de fonds propres ou un problème d’accès au crédit bancaire, ce qui me semble, à l’expérience des dernières années, être plus largement prouvé.
Cependant, très vite, la question de la pertinence et de la consistance de la mesure s’est posée. En effet, étant donné le taux d’abattement particulièrement élevé – 100 euros souscrits ouvrant droit, dans un premier temps, à 75 euros de réduction sur l’ISF, puis, après un judicieux amendement de notre collègue Gilles Carrez, à 50 euros de réduction –, cette mesure est plus proche de la niche fiscale très confortable que de l’incitation au financement des entreprises et au réinvestissement de l’épargne des ménages dans l’économie réelle.
Cette mesure a rapidement montré ses limites et sa nature : elle coûte fort cher pour un montant relativement faible de fonds levés. Nous avions d’ailleurs dénoncé le coût exorbitant qu’elle représente pour les finances publiques – plus de 700 millions d’euros en 2010 et un peu moins de 600 millions d’euros aujourd’hui, tout bonnement parce que l’ISF s’est contracté entre-temps – au regard des faibles sommes mises en jeu – tout au plus 1,4 milliard d’euros en 2010.
À titre de comparaison, gardons en tête que les banques implantées en France gèrent un encours de crédits de près de 1 900 milliards d’euros…
Comme on pouvait le craindre dès l’origine, la volonté d’optimisation fiscale de cette niche a bien souvent pris le pas sur toute autre considération, notamment l’éventuel intérêt pour la gestion des PME ainsi financées.
Nombre de contribuables sollicitant le dispositif ISF-PME n’ont versé que la somme nécessaire pour ne pas payer l’ISF, ajustant leur concours aux PME en fonction de cette contribution.
La baisse du montant des dépenses éligibles en 2012 illustre d’ailleurs cette situation.
Si les contribuables de l’ISF ont moins à payer au titre de cet impôt, ils adapteront leur versement à raison de ce qui leur est nécessaire, certains comptables avisés s’arrangeant même pour ne plus rien payer.
Au moment où le Gouvernement met en place la Banque publique d’investissement, nous estimons qu’il est temps d’aller dans une autre direction.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de supprimer un dispositif coûteux, aux objectifs dévoyés, afin que nous puissions travailler efficacement à la recherche d’autres sources de financement pour les PME, et plus particulièrement pour les très petites entreprises.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. J’ai quelque peine à comprendre l’argumentation de notre collègue, puisque cet amendement vise non pas les PME, mais les dons aux organismes d’intérêt public.
Ce matin, lors de l’examen de cet amendement par la commission des finances, j’ai bien indiqué que son adoption adresserait un mauvais signal à une période où les dons aux organismes d’intérêt public doivent être encouragés. En conséquence, j’avais suggéré à ses auteurs de le retirer, en relevant également que le coût du dispositif, relativement modique – 86 millions d’euros –, plaidait pour son maintien.
Je réitère donc ma demande de retrait de cet amendement. À défaut, je demanderai au Sénat de bien vouloir le rejeter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est tout aussi défavorable à la suppression de l’ISF-dons, qui fait l’objet du présent amendement, qu’à celle de l’ISF-PME, en faveur de laquelle vous venez de plaider, monsieur Bocquet.
M. le président. L'amendement n° I-423 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, MM. Rome, Teston, Chastan, Esnol et Fichet, Mme Herviaux et MM. Le Vern, Ries, Camani, Filleul, Vairetto, Kerdraon, Tuheiava, Anziani, Patient, Chiron, Daunis et Carvounas, est ainsi libellé :
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le 1 du I de l'article 885-0 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du b du 1, après le mot « immobilière », sont insérés les mots : « ainsi qu'aux activités de production d’énergie par l’exploitation de sources d’énergie renouvelables procurant des revenus garantis en raison de l’existence d’un contrat d’obligation d’achat mentionné à l’article L. 314-1 du code de l’énergie » ;
2° Le 0 b bis) est complété par les mots : « cette exclusion n'est pas applicable aux entreprises solidaires mentionnées à l'article L. 3332-17-1 du code du travail ; ».
II – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston. Pour présenter cet amendement, je partirai d’un constat : les initiatives citoyennes pour promouvoir les énergies renouvelables sont nombreuses, mais la réalisation d’un montage juridique et financier pour parvenir à faire financer par une majorité de particuliers, notamment riverains au projet, un moyen de production exploitant une source d'énergie renouvelable est très complexe.
Le but de cet amendement est donc de permettre aux structures ayant l’agrément « entreprises solidaires » de lever des fonds dans le cadre des dispositifs de réduction d’impôts, comme cela est d’ores et déjà possible dans les domaines de la finance et de l’immobilier, pour les activités de production d’énergies utilisant l’exploitation des sources d’énergie renouvelable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. D’un côté, il a semblé à la commission que cet amendement allait dans le bon sens pour favoriser l’investissement dans les énergies renouvelables. De l’autre, la commission continue à s’interroger sur les tenants et aboutissants de cet amendement, notamment sur le fait que son adoption aurait pour conséquence d’élargir une niche fiscale.
Nous souhaitons donc recueillir l’avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous en conviendrez, l’ISF-PME a pour but de récompenser une forme de prise de risques.
M. Philippe Marini. Oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En l’occurrence, il n’y en a pas, puisque le dispositif s’appliquerait à des entreprises dont le rendement est certain,…
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … puisqu’elles bénéficient d’un tarif garanti.
Dès lors, vouloir ainsi distraire une partie des sommes qui devraient être investies dans le secteur productif risqué, le cas échéant exposé à la concurrence, ne me semble pas opportun.
Je ne crois donc pas que nous puissions être favorables à cet amendement, même si je vois bien l’intérêt qu’il y aurait pour vous à favoriser un type d’économie et un type de production d’électricité. Au demeurant, l’un comme l’autre bénéficient déjà de divers avantages, notamment fiscaux et tarifaires, et le fait de cumuler ces avantages ne serait pas d’un très grand intérêt pour notre économie.
Aussi, je vous suggère très vivement de retirer cet amendement, monsieur Teston. À défaut, j’appellerai le Sénat à voter contre.