Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
MM. Marc Daunis, Jean Desessard.
Mme Éliane Assassi, M. le président.
3. Nouvelles perspectives européennes. – Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre.
MM. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères ; Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes ; Philippe Marini, président de la commission des finances ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
MM. Jean-Vincent Placé, Pierre Laurent, François Zocchetto, Jacques Mézard, Jean Bizet, François Rebsamen, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM. Richard Yung, Michel Mercier, Bruno Retailleau.
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
M. Michel Delebarre, Mme Bernadette Bourzai, M. Yannick Vaugrenard.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
5. Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes ; François Marc, rapporteur général de la commission des finances ; Philippe Marini, président de la commission des finances ; Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères ; Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.
M. Pierre Bernard-Reymond, Mme Éliane Assassi, MM. Aymeri de Montesquiou, Christian Bourquin, Jean-Vincent Placé, Jean Bizet, Richard Yung.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Marc Daunis,
M. Jean Desessard.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, mon rappel au règlement est relatif à l’organisation de nos travaux.
Avant que le Sénat n’entame l’examen de cette séquence européenne, constituée par le débat sur la politique européenne du Gouvernement, la discussion du projet de loi de ratification du traité budgétaire européen et, enfin, celle du projet de loi organique qui découle de ce dernier, soit l’application de la règle d’or dans notre pays, je tiens à m’étonner de l’ordonnancement de ces débats au Parlement.
Il me semble en effet que l’Assemblée nationale, après avoir examiné dans une certaine précipitation le projet de loi de ratification du traité ait examiné dans la foulée, lundi 8 octobre, le projet de loi organique appliquant ce traité dans notre droit interne. Est-il acceptable que l’Assemblée nationale vote solennellement ce texte cet après-midi même alors que le Sénat, chambre du Parlement à part entière, n’a pas débuté à son tour l’examen du projet de loi de ratification du traité signé par Mme Merkel et M. Sarkozy, projet de loi qui, je le rappelle pour être claire, légitime l’existence même de la loi organique ?
De toute évidence, soit cet état de fait est l’aveu d’une méconnaissance du principe de la navette parlementaire, ce que, bien évidemment, nous n’osons croire, soit il indique que les débats sénatoriaux relèvent de la simple formalité.
De surcroît, nous avons appris que, lundi prochain, se tiendrait à l’Assemblée nationale un débat à caractère officiel « sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances pour 2013 dans le cadre du semestre européen ». Ce débat n’aura pas lieu dans l’hémicycle du Palais-Bourbon mais salle Lamartine, en raison – et cela m’amène à soulever une autre question – de l’intervention de membres extérieurs à l’Assemblée nationale, en l’occurrence un membre de la Commission européenne et des présidents de commissions du Parlement européen.
Un tel débat, retranscrit au Journal Officiel, se déroulera pour la première fois ! Comment ne pas y voir l’anticipation de l’application de la mise sous tutelle du Parlement national par les autorités européennes alors que le Sénat n’aura pas commencé à examiner le projet de loi organique, qui, je le rappelle, introduit justement ce mécanisme de tutelle, en particulier au travers de la création du Haut conseil des finances publiques.
M. Jean Bizet. Cela fait désordre !
Mme Éliane Assassi. Aussi, monsieur le président, je crois qu’il serait bon de rappeler qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation et qu’il y va du sérieux et de la dignité de nos débats d’éviter au Sénat d’être ainsi mis devant le fait accompli. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo ! Où est la majorité sénatoriale ?
M. le président. Madame Assassi, je vous donne acte de votre rappel au règlement, en soulignant que l’ordre du jour a été fixé par la conférence des présidents.
3
Nouvelles perspectives européennes
Déclaration du Gouvernement suivie d'un débat
M. le président. L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement sur les nouvelles perspectives européennes, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il y a des votes qui marquent plus que d’autres notre histoire commune,…
M. Jean-Jacques Hyest. C’est bien vrai !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … en particulier l’histoire parlementaire, et celui auquel je vous invite cet après-midi engage l’avenir de notre pays.
Ce n’est pas simplement un traité européen de plus que le Gouvernement soumet à votre approbation, c’est un choix d’avenir que je vous invite à faire, celui de garantir la zone euro, de maintenir la France dans la zone euro plutôt que, comme certains le préconisent – ou, tout en ne l’assumant pas, agissent en ce sens – de prendre le chemin inverse.
C’est aussi le choix de la confiance dans la capacité de l’Union européenne à repartir de l’avant plutôt que celui de la défiance.
Je sais que, dans votre immense majorité, vous êtes attachés à notre destin européen et vous avez conscience de la responsabilité particulière de la France, dont la voix porte haut et fort en Europe, parce qu’il n’y a pas d’Europe sans la France.
La réalité, c’est que l’Union européenne est la première puissance économique et commerciale du monde. C’est grâce à elle que nous avons les moyens de peser dans les instances internationales pour défendre notre économie, promouvoir nos standards sociaux et environnementaux. C’est grâce à l’euro que nous n’avons plus à subir des dévaluations dévastatrices pour le pouvoir d’achat des plus modestes.
Ma conviction, qui est aussi celle, je le crois sans préjuger de votre vote, de la majorité de cette assemblée, c’est que la France ne se relèvera pas durablement et efficacement sans l’Europe. Mais, en même temps, elle ne le fera et ne pourra le faire que si l’Europe change.
Car l’Europe est en crise et l’urgence est là. Nous ne votons pas dans la précipitation, cet après-midi. Reporter les décisions serait commettre une faute et prendre une lourde responsabilité. La croissance est au plus bas dans la zone euro ; le chômage et la pauvreté progressent. Même nos partenaires de l’Europe du Nord ne sont plus à l’abri du ralentissement et, malgré les efforts accomplis, nos partenaires du Sud continuent de subir les effets de la récession.
Partout, au sein de l’Union, la crise économique frappe durement les peuples, qui perdent peu à peu confiance dans la construction de l’Europe. Celle-ci n’est plus perçue par un grand nombre de nos concitoyens, en France et en Europe, comme le projet partagé et mobilisateur que nous avons connu il y a quelques années.
Sur l’ensemble du continent, le populisme prospère, les égoïsmes nationaux, le refus de la solidarité gagnent peu à peu du terrain. Si nous refusons toute avancée au motif que nous la trouvons insuffisante, ce sont ces forces-là, celles du repli, celles du renoncement, qui finiront par l’emporter.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ma volonté, la volonté du Gouvernement, c’est de réorienter la construction européenne, conformément aux engagements que le Président de la République a pris devant le pays en mai dernier.
Nous sommes des Européens convaincus, mais nous sommes aussi en désaccord avec le chemin qui a été suivi depuis dix ans. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) Pour faire face à la crise et à ses conséquences désastreuses, les sommets – de la dernière chance, comme on les appelait, les uns après les autres – se sont succédé, sans apporter de réponses de fond satisfaisantes. Les gouvernements européens se sont contentés d’appliquer des politiques de rigueur budgétaire. Mais, sans le soutien à la croissance – et l’actualité nous le rappelle –, la réduction des déficits, seule, ne peut que conduire à la récession.
Voilà pourquoi il est indispensable de faire bouger les lignes en Europe. C’est le mandat que les Français ont confié au Président de la République, et ce mandat, à ce stade, a été respecté.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, la réorientation de l’Europe est en cours et c’est cette réorientation décisive pour l’avenir de notre maison commune que je suis venu vous demander de soutenir aujourd’hui, pour qu’elle en soit consolidée et surtout amplifiée.
Vous allez voter pour ou contre la ratification du traité. Mais, à travers votre vote, c’est sur la réorientation de l’Europe que vous vous prononcerez. La première des exigences démocratiques, c’est de se prononcer sur le traité en toute connaissance de cause. II m’appartient donc d’écarter certaines interprétations volontairement erronées.
Certains parlementaires parmi les mieux disposés ont pu ainsi s’inquiéter à un moment de l’introduction d’un carcan constitutionnel bridant nos finances publiques. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur ce sujet. J’entendais d'ailleurs hier un député, qui a voté contre l’introduction de cette règle, dire que cette décision était politique : pour certains, quand une décision du Conseil constitutionnel va dans leur sens, elle est due à la sagesse de l’institution, mais quand la décision ne leur convient pas, ils en stigmatisent le caractère politique… Quoi qu’il en soit, le Conseil constitutionnel s’est prononcé et nulle « règle d’or » ne sera inscrite dans notre loi fondamentale. Le Conseil n’a pas jugé qu’il était nécessaire de modifier la Constitution et, de ce point de vue, il n’y a pas de transfert de souveraineté, ce qui est très important pour une assemblée parlementaire, que ce soit l’Assemblée nationale ou le Sénat.
Comme je l’ai dit devant l’Assemblée nationale, le traité lui-même ne comporte aucune contrainte sur le niveau de la dépense publique, il n’impose pas davantage de contrainte sur sa répartition, il ne dicte pas la méthode à employer pour rééquilibrer les comptes. Quelques heures après, à la radio, un ancien Premier ministre, mon prédécesseur, m’a qualifié d’irresponsable. Pourtant, je ne faisais qu’affirmer que la souveraineté du Parlement sur le vote du budget était préservée.
Il s’est trouvé qu’au même moment je rencontrais le ministre des affaires étrangères de la République fédérale d’Allemagne à l’occasion de la fête de l’unité allemande, qui m’a félicité. Je n’attendais pas de félicitations pour mes discours, mais il m’a félicité d’avoir affirmé devant l’Assemblée nationale que la souveraineté parlementaire sur le budget était préservée. « Nous, Allemands, m’a-t-il dit, nous revendiquons aussi la souveraineté budgétaire. »
Ce n’est pas parce que nous avançons dans la direction d’une discipline collective assumée sur les déficits et les grands équilibres, ce n’est pas parce que nous avançons vers une plus grande coordination de nos politiques économiques, de nos politiques budgétaires et fiscales que, pour autant, nous devons abandonner notre souveraineté. Comme l’a exprimé le Conseil constitutionnel, c’est vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui continuerez à voter le budget de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Encore heureux !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. D’ailleurs, le traité qui vous est soumis est plus souple que le traité de Maastricht, que beaucoup avaient voté mais que d’autres avaient contesté. Et, nous le savons, la contestation de la construction européenne depuis le début, celle de la création d’une monnaie unique, et certains points de vue qui perdurent étaient déjà présents dans l’opposition à Maastricht. Mais justement, avec ce nouveau traité, le principe de l’équilibre du solde structurel des dépenses publiques autorise les États à prendre des mesures adaptées pour faire face aux situations de crise économique.
J’ajoute qu’il est un peu facile, devant les difficultés particulièrement graves que connaît notre pays, de se défausser sur l’Europe et de prétendre que ce que le Gouvernement entreprend pour redresser les finances publiques, pour améliorer la compétitivité de notre pays, pour redonner à la France des marges de manœuvre afin de revendiquer sa pleine souveraineté ne serait qu’une exigence de l’Union européenne, voire du traité que vous allez ratifier.
Eh bien non, ce n’est pas cela ! C’est notre libre arbitre, notre décision souveraine qui nous fait dire : stop, cela suffit, on ne peut pas continuer avec de telles situations de déficit, de dettes, qui plombent notre pays, qui l’affaiblissent et qui conduisent à son déclin, ce que nous refusons.
La loi de finances pour 2013, je le revendique ici au nom du Gouvernement, n'est que la reconquête de nos marges de manœuvre et de notre autonomie. Le premier budget de la France ne doit plus être celui du remboursement des intérêts de la dette ; le premier budget de la France doit être celui de l'investissement dans l'industrie et dans les priorités qui sont à privilégiées pour le redressement du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Ces priorités, vous les connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs : il s’agit de l'éducation – le Président de la République l'a rappelé encore hier –, de l'emploi, de la sécurité, de la justice, du logement et du financement de notre protection sociale.
À ceux qui nous disent que rien n'a changé depuis le mois de juin,…
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Ce qui est vrai !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … je réponds que, si la lettre du traité reste bien sûr la même, l'esprit dans lequel il sera mis en œuvre est profondément différent ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Rires et exclamations sur les travées de l'UMP.)
Mesdames et messieurs les sénateurs, grâce au paquet européen que nous avons obtenu, nous aurons désormais les moyens d'affronter la crise avec plus d'efficacité.
M. Jean Bizet. Chiche !
M. Charles Revet. Il était bien négocié !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Le vote auquel je vous invite est donc aussi un vote de confiance dans la politique européenne engagée depuis quatre mois.
M. Jean Bizet. Il ne s’est rien passé !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si nous avons réussi à atteindre un certain nombre d'objectifs, c’est bien parce qu’il y a eu une négociation. Mesdames et messieurs les sénateurs de l'UMP, dès le lendemain de sa prise de fonctions, le Président de la République a demandé un rééquilibrage à nos partenaires…
M. Jean Bizet. Mais non !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. … avec l'appui de plusieurs pays européens, y compris de gouvernements conservateurs.
Je reviens du sommet franco-espagnol. Que je sache, le président Rajoy n'est pas socialiste ; et pourtant, il a, les 28 et 29 juin dernier, soutenu les efforts de la France pour une réorientation de l'Europe en faveur de la croissance. Et il n'était pas le seul ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Au mois de juin a été obtenu le pacte pour la croissance et l'emploi, qui donne une nouvelle chance à l'Europe. Je rappelle que la Banque européenne d'investissement a reçu l'accord pour une recapitalisation dès le premier trimestre de 2013. On me dit que c’était déjà acquis ; mais c'est faire preuve de légèreté que de dire cela !
En effet, il fallait l'accord des 27 États membres. Avant l’élection présidentielle, lorsque nous proposions d’augmenter le capital de la BEI afin de financer les projets structurants, c’était « non ». C'est bien parce que les Français ont signifié par leur vote, le 6 mai dernier, qu’un tournant était nécessaire que les choses ont bougé. Au total, ce sont donc 120 milliards d'euros qui seront financés, soit – je le signale pour ceux qui disent que c’est peu – l'équivalent d'une année du budget communautaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Combien pour la France ?
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Quant à l’union bancaire, elle est également en marche. D’ici à la fin de l’année 2012, il est indispensable que les décisions prises soient mises en œuvre, c'est-à-dire la supervision intégrée des systèmes bancaires pour toutes les banques de la zone euro, adossée à la Banque centrale européenne, qui sera le superviseur.
À ce propos, que n'a-t-on entendu ces dernières années sur le rôle que la BCE aurait dû jouer ! Je fais d'ailleurs partie, avec d’autres, de ceux qui estimaient qu’elle devait pouvoir intervenir pour que les marchés ne pénalisent pas les États, en particulier ceux qui font des efforts en vue du redressement de leur économie. Lorsqu’ils sont obligés d'emprunter à 5 % ou 6 %, ce sont leurs politiques qui sont mises en cause, leurs efforts qui sont pénalisés et leur peuple qui souffre toujours plus.
Nous avons demandé une intervention de la Banque centrale européenne. Croyez-vous que, s'il n'y avait pas eu cette décision politique, si le contexte n'avait pas changé, elle aurait pu intervenir comme elle le fait ? Voilà un changement dont il faut se féliciter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Quant à la taxe européenne sur les transactions financières, là aussi, on nous dit qu’elle était acquise. Mais vous savez bien que ce n'est pas vrai ! Cela fait des années que nous nous battons pour qu’elle soit instaurée. Même un pays réticent comme l'Espagne – le président Rajoy l'a confirmé il y a quelques instants au Président de la République – rejoint les dix autres États qui ont décidé d’une coopération renforcée pour mettre en place cette taxe. Voilà encore un résultat à notre actif ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Oui, nous en avons fait la preuve, la France n'est pas isolée en Europe, elle a réussi à créer un mouvement, qu’il faut s’attacher à renforcer. De ce point de vue, la ratification du traité est non pas la fin ultime, mais un moyen, une étape nécessaire, pour que des solutions durables et plus volontaires encore puissent permettre un redémarrage de la croissance dans la zone euro et dans toute l'Europe. Je le redis, il y a urgence à amplifier ce mouvement.
Les programmes de stabilité financière n'ont pas suffi. Tant que l’hypothèse d’une sortie de certains États de la zone euro, en particulier de la Grèce, ne sera pas définitivement écartée, les marchés continueront d'imposer à certains pays parmi les plus vulnérables des primes de risque qui asphyxient leur économie et ruinent leurs efforts.
C'est pour cela que nous avons aussi confirmé aujourd’hui que l’Espagne et la France ne voulaient pas – nous ne sommes pas les seuls, l'Allemagne l'a confirmé également lors du déplacement de Mme Merkel à Athènes – laisser tomber la Grèce. Nous devons non seulement aider la Grèce et consolider sa situation, mais faire de même pour la zone euro tout entière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, notre réponse doit aussi passer par l'approfondissement de l'union économique et monétaire, qui sera une nouvelle étape de notre histoire commune. C'est ce que le Président de la République a appelé l'intégration solidaire. Il faut, pour cela, réformer le fonctionnement même de l’Union économique et monétaire afin qu’il réponde à trois exigences.
La première, c’est de mettre en place une coordination des politiques économiques, ce que nous avons appelé depuis des années le gouvernement économique de la zone euro.
La deuxième exigence, c’est l’équilibre qui doit être trouvé entre le développement de mécanismes financiers de solidarité et la vigilance budgétaire. La zone euro doit disposer d’instruments budgétaires et financiers communs pour permettre aux pays qui rencontrent des difficultés de les surmonter et de retrouver le chemin de la croissance. Il ne peut pas y avoir d’Europe sans solidarité. Les pays qui en ont besoin doivent pouvoir désormais bénéficier du mécanisme européen de stabilité puisqu'il a été officiellement mis en place.
Agissons sans attendre et ne cherchons pas toujours un prétexte pour retarder les décisions !
La France est favorable à ce que l’on aille même plus loin, vers une mutualisation d’une partie de la dette par l’émission d’eurobonds. Elle est aussi favorable à une nouvelle législation bancaire qui sépare la gestion des dépôts des activités à risque. Nous voulons que la finance, en France comme en Europe, soit exclusivement mise au service de l’économie, et non de la spéculation. Cette réforme bancaire, à la suite du rapport Liikanen, nous la ferons, mais nous souhaitons qu'elle soit également réalisée à l'échelle de l’Europe tout entière.
La troisième exigence, c’est la légitimité démocratique. Il n’y aura pas d'étape supplémentaire dans l'approfondissement de l'Europe et dans son intégration solidaire sans adhésion des peuples. Dans le processus de décision, l’articulation entre le niveau européen et le niveau national doit faire l’objet d’une attention particulière, et cela doit passer autant par une reconnaissance accrue du Parlement européen que par la place consacrée aux parlements nationaux.
Aller plus loin, c’est aussi relever le défi de l’Europe sociale, qui n’a jamais bénéficié du même niveau de priorité que la mise en œuvre du marché unique et de l’intégration monétaire. Il faut que l’Europe sociale arrête d’être un slogan pour devenir une réalité. Je pense à la lutte contre le chômage de masse, les exclusions et les discriminations sociales. En favorisant la convergence sociale et fiscale sur notre continent, nous réconcilierons l’Europe et les citoyens.
Œuvrer pour la convergence fiscale, cela signifie concrètement que la concurrence fiscale déloyale doit être combattue. La France mènera cette bataille au niveau européen. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Quant à l'éducation et la formation tout au long de la vie, vous le savez, c'est une priorité nationale. La France plaidera pour que tous les Européens, quel que soit leur niveau de qualification, aient la possibilité de se former dans un autre pays de l’Union européenne. Elle veillera au respect du principe de subsidiarité, parce qu'il faut tourner la page des dérives et en finir avec l’Europe des pratiques tatillonnes et des règlementations inutiles. Vous en connaissez tous des exemples, aussi ne m'étendrai-je pas sur ce point. L’Europe doit se concentrer sur ses missions essentielles.
Nous, Français, sommes particulièrement attachés à la question des services publics, même si nous ne sommes pas les seuls en Europe. La France travaillera donc à l’élaboration d’une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général pour préserver la conception des services publics qui est la nôtre.
L’Europe doit se doter, enfin, d’une grande politique industrielle, qui ne peut se réduire aux règles de la concurrence. Nous avons souvent le sentiment que la politique économique et industrielle de l'Europe repose sur la seule loi de la concurrence. Nous savons bien que cela ne peut pas marcher ! Cette politique doit passer par l’engagement de deux grands chantiers, celui de l’innovation et celui de la réindustrialisation. La recherche européenne est performante, mais elle ne se traduit pas suffisamment en projets innovants. Nous devons maintenant inventer les « Airbus » de demain, éliminer les freins à l’innovation et relever le défi de la compétitivité.
Le Président de la République s’est aussi prononcé pour une communauté européenne de l’énergie et pour une politique environnementale à l’échelle du continent. Voilà un formidable défi pour l’avenir ! Si nous savons y consacrer les moyens nécessaires, la transition énergétique sera au cœur du processus de croissance verte et permettra la création de millions d’emplois en Europe.
Pour améliorer notre compétitivité, nous avons besoin d’une Europe qui sache défendre ses intérêts à l'échelle du commerce mondial. Cette politique doit être fondée sur le juste échange et la réciprocité et elle doit être mise en œuvre au niveau européen. Si nous voulons préserver nos intérêts, ceux de notre pays, mais aussi ceux de l'Europe, à l'échelle du commerce mondial, il nous faut promouvoir, affirmer et imposer des règles du jeu qui prennent en compte notamment les normes sociales et environnementales, auxquelles nous, Européens, sommes particulièrement attachés.
Très souvent, l’Europe fait preuve de naïveté même vis-à-vis de partenaires parmi les plus avancés et les mieux intentionnés, qui savent aussi préserver leurs intérêts. Elle doit être capable de faire face – nous y veillerons – à des concurrents qui n’hésitent pas à défendre pied à pied leurs positions.
C'est l'une des conditions de la confiance des Européens dans l'Europe. C’est aussi ce qui permettra à l’Europe de continuer d'exister avec force sur le plan économique et commercial ; sinon, nous amorcerons, non seulement à l'échelle de la France, mais aussi à celle de toute l'Europe un déclin dont nous ne voulons pas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les dirigeants européens auront aussi à se prononcer sur les perspectives financières et budgétaires de l'Europe. La majorité précédente avait fait de la baisse de la contribution française sa seule priorité. Telle n'est pas la volonté de mon Gouvernement. Nous sommes favorables à son maintien à un niveau élevé, en tenant bien évidemment compte des contraintes budgétaires de chacun, y compris des nôtres.
En effet, si l’on s’inscrit dans une logique de pure baisse, rien ne sert de faire des discours sur la défense de la politique agricole commune, sur la cohésion, sur les fonds structurels ou encore sur le Fonds social européen ! Le niveau du budget doit être suffisant.
Sur ce plan, un accord doit être trouvé, en particulier avec l’Allemagne. Il y va de la défense des intérêts de l’Europe, comme de ceux de la France !
Mesdames, messieurs les sénateurs, soyons cohérents ! Je vous appelle à être vigilants sur ce point ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Hier, à l’Assemblée nationale, les députés ont ouvert la voie à la ratification du traité. Avec 477 voix contre 70, une très large majorité s’est exprimée en sa faveur.
Plusieurs sénateurs de l’UMP. Avec les voix de droite !
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Certes, les députés de gauche n’ont pas été les seuls à voter pour ce traité, et c’est tant mieux ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. François Zocchetto. Merci qui ? (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Philippe Marini. Vous acceptez nos voix ? (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Si tel n’avait pas été le cas, cela aurait signifié que la tactique l’aurait emporté sur l’intérêt national !
Soyez assurés que, pour ma part, je n’ai qu’une préoccupation : l’intérêt de la France ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
De ce point de vue, le vote du Sénat sera, lui aussi, décisif. Plus le vote sera large, plus l’élan que vous donnerez sera vaste, plus vous donnerez de chances à la réorientation de l’Europe, qui doit absolument se poursuivre, dans l’intérêt des Européens. Cette réorientation est en marche ; elle doit être confortée. Telle est la volonté que les Français ont manifestée par leur vote, et c’est le vote du Parlement qui en garantira la mise en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie à l’avance du soutien que vous nous apporterez. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.
Dans le débat, la parole est à M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères.
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous présente d’emblée les regrets de M le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de ne pouvoir être présent parmi nous aujourd'hui. Il participe, avec une délégation de notre commission, à l’assemblée générale des Nations unies qui se tient actuellement à New York.
C’est en tant que vice-président de cette commission que j’interviens dans ce débat. Mais c’est aussi, et peut-être surtout, en tant qu’européen convaincu et lucide.
Mes chers collègues, vous le savez, comme certains autres de nos collègues aujourd'hui présents sur ces bancs je suis lorrain. Chaque année, depuis les derniers jours d’août, anniversaires des premiers combats de 1914, à novembre, mois qui vit les derniers affrontements de la Seconde Guerre mondiale, je rends hommage à la mémoire des victimes de ces conflits en parcourant, avec mes collègues de la région, les dizaines de cimetières militaires qui jalonnent notre région. Y reposent, parfois côte à côte, les milliers de jeunes Français, Allemands, Américains ou autres, tombés sur ces terres des marches de France.
Pendant vingt siècles – en moyenne trois fois par siècle –, la Lorraine a connu des invasions, des conflits, les horreurs et les misères de la guerre !
En ma qualité de lorrain, je n’oublie jamais que c’est dans la réconciliation franco-allemande et grâce à la construction de l’Europe que nous vivons et que nous connaissons la paix depuis près de soixante-dix ans ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. André Gattolin applaudit également.)
Il est essentiel d’apprécier les événements du moment à l’aune de cette histoire ! La paix est notre bien précieux. Il faut le répéter sans cesse, en particulier à l’adresse des jeunes générations, qui pourraient l’oublier.
Pourtant, la crise financière et des dettes souveraines, liée, pour une grande part, aux dérégulations libérales, voire ultralibérales des années quatre-vingt, a été une véritable surprise stratégique. Elle a agi comme un catalyseur d’évolutions qui étaient déjà à l’œuvre depuis plusieurs années.
Les États européens, pris à la gorge par la désindustrialisation – à laquelle ils avaient, d'ailleurs, consenti –, par le malaise social, par une précarité financière inédite et par de sombres perspectives économiques, sont confrontés à la montée en puissance accélérée de nouvelles puissances désormais largement « émergées », qui poursuivent leur décollage économique et qui, après avoir été l’atelier de l’Occident, en deviennent les « banquiers ».
Comme le relève Hubert Védrine, le fait majeur de ce début du XXIe siècle est la fin du monopole occidental de la richesse et de la puissance. Si nous n’arrivons pas à la résoudre, la crise européenne ne fera qu’accélérer le grand mouvement de rééquilibrage avec ces pays émergents. Quelle politique l’Europe entend-elle mener pour que ce rééquilibrage ne signe pas son déclin ? Telle est la vraie question qui se pose aujourd'hui.
Il y a de quoi inquiéter dans la désaffection croissante des opinions publiques à l’égard de l’Union européenne, dans la perte de confiance en son devenir, voire dans la montée du populisme et du retour des nationalismes en Europe.
Ma conviction est que, une fois que l’Europe aura passé le cap de la crise de l’euro, qui mobilise aujourd’hui son énergie, il lui faudra, pour exister sur la scène internationale, rebâtir un projet politique, retrouver sa légitimité aux yeux de nos concitoyens. L’Europe doit à nouveau être associée à un projet, elle qui paraît souvent aujourd’hui génératrice de normes, de règles, d’austérité et de sanctions. Elle doit faire la preuve qu’elle est capable de porter une stratégie, au bénéfice des citoyens européens, des producteurs, des salariés, des consommateurs.
Pour donner de nouvelles perspectives, redonner un sens à l’Europe, il ne suffit pas de renforcer les mécanismes de discipline budgétaire. Il faut aussi que l’Europe sache susciter l’adhésion des citoyens et se donne les moyens de répondre à leurs angoisses, à leurs inquiétudes et à leurs attentes. En effet, c’est à partir de ces préoccupations que l’on pourra rétablir la confiance.
Dans certains domaines, les attentes sont particulièrement fortes. Permettez-moi de citer trois d’entre eux.
Le premier est bien évidemment celui de la croissance et de l’emploi.
C’est, on le sait, la première et principale préoccupation des Français et des Européens. Pendant longtemps, la construction européenne a été, pour nous, synonyme de progrès et de prospérité. Aujourd’hui, dans un contexte marqué par l’atonie de la croissance, la persistance du chômage et les délocalisations, l’Europe ne répond plus aux attentes et aux inquiétudes ; il faut en prendre acte.
Pire, au regard de la mondialisation, l’Europe n’apparaît plus comme une chance, mais comme une menace, ce qui est un paradoxe. Le bilan de la stratégie de Lisbonne s’est révélé très décevant, et la zone euro n’a pas rattrapé son retard en matière de croissance et de création d’emplois.
Or ce continent peut être un formidable levier pour adapter la mondialisation et résister à la toute-puissance du marché. L’Europe peut être un atout pour la croissance économique et la création des emplois. Encore faut-il qu’elle ait la volonté et qu’elle se donne les moyens, y compris financiers, de réaliser ces objectifs.
Certes, pour répondre à la crise financière et préserver la monnaie unique, renforcer la discipline budgétaire est nécessaire. Mais la seule réduction des déficits publics ne peut tenir lieu de politique : il est indispensable qu’elle s’accompagne d’une relance de la croissance et de l’emploi. C’est le sens que je donne au Pacte européen pour la croissance et l’emploi, adopté à l’initiative du Président de la République.
Deuxième domaine où les attentes des citoyens européens sont fortes : la convergence sociale et fiscale.
Au-delà de la diversité des systèmes, comment préserver l’originalité du modèle social européen qui figure au cœur de l’identité européenne ?
Non, l’Europe ne peut se résumer à un grand marché. L’Europe que nous voulons n’est ni celle de la compétition vers le « moins-disant » en matière fiscale ou sociale, ni celle des délocalisations ou encore de l’ouverture sans limite de nos marchés à la concurrence déloyale de pays qui ne respectent pas les normes élémentaires dans ces matières.
Au contraire, nous devons progresser vers la convergence et faire en sorte que l’Europe soit plus ferme en matière de réciprocité et de respect des normes sociales dans ses échanges commerciaux.
Dans une Europe élargie, plus hétérogène, cette dimension sociale doit rester au cœur du projet européen.
La « préférence communautaire » n’est pas un vain mot : elle doit retrouver toute sa place au sein des politiques communautaires. Nous voulons une véritable politique industrielle européenne, un soutien à de grands projets européens dans des secteurs à forte valeur ajoutée, comme les énergies renouvelables ou les technologies de l’information.
Le troisième défi est de bâtir une véritable politique étrangère et de défense.
J’en suis convaincu, dans ce domaine, nous pouvons faire tellement mieux !
Mme Nathalie Goulet. C’est sûr !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. Nous pouvons proposer un horizon nouveau. L’Union européenne reste, aujourd’hui encore, la première économie du monde. Elle dispose d’atouts immenses. Toutefois, minée par la crise, affaiblie par les différences d’approches entre ses membres, elle ne s’impose pas comme un acteur majeur sur la scène internationale. Pourtant, elle pèse 40 % au budget de l’ONU et 60 % de l’aide publique mondiale
Or, qu’il s’agisse de la Syrie, du Sahel ou du Proche-Orient, l’Europe apparaît singulièrement absente ou inaudible.
Cependant, depuis les « printemps arabes » et le recentrage des États-Unis vers l’Asie-Pacifique, les attentes à l’égard de l’Europe n’ont jamais été aussi fortes, en particulier sur l’autre rive de la Méditerranée et en Afrique.
Face à la menace terroriste et au risque de déstabilisation au Sahel, au blocage du processus de paix israélo-palestinien ou encore sur le dossier du nucléaire iranien, nous avons besoin de plus d’Europe, d’une Europe forte, capable de se faire entendre sur la scène internationale et de parler d’une seule voix face aux États-Unis, à la Russie ou aux puissances émergentes.
Or l’Europe ne saura faire entendre sa voix sur la scène internationale et être une puissance dans la mondialisation que si elle dispose d’une véritable politique étrangère et d’une défense propre !
Les pays européens doivent définir leurs intérêts communs pour bâtir et porter une politique étrangère réellement efficace et cohérente.
La réduction des budgets de défense en Europe s’accélère, en total décalage avec les évolutions observées partout ailleurs dans le monde, notamment en Asie et au Moyen-Orient.
Nous voyons que l’effort de défense fait partie intégrante de la stratégie de puissance de grands pays émergents. Dans ce contexte, l’Europe ne risque-t-elle pas de perdre progressivement tout moyen ?
Le renforcement de la coopération entre la France et le Royaume-Uni qui représentent à eux seuls la moitié des dépenses militaires de l’Europe, constitue une avancée et un exemple de coopération européenne pragmatique appuyée sur une vision commune. Les projets avec l’Allemagne s’inscrivent dans la même perspective.
À cet égard, comment ne pas regretter l’échec de la tentative de rapprochement entre BAE et EADS, dossier majeur pour l’industrie de défense européenne, qui vient d’être annoncé ? Ce projet de fusion pouvait être une excellente nouvelle pour l’industrie européenne de l’armement.
Le Président de la République a souhaité l’Europe de la défense. À cet égard, la fusion entre BAE et EADS, portée par les industriels eux-mêmes, lui aurait apporté un nouveau souffle ! Elle s’inscrivait totalement dans la construction de cette base industrielle et technologique de défense européenne et performante que chacun, paraît-il, appelait de ses vœux !
Face à la diminution des budgets de la défense dans la plupart des pays européens, c’est en encourageant le partage, les mutualisations, les coopérations et les rapprochements de nos industries de défense que nous pourrons réellement préserver un outil de défense à l’échelle européenne.
M. Serge Dassault. Ce n’est pas vrai !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. C’est ce à quoi s’emploie le ministre de la défense, et il a tout notre soutien sur ce sujet.
En résumé, la question se pose en ces termes : faut-il poursuivre la méthode des « petits pas » chère à Jean Monnet, qui nous a conduits là où nous en sommes – au milieu du gué –, ou briser les tabous et oser poser la question fédérale ?
La chancelière Angela Merkel, tout comme son ministre des affaires étrangères, Guido Westerwelle, ont fait des propositions audacieuses pour une relance de l’Europe politique. Le parti social-démocrate allemand vient de publier une note sur la création d’une « armée européenne ». D’autres ont proposé un saut vers une « Europe fédérale », avec, par exemple, l’élection directe des responsables européens.
Certes, l’expérience nous incite à faire preuve de prudence à l’égard des débats institutionnels, qui paraissent éloignés des préoccupations de nos concitoyens.
Mais, pour notre pays, qui a toujours été à la pointe de la construction européenne, le moment n’est-il pas venu de prendre de nouvelles initiatives et de donner un nouvel élan à cette construction de l’Europe que nous souhaitons ?
Pour ce faire, monsieur le Premier ministre, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe écologiste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat est bienvenu car il nous invite à ne pas réduire notre approche de l’Europe à la controverse sur le TSCG. Il ne s’agit pas d’escamoter ce traité, d’autant que nous examinerons dès ce soir le projet de loi en autorisant la ratification ; il s’agit simplement de le replacer dans un contexte plus global. Cela nous aidera peut-être à ramener ce nouveau traité à ses justes proportions : après tout, il n’est pas, l’alpha et l’oméga de la construction européenne.
De plus, nous sommes au début d’un nouveau quinquennat ; c’est le moment où jamais d’aborder entre nous « les nouvelles perspectives de la construction européenne ».
Comme beaucoup d’entre nous ici, sans doute, je peux dire que l’engagement européen fait partie intégrante de mon engagement politique. Cela n’a d’ailleurs pas toujours été confortable : je suis en effet l’élu d’un département qui a voté « non » à 65 % lors du référendum sur le traité constitutionnel.
Mon engagement européen reste le même, mais il me semble qu’aujourd’hui l’Europe a besoin de trouver un nouvel équilibre, un meilleur équilibre. Sinon, le soutien à la construction européenne va s’affaiblir et il sera de plus en plus difficile d’avancer.
L’Union a d’abord besoin d’un meilleur équilibre entre les pays membres. Bien entendu, l’axe franco-allemand est nécessaire et même indispensable ; nous savons tous qu’il est à la base de la construction européenne. Cependant, l’Union, ce sont vingt-sept pays, bientôt vingt-huit, qui tous apportent quelque chose à la construction commune, et qui tous aspirent légitimement à dire leur mot, à ne pas assister en spectateurs à des prises de décision qui les concernent.
C’est pourquoi la nouvelle attitude adoptée par le Président de la République, François Hollande, a donné de l’air à la construction européenne. Sans renier l’axe franco-allemand, qui reste irremplaçable, il a voulu que cet axe cesse d’apparaître comme une sorte de « directoire » placé au-dessus des autres pays.
L’Europe a besoin de toutes ses composantes pour avoir son identité et jouer son rôle dans le monde. Elle a besoin des récents États membres d’Europe centrale, qui l’ouvrent vers l’est. Elle a aussi besoin des pays méditerranéens, qui l’ouvrent vers le sud. L’Europe ne serait pas elle-même sans l’Espagne, le Portugal et la Grèce, pas plus que la France ne serait elle-même sans Marseille, Toulouse, Montpellier et Nîmes.
Il y a bien sûr, en Europe, des pays qui, par leur démographie et leur situation économique, vont peser plus que d’autres. Mais il n’y a pas de « petits pays » ; il n’y a pas de pays qui ne comptent pas. Tous doivent concourir aux décisions et pouvoir se retrouver dans le compromis final.
On l’a souvent dit, nous formons en Europe une communauté de destin. Ne croyons pas que certains pays pourraient mieux réussir en laissant les autres à leur triste sort. La solidarité est, au contraire, dans l’intérêt bien compris de tous les pays européens. Cela ne dispense pas les pays en difficulté de faire les efforts nécessaires ; personne ne peut les faire à leur place. Mais ne perdons pas de vue que, si ces efforts échouaient, les conséquences pèseraient sur toute l’Union. Leur contrepartie normale doit donc être une mutualisation plus forte des garanties. Nous avons déjà beaucoup avancé dans ce sens avec le FESF et le MES.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il fallait voter le MES !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. L’étape suivante, l’émission d’euro-obligations, devra être franchie un jour ou l’autre, et le plus tôt sera le mieux.
L’Europe a également besoin d’un meilleur équilibre entre rigueur et croissance. Je ne veux pas aborder ce sujet en termes manichéens. Presque tous les pays membres ont des finances publiques dégradées à la suite de la crise bancaire. Face à cette dégradation, ils doivent aujourd’hui réaliser l’assainissement indispensable. On ne peut cependant s’en tenir là. La rigueur à l’échelon national doit avoir pour contrepartie, à l’échelon européen, des mesures propres à encourager l’activité et à donner des perspectives. On ne peut avoir l’austérité pour seul horizon.
Le Conseil européen de juin a pris à cet égard des décisions importantes. La priorité est aujourd’hui de faire en sorte que ce rééquilibrage se concrétise sans tarder : il y a là une question de crédibilité pour l’Europe.
C’est, selon moi, dans ce nouvel esprit qu’il faudrait considérer les négociations en cours sur le cadre financier pour 2014-2020. À cet égard, monsieur le Premier ministre, je salue les propos que vous avez tenus sur la position de la France et sur sa participation. En effet, si l’on commence par dire qu’on diminue le budget de l’Union européenne, c’en est fini des grandes politiques européennes ; ce ne serait pas cohérent.
Il est compréhensible que, dans le contexte actuel, les pays fortement contributeurs cherchent à maîtriser le prélèvement européen sur le budget national. Pourtant, si nous persistons à considérer ces négociations comme un jeu à somme nulle, nous ne parviendrons pas à un résultat porteur d’avenir. Or, qu’il s’agisse de la politique de cohésion, de la politique agricole commune, de la politique de recherche et d’innovation, sans ces grandes politiques européennes, nous n’arriverons pas à rééquilibrer durablement rigueur et croissance. La politique de cohésion est essentielle au maintien de l’investissement public en Europe et à une plus grande justice sur l’ensemble des territoires européens. La politique agricole est une politique d’avenir dans un domaine où l’Europe a des atouts importants, même si la manière dont s’opère l’attribution des aides, en particulier à l’échelon national, doit être réorientée. Quant au soutien à la recherche et à l’innovation, il est nécessaire à la compétitivité européenne.
Cela doit nous inciter à chercher éventuellement des financements proprement européens, en complément des prélèvements sur les budgets nationaux, pour dégager des moyens suffisants en faveur de ces politiques.
Je sais qu’il est très difficile d’obtenir le consensus sur de nouvelles ressources propres ou de nouvelles possibilités d’emprunt à l’échelon européen. Il reste que l’on peut dire aujourd'hui que le Gouvernement a mis en place, avec onze autres pays, une taxe sur les transactions financières au niveau européen, alors que cela paraissait impossible voilà quelques années. On nous dira que ce n’est pas suffisant, mais c’est un début et c’est extrêmement positif.
Nous ne devons pas renoncer à l’idée d’un budget européen qui soit, certes, très ciblé, mais ambitieux, car si une austérité européenne venait s’ajouter aux austérités nationales, on voit mal d’où pourrait venir la relance de l’activité.
Je voudrais évoquer un troisième rééquilibrage, moins souvent mentionné, quoi que vous en ayez parlé, monsieur le Premier ministre, mais il n’est pas sans lien avec les précédents : il concerne les rapports entre les exécutifs et les parlements dans le fonctionnement de l’Union.
À l’occasion de la crise financière, nous avons vu le centre des décisions se déplacer vers la zone euro et prendre une forme largement intergouvernementale. Alors que le traité de Lisbonne organise un renforcement du contrôle parlementaire, tant du Parlement européen que des parlements nationaux, les parlements se sont trouvés à l’écart. Cette situation a favorisé l’émergence du « directoire » franco-allemand. Et elle a sans doute contribué à ce que s’installe un déséquilibre entre les préoccupations d’assainissement financier, d’une part, et les préoccupations de retour à la croissance, d’autre part.
Cette nouvelle forme de « déficit démocratique » doit être comblée. Or elle ne peut l’être uniquement en associant davantage le Parlement européen aux décisions. Le Parlement européen doit, bien sûr, prendre toute sa place, mais il ne peut régler le problème à lui seul. Pourquoi ? D’abord, parce qu’il représente collectivement les vingt-sept pays membres et n’a pas de formation propre à la zone euro : c’est même une Britannique qui préside la commission économique et monétaire du Parlement européen. Ensuite, parce que le renforcement de l’Union économique et monétaire aboutit à coordonner et à encadrer de plus en plus les politiques économiques et budgétaires des États membres, qui sont votées par les parlements nationaux. Il convient donc de mieux associer ces derniers en amont.
Comment procéder ? Nous avons besoin d’un instrument interparlementaire, comprenant des parlementaires européens et des parlementaires nationaux, qui puisse se réunir soit en format « Union européenne », soit – c’est devenu indispensable – en format « zone euro », et qui soit en mesure d’avoir un véritable dialogue politique avec les instances exécutives de l’Union.
La commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale vient d’adopter une proposition de résolution en ce sens, qui est très proche, dans son esprit, de celle qu’avait adoptée le Sénat à l’unanimité au mois de mars dernier. Cette proposition ayant recueilli un très large consensus. Je suis persuadé que le Gouvernement nous apportera son soutien pour aller dans cette direction.
Le dernier rééquilibrage que je voudrais évoquer a trait aux rapports entre l’échelon européen et l’échelon national. Lors de la préparation de ce qui est devenu le traité de Lisbonne, il a beaucoup été question de clarifier le partage des compétences, et le traité tend à aller dans ce sens. Toutefois, on voit bien chaque jour que l’échelon européen et l’échelon national sont en réalité indissociables et fonctionnent en interaction. On ne pourra jamais parvenir à un partage très clair des compétences. Mieux vaut essayer, au cas par cas, de faire prévaloir le principe de subsidiarité, de considérer quel est le meilleur échelon pour agir et de voir comment les responsabilités doivent se combiner.
Le traité de Lisbonne, qui a décidément beaucoup de vertus, a marqué un progrès à cet égard en instituant le contrôle de subsidiarité confié aux parlements nationaux. Cette année, pour la première fois, sur l’initiative de notre assemblée, les parlements nationaux ont été assez nombreux pour adresser un « carton jaune » à la Commission européenne au sujet d’un texte concernant le droit de grève des travailleurs détachés. La Commission était donc censée « revoir sa copie », mais elle a finalement retiré son texte. Quoi qu'il en soit, cela nous montre que ce contrôle fonctionne.
Toutefois, on aurait envie que le principe de subsidiarité fonctionne en quelque sorte dans les deux sens. Montesquieu ne dit-il pas dans De l’esprit des lois que le véritable art politique consiste à « savoir dans quels cas il faut l’uniformité, et dans quels cas il faut des différences » ?
Il est vrai que la Commission européenne – même si beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine – continue de temps à autre à vouloir introduire l’uniformité dans des domaines où l’on pourrait sans inconvénient laisser subsister des différences.
Mais on peut faire tout autant la critique symétrique : l’Union continue à ne pas s’affirmer suffisamment dans des domaines où, indiscutablement, c’est pourtant à elle qu’il reviendrait d’agir.
Malgré tout un luxe de dispositions dans le traité de Lisbonne, nous ne voyons pas véritablement émerger la politique étrangère et de sécurité commune qui donnerait à l’Union plus de poids dans les relations internationales – mon collègue Daniel Reiner a largement développé ce point. Le constat n’est pas plus encourageant pour ce qui concerne la politique de sécurité et de défense commune, alors que l’état des efforts nationaux en souligne plus que jamais la nécessité.
De même, le minimum d’harmonisation fiscale et sociale auquel on pourrait s’attendre au sein d’une Union n’est toujours pas atteint ; nous en sommes même très loin !
On pourrait également mentionner la lenteur des progrès en matière de justice et d’affaires intérieures, alors que le traité de Lisbonne donne à l’Union beaucoup d’instruments pour agir à cet égard.
Je sais que des réflexions sont en cours concernant une nouvelle révision des traités, afin de relancer la construction européenne. Je ne suis pas sûr, pour ma part, que le moment soit venu de se replonger dans le débat institutionnel, avec tous les risques que cela comporte. Dans le contexte actuel, mieux vaut utiliser toutes les potentialités des traités et se limiter à des révisions ponctuelles, si elles sont vraiment indispensables.
Le débat institutionnel peut parfois servir d’alibi pour ne pas agir. Les progrès que nous réalisons en ce moment même pour parvenir à une véritable union bancaire se font dans le cadre des traités ; il s’agit pourtant d’un changement majeur.
De même, la plupart des suggestions étudiées par le rapport Van Rompuy sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire n’exigeraient pas nécessairement une révision des traités, ou pourraient passer par une révision ponctuelle.
Rien, aujourd'hui, ne serait pire pour l’Europe que de s’enfermer dans un débat byzantin sur le fédéralisme – même si j’ai personnellement une certaine inclination pour cette solution –…
M. Jean-Pierre Plancade. C’est une bonne inclination !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. … tout en donnant le sentiment qu’on se résigne à la stagnation économique. Nos concitoyens attendent avant tout de l’Europe qu’elle aide les pays membres à sortir de la crise et à retrouver ensemble le chemin de la croissance et, surtout, de l’emploi.
C’est ce mouvement qui a été lancé au mois de juin dernier, sous l’impulsion du Président de la République. La priorité doit être de le poursuivre et de l’amplifier. Lorsqu’il aura été couronné de succès, nos concitoyens seront prêts à entendre reparler d’évolution fédérale, mais aujourd'hui, ne nous trompons pas de terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur de nombreuses travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon propos débutera par quelques citations, et d’abord celle d’un propos remarquable de fermeté, entendu voilà seulement quelques jours dans la bouche de M. Pierre Moscovici, lors de son audition par la commission des finances : « Nous avons une obligation d’exemplarité, de qualité et de crédibilité. Le débat budgétaire permettra d’illustrer que, pour nous, ce ne sera pas 3,1 %, pas 3,2 %, pas 3 % en tendance, pas 3 % à peu près, pas 3 % si on peut, mais 3 %. »
J’ai salué ce propos. Toutefois, monsieur le Premier ministre, dans l’hypothèse où le taux de croissance ne serait pas de 0,8 %, où il serait sensiblement inférieur, voire, hélas ! dans le cas où la France serait en récession en 2013, votre gouvernement devrait alors prendre des mesures d’ajustement afin de bien atteindre le taux de 3 %.
Je suis d’accord avec vous au moins sur un point, monsieur le Premier ministre : revenir à l’équilibre des finances publiques, faire refluer la dette n’est pas un choix dicté par Bruxelles, c’est une question de responsabilité et de souveraineté nationales. Pour en avoir la démonstration, il suffit de se rendre de l’autre côté de la Manche, comme je l’ai fait il y a quelques jours, rencontrant en particulier le ministre du budget du Royaume-Uni.
Ce pays, qui a gardé pleine latitude en matière de politique monétaire, n’en connaît pas moins une récession économique pire que la nôtre. Il doit pratiquer une politique budgétaire encore plus restrictive que celle de la France. Cependant, pour d’autres raisons, le Royaume-Uni connaît un taux de chômage plus faible que la France.
Si l’on doit saluer l’objectif que vous avez fixé, ce qui, bien entendu, n’entraîne pas, loin de là, adhésion au chemin que vous empruntez pour l’atteindre, il faut aussi se féliciter, monsieur le Premier ministre, d’une certaine conversion de votre part et de la part de vos amis.
Le même Pierre Moscovici, dans une tribune publiée dans Libération en août 2011, écrivait : « La désormais fameuse règle dite "d’or" […] est juridiquement inutile, matériellement abusive et politiquement mensongère ». (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées de l’UCR.)
Or nous savons bien que le projet de loi constitutionnelle de l’an dernier était sensiblement plus souple, qu’il allait moins loin que n’ira le projet de loi organique que vous nous soumettrez dans quelques semaines.
Nous gardons aussi en mémoire le débat que nous avons eu en début d’année sur le Mécanisme européen de stabilité, le MES. J’ai encore à l’oreille le son de la voix du rapporteur général de l’époque, Nicole Bricq (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), qui appelait à l’abstention, alors que son avis personnel était peut-être différent… (Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, sourit.)
Mais, heureusement, les voix de l’UMP étaient là pour voter le Mécanisme européen de stabilité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mmes Nathalie Goulet et Catherine Morin-Desailly. Et les voix du centre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous-même, monsieur le Premier ministre, à l’époque, vous déclariez à la tribune de l’Assemblée nationale : « Nous n’acceptons pas d’enfermer les peuples dans une camisole, fût-elle cousue de fil d’or. Nous n’acceptons pas que la pensée unique soit institutionnalisée et que les peuples n’aient d’autre choix que l’austérité, quel que soit leur vote. »
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission de la commission des affaires étrangères. C’est toujours vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. « Nous ne voulons pas d’une démocratie sous conditions. C’est la raison pour laquelle François Hollande souhaite obtenir, par le vote du peuple français le 6 mai prochain, un mandat pour aller renégocier ce second traité. » (Eh oui ! sur les travées de l’UMP.)
Or, nous le savons tous, mes chers collègues, le traité que nous allons approuver est le même, à la virgule près. Il n’a pas été renégocié. Le Premier ministre ne nous a d’ailleurs pas vraiment dit le contraire tout à l’heure. Il a parlé d’un état d’esprit, d’un climat. Il a aussi parlé de ce Pacte pour la croissance et l’emploi, porté presque comme un trophée. Mais nous savons bien que seule une très petite part des 120 milliards d’euros en cause est susceptible d’être investie en France.
Nous savons également que les mesures récessives prévues dans le projet de loi de finances pour 2013, notamment dans le volet fiscal, feront plus que compenser les effets escomptés de ces quelques investissements supplémentaires, même s’il s’y ajoutait, comme je le souhaite, le canal Seine-Nord Europe, qui est, vous le savez, le seul projet en faveur duquel j’incite à faire quelques dépenses d’investissement supplémentaires. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)
Mais revenons, monsieur le Premier ministre, au sommet européen des 28 et 29 juin. Il est vrai qu’il a été décisif, mais ce n’est pas au regard de l’avènement du Pacte pour la croissance et l’emploi, qui, à mon avis, est de pure apparence, ressemblant très largement à ces beaux décors que le prince Potemkine plaçait le long du chemin de l’impératrice. S’il a été décisif, c’est sur d’autres aspects.
Oui, il est vrai que l’Europe a avancé l’été dernier. Le Fonds européen de stabilité financière et le Mécanisme européen de stabilité – heureusement que nous l’avons approuvé ! – ont la possibilité d’intervenir directement sur le marché primaire de la dette souveraine de certains États membres de la zone euro en cas d’envolée des taux d’intérêt qui leur sont imposés. Cet accord a ouvert la voie à la décision prise par la Banque centrale européenne au début du mois de septembre de procéder à des achats illimités, quoique conditionnés, de titres de dette souveraine des États sous programme d’aide financière.
Alors, il est vrai que l’Europe progresse. Il est vrai que l’union bancaire – une supervision intégrée des banques – jouera un rôle important pour la sécurité et la stabilité financières au sein de la zone euro.
Tout cela, mes chers collègues, résulte des évolutions qui ont pu être conduites d’année en année, de semestre en semestre, de sommet en sommet, par les États de la zone euro, en particulier sous l’influence de la France, et d’abord de la France de Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.) Il me semble que la continuité est assurée, compte tenu des positions que vous avez prises depuis, monsieur le Premier ministre.
L’Europe, oui, est bien le cadre d’évolutions structurelles et, durant le dernier quinquennat, notre pays a joué tout son rôle. L’opposition sénatoriale souhaite que notre pays continue de le jouer et qu’il assume la continuité de l’action de l’État.
Vous ne serez donc pas surpris, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, que, concernant le projet de loi autorisant la ratification du TSCG, dont nous débattrons dans les prochaines heures, j’en appelle non pas à un vote de confiance – nous ne sommes pas d’accord sur le chemin emprunté –, bien entendu, mais à un vote de continuité, car il faut assumer les engagements de la France et assurer la continuité de l’État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur de nombreuses travées de l'UCR.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre débat d’aujourd'hui est utile parce qu’il permet d’éclairer et de mettre en perspective l’examen des différents textes budgétaires qui vont nous occuper à compter de ce soir : le projet de loi autorisant la ratification du TSCG, le projet de loi organique, le projet de loi de programmation et, bien sûr, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances pour 2013.
Depuis le début de la crise de la zone euro, les Européens ont par trop donné le sentiment que les solutions devaient être essentiellement budgétaires. Pourtant, cette crise est née de déséquilibres macroéconomiques, parce que les Européens n’avaient pas tiré toutes les conséquences du partage d’une monnaie : au lieu de converger, les économies européennes ont divergé ; les bulles ont éclaté et les États ont dû venir au secours du secteur financier, mettant en péril leurs finances publiques.
Nous sommes donc dans une zone monétaire fragilisée, mais aussi dans un espace économique en voie de fragmentation. Cela appelle des réponses d’une envergure bien plus grande que l’édiction de règles permettant une meilleure discipline budgétaire.
Les Européens l’ont perçu et le paquet « gouvernance » adopté à l’automne 2011 comprend un volet relatif à la correction des déséquilibres macroéconomiques.
Certes, la discipline budgétaire reste un élément essentiel de la solidité de la zone euro, mais nos règles budgétaires ne seraient pas bonnes si elles avaient pour effet d’enclencher une spirale récessive alors que la croissance est déjà faible et que les effets de l’austérité sont sévères.
C’est donc assez logiquement que les débats de la campagne présidentielle ont beaucoup porté sur la politique européenne. L’idée selon laquelle il était nécessaire de compléter les efforts en matière de discipline budgétaire par des mesures en faveur de la croissance a rencontré un fort écho en France, mais aussi chez nombre de nos partenaires.
C’est dans cet esprit qu’a été conçu le Pacte pour la croissance et l’emploi, que les orateurs précédents ont déjà évoqué.
C’est dans ce contexte que la feuille de route pour l’avenir de l’Union économique et monétaire sera importante, à condition, bien sûr, qu’elle soit ambitieuse et respectueuse de l’esprit des conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin.
Comment les exigences d’un véritable contrôle démocratique seront-elles insérées dans cette feuille de route ? C’est une question à laquelle nous devons être très attentifs ! Sur l’initiative de son président, Simon Sutour, la commission des affaires européennes avait déposé une proposition de résolution, laquelle a été adoptée par le Sénat le 6 mars dernier. L’Assemblée nationale vient à son tour de s’exprimer. Le TSCG, lorsqu’il entrera en vigueur, permettra la constitution d’une conférence des Parlements nationaux.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. À nous de prendre des initiatives et de la faire vivre.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. La feuille de route proposera aussi un cadre financier intégré, parce que la crise de la zone euro ne prendra pas fin tant que la crise bancaire ne sera pas résolue.
Les 28 et 29 juin, les États ont soutenu le principe d’une union bancaire sans d’ailleurs s’engager en faveur d’un cadre commun sur la garantie des dépôts et la résolution des défaillances. La Commission a déposé une proposition à ce sujet en septembre.
Au Sénat, la commission des finances a organisé hier une table ronde sur ce thème. L’enjeu est essentiel : il s’agit de permettre la rupture du lien entre dettes souveraines et dettes bancaires.
« Union bancaire », « supervision », « garantie des dépôts », « résolution » : les termes sont techniques. Pourtant, ils vont bien au-delà de la simple régulation financière. Ils sont au cœur du débat le plus politique que nous devrons mener dans les années qui viennent : celui de l’intégration européenne.
La France défend le principe d’une plus grande solidarité financière entre les États européens. Elle a ainsi préconisé de doter le Fonds européen de stabilité financière et le MES, qui est opérationnel depuis lundi dernier, d’un statut bancaire. La majorité actuelle va plus loin. En effet, nous souhaitons que, à terme, les dettes soient mutualisées.
Pour l’Allemagne, toute forme d’union budgétaire n’est envisageable que si la politique budgétaire est entièrement fédéralisée.
Le débat sur l’union bancaire va susciter, nous n’en doutons pas, des discussions de même nature. Certains craindront un déficit démocratique si la Banque centrale européenne peut prendre des décisions qui engagent les contribuables nationaux : ils pousseront donc à la mutualisation des ressources. D’autres, à l’inverse, feront tout pour éviter que la supervision bancaire à l’échelon européen puisse conduire leurs contribuables à payer pour les banques d’autres pays ; ce qui se passe d’ores et déjà en Allemagne à cet égard est tout à fait significatif.
Le Conseil européen des 18 et 19 octobre devrait, me semble-t-il, permettre d’avancer sur beaucoup de ces sujets. La presse se fait déjà l’écho des décisions qui pourraient être prises. On évoque des contrats passés entre les États et la Commission, portant sur la mise en œuvre de réformes économiques. On dit que l’idée d’un budget européen avance, sans que l’on sache ce que l’on y mettrait. Nous serions d’ailleurs curieux, monsieur le ministre, d’avoir un peu plus de précisions sur ce point, et aussi de savoir quelles positions la France va défendre en l’espèce.
Nous nous demandons également si la feuille de route comprendra un volet fiscal. Les conditions de la renégociation de la directive « épargne » n’incitent pas à l’optimisme quant à la capacité des Européens à progresser dans ce domaine.
Pourtant, la question des systèmes fiscaux renvoie à celle du mode de financement de nos services publics et de nos modèles sociaux. Nous aurons l’occasion d’évoquer à nouveau ce sujet lorsque le Gouvernement aura présenté son paquet « compétitivité ».
Lorsque l’Europe ne peut pas avancer à vingt-sept, il faut savoir prendre ses responsabilités. Je me félicite donc que le Gouvernement fasse tout pour qu’une coopération renforcée puisse aboutir à l’instauration d’une taxe sur les transactions financières.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement nous propose de ratifier le TSCG. Le Premier ministre a employé un mot important : celui d’« étape ». Le TSCG n’est ni l’alpha ni l’oméga de notre politique européenne : il est une étape vers une Europe plus intégrée et plus solidaire.
Ce soir, nous verrons que le respect des règles qu’il contient implique une discipline budgétaire réelle, mais sans commune mesure avec l’ajustement mis en œuvre depuis trois ans pour atteindre l’objectif de déficit de 3 % du PIB que nos partenaires nous ont fixé pour 2013.
Nous verrons aussi que le traité laisse une marge de manœuvre aux États pour définir et mettre en œuvre leur trajectoire budgétaire.
Nous verrons enfin que, en raisonnant en termes de solde structurel et non de solde effectif, le traité porte en germe une évolution de la manière dont le Pacte de stabilité est appliqué, pour la rendre économiquement plus pertinente.
Certains souhaiteraient que le Pacte de stabilité prenne également en compte des critères sociaux. J’ai noté que les ministres du travail membres du Parti socialiste européen viennent de proposer la mise en chantier d’un « pacte de progrès social ». Cela m’apparaît comme une bonne idée.
Mes chers collègues, le fait que la France et l’Allemagne financent leur dette à des coûts historiquement bas, tandis que l’Espagne et l’Italie luttent pour conserver un accès aux marchés financiers, nous amène à tirer deux conclusions.
Il semble tout d’abord impératif de convenir de l’existence d’un problème dans le fonctionnement de notre zone monétaire et de la nécessité de le corriger. J’en ai déjà longuement parlé.
Il faut également considérer que notre pays pourrait très bien, si l’on n’y prenait garde, basculer du camp des valeurs refuge à celui des valeurs en péril,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … ce qui ne serait pas sans conséquences sur la préservation de notre modèle social.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous n’en sommes pas passés loin à la fin de l’année 2011, on s’en souvient.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très vrai !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est tout le mérite du Président de la République et du Gouvernement d’avoir, par la crédibilité d’une politique fondée à la fois sur la discipline budgétaire et sur la recherche de la croissance, consolidé notre appartenance aux économies qui rassurent.
Par notre vote de ce soir ou de demain, il faudra avant tout préserver cet acquis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, mes chers collègues, l’Europe, cette belle et grande idée, trouve ses racines historiques dans de terribles conflits, mais aussi dans le courage d’hommes et de femmes qui ont su en tirer les leçons pour construire un avenir meilleur.
M. Francis Delattre. Jusque-là, ça va ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. Vous le savez, nous, les écologistes, n’aimons pas abattre les arbres : nous préférons les protéger. Eh bien, l’Europe, c’est un peu l’arbre qui renaît de ses cendres, et dont le tronc est fait des valeurs communes : la paix et la diversité.
Confronté, au milieu du XXe siècle, au paroxysme de la violence, notre continent à su se réinventer dans l’Union européenne. Aujourd’hui, face à une crise sans précédent, d’un nouveau genre, l’Europe peut également tracer les contours d’un projet commun renouvelé.
M. René-Paul Savary. Il y a une crise ? (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)
M. Jean-Vincent Placé. Étrange coïncidence, c’est la Grèce, berceau de l’Europe, qui a été le premier pays à nous faire prendre conscience de son ampleur.
Cette crise pose la question de notre mode de gouvernance aussi bien institutionnelle qu’économique, sociale et environnementale.
D’une part, les institutions européennes ont démontré leur impuissance – et encore plus depuis cinq ans – à résoudre les difficultés, traduisant ainsi un manque de solidarité et d’unité, vertus pourtant indispensables.
Ici, l’Irlande ou le Luxembourg se livrent à des politiques relevant du dumping fiscal. Là, l’Allemagne mise en partie sur le dumping social et tire les salaires vers le bas. Et quand la droite vante sans cesse les mérites de la compétitivité, je suis tenté de lui demander : mais pour quoi faire ? (M. Francis Delattre s’exclame.) Transposée à l’échelle de la France, la situation européenne reviendrait à mettre en concurrence l’Île-de-France et la Lorraine, avec les dégâts que l’on imagine !
D’autre part, plus profondément, la crise est la conséquence d’un modèle de développement insoutenable, entretenu par les politiques ultralibérales menées par l’Union européenne, qui ne se sont guère souciées du creusement des inégalités sociales ou de la destruction de l’environnement.
Pourtant, avec toutes les difficultés qu’elle nous contraint à affronter, la crise constitue également une chance de redéfinir ensemble l’Europe que nous voulons et de partir sur de meilleures bases.
L’Europe que nous voulons, nous, écologistes, c’est une Europe fédérale, qui respecte les parlements nationaux et les régions.
L’Europe que nous voulons, c’est une Europe démocratique et sociale.
L’Europe que nous voulons, c’est une Europe dynamique et novatrice, qui investit dans la transition écologique.
Ce n’est pas par hasard que nous avons choisi de placer le mot « Europe » avant celui d’« Écologie » dans l’appellation de notre parti, Europe Écologie-Les Verts. Nous sommes les seuls à l’avoir fait parmi les partis français, dont les noms ont des résonances si nationales.
M. Jean-Claude Requier. Et le RDSE ? (Sourires.)
M. Jean-Vincent Placé. L’Union européenne fait partie de notre ADN. Elle représente pour nous l’espoir et la confiance dans un monde plus vert.
M. Francis Delattre. Usurpation ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. C’est, sans conteste, l’échelle la plus pertinente si l’on veut tout à la fois impulser une politique ambitieuse pour l’économie verte, imposer des normes environnementales et sociales aux frontières, investir dans la recherche et l’innovation, œuvrer pour la préservation de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique.
Pour agir, l’Europe doit être plus démocratique et se doter d’un budget ambitieux. Alors qu’il est actuellement estimé à 1 % du PIB de l’Union, nous souhaiterions qu’il atteigne au moins 5 % d’ici à 2025.
J’ai écouté attentivement l’intervention du Premier ministre. (Ah ! sur les travées de l’UMP.) J’ai entendu son attachement profond à l’Europe. Nous le partageons, bien sûr. Mieux : comme le Premier ministre, je pense que, sans l’Europe, nous serions faibles et isolés ; comme le Premier ministre, je pense que le chemin suivi depuis de longues années n’est pas le bon ; comme le Premier ministre, je pense que l’emploi, la formation et l’éducation sont des priorités.
J’approuve entièrement le principe d’une « intégration solidaire » qu’appelle le Président de la République de ses vœux. Je lui fais d’ailleurs confiance pour convaincre nos partenaires que l’avenir de l’Europe se trouve dans l’intégration économique, budgétaire, fiscale, sociale et démocratique.
M. Francis Delattre. Oh là !
M. Jean-Vincent Placé. Toutefois, lorsque nous évoquons la lutte contre le chômage, les investissements d’avenir, l’importance de l’innovation et de la réindustrialisation, il y a un mot qu’il ne faut pas oublier : le mot « écologie ». (Ah ! sur les travées de l’UMP.) Après l’« Europe », l’« Écologie » !
La transition écologique est l’outil principal et indispensable d’une grande politique industrielle et d’une réduction des dépenses, notamment énergétiques. Cela doit davantage inspirer l’action du Gouvernement.
La Commission européenne propose que, dans le prochain cadre financier pluriannuel pour 2014-2020, pas moins de 20°% du budget soit attribué à l’économie verte, c’est-à-dire, par exemple, au « verdissement » de la politique agricole commune, à l’efficacité énergétique ou encore aux énergies renouvelables. Les créations d’emplois dans ce secteur en Europe sont estimées à plus de 5 millions d’ici à 2020.
La transition écologique de l’économie doit être une mesure prioritaire, notre « boussole verte » pour sortir de la crise.
Naturellement, je souhaite saluer l’initiative du Gouvernement, qui a tenu à organiser ce débat démocratique portant sur les perspectives européennes. Il nous donne ainsi l’occasion d’affirmer notre conception écologique de l’Europe.
Je me réjouis de constater que nous partagerons, tout au long de ce quinquennat, des visions communes sur l’avenir et les perspectives de l’Europe. Pour reprendre la formule de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant !
Seulement voilà : tout à l’heure, nous allons débattre du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. (Ah ! sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. Ça se gâte !
M. Jean-Vincent Placé. Je développerai mes arguments à ce moment-là et, pour l’heure, je souhaite n’intervenir qu’en réponse à la déclaration de politique européenne prononcée par le Premier ministre, qu’il veut solidaire, écologique et démocratique.
Il me semble que la différence entre le Gouvernement et les écologistes…
M. Jean Bizet. Vous n’êtes pas au Gouvernement ?...
M. Jean-Vincent Placé. … réside dans le fait que le premier considère la ratification de ce traité comme un mal nécessaire, qui lui permettra d’avoir plus de poids dans les futures négociations.
M. Charles Revet. Qu’en pense Mme Duflot ?
M. Jean-Vincent Placé. Notre conviction reste celle que nous avions formulée en février dernier, au moment du débat portant sur le Mécanisme européen de stabilité.
M. Jean Bizet. Vous avez des convictions ?... (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Vincent Placé. Bien sûr que nous voulons plus de solidarité, bien sûr que nous voulons plus d’Europe ! Mais le TSCG, que certains ont appelé « traité Merkozy », représente pour nous un mal qui n’est pas nécessaire. Il pourrait même se révéler très encombrant, et compliquer terriblement la tâche du Gouvernement dans les mois à venir.
C’est pour cela que, si nous sommes attachés à notre liberté d’expression, nous souhaitons également soutenir le Gouvernement. (Rires et exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Bizet. C’est rigolo !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la participation sans soutien !
M. Jean-Vincent Placé. Au Gouvernement comme dans la majorité parlementaire, nous continuerons donc à défendre cette idée européenne, celle qui est dans notre cœur, celle qui nous est chère, celle que, j’en suis sûr, François Hollande et le Gouvernement réussiront à faire vivre et qu’ils n’enterreront pas, contrairement à ce qu’a fait M. Sarkozy au cours de ces cinq dernières années ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Alain Néri applaudissent également. – Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.
M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans l’Europe entière, la ligne de rupture est atteinte. La visite qu’a effectuée hier Angela Merkel à Athènes, dans une ville en état de siège, est le dernier signe de cette rupture sociale et démocratique.
La France compte 5 millions de chômeurs. L’Union européenne en compte 25,4 millions. Partout le chômage, la précarité, la dévastation industrielle et la casse des services publics gagnent du terrain.
Nous traversons depuis 2008 une crise majeure du capitalisme financier mondialisé. Et si l’Union européenne est dans la tourmente, c’est parce qu’elle a été taillée sur mesure pour satisfaire les marchés et les multinationales.
Vingt sommets européens se sont tenus depuis 2008 ; chaque fois, on nous a annoncé le « sauvetage de l’Europe ». En réalité, les décisions prises n’ont fait que précipiter la fuite en avant de l’Union, en faisant toujours plus payer l’addition aux peuples européens.
C’est dans ce contexte que, avec le Président de la République, vous nous demandez de ratifier le « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire », signé au mois de mars dernier par Nicolas Sarkozy. Ne comptez pas sur nous ! Cette ratification est, à nos yeux, une faute politique.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. Pierre Laurent. Oui, une faute ! Vous avez été élus pour conduire le changement, et non pour marcher dans les pas du sarkozysme. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Depuis hier, vous prétendez qu’une majorité de gauche existe en France pour adopter ce traité. C’est faux !
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Pierre Laurent. Faut-il rappeler que, sans les 4 millions d’électeurs et d’électrices du Front de gauche, hostiles à ce traité, il n’y avait pas, au printemps dernier, de majorité pour battre la droite ? (C’est vrai ! sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Fournier. Ils l’ont oublié !
M. Pierre Laurent. Faut-il rappeler que des millions d’électeurs ont cru à votre engagement de renégocier le traité ? (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Les artifices de présentation de l’arithmétique parlementaire ne masqueront pas la réalité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça, c’est bien possible !
M. Pierre Laurent. À l’Assemblée nationale, 63 députés de gauche n’ont pas voté ce projet de loi de ratification et, alors que le groupe socialiste dispose de la majorité avec plus de 289 sièges, seuls 263 de ses députés l’ont approuvé.
Je veux d’ailleurs saluer le courage de toutes celles et de tous ceux qui, à nos côtés, à gauche, écologistes ou socialistes, ont refusé de céder aux pressions et sont restés fidèles à leurs convictions.
Ici, au Sénat, le traité n’aura pas non plus de majorité à gauche.
M. Jean-Michel Baylet. Il en a eu une à l’Assemblée nationale !
M. Pierre Laurent. Les enquêtes d’opinion l’ont montré : les Français voulaient être consultés par référendum. Vous avez contourné cette volonté populaire. La ratification du traité restera entachée par ce refus.
Non, il n’y a pas, dans notre pays, de majorité populaire, de majorité de gauche favorable à ce traité !
M. Jean Besson. Ce n’est pas vrai !
M. Pierre Laurent. Mes chers collègues, l’Histoire s’accélère : ou bien l’Europe poursuit sa fuite en avant avec toujours plus d’austérité et de confiscation des pouvoirs, et elle laissera toujours plus de terrain aux apprentis sorciers qui prônent la dissolution de la zone euro et le retour au choc des égoïsmes nationalistes ; ou bien elle choisit la voie de la solidarité et de la démocratie, et c’est alors un projet de refondation de l’Union européenne qui doit être d’urgence mis en chantier.
Voila trente ans que l’objectif numéro un de l’Union européenne est d’être attractive pour des capitaux qui n’ont ni patrie ni sens de l’intérêt général ! Voila trente ans que tous les pouvoirs, à commencer par le pouvoir monétaire, ont été mis au service de la finance, qui dispose du droit de vie ou de mort sur les outils productifs !
Privatisations, déréglementation, reculs des droits sociaux et mise en concurrence sont allés de pair avec les missions d’une Banque centrale européenne qui n’a été indépendante qu’à l’égard des peuples et de leurs besoins, et dont le seul rôle a été de protéger les marchés.
Et quand la crise a éclaté, qu’a décidé le Conseil européen ? De soutenir la finance, encore et toujours ! Tous les dispositifs mis en place l’ont été sans contrepartie pour les banques. Seuls les peuples ont été forcés de payer l’addition.
Recapitalisations, FESF, MES, Six-pack, pacte « euro plus »… que de termes et sigles barbares dissimulant systématiquement des plans d’austérité qui ne le sont pas moins, et dont la « troïka » est la sinistre ambassadrice !
Résultat, on parle aujourd'hui de « crise humanitaire » en Grèce. La situation sociale est explosive en Espagne, au Portugal, où le chômage de masse est devenu la règle pour les jeunes et pour les femmes. La récession menace l’ensemble de la zone euro. Et ce n’est guère plus brillant en France.
Si des ruptures ne sont pas opérées, c’est l’idée même d’Union européenne qui est menacée. Aujourd’hui, donner des perspectives à l’Europe, c’est agir pour une refondation de l’Union européenne au service des Européens, dans la coopération. Or, jusqu’à ce jour, ce n’est pas le chemin qui est pris : cela n’a pas été évoqué lors du sommet européen du mois de juin dernier et cela ne figure pas non plus à l’ordre du jour des prochains sommets, notamment celui des 18 et 19 octobre.
Nous proposons, pour notre part, trois chemins pour refonder l’Union européenne. Du reste, vous devriez écouter les forces critiques qui refusent ce traité et qui, comme nous, travaillent à des propositions de réorientation.
Je pense par exemple à la Confédération européenne des syndicats, qui, pour la première fois de son histoire, rejette en bloc un traité. Je pense aussi, en France, aux 65 organisations politiques, associatives et syndicales qui appellent ouvertement à la non-ratification – pour une Europe solidaire ! –, aux 80 000 personnes qui étaient dans la rue le 30 septembre à Paris ou aux 120 économistes qui viennent de publier un appel dans le même sens.
Le premier des chemins à emprunter, c’est la rupture avec l’austérité. Il faut sans attendre donner la priorité au redressement social et productif de la France et de l’Europe.
La crise de l’Union européenne n’est pas une crise de la dette. Sans création de richesses, nous ne résoudrons aucun problème.
C’est pourquoi le chemin qu’il faut suivre, c’est l’harmonisation des standards sociaux, pour lutter contre le dumping social et les délocalisations. Il faut choisir la coopération industrielle pour construire la mutation sociale et écologique, et non plus la concurrence. Il faut cesser d’attaquer la protection sociale et la formation, qui sont des atouts, et non des obstacles à notre productivité. La promotion des services publics doit reprendre le pas sur les privatisations.
Allons-nous laisser Mittal dépecer la sidérurgie européenne et les constructeurs automobiles s’entre-tuer en Europe ? Allons-nous laisser les fusions financières piller le trésor EADS, sacrifier la chimie et la pharmacie ? Allons-nous assister à ce massacre sans que jamais la France appelle l’Europe à la mobilisation et à la reconstruction d’une politique industrielle digne du XXIe siècle ?
Vous savez qu’une véritable politique de redressement productif nécessite la mobilisation massive de ressources financières au service d’une stratégie industrielle publique européenne. Comment ferons-nous si les robinets du crédit restent fermés sauf pour nourrir des actionnaires avides de dividendes ?
Dès lors, le deuxième chemin est celui de la reconquête des pouvoirs bancaire et monétaire, au service du redressement social et productif.
La bataille pour le changement du statut et des missions de la Banque centrale européenne doit être un objectif central, et la France doit la mener sans faillir.
L’appel des économistes que j’ai évoqué contient plusieurs propositions pour une expansion coordonnée de l’activité, de l’emploi et des services publics. Je pense notamment au financement direct, sélectif et à bas taux, par la BCE, des organismes publics de crédit.
Un fonds européen de développement social et écologique pourrait appuyer une telle dynamique. Et l’Union européenne devrait reprendre le contrôle sur la finance, par exemple en interdisant les échanges d’obligations souveraines sur les marchés de gré à gré, autrement dit la spéculation sur la dette, en limitant strictement la titrisation et les produits dérivés et en taxant les mouvements financiers spéculatifs.
Tout cela est indispensable.
Le troisième chemin est la démocratie. L’Union européenne est devenue un empire autoritaire où la voix des peuples est sans cesse bafouée.
M. Francis Delattre. Mais sans Goulag !
M. Pierre Laurent. La refondation démocratique de l’Union européenne doit être le combat de la France. Commençons par renforcer le rôle des parlements nationaux et du Parlement européen et par doter les citoyens de nouveaux outils d’intervention.
Le traité qu’il va nous être demandé de ratifier tourne le dos à ces trois objectifs. L’article 3 instaure la fameuse « règle d’or », applicable au budget de la Nation, de la sécurité sociale et des collectivités locales.
À la règle inapplicable, et d’ailleurs inappliquée depuis Maastricht, des 3 % du PIB s’ajoute dorénavant celle du non-dépassement de 0,5 % de déficit structurel.
Les États signataires acceptent de surcroît de se soumettre à un « mécanisme de correction ». C’est ainsi que le « projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques », que nous examinerons dans quelques jours, prévoit la création d’un Haut conseil des finances publiques, une instance dont l’unique fonction sera de mettre sous surveillance les budgets publics, singulièrement ceux des collectivités locales, ce que le Président de la République a omis de le dire aux élus réunis ici voilà quelques jours lors des états généraux de la démocratie territoriale.
C’est au nom de cette règle d’or, et par anticipation, que vous décrétez déjà un « choc budgétaire » de 30 milliards d’euros en 2013, avant d’autres « chocs » à venir, de même ampleur, voire d’ampleur supérieure, dont les deux tiers seront payés par les citoyens.
S’agissant de la sécurité sociale, les économies prévues, déjà très importantes, vont amplifier l’augmentation des inégalités d’accès aux soins et des « reste à charge » pour les plus fragiles, donc la fragilisation de l’hôpital public.
Les collectivités locales, quant à elles, ne verront pas la couleur des compensations des transferts de compétences, et la baisse des dotations dépassera, on le sait, les 2 milliards d’euros. Comment, dans ces conditions, revitaliser les territoires ruraux et les quartiers populaires ?
Pour couronner le tout, les budgets et les projets de réforme économique devront être visés par la Commission européenne avant d’être examinés par les parlements nationaux, et des corrections pourront être demandées.
Le texte prévoit enfin, à l’article 8, qu’un État, même seul, peut en attaquer un autre devant la Cour de justice de l’Union Européenne et réclamer des sanctions financières contre lui s’il estime que des engagements ne sont pas respectés. Bel état d’esprit : la délation en lieu et place de la solidarité !
La perspective européenne que dessine ce traité, c’est un « fédéralisme autoritaire » au service des plus puissants, à commencer par l’Allemagne.
D’ailleurs, Angela Merkel est déjà à l’initiative pour la prochaine étape : une nouvelle centralisation de la « gouvernance économique ».
Ce traité, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre délégué, n’a pas été renégocié, comme l’avait promis François Hollande. Le texte signé en mars par Nicolas Sarkozy est intact. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
M. Charles Revet. Et voilà !
M. Pierre Laurent. Le volet « croissance » obtenu au mois de juin dernier ne fait absolument pas le poids.
D’abord, juridiquement, il n’aura pas de valeur, tandis que la loi du traité, elle, s’imposera. Les sommes évoquées, 120 milliards d’euros, constituent une goutte de croissance dans un océan d’austérité ; à titre de comparaison, je rappelle que la totalité des plans d’austérité imposés dans les pays européens atteint 440 milliards d’euros sur cinq ans. De surcroît, les sommes concernées seront conditionnées à des mesures dites « de compétitivité ».
Cela explique-t-il le soudain engouement qu’on perçoit ces jours-ci pour un « choc de compétitivité » de 30 milliards à 40 milliards d’euros contre les salaires ? Une mesure qui n’a jamais figuré dans les 60 engagements de François Hollande, mais qui correspond exactement au contenu du « paquet emploi » de M. Barroso, un arsenal de déréglementation du droit du travail et d’écrasement des salaires.
Voila pourquoi il n’existe pas de majorité populaire, ni de majorité de gauche pour soutenir ce traité !
M. Jean Besson. Ce n’est pas vrai !
Mme Éliane Assassi. Bien sûr que si !
M. Pierre Laurent. Vous ne le ratifierez qu’avec la droite, qui endosse sans complexe l’héritage empoisonné de Nicolas Sarkozy. Nos collègues de droite suivront à la lettre les recommandations de Laurence Parisot : « On ne doit pas se poser la question de la ratification du traité européen : il faut le signer des deux mains. » Pour notre part, nous garderons le cap du changement. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Je vous lance un ultime appel. Ne ratifiez pas ce traité ! Consultez les Français, si vous êtes si sûrs de la majorité qui existe à gauche dans le pays ! Envoyez un signal aux citoyennes et aux citoyens, aux forces politiques, sociales et syndicales, et aux mouvements de résistance, qui, sur notre continent, sont prêts à relever le défi de la réorientation de l’Europe !
Mme Éliane Assassi. Exactement ! Allez, un peu de courage !
M. Pierre Laurent. Prenez l’initiative – nous faisons cette proposition au gouvernement de la France – de convoquer au nom de notre pays des états généraux de la refondation européenne, en créant un processus citoyen et démocratique pour redéfinir les objectifs de l’Union européenne !
Tôt ou tard, les forces de gauche, si elles veulent réussir une politique de changement, devront se rassembler pour mener une telle réorientation. Soyez assurés que, pour notre part, nous ne ménagerons aucun de nos efforts pour continuer à travailler à ce rassemblement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Pierre Chevènement applaudissent également.)
Un sénateur de l’UMP. C’est cohérent !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet après-midi, après avoir entendu M. le Premier ministre, ainsi que les présidents de commission ou leurs représentants, nous devrions tous être satisfaits.
En effet, au moment où nous parlons, l’Europe devrait être un sujet non plus de clivage, mais de rassemblement, au même titre que les valeurs républicaines.
Et pourtant, monsieur le Premier ministre – je m’adresse à lui même s’il a quitté l’hémicycle puisque c’est lui qui a ouvert ce débat, mais je compte sur vous, monsieur le ministre, pour lui transmettre mon propos –, si vous employez nos mots, vous ne dites pas la même chose que nous.
M. Charles Revet. C’est bien le problème !
M. François Zocchetto. L’Europe est un engagement là où vous n’en faites qu’une nécessité, une contrainte. Vous invoquez l’urgence, vous invoquez la crise pour justifier votre position sur le pacte budgétaire. Ce n’est pas cela qu’il faut faire aujourd’hui.
Après un demi-siècle de construction européenne, nous avons le sentiment de subir, une fois de plus, alors que nous devrions adhérer en bloc à un projet.
Je comprends votre embarras, car nous n’avons pas la même définition de l’Europe. D’ailleurs, nous n’avons pas non plus la même conception de l’engagement.
Souvenons-nous : n’est-ce pas vous, monsieur le Premier ministre, qui appeliez au référendum pour ratifier le traité de Lisbonne ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il avait raison !
M. François Zocchetto. N’est-ce pas vous qui aviez refusé de voter la ratification du traité de Lisbonne au Congrès ?
N’est-ce pas vous, encore, qui avez refusé de voter la règle d’or constitutionnelle, voilà à peine plus d’un an ?
M. Jean Bizet. Eh oui !
M. François Zocchetto. N’est-ce pas vous, enfin, qui n’avez pu empêcher l’ensemble des parlementaires socialistes de s’abstenir lors de la ratification du traité portant création du Mécanisme européen de stabilité, en février dernier, ce qui n’est pas si ancien ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Et le vase de Soissons !
M. François Zocchetto. De mauvais esprits pourraient penser que, si vous n’avez qu’une parole, c’est pour la reprendre souvent. (Sourires sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)
Face à un tel changement d’attitude, nous attendons une explication. Nous sommes nombreux à hésiter, monsieur le Premier ministre : avez-vous eu une subite révélation ou vous livrez-vous simplement à un triste exercice de récupération politique ?
M. Jean-Jacques Mirassou. Petit bras !
M. François Zocchetto. Il n’est pas interdit de penser qu’en montant les marches de Matignon vous ayez eu une subite révélation sur l’état de la France et de l’Europe, et sur la façon dont tourne le monde dans lequel nous vivons. Si tel était le cas, je pourrais m’en féliciter et me dire que, après tout, cela peut arriver à tout le monde.
M. Michel Delebarre. Cela vous arrivera peut-être un jour !
M. François Zocchetto. Malheureusement, je crains qu’il ne s’agisse plutôt d’un exercice de politique classique. D’ailleurs, monsieur le Premier ministre, ne nous avez-vous pas expliqué tout à l’heure que, avant ce gouvernement, il n’y avait pas de politique européenne ?
Mais alors, quid du Fonds européen de stabilité financière, de la mise en place du Mécanisme européen de stabilité…
M. Jean-Jacques Mirassou. Quelle stabilité, justement !
M. François Zocchetto. … et de toutes les tentatives pour créer des mécanismes de convergence ? S’agissait-il d’illusions ? Toutes les rencontres qui ont eu lieu ces dernières années ne relevaient-elles que de simples plans de communication ?
Vous avez également affirmé que M. Hollande avait arraché de façon héroïque à l’Allemagne un pacte de croissance. Regardons les choses d’un peu plus près.
D’abord, que sont 120 milliards d’euros…
M. Jean-Pierre Sueur. C’est pas mal…
M. François Rebsamen. C’est moins que le déficit que vous nous laissez !
M. François Zocchetto. … quand la Banque centrale européenne a injecté plus de 1 000 milliards d’euros dans l’économie européenne ? Que sont 120 milliards d’euros quand, je le rappelle, le plan de relance américain de 2009 s’élevait à 1 700 milliards d’euros !
Ces 120 milliards d’euros, rapportés au nombre d’habitants en Europe, représentent 133 euros par personne !
M. Alain Néri. Et la dette que vous avez laissée, combien par Français ?
M. François Zocchetto. Encore faut-il préciser que la moitié de cette somme sera liée à un effet de levier bancaire, purement virtuel.
Force m’est aussi de rappeler, même si cela ne vous plaît pas, que ce plan de 120 milliards préexistait à l’installation de votre gouvernement.
Autrement dit, tout cela ne présente pas d’intérêt : c’est du pur habillage !
En réalité, vous vous êtes rendu compte que le président Nicolas Sarkozy, que nous n’avons pas toujours soutenu, il s’en faut, n’avait pas tout à fait tort en matière de politique européenne ! Vous vous êtes rendu compte que la croissance économique ne se décrétait pas. Vous vous êtes rendu compte, enfin, que nos partenaires européens, et l’Allemagne au premier chef, se refuseraient à financer avec leurs propres deniers une politique budgétaire conjoncturelle dispendieuse et inutile simplement pour nous offrir le luxe de ne pas accomplir les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin.
Comme je vous l’ai dit, nous n’avons pas la même conception de l’engagement.
M. Alain Néri. Heureusement !
M. François Zocchetto. Vous vous étiez engagé à renégocier le traité. Or vous vous apprêtez à faire ratifier le traité signé par Nicolas Sarkozy. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UCR, ainsi que sur celles de l'UMP.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ils ont raison !
M. François Zocchetto. Et à la virgule près !
La majorité ne s’y est pas trompée puisque même vos alliés écologistes – à demi-mot, mais nous réussissons à lire entre les lignes – et communistes – eux, de façon très claire – refusent de participer à cette pantomime.
Et je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’il n’y a de consensus à ce sujet ni parmi les parlementaires socialistes ni même au sein du Gouvernement !
M. François Rebsamen. Idem à l’UMP !
M. François Zocchetto. Alors, vous vous tournez secrètement vers le centre et la droite de cet hémicycle !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oh, le centre…
M. François Zocchetto. Vous le faites du bout des lèvres, parfois avec un soupçon de dédain. Vous vous targuiez, hier encore, de ne pas avoir besoin de notre soutien !
M. Daniel Raoul. Gardez-le !
M. François Zocchetto. Ah oui ? Sans nous, je me demande bien comment le traité serait ratifié au Sénat !
Laissez-nous prendre toute la mesure – je ne dis pas : nous réjouir – de cet instant : le Gouvernement va faire ratifier un traité aussi important grâce à l’appui de parlementaires qui ne font pas partie de la majorité…
M. Daniel Raoul. Vous n’êtes pas obligés !
M. Didier Guillaume. Ce n’est pas de la politique politicienne !
M. François Zocchetto. Nous, les centristes, nous demandons depuis de nombreuses années un véritable « saut » fédéraliste en Europe. Nous n’avons cessé d’affirmer que le Pacte de stabilité et de croissance, dont on nous rebat les oreilles depuis un moment, n’était qu’un pacte de menteurs et de tricheurs (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.), que la France n’a d’ailleurs jamais respecté.
Certes, ce traité est une étape. Il y en aura d’autres, qui sont d’ailleurs déjà en préparation. La presse s’en fait l’écho, les autorités européennes se sont penchées sur la suite des événements. Je regrette, monsieur le Premier ministre, que vous soyez le seul à ne pas nous parler de ce qui va arriver concrètement. Y aura-t-il d’autres pactes de croissance, par exemple ?
En réalité, au-delà des apparences et des mises en scène médiatiques, vous êtes bien isolé en Europe. En février dernier, le plan proposé par David Cameron et Mario Monti, qui n’ont pourtant pas la même sensibilité politique,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Deux fameux gauchistes, tout de même ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Zocchetto. … prévoyait d’aller plus loin dans l’intégration du marché unique.
En mai dernier, la Commission européenne a proposé un plan pour l’emploi en Europe, qui demande avant tout des réformes structurelles de la législation du travail. Bref, toutes les contributions qui ont été apportées depuis un an par nos partenaires vont dans le sens inverse des mesures que vous avez prises ou annoncées ces derniers mois.
Pour notre part, nous pensons que la crise ne pourra être surmontée qu’avec l’Europe. L’Europe exige maintenant que nous prenions nos responsabilités. La coopération économique et budgétaire n’a pas de sens lorsqu’on s’applique à faire croire qu’il n’y aura rien de contraignant à l’avenir. Elle n’a pas de sens lorsqu’on s’échine à faire croire à l’opinion que l’on peut changer les règles du jeu à sa guise.
M. François Rebsamen. N’est-ce pas ce que Sarkozy a fait en 2007 ?
M. François Zocchetto. Monsieur le Premier ministre, nous souhaiterions que vous nous expliquiez comment vous allez harmoniser le prochain projet de loi de finances avec le traité.
Nous souhaiterions que vous nous expliquiez comment redonner de la compétitivité à l’industrie européenne, en particulier à l’industrie française. Avez-vous des mesures concrètes à nous annoncer sur le coût du travail, sur la flexibilité ?
Nous souhaiterions que vous nous disiez comment vous allez protéger le modèle social européen en l’appuyant sur des réformes structurelles. Je pense, notamment, au problème du financement de la protection sociale.
Nous souhaiterions que vous nous disiez comment vous comptez harmoniser la fiscalité en Europe.
M. François Rebsamen. Comme vous ne l’avez pas fait !
M. François Zocchetto. Nous souhaiterions que vous nous disiez quelle est votre conception de la gouvernance européenne à un moment où la démocratie est en panne, où nos concitoyens s’éloignent de l’Europe et où le manque cruel d’exécutif européen est flagrant aux yeux de tous.
C’est un poste bien difficile, aujourd’hui, que celui de Premier ministre, lorsqu’il s’agit d’évoquer les questions européennes !
M. Michel Delebarre. C’est pour ça qu’on ne vous l’a pas confié ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. François Zocchetto. À trop vouloir mettre en scène un volontarisme de façade, vous ne parviendrez pas à dissimuler l’échec de la renégociation promise aux Français par François Hollande lors de la campagne présidentielle.
À trop vouloir vous arroger le bénéfice de travaux menés par vos prédécesseurs, quels qu’ils soient, vous ne faites que lever le voile sur les failles internes de votre majorité.
À trop vouloir réécrire l’histoire, vous allez en perdre la mémoire.
Monsieur le Premier ministre, il ne suffit pas de crier « l’Europe ! » à hue et à dia pour être européen. Il ne suffit pas de prendre l’air grave pour être pris au sérieux.
Monsieur le Premier ministre, force est de constater que nous ne pouvons pas vous féliciter pour la fidélité de vos engagements passés. Quoi qu’il en soit, nous saluons, c’est vrai, votre sens de la continuité de l’État, qui vous conduit à nous demander aujourd’hui de ratifier un traité dont vous n’êtes ni l’inspirateur, ni le coauteur, ni le signataire.
Évidemment, si cette déclaration politique avait été suivie d’un vote – c’est un leitmotiv chez nous, car nous aimons les déclarations politiques soient suivies d’un vote –, nous ne l’aurions pas votée.
M. Jean Bizet. Exactement !
M. François Zocchetto. Pour autant, bien qu’il s’agisse en fait d’une pièce qui est jouée devant nous et devant les Français, les sénateurs centristes ne se défileront pas. Ils resteront fermes sur leurs convictions européennes.
M. Michel Delebarre. Cela change !
M. François Zocchetto. Nous voterons donc avec enthousiasme la ratification du traité qui sera discuté à la suite de ce débat.
Jean-Marc Ayrault l’a souligné tout à l’heure, à une autre époque, la tactique l’aurait emporté sur l’intérêt national. Eh bien, effectivement, pour nous, aujourd’hui et demain, ce ne sera pas le cas ! (Applaudissements sur de nombreuses travées de l'UCR, ainsi que sur celles de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe RDSE, très majoritairement, votera le traité budgétaire européen. (Très bien ! et applaudissements sur de nombreuses travées du groupe RDSE et du groupe socialiste.) Cela correspond à la conviction des radicaux que je représente.
Une autre parole s’exprimera par les voix de Jean-Pierre Chevènement, de Pierre-Yves Collombat…
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Très bien !
M. Jacques Mézard. … et de Robert Hue.
Nous les respectons parce que l’expression libre est la tradition de notre groupe, parce qu’elle repose sur de réelles convictions, qui ne plient pas au gré des échéances électorales et des sondages d’opinion.
L’Europe, c’est la chance de la France. Essayons de la vivre avec optimisme.
On ne saurait contester aux radicaux leur attachement viscéral à la République, à la Nation. Notre histoire en est le gage, elle se confond avec elles. Tant de nos voix ont fait retentir ici cet attachement.
On ne saurait contester davantage aux radicaux leur constance à construire l’Europe, Maurice Faure en fut la noble illustration en 1957.
De notre longue histoire – trop longue pour certains ! – nous avons retiré la certitude que l’avenir de la Nation française est dans l’Europe, au cœur de l’Europe, ce cœur que nous devons faire battre pour faire en sorte que les Européens ne se battent plus entre eux.
La construction européenne est constamment un combat : elle exige de la persévérance, de l’acharnement ; elle n’est pas un long fleuve tranquille, elle se complique à chaque élargissement. C’était une performance à six pays ; à vingt-sept pays, demain davantage, tout est difficile, et des avancées sont parfois impossibles en l’état des règles institutionnelles.
Certaines décisions ne furent point adéquates ; certaines orientations doivent être revues. Force est de constater qu’une monnaie unique sans corrélation avec des économies nationales trop diversifiées justifie de nouvelles évolutions, que les différences entre les pays d’Europe du Nord et les pays d’Europe du Sud s’aggravent. Or cet écart qui se creuse est facteur de risques considérables pour l’Europe. De même, l’accumulation de directives et de normes européennes doit être stoppée.
En dépit de toutes ces difficultés, notre devoir est de continuer d’avancer. Mes chers collègues, il ne faut pas moins d’Europe, mais plus d’Europe et mieux d’Europe !
M. François Rebsamen. Très bien !
M. Jacques Mézard. Soyons clairs, c’est l’affaire et le devoir des partis de gouvernement, de ceux qui ont vocation à assumer la responsabilité de l’exécutif. À nos yeux, les grandes réorientations en matière européenne nécessitent le plus large consensus, nos voisins allemands l’ont compris depuis longtemps !
Pour nous, radicaux, voter le traité budgétaire avec nos collègues de l’opposition ne pose aucun problème, car ce vote est utile à la République.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard. Quant à la solidarité gouvernementale, monsieur le ministre délégué, il y a ceux qui la proclament et ceux qui la pratiquent. Ce ne sont pas toujours les mêmes ! (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
Je constate que ceux qui contestent aujourd’hui le TSCG ont, depuis plus de soixante ans, rejeté tous les traités européens et se sont constamment opposés à la construction européenne sous toutes ses formes. Leurs opinions sont respectables, mais nous ne les partageons pas.
Nous déplorons que l’Europe soit systématiquement désignée comme le responsable de tous les maux nationaux, car c’est injuste et dangereux. Instiller constamment dans l’opinion publique, dans l’esprit de nos concitoyens, que chacun de leurs problèmes a une origine dans les oukases de Bruxelles, peut s’avérer électoralement payant – c’est d’ailleurs souvent le cas ! –, mais nous considérons qu’un tel discours est contraire à l’intérêt de nos concitoyens et de la nation.
Il est révélateur que ce discours anti-européen fasse le lit de tous les populismes, que l’extrême droite en fasse constamment le terreau de ses pousses mortifères, en cristallisant les problèmes sans proposer de solutions.
La crise frappe l’Europe depuis cinq ans. Son origine a trop vite été oubliée : les événements consécutifs à la crise des subprimes aux États-Unis. Encore une fois, l’Europe est à un tournant. D’aucuns peuvent penser que ce traité est un moyen de prolonger l’agonie d’un système. Pour notre part, nous considérons qu’il est au contraire le moyen de permettre à l’Europe de faire face aux difficultés immédiates et de relancer sa construction.
Quels sont les arguments des détracteurs de ce traité ? En vérité, aucun d’entre eux ne résiste à une analyse objective de ce texte. Quant à ceux qui prônent comme solution la sortie pure et simple de l’euro, ils prônent en fait la catastrophe.
Mme Françoise Laborde. C’est vrai !
M. Jacques Mézard. Certains estiment que ce traité est un carcan de règles budgétaires absolument inédit, qui va entériner la toute-puissance de la rigueur et nous enfermer à jamais dans une spirale récessive. Certes, un risque existe, mais nous pensons justement qu’il sera évité grâce au traité.
En fait, nombre de règles contenues dans le TSCG sont déjà présentes dans le droit européen, comme l’a d’ailleurs justement souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 août 2012. Il a également confirmé que le traité budgétaire ne remettait pas en cause les conditions essentielles de la souveraineté nationale, ni la souveraineté budgétaire du Parlement. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe a fait la même analyse et jugé que le TSCG, tout comme le traité instituant le mécanisme européen de stabilité, le MES, déjà ratifié par la France, respectait pleinement les prérogatives du Bundestag, soit dit en passant plus larges que celles du Parlement français.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très juste !
M. Jacques Mézard. Ce traité ne nécessite donc pas de révision constitutionnelle ; il n’est pas non plus irréversible.
D’ailleurs, cher président Placé, vos collègues allemands de Die Grünen, l’ont, eux, bien compris, si j’en crois un document qu’ils ont publié le 15 juin.
Le communiqué de presse de votre homologue au Bundestag, publié le jour du vote du TSCG et du MES, a confirmé que son groupe parlementaire les voterait, compte tenu notamment des avancées obtenues au Sommet européen des 28 et 29 juin 2012, en particulier le pacte pour la croissance et pour l’emploi, pour l’adoption duquel, il faut le souligner, le Président de la République a dû mener un véritable bras de fer avec la Chancelière Merkel. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE – Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.)
M. Jean-Pierre Plancade. C’est bien de le rappeler !
M. Jacques Mézard. Que contient le TSCG de plus que le « six-pack », ensemble de cinq règlements et une directive, entré en vigueur le 13 décembre 2011, qui a profondément réformé le pacte de stabilité et de croissance de 1997, déjà revu en 2005, lequel détaillait les règles de discipline budgétaire auxquelles les États membres de l’Union européenne devaient se conformer ?
Depuis le traité de Maastricht, les États sont dans l’obligation d’avoir un déficit inférieur à 3 % de leur PIB et une dette inférieure à 60 % de ce même PIB. Ces règles trop rigides, sans véritable justification économique à nos yeux, ont souvent été contournées et ont d’ailleurs fait l’objet, de la part de l’ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, d’une appréciation critique.
Aujourd’hui, ce pacte, même révisé, n’est pas une panacée. En revanche, le TSCG contient une règle selon nous plus intelligente et plus protectrice, comme l’ont souligné nombre d’économistes. En effet, la vraie nouveauté, c’est qu’il définit une « règle d’or » : à moyen terme, les déficits structurels ne devront pas dépasser 0,5 % du budget, contre 1 % depuis la révision du pacte de stabilité et de croissance de 2005.
Vous l’avez rappelé, prendre en compte le déficit structurel plutôt que le taux effectif laisse d’importantes marges de manœuvre, tout en garantissant la soutenabilité de nos finances publiques. D’aucuns, et nous pouvons l’entendre, craignent un effet récessif. Il faut y être attentif, ce qui nécessite de réorienter la politique européenne vers la croissance.
M. Jean Besson. Bien !
M. Jacques Mézard. Cette notion permet en effet de faire la distinction entre les phénomènes conjoncturels ou les mesures exceptionnelles et la partie structurelle du déficit qui doit, seule, être limitée. Mes chers collègues, prendre en compte le déficit structurel permet notamment d’éviter les politiques économiques pro-cycliques, qui contribuent à aggraver la situation dans les périodes de récession.
La règle des 0,5 % de déficit structurel autorise une certaine souplesse. D’ailleurs, la France n’aura pas de difficulté à la respecter, puisque, comme l’ont souligné plusieurs économistes, l’objectif que s’est fixé le Gouvernement de revenir à l’équilibre, c’est-à-dire à un déficit effectif nul, d’ici à 2017, est encore plus strict.
En outre, le TSCG, comme le pacte de stabilité, prévoit que les États peuvent s’écarter temporairement de l’encadrement des déficits en présence de circonstances exceptionnelles.
Réduire notre déficit et notre dette est un impératif. Nous le savons et nous devons le faire, d’abord, parce que le retour progressif à l’équilibre est le seul moyen de ne pas tomber dans une dépendance à l’égard des marchés financiers, ensuite, parce que, comme l’a formulé la présidente de la commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale, « c’est aussi un devoir moral : nous ne pouvons pas faire supporter aux jeunes générations le poids du surendettement de leurs aînés ».
Le TSCG, qui n’est pas une fin en soi, n’inaugure donc pas l’ère de l’austérité. Il contient surtout un principe : l’encadrement du déficit et de la dette des États, qui devrait être une évidence pour chacun d’entre nous et qui, d’ailleurs, fait partie des engagements du Président de la République.
M. Alain Richard. Exactement !
M. Jacques Mézard. Il est le résultat d’un compromis avec l’Allemagne, inquiète de devoir payer pour les errements budgétaires de certains de ses partenaires européens. Sa ratification permettra d’affirmer, aux yeux de tous, notre engagement dans un cercle vertueux, en limitant nos déficits et notre dette, et de rassurer nos partenaires, pour pouvoir ensuite aller plus loin dans la solidarité et l’intégration européennes.
En effet, les règles du TSCG sont aussi et surtout le pendant de la solidarité qui commence à se mettre véritablement en place entre les pays européens. Là encore, une évidence s’impose : la solidarité ne peut se concevoir sans responsabilité. L’intégration solidaire, défendue par le Président de la République, n’est envisageable qu’en contrepartie du respect d’une certaine discipline budgétaire.
Cela ne signifie pas, pour autant, que nous ne disposons plus de marges de manœuvre, mais celles-ci dépendent d’abord de notre capacité à retrouver le chemin d’une croissance durable. Or ce n’est certainement pas seuls que nous y parviendrons le mieux, mais avec nos partenaires européens !
La réorientation de l’Europe sera possible si et seulement si nous acceptons ce compromis européen : ratifier le TSCG et respecter des règles de stabilité budgétaire, en échange d’une plus grande solidarité. Aujourd’hui, la ratification du traité est une première étape nécessaire pour être crédibles vis-à-vis de nos partenaires et pour pouvoir peser sur l’avenir de l’Union européenne. Le repositionnement de l’Europe est en cours depuis le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, qui a constitué un vrai tournant. Ce sommet marque la fin de l’ère de la rigueur et de l’austérité que voulait imposer la Chancelière Merkel.
M. Didier Guillaume. C’est exact !
M. Jacques Mézard. Le traité budgétaire ne peut aujourd’hui être considéré sans prendre en compte ces avancées.
Le pacte pour la croissance et pour l’emploi, adopté lors de ce sommet, va permettre d’injecter 120 milliards d’euros dans l’économie. Certes, il en faudrait plus, mais il s’agit d’un premier pas qui doit être salué. Grâce au déblocage des sommes non utilisées des fonds structurels, à l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement ou encore aux project bonds, lesquels permettront de financer des grands projets d’infrastructures, la relance de l’économie sera facilitée.
Ce sommet a aussi ouvert la voie à une coopération renforcée entre au moins neuf États – nombre aujourd’hui porté à onze – pour mettre en place une taxe sur les transactions financières, taxe que le RDSE appelle de ses vœux depuis plusieurs années et que nous avions soumise au vote de cet hémicycle en juin 2010. Ainsi, ces États, dont fait partie la France, ont fait part de leur intérêt pour la mise en place de cette taxe. L’idéal serait de pouvoir l’instaurer au moins à l’échelle de la zone euro pour éviter la concurrence entre les places financières.
Le gouvernement français, qui a joué et joue toujours un rôle majeur dans ce dossier, devra également être très vigilant en ce qui concerne les modalités de mise en œuvre de la taxe. Une assiette large, un taux faible, ainsi que l’application par un maximum de pays, sont les clefs de la réussite pour lutter contre la spéculation financière.
Lors de ce sommet, il a également été décidé de permettre au MES de prêter directement aux banques, ce qui représente une avancée très importante pour rompre le cercle vicieux des crises bancaires qui alimentent les crises des dettes souveraines.
Parallèlement, l’Union européenne est en train de mettre en place une union bancaire, dont la première étape, à savoir la surveillance intégrée des banques, a été présentée par le commissaire européen Michel Barnier le 12 septembre 2012. C’est aussi un changement majeur et une voie d’avenir.
Enfin, le programme OMT, lancé par la Banque centrale européenne le 6 septembre 2012, rend possible le rachat illimité de dettes pour des États ayant demandé à bénéficier des mécanismes de solidarité. Cette mesure va aussi dans le sens d’une plus grande solidarité et d’un affranchissement de la dépendance à l’égard de la spéculation.
Le sommet des 28 et 29 juin 2012 a donc permis un grand pas en avant. Telle est, en tout cas, notre conviction et notre conception de la construction européenne. Il faut et il faudra plus de coordination économique, plus d’Europe et plus de démocratie. Cependant, il ne s’agit pas de fondre les pays européens dans un même moule ni de les enfermer dans un projet qu’ils n’ont pas choisi et auquel ils n’auraient pas le sentiment d’appartenir.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard. Il s’agit, au contraire, d’être plus fort ensemble. Il n’est pas question d’effacer les spécificités nationales qui font notre force et suscitent l’admiration dans toutes les autres régions du monde, en Amérique, en Afrique ou en Asie.
Mes chers collègues, rechigner sur le traité, « faire les difficiles » sur la stratégie européenne actuelle en considérant qu’elle ne va pas assez loin, revient à mettre en danger ce projet exceptionnel qu’est l’Union européenne et, partant, à nous fragiliser. Ce n’est pas en commençant par reculer que nous pourrons ensuite aller de l’avant.
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’enjeu est de montrer aux peuples européens que l’Europe est une force responsable, qui prépare l’avenir et soutient la croissance. Je crois pouvoir dire que nous partageons tous, dans cet hémicycle, un même dessein : nous voulons une Europe qui protège les droits des citoyens et contribue à l’émergence d’un monde multipolaire. Cette ambition suppose de lui redonner un projet politique, de la doter de pouvoirs nouveaux et de démocratiser ses institutions. Parce que l’Europe est une construction permanente, la majorité des membres du RDSE affirmera, par son vote positif, le choix de la raison et de l’avenir. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’intitulé de notre débat d’aujourd’hui – « Nouvelles perspectives européennes » – traduit la conviction du Gouvernement d’avoir ouvert de « nouvelles perspectives » pour la construction européenne.
L’élection de François Hollande aurait changé la donne. La France aurait demandé et obtenu, au mois de juin dernier, que l’Europe se dote, enfin, d’un pacte de croissance complétant le pacte budgétaire. Ce nouveau contexte expliquerait qu’il faille aujourd’hui approuver le traité budgétaire, alors qu’hier on estimait qu’il était « inacceptable » et devait être « renégocié ».
Les Normands n’ont peut-être pas l’esprit assez ouvert au merveilleux, monsieur le ministre délégué, à moins que la France, depuis l’élection de François Hollande, ne sombre dans l’ivresse de l’intelligence, mais j’ai peine à vous suivre.
M. Michel Delebarre. Encore un effort !
M. Jean Bizet. La France arrivant en sauveur, au mois de juin, pour faire découvrir, d’un coup d’un seul, à ses vingt-six partenaires, jusque-là aveuglés, que la croissance était importante et devait être soutenue, c’est un rebondissement qui manque de vraisemblance. Rien à faire, on n’adhère pas à cette approche ! Que vingt-six gouvernements démocratiques, responsables, aient oublié simultanément la croissance, première préoccupation de leur population, cela ne passe pas – à moins de les supposer victimes d’un sortilège !
Nous savons tous que la réalité est autre. Les décisions du Conseil européen du mois de juin n’ont pas changé le cours des choses. Elles ont prolongé et complété les précédents travaux du Conseil. La lourdeur des processus fait que nous attendons d’ailleurs toujours qu’elles commencent à se concrétiser, malgré une ampleur, qui, à l’échelle de l’Europe, reste relative.
Nous savons tous que l’annonce d’une « renégociation » du pacte budgétaire était destinée à durer le temps d’une campagne électorale. François Hollande ne voulait pas dire qu’il était favorable au traité budgétaire, il ne voulait pas dire non plus qu’il y était opposé : promettre une « renégociation » permettait de contenter provisoirement tout le monde. L’élection gagnée, il a fallu justifier le ralliement au pacte budgétaire. Pour cela, on a présenté le Conseil européen du mois de juin comme un tournant de la construction européenne. La vie politique est ainsi faite.
Mieux vaut sans doute jeter un voile pudique sur cet épisode assez peu glorieux. L’essentiel est que la France approuve le nouveau traité, car ce texte a deux mérites.
Tout d’abord, il est un instrument pour rétablir la confiance entre pays européens. Pour être honnête, il faut dire que chacun a sa part dans la perte de confiance. On a beaucoup dénoncé les manipulations statistiques de la Grèce lors de son entrée dans l’euro. Mais, lorsque l’Allemagne et la France, en 2004-2005, se sont affranchies du pacte de stabilité, en donnant aux autres le sentiment qu’il y avait en Europe deux poids et deux mesures, elles ont également contribué à ébranler la confiance.
M. Alain Richard. Très juste !
M. Jean Bizet. Et que dire des États, qui, bénéficiant de fonds européens venant des autres pays membres, en ont profité pour pratiquer le dumping fiscal en vue d’attirer des entreprises étrangères ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’Irlande, le Luxembourg !
M. Jean Bizet. Il faut dire la vérité !
La crise financière a révélé cette perte de confiance entre pays. Certains États membres avaient fait des réformes difficiles pour améliorer leur compétitivité et rétablir leurs finances. Il leur a fallu aller au secours d’autres qui n’avaient pas fait les mêmes efforts.
Personne n’aime payer deux fois. Il importait de garantir que le sérieux budgétaire s’imposerait désormais effectivement à tous. C’est cette garantie qu’apporte la « règle d’or » contenue dans le traité budgétaire. Elle est la contrepartie normale, nécessaire, de la solidarité qu’organise le Mécanisme européen de stabilité. Lorsqu’on aide les autres à régler des difficultés financières qu’ils ont laissé s’accumuler, il est normal de leur demander des garanties pour que l’affaire ne se reproduise pas.
Pour autant, ce traité n’est pas une atteinte insupportable à la souveraineté budgétaire, contrairement à ce qu’ont souligné nos amis communistes, à moins d’avoir une singulière conception de cette souveraineté. Dirait-on qu’interdire les chèques sans provision est une atteinte à la liberté individuelle ? (Marques d’incrédulité sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Jean Bizet. La souveraineté budgétaire, c’est avoir non pas le droit de s’affranchir de toute règle, mais la possibilité de définir soi-même ses priorités, ses choix, dans un cadre de possibilités limité. Prôner l’endettement excessif, au fond, c’est renoncer à exercer cette souveraineté, c’est éviter de choisir en reportant la facture à plus tard. Nous ne renonçons pas à notre souveraineté en nous imposant des règles à nous-mêmes.
Le traité budgétaire a un second mérite. Considéré conjointement avec le Mécanisme européen de stabilité, il est un signal fort pour les marchés. Il tend à décourager la spéculation contre la dette européenne. Nous aimons tous, à cette tribune, dénoncer les méfaits de la spéculation…
Mme Éliane Assassi. Vous ne le faites pas suffisamment !
M. Jean Bizet. Le meilleur moyen de lutter contre la spéculation, c’est précisément de ne pas lui donner prise !
On le voit, les deux traités européens qui nous ont été soumis à quelques mois d’intervalle – celui sur le Mécanisme européen de stabilité et celui sur le pacte budgétaire – forment en réalité un tout, et ce n’est pas pour rien que ces deux traités se font mutuellement référence.
Pour pouvoir bénéficier du MES, un État membre doit mettre en œuvre le pacte budgétaire. C’est une démarche d’ensemble, dont le fil conducteur est le rétablissement de la confiance entre Européens et dans l’Europe. On doit être pour les deux traités ou tout simplement contre les deux ! Le groupe UMP, qui avait voté en faveur du MES, sera cohérent avec lui-même en votant aujourd’hui pour le pacte budgétaire.
La ratification de ces deux traités est un préalable, mais ce n’est qu’un préalable. Au-delà, quelles sont les perspectives pour l’Europe ?
Même si nombre de pays européens traversent aujourd’hui une passe difficile, voire très difficile, je crois que nous ne devons pas céder à l’euro-pessimisme, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous devons avoir une juste appréciation de la situation des pays qui connaissent aujourd’hui les difficultés les plus graves. Ces derniers subissent les dures conséquences de la cure d’austérité qu’ils s’imposent, mais leur engagement n’est pas vain, car les réformes auxquelles ils sont en train de procéder vont leur redonner de meilleures conditions de compétitivité et de croissance. En réduisant et en réorientant les dépenses publiques, en réformant les marchés du travail, ils préparent l’avenir. Lorsque la conjoncture redeviendra plus favorable, ils recueilleront le fruit de leurs efforts.
Le début de redressement en Irlande, alors que ce pays avait touché le fond lors de la crise bancaire, en est déjà l’illustration : l’obligation de la rigueur, c’est aussi l’occasion du changement, et la plupart des pays membres – pas le nôtre, hélas ! – sont en train de saisir cette occasion.
À plusieurs reprises, monsieur le ministre délégué, je me suis permis de vous interpeller sur les réformes structurelles que devait engager notre pays. Vous ne m’avez pas spécialement répondu, manifestant même un certain énervement à mon égard. Je le regrette, parce que je ne souhaite pas du tout tenir de propos discourtois à votre endroit. Pour autant, je me dois de le faire remarquer, la France n’engage pas les réformes structurelles nécessaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
M. Jean Bizet. Une autre raison d’espérer est que nous sommes en train de vivre un renforcement historique de l’Union économique et monétaire. Autrement dit, face aux difficultés, les États membres, du moins la plupart d’entre eux, cherchent la solution dans un approfondissement de la construction européenne.
Les difficultés que l’Europe doit affronter aujourd’hui sont très lourdes. Mais, au plus fort de la crise financière, en 2008-2009, elle a su réagir. Nous vivons aujourd’hui, en quelque sorte, la réplique du séisme, puisque la crise de la dette est en grande partie une conséquence de la crise financière. Jusqu’à présent, l’Europe est parvenue, tant bien que mal, à contenir cette crise de l’endettement.
Il ne faut donc pas sous-estimer la capacité de l’Europe à répondre aux difficultés. Depuis 2008, nous avons déjà parcouru un chemin important. Nous pouvons espérer que, finalement, l’Europe sortira renforcée de la crise qu’elle traverse aujourd’hui.
S’agissant de la mise en place d’une véritable union bancaire, le processus est déjà engagé, avec la création d’un cadre commun de surveillance, la définition en cours d’une législation prudentielle uniforme et les dispositions figurant dans le texte en discussion sur la résolution des crises bancaires. L’Union va se doter d’une supervision unique, qui est la condition pour que soient prises, le cas échéant, des mesures de recapitalisation des banques par le truchement du Mécanisme européen de stabilité.
Sur la plupart de ces sujets, des divergences et des difficultés subsistent, mais le processus est lancé et nous voyons la direction qui a été prise, vers un renforcement majeur des pouvoirs de contrôle de l’Union.
Sur le plan économique, les avancées sont beaucoup moins importantes. Certes, il existe maintenant sur le papier, depuis l’adoption du « six-pack », une surveillance des déséquilibres macroéconomiques. En outre, le « pacte pour l’euro plus » ainsi que le TSCG prévoient de renforcer la coordination des politiques économiques dans le sens d’une meilleure compétitivité européenne. Néanmoins, en pratique, l’encadrement des politiques nationales reste encore trop peu contraignant à mon goût. J’en veux pour preuve les mesures prises par la France au début de l’été : nous avons abaissé l’âge de la retraite, augmenté les dépenses publiques, revalorisé le salaire minimum et supprimé la « TVA sociale », censée déplacer une partie du prélèvement fiscal du travail vers la consommation. Or les recommandations de la politique économique qui nous étaient adressées étaient exactement contraires.
M. François Rebsamen. C’étaient celles des libéraux !
M. Jean Bizet. Si la coordination des politiques économiques n’avait pas existé, quelle aurait été la différence ?
Il serait donc souhaitable d’aller plus loin. Nous en avons fait l’expérience, une monnaie unique et des politiques économiques nationales divergentes aboutissent à l’inefficacité. Nous avons besoin d’une coordination plus contraignante.
Pour cela, je le souligne encore une fois à titre personnel, la Commission européenne devrait recevoir des pouvoirs accrus. Une fois des normes et des objectifs de politique économique arrêtés en commun, elle devrait pouvoir suspendre les mesures nationales allant manifestement à l’encontre de ces objectifs et de ces normes ; ensuite, le Conseil se prononcerait.
En quoi s’agirait-il d’une atteinte insupportable aux souverainetés nationales, puisque l’objectif serait tout simplement de faire respecter des orientations arrêtées en commun ? Notre collègue François Zocchetto n’a pas dit autre chose voilà quelques instants. Tant qu’il n’existera pas de mesure de ce type, je crains que la coordination des politiques économiques ne demeure un vœu pieux.
Sur le plan budgétaire, nous avons davantage avancé. Malgré tout, l’union budgétaire, sous sa forme actuelle, reste de nature négative. Elle est là pour empêcher les déficits excessifs et obliger à rendre soutenable la dette publique. Cette discipline commune est nécessaire et même absolument indispensable, mais ne faudrait-il pas la compléter par des mesures plus positives ? Il n’est pas souhaitable que la discipline commune soit uniquement synonyme de rigueur budgétaire : elle doit aussi ouvrir des perspectives positives, traduisant l’intérêt d’agir en commun.
On peut bien sûr rêver d’un budget européen bien plus important. Je ne rappellerai pas les ratios évoqués précédemment par M. Placé, ils traduisent à mon avis un idéal inaccessible. Or, nous le savons, le contexte n’est pas favorable et, de toute manière, l’essentiel des moyens figure dans les budgets nationaux. C’est pourquoi une union budgétaire plus positive devrait, me semble-t-il, prendre la forme d’une coordination plus étroite et plus contraignante des politiques budgétaires.
Alain Lamassoure donnait en ce sens l’exemple du soutien à la recherche. À défaut d’avoir un budget européen suffisant, nous pourrions rendre plus efficaces les soutiens à la recherche, en réalisant une véritable synergie entre le budget européen, d’une part, et les budgets nationaux, d’autre part, de manière à pouvoir véritablement « mettre le paquet » sur certains domaines constituant des priorités européennes. Pour arriver à ce résultat, il faudrait sans doute une intervention plus marquée de la Commission dans les procédures budgétaires nationales. Pour ma part, je n’y verrais pas une hérésie, loin s’en faut.
La réflexion engagée par le président Van Rompuy, à la demande du Conseil européen, sur l’« achèvement de l’Union économique et monétaire » me paraît donc une occasion à saisir pour concrétiser enfin ce « gouvernement économique européen » que nous réclamons depuis si longtemps.
Nous avons fait le choix d’une monnaie unique : comme tout choix, il a ses avantages, mais aussi ses contraintes. Ce choix étant fait, mieux vaut en tirer toutes les conséquences ; sinon, nous perdrons les avantages sans nous affranchir des contraintes. Les pays de la zone euro ne peuvent plus définir isolément leurs politiques économiques et budgétaires. Cela veut dire qu’entre notre engagement européen et nos orientations actuelles, il faudra choisir. Nous ne pourrons pas indéfiniment prôner la coordination et en refuser les conséquences lorsqu’elles nous dérangent. Nous ne pourrons pas rester les seuls à privilégier l’augmentation des impôts sur la réduction des dépenses. Nous ne pourrons pas rester les seuls à refuser les réformes structurelles et à revenir sur celles qui ont été réalisées, quand nos partenaires font exactement le contraire !
En conclusion, je regrette sincèrement, monsieur le ministre délégué, que cette déclaration sur les nouvelles perspectives de la construction européenne ne soit pas suivie d’un vote. Ce vote aurait précisément marqué un temps fort de la politique européenne de votre Gouvernement et de votre majorité, à moins que vous ne craigniez de montrer au grand jour l’ambiguïté et l’incohérence qui vous unissent ! L’Europe méritait décidément beaucoup mieux que cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, parce que les débats consistent souvent à répéter, à répéter inlassablement, j’avais envie de faire un peu de politique-fiction. J’avais envie d’imaginer que l’élection présidentielle n’ait pas eu lieu et que Nicolas Sarkozy soit encore au pouvoir.
M. Michel Delebarre. Aïe !
Mme Bariza Khiari. Quel cauchemar !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On voterait le même traité !
M. François Rebsamen. Je sais que sur ces travées de la gauche ici rassemblée, cela serait terrible pour nous. Pour vous, sur les travées de droite, en revanche, ce serait sûrement une très bonne chose !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quel rêve !
M. Didier Guillaume. Le sourire revient en face !
M. François Rebsamen. Mais si on y regarde bien, si le Président de la République était toujours Nicolas Sarkozy, après s’être affranchi, dès son élection en 2007, de la règle des 3 % de déficit – ce qui, à l’époque, ne posait pas problème à notre collègue Zocchetto ! –, après avoir laissé filer la dette de plus de 630 milliards d’euros – ce qui ne posait pas de problème à notre collègue Marini –,…
M. Philippe Bas. Vous préférez l’austérité !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une interprétation libre !
M. François Rebsamen. … Nicolas Sarkozy aurait fait adopter un traité européen sec, purement comptable, qui aurait consacré l’austérité, ajouté l’austérité à l’austérité et imposé à l’ensemble des peuples d’Europe des diktats désespérément coercitifs, d’une rigueur rigide qu’il aurait voulu inscrire dans la Constitution.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un peu ennuyeux de faire parler les absents !
M. François Rebsamen. Le tout, mes chers collègues, sans aucune contrepartie en termes de croissance, de relance et de solidarité. Bref, un traité qui aurait été sans aucun gage d’espoir, imposé par un bloc uni de conservateurs européens face auxquels la voix de la France aurait été affaiblie, voire muette.
M. Charles Revet. Elle était bien plus forte qu’aujourd’hui !
M. François Rebsamen. Heureusement pour nous, tel n’est pas le cas !
M. Michel Delebarre. Ah !
M. François Rebsamen. J’essaie de vous réveiller, mes chers collègues !
Qu’en est-il aujourd’hui, en réalité ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un moratoire !
M. François Rebsamen. François Hollande avait pris, durant la campagne présidentielle, un certain nombre d’engagements.
M. Charles Revet. Qu’il n’a pas tenus !
M. François Rebsamen. Ils ont été tenus, et de manière très concrète. Pourtant, la situation était très difficile, vous le savez !
M. Francis Delattre. La voilà, la politique-fiction !
M. François Rebsamen. Les rapports avec l’Allemagne étaient tendus et déséquilibrés. Le dialogue était bloqué avec les autres pays européens, y compris les pays conservateurs ou dirigés par des conservateurs – que ce soit l’Italie ou l’Espagne. Quant à la solidarité entre pays, indispensable face à la crise, elle était inexistante !
Dès son élection, le souci immédiat du nouveau Président de la République, François Hollande, a été d’engager une inflexion majeure – je dis bien majeure – de la politique européenne et de renouer le dialogue pour convaincre ses partenaires européens d’y adhérer.
Fort, c’est vrai, du soutien du peuple français qui l’avait porté à la Présidence de la République, François Hollande a, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, changé la donne du traité européen…
M. Charles Revet. Cela n’a rien changé !
M. François Rebsamen. … en lui faisant adjoindre ce qui n’existait pas, un pacte pour la croissance et l’emploi. Personne ne peut dire le contraire !
M. Francis Delattre. Si ! Vous savez bien que ce n’est pas exact !
M. François Rebsamen. C’est gênant pour vous, certes !
Ce pacte – vous devriez vous en réjouir – marque, en effet, une nouvelle orientation européenne qui place, et qui va placer, la croissance et la solidarité au cœur des exigences. Il dote l’Europe d’outils de lutte contre la spéculation financière, ces outils qui lui ont tant fait défaut depuis le déclenchement de la crise en 2008.
L’UMP nous avait dit pendant la campagne que c’était impossible. François Hollande l’a fait ! Aujourd’hui, le résultat est là : une véritable réorientation de la construction européenne, chère madame Keller !
Mme Fabienne Keller. Je n’ai rien dit !
M. François Rebsamen. L’austérité n’est plus considérée comme le seul moyen de régler les problèmes des Européens pour réduire leur endettement.
La logique punitive érigée en principe de gouvernance européenne a vécu. La cohérence est là. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) La stratégie est claire : la solidarité et la croissance vont redevenir une priorité de l’Union européenne, au même titre – je le dis – que la stabilité budgétaire nécessaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Amen !
M. Francis Delattre. Avec un budget de décroissance !
M. François Rebsamen. Par « stabilité budgétaire nécessaire », j’entends tous les efforts que nous avons à faire, nous, aujourd’hui, en France, avec l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques ! En effet, il est quand même un peu fort d’entendre aujourd’hui nos collègues nous faire la leçon, alors même, je le rappelle, qu’ils s’étaient affranchis de la règle des 3 % de déficit, qu’ils allaient chercher la croissance « avec les dents », qu’ils avaient trouvé le moyen de voter, certaines années, plus de 120 milliards d’euros de déficit – ce n’est pas grand-chose, nous disait M. Zocchetto – et de nous laisser, en plus, 635 milliards d’euros supplémentaires d’endettement !
Alors, il faut faire face ! Avec la volonté politique ainsi affichée par François Hollande, soutenue par les citoyens, nous avons fait bouger les lignes, nous avons fait évoluer des situations qui étaient considérées comme inéluctables, qui étaient figées.
Pour cela, il a fallu trouver des alliés,…
M. Francis Delattre. Comme Papandréou ?
M. François Rebsamen. … ce que le Président de la République est parvenu à faire, sans rompre le lien avec nos amis allemands.
Je dois le dire à nos collègues qui ont des doutes à ce sujet, ce traité ne comporte sur le niveau de la dépense publique aucune contrainte autre que celle que la France s’est fixée à elle-même pour retrouver l’indispensable équilibre de ses finances, condition même du redressement du pays, car la réduction de l’endettement exorbitant que vous nous avez légué, mes chers collègues, est la condition incontournable de l’indépendance de la France.
Nicolas Sarkozy voulait faire inscrire la règle d’or dans la Constitution, après s’en être lui-même allègrement affranchi dès 2007, dès son élection. Il était même prêt à l’imposer à marche forcée juste avant l’élection présidentielle.
Aujourd’hui, ce carcan n’existe pas. La souveraineté du Parlement en matière de finances publiques reste intacte et la règle d’or ne figure pas dans notre Constitution.
M. Francis Delattre. Dommage !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Personne n’a jamais su dire ce qu’est la règle d’or !
M. François Rebsamen. C’est vrai !
La règle d’or, disais-je, n’avait pas à figurer dans la Constitution. D’ailleurs, le traité le réaffirme, dans son article 3, paragraphe 2. Et la jurisprudence créée par l’arrêt de la Cour de Karlsruhe le confirme, puisqu’elle reconnaît clairement que la liberté de décision du Bundestag est totale en matière budgétaire.
Plus largement, ce qui me paraît marquer la rupture avec le traité Merkel-Sarkozy – que certains ont cru pouvoir appeler le traité « Merkozy », ce que je ne me permettrai pas de faire –, ce qui, en tout cas, en change la nature, c’est son inscription dans un paquet global qui consacre la réorientation européenne voulue et obtenue par François Hollande.
Nous ne sommes donc plus dans la logique de Nicolas Sarkozy qui disait, lors d’une émission de télévision pendant la campagne : « Le traité, seulement le traité, rien que le traité ». Et il aurait pu ajouter : « Tout le traité. ».
M. Francis Delattre. Parlons-en du traité ! Vous n’en avez même pas changé un point-virgule !
M. François Rebsamen. Allez-y ! Mais laissez-moi parler !
Nous nous inscrivons dans une autre démarche, une approche nouvelle, beaucoup plus globale, de l’avenir européen.
Dans le cadre de cette démarche, je commencerai par évoquer la sortie de crise. Après les dix-neuf sommets européens, qui se soldaient par des communiqués triomphants, des cris de victoire, des satisfecit, on s’aperçoit qu’en trois ans, aucune réponse définitive n’a été apportée – même si ce n’est pas facile – à la grave crise subie par la zone euro.
Pour la première fois, des mesures concrètes, immédiates, sont sorties du Conseil européen de juin. Il faut maintenant les mettre en œuvre.
Beaucoup ont dû être surpris d’apprendre la possibilité pour la BCE d’intervenir de manière durable pour venir en aide aux États de la zone euro. Et son président a annoncé qu’il allait racheter de la dette de manière illimitée pour éviter la spéculation. Ces mesures sont, me semble-t-il, le fruit des négociations menées par François Hollande, car elles ont permis de desserrer l’étau de ce que vous aimez, l’orthodoxie libérale qui empêchait toute intervention de la BCE, mais ce n’est qu’une étape.
De nombreux collègues ont mentionné la mobilisation de 120 milliards d’euros en faveur de la croissance. Cela représente, pour notre pays, des investissements supplémentaires mobilisables, jusque-là disponibles et inutilisés, de quelque 20 milliards d’euros, sans compter les effets indirects des investissements dans les pays voisins qui, faut-il le rappeler, sont les premiers consommateurs de produits français.
Ensuite, sur le moyen terme, il faut, d’ici à la fin de 2013, continuer la mobilisation des fonds structurels, notamment les fonds régionaux, dont la gestion – cela fera plaisir aux décentralisateurs que vous êtes – sera confiée aux régions, comme elles le demandaient depuis 2004.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. François Rebsamen. Cela va permettre, nous n’en doutons pas, d’optimiser l’utilisation et la pertinence de ces fonds, grâce à la proximité avec les besoins de terrain.
M. Francis Delattre. Cela change tout !
M. François Rebsamen. Cela change tout, en effet !
La recapitalisation de la BEI, qui va démultiplier sa capacité de prêt, permettra de financer des projets d’avenir, dans le domaine de l’innovation, de la recherche ou de la transition énergétique. De plus, nous espérons beaucoup des project bonds pour garantir des émissions obligataires destinées à financer des investissements dans le domaine des infrastructures, des télécommunications, de l’énergie et des transports. D’ailleurs, la première phase pilote mise en place à l’issue du Conseil européen de juin représente un investissement de 4,5 milliards d’euros.
Alors, ce pacte de croissance est-il, comme je l’ai entendu, une coquille vide ? Non ! Il s’agit du creuset d’une relance de l’économie des États européens, du creuset d’un retour à terme à la croissance et à l’emploi ; et ce retour, nous le voulons ! C’est, enfin, le creuset d’un espoir pour les peuples d’Europe, avec la fin de l’austérité programmée et l’éloignement du spectre de la récession !
À ces mesures de court et moyen terme viennent s’ajouter de nouvelles perspectives pour une Europe plus intégrée, plus solidaire et – les socialistes y sont très attachés – plus sociale : la mise en œuvre de l’Union bancaire, l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés et la création, enfin, d’une taxe sur les transactions financières pour laquelle le Président de la République plaidait déjà – cela intéresse surtout nos collègues socialistes – lors du congrès du parti socialiste de Dijon, en 2003. Onze pays sont prêts aujourd’hui à la lancer, comme le président François Hollande l’a annoncé hier avec le chancelier autrichien Werner Faymann. Aujourd’hui, on vient d’apprendre de la bouche du Premier ministre que M. Rajoy s’y joignait. Vous le voyez, c’est ainsi que l’on fait avancer l’Europe !
À cette taxe s’ajoutent d’autres mesures : la réciprocité commerciale indispensable dans les échanges mondiaux, ce qu’on appelle maintenant le « juste échange », la coordination des politiques économiques – à condition qu’elles ne soient pas uniquement libérales, car tel n’est pas le but poursuivi – et le développement de mécanismes financiers de solidarité.
Voilà, mes chers collègues, le contexte dans lequel s’inscrit la ratification de ce traité. On est loin de la simple logique comptable qui prévalait sous la précédente présidence.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est vrai !
M. François Rebsamen. Certes, on peut jouer sur les mots, on peut dire qu’il ne s’agit pas stricto sensu d’une renégociation, mais d’un rééquilibrage. L’essentiel est là : c’est une nouvelle vision européenne qui résulte de ce paquet européen global, une avancée décisive vers l’Europe que les socialistes ont toujours défendue, sociale et solidaire.
Aujourd’hui, quel choix s’offre à nous, collectivement ? Rejeter ce traité ?
Ce serait remettre en cause l’euro et ce serait, pour le coup – je le dis à mes amis du groupe CRC –,...
M. Charles Revet. Ils n’entendent pas !
M. François Rebsamen. ... plonger l’Europe dans une crise irréversible et dans une instabilité qui ferait le jeu des spéculateurs (Protestations sur les travées du groupe CRC), une crise sans débouché politique qui aboutirait sûrement à la fin de l’Union monétaire.
Ce serait affaiblir la voix de la France et assurer le triomphe des tenants du repli sur soi et du retour en arrière.
Ce serait faire reculer de vingt ans la construction européenne. Il faut en être conscient et en mesurer les conséquences : il n’existe pas de plan B en réponse à un rejet du traité !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Pierre Laurent. Si, la réorientation !
Mme Éliane Assassi. Nous l’avons déjà proposée !
M. François Rebsamen. L’autre choix, c’est de voter la ratification de ce traité pour ce qu’il est : un passage obligé, une étape nécessaire,...
Mme Éliane Assassi. Un mal nécessaire !
M. François Rebsamen. ... qu’il faut franchir avant d’en aborder d’autres qui nous mèneront vers l’Europe que nous voulons tous : une Europe qui soutienne la croissance, l’emploi, la solidarité ; une Europe qui offre enfin à ses citoyens un espoir et un avenir.
On oublie parfois, et je souhaite le rappeler à nouveau, comme l’a déjà fort bien fait Daniel Reiner, que l’idéal européen est né au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, qui avait vu le continent européen se déchirer sous l’effet de l’idéologie barbare du nazisme. Cette guerre de 1939 succédait à celle, meurtrière, de 1914, elle-même précédée par celle de 1870 : trois guerres qui ont privé les peuples d’Europe de leurs enfants, de leur jeunesse, de leurs forces vives ; trois guerres dont les cicatrices ont perduré d’une génération à l’autre ; trois guerres qui ont divisé des populations voisines dont les convergences étaient bien plus importantes et nombreuses que les différences. Les « pères de l’Europe » ont constamment gardé à l’esprit cette vocation première de la construction européenne : la paix. Gardons-nous en cet instant de l’oublier !
Choisissons de nous rassembler pour qu’à l’Europe de la paix vienne s’ajouter l’Europe de la prospérité retrouvée, de la croissance et de l’emploi.
Le groupe socialiste, cela ne vous surprendra pas, votera donc ce traité, pour franchir une nouvelle étape vers de nouvelles perspectives européennes de croissance et d’emploi.
Au moment où l’Europe, quoi qu’en pensent certains, regarde ce qui se passe au Parlement français, à Paris, à l’Assemblée nationale hier et au Sénat aujourd’hui, permettez-moi, mes chers collègues, de citer Milan Kundera : « Après avoir été longtemps le cerveau de l’Europe, Paris est encore aujourd’hui la capitale de quelque chose de plus que la France ». Réfléchissons-y ! (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très belle citation !
M. le président. La parole est à M. André Gattolin.
M. André Gattolin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en introduction de mon intervention et en écho à la déclaration du Premier ministre, je me permettrai, à mon tour, de citer les paroles d’un homme politique français qui fut un grand Européen et dont les propos ne devraient pas manquer de nous faire réfléchir face à la situation actuelle de l’Europe : « Tant qu’on n’aura pas saisi corps à corps l’idée même de souveraineté, tant qu’on n’aura pas répandu et accrédité la conviction que les souverainetés nationales sont limitées, qu’elles peuvent et doivent être subordonnées à des règles d’organisation collective, il n’y aura pas plus d’Europe rationalisée que d’Europe pacifiée ».
Quelques années plus tard, le même homme politique précisait sa pensée quant à une nécessaire unification de l’Europe en déclarant : « [...] celle-ci suppose la mise en place d’organismes supranationaux dont les décisions s’imposent aux États en matière douanière, financière, monétaire, industrielle [...] » ; il ajoutait également : « l’établissement de plans communs de production et d’échange, la création d’organismes communs de contrôle, d’exécution, et peut-être de gestion ».
Monsieur le ministre délégué, vous l’aurez sans doute reconnu... Il ne s’agit ni de Jean Monnet, ni de Robert Schuman, ni de Jacques Delors : cet homme, c’était Léon Blum, dans des écrits et discours qui remontent respectivement à 1930 et à 1948, pour la dernière citation !
En comparaison avec la clarté de ces propos, on comprend que les citoyens aient aujourd’hui du mal à voir le cap que l’Europe est supposée suivre.
Depuis trop longtemps, nous nous sommes contentés de construire l’Europe en réaction aux événements et aux crises, en repoussant sans cesse au lendemain les mesures impliquant des choix et des arbitrages plus profonds. Des erreurs majeures ont ainsi été commises. Je n’en évoquerai que deux.
La première erreur de l’Europe a été de signer, depuis les années quatre-vingt, une multitude d’accords de libre-échange qui ont ouvert le marché unique bien au-delà du raisonnable...
M. Bruno Retailleau. Ça, c’est sûr !
M. André Gattolin. ... et sans totale réciprocité de la part de nos partenaires extra-européens. Avant ces accords successifs, une partie des droits de douane perçus à l’entrée de l’Union abondaient directement son budget. En remplacement de cette ressource propre, nous avons dû faire appel à un renforcement des contributions nationales, ce qui n’a fait qu’accroître les marchandages en tout genre entre les États membres, et a limité d’autant la nécessaire croissance du budget de l’Union. On a ainsi grandement contribué à affaiblir ce qui était, et reste toujours, la principale puissance économique et commerciale de la planète.
La seconde erreur majeure a été d’instaurer une monnaie commune sans se doter de véritables instances de cohésion et de régulation à la fois économique et financière. L’euro était supposé protéger nos économies de la spéculation. Hélas, nous sommes loin d’avoir atteint cet objectif ! L’euro devait être un pas de plus vers une Europe plus unie, mais il paie aujourd’hui, ainsi que les citoyens européens, l’absence de véritable gouvernance économique de l’Europe. Nous payons aujourd’hui le prix de la non-fédéralisation de l’Europe !
Dans cette optique, il est indispensable de renforcer cette Union économique et monétaire en la dotant d’une véritable dimension fédérale.
Cela passe notamment par une extension du mandat de la BCE, afin de lui permettre de venir en aide aux États en difficulté, dans la lignée et le prolongement, notamment, de son nouveau programme de rachat d’obligations.
Cela passe par l’activation, dès cette semaine, du mécanisme européen de stabilité pour soutenir l’Espagne et éviter un terrible effet domino sur les autres économies.
Cela passe aussi par une supervision bancaire intégrée au niveau européen.
Cela doit également passer par une véritable convergence des États membres en matière fiscale.
Comme l’a évoqué le Premier ministre dans sa déclaration, la poursuite de cette convergence fiscale est une impérieuse nécessité. Nous ne pouvons que l’approuver.
Depuis plus de trente ans, les écologistes et les fédéralistes réclament une harmonisation fiscale en Europe. À l’heure où une partie importante de l’économie se dématérialise et où les consommateurs peuvent de plus en plus facilement se jouer des frontières pour procéder à leurs achats, ce ne sont pas seulement des emplois qui se délocalisent à présent, dans les services comme dans l’industrie, mais c’est aussi le produit de la vente effectuée sur un territoire qui est capté par quelques oasis fiscales surgies au cœur même de l’Union européenne. À l’heure où il nous est demandé une rigueur financière sans précédent, de telles pratiques ne sont plus acceptables.
À terme, et une fois la convergence opérée, nous pourrions imaginer qu’une part de l’impôt sur les sociétés aille directement abonder le budget de l’Union européenne.
Le lancement d’une coopération renforcée pour la mise en place d’une taxe sur les transactions financières a été annoncé hier. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette nouvelle. Là encore, il s’agit d’une politique que les écologistes, notamment au sein du Parlement européen, soutiennent depuis une quinzaine d’années ! J’y vois un signe que l’Europe a bel et bien enclenché une évolution que nous espérons salutaire.
Il ne faudrait cependant pas s’arrêter trop tôt en chemin. Le budget européen, que le gouvernement précédent espérait diminuer, équivaut aujourd’hui à 1 % seulement du PIB de l’Union. Pour redonner à l’Union l’élan dont elle a besoin, il conviendrait de faire passer, via la mise en place de nouvelles ressources propres, ce budget aux alentours de 5 % à 7 % du PIB à l’horizon 2025, soit l’équivalent de ce qu’a pu accomplir aux États-Unis, de 1932 à 1945, le président Franklin Delano Roosevelt. L’Europe pourra alors se constituer en puissance budgétaire autonome, capable de faire valoir l’intérêt général européen sur les intérêts nationaux trop souvent divergents.
Monsieur le ministre délégué, l’Union européenne commence doucement à se réveiller. Mais, trop souvent encore, on entend dire qu’elle est insuffisamment démocratique, alors que la démocratie se trouve au fondement même du projet européen.
Pour rendre l’Europe fidèle à elle-même et approfondir les pistes que j’ai évoquées, je ne vois qu’une possibilité : renforcer le pouvoir politique, parlementaire et citoyen sur les orientations de l’Union, à l’échelle du continent comme à celle des États membres.
Nous devons mieux penser l’articulation entre un Parlement européen renforcé et les parlements nationaux, lier davantage, sur ces questions, nos exécutifs au législatif. Bref, il faut politiser l’Europe, donner à la politique européenne l’occasion de se déployer à la fois vers les citoyens et sur une base transnationale. C’est là un vaste mais impérieux chantier pour lequel, si vous êtes résolu à vous y engager, vous aurez le plein soutien des écologistes.
En guise de post-scriptum, je vous rappelle la devise de l’Union européenne : « Unie dans la diversité ». Vous l’aurez compris, les écologistes sont divers, parfois même très divers (Sourires.), lorsqu’il s’agit de ratifier un traité tel que le TSCG. Nous sommes néanmoins unis dans notre vision et notre volonté d’agir quotidiennement en faveur d’une Europe authentiquement fédérale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, depuis quatre ans, l’Europe s’efforce de faire face à la crise, une crise globale à la fois financière, bancaire, économique et budgétaire. Ces crises se succèdent et s’alimentent mutuellement, et nous poussent légitimement à nous interroger sur les failles de notre modèle européen. Ces failles sont bien sûr des révélateurs. Elles doivent nous obliger à adopter de nouvelles solutions et ces solutions existent.
Tout d’abord, le pacte budgétaire que le Sénat s’apprête à examiner constitue l’une des réponses au problème de la crise budgétaire européenne. Le groupe UMP l’approuvera. C’est en effet, mot pour mot, le texte négocié et finalisé par le précédent Président de la République.
Ensuite, il faudra aussi prendre les décisions concrètes et douloureuses pour sa mise en œuvre. C’est là tout l’enjeu de la loi organique. Nous serons donc vigilants sur la force de son contenu.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Fabienne Keller. La réduction du déficit public dès l’an prochain et le rétablissement de l’équilibre budgétaire d’ici à cinq ans sont des conditions sine qua non du bon équilibre de la zone euro.
Monsieur le ministre délégué, si le gouvernement que vous représentez ne parvenait pas à tenir ses engagements de réduction des déficits, les marchés réagiraient avec force, nous ne pourrions plus emprunter dans des conditions favorables et les difficultés s’enchaîneraient en une spirale infernale. Si la France échouait à se redresser, c’est très probablement la zone euro qui serait tout entière en difficulté et les perspectives européennes seraient alors bien sombres.
Autant dire que, depuis la fin de la dernière guerre, jamais la France n’a été autant au pied du mur. Nous pourrions résumer la situation par une expression familière : « ça passe ou ça casse ».
C’est au nom de cet intérêt qui nous transcende, de sa responsabilité, mais aussi de sa cohérence, que le groupe UMP votera avec conviction et sans hésitation la ratification du traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
Ce traité est le fruit d’un accord intergouvernemental signé le 2 mars 2012 par vingt-cinq chefs d’État sur vingt-sept. Après plus de deux années de crise de la dette dans la zone euro, afin d’éviter tout nouveau dérapage, l’Union européenne a ainsi décidé de se doter d’un nouvel outil pour une gestion plus rigoureuse des finances publiques, encadrée par des règles communes strictes et contrôlée par les autres États membres de l’Union.
Nous voterons la mise en place de ce nouvel outil d’autant plus facilement que, comme d’aucuns l’ont rappelé avant moi, ce traité a été signé par le précédent Président de la République, et qu’il n’a pas été modifié depuis, malgré la promesse de François Hollande de le renégocier.
Permettez-moi, à ce propos, de commenter quelque peu longuement la fameuse « réorientation vers la croissance » qui avait été promise par François Hollande.
Vous le savez, ce n’est qu’un document annexé, sans valeur juridique aucune. En outre, cette réorientation repose essentiellement sur le déblocage de 55 milliards d’euros de fonds structurels non encore utilisés, mais qui existent depuis fort longtemps, avec un effet de levier de 45 milliards d’euros. Sur ces fonds structurels déjà prévus – il ne s’agit donc pas d’une nouvelle orientation –, la France recevra au mieux 5 milliards d’euros.
Dans le même temps, votre gouvernement, monsieur le ministre délégué, propose de ponctionner le double, soit 10 milliards d’euros, sur les entreprises dans le projet de budget 2013, alors que, je le rappelle, un alourdissement de 3 milliards d’euros de la fiscalité des entreprises a déjà été voté dans le collectif budgétaire de juillet. Et ne parlons pas de la hausse, encore plus importante, des prélèvements sur les particuliers, hausse qui va fortement freiner la consommation,…
Mme Bernadette Bourzai. Et celle de la TVA alors ?
Mme Fabienne Keller. … alors que celle-ci demeure un des derniers soutiens de notre faible croissance.
M. Claude Haut. Vous n’êtes pas arrivés à la soutenir !
Mme Fabienne Keller. La part des mesures récessives est donc bien supérieure aux quelques fonds qui seront éventuellement débloqués en France en faveur de la croissance.
M. Alain Richard. Il faudrait donc refaire du déficit !
Mme Fabienne Keller. Il est donc inexact de parler d’une politique en faveur de la croissance, mais il est encore temps, monsieur le ministre délégué, de réduire la pression fiscale annoncée et de faire un effort plus important sur les économies de dépenses, par exemple à proportion de la moitié de la réduction du déficit recherchée, comme le préconise la Cour des comptes.
Le Gouvernement dit avoir permis la réorientation de la politique européenne. Permettez-moi, monsieur le ministre délégué, de rappeler les noms des acteurs qui ont opéré les grands changements.
L’union bancaire résulte d’une initiative de Michel Barnier, notre commissaire,…
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Fabienne Keller. … comme d’ailleurs le règlement EMIR et la directive MIFID, qui apportent des éléments très structurants en vue d’une meilleure régulation des marchés financiers.
L’intervention de la BCE a été adaptée à la situation grâce à l’initiative de son président, Mario Draghi.
Quant à la taxe sur les transactions financières – à l’instauration de laquelle onze pays européens se sont dits prêts hier à œuvrer dans le cadre d’une coopération renforcée –, elle a fait l’objet de plusieurs discussions au plus haut niveau lors du G 20 de novembre 2011 sous l’impulsion, très forte et très politique, du précédent Président de la République.
En outre, il convient de rappeler qu’en février 2012 l’actuelle majorité n’avait pas voté le mécanisme européen de stabilité. Je citerai, si les Verts m’y autorisent, Daniel Cohn-Bendit,…
M. Jean-Vincent Placé. Bien sûr !
Mme Fabienne Keller. … qui déplorait alors l’« hypocrisie de la gauche française, Verts compris ».
M. Michel Delebarre. Elle est méchante, hein ?...
M. Charles Revet. Non ! C’est un simple constat !
Mme Fabienne Keller. Baignés dans une actualité économique et sociale européenne morose et pessimiste, les Français ont le sentiment que l’organisation et le mode de fonctionnement de l’Union européenne sont inefficaces et ne sont plus adaptés pour les protéger des crises successives.
Nous le constatons tous sur le terrain, les règles européennes qui influent directement sur la vie des Français souffrent d’un manque de visibilité et de légitimité démocratique. Nos concitoyens comprennent de moins en moins les contraintes imposées par l’Europe. Elles deviennent à leurs yeux, au fur et à mesure que la crise s’aggrave, de plus en plus discutables… notamment parce qu’elles ne sont pas assez discutées !
Les citoyens européens ont l’impression que l’Europe se construit sans les consulter. Tous, et parmi eux les Français, demandent une Europe plus démocratique et plus légitime, dans laquelle ils se sentiraient mieux pris en compte et représentés.
Il est donc nécessaire, mes chers collègues, de sortir du paradoxe d’un Parlement européen très soucieux de démocratie – je veux en témoigner ici –, mais qui peine à faire entendre la voix des citoyens qu’il a la charge de représenter.
La construction européenne est inaboutie. Avec, d’un côté, l’échelon national, de l’autre, l’échelon européen, nous sommes pris entre deux difficultés : notre échelon national est légitime, mais il ne possède plus les leviers et les compétences pour faire face à la crise d’une ampleur inégalée que nous connaissons ; l’échelon européen est outillé pour résoudre la crise, mais, faute de légitimité démocratique, il est bien souvent rejeté par les peuples.
Nous sommes à la croisée des chemins et devons faire un choix.
Première voie possible, nous retournons à une gestion économique et politique nationale : ce ne serait ni souhaitable ni efficace. La France est grande, mais le monde change. La Chine, le Brésil, les États-Unis, l’Inde, le Japon sont autant de puissances politiques intégrées, aux pouvoirs politique et économique forts. La France est-elle armée pour lutter à moyen et long terme contre ces puissances ? Évidemment, non !
Seconde voie, nous décidons d’aller vers une plus grande intégration, non seulement économique, mais aussi et surtout politique et sociale, au niveau européen. Cette voie, qui a été évoquée par plusieurs de mes collègues siégeant sur diverses travées, fait, me semble-t-il, l’objet d’un véritable consensus, mais il nous faut maintenant avancer dans sa direction. Si l’Europe se voit conférer par le TSCG de nouveaux pouvoirs pour surveiller les budgets nationaux comme pour imposer des mesures d’austérité et des réformes, elle devra aussi participer à une véritable union politique, avec un Parlement européen et un Président de l’Europe forts.
Nous devrions approfondir l’idée d’un Parlement à « 17 + », c’est-à-dire d’un lieu démocratique réunissant les députés européens et des délégations des parlements nationaux des pays de la zone euro, auxquels pourraient s’adjoindre les autres États membres qui souhaiteraient s’associer à cette première étape vers l’intégration politique et sociale.
Autre suggestion de ma part, à l’échelon non plus européen mais national cette fois, le Sénat pourrait également assurer sa part en construisant un lieu de débat et de rencontre, non seulement entre les niveaux européen et national – pratique qui existe déjà –, mais aussi avec les acteurs de terrain, les maires et les représentants des collectivités territoriales notamment.
Ce lieu servirait de cadre pour aborder des problématiques qui nous concernent tous. Je pense, par exemple, à la mise en œuvre des directives européennes dans le domaine de l’environnement : souvent difficile, car mal acceptée sur le terrain, elle pourrait être facilitée grâce à des discussions plus approfondies et à une meilleure prise en compte des réalités.
Ce moment historique de la construction européenne appelle le retour d’une véritable démocratie européenne, qui ne soit pas seulement celle des scrutins, mais aussi celle des esprits et des consciences.
C’est en développant le sentiment d’appartenance que nous pourrons résoudre ensemble le problème de la crise de confiance à l’égard de l’Europe. Pour que chacun puisse se sentir vraiment intégré et pour que nous puissions partager une communauté de destin, il nous faut aussi partager des valeurs communes et même, j’ose le dire, un idéal.
Strasbourg,… (Ah ! sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Strasbourg et son histoire ont toute leur place dans cette quête. Strasbourg, presque évoquée tout à l’heure, de manière subliminale, par François Rebsamen, n’est pas seulement le symbole de la paix entre la France et l’Allemagne. C’est aussi le symbole de la capacité, à un moment historique, quelques années après un drame inouï, de construire une nouvelle vision partagée, un nouvel avenir, de reconstruire le dialogue, d’ouvrir la voie à la négociation et aux concessions entre deux pays qui étaient des « ennemis héréditaires ».
Strasbourg n’est pas seulement le symbole d’une histoire. C’est surtout l’incarnation d’une méthode profondément européenne : la construction d’un projet partagé, de perspectives communes qui permettent de dépasser les difficultés actuelles et de rassembler les Européens autour d’une vision d’avenir.
Or l’Europe manque de vision. L’Europe, telle que nous la connaissons, celle de la CEE puis de l’UE, et de l’euro, repose sur des fondements réglementaires et économiques, reléguant au second plan les dimensions politiques et symboliques. On parle souvent du rêve américain. Il nous faut proposer un rêve européen,…
Mme Nathalie Goulet. Ich hab’ einen Traum !
Mme Fabienne Keller. … un rêve où le dialogue et la concertation dépassent nos différences et permettent à l’ensemble des citoyens européens d’avancer ensemble et d’être plus forts. Je ne suis pas certaine que les déclarations du Gouvernement tout à l’heure puissent nous donner l’assurance qu’il porte une telle vision, et je ne suis pas sûre qu’il donne à la France toute sa place historique en Europe.
Pour paraphraser la citation de Milan Kundera faite par François Rebsamen, je crains, monsieur le ministre délégué, que Paris, avec votre gouvernement, ne soit capitale que de la seule France. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bravo !
M. Jean-Pierre Chevènement. Ce n’était pas mal…
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, que l’on me permette d’abord de rappeler que ce débat porte sur les perspectives européennes. C’est de cela que nous voulons parler ! Il ne s’agit pas du débat sur le traité, qui aura lieu tout à l’heure. Certains diront tout le mal qu’ils en pensent, d’autres, peut-être, exprimeront une petite inclination pour lui…
Pour l’heure, le Gouvernement nous invite à confronter nos visions de ce que sera, de ce que devrait être, ou encore, de ce que pourrait être l’Europe dans les prochaines années et, éventuellement, à lui suggérer des pistes d’action. Ce débat sur les perspectives européennes est un moment important dans la vie du Parlement, car c’est un de ces débats que l’on dit « structurants ». J’ajoute que nous n’aurons pas si vite l’occasion d’y revenir.
Je dois donc avouer que j’ai été un peu surpris par l’intervention de notre ami Zocchetto,…
M. Jean Bizet. Pourquoi ?
M. Richard Yung. … qui nous a agonis de reproches pendant un quart d’heure, nous accusant de toutes les vilenies. Je pensais d’ailleurs qu’il ne pourrait en aucun cas voter un traité porté par des gens comme nous, mais… pschitt ! La chute a été brutale et j’ai compris que, finalement, il le voterait. C’est un peu bizarre !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est l’intérêt général qui prime !
M. Richard Yung. Quoi qu’il en soit, à aucun moment M. Zocchetto ne nous a dit ce qu’il voyait pour l’avenir.
D’autres sont satisfaits parce qu’il ne manque pas une virgule au traité. Pour eux, rien d’autre n’importe : le pacte de croissance, c’était…
M. Francis Delattre. De la communication !
M. Richard Yung. … peut-être drôle, mais ce n’était rien ; l’union bancaire, c’était un jeu d’enfant ; la taxe sur les transactions financières,…
M. Francis Delattre. Elle est déjà votée !
M. Philippe Bas. Et c’est nous qui l’avons faite !
M. Richard Yung. … c’était un leurre. Voilà ce que j’ai entendu. Essayez donc d’aller un peu plus loin sur le fond, mes chers collègues !
François Rebsamen l’a dit, l’Europe, c’était, et c’est toujours, la recherche de la paix dans cette zone du monde qui est la nôtre où, depuis deux mille ans, à chaque génération, les tribus, les peuples, les nations ensuite se sont affrontés dans les guerres que l’on sait.
L’Europe, c’était aussi, et pendant longtemps, l’espoir de la prospérité. C’est moins vrai aujourd’hui, parce que, sous les coups de boutoir d’une pensée que certains qualifieraient d’unique, l’Europe s’est en effet réduite aux termes de marché unique, de concurrence libre et efficace, avec pour cortège la décroissance et les licenciements. De ce point de vue, l’espoir a donc quitté l’Europe.
Mais je voudrais vous faire partager une conviction, mes chers collègues, si la France – « Paris », comme disaient d’autres orateurs – veut continuer à exister un peu dans le nouveau monde qui se dessine, elle ne pourra le faire qu’avec ses partenaires, l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie… J’ajouterai, à la fin, la Grande-Bretagne. (M. Jean Bizet sourit.)
C’est en effet la seule façon pour nous de peser dans les affaires du monde, de défendre nos intérêts commerciaux, diplomatiques et économiques. Il n’y a pas d’autre solution, et ceux qui s’opposent à celle-ci – je ne citerai pas de noms, car je ne veux pas blesser d’autres pays – veulent en fait que la France soit une puissance moyenne. Cette union est donc nécessaire.
Mes chers collègues, permettez-moi de citer les propos d’un grand européen britannique, Sir Winston Churchill : « Si l’Europe s’unissait un jour pour partager cet héritage commun, il n’y aurait pas de limite au bonheur, à la prospérité et à la gloire dont pourrait jouir sa population de trois ou quatre cents millions d’âmes. [...] Nous devons créer un genre “d’États-Unis d’Europe”. » Il n’y a pas un mot à changer !
C’est dans cette perspective que nous nous inscrivons. François Hollande a été élu sur des propositions qu’il a clairement énoncées au cours de la campagne présidentielle. Il a en particulier insisté sur la nécessité de relancer la croissance, car Mme Merkel et M. Sarkozy lui ont laissé une Europe où règnent l’austérité et le chômage ! Il a réussi à négocier avec nos partenaires européens : le sommet des 28 et 29 juin dernier a permis l’adoption du pacte de croissance, je n’y reviens pas. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP et de l’UCR.) Absolument !
Mes chers collègues, je suis surpris : ce pacte de croissance vous gêne-t-il ? Vous nous avez même reproché l’insuffisance et la médiocrité de ce pacte, madame Keller...
Mme Fabienne Keller. C’est vous qui le dites !
M. Richard Yung. Pourtant, 120 milliards d’euros, ce n’est pas rien ! J’espérais que vous alliez nous apprendre ce qu’il fallait faire et nous annoncer les mesures que vous proposez pour relancer la croissance économique.
M. Gérard Longuet. Travailler plus !
M. Richard Yung. Or je n’ai rien entendu de tel. Peut-être aurons-nous ce plaisir à l’occasion d’un autre débat...
M. Michel Mercier. Parlez à vos amis qui ne vont pas voter ce traité ! Ne cherchez pas à nous convaincre !
M. Richard Yung. En fait, ce pacte de croissance vous grattouille, il vous gêne !
La relance de la croissance est donc le premier axe de la politique européenne de François Hollande.
Le développement de l’union bancaire est un autre élément fondamental. Le système européen ne peut plus continuer à fonctionner ainsi. Savez-vous que, en matière bancaire et financière, nous sommes dans une démarche complètement récessive ? En effet, le système bancaire et financier s’est fractionné, a explosé et les différents marchés nationaux, loin de se rapprocher, se sont renationalisés. Dans ce domaine, nous tournons le dos à ce que nous devrions faire. L’union est donc d’autant plus urgente pour empêcher cette évolution dramatique.
Je rappellerai rapidement les autres sujets qui ont été évoqués et qui constituent la feuille de route du président Van Rompuy : coordination des politiques économiques, convergence fiscale et mutualisation des dettes publiques sous différentes formes. (M. Jean Bizet s’exclame.) Le débat sur cette question n’est pas clos, car aucun accord ne s’est encore dégagé.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Eh oui, on ne va pas cautionner la dette de la Grèce !
M. Richard Yung. Il nous faut continuer à promouvoir cette idée.
Sur le pacte de croissance, Mme Merkel, qui y a été longtemps hostile et qui ne voulait pas des eurobonds, a fini par évoluer. Elle évolue lentement : il faut l’aider ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Il nous faut aussi débattre de l’avenir du MES, en particulier pour lui donner la possibilité de se financer par l’accès au marché et de disposer d’une licence bancaire. Sur ce sujet non plus, aucun accord n’est intervenu. Voilà justement des perspectives pour l’Europe : nous parlons de ce que nous voulons faire dans les trois, quatre ou cinq années à venir.
Enfin, on ne saurait terminer un discours sur l’Europe sans évoquer le parent pauvre de l’Europe, c’est-à-dire l’Europe sociale – c’est l’un de ces sujets que l’on se croit toujours obligé d’aborder en fin de discours ! Nous devons ouvrir un certain nombre de chantiers sur le salaire minimum – sur ce sujet, l’Allemagne progresse –, un niveau minimal de retraite, le renforcement du dialogue social – la France en a bien besoin –, la question du temps de travail... Le mois dernier, Pierre Moscovici a suggéré de relancer l’idée d’une assurance-chômage européenne. C’est un sujet que je vous invite à étudier et à défendre à l’avenir.
M. Philippe Bas. Ce n’est pas pour demain !
M. Richard Yung. Bien sûr, ces propositions ne font pas l’unanimité, mais c’est justement pour cela qu’il faut ouvrir le débat : c’est ainsi que nous ferons avancer l’Europe. Mme Merkel et M. Schäuble ont évolué. Ce dernier est maintenant l’avocat de la taxe sur les transactions financières, après y avoir été plutôt hostile. Mme Merkel s’est ralliée à l’idée de plan de croissance, alors qu’elle n’y était pas du tout favorable. Ce constat est aussi vrai pour l’Italie et tous nos autres partenaires.
Je conclurai en m’interrogeant sur la place des parlements nationaux, puisque cela fait aussi partie des sujets qu’il faut aborder à la fin de ce genre d’intervention. La question est difficile : quel pouvoir de contrôle pouvons-nous avoir, ici, au Sénat ? On en parle, mais que propose-t-on concrètement ?
On pourrait imaginer une structure composée de délégués ou de représentants des commissions des finances et des commissions des affaires européennes des parlements nationaux qui jouerait un rôle de surveillance et de contrôle et à qui la Commission européenne rendrait des comptes sur la politique budgétaire. Nous devons examiner de manière approfondie ce sujet et formuler des propositions.
Mes chers collègues, j’attire votre attention sur un point particulier : tant que nous ne disposerons pas d’un système de résolution des faillites bancaires et des crises financières intégré et unifié à l’échelon européen – cela prendra du temps –, ce sont les budgets des États qui les supporteront et qui y feront face. Par conséquent, il est normal que les parlements nationaux exercent leur contrôle ; ce n’est que justice.
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, telles sont les observations que je souhaitais formuler sur les nouvelles perspectives européennes. Le débat sur le traité aura lieu ce soir. Il me semble utile que nous échangions des idées et engagions une réflexion sur ces orientations à moyen terme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le moment du débat européen est toujours important, c’est vrai. Il l’est particulièrement aujourd’hui, parce qu’il nous permet de nous poser une question simple : l’Europe est-elle l’avenir de la France ou la cause de ses faiblesses, voire de son déclin ?
Notre conviction est claire, nous pouvons l’afficher : la France ne s’en sortira que par l’Europe. C’est fort de cette certitude que je souhaite revenir sur le traité et, surtout, évoquer l’avenir.
Sur le traité, tout a été dit. Il a été négocié et signé ; il sera ratifié. Le président de notre groupe l’a rappelé, les sénateurs centristes seront fiers d’y contribuer.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Michel Mercier. Mais, monsieur le ministre délégué, ne réduisez pas cette discussion à un mauvais moment à passer ! Faites preuve d’enthousiasme !
M. Richard Yung. Nous sommes très contents !
M. Michel Mercier. Il suffit de le dire, au lieu de lancer des invectives : le traité n’a pas été renégocié, parce que c’était impossible, il était déjà signé. C’est aussi simple que cela.
M. Bruno Retailleau. Très bien !
M. Michel Mercier. Cela s’était déjà produit en 2002.
M. Jean-Pierre Chevènement. Drôle d’ambiance...
M. Michel Mercier. Le contexte a-t-il changé ? Oui, car l’environnement européen s’est modifié ces dernières semaines. Le doit-on à la France ? On peut malheureusement en douter.
On le doit à M. Draghi, qui a fait passer un bon été à l’Europe en annonçant de nouvelles actions de la BCE. Cet automne, on le doit au président de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. On l’y a poussé !
M. Michel Mercier. Monsieur le rapporteur général, vous ne nous ferez pas croire que vous avez poussé le président de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe. Nous sommes prêts à avaler tous les bons produits de Bretagne d’un coup, mais pas cela ! (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je parlais de M. Draghi ! (Nouveaux sourires.)
M. Michel Mercier. On le doit également aux Néerlandais qui ont choisi une majorité europhile, alors que l’on annonçait un vote antieuropéen. Vous les y avez poussés sans doute...
M. Michel Delebarre. Belle réussite des socialistes, pourtant !
Mme Jacqueline Gourault. Avec les centristes !
M. Michel Mercier. On le doit enfin à Mario Monti, qui a su prendre de bonnes décisions.
Le pacte de croissance change-t-il fondamentalement la donne ? Je ne vais pas dire que 120 milliards d’euros, ce n’est rien : c’est mieux que zéro !
M. Michel Mercier. Cela étant, si on les compare à la somme des déficits, c’est peu. Monsieur le ministre délégué, c’est un prétexte, vous le savez bien. Pour que le pacte de croissance ait du sens, il faudrait des réformes visant à améliorer la compétitivité de notre pays. J’espère que le Gouvernement aura le courage de les engager, car ce n’est pas facile. (M. Philippe Bas acquiesce.) L’Allemagne l’a fait, ce qui lui a permis d’en être là où elle est aujourd’hui.
Ce changement ne doit-il rien à François Hollande ? Selon moi, il a permis une avancée significative, dont personne n’a parlé, mais qui est pourtant importante. Dans la construction européenne, le couple franco-allemand est essentiel, mais il est aujourd’hui très déséquilibré, parce que, contrairement à notre pays, l’Allemagne a su entreprendre des réformes. Or le Président de la République a réintroduit l’Italie dans le dialogue européen moteur. (Mme Jacqueline Gourault applaudit.)
M. Richard Yung. C’est très bien, oui !
M. Michel Mercier. Je tenais à le souligner, car je ne l’ai pas entendu. C’est une très bonne initiative qui n’aurait probablement pas pu se concrétiser avec le prédécesseur de M. Monti. Mes chers collègues, il ne faut jamais hésiter à dire ce qui va, car nous sommes ensuite plus légitimes à formuler des critiques...
M. Michel Mercier. Bien sûr ! (Sourires.)
Je suis frappé de constater que l’Europe est un sujet tabou pour le Gouvernement. Vous brandissez un fatras de règles auxquelles personne ne comprend rien – pas vous, monsieur le ministre délégué, vous êtes bien trop savant... (Sourires) –, alors que l’Europe ne se résume pas à cela, elle représente bien autre chose.
Sur ce que vous allez faire, silence complet ! Pourquoi avoir choisi une telle stratégie ? Je ne le comprends pas, ou plutôt si, mais c’est à vous, et non à moi, de l’expliquer.
Que répondrez-vous à Mme Merkel qui a bravé son opinion publique pour faire des propositions audacieuses en faveur d’une Europe plus intégrée et plus fédérale ? Vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce n’est pas vrai. Prenez-la au mot : négociez ! Agissez ! Faites montre d’enthousiasme !
Monsieur le ministre délégué, où voulez-vous nous emmener ? Où voulez-vous conduire la France ?
M. Gérard Longuet. Si seulement il le savait !
M. Michel Mercier. Dites-le nous ! C’est de réponses que le pays a besoin aujourd’hui. Resterons-nous un pays fondateur de l’Europe ? Vous ne pouvez rester silencieux sur ce sujet.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Michel Mercier. Je sais bien que vous-même, comme le Premier ministre, comme le Président de la République, êtes un Européen convaincu. Alors, pourquoi ce silence ?
Pour convaincre les Français de la nécessité de ce traité, de la coordination budgétaire dans la zone euro, du fonds monétaire européen ou encore de l’union bancaire, il faut leur expliquer que ce ne sont que les préludes d’une intégration économique et politique sans laquelle la France et l’Europe seront condamnées à jouer un rôle de figurant sur la scène mondiale.
Si vous faites votre devoir, si vous ouvrez des perspectives, alors le choix d’aujourd’hui sera bien, comme le Premier ministre l’a déclaré tout à l’heure, un choix d’avenir. Mais si vous omettez de le faire, ce choix ne sera perçu que comme un ensemble de règles ; les Français considéreront celles-ci comme un carcan, et s’éloigneront de l’Europe.
Monsieur le ministre délégué, vous pouvez donner du sens à l’article 20 de la Constitution, qui dispose que le Gouvernement « détermine et conduit la politique de la Nation ».
M. Charles Revet. Ce n’est pas ce qui se passe aujourd’hui !
M. Michel Mercier. Je ne vous demande qu’une chose : faites votre office, faites-nous rêver et espérer ! (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Delebarre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, mes chers collègues, j’ai voté contre le traité de Maastricht, contre le traité constitutionnel européen et contre le traité de Lisbonne, et pourtant je voterai ce traité budgétaire européen. Je voudrais m’en expliquer à cette tribune.
Je ne voterai pas ce traité parce que Jean-Marc Ayrault nous l’a demandé : le Premier ministre a ses raisons ; même s’il est socialiste, il n’est pas tout à fait mauvais – c’est d’ailleurs un homme de l’Ouest, comme vous, monsieur le ministre délégué –, mais je ne voterai pas ce traité pour les mêmes raisons que lui.
Je ne voterai pas non plus ce traité parce qu’il aurait été renégocié. Tous les observateurs un peu avisés savent – et le Premier ministre lui-même l’a reconnu tout à l’heure – que rien n’a bougé du point de vue juridique : pas une virgule ne manque, aucune ligne n’a été modifiée. L’habileté avec lequel le Gouvernement a mis en avant le « pacte de croissance » ne trompe personne. Il aurait mieux valu dire que la voix de la France transcende les changements de présidence, et assumer cette continuité. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Vous auriez pu être compris par vos collègues et vos alliés de gauche sans recourir à de tels faux-semblants.
Je ne voterai pas davantage ce traité parce qu’il a été négocié par Nicolas Sarkozy. Sans doute Jean-Vincent Placé a-t-il eu raison de reconnaître, avec sa candeur politique habituelle, que le traité qui nous est soumis aujourd’hui est bien le traité « Merkozy ».
Je voterai ce traité pour des raisons de fond : je le voterai d’abord parce qu’il s’agit d’un traité de crise, et ensuite parce qu’il prévoit l’institution de la règle d’or.
Commençons par la situation de crise : on oublie vite, bien trop vite, mes chers collègues ! Je voudrais vous rappeler les rouages de l’engrenage infernal qui a failli broyer notre économie et fait aujourd’hui encore souffrir des millions de Français et d’Européens. À la crise des subprimes et à la faillite de Lehman Brothers a succédé la crise des dettes souveraines, la première vague touchant la Grèce, l’Irlande et le Portugal, la deuxième atteignant l’Espagne et l’Italie – on s’est même demandé si une troisième vague ne frapperait pas la France. Voilà le contexte, et on ne peut en séparer le traité budgétaire.
Combien de psychodrames, de sommets, de reculades aura-t-il fallu pour qu’une solution émerge enfin ? Il s’agit d’une double solution, une solution « siamoise » même, associant un mécanisme de solidarité à un traité budgétaire : d’un côté, la main tendue, l’entraide, de l’autre, la responsabilité, la règle, l’engagement. Ces deux aspects sont indissociables. Peut-on voter l’un de ces textes et rejeter l’autre ? Non ! J’ai voté le mécanisme de solidarité, et je voterai donc le traité budgétaire : c’est une question de cohérence.
Monsieur le ministre délégué, vous avez de la chance : vous faites face à une opposition constructive et responsable. Vos amis n’ont pas voté le mécanisme de solidarité : c’est tout de même incroyable ! Je pourrais vous présenter une anthologie des petites phrases prononcées à cette occasion par Nicole Bricq et Jean-Marc Ayrault… Où est la cohérence dans cette démarche, comment peut-on voter le traité budgétaire si l’on n’a pas voté le mécanisme de solidarité ? Monsieur le ministre délégué, nous sommes une opposition responsable : nous ne voulons pas affirmer notre intérêt partisan, mais l’intérêt de la France et celui de l’Europe.
Alors que certains sont sans doute en train d’hésiter, comme cela m’est arrivé par le passé, je pense que nous devons nous rappeler dans quelle situation nous nous trouvions il y a seulement quelques mois. On pouvait alors se demander si c’était la spéculation ou les États qui triompheraient. Quelle alternative existait-il à la réunion d’au moins vingt-cinq États autour d’une solution viable ? Aucune. C’est la première raison pour laquelle je voterai ce traité.
La deuxième raison, c’est que le traité prévoit l’institution de la règle d’or. Il y a un peu plus de quatre ans, j’ai déposé une proposition de loi constitutionnelle visant à créer une règle d’or en France. En effet, depuis 1975, c’est-à-dire depuis plus de trente ans, aucun budget n’a été voté à l’équilibre, que ce soit par la droite ou par la gauche. L’addiction de notre pays à la dépense publique est donc trop forte pour que nous espérions la réduire sans garde-fou.
La dette issue de l’accumulation des déficits est une bombe à retardement pour notre indépendance nationale. Je demeure souverainiste, et on ne peut parler de souveraineté lorsqu’on se place sous la dépendance des marchés financiers ; c’est une évidence.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Cette dette représente un appauvrissement de la France, un appauvrissement des Français d’aujourd’hui et plus encore de nos enfants et petits-enfants. Il faut en être conscient, ce sont eux qui devront supporter les conséquences de nos dérèglements, alors même qu’ils seront également confrontés au choc du vieillissement, que nous commençons à peine à entrevoir et qui sera un véritable choc de civilisation.
Si la dette est une bombe à retardement, c’est aussi parce que – l’analyse économique l’a démontré – trop de déficit et de dette tue la croissance. Deux économistes, en particulier, ont prouvé, dans une étude portant sur différentes époques et sur quarante-quatre pays, que, à partir d’un certain niveau, la dette tuait la croissance. La règle d’or instaure un garde-fou, sans doute incomplet, mais qui a le mérite de nous engager dans la durée, à la face des autres générations : c’est une garantie. Il faut accepter cet impératif de réduction de notre déficit et de notre dette non comme une fatalité, mais comme un choix assumé, un choix qui ne consiste pas à sacrifier le présent, mais à préserver l’avenir.
Je suis d’accord avec le Premier ministre lorsqu’il affirme que le traité budgétaire n’est pas l’alpha et l’oméga, qu’il ne constitue pas une finalité. Il ne saurait contenir à lui seul ni la dimension nationale ni même la dimension européenne de votre politique. Pour me projeter dans l’avenir, je voudrais faire deux remarques, portant l’une sur la dimension nationale, l’autre sur la dimension européenne.
Paradoxalement, en dépit de toutes vos affirmations – et c’est sans doute pour cela que vous agitez la supercherie du « pacte de croissance » –, le Gouvernement donne le sentiment de n’avoir d’autre boussole que la réduction des déficits. La rigueur sans la réforme ne pourra pas porter ses fruits, parce que le choc fiscal que vous proposez, dans le pays champion du monde des prélèvements obligatoires, ne peut que tuer nos faibles perspectives de croissance. On n’attend pas la croissance comme on espère un phénomène météorologique, en se disant : « après la pluie, le beau temps » ! La croissance est le résultat de réformes volontaires. Or je ne vois pas de réformes dans le projet de loi de finances que vous avez annoncé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
La réforme est une construction, et la règle d’or sera inopérante si vous ne faites pas, en même temps, des efforts pour restaurer la compétitivité de notre communauté nationale. C’est une évidence.
M. Charles Revet. Bien sûr ! C’est du bon sens !
M. Bruno Retailleau. On ne peut mobiliser un peuple autour du seul impératif de réduction des déficits. Pour que l’effort à fournir ait du sens, il faut expliquer au peuple que la réduction des déficits vise à préserver les générations futures, et que nous allons, en parallèle, redevenir une nation productive et productrice, en restaurant notre compétitivité. Dans l’histoire récente, d’autres pays, européens ou non, ont fait la démonstration que c’était possible. Cela doit donc être possible aussi pour la France !
Un sénateur du groupe socialiste. Vous avez eu dix ans pour le faire !
M. Bruno Retailleau. Curieusement, il y a quelques jours, au moment où le Premier ministre déclarait que c’était une facilité d’évoquer le coût du travail en France pour justifier le retard de compétitivité, un économiste, plutôt modéré d’un point de vue politique, démontrait que nous avions un double désavantage par rapport l’Allemagne : notre niveau de gamme, bien entendu, mais aussi une compétitivité-coût inférieure non pas de 18 %, mais de 40 % à celle de l’Allemagne, ce qui représente un énorme écart !
Il faut se saisir de ce problème : de toute manière, si vous ne l’abordez pas de façon franche, il vous reviendra sous la forme d’un « déficit jumeau ». En effet, on parle beaucoup du déficit des finances publiques, mais, vous le savez bien, il existe un autre déficit : le déficit commercial.
M. Charles Revet. Bien sûr !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Qui l’a creusé ?
M. Bruno Retailleau. Vous savez parfaitement qu’une union monétaire ne peut durablement se maintenir si sa balance courante est déséquilibrée, car la question de la solvabilité extérieure sera un jour posée. Par conséquent, la restauration de la compétitivité est impérative aussi du point de vue du déficit commercial.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Qui a laissé le déficit se creuser ?
M. Bruno Retailleau. J’en viens à la dimension européenne. Comme je le disais, le traité budgétaire ne contient pas tout l’avenir de l’Europe, et tant mieux.
M. Claude Haut. La mémoire vous fait défaut !
M. Bruno Retailleau. Laissez-moi parler, s’il vous plaît ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je m’associe aux propos tenus à l’instant par Michel Mercier : vous devez donner un cap à l’Europe. Mes chers collègues, oubliez Nicolas Sarkozy, et consacrez-vous à l’avenir de la France et de l’Europe ! L’avenir de l’Europe dépendra de votre action dans deux domaines : le domaine institutionnel et le domaine économique.
Dans le domaine institutionnel, nous faisons face à un autre déficit : le déficit démocratique. Je voudrais dire à un certain nombre de mes collègues que je ne crois pas au grand soir fédéral.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bruno Retailleau. Ce serait un saut dans le vide. Ce n’est pas que l’Europe ne soit pas pour moi un idéal, mais je suis convaincu que les peuples ne veulent pas faire ce saut. Il n’existe pas aujourd’hui de peuple européen. Il faut progresser encore sur la voie de l’unité, en essayant de la penser dans la diversité. Sans les démocraties nationales, vous tomberez dans le vide et vous ne créerez rien : il y aura sans doute une construction juridique, un mécano institutionnel, mais il sera dépourvu de sens politique, il ne constituera pas une communauté politique.
Jean-Louis Bourlanges, qui est une référence pour certains d’entre nous, a fait ce constat désabusé mais lucide : « l’Union européenne n’est pas parvenue à franchir la porte sacrée du politique ». Cela signifie que l’Europe demeure en construction. Il faut respecter les démocraties nationales, sinon vous ne pourrez pas inventer cette démocratie européenne qui n’existe pas encore. C’est un fait : quand vous chassez les démocraties nationales, vous chassez en même temps la politique. Il faut approfondir la coopération, justifier l’Europe par le passé – par la paix qu’elle a apportée, bien sûr ! – mais aussi, et plus encore, par le présent et l’avenir, par des résultats concrets.
J’en viens au domaine économique. C’est dans ce domaine qu’il faut changer l’Europe, car elle s’est fourvoyée. Faute de connaître son cap, elle s’est abandonnée, depuis une vingtaine d’années, à toutes les modes qui se sont succédé : elle a été tour à tour ultralibérale, lors des négociations avec l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC, et ultra-dirigiste, ultra-bureaucratique quand il s’agissait d’appliquer depuis Bruxelles le droit de la concurrence dans toute sa rigueur.
Monsieur le ministre délégué, l’Europe n’est-elle qu’un sucre fondant dans le grand bain de la mondialisation ? Qu’est-ce que l’Europe et à quoi sert-elle, nous demandent nos concitoyens, si elle ne les protège pas un minimum des dégâts de la mondialisation ? Nous voulons une Europe qui nous protège et non une Europe qui nous interdise de nous protéger.
Toutes les statistiques montrent – vous le savez parfaitement – que nous sommes la zone douanière la moins bien protégée au monde. Oui à la concurrence, mille fois oui à la compétition, mais non à la concurrence déloyale ! Il faut une concurrence équilibrée. Pourquoi l’Europe ouvre-t-elle tous ses marchés publics à tous les vents, alors que de grandes nations, y compris occidentales, les ferment au contraire ? Nos concitoyens nous demandent une Europe du concret et non de l’abstraction. C’est en construisant une Europe dont les fruits améliorent leur quotidien que nous pourrons les faire adhérer à notre projet.
L’Europe doit protéger nos concitoyens et nos marchés, mais aussi nos producteurs – il ne faut pas seulement penser aux consommateurs : il faut une Europe qui assume ses frontières.
L’obsession de l’élargissement de l’Europe a conduit à une course à l’indéfinition. Or, quand on ignore qui l’on est et ce que l’on est, on se perd dans une crise ontologique : la notion de frontière est nécessaire à une communauté politique.
Si, demain, vous voulez constituer une communauté politique, mes chers collègues, vous devrez assumer des frontières. Citez-moi un seul exemple de communauté politique, dans l’histoire et à travers le monde, qui existe sans assumer ses frontières. La frontière définit un territoire, sans lequel il ne peut y avoir de communauté politique.
Certains d’entre nous voudraient peut-être une société apolitique, une société civile, dirigée par quelques élites éclairées, mais ce n’est pas cela la démocratie, ce n’est pas cela le concret !
L’Europe que nous voulons construire tous ensemble, parce que nous sommes la génération européenne, est une Europe non seulement de l’idéal, mais également de la raison.
Désormais, mes chers collègues de la majorité, Nicolas Sarkozy ne pourra plus vous servir d’excuse. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous devez vous affranchir de cette tutelle intellectuelle. C’est à la gauche, qui a toutes les manettes, tous les pouvoirs, et au Gouvernement de fixer un cap et de changer l’Europe pour qu’elle devienne l’Europe que nous appelons de nos vœux, l’Europe des peuples, et pour qu’elle produise des effets concrets au quotidien. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
(M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud
vice-président
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre. (M. Jean Besson applaudit.)
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur l’histoire que nous a contée François Rebsamen… Si rien n’avait changé, serions-nous là en train de débattre de l’Europe ? Je ne le pense pas.
Les interventions des différents orateurs qui se sont exprimés à cette tribune après le Premier ministre m’ont amené à m’interroger. Dans dix ou quinze ans, une fois notre mandat sénatorial achevé, lorsque nous viendrons écouter les débats dans les tribunes de cet hémicycle, des livres d’histoire auront été écrits, l’un par un auteur alsacien, qui aura profité des conseils avisés de Fabienne Keller, l’autre par un auteur rhodanien, qui aura bénéficié des conseils de notre ami et collègue Michel Mercier. Quelle en sera la teneur ? Que relateront-ils de notre débat ? J’ose espérer que l’Europe pourra évoluer d’ici là ! En fait, en quelques lignes sera exposée l’extraordinaire contribution de Nicolas Sarkozy à l’élection de François Hollande par le biais du traité dont nous débattons cet après-midi, puisque chacun s’accorde à la reconnaître. (Sourires.)
Le traité n’est pas détricoté. Mes chers collègues de l’opposition, vous avez jugé ce texte essentiel. Pour notre part, nous l’avons estimé insuffisant. Aujourd’hui, il sera adopté, enrichi d’un pacte de croissance. C’est cet ensemble qui demeurera dans quelques années, et personne ne se demandera plus qui est comptable de quoi. On dira que la France a évolué ainsi.
Sur le fond, je le répète, l’approche européenne a été enrichie d’un pacte de croissance. À la différence de l’orateur précédent, je n’évacuerai pas le souvenir de l’action de Nicolas Sarkozy, puisque je rends hommage à sa contribution au résultat des dernières élections.
M. Bruno Sido. Ce n’est pas ce que voulait dire M. Retailleau !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne soyez pas trop cynique !
M. Charles Revet. Ce n’est pas gentil pour François Hollande !
M. Michel Delebarre. Tel est pourtant le cas, même si cette contribution n’est pas essentielle !
Lors du Conseil européen du mois de juin dernier, l’adoption du pacte de croissance a contribué à remettre en route la dynamique européenne, même si, à lui seul, le pacte n’aurait pas changé fondamentalement les choses. Manifestement, la croissance, à laquelle les pays se sont successivement ralliés, a droit de cité, de nouveau, dans les débats à Bruxelles. L’union bancaire devrait marquer une nouvelle étape d’intégration.
La crise que connaît actuellement l’Europe aura au moins eu le mérite de poser une question essentielle : que voulons-nous faire ensemble ? Tout l’enjeu se trouve dans la réponse que nous apporterons à cette interrogation. Nous devons retrouver une vision commune, une envie partagée d’Europe.
Depuis l’élection du Président de la République, le 6 mai dernier, l’approche du projet européen est clairement différente. Ce changement politique en France a permis de porter un nouveau regard sur les ambitions européennes. Pas de mesures d’austérité sans soutien de la croissance : pacte de croissance, obligations de projets. Cette modification a influencé la réflexion sur le projet politique souhaité pour l’Europe de demain : la gouvernance économique, la réforme possible des traités européens, une intégration européenne plus poussée, voire une évolution vers le fédéralisme. Plusieurs orateurs se sont interrogés à cet égard.
L’Allemagne souhaite une union politique. Le Président de la République s’est prononcé pour une « intégration solidaire » : on pourrait aller plus loin demain, une plus grande solidarité pourrait justifier davantage d’intégration.
Selon moi, le débat, inéluctable, ne peut pas être reporté aux calendes grecques. Les options, assorties d’un échéancier, doivent être présentées à l’électeur européen en temps utile – gardons à l’esprit l’échéance des élections européennes, au mois de juin 2014 –, car nous devons chercher à donner une légitimité démocratique maximale aux nouvelles orientations à prendre. Il faut que les partis politiques européens soient à même de présenter aux électeurs de vrais programmes européens permettant de faire des choix réels entre familles politiques et portés par des têtes de listes véritablement européennes, candidats à la présidence de la Commission.
L’enjeu essentiel de toute nouvelle étape d’intégration politique sera d’assurer une démocratisation de la gouvernance économique de l’Union. En effet, si nous ne parvenons pas à imposer la suprématie du politique et à brider des marchés financiers incontrôlés, la démocratie sera en danger. Il faut un marché conforme à la démocratie. Les parlements sont non pas un luxe, mais les garants de cette dernière. C’est pourquoi, en concertation avec le Parlement européen, nous devons proposer des pistes de réforme concrètes pour impliquer les parlements dans le « semestre européen ». Il ne revient pas à la Commission européenne de fixer, plus ou moins en catimini, avec le concours de fonctionnaires nationaux et par le biais des « recommandations spécifiques par pays », l’âge de départ à la retraite dans tel ou tel pays, ou encore des seuils d’éligibilité au logement social.
Une échéance plus immédiate est la poursuite des négociations du cadre financier pluriannuel couvrant la période 2014-2020. Monsieur le ministre délégué, je suis heureux que le Gouvernement ne fasse plus de la baisse à tout prix de la contribution française son cheval de bataille. Parallèlement, il faut cesser de combiner des objectifs de réduction arbitraires du budget de l’Union européenne avec une sanctuarisation de la politique agricole commune par rapport à la politique de cohésion. Ces deux politiques sont essentielles pour notre pays, les opposer de manière frontale ne sert à rien. Je rappelle qu’un appui clair du Gouvernement aux régions dites « en transition » est plus que nécessaire, la partie étant encore loin d’être gagnée.
La politique de cohésion est une politique d’investissement ; elle favorise l’emploi et la croissance. De ce fait, comme l’a récemment rappelé le commissaire Lewandowski chargé de la programmation financière et du budget, on ne peut annoncer un pacte de croissance au mois de juin et diminuer le budget de la politique de cohésion quelques semaines plus tard.
D’ailleurs, au-delà du climat général de rigueur macroéconomique, permettez-moi de m’inquiéter d’une certaine austérité conceptuelle au niveau de l’Union européenne.
En effet, je constate que l’essentiel des propositions de réformes structurelles présentées à cet échelon – libéralisation, réforme du marché du travail, réforme des retraites – s’adressent au niveau national et sont formulées à budget communautaire constant. Or il n’est pas concevable de poursuivre une stratégie ambitieuse sans, dans le même temps, se donner les moyens budgétaires de la mettre en œuvre au niveau de l’Union européenne.
Accorder des moyens budgétaires à l’Europe ne peut que passer par l’instauration de véritables ressources propres à l’échelon communautaire. Donner des ressources propres au budget européen permettra, à l’avenir, d’éviter les discussions de marchands de tapis entre États membres, fondées sur des considérations de « juste retour » – on pourrait d’ailleurs en débattre d’un point de vue économique –, allégera les contributions des États membres et permettra aux institutions européennes d’assumer démocratiquement une vraie responsabilité budgétaire.
Dans ce contexte, je félicite le Gouvernement de s’engager résolument en faveur de l’instauration de la taxe sur les transactions financières, même au prix d’une coopération renforcée.
En outre, je voudrais souligner l’importance de certaines politiques, cruciales, à mes yeux, pour l’avenir de l’Union européenne. Il faudra s’attacher à les mener à bien prochainement.
J’évoquerai, tout d’abord, la politique de cohésion. Selon le principe du partenariat, l’élaboration et la mise en œuvre du contrat de partenariat doit se faire en coopération avec les collectivités régionales et locales. Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé le transfert de la gestion des fonds structurels aux régions, ce qui me paraît une avancée dans le contexte de la décentralisation. Les programmes opérationnels régionaux doivent également être préparés en concertation étroite avec les échelons infrarégionaux, notamment les villes, les communautés urbaines ou d’agglomérations. Leurs voix doivent être entendues et il sera nécessaire de leur laisser une certaine flexibilité, ou plutôt une certaine adaptabilité, lors de la mise en œuvre de la politique de cohésion sur leurs territoires respectifs.
J’aborderai maintenant la politique industrielle. Un agenda de croissance européen doit reposer sur une ambition : mettre en place une réelle stratégie pour le renouveau industriel en Europe à laquelle contribueront activement les pouvoirs publics à tous les niveaux. Ce point me paraît indispensable. C’est pourquoi, avec l’accord du président de la commission des affaires européennes, je participerai à la réflexion sur la politique industrielle européenne. À cet égard, j’ai noté que la Commission européenne présente aujourd’hui un rapport sur cette problématique.
Enfin, j’en viens, à mon tour, à la place déterminante qui doit être accordée à l’Europe sociale. Le renforcement de l’intégration européenne doit aussi se traduire dans le domaine social, et pas seulement dans celui de la compétitivité et de la croissance. Le social doit être le pendant de tout développement économique. La crise financière a révélé le besoin de coordination des politiques économiques, mais une coordination des politiques sociales et de l’emploi doit être effectuée en parallèle.
Nous devons entreprendre des avancées concrètes vers une Europe sociale avec, par exemple, l’instauration de salaires minimaux, la sécurisation des activités de l’économie sociale et solidaire dans le contexte du marché intérieur – en octroyant, notamment, un statut aux mutuelles européennes – et le renforcement des services publics.
Le rôle joué par la France dans l’Europe sociale a toujours été moteur et doit le demeurer. Sans la volonté française, l’avenir de l’Europe sociale serait un leurre !
Dès lors, on ne peut que saluer la volonté du Gouvernement de relancer l’harmonisation fiscale et sociale entre les États membres, pour mettre fin, notamment, à la concurrence déloyale. Le dumping fiscal et le nivellement par le bas des normes sociales ne sont pas tolérables dans l’Union que nous souhaitons. J’ai d’ailleurs apprécié que M. le Premier ministre ait insisté sur ces points.
Derrière tous ces défis, s’en cache un encore plus grand : renforcer l’identité et la citoyenneté européennes. Il est urgent de raviver l’esprit de solidarité et les valeurs fondatrices de l’Union européenne. Il est nécessaire de relancer la machine du rêve européen des pères fondateurs, de faire renaître l’envie d’Europe et l’enthousiasme européen, même dans un contexte économique difficile. Autrement, en sus de la crise économique et financière, on encourt le risque non seulement d’aggraver la crise de confiance des citoyens, mais aussi de voir le projet européen s’essouffler.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en conclusion, je réitère mon engagement européen – la période de crise que nous traversons nous conduit à prendre une telle position – et mon soutien au Gouvernement. Oui à l’Europe de la solidarité ; oui à l’Europe de la croissance ; oui, encore plus, à l’Europe de la confiance, qui n’est pas la plus facile à réaliser ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord m’adresser à M. Retailleau, dont le discours, je le dis franchement, m’a un peu exaspérée. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. C’était un discours remarquable !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut que vous acceptiez la différence !
Mme Bernadette Bourzai. J’accepte tout à fait la différence, cher collègue, mais je vais remettre les pendules à l’heure, si vous le permettez !
En 2001, lorsque Lionel Jospin a quitté les affaires – au mois de mai de cette année-là, c’était chose faite –, le déficit budgétaire de la France était inférieur à 3 %, le déficit de la balance commerciale n’existait plus et les comptes sociaux étaient en équilibre. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Pourquoi a-t-il été remercié, alors ?
Mme Bernadette Bourzai. Que M. Retailleau réfléchisse donc aux politiques menées pendant dix ans par des gouvernements qu’il a soutenus et dont il est responsable. Il ne s’agit pas, maintenant, de nous faire porter les conséquences de ce bilan désastreux.
M. David Assouline. Voilà une vérité !
Mme Bernadette Bourzai. Comme le Premier ministre l’a souligné tout à l'heure, face à l’ampleur de la crise qui frappe durement notre pays et toute l’Europe, la réponse de l’Union européenne est essentielle. Nous avons la responsabilité d’être à la hauteur des enjeux, qui sont ceux de tout le continent.
Nous sommes à l’heure de choix cruciaux. Il faut rendre du sens au projet de construction européenne. Nous devons poser les jalons d’un avenir meilleur pour les peuples européens.
Quoi qu’en dise l’opposition, le Président de la République a ouvert la voie d’une réorientation de la politique européenne lors du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, en obtenant un engagement en faveur d’un pacte européen pour la croissance et l’emploi dont le contenu doit maintenant être précisé et décliné au niveau tant européen que national.
Ce pacte définit les mesures qui doivent être prises d’urgence pour stimuler la croissance et la création d’emplois, améliorer le financement de l’économie à court et à moyen terme et rendre l’Europe plus compétitive en termes de production et d’investissement.
Je veux montrer ici la cohérence qui existe entre la réorientation de la politique européenne proposée par le Président de la République et acceptée par les vingt-sept pays membres de l’Union européenne et les orientations de la politique nationale.
Nous défendons depuis longtemps, à l’instar du chef de l’État, une véritable stratégie énergétique européenne durable, fondée sur la solidarité européenne. En effet, c’est un enjeu majeur que de répondre à la sécurité de l’approvisionnement de tous les Européens en même temps qu’à la durabilité environnementale et de permettre un accès à l’énergie à un prix raisonnable et stable.
Des outils réglementaires européens existent ou sont en cours d’élaboration, et je me félicite d’avoir été rapporteur au Sénat pour plusieurs d’entre eux, tels que le mécanisme d’interconnexion des réseaux et, en particulier, la proposition de règlement relatif aux infrastructures énergétiques transeuropéennes, qui devrait faire l’objet d’un accord dans les meilleurs délais.
Ce nouveau règlement européen envisage la modernisation et l’interconnexion des réseaux énergétiques comme un moyen d’améliorer la cohésion et la solidarité entre régions et pays. Il assurera la sécurité de l’approvisionnement énergétique. De même, les règles d’échanges d’informations relatives aux accords énergétiques entre l’Union européenne et les pays tiers qui ont été adoptées le 4 octobre dernier contribueront à la sécurisation de cette nouvelle communauté européenne de l’énergie, en particulier pour les États membres situés en périphérie.
Nous pouvons également nous féliciter de l’adoption par les ministres de l’Union européenne, le 4 octobre dernier, de la directive sur l’efficacité énergétique, dernier volet du paquet « changement climatique » conclu en 2007.
Il s’agit maintenant de donner vie et force à ses dispositions. Toutefois, au-delà d’une addition de mesures, une nouvelle approche s’impose, celle d’une démarche européenne intégrée.
Comme l’a rappelé le Premier ministre, l’énergie est une dimension majeure de la construction européenne. Elle est même à l’origine de cette dernière, avec la création de la CECA après la Seconde Guerre mondiale, ce qui montre qu’elle peut être la voie de la relance.
Puisque le Président de la République a fait sien l’objectif d’une communauté européenne de l’énergie, il nous appartient de nous mobiliser pour enclencher cette dynamique et déployer une stratégie cohérente pour une transition énergétique.
Le chef de l’État a fixé le cap lors de la conférence environnementale du 14 septembre dernier : faire de la France la nation de l’excellence environnementale. Il a indiqué clairement la voie à suivre pour engager notre pays dans la transition énergétique, fondée sur la sobriété et l’efficacité ainsi que sur le développement des énergies renouvelables, et, plus globalement, dans la transition écologique, comme il a défendu l’idée d’une contribution carbone aux frontières de l’Europe.
Les effets positifs d’un tel plan sur la croissance et pour la lutte contre le réchauffement climatique sont évidents, d’autant que les deux aspects se rejoignent, la croissance verte représentant un gisement considérable d’emplois.
Nous devons y consacrer les moyens nécessaires. Il faut que les choix politiques se traduisent dans des stratégies nouvelles, dotées d’un véritable financement et d’un authentique budget européen. À cet égard, je partage tout à fait le point de vue de Michel Delebarre. Cela passera par une réglementation forte en matière d’efficacité et de sobriété énergétiques, avec la transposition de la directive européenne et la loi de programmation que le Gouvernement mettra en chantier l’année prochaine.
Le plan de rénovation thermique du logement ancien qui aura un impact significatif sur l’emploi dans le bâtiment et qui entraînera un allégement des charges pesant lourdement sur les ménages habitant de véritables passoires énergétiques constituera le premier pilier de cette politique, le second étant le déploiement à grande échelle des sources d’énergies renouvelables pour faire de la France et de l’Europe un leader dans les filières prometteuses de l’économie verte.
Il y a là un enjeu industriel majeur, que le précédent gouvernement a véritablement mis à mal, par le peu de soutien apporté à la structuration des filières, par les tergiversations que l’on connaît sur les aides accordées puis retirées, et par une réglementation toujours plus contraignante pour les porteurs de projets. Nous étions bien loin du saut quantitatif dont nous aurions eu besoin.
Monsieur le ministre, je veux croire que le plan national d’ampleur que vous envisagez permettra de favoriser la création d’une véritable filière industrielle verte en France, sachant qu’il est important de développer toutes les sources d’énergies renouvelables ; je pense à la biomasse, aux biocarburants de deuxième et troisième générations, à la méthanisation, à la géothermie et, évidemment, au développement des réseaux de chaleur.
L’Europe engage des travaux dans ce sens, et la France y contribuera activement, en particulier s'agissant de la taxe carbone.
Telle est la politique ambitieuse que le Premier ministre a définie et annoncée et que le groupe socialiste soutiendra avec enthousiasme et conviction. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.
M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les présidents de commission, mes chers collègues, il existe au moins un point sur lequel nous sommes tous d'accord : depuis plusieurs mois, l’avenir de l’Europe est incertain, c’est le moins que l’on puisse dire. La crise financière n’en finit pas et nous sommes suspendus soit aux annonces de nos voisins en difficulté, soit aux avis des différentes agences de notation.
Dans cette tourmente, il apparaît pourtant clairement que c’est avec une Union européenne unie et soudée que nous pourrons réaliser la relance économique tant attendue. Le monde globalisé dans lequel nous vivons désormais ne nous permet pas d’affronter la tempête seuls. L’Union doit donc être renforcée, au niveau tant de ses moyens d’action que de la solidarité entre ses membres.
Le soutien à nos voisins en difficulté est par conséquent primordial. Nous ne sortirons de la crise qu’ensemble. C’est la solidarité au sein de notre union monétaire qui nous permettra de relancer la croissance et de lutter efficacement contre le chômage.
Pour autant, ce soutien ne peut se faire n’importe comment. Même les libéraux les plus convaincus constatent, après quatre années d’expérience, que la généralisation de plans d’austérité de plus en plus durs ne débouche pas sur le désendettement et le retour à la compétitivité des pays concernés. L’enlisement de ces derniers dans la récession et leur surendettement ont, au contraire, été aggravés. Et n’oublions pas les sinistres conséquences de la crise !
Il existe aujourd’hui dans l’Union une dramatique situation d’exclusion sociale, vécue par plus de 115 millions de nos concitoyens européens. Une réorientation de l’Europe se révèle donc indispensable.
Hier, l’Europe s’est bâtie pour empêcher la guerre et de nouveaux désastres ; aujourd’hui, elle doit continuer sa construction en évitant des catastrophes sociales et de nouveaux désastres humains ; car c’est bien d’un nouveau conflit qu’il s’agit, une guerre financière et économique dans laquelle le monde de la spéculation a vite compris que les frontières étaient seulement des lignes imaginaires. Ce nouveau conflit doit être gagné par la démocratie contre l’égoïsme et le cynisme et par le renforcement des solidarités entre les peuples.
Une réorientation de la méthode se révèle donc également nécessaire, et même indispensable. C’est ce qu’a commencé à faire François Hollande, dont le rôle dans le changement de cap opéré par l’Europe est à saluer, puisque la croissance a été remise au cœur des objectifs de l’Union européenne, comme l’ont rappelé nombre d’entre vous, mes chers collègues.
Les délais imposés à la Grèce, au Portugal ou encore à l’Espagne pour réduire leurs déficits et revenir à l’équilibre budgétaire ont été prolongés. Maintenant, c’est même le Fonds monétaire international qui recommande d’alléger et d’étaler dans le temps les politiques d’ajustement budgétaire ! C’est la preuve qu’une autre voie est possible et que nous devons l’emprunter.
La solidarité doit désormais être le maître mot. Bien entendu, l’aide que nous apportons ne peut se faire sans contrepartie. Si nous voulons sortir de la crise, les pays européens auxquels le soutien de l’Union est accordé ont l’obligation d’être plus vertueux dans la gestion de leurs budgets et d’avoir des comptes publics maîtrisés, mais aussi une fiscalité qui mérite d’être plus justement partagée.
Toutefois, cette aide ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Les peuples ne peuvent être les ultimes victimes de la crise, étranglés par une aide européenne qui serait plus destructrice que réparatrice. Il faut que la finance soit au service de l’économie, qui doit elle-même être au service du social ! Bref, les peuples d’Europe ne peuvent être la variable d’ajustement d’une crise financière dont ils ne sont aucunement responsables. La sortie de la crise ne se fera pas contre les peuples, mais avec eux !
L’explosion du chômage et l’extension de la pauvreté, qui sévissent actuellement, doivent guider nos actions et nos décisions. Or, sous les pressions de la mondialisation de l’économie et de la concurrence internationale, les politiques sociales ont été de plus en plus considérées comme des poids et des handicaps économiques. L’économie est devenue le domaine des priorités absolues et des urgences fréquentes, tandis que le social est considéré comme celui des coûts et des contraintes.
L’Union européenne s’est ainsi dotée d’un marché unique et d’une union monétaire régis par des règles strictes, alors que les politiques sociales n’ont donné lieu qu’à des dispositions très générales et fort souvent peu contraignantes.
Prenons aussi garde à la progression des partis populistes partout en Europe, comme l’a rappelé cet après-midi le Premier ministre. Le repli sur soi et les égoïsmes nationaux prospèrent. Si l’Europe n’avance pas, si nous la conduisons à l’impuissance, ce sont ces forces-là, celles du repli, qui progresseront le plus vite, avec tous les dangers que l’histoire nous met en mémoire.
Aujourd'hui encore plus qu’hier, une Europe qui protège est donc nécessaire. Il est impératif d’accorder plus de place aux valeurs des droits sociaux et à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne : respect de la dignité humaine, justice, solidarité, égalité des chances.
Je pense profondément que, au bout du compte, indépendamment du traité qui nous préoccupe aujourd'hui et qui continuera à le faire demain, l’Europe sera sociale ou ne sera pas. L’Europe est à un tournant. À nous de ne pas sortir de la route et de donner aussi, à travers l’Union européenne, l’indispensable espérance à laquelle les jeunes générations ont droit. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier chacune et chacun d’entre vous de sa contribution à ce débat sur l’avenir de l’Union européenne. Cette discussion ne peut se réduire à la question du traité budgétaire, que nous aborderons dans la soirée et dont il faut prendre en compte la totalité des aspects, son texte aussi bien que son esprit.
Je veux profiter de cette courte réponse pour approfondir les questionnements soulevés par les orateurs, sur toutes les travées.
Ce débat sur l’avenir de l’Union européenne prend une dimension particulière dans le contexte de crise très grave que nous traversons, pour l’Europe, pour les finances et pour l’emploi. Cette crise est d'ailleurs la traduction de manques de compétitivité, un peu partout sur le continent, et de la difficulté devenue structurelle des États à surmonter les déficits et les déséquilibres de leurs comptes.
Je voudrais, à l’occasion de cette réponse, refaire un point le plus précis possible – l’Europe le mérite – sur un certain nombre des questions qui ont été évoquées. Nous pouvons, après tout, avoir des perceptions différentes de ces sujets et ne pas vouloir nous laisser emporter par les travers les plus funestes de la politique, c’est-à-dire ne pas souhaiter que la dimension polémique, parfois politicienne des enjeux l’emporte sur le fond.
Je vais donc m’efforcer de répondre sur le fond, de parler des orientations, d’évoquer l’avenir, de le faire en respectant cette exigence de précision et de rigueur qu’impose cet important débat.
Le premier point sur lequel je voudrais intervenir, c’est le pacte de croissance.
Nous arrivons au terme d’un long cheminement parlementaire qui nous a conduits, au sein des commissions de chacune des deux chambres, puis en séance publique à l’Assemblée nationale et, aujourd’hui, au Sénat, à évoquer de nombreux sujets qui m’ont parfois donné le sentiment de tourner en boucle. Un des sujets qui a tourné en boucle, c’est la réalité du pacte de croissance, dans un contexte de crise où la récession est partout, et sa portée comme correctif au traité lui-même. En effet, c’est notamment parce que nous avons obtenu ce pacte que nous avons décidé de soumettre le traité dans son texte originel à la délibération collective.
Sur le pacte de croissance lui-même, comme l’ont souligné justement les orateurs de l’opposition, et je reconnais volontiers qu’un certain nombre de choses qu’ils ont dites n’étaient pas fausses, plusieurs éléments de ce pacte sont à l’étude, mais pas tous. Ceux qui ne faisaient pas l’objet de la négociation constituaient l’essentiel de ce qui a été obtenu par rapport à ce qui était, comme vous le dites souvent, dans les tuyaux.
M. Bruno Sido. Par définition !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour être précis, je souligne qu’un pacte de 120 milliards d’euros se décline en trois types de mesures : 55 milliards d’euros de fonds structurels…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Combien pour la France ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais vous répondre très précisément, madame le sénateur, ce qui me permettra d’ailleurs d’apporter quelques correctifs à des affirmations bien hasardeuses que j’ai entendues cet après-midi ici même et que j’avais entendues à l’Assemblée nationale à peu près dans les mêmes termes, ce qui doit signifier que des éléments de langage erronés circulent dans les groupes. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
Ces 55 milliards d’euros de fonds structurels correspondent à des fonds budgétés non dépensés. Il y a aujourd’hui – tous ceux qui s’intéressent aux questions européennes le savent bien – 350 milliards d’euros de reste à liquider qui sont des fonds européens budgétés non dépensés.
Cette bosse de fonds européens restant à liquider, budgétés et non dépensés constitue un problème crucial pour l’Union européenne parce qu’ils sont une bosse de paiement dont ne savons pas comment nous allons la surmonter et qui traduit l’incapacité chronique dans laquelle se trouve l’Union européenne de mobiliser la totalité des moyens budgétaires qu’elle a décidé d’affecter à des politiques dans le temps des perspectives financières pluriannuelles de l’Europe.
Donc, dire que tout ce qui est budgété au sein de l’Union européenne a vocation à être dépensé sans manifestation de volonté dès lors qu’il y a 350 milliards d’euros de reste à liquider relève d’un raisonnement qui ne paraît pas d’une grande rigueur intellectuelle ni, je le dis franchement, d’une grande honnêteté politique.
Il a fallu, pour mobiliser ces 55 milliards d’euros, dépenser beaucoup d’énergie et surmonter un grand nombre de réticences. Cette question est remise à l’ordre du jour du prochain Conseil européen parce que nous devons constamment, en liaison avec la Commission, veiller à ce que les choses soient faites conformément à ce que nous avons décidé.
Le deuxième élément du pacte de croissance, ce sont les 10 milliards d’euros de recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, la BEI, qui engendrent 60 milliards d’euros de prêts qui, eux-mêmes, génèrent 120 milliards d’euros d’investissements privés. Donc, en réalité, ce pacte n’est pas de 120 milliards d’euros, mais de 240 milliards d’euros (M. David Assouline opine.) si l’on tient compte de l’effet de levier que constituent les prêts sur l’investissement privé.
Mme Fabienne Keller. C’est magique !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, madame Keller, ce n’est pas magique, c’est la réalité !
M. David Assouline. Et vous le savez très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce sont des mots !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si on a le droit en politique de ne pas être d’accord, on a aussi le devoir d’être honnête. La réalité est celle que je viens d’énoncer et, si vous en doutez, je peux vous transmettre l’ensemble des comptes rendus des conseils Affaires générales dans lesquels je siège. Vous pourrez ainsi vérifier que mes propos sont tout à fait conformes à la réalité. D’ailleurs, les sénateurs qui connaissent le mieux ces questions le savent. C’est peut-être la raison pour laquelle vous n’en êtes pas informée.
Mme Fabienne Keller. C’est très aimable, monsieur le ministre !
M. Jean-Pierre Chevènement. Il faut des projets en face !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais insister sur un point extrêmement précis. Le conseil Affaires générales, madame Keller, qui a précédé le conseil Affaires européennes des 28 et 29 juin dernier, a eu à traiter de la question de la recapitalisation de la BEI et, à l’occasion de ce conseil Affaires générales, les désaccords entre les pays de l’Union européenne étaient tels que nous n’avons pas réussi à tomber d’accord sur la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et sur l’attribution par cette dernière, au terme de cette recapitalisation, de 60 milliards d’euros de prêts. Il a fallu le Conseil européen des 28 et 29 juin, l’engagement d’un certain nombre de pays, notamment l’Italie et l’Espagne après qu’elles eurent été mobilisées par le Président de la République, pour que cela devienne possible.
Enfin, le troisième élément du pacte de croissance, c’est la mobilisation de 250 millions d’euros de fonds européens, qui devaient permettre de lever 4 milliards d’euros d’obligations de projet.
M. Bruno Retailleau. Quatre milliards et demi !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On ne sait pas exactement ! Ne sachant pas quel est l’impact, on ne connaît pas précisément le montant. Voulant être tout à fait scrupuleux et honnête, je vous indique qu’il se situe entre 4 milliards et 4,5 milliards d’euros, puisqu’on ne sait pas exactement dans quelles conditions on pourra mobiliser les fonds de la Commission pour faire ces obligations de projet.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout cela est très fumeux !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si ! Et ce n’est pas ça qui va régler le problème de la France ! (M. David Assouline s’exclame.)
M. Alain Richard. Il faut écouter, c’est tout !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs, les éléments extrêmement précis que je vous donne là sont en grande partie issus du rapport du Parlement européen établi par M. Lamassoure qui, lui aussi, est un esprit rigoureux et précis et qui, pour maîtriser parfaitement ces questions, s’interdit d’en parler de façon approximative.
Donc, voilà ce qu’il y a dans le pacte de croissance. (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
Les 4 milliards d’euros d’obligations de projet en phase pilote ont fait l’objet d’un accord non pas du conseil Affaires générales, mais du Conseil européen parce qu’un certain nombre de pays considéraient que ces obligations de projet étaient une forme de préfiguration des euro-obligations dont des pays ne voulaient pas. Il a fallu, au Conseil européen, de haute lutte obtenir ce paquet.
Telle est la réalité !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Alors, tout va bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’ailleurs, pour m’engager sur un terrain plus politique, je me demande pour quelle raison, alors que tout le débat présidentiel a porté sur la nécessité de procéder à un rééquilibrage du traité…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Une renégociation !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … par des mesures de croissance, Nicolas Sarkozy, qui nous a vendu pendant la campagne présidentielle beaucoup de choses qui n’existaient pas, aurait renoncé à nous vendre une telle chose si elle avait existé. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Retailleau. Que feriez-vous sans lui ?
M. Bruno Sido. Et qu’est-ce que vous faites ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est la continuité !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’eût été tout de même relativement intéressant pour lui de le faire. Il y a eu de nombreux débats télévisés, de nombreuses interpellations. À cette occasion-là, il n’a pas hésité à évoquer des projets dont la réalité était tout à fait improbable,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous avez un problème avec Sarkozy ! Il est présent même quand il n’est pas là !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … à tel point que l’on peut légitimement se demander pourquoi il n’aurait pas évoqué ce projet si celui-ci avait été dans les cartons. Au moins aurait-il eu l’occasion d’évoquer quelque chose de concret, de réel, de précis. S’il n’a pas évoqué ce projet, c’est tout simplement parce qu’il n’existait pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelles contorsions !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Voilà la réalité de ce qui s’est passé au mois de juin dernier et la réponse que je voulais apporter concernant le pacte de croissance.
Je voudrais maintenant évoquer la suite pour bien montrer que le pacte de croissance n’est pas pour solde de tout compte mais qu’il appelle d’autres actions.
M. Bruno Sido. Bien sûr…
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces actions sont aussi, pour nous, l’occasion de bien montrer que la politique européenne que nous entendons mener n’est pas du tout celle qui a été mise en œuvre par le précédent gouvernement.
M. Claude Bérit-Débat. Ça, c’est sûr !
M. David Assouline. Heureusement !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je voudrais reprendre quelques-uns des éléments qui ont été développés par Simon Sutour, François Marc, Daniel Reiner, Michel Delebarre et, en creux, parce que j’ai compris qu’il était un peu gêné, par Philippe Marini. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Oh, vous m’annexez ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous avez tout de même évoqué la suite parce que vous êtes un esprit précis, mais vous l’avez évoquée en creux.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Attendons la suite !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. La suite, ce sont les perspectives budgétaires de l’Union européenne pour la période 2014-2020.
Qu’avons-nous trouvé ? Une administration française négociant avec la Commission aux côtés des Britanniques une amputation de 200 milliards d’euros du budget de la Commission.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et cette amputation de 200 milliards d’euros du budget de la Commission, parce que nous étions dans une période politiquement assez sensible, s’accompagnait de deux discours : premièrement, nous ne toucherons pas à la PAC et, deuxièmement, nous garantirons aux régions les fonds de cohésion.
Parvenir à maintenir la politique de la PAC et la politique de la cohésion tout en affirmant que ce budget traduisait une ambition de croissance avec une coupe de 200 milliards d’euros, il n’y avait que M. Cameron pour soutenir cette position. Nous étions dans le club dit des « contributeurs nets » au sein de l’Union européenne, également appelé « club des radins » (M. Bruno Sido s’esclaffe.) dans les instances européennes, parmi les plus pingres des radins avec les Britanniques : 200 milliards d’euros de coupe !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien ! Continuons comme ça !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je peux donc vous indiquer, en réponse à la question que vous posez de savoir s’il y a des perspectives politiques, s’il y a une politique différente, qu’il y a en effet une politique différente puisque nous ne présenterons en aucun cas à l’Union européenne un budget pour la Commission à ce point amputé.
Nous voulons effectivement maintenir un bon niveau d’aides directes pour la politique agricole commune, engager la politique agricole commune sur le chemin de la convergence des aides ; nous voulons un bon équilibre entre le premier et le second pilier de la politique agricole commune ; nous voulons par ailleurs, comme l’a indiqué Michel Delebarre, parce que cela favorise la croissance, garantir que les fonds de cohésion permettront aux régions intermédiaires françaises de pouvoir conduire des grands projets dans le domaine de la transition énergétique, dans le domaine des infrastructures de transport et dans le domaine du développement durable.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Et nous prolongerons – c’est le cas de la négociation dans laquelle nous sommes engagés – l’ambition de croissance par les perspectives budgétaires à venir. Ce sera très différent de ce que la précédente majorité a fait. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
Un sénateur du groupe socialiste. C’est une réponse claire !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Est-ce valable pour le canal Seine-Nord Europe ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Bien entendu. Le canal Seine-Nord Europe, monsieur Marini, est un excellent exemple. Voilà un grand projet d’infrastructure de transport qui a été financé par un partenariat public-privé, et dont le partenaire privé s’est subitement révélé défaillant.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas encore certain !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En tout cas, des risques existent. Par conséquent, on nous demande aujourd’hui s’il est possible, au travers des obligations de projet, des prêts de la BEI, de procéder au financement de cette affaire. Mais que ne l’avez-vous fait avant puisque tout cela existait déjà ? (M. François Rebsamen applaudit.) Vous n’auriez pas à nous le demander aujourd’hui !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Le projet n’était pas assez avancé ! (M. le président de la commission des affaires européennes s’esclaffe.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, bien entendu, je vous confirme qu’on peut le faire avec le plan de croissance, ce qui, d’ailleurs, est bien le signe que, si on peut le faire aujourd’hui avec le plan de croissance, on ne pouvait pas le faire hier parce qu’il n’existait pas. C’est aussi le signe que ce plan de croissance sert à quelque chose, pour ceux d’entre vous qui en douteraient encore.
Et vous, monsieur Marini, qui appelez cette contribution, devez être particulièrement fondé à reconnaître que ce que nous avons obtenu peut être utile à la région Picardie dont vous êtes un éminent élu. Par conséquent, je le confirme, on peut tout à fait financer ce type de projet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Enfin, nous pouvons prolonger l’ambition de croissance par d’autres politiques.
C’est le cas de la politique industrielle, qui doit avoir, comme vous l’avez à raison indiqué tout à l’heure, monsieur Delebarre, une dimension européenne. MM. Retailleau et Zocchetto l’ont également évoquée. Il s’agit là de grandes politiques européennes qui, jusqu’à présent, n’ont pas été formalisées, qui n’ont pas été proposées par la Commission.
Nous avons engagé avec l’Allemagne une réflexion autour de l’électro-mobilité, autour de la politique énergétique pour faire en sorte que ces politiques soient désormais européennes et que nous puissions contribuer à leur financement.
Aujourd’hui même, la Commission européenne présente un rapport sur la politique industrielle très largement inspiré par l’impulsion que nous avons donnée avec l’Allemagne afin que cette politique industrielle puisse encourager l’innovation au sein des filières d’excellence européenne, garantir le transfert de technologies et nous permette de porter des ambitions nouvelles.
Voilà pour ce qui concerne la croissance.
Je pourrais aussi parler du juste échange, répondant en cela à l’une des préoccupations que vous avez évoquées sur la nécessité de faire en sorte que l’Europe ne soit pas une maison sans porte et sans fenêtres ouverte au grand vent de la mondialisation.
Le juste échange, sur lequel un règlement est en cours de préparation et qui constitue un objectif sur lequel nous sommes également très mobilisés, devrait nous permettre de compléter notre ambition de politique industrielle, de mesures nouvelles. Il s’agit en effet d’éviter que l’Europe n’ouvre ses marchés publics à des industries émanant de pays qui, eux, n’ouvrent pas aux industries européennes leurs marchés publics et n’abaissent pas leurs barrières tarifaires dans des conditions comparables à celles dans lesquelles nous abaissons nos propres barrières.
Voilà très exactement ce que nous essayons de faire. Cela montre bien qu’il y a des perspectives, très différentes de celles qui ont prévalu jusqu'à présent.
De nombreux orateurs, dont Mme Keller, MM. Bizet et Zocchetto, ont évoqué l'extrême inquiétude suscitée par l’état de la France. Je dois le dire, ces inquiétudes sont fondées : 1 700 milliards d'euros de dette, des déficits publics significatifs, le déficit du commerce extérieur atteint 75 milliards d'euros, alors que l’Allemagne affiche un excédent de 150 milliards d'euros. Il est donc tout à fait normal d’être angoissé par ces chiffres ; ce sont ceux que nous avons trouvés après dix ans d'exercice du pouvoir par la majorité que vous souteniez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Aussi, vous avez légitimement le droit d’exprimer à cette tribune, après quatre mois d'exercice de l’actuel gouvernement, des angoisses qu’au cours des dix dernières années jamais nous ne vous avons vu exprimer, que ce soit ici ou à l'Assemblée nationale.
Le seul fait qu’un gouvernement que vous ne soutenez pas arrive aux affaires vous a subitement fait découvrir la profondeur abyssale des déficits et des dettes que vous nous avez laissés,…
Mme Bernadette Bourzai. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … et qui constituent votre bilan. Au moins notre arrivée au pouvoir aura-t-elle eu le mérite de vous faire recouvrer enfin la lucidité quant à la réalité de la situation que vous nous avez léguée ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez le sens de l’humour… noir !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous dites que nous allons aggraver cette situation, déjà très ennuyeuse, par un choc fiscal. Je voudrais revenir rapidement sur ce point. Ayant entendu cet argument maintes fois réitéré au Parlement, je suis allé relire les engagements que vous aviez pris dans le cadre du semestre européen, avant de quitter le pouvoir.
Une grande partie des questions abordées aujourd'hui dans cette assemblée, c’est-à-dire le contenu du traité, la nécessité de rétablir les comptes publics et les procédures qui nous lient désormais à la Commission, ne découlent pas en réalité de ce traité. Elles proviennent du Six-pack – dispositif voté au cours des derniers mois par le Parlement européen et qui a été mis en œuvre à compter de novembre dernier –, qui oblige les États membres à présenter tous les six mois une trajectoire budgétaire à la Commission européenne, celle-ci, devant les États membres, rendant ensuite compte du respect de cette trajectoire.
Vous avez donc présenté vos engagements budgétaires – je le dis notamment à M. Mercier qui s'est également exprimé sur ce sujet – devant les autorités européennes six mois avant votre départ du pouvoir. La Commission européenne a quant à elle rendu au mois de juillet dernier ses recommandations relatives à ces engagements, sur lesquels il est intéressant de se pencher.
Vous proposiez 11 milliards d'euros d’économies ; nous, nous en proposons 10 milliards d’euros. Moyennant quoi nous serions beaucoup plus dépensiers que vous ne l'êtes et beaucoup moins aptes que vous ne l'avez été à assurer le rétablissement des comptes publics par l’économie ! L’argument est un peu court.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous faites preuve d’une grande continuité !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ensuite, vous avez proposé une augmentation d'impôts de 15 milliards d’euros ; la nôtre est de 20 milliards d’euros. Toutefois, dans les 15 milliards que vous aviez proposés, il n'était pas tenu compte des 13 milliards d’euros de choc fiscal que représentait l'augmentation de la TVA. Si bien que ce que vous aviez envisagé de faire représentait 28 milliards de choc fiscal,…
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … soit 8 milliards de plus que nous ! Et c’est nous qui imposerions un choc fiscal à la France ?
Ces chiffres sont incontestables. Cette démonstration illustre de votre part soit de l’amnésie (M. le président de la commission des finances s’exclame.), soit une méconnaissance totale du dispositif que vous aviez vous-mêmes proposé à la Commission européenne, ce qui pourrait en expliquer en partie l'incongruité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’augmentation de la TVA était compensée !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si vous n’avez pas oublié ce que vous aviez proposé, ce que vous dites à cette tribune est tout simplement une approximation – pour ne pas dire plus – totalement assumée, ce qui n’est pas convenable lorsque l’on veut traiter de cette question avec l’honnêteté, la rigueur et la hauteur de vue qui conviennent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. Robert Tropeano et André Gattolin applaudissent également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Me permettez-vous de vous interrompre ?…
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. S’agissant de la situation de compétitivité de la France par rapport à l'Allemagne, que MM. Retailleau, Mercier et d’autres ont évoquée avec beaucoup de pertinence, vous avez raison de vous inquiéter ! Cette question est pour nous absolument essentielle. La compétitivité de la France est un problème majeur. Le pourcentage d’écart entre la France et Allemagne, qui serait de l’ordre de 40 % selon M. Marini, est sans doute tout à fait juste. (M. le président de la commission des finances s’exclame.) C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons 75 milliards d'euros de déficit et l'Allemagne 150 milliards d'euros d'excédent.
Toutefois, ce déficit de 75 milliards d'euros n'a pas été creusé en quatre mois ! Nous n’avons pas une telle capacité de destruction et, compte tenu de notre sens de l’intérêt national, nous ne l'aurons jamais ! (Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.)
M. Bruno Retailleau. Les 35 heures !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce déficit a été creusé en dix ans.
Et je n'ai pas le sentiment que toutes les réformes structurelles que M. Bizet appelait de ses vœux au cours de son intervention aient été accomplies au cours des dix dernières années. En effet, si ces efforts de politique structurelle avaient été faits, nous ne nous serions pas retrouvés avec de tels chiffres !
M. Bruno Retailleau. Et depuis quatre mois vous avez augmenté le coût du travail !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pendant ces dix ans, aucune mesure de restauration de la compétitivité n'a été prise.
Vous nous demandez, monsieur Mercier, si nous allons prendre des mesures : la réponse est positive. Je vais vous indiquer précisément lesquelles.
Tout d'abord, nous avons décidé de mettre en place la Banque publique d'investissement...
M. Bruno Retailleau. C’était décidé avant !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C'est incroyable le nombre de choses que vous avez décidé avant et que vous n’avez pas faites ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Vous devez avoir un problème de passage à l'acte…
Nous, nous l’avons décidé pendant la campagne présidentielle et quatre mois après nous sommes en train de prendre les dispositions législatives pour que vous puissiez délibérer de cette question.
M. Michel Delebarre. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, effectivement, la Banque publique d’investissement, elle existe, en fait elle est en train d’être élaborée par les ministères…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Si, elle existe !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous aurez à en délibérer par la voie législative et le Gouvernement prendra les mesures réglementaires. Et vous n'aurez pas à attendre dix ans pour nous voir prendre les mesures de compétitivité nécessaires !
De la même manière, je vous confirme que, comme l’a dit le Président de la République dans une récente déclaration, la conférence sociale traitera de la question de la compétitivité.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La TVA était compensée !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. En effet, si l’on veut créer un choc de compétitivité, nous devons faire en sorte que, à l’occasion d’un accord historique, l'ensemble des forces sociales et politiques du pays puissent concourir à cet effort de compétitivité. Je reconnais que ce n’est pas votre méthode. Nous pensons que la nôtre est meilleure. (Mme Fabienne Keller s’exclame.)
M. Bruno Retailleau. Vous avez augmenté le coût du travail !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si nous n'arrivons pas à notre objectif au terme du dialogue social, nous prendrons nos responsabilités.
Les réformes structurelles que vous appelez de vos vœux et que vous n'avez pas été capables de mettre en œuvre durant dix ans, je peux vous garantir que nous, nous les ferons ! Nous verrons bien dans une décennie – c'est au moins le temps que nous pensons rester au pouvoir – quelle sera la situation de notre pays au regard de celle que vous nous avez léguée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Stéphane Mazars applaudit également.)
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alain Peyrefitte avait dit que la droite resterait au pouvoir pendant trente ans !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La droite n’est pas restée si longtemps que cela !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous espérons bien remplir notre mandat ; peut-être même nous y aiderez-vous…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ne soyez pas trop présomptueux !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, je souhaiterais dire quelques mots sur le contenu du traité. Certains orateurs m’ont interpellé sur les questions de l’austérité et du référendum avec des arguments qui méritent d'être entendus et auxquels il convient d'apporter des réponses précises.
Mme Fabienne Keller. Ah !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D'abord, concernant le référendum, l’un des orateurs disait que l’on demandait un référendum sur le traité de Lisbonne, de même que sur telle autre réforme en 2005. C’est vrai, mais toutes ces nouvelles dispositions nécessitaient une modification de la Constitution.
Lorsqu'un traité européen modifie les rapports entre les pouvoirs publics, il est tout à fait normal de se demander si l'on doit procéder à la révision de la Constitution, par la réunion du Congrès statuant aux trois cinquièmes de ses membres ou par référendum. Ce sont les deux moyens constitutionnels à notre disposition pour procéder à une modification de la Constitution de sorte que celle-ci soit conforme aux traités.
Or, contrairement à ce que vous nous aviez dit, en l’occurrence, il n’y a pas d’obligation constitutionnelle…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela aurait pourtant été souhaitable !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … ou politique nous obligeant à inscrire ce traité dans la Constitution. Le Conseil constitutionnel, que nous avons saisi pour avis, a clairement indiqué, à raison, qu'il n'y avait pas d'abandon de souveraineté. En effet, une grande partie des dispositions sur lesquelles vous devez vous prononcer sont déjà en vigueur au titre du Six-pack. (M. le président de la commission des finances s’exclame.)
M. Michel Mercier. Il n’y a pas d’abandon de souveraineté ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Même si le traité européen n’était pas adopté, les dispositions budgétaires s'appliqueraient de fait puisqu'elles sont déjà en vigueur, ce traité étant une synthèse de ce qui existe déjà…
M. Jean-Pierre Chevènement. Alors il est inutile ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … avec quelques dispositions supplémentaires plutôt qu’une révolution importante. Par conséquent, il n’y a pas, juridiquement et politiquement, d'abandon de souveraineté résultant de ce traité.
Aux parlementaires du groupe CRC, je voudrais dire – c'est une opinion personnelle – que le référendum, dès lors qu'il était utilisé pour trancher des questions n’exigeant pas de modification de la Constitution, était un instrument dangereux. La gauche avait d’ailleurs été souvent conduite à s’opposer, dans certaines situations historiques particulières, à ce qu’on en fît un usage excessif.
L'élection présidentielle a été l'occasion d'un référendum sur le référendum puisque l’un des candidats voulait tout soumettre au référendum. Il s’appuyait sur les sondages pour affirmer que le système de protection sociale posait problème et il proposait que l’on mît au référendum la question de l’indemnisation du chômage.
M. Bruno Retailleau. Posture politicienne !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il en allait d'ailleurs de même pour le droit des étrangers.
M. Michel Delebarre. C’est vrai !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Quant à nous, nous exprimions ensemble quelques réserves sur cette idée, que nous trouvions funeste à juste titre, que, chaque fois qu’un sondage le justifiait, il fallait soumettre la question à référendum, dessaisissant par là même le Parlement de sa compétence souveraine.
En effet, à l’instar de Sieyès, nous considérons que la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l’exerce par l’intermédiaire de ses représentants. Par conséquent, si le référendum peut venir compléter l’exercice souverain, par le Parlement souverain, de la souveraineté nationale, il ne peut en aucun cas se substituer à lui.
C'est la raison pour laquelle je m’interroge sur l’utilisation du référendum à propos du TSCG. En effet, le texte autorisant sa ratification est un projet de loi ordinaire, et non pas constitutionnelle !
Pour terminer, j’en viens à l’argument de l’austérité. Sur ce point, je m’adresse aux sénateurs et sénatrices du groupe CRC, ainsi qu’à Jean-Vincent Placé, dont je regrette qu’il ne soit plus présent sur les travées.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On avait compris que c’était surtout une discussion interne à la majorité ! Mais vous aurez quand même besoin de nous !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. J’espérais que sa crainte de l’austérité et sa passion pour la question européenne l’auraient conduit à demeurer parmi nous.
Je le reconnais volontiers, toutes les sensibilités de la gauche représentées dans cet hémicycle partagent une préoccupation commune : que les politiques nouvelles en Europe permettent de préserver les peuples de l’austérité, cette austérité qui conduit légitimement des manifestants, à Lisbonne, à Athènes ou à Madrid, à exprimer leur indignation.
Mais, à un moment donné, il faut de la cohérence.
Or, si nous n’avions pas soumis ce traité à votre examen alors que nous avons, notamment, engagé la remise en ordre de la finance avec l’union bancaire, obtenu le pacte de croissance et la création de la taxe sur les transactions financières – pour cette dernière, sous la forme d’une coopération renforcée, laquelle permet à neuf États de se mobiliser –, bref, si nous avions reçu ces avancées pour solde de tout compte et joué la crise au sein de l’Union européenne, que se serait-il passé ? Telle est la question de fond ; telle est la question fondamentale !
Pour notre part, nous avons pensé que se convaincre que nous ne pouvions aller plus loin et jouer la crise après avoir engagé cette réorientation aurait débouché sur le blocage d’une grande partie du fonctionnement de l’Europe. Une telle attitude aurait ajouté une couche de crise politique à la couche de crise économique, financière et sociale profonde à laquelle l’Europe est confrontée et aurait conduit à ne pouvoir ni mobiliser le Mécanisme européen de stabilité pour permettre la recapitalisation directe des banques espagnoles ni faire intervenir le Fonds européen de stabilité financière sur le marché secondaire des dettes souveraines afin de faire baisser les taux.
Or l’impossibilité de mobiliser ces outils aurait conduit l’État espagnol à continuer de se financer sur les marchés financiers pour recapitaliser ses banques en devant affronter des taux d’intérêt extrêmement élevés, lesquels auraient ruiné le résultat des efforts considérables qu’il a fournis pour rétablir ses comptes, l’obligeant à en répercuter le coût sur le peuple,...
M. Jeanny Lorgeoux. Très juste !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … c’est-à-dire à entretenir la spirale funeste de l’austérité. Est-ce ce que l’on veut ?
M. Michel Delebarre. Non !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si l’on ne veut pas de l’austérité pour les peuples, dès lors que l’on a réengagé l’Europe sur un autre chemin, on ne peut jouer la stratégie de la crise !
C’est sur ce point que porte le désaccord. En effet, ce dernier ne porte ni sur le fond, ni sur l’austérité, ni sur la volonté que l’Europe emprunte un autre chemin. (M. Jeanny Lorgeoux opine.) Non ! il porte sur l’analyse de la situation que nous faisons à un moment donné et sur la responsabilité que nous prenons de ne pas ajouter à ce contexte historique particulier une crise qui bloquerait tout, en imposant des décennies d’austérité à des peuples qui n’en peuvent plus. (M. Jeanny Lorgeoux opine de nouveau.)
Notre différence d’approche est donc claire et simple.
M. Jeanny Lorgeoux. Absolument !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. En effet !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Elle ne fait que résulter d’une analyse responsable d’un constat que nous partageons et d’un chemin que nous voulons emprunter ensemble.
Autrement dit, entre les familles de la gauche représentées dans cet hémicycle, s’il peut y avoir des différences sur la méthode, il n’y a pas de différences fondamentales sur les objectifs. (M. Charles Revet s’exclame.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Heureusement que la droite sera là !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, ayant déjà été très long et très ennuyeux (Non ! sur les travées du groupe socialiste.),…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Juste suffisant !
M. Jeanny Lorgeoux. Vous avez été excellent, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. … je n’entrerai pas dans le détail des dispositions du traité ; je le ferai très précisément ce soir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. Nous en avons terminé avec la déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur les nouvelles perspectives européennes, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie ce soir, mercredi 10 octobre 2012, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITE AU GOUVERNEMENT
Jeudi 11 octobre 2012
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (texte de la commission, n° 23, 2012-2013)
À 15 heures :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures 15 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Lundi 15 octobre 2012
Ordre du jour fixé par le Sénat :
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe écologiste :
1°) Proposition de résolution relative aux ressortissants de nationalités roumaine et bulgare, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mme Aline Archimbaud et les membres du groupe écologiste (n° 590, 2011-2012)
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 12 octobre, dix-sept heures.)
2°) Proposition de loi relative à la création de la Haute Autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement, présentée par Mme Marie-Christine Blandin et les membres du groupe écologiste (n° 747, 2011-2012)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 12 octobre, dix-sept heures ;
- au vendredi 12 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le lundi 15 octobre, à quatorze heures.)
De 18 heures 30 à 19 heures 30 et de 21 heures 30 à minuit trente :
Ordre du jour réservé au groupe RDSE :
3°) Proposition de loi visant à faciliter le transfert des biens sectionaux aux communes, présentée par M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE (texte de la commission, n° 14, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 12 octobre, dix-sept heures ;
- au jeudi 11 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le lundi 15 octobre après-midi.)
4°) Proposition de loi tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, présentée par M. Jacques Mézard et des membres du groupe RDSE (texte de la commission, n° 11, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 12 octobre, dix-sept heures ;
- au jeudi 11 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le lundi 15 octobre après-midi.)
Mardi 16 octobre 2012
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 18 de M. Jean-Claude Lenoir à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Déviation de Saint-Denis-sur-Sarthon sur la RN 12)
- n° 33 de M. Georges Labazée à M. le ministre de l’éducation nationale
(Problèmes posés par l’organisation des transports scolaires suite aux dérogations accordées pour les inscriptions dans les collèges)
- n° 65 de M. Michel Bécot à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Devenir du projet d’investissement porté par le centre hospitalier nord Deux-Sèvres)
- n° 76 de M. Alain Fouché à M. le ministre de l’économie et des finances
(Accessibilité à la ressource bancaire pour les collectivités territoriales)
- n° 77 de Mme Frédérique Espagnac à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Transformation des syndicats interhospitaliers en application de la loi HPST)
- n° 78 de M. André Ferrand à M. le ministre chargé du budget
(Déplafonnement des postes de personnels titulaires de l’éducation nationale affectés dans l’enseignement français à l’étranger)
- n° 80 de M. Jean-Pierre Chauveau à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Effets pervers du développement des pratiques d’emplois médicaux temporaires)
- n° 81 de M. Bruno Retailleau à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Situation pénitentiaire du département de la Vendée)
- n° 93 de M. Hilarion Vendegou à M. le ministre de l’éducation nationale
(Situation de l’enseignement en Nouvelle-Calédonie)
- n° 98 de M. Alain Néri à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
(Application des normes par les collectivités territoriales et fonctionnement des commissions de contrôle et de sécurité)
- n° 99 de M. Michel Teston à Mme la ministre chargée de la famille
(Obligations liées à la prestation de service unique)
- n° 100 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l’économie et des finances
(Évolution de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques)
- n° 106 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre des affaires étrangères
(Situation en Géorgie)
- n° 108 de M. Jean-Etienne Antoinette à M. le ministre de la défense
(Déploiement de la flotte en Antilles-Guyane)
- n° 110 de M. Michel Doublet transmise à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(LGV Sud Europe Atlantique et mesures compensatoires pour les communes)
- n° 113 de M. Philippe Paul à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Schéma national des infrastructures de transport (SNIT))
- n° 126 de M. Michel Le Scouarnec à M. le ministre du redressement productif
(Emploi dans le Morbihan)
- n° 129 de M. Daniel Laurent à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
(Financement des investissements publics locaux et incidences de l’excès normatif sur les collectivités territoriales)
- n° 132 de M. Jacques Mézard à Mme la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme
(Attribution des subventions du FISAC)
- n° 133 de Mme Leila Aïchi à M. le ministre des affaires étrangères
(Maîtrise des armements : quelle relance française ?)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu (texte de la commission, n° 30, 2012-2013)
(Les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposeront, dans la discussion générale, d’un temps global de une heure ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 octobre, dix-sept heures.)
3°) Projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 36, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 15 octobre, dix-sept heures ;
- au lundi 15 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mardi 16 octobre.)
Mercredi 17 octobre 2012
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme
Jeudi 18 octobre 2012
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
À 15 heures :
2°) Questions cribles thématiques sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE
Mardi 23 octobre 2012
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe CRC :
1°) Proposition de résolution tendant à la reconnaissance de la répression d’une manifestation à Paris le 17 octobre 1961, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mme Éliane Assassi et les membres du groupe CRC (n° 311, 2011-2012)
(La conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes à l’auteur de la proposition de résolution ;
- a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Les interventions des orateurs vaudront explications de vote.
Les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 octobre, dix-sept heures.)
2°) Proposition de loi relative aux conditions d’exploitation et d’admission des navires d’assistance portuaire et au cabotage maritime, et à l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes de cabotage, à l’intérieur de la République Française, présentée par Mme Isabelle Pasquet et des membres du groupe CRC (n° 483, 2011-2012)
(La commission du développement durable se réunira pour le rapport mardi 16 octobre, après-midi (délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 15 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 22 octobre, dix-sept heures ;
- au lundi 22 octobre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le mardi 23 octobre, à quatorze heures.)
Mercredi 24 octobre 2012
De 14 heures 30 à 18 heures 30 :
Ordre du jour réservé au groupe UMP :
- Proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales, présentée par M. Éric Doligé (texte de la commission, n° 38, 2012-2013)
(La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 23 octobre, dix-sept heures ;
- au jeudi 18 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 octobre, matin.)
Jeudi 25 octobre 2012
De 9 heures à 13 heures :
Ordre du jour réservé au groupe socialiste :
1°) Proposition de loi visant à abroger la loi n° 2010-1127 du 28 septembre 2010 visant à lutter contre l’absentéisme scolaire, présentée par de Mme Françoise Cartron et les membres du groupe socialiste et apparentés (n° 756, 2011-2012)
(La commission de la culture se réunira pour le rapport mercredi 17 octobre, matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 15 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 24 octobre, dix-sept heures ;
- au mardi 23 octobre, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission de la culture se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 octobre, matin.)
2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et de recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc (n° 188, 2001-2002)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 17 octobre
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 15 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 24 octobre, dix-sept heures ;
- au lundi 22 octobre, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 octobre, matin.)
À 15 heures :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
De 16 heures 15 à 20 heures 15 :
Ordre du jour réservé au groupe UCR :
4°) Proposition de loi tendant à élargir la contribution de solidarité pour l’autonomie aux travailleurs non salariés et aux retraités et à compenser aux départements la moitié de leurs dépenses d’allocation personnalisée d’autonomie, présentée par MM. Gérard Roche, Christian Namy, Jean-Léonce Dupont, Jean Arthuis, Louis Pinton, Philippe Adnot, André Villiers, René-Paul Savary et les membres du groupe de l’Union Centriste et Républicaine (n° 391, 2011-2012)
(La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport mercredi 17 octobre, matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 15 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 24 octobre, dix-sept heures ;
- au lundi 22 octobre, à quinze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires sociales se réunira pour examiner les amendements le mercredi 24 octobre, matin.)
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Lundi 29 octobre 2012
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques (n° 43, 2012-2013)
(La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 24 octobre, matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 22 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le vendredi 26 octobre, dix-sept heures ;
- au vendredi 26 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le lundi 29 octobre, à la suspension de la séance de l’après-midi et, éventuellement, mardi 30 octobre, matin.)
Mardi 30 octobre 2012
À 9 heures 30 :
1°) Questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 1623 de M. Jean-Claude Carle à M. le ministre de l’éducation nationale
(Statut des enseignants suppléants dans les instituts médico-éducatifs)
- n° 37 de M. Hervé Maurey à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie
(Ligne nouvelle Paris-Normandie)
- n° 64 de M. Yannick Vaugrenard à M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation
(Protection des consommateurs)
- n° 75 de M. Jean-Louis Lorrain à M. le ministre de l’intérieur
(Augmentation des recours à la « procédure prioritaire »)
- n° 79 de M. Michel Boutant à M. le ministre de l’intérieur
(Traitement discriminatoire des gens du voyage)
- n° 88 de M. Raymond Couderc à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé
(Problème de santé concernant des techniciens France Télécom ayant travaillé sur les sites de Bédarieux et de Béziers)
- n° 104 de M. Henri Tandonnet à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement
(Logement en milieu rural)
- n° 107 de M. Christian Bourquin à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Liquidation des contrats bleus souscrits par les armateurs de chalutiers méditerranéens en 2010 et 2011)
- n° 114 de M. Dominique Bailly à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Dessertes ferroviaires du Jura)
- n° 116 de M. Jean-Jacques Filleul à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
(Utilisation d’une licence IV par une commune)
- n° 117 de M. Robert Navarro à M. le ministre de l’éducation nationale
(Caractère discriminant de la procédure d’affectation multi-critères)
- n° 122 de M. Rémy Pointereau à M. le ministre chargé des transports, de la mer et de la pêche
(Poursuite de la réalisation du projet de LGV Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon)
- n° 128 de M. Claude Domeizel à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique
(Délais de publication des décrets nécessaires à la résorption de l’emploi précaire des agents contractuels dans la fonction publique)
- n° 135 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre chargé du budget
(Suppression de la brigade des douanes de Carteret (Manche))
- n° 136 de Mme Bernadette Bourzai à M. le ministre de l’éducation nationale
(Conséquences des réformes du baccalauréat STI et du baccalauréat professionnel)
- n° 139 de M. Yves Détraigne à M. le ministre de l’économie et des finances
(Exonération des heures supplémentaires des enseignants)
- n° 140 de M. Dominique de Legge à Mme la ministre chargée de la famille
(Sauvegarde du dispositif du crédit d’impôt famille)
- n° 141 de Mme Françoise Cartron à M. le ministre de l’intérieur
(Repositionnement des moyens aériens de lutte contre les incendies en Gironde)
- n° 142 de M. Dominique Watrin à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social
(Situation de l’emploi dans le Pas-de-Calais)
- n° 143 de M. André Gattolin à Mme la ministre de la culture et de la communication
(Devenir du bâtiment de l’école d’architecture de Nanterre)
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
2°) Suite éventuelle du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques
3°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre (n° 19, 2012-2013)
(La commission des affaires économiques se réunira pour le rapport mercredi 17 octobre matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 15 octobre, à quinze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 29 octobre, dix-sept heures ;
- au jeudi 25 octobre, à onze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des affaires économiques se réunira pour examiner les amendements le mardi 30 octobre, à la suspension, et le mercredi 31 octobre matin.)
Mercredi 31 octobre 2012
À 14 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre
Lundi 5 novembre 2012
À 14 heures 30, le soir et, éventuellement, la nuit :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite de la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre
Mardi 6 novembre 2012
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement (Procédure accélérée) (n° 7, 2012-2013)
(La commission du développement durable se réunira pour le rapport mercredi 31 octobre matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 29 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à une heure trente la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le lundi 5 novembre, dix-sept heures ;
- au lundi 5 novembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission du développement durable se réunira pour examiner les amendements le mercredi 6 novembre, à quatorze heures.)
Mercredi 7 novembre 2012
À 14 heures 30 et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution et, sous réserve de sa transmission, projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (Procédure accélérée) (A.N., n° 234)
(La conférence des présidents a décidé de joindre la discussion générale de ce projet de loi au débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution.
Dans ce débat commun, la conférence des présidents :
- a attribué un temps d’intervention de vingt minutes respectivement à la commission des finances et à la commission des affaires sociales ;
- a fixé à deux heures la durée globale du temps dont disposeront les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mardi 6 novembre, dix-sept heures.
La commission des finances se réunira pour le rapport mercredi 31 octobre matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 29 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé au lundi 5 novembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des finances se réunira pour examiner les amendements le mercredi 7 novembre matin).
Jeudi 8 novembre 2012
À 9 heures 30 :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
1°) Projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées (Procédure accélérée) (n° 789, 2011-2012)
(La commission des lois se réunira pour le rapport mercredi 24 octobre matin
(délai limite pour le dépôt des amendements en commission : lundi 22 octobre, à douze heures).
La conférence des présidents a fixé :
- à deux heures la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites à la division de la séance et du droit parlementaire avant le mercredi 7 novembre, dix-sept heures ;
- au lundi 5 novembre, à douze heures, le délai limite pour le dépôt des amendements en séance.
La commission des lois se réunira pour examiner les amendements le mercredi 7 novembre matin.)
À 15 heures :
2°) Questions cribles thématiques
(L’inscription des auteurs de questions devra être effectuée à la division des questions et du contrôle en séance avant onze heures.)
À 16 heures et le soir :
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin
Vendredi 9 novembre 2012
À 9 heures 30, 14 heures 30 et le soir :
- Suite du projet de loi relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d’aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.
Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
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Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (projet n° 21, rapport n° 22, texte de commission n° 23).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au moment où nous abordons la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire, à la suite des échanges que nous avons eus avant le dîner sur la réorientation de la politique de l’Union européenne, je tenterai, dans ce bref propos introductif, de répondre à trois questions.
Première question : quelle place occupe ce traité dans la politique de l’Union européenne, dont nous souhaitons, je le répète, la réorientation ?
Deuxième question : ce traité empêche-t-il le gouvernement français d’aller au terme de la réorientation de la politique de l’Union européenne, qui constitue l’objectif auquel le Gouvernement concourt, sous l’autorité du Président de la République ?
Troisième question : que souhaitons-nous faire, par-delà la ratification de ce texte, pour conforter l’Union européenne dans la solidarité et dans l’unité politique de ses institutions ?
S'agissant de la première question, tout d’abord, nous souhaitons tenir le plus scrupuleusement possible les engagements que nous avons pris pendant la campagne présidentielle. Ceux-ci reposent sur un équilibre entre la nécessité de procéder au rétablissement des comptes publics, dans un contexte économique et financier difficile pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, et la volonté de faire en sorte que la croissance soit, autant que faire se peut, au rendez-vous.
Nous voulons atteindre ces deux objectifs à la fois. En effet, il n’y aura pas de croissance sans rétablissement des comptes publics, car les déficits qui se creusent, les dettes qui augmentent, les comptes publics qui se dégradent, ce sont des pans de souveraineté qui s’abandonnent, ce sont surtout des conditions de financement qui deviennent dissuasives, pour les investisseurs privés comme pour la puissance publique lorsqu’elle veut procéder à des investissements publics sur les territoires – n’oublions pas que les collectivités locales sont à l’origine de 75 % de l’investissement public en France, vous l’avez rappelé cet après-midi, monsieur Laurent. Par conséquent, si la dégradation des comptes publics conduit, à l’instar de ce qui se passe dans d’autres pays européens, à une augmentation des taux d’intérêt, les fameux spreads qui minent la croissance en Espagne et en Italie, nous ne pourrons pas créer les conditions de la croissance. Les taux d’intérêt élevés viendront en effet dissuader les investisseurs de procéder aux investissements durables, structurants ou d’innovation dans les entreprises dont l’Europe a besoin pour créer les conditions d’une dynamique économique durable.
Pour autant, il n’y aura pas de rétablissement des comptes publics sans croissance : compte tenu de l’ampleur des dettes et des déficits, si nous ne créons pas les conditions d’une reprise de l’activité économique, le rétablissement des comptes publics condamnera les peuples à l’austérité à perte de vue, ce que nous ne voulons pas.
Notre objectif est donc d’aboutir à la fois à la croissance et au rétablissement des comptes publics.
Nous allons intégrer dans la loi organique, au terme de l’introduction du traité en droit français, des règles de prudence budgétaire, de rétablissement de l’équilibre des comptes publics. Celles-ci témoigneront de la volonté du gouvernement français de s’engager dans le respect des règles budgétaires qui s’imposeront à l’ensemble des États membres de l’Union européenne. C’est la condition du maintien de la monnaie unique. En effet, comme l’ont dit de nombreux orateurs de toutes tendances politiques, le maintien de la monnaie unique n’est possible que par la convergence, à terme, des politiques économiques et budgétaires.
La loi de finances pluriannuelle ainsi que la loi de finances transcriront, dans les documents budgétaires, notre ambition. Le rétablissement de ces comptes sera réalisé par un effort d’économies de 10 milliards d’euros. Il sera fait appel à la contribution des plus riches des contribuables français à hauteur de 10 milliards d’euros. Il sera fait également appel à la contribution des entreprises. Toutes les entreprises ne seront pas concernées : il s’agira des entreprises qui ont été épargnées au cours des dernières années, notamment les grandes entreprises qui ont une situation confortable, qui, par l’effet de niches fiscales ou de dispositifs fiscaux, se sont trouvées exonérées du paiement de l’impôt sur les sociétés, alors que de petites sociétés qui innovaient étaient taxées dans des conditions qui étaient de nature à obérer leur capacité d’innovation et, par conséquent, de croissance.
C’est donc cet équilibre que nous voulons atteindre en essayant de faire en sorte qu’il y ait à la fois la croissance et le rétablissement des comptes publics.
Le deuxième point sur lequel je voudrais insister, c’est l’importance des initiatives en faveur de la croissance pour que le système fonctionne. Celles-ci relèvent de l’échelon européen, je les rappelle pour mémoire : le pacte de croissance, les perspectives budgétaires de l’Union européenne pour la période 2014-2020 – perspectives budgétaires pour lesquelles nous n’aurons pas le même positionnement, en termes de volume budgétaire consacré par la France au budget de l’Union européenne, que le précédent gouvernement.
Nous souhaitons par ailleurs que la taxe sur les transactions financières adoptée en coopération renforcée, qui va pouvoir faire l’objet d’une saisine de la Commission par onze États membres, puisse servir de ressource propre au budget de l’Union européenne, de telle sorte que celui-ci, essentiellement alimenté par la contribution « RNB », bénéficie du dynamisme d’une ressource propre.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ce n’est pas ce qui diminuera notre déficit !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit là d’un nouveau combat, que nous mènerons. C’est la condition pour que le budget de l’Union européenne puisse demain créer de la croissance.
Pour ce qui est de la politique industrielle à l’échelle de l’Union européenne, le juste échange doit conduire notre pays à n’ouvrir ses marchés publics aux industriels des autres pays que selon un principe de réciprocité. La Commission européenne élabore actuellement un règlement sur ce point, auquel nous contribuons activement.
Il s’agit aussi, sur le plan national, pour accompagner nos filières d’excellence, de prendre les mesures fiscales qui conviennent. Je pense au crédit d’impôt recherche, à la réforme de l’impôt sur les sociétés favorisant l’investissement dans les PME et PMI innovantes. Je pense également à la mise en place de la Banque publique d’investissement. Je pense encore à ce que nous souhaitons faire en matière de compétitivité, et ce, je le répète, dans le respect rigoureux du dialogue social.
Voilà pour ce qui concerne l’équilibre et le cadre dans lequel s’inscrit notre politique.
Le traité dont vous allez autoriser la ratification aujourd'hui n’est rien d’autre qu’un héritage, dont nous aurions pu nous passer et dont l’Europe n’aurait jamais demandé la mise sur le métier si la France et d’autres n’avaient pas, notamment au milieu des années 2000, demandé à la Commission de revoir les critères auxquels nous avions décidé de nous conformer. Cette révision a accompagné le déséquilibre des comptes publics et conduit un certain nombre d’institutions européennes à nous demander des comptes qu’on ne nous aurait pas demandé de rendre si nous avions respecté les engagements que nous avions pris.
J’évoquerai maintenant le contenu de ce traité. Ne nous empêche-t-il pas de mener la politique que nous souhaitons ? C’est là une question importante, qui a été posée sur de nombreuses travées, plus sur celles de la gauche que sur celles de la droite. Les communistes l’ont abordé à l’Assemblée nationale comme au Sénat. Elle mérite une réponse précise.
Tout d’abord, allons-nous passer de 3 % de déficit maastrichtien des comptes publics à 0,5 % de déficit ? La réponse est non. Les 3 % de déficit des comptes publics maastrichtiens demeurent. Quant au taux de 0,5 %, il ne s’agit pas de 0,5 % de déficit des comptes publics, mais de 0,5 % de déficit structurel. La différence entre les 3 % de déficit des comptes publics maastrichtiens et les 0,5 de déficit structurel, c’est que les 0,5 de déficit structurel prennent en compte les moyens mobilisés par les États pour faire face aux chocs conjoncturels. Cela signifie qu’il est possible d’utiliser ce traité, dès lors qu’on en fait une lecture keynésienne, pour mener des politiques contracycliques. Telle est l’approche qu’il faut donc avoir de ce traité et de ce que doivent être les politiques de l’Union européenne.
Par conséquent, un débat devra avoir lieu sur le contenu de cette notion avec la Commission et nos partenaires de l’Union européenne. La question est de savoir si l’on peut utiliser ces 0,5 % non pas pour échapper à la discipline budgétaire, mais pour créer de nouvelles initiatives de croissance, dans le cadre des grands investissements structurants dont l’Europe a besoin, pour allier à la fois discipline budgétaire et croissance.
Ce traité pose ensuite une autre question : un effet récessif, cumulatif pourrait-il résulter de la juxtaposition dans une même séquence de la réduction de la dette et de celle des déficits ? Cette question mérite effectivement d’être posée et d’être examinée de près.
Si la part de la dette supérieure à 60 %, dont il faut réduire le volume d’un vingtième par an, doit être réduite dans le même temps qu’on doit se conformer aux 0,5 % de déficit structurel, il y a incontestablement un effet cumulatif de la réduction du déficit et de la réduction de la dette. On aurait alors raison de s’interroger sur les conséquences récessives d’un tel effet cumulatif. Or il n’y a pas d’effet cumulatif.
Le traité est très précis sur ce point : il prévoit que la réduction d’un vingtième par an de la part de la dette supérieure à 60 % intervient dans les trois ans qui suivent la sortie du pays de la période de déficit excessif. Il s’écoule donc trois ans entre le moment où la réduction de la dette intervient par vingtième par an et le moment où la période de déficit excessif a cessé, ce qui signifie qu’il n’y a pas d’effet cumulatif.
On peut même aller plus loin. Dès lors qu’on est sorti de la période de déficit excessif, même pendant la période où le déficit se réduit pour que l’on sorte de la période de déficit excessif, il y a mécaniquement un effet de réduction de la dette résultant du fait que l’on rembourse plus que ce que l’on emprunte par l’effet de la réduction du déficit, qui facilite au bout de trois ans la réduction d’un vingtième de la part de la dette supérieure à 60 %. Ce point est important. Il est un peu technique et rébarbatif. Il n’est pas très facilement accessible au grand public. Toutefois, il me paraissait important de vous apporter cette réponse à vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui examinez les textes de près.
Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne est-elle compétente pour s’ériger en juge des comptes des États ? La Cour interviendra, lorsque le traité entrera en vigueur, non pas en tant que juge des comptes publics des États, mais comme juge de la transposition en droit interne du traité. Cela signifie que si le traité n’est pas transposé en droit interne, la Cour de justice de l’Union européenne, éventuellement saisie par un certain nombre d’États membres, pourra engager une procédure rendant obligatoire cette transposition. Ce dispositif est finalement assez peu exorbitant du droit commun communautaire. Il n’est pas dérogatoire. C’est le dispositif qui prévaut pour l’ensemble des transpositions en droit interne des mesures européennes.
Enfin, j’insisterai sur la question de la souveraineté et sur ce que serait la situation en droit interne français si le traité n’était pas ratifié.
Je rappelle d’abord, et je souhaiterais vous en convaincre, qu’une grande partie des dispositions du traité s’appliqueraient même si celui-ci n’était pas adopté. Ce traité reprend en effet en grande partie des dispositions déjà existantes, dont il fait la synthèse. Certains critiquent le traité au motif qu’il porte atteinte à la souveraineté budgétaire des parlements, qu’il établit un dialogue entre la Commission et les parlements, obligeant les États et les parlements, qui votent les budgets, à rendre compte à la Commission des conditions dans lesquelles ces budgets sont élaborés, et qu’il autorise la Commission à pointer devant les parlements un éventuel décalage entre la trajectoire budgétaire que les États se sont engagés à respecter et la réalité de ladite trajectoire. Ce phénomène existe incontestablement. C’est ce qu’on appelle « le semestre européen ».
Le semestre européen est un ensemble de textes de nature budgétaire, auxquels le traité fait référence, dont il fait la synthèse, mais qui s’appliqueraient même si vous ne votiez pas le traité, puisque ces textes sont déjà en vigueur depuis le mois de novembre 2011.
Ce que le traité ajoute à ce dispositif, ce sont les modalités d’intervention précises de la Cour de justice de l’Union européenne et l’obligation de transparence de la règle d’équilibre budgétaire. Seules ces deux dispositions ne figuraient pas dans les textes précédents.
Ensuite, ces règles empêchent-elles la mise en œuvre de politiques keynésiennes ? J’ai déjà abordé cette question tout à l’heure en évoquant les 0,5 % de déficit structurel, mais j’aimerais l’approfondir. Les États sont-ils liés par la discipline budgétaire quel que soit le contexte économique qui prévaut ?
Sur cette dernière question, je vous renvoie tout d’abord à l’alinéa 3 de l’article 3 du traité, qui prévoit que, en cas de choc conjoncturel extrêmement grave, les États peuvent décider de se délier des obligations du traité. Il est donc des circonstances particulières qui peuvent conduire les États, s’il estime que cela se justifie, à se délier des obligations du traité, en raison de l’appréciation qu’ils portent sur la situation économique et financière à laquelle ils sont confrontés.
Ensuite, le traité prévoit que les États membres doivent ramener leur déficit structurel à 0,5 % du PIB « à moyen terme ». Il y a le temps de l’ajustement. Cette règle ne s’appliquera donc pas tel un couperet.
Enfin, le traité précise que les 0,5 %, je le répète, c’est du déficit structurel. Est donc incluse dans le déficit structurel la notion de moyens mobilisés par les États pour faire face à des chocs conjoncturels. En réalité, ce que le traité dit, si on en fait une lecture keynésienne, c’est que le rétablissement des comptes doit être la règle lorsque la croissance est là, et lorsqu’elle n’est pas là, il est possible d’utiliser la notion de déficit structurel pour introduire de la souplesse.
Il est en fait possible de faire une lecture keynésienne de ce traité. Le keynésianisme ne prévoit pas le déficit quelles que soient les circonstances. Keynes nous a enseigné que le déficit est nécessaire lorsque la conjoncture est récessive, mais que, lorsque la croissance est là, il faut faire preuve de rigueur et rétablir les comptes publics. C’est cette différenciation des politiques budgétaires selon le contexte qui donne une dimension contracyclique aux politiques budgétaires et qui permet de faire de ce traité une lecture différente de celle qu’en font certains conservateurs européens.
Ce traité, nous ne l’aurions pas écrit comme cela, nous ne l’aurions pas signé en l’état, mais nous pouvons le lire autrement que ceux qui l’ont écrit s’apprêtaient à le lire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oh là là ! Ça, c’est fort !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très subtil !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je ne dis pas que cela nous donne une marge de manœuvre considérable, je dis simplement que nous disposons d’une petite marge de manœuvre, que nous aurions tort de ne pas utiliser pleinement.
Dès lors, que pouvons-nous faire ? Nous n’avons aucune raison d’entretenir avec ce traité une relation fétichiste. Certains considèrent que ce traité, c’est tout, qu’il ne peut rien y avoir d’autre, qu’il y a ce texte, seulement ce texte, rien que ce texte, la discipline budgétaire pour tout le monde, de façon punitive et pour l’éternité, sans autre perspective. Telle n’est pas notre approche.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jean Desessard. Bravo !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas ce que nous ferons en matière de politique européenne. Ce n’est pas à travers ce prisme que nous voyons le texte qui nous est présenté, d’abord parce que nous avons une plus grande ambition en termes de croissance.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je l’ai dit tout à l’heure, je n’y reviens pas. Ensuite, nous voulons remettre en ordre la finance. Il n’est pas possible de consolider la croissance en Europe et de construire une autre Europe si on ne crée pas les conditions pour rendre impossible demain ce qui a été possible hier, c'est-à-dire les errements de la finance spéculative, devenue démente. Pour cela, il faut de la régulation.
Il nous a été demandé tout à l’heure quel était notre projet pour les mois qui viennent. Je profiterai de ce débat pour l’énoncer clairement : nous voulons aller au bout de l’union bancaire, ce qui signifie des choses extrêmement concrètes, qui sont comme autant de combats à mener autour de la table des Vingt-Sept, pour lesquels nous entendons nous armer, et nous ne céderons rien de ce qui nous paraît essentiel.
L’union bancaire, c’est d’abord la supervision des banques. Nous avons obtenu lors du Conseil européen des 28 et 29 juin que la supervision des banques soit actée. Certains, parmi les Vingt-Sept, ont souhaité que cette supervision soit le préalable à la possibilité pour le Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques. Nous en avons accepté le principe car il fallait bien à un moment donné parvenir à un compromis pour que les mécanismes de solidarité puissent recapitaliser les banques directement, mais aussi pour remettre en ordre la finance.
Toutefois, nous ne sommes pas nécessairement d’accord sur tous les aspects de la mise en œuvre de la supervision bancaire. Pour notre part, nous considérons que la supervision bancaire doit être effectuée par la Banque centrale européenne et qu’elle doit concerner toutes les banques européennes, que doit pouvoir être évoquée devant la BCE la situation de toutes les banques sans exception, qu’elles soient mutualistes, régionalisées ou qu’il s’agisse des banques systémiques. D’autres considèrent que la supervision bancaire devrait ne concerner que les banques systémiques.
Ce combat est devant nous. Nous discutons bien sûr avec nos partenaires, nous trouverons un compromis avec eux. Toutefois, les compromis ne se bâtissent pas dès lors qu’on se désarme, qu’on renonce, ou dans l’ambiguïté. La formule du cardinal de Retz selon laquelle on ne sort de l’ambigüité qu’à son détriment ne s’applique pas à la politique européenne, encore moins à la relation franco-allemande.
M. Jean Bizet. Dont acte ! On le note.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Elle s’applique à tout le reste !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur le sénateur Bizet, une relation franco-allemande féconde et approfondie ne doit pas nécessairement commencer en disant aux Allemands ce qu’ils ont envie d’entendre plutôt que ce que nous avons envie de faire prévaloir, afin de ne pas les contrarier.
Nous préférons en effet commencer par leur dire ce que nous voulons. Ils ne sont pas obligatoirement d’accord avec nous, car notre volonté ne correspond pas nécessairement à la leur. Cependant, la relation franco-allemande n’est jamais aussi dynamique que lorsqu’elle est bâtie sur cette forme de réalité, sur ces vérités que l’on se dit les uns aux autres.
J’ai récemment eu des contacts avec certains grands Européens, qui ont joué un rôle important dans la construction communautaire. Ce que j’y ai appris m’a frappé. J’ai notamment demandé à Valéry Giscard d’Estaing comment il était possible que les relations franco-allemandes aient connu à son époque un véritable âge d’or, durant lequel il était d’accord de manière systématique avec Helmut Schmidt. Sa réponse est restée gravée dans ma mémoire. Il n’était finalement qu’assez rarement d’accord avec Helmut Schmidt. Simplement, les deux dirigeants avaient décidé de ne jamais afficher publiquement leur désaccord. Ce silence officiel les autorisait à se dire bien des choses, qui leur permettaient ensuite de bâtir des compromis à partir desquels leurs positions étaient rendues publiques.
La relation franco-allemande n’est jamais aussi forte que lorsque Français et Allemands se disent clairement ce qu’ils ont à se dire, en acceptant d’avoir des points de vue différents. C’est ce que nous essayons de faire, et c’est peut-être cela qui surprend ! Par le passé – les cinq dernières années l’ont assez montré –, on avait intégré que la force de la relation franco-allemande passait par la nécessité de dire aux Allemands ce qu’ils avaient envie d’entendre, sans même se préoccuper de ce qu’on avait envie de leur dire. Michel Mercier l’a dit tout à l’heure, à juste titre, nous avons voulu rééquilibrer les choses.
Cela nous a d’ailleurs permis d’ouvrir la relation franco-allemande à d’autres partenaires. Cela est bon pour l’Allemagne comme pour la France et l’Europe. Nous souhaitons que la relation entre la France et l’Allemagne s’approfondisse et se conforte dans cet esprit de franchise et d’équilibre.
Nous voulons aller plus loin dans l’union bancaire. J’ai notamment parlé de la supervision des banques. Il faut également mettre en place la résolution des crises bancaires et la garantie des dépôts. La question se pose de savoir si cela est faisable dans le cadre des traités existants. Pour la supervision bancaire, c’est assurément le cas. Certains de nos partenaires considèrent en revanche que la garantie des dépôts et la résolution des crises bancaires appellent un dispositif de mutualisation qui pourrait justifier une modification des traités. C’est un point très concret. S’il faut procéder à des modifications de traité pour aller vers l’union bancaire, c’est-à-dire vers le renforcement de la solidarité bancaire, vers un véritable dispositif de supervision des banques, nous le ferons.
Toutefois, nous ne le ferons que si le renforcement de la solidarité entre les pays européens le justifie.
Un autre point mérite de connaître des avancées : la solidarité monétaire et financière.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. On a beaucoup parlé du FESF, le Fonds européen de stabilité financière, du MES, le Mécanisme européen de stabilité, et de la BCE, la Banque centrale européenne. Je voudrais redire un mot sur ce sujet, et préciser ce que nous souhaitons faire pour l’avenir, puisque vous nous invitez à faire en sorte que ce débat soit prospectif.
Des choses importantes ont eu lieu au Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, qui n’étaient pas envisageables auparavant : intervention du FESF sur le marché secondaire des dettes souveraines pour faire baisser les taux, intervention du MES pour la recapitalisation directe des banques, après la mise en œuvre de la supervision bancaire.
Nous souhaitons aller plus loin, car nous considérons que la véritable solution pour conforter durablement la zone euro réside, à terme, dans la mutualisation complète, jusqu’à la possibilité éventuelle d’un véritable mécanisme de licence bancaire pour les dispositifs de solidarité établis. Que ce ne soit pas envisagé pour l’instant ne signifie pas que cela soit parfaitement inenvisageable.
Nous sommes prêts à avancer dans cette voie de manière pragmatique, par des émissions obligataires de court terme communes, puis par des émissions conjointes, jusqu’à la mise en place d’un fonds de rédemption. Cette dernière idée, qui constituerait un début de mutualisation de la dette, a été présentée par les Sages allemands. Elle devrait rassurer ! Elle pourrait servir de première étape à la mise en place d’un dispositif de solidarité plus ample.
Je voudrais conclure mon intervention sur les perspectives : la croissance, la stabilisation de la finance et le renforcement de l’union politique et monétaire. Beaucoup de choses peuvent se faire dans le cadre des traités existants. Il n’y a pas de raison de ne pas utiliser les outils qui existent, car la résolution de la crise n’attend pas.
Au cours du débat de cet après-midi, la question visant à savoir si nous étions prêts à aller plus loin dans l’union politique a souvent été posée.
M. Jean Desessard. Ah ! Alors, monsieur le ministre ?
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Très souvent, on nous demande si nous sommes prêts à saisir la main que nous tendent nos partenaires. Il faut toujours saisir la main tendue par les partenaires, dès lors que ces derniers sont prêts à saisir la nôtre. Cela fonctionne dans les deux sens. Je n’ai rien contre l’évocation des propositions concrètes faites par nos partenaires si l’on évoque aussi les nôtres !
L’union bancaire, la mise en place d’un dispositif intégré de supervision des banques, est une proposition très concrète, unitaire et européenne. La proposition visant à élaborer un vrai budget pour l’Union européenne, doté de ressources propres, de ressources fiscales, lui permettant de créer les conditions de la croissance, est très concrète et très européenne. Ce serait très porteur pour l’économie et la croissance. La proposition tendant à renforcer la solidarité monétaire et financière jusqu’à la mise en place d’émissions obligataires communes ou de mutualisation de la dette est, elle aussi, très concrète, unitaire et européenne.
Nous sommes donc tout autant européens lorsque nous formulons ces propositions que lorsqu’on nous propose de réaliser un saut politique. Allons-nous accepter ce dernier ? Nous avons déjà répondu cent fois à cette question. J’y répondrai encore ce soir : oui, nous sommes prêts à accepter une évolution politique, mais dès lors que celle-ci permet davantage de solidarité, plus de croissance, une politique industrielle européenne qui fasse sens, et une politique de développement durable garantissant que la croissance de demain ne détruira pas les écosystèmes, comme a pu le faire celle d’hier.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans le cadre des traités existants, nous pouvons d’ores et déjà progresser dans la voie d’une plus grande lisibilité des institutions européennes. Il s’agit tout simplement de créer les conditions pour que, à l’occasion des élections européennes de 2014, les grandes formations politiques européennes fassent une campagne véritablement européenne et présentent leur candidat, dont elles auront dévoilé l’identité, à la présidence de la Commission, le président étant en effet élu par le Parlement européen. Cela permettra d’apporter une vraie lisibilité démocratique au processus électoral et de créer une réelle mobilisation des citoyens autour d’une ambition portée par l’Europe.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, je réponds à votre question et vous dis que des perspectives existent.
Nous sommes également favorables à davantage d’union politique, à condition qu’elle porte un projet. La question institutionnelle, en soi, n’en est pas un. On ne fera pas adhérer à l’Europe les peuples de Grèce, d’Espagne et d’Italie, qui souffrent de l’austérité, en leur proposant comme remède une convention et un référendum. Cela ne marchera pas. Si nous voulons que ces peuples adhèrent de nouveau à l’Europe, il faut apporter des solutions à la crise, qui leur permettent d’échapper à l’austérité. Et s’il faut pour cela, à terme, davantage de lisibilité démocratique, faisons-le ! Mais ne faisons pas du saut institutionnel ou de la réforme institutionnelle un préalable à tout ce dont l’Europe a besoin pour répondre aux urgences de la crise.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Si nous faisons cela, nous désespérerons les peuples encore davantage, nous les éloignerons de l’ambition européenne, nous organiserons leur divorce avec le projet européen. Et quand le temps de la convention et du référendum sera venu, le populisme dans ces pays sera tellement puissant que toute évolution institutionnelle sera impossible, et que l’exercice démocratique de la souveraineté ne pourra se faire. L’Europe même n’existera plus, car elle aura divorcé des peuples qui la composent.
C’est précisément ce que nous voulons éviter. C’est la raison pour laquelle nous sommes extrêmement prudents sur toute démarche consistant à faire de la réforme institutionnelle l’unique horizon de l’Union européenne, alors qu’elle doit être l’instrument d’un projet qui permette la mise en place de politiques sociales et de solidarité, qui témoigne d’une volonté de croissance, et qui organise une politique industrielle et d’innovation. C’est autour d’un projet que l’on fera rêver les peuples d’Europe, et non pas autour d’une convention et d’un référendum, même si y recourir pourrait, à un moment donné, s’avérer nécessaire pour le réussir.
Voilà ce que je voulais vous dire avant que nous ne discutions du TSCG. Vous le voyez, dans notre esprit, le traité est déjà dépassé. C’est un sujet dont nous héritons. Nous l’avons recontextualisé et inscrit dans une autre perspective politique. Nous voulons en faire un usage le moins mauvais possible, au service d’une politique qui soit la meilleure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier soir, la commission des finances s’est prononcée très majoritairement en faveur de l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, le TSCG.
Cela me permet, mes chers collègues, de vous appeler, au nom de la commission des finances, à adopter le projet de loi qui nous est soumis.
Mon propos pourrait s’arrêter là.
M. Richard Yung. Non ! On voudrait vous entendre !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Je sais cependant que le vote en faveur de la ratification du TSCG est exigeant. Je souhaite donc m’étendre un peu plus sur les éléments qui ont emporté ma conviction, que je souhaite vous faire partager.
Pour ma part, j’ai forgé ma conviction après avoir répondu à trois questions.
Premièrement, dans quel contexte politique interviendrait la ratification ?
Deuxièmement, quelle serait la portée des règles qu’on nous demande d’approuver ?
Troisièmement, point non négligeable, quelles seraient les conséquences pour l’Europe, mais avant tout pour la France, d’un rejet du traité ?
La première question porte donc sur le contexte politique dans lequel intervient la ratification.
La crise de la zone euro n’est pas en premier lieu une crise des finances publiques. Elle est la crise d’une zone monétaire qui n’a pas tiré toutes les conséquences du partage d’une devise, et qui a laissé croître, à l’abri de taux d’intérêts bas voire très bas, des déséquilibres macroéconomiques, dont les plus spectaculaires ont été les bulles immobilières en Irlande et en Espagne.
Évidemment, tout le monde le sait, la crise est devenue une crise des finances publiques lorsqu’il est apparu que les États seraient inévitablement appelés à payer la facture de ces déséquilibres.
Dans ces conditions, il y avait quelque chose d’angoissant à assister, jusqu’au printemps 2012, au spectacle de dirigeants européens cherchant à résoudre une crise économique et bancaire sans s’attaquer aux racines du problème et en imposant la rigueur budgétaire aux États sous programme.
Alors que les États ne parvenaient pas à endiguer la crise de plus en aiguë que nous vivions à l’automne 2011, la BCE a pris ses responsabilités en laissant entendre qu’elle pourrait assouplir sa politique monétaire si les États prenaient des engagements en matière de discipline budgétaire.
C’est ainsi qu’est né le TSCG à l’échelon européen. À l’échelle nationale, la présentation qui en était faite par la majorité précédente insistait moins sur le contenu des règles que sur la nécessité de les mettre en œuvre par une révision constitutionnelle.
Mais la donne a aujourd’hui bien changé !
Elle a changé, d’abord, sur le plan politique. Après son élection, François Hollande a immédiatement cherché à traduire l’un de ses principaux engagements de campagne : rééquilibrer la politique européenne, en mettant sur le même plan la nécessaire discipline budgétaire et l’indispensable promotion de la croissance. Cet après-midi, nous avons beaucoup évoqué le pacte pour la croissance et l’emploi. À ce sujet, j’ai eu du mal à comprendre l’argumentation de certains de nos collègues, en particulier celle de l’un d’entre eux, qui parlait de la « supercherie » que serait ce pacte. Monsieur le ministre, vous avez, dans votre réponse, apporté les éléments d’éclairage qui permettent de passer ce type d’appréciation par pertes et profits.
Mais la donne a aussi changé sur le plan juridique. L’aspect du traité sur lequel insistait le plus le gouvernement précédent, pour des raisons, peut-être, de politique intérieure, s’est en effet avéré totalement secondaire. Je veux parler de l’obligation de transposer les règles du traité dans la Constitution, de sorte qu’elles soient juridiquement contraignantes.
Le 20 juin 2012, la Commission européenne a, comme le prévoit le traité, publié son interprétation des textes. Qu’en ressort-il ? Pour l’essentiel, la Commission estime qu’une règle peut être considérée comme contraignante dès lors qu’elle impose aux autorités budgétaires de se justifier de manière détaillée si, d’aventure, celles-ci ne respectent pas leurs obligations. C’est le principe : « se conformer ou s’expliquer ».
Première étape donc avec la Commission européenne, et c’est un éclairage fort utile, la règle n’a pas besoin d’être juridiquement contraignante.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais on pourrait quand même l’inscrire dans la Constitution !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Deuxième étape avec la décision du Conseil constitutionnel français en date du 9 août dernier : il en découle aussi que la règle n’a pas besoin d’être contraignante.
En résumé, on nous propose aujourd’hui de ratifier un traité relatif à la discipline budgétaire qui a été complété par des dispositions relatives à la croissance, qui s’accompagnera peut-être bientôt d’un volet sur la gouvernance, si les États donnent suite à la feuille de route que prépare le président du Conseil européen – vous en avez parlé, monsieur le ministre –, et qui contient une règle n’ayant pas besoin d’être contraignante.
Par conséquent, mes chers collègues, il est aujourd’hui incontestable que la donne a beaucoup évolué depuis le printemps ! (Marques de scepticisme sur les travées de l'UMP.)
J’en viens à ma deuxième question : en quoi consistent les règles du TSCG ?
D’abord, ces règles ne sont pas nouvelles, puisqu’elles figurent sous une forme identique, ou quasi identique dans le pacte de stabilité. Elles nous sont donc déjà applicables.
La règle numéro un, c’est la règle dite de « solde structurel ». Pour la respecter, les États doivent fixer un objectif de moyen terme, ou OMT – il faudra s’y habituer à l’avenir –, qui ne peut pas être supérieur à un déficit de 0,5 point de PIB. Ils doivent aussi préciser la trajectoire de solde structurel qui sera suivie pour atteindre l’objectif. Le gouvernement actuel, à l’instar du précédent, retient l’équilibre structurel comme OMT.
Du point de vue économique, une règle exprimée en solde structurel est évidemment plus intelligente qu’une règle exprimée en solde effectif, puisqu’elle autorise le recours à un déficit conjoncturel pour faire face aux aléas liés au contexte économique, ce qui n’est pas permis par le dispositif actuellement en vigueur. C’est donc un nouvel élément fort utile.
À l’inverse, une règle de déficit effectif, comme la règle des 3 % du volet correctif du pacte de stabilité, obligerait à atteindre l’objectif de solde quelle que soit la conjoncture, donc à prendre des mesures restrictives même avec une croissance déjà faible ou fragile. C’est d’ailleurs la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui. Le dispositif qui s’applique aujourd'hui conduit à ajouter de la crise à la crise. Le système du solde structurel autorise un regard plus intelligent sur cette situation.
Si l’on se projette dans l’avenir, il faut se demander si la règle du TSCG a vocation à rester complémentaire à celle du pacte de stabilité, ou bien si elle porte en germe des évolutions dans la manière dont le pacte est appliqué.
En tout état de cause, et il ne faut pas se le cacher, atteindre l’équilibre structurel est une démarche exigeante ; cela implique de faire des choix importants en matière de périmètre et de contenu des missions des administrations publiques.
Lors de nos débats de cet après-midi, certains collègues s’interrogeaient sur les mesures structurelles qui seraient mises en œuvre dans les prochaines années. Il est clair que le nouveau dispositif permettra d’en adopter.
Mais, à l’inverse, il n’est pas conforme à la vérité d’imputer à la seule règle du solde structurel l’ampleur et les sacrifices qui sont consentis en France depuis trois ans.
Je rappelle les chiffres des efforts que nous réalisons pour revenir à 3 % : ce sont 40 milliards d’euros de réduction du solde structurel en 2013, qui viennent après 24 milliards d’euros en 2012 et 30 milliards d’euros en 2011.
De tels montants doivent être comparés à l’effort minimal qui est imposé chaque année par le TSCG : 0,5 point de PIB. Par conséquent, dans le cas de la France, dès l’instant où nous aurons atteint le seuil de 3 %, l’effort nécessaire pour respecter cet engagement sera au maximum de 10 milliards d’euros par an.
En revanche, il n’est pas faux de dire que nous sommes en train d’organiser le pilotage de nos finances publiques autour d’une notion, convenons-en, assez subjective, celle du solde structurel. De quoi s’agit-il ? C’est une bonne question. Nous savons très bien que les interprétations sont diverses.
Lorsque nous débattrons du projet de loi organique, il faudra nous demander comment limiter les incertitudes sur ce point. On peut considérer qu’il entrera dans les missions de la haute autorité de nous apporter un éclairage à cet égard.
Pour finir sur la présentation de la règle de solde, je voudrais insister sur le fait que le traité laisse une marge d’appréciation aux autorités nationales et que tout ne sera pas automatique.
Je commence justement par le mécanisme de correction dit « automatique ». J’observe que le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 crée un mécanisme permettant de s’écarter de la trajectoire pendant trois années consécutives. On a vu plus rigide !
Je note également que la Commission européenne insiste sur le fait qu’il ne « faut pas porter atteinte aux prérogatives politiques des autorités budgétaires ».
Reste la question des circonstances exceptionnelles, pendant lesquelles il serait possible de s’écarter de la trajectoire. Aucun texte n’en donne une définition précise. Il reviendra au Haut conseil des finances publiques que nous allons créer de forger sa doctrine. Nous débattrons d’ailleurs afin de déterminer quelle marge de manœuvre il faudra lui laisser pour qu’il ne porte pas « atteinte aux prérogatives politiques des autorités budgétaires », selon l’expression de la Commission européenne.
En résumé, la règle de solde structurel est plus souple qu’auparavant et économiquement plus pertinente que la règle de solde effectif du pacte de stabilité.
J’évoque rapidement une deuxième règle, qui figure également déjà dans le pacte de stabilité : la règle de dette. Les États devront réduire d’un vingtième par an l’écart entre leur ratio dette sur PIB et le seuil de 60 %. M. le ministre en a parlé à l’instant ; je serai donc très bref.
Cette règle, on l’a vu, donne lieu dans la presse à beaucoup d’interprétations alarmistes et erronées. Certains y voient l’obligation de dégager des excédents budgétaires pour réduire le stock de dette. Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de réduire le ratio dette sur PIB. Par conséquent, compte tenu de la croissance du PIB, il est possible – cela s’est produit, et même assez fréquemment, dans le passé – que le ratio diminue alors même que le stock de dette continue d’augmenter. Si la France s’en tient à la programmation proposée par le Gouvernement, elle respectera sans peine la règle de dette. Que les choses soient claires sur ce point ! Il faut que les ambiguïtés soient levées. Nous nous sommes expliqués sur le sujet hier en commission des finances, et les précisions figurent dans le rapport.
Au terme du deuxième grand axe de mon intervention, je pense avoir démontré que les règles que nous nous apprêtons à approuver – je rappelle qu’elles existent déjà dans le droit communautaire, sous une version plus rigide – ne plongeront pas l’Europe dans une austérité accentuée. Elles pourraient même contribuer à améliorer sinon la rédaction, du moins la pratique du pacte de stabilité. Je rejoins en cela ce qui a été indiqué par M. le ministre.
J’en viens à ma troisième grande question : que se passerait-il si la France ne ratifiait pas le TSCG ? (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)
D’un point de vue juridique, le traité entrerait en vigueur, mais sans la France. En effet, il suffit que douze États de la zone euro l’aient ratifié pour qu’il s’applique à ces seuls pays. En l’occurrence, le chiffre des douze États est déjà atteint.
D’un point de vue politique, la France perdrait beaucoup de sa crédibilité. En effet, comme nous le savons, la BCE s’est engagée dans une politique de soutien aux États sur le fondement d’engagements clairs de ces derniers à mettre de l’ordre dans leurs finances publiques. Le rejet du traité par la France romprait le fragile équilibre ainsi trouvé.
Surtout, nos partenaires, qui ont accepté d’échafauder avant l’été le « pacte de croissance et d’emploi », à la demande insistante de la France notamment, afin d’équilibrer discipline budgétaire et politique de croissance, se sentiraient floués si l’un des deux piliers était aujourd’hui démoli.
Enfin, d’un point de vue économique, il est craindre qu’un rejet par la France d’un traité contenant des règles plus souples que celles du pacte de stabilité ne soit perçu de l’extérieur comme le refus de toute discipline budgétaire.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ne vous inquiétez pas ! Au Sénat, la droite est là !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Alors que depuis quatre mois le Président de la République et le Gouvernement sont parvenus à arrimer la dette française aux valeurs refuges pour les investisseurs – je parle des valeurs refuges pouvant bénéficier de taux particulièrement avantageux, par rapport aux valeurs exposées, notamment celles des États du sud –, un rejet du traité pourrait conduire à une augmentation autoréalisatrice des taux, comme cela a été le cas en Espagne et en Italie.
J’insiste sur ce point. Mes chers collègues, comme vous le constaterez lorsque nous examinerons le projet de loi de finances, le coût de la charge de notre dette sera encore plus faible en 2013 qu’en 2012. Je n’ai pas dit qu’il serait peu important ; j’ai dit qu’il serait plus faible. Il s’agit évidemment de montants très élevés, qui se chiffrent en dizaines de milliards d’euros. Mais le coût sera plus faible en 2013 qu’en 2012, compte tenu des taux qui sont actuellement en vigueur pour la France.
Un retournement de nos conditions de financement pourrait nous conduire à devoir dégager des économies massives ailleurs. Cela aurait des conséquences sur notre modèle social, qu’il faut pourtant à tout prix préserver.
Au niveau européen, une menace sur la deuxième économie de la zone euro ferait peser, cela va sans dire, un risque inédit sur la monnaie unique.
Et pour la France, les choses se présenteraient encore plus mal que pour l’Italie et l’Espagne, puisque, en ayant rejeté le TSCG, elle aurait rendu plus difficile l’accès à l’aide du Mécanisme européen de stabilité et de la Banque centrale européenne.
Juridiquement, la ratification du TSCG n’est pas une condition pour bénéficier des aides du MES. Compte tenu des conséquences que la chute de la France provoquerait sur l’ensemble de la zone, il est même évident que le MES interviendrait. Toutefois les négociations pour parvenir à réunir les votes d’États représentant 85 % du capital seraient probablement longues et âpres. Et la France risquerait de tendre la main pendant longtemps avant de pouvoir bénéficier d’un dispositif de secours.
En tout état de cause, les aides du MES et de la BCE sont soumises à conditionnalité, et les conditions qui seraient imposées à la France dans ce cadre seraient à l’évidence nettement plus strictes que celles qui résulteraient de la mise en œuvre du TSCG.
Sans sombrer dans le chauvinisme, on peut dire que l’action du Gouvernement et du Président de la République contribue à améliorer le fonctionnement de la zone euro. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP. – Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Il faut absolument continuer de corriger un dispositif qui conduit les investisseurs à juger que, pour beaucoup d’États, l’appartenance à la zone euro est un risque devant être rémunéré par des taux d’intérêt élevés.
Le processus sera long, mais la clé de son succès et la garantie qu’il continue d’avancer résident dans la crédibilité des politiques budgétaires conduites par les États suspectés d’accepter les disciplines plus par obligation que par conviction.
Autrement dit, le dialogue franco-allemand s’est rééquilibré depuis le 6 mai. (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous cherchez à réécrire l’histoire !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, les débats que nous avons eus cet après-midi ont clairement démontré, me semble-t-il, la réalité et les avantages de cette réorientation. (Nouveaux rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est la méthode Coué !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Il y a aujourd'hui un changement de la donne en Europe. Mes chers collègues, ne fragilisons pas notre position en rejetant un traité que nous serons de toute façon contraints d’appliquer, en pratique sinon en droit.
M. Jean-Claude Lenoir. Il faut le dire à vos alliés !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D’ailleurs, il ne s’adresse qu’à eux !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Pour l’ensemble de ces raisons, et en particulier parce qu’il faut à tout prix préserver notre modèle social, donc notre solvabilité, je vous invite à adopter le présent projet de loi d’autorisation de ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien ! Nous allons entendre un son différent !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Passons aux choses sérieuses !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre délégué, vous avez brossé un vaste panorama. Pour ma part, je m’efforcerai de parler du texte…
J’arriverai, vous le savez, à la même conclusion que le rapporteur général, mais je ne ferai pas de ce texte exactement la même lecture que lui !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tant mieux !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je rappelle, au risque de vous mécontenter, que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire est rigoureusement identique à celui qui a été négocié et finalisé en début d’année par la précédente majorité sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
Au-delà de la mise en œuvre de la règle d’équilibre du solde structurel, ce traité institutionnalise, dans son article 12, les sommets de la zone euro, dont Nicolas Sarkozy avait pris l’initiative pendant la présidence française, en 2008.
Certes, quand on appartient à la majorité, je le comprends, on peut être tenté de faire l’éloge de l’immédiat. Néanmoins, en pareille matière, il semblerait équitable de tenir compte de la continuité des efforts. Ce traité, tel qu’il est et tel qu’il sera pratiqué, n’exprime-t-il pas le positionnement constant de la France dans ses relations avec ses partenaires européens, notamment allemands ?
M. Jean-Pierre Caffet. Ça se discute !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Dans son article 13, le traité prévoit la mise en place d’une conférence du Parlement européen et des parlements nationaux dans le domaine de la politique budgétaire. C’est une inflexion encore timide, mais elle va dans le sens d’une meilleure association des parlements nationaux, thème sur lequel nous pourrons tous nous retrouver sans difficulté.
Surtout, ce traité est le gage du sérieux et de la crédibilité des États signataires, de leur volonté de respecter leurs engagements. Or c’est bien le sujet : l’Europe a besoin de la confiance de l’extérieur. Nous n’étions pas si sûrs, il y a quelques mois, de la pérennité de la zone euro. C’est donc bien en termes de confiance que la question de la pérennité de l’euro s’est posée.
Reconnaissons que, dans le passé, divers gouvernements, de diverses orientations politiques, ont affirmé à Bruxelles l’opportunité du moment, sans souci de la vérité, sans souci de tenir les engagements pris. Une telle attitude n’est plus possible. L’objet de ce texte est d’éviter le retour de pratiques aussi déplorables.
La majorité sénatoriale, comme le Gouvernement, développe des argumentaires très complexes pour mieux enrober le changement que l’exercice du pouvoir induit tout à fait naturellement.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est vrai !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Néanmoins, je suis inquiet à la lecture de certains commentaires, à commencer par ceux du Premier ministre. Je pense, par exemple, à l’insistance avec laquelle on nous affirme que ce traité est plus souple que le traité de Maastricht en raison de l’existence de marges de manœuvre plus importantes. N’est-ce pas la tentation de reprendre les pratiques du passé qui point ? Ne cherche-t-on pas à parler européen à Bruxelles et français à Paris ?
M. Jean Bizet. Exactement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est ce que les gouvernements successifs ont fait pendant tant et tant d’années,…
M. Jean-Pierre Caffet. Notamment le dernier gouvernement !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … et c’est ce qui mine la confiance.
Seuls deux programmes de stabilité, ceux des deux dernières années, ont été au rendez-vous de la réalité. Tous les autres, depuis l’époque où l’on a commencé à se doter de programmes de stabilité – Laurent Fabius était alors ministre de l’économie et des finances –, étaient en décalage systématique et volontaire avec la réalité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Voilà qui est bien dit !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En n’imposant pas de révision de la Constitution, le Conseil constitutionnel a jugé que la traduction en droit interne des contraintes découlant du traité pouvait figurer au sein d’une loi organique.
Le souverainiste que je suis, à l’instar de mon ami Bruno Retailleau, ne peut que s’en réjouir. Les contraintes qu’il faut accepter de gérer, le sérieux dont il faut faire preuve, la confiance qu’il faut susciter, ne peuvent procéder, mes chers collègues, que de notre propre volonté, et donc de l’exercice de la souveraineté nationale.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Encore faut-il éviter de laisser entendre à l’intérieur – aux partenaires sociaux, à certaines forces sociales, à ses électeurs, à ses meilleurs amis – que tout cela n’est, finalement, qu’une contrainte assez formelle, et à la vérité fort souple, que l’on aménagera très bien. Monsieur le ministre délégué, ce ne serait pas la vérité, et, surtout, le réveil pourrait être assez douloureux.
J’observe que l’article 8 du traité permet à la Commission européenne et aux États cocontractants – François Marc l’a rappelé très justement – de saisir la Cour de justice de l’Union européenne s’il apparaît qu’un État signataire n’a pas respecté ses obligations.
Au demeurant, la nouvelle règle du solde structurel, qui est en effet plus intelligente que celle du solde nominal, présente une particularité, celle d’être supranationale : la notion doit être la même pour tous, si la zone euro a un sens.
M. Jean-Pierre Caffet. Ça vaut mieux !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il faut bien qu’il y ait un étalon de mesure ; c’est à la Commission qu’il sera installé. Dès lors, chaque État présentera ses prévisions, son chemin de convergence vers l’objectif à moyen terme et devra l’atteindre exactement dans les mêmes conditions et en suivant la même méthodologie. D’où l’importance des comités budgétaires indépendants. Le nôtre s’appellera, selon le projet de loi organique, le « Haut Conseil des finances publiques ».
Certes, le concept de solde structurel se substituera à l’obligation nominale de 3 %, lorsque nous y aurons satisfait, mais j’observe qu’il se substituera aussi au principe de l’effort structurel, qui figurait dans la proposition de révision constitutionnelle de juillet 2011.
Sur un plan technique, le concept d’effort structurel est, monsieur le ministre délégué, moins contraignant que celui de solde structurel, et ce en raison de la détermination des dépenses par rapport au produit intérieur brut potentiel. On peut toujours espérer jouer sur les hypothèses de croissance pour sous-calibrer l’effort à réaliser si l’on raisonne en termes d’effort structurel.
M. Jean-Pierre Caffet. Ah oui ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’année dernière, les socialistes en particulier, la majorité d’aujourd’hui, n’avaient pas voulu s’associer à la proposition de révision constitutionnelle. Paradoxalement – et on voit combien cette matière est compliquée –, vous nous conviez aujourd’hui, après que le TSCG eut obtenu l’accord des gouvernements, à souscrire à une notion qui est plus contraignante et plus rigide que celle qui figurait dans la proposition de révision constitutionnelle préconisée par le Président Nicolas Sarkozy.
Chacun doit gérer ses contradictions. Dans la mesure où l’histoire ne progresse que grâce à elles, je ne vous en ferai pas le reproche.
Pour achever mon propos, je souhaite aborder l’article 3 du traité. Il prévoit que le déficit structurel ne peut être « inférieur » à 0,5 % du PIB, ce qui est manifestement une erreur de transcription, erreur d’ailleurs assez étrange pour un texte de cette importance ; il faut bien sûr comprendre « supérieur », comme cela est déjà le cas dans le volet préventif du pacte de stabilité.
L’article 3 prévoit surtout qu’il n’est possible de s’écarter temporairement de l’objectif à moyen terme ou de la trajectoire d’ajustement qu’en cas de « circonstances exceptionnelles ». Il faudra que les pairs au sein de la zone euro interprètent cette notion de « circonstances exceptionnelles ».
Toujours aux termes de l’article 3, il est prévu qu’un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l’objectif de moyen terme ou à la trajectoire d’ajustement.
Enfin, l’article 3 prévoit la création d’institutions indépendantes chargées, à l’échelon national, de vérifier le respect des règles.
Le cadre est donc bien à la fois clair et précis. Ce n’est pas de la littérature. Une jurisprudence se mettra en place au fil des lois de finances, lois de financement de la sécurité sociale et, je l’espère, lois de finances rectificatives. Cette jurisprudence permettra d’inspirer confiance, car notre pays a un bien mauvais historique en matière de finances publiques, de concrétisation des prévisions et de taux de croissance, manifestement très volontaristes par rapport à la réalité de l’économie.
Cette jurisprudence permettra à notre pays, je l’espère, de bénéficier de la confiance et d’en faire profiter la zone euro, dans le cadre de la solidarité ainsi établie. Pour autant, tout cela n’ira pas de soi et nécessitera des efforts, donc des réformes.
Monsieur le ministre délégué, cela n’a rien de punitif. Au contraire, les réformes seront l’un des leviers de la croissance, qui ne peut être uniquement recherchée dans les ressources d’un keynésianisme ne disposant plus de marges de manœuvre ou du moins qui ne les aurait reconstituées que le jour où nous serions vraiment guéris et où nous serions parvenus aux 3 %.
Monsieur le ministre délégué, nous serons très attentifs. Nous voterons, bien sûr, le traité. Néanmoins, ce dernier appelle des mesures d’application et une loi organique. En ce qui me concerne, pour avoir suivi ces sujets depuis, hélas ! trop d’années, je jugerai l’effectivité et la crédibilité du dispositif à l’aune de ce qui figurera réellement dans la loi organique, en particulier en fonction de l’indépendance et des compétences réelles du Haut Conseil des finances publiques, véritable clé de voûte pour l’interprétation qu’il faudra donner à tous ces principes et concepts nouveaux sur lesquels se fonde le nouvel accord européen.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Pierre-Yves Collombat. Bureaucratie !
M. Jean-Pierre Chevènement. Trop technocratique ! Les technocrates au pouvoir !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le ministre délégué, quand on recherche les voix des uns et des autres, il faut accepter d’écouter les différents arguments et d’en tenir compte. C’est le principe de concertation dont vous nous parlez assez souvent, d’ailleurs.
En ce qui concerne la loi organique, vous pourriez arithmétiquement vous passer de nos votes.
M. Jean-Claude Lenoir. Pas au Sénat !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En effet, cher collègue, pas au Sénat !
Il serait préférable, pour la République, pour l’intérêt général, que, sur un tel sujet fondateur, qui ne relève pas de la petite tactique de conseil général (Oh ! sur les travées du groupe socialiste.)…
Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais si nous adorons les conseils généraux, qui font des choses admirables, nous savons aussi, les uns et les autres, faire de la tactique, c’est notre métier, n’est-ce pas ? (Ah bon ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) Ici, il s’agit d’autre chose.
M. Jean-Claude Lenoir. C’est sûr !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je conclurai en disant que nous avons vraiment intérêt à travailler tous ensemble à la mise en œuvre du TSCG, par le levier de la loi organique. Ce serait à l’honneur de notre République,…
M. Jean-Claude Lenoir. Ce serait bien inspiré !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … à l’honneur de la zone euro. Nous serions gagnants, les uns et les autres, à nous écouter davantage, pour définir ensemble les règles du jeu de demain et d’après-demain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Lenoir. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères.
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je vais vous indiquer de manière simple les raisons qui conduisent la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat à vous inviter à autoriser la ratification de ce traité.
Lorsque nous avions discuté, en février 2012, du Mécanisme européen de stabilité, l’austérité était le seul et unique horizon, l’alpha et l’oméga de la politique. Depuis, la réorientation de la politique européenne, dont nous avons débattu cet après-midi, ici même, a créé un nouvel équilibre, reposant, aujourd’hui, sur trois piliers simples : la responsabilité budgétaire, la solidarité européenne et la légitimité démocratique.
Le premier pilier est la responsabilité budgétaire, point qui a été parfaitement développé par les orateurs de la commission des finances. Le Premier ministre a rappelé, cet après-midi, que le nécessaire assainissement budgétaire résulte non pas du TSCG ou d’une quelconque contrainte imposée de l’extérieur, mais d’abord de l’engagement du Président de la République de redresser notre pays, dès lors que cet effort va de pair avec une politique européenne de croissance. Il a été élu pour cela.
Des budgets en équilibre, mes chers collègues, que faisons-nous d’autre dans nos collectivités territoriales, et depuis des années ? Nous ne découvrons pas non plus aujourd’hui les fameux 3 % du traité de Maastricht, nécessaires pour la qualification dans l’euro et qui paraissaient si difficiles à atteindre en 1996 et en 1997.
Le sérieux budgétaire ne nous est donc pas imposé par ce traité ; il n’est pas nouveau !
L’assainissement budgétaire est simplement une obligation que nous nous devons à nous-mêmes, sous peine d’être condamnés à l’impuissance et soumis à des taux insupportables par les marchés, qui ruineraient tous nos efforts de redressement.
Comment financer nos priorités en faveur de l’éducation, de l’emploi, de l’innovation, avec un poids de la dette qui fait des intérêts le premier poste du budget de la nation ? Il faut retrouver des marges de manœuvre pour l’action politique et pour pouvoir exercer nos grands choix de société.
Le traité, voulu par l’Allemagne pour apaiser les marchés, à vocation essentiellement disciplinaire à l’origine, ne nous est pas devenu subitement « sympathique ». Pour autant, son examen détaillé montre qu’en lui-même il n’impose guère de contraintes supplémentaires au droit communautaire en usage, ainsi que vous l’avez indiqué tout à l’heure. Pour sa transposition juridique dans chaque État, sa rédaction laisse une grande liberté. De même, en matière de politique économique et budgétaire, la référence à un objectif de déficit structurel laisse, en fait, des marges de manœuvre significatives.
Le deuxième pilier est la solidarité européenne. Dès le lendemain de son élection, le Président de la République s’est attaqué au rééquilibrage de la politique européenne par des mesures fortes en faveur de la croissance, de l’emploi et de la stabilité financière. Le 23 mai 2012, les chefs d’État ou de gouvernement ont décidé que le sommet du mois de juin suivant serait consacré à la relance de la croissance et de l’emploi. Dès la fin du mois de juin, la France a obtenu l’adoption du pacte pour la croissance et l’emploi.
C’est bien notre pays qui a replacé la croissance au cœur du projet européen et ce pacte a créé un état d’esprit nouveau en Europe. Or le TSCG n’est pas séparable de ce pacte. Chacun connaît ses trois avancées majeures, que M. le ministre délégué a rappelées cet après-midi : soutien à la croissance et à l’investissement pour 120 milliards d’euros ; mise en œuvre rapide d’une union bancaire dans la zone euro pour garantir la stabilité du secteur financier et protéger les contribuables et les épargnants ; lancement d’une taxe européenne sur les transactions financières dans le cadre d’une coopération renforcée.
Le nouveau système de supervision bancaire, impliquant la Banque centrale européenne, devrait permettre la recapitalisation directe des banques en difficulté. Avec ce mécanisme, l’union bancaire européenne est en marche. La force de frappe de la Banque centrale européenne a été, à l’évidence, augmentée.
Toutes ces mesures, nous les attendions, les uns et les autres depuis longtemps, mais surtout les banques. Nous les avions réclamées. Elles sont désormais des acquis qui vont nous aider à relancer l’économie européenne et donc à lutter contre le chômage.
Rien n’a changé, mais, en fait, tout a changé !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. Le présent traité s’inscrit dans un paysage totalement renouvelé.
La légitimité démocratique, enfin, constitue le troisième pilier. Je constate souvent avec tristesse le gouffre qui s’est creusé entre l’Europe et ses citoyens.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est vrai !
M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères. Je suis convaincu que c’est notamment par le renforcement du contrôle démocratique de l’Union que nous lui redonnerons toute sa légitimité.
Je m’inscris en faux contre l’idée selon laquelle notre souveraineté budgétaire nationale serait atteinte par ce traité. Le Conseil constitutionnel l’a clairement établi dans sa décision : le texte, en particulier le fameux mécanisme de correction automatique de l’article 3, ne procède pas, en lui-même, à des « transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire » supplémentaires par rapport à nos engagements européens antérieurs. Il reviendra au Parlement d’organiser ce mécanisme de correction dans le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques.
Ne nous y trompons pas : c’est la dette qui menace notre souveraineté, pas le traité ! Pour autant, il me paraît urgent de permettre un meilleur contrôle démocratique de la gouvernance de l’eurozone.
Qui peut dire aujourd’hui précisément quelle est la place des parlements nationaux dans cette gouvernance ? Or quel est l’enjeu ? Il n’est pas technique, il est éminemment politique : il ne s’agit pas moins que d’engager, à l’échelle européenne, une autre politique économique, une politique d’investissement, de croissance et d’emploi, pour permettre à l’Europe de sortir de la crise. Ces choix de société doivent être publiquement débattus et démocratiquement assumés. Ils ne peuvent être confisqués par un cénacle d’experts.
Dès lors, permettez-moi d’insister sur un point dont on ne mesure pas assez l’importance : il s’agit de l’article 13 du traité, lequel prévoit qu’une conférence interparlementaire sera mise en place, réunissant des représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux. Cet article offre une occasion nouvelle à ces derniers d’accéder à un espace qui leur était, jusqu’alors, quasi interdit, celui des discussions et réflexions préalables à l’élaboration des politiques économiques et budgétaires.
Le Sénat, d’ailleurs, avait défini, dès le mois de mars 2012, dans une résolution déposée par le président Sutour, la forme que pourrait prendre ce dialogue. Nous avions souhaité une composition large de la conférence interparlementaire, un pouvoir réellement délibérant et une insertion effective dans la chaîne décisionnelle budgétaire européenne. L’Assemblée nationale a adopté, quant à elle, une résolution très proche, sur l’initiative de nos collègues députés Christophe Caresche et Élisabeth Guigou. Les propositions sont sur la table et il faut aller de l’avant. Des amendements au projet de loi organique ont d’ailleurs été déposés en ce sens à l’Assemblée nationale.
Cette construction empirique est-elle parfaite ? Sans doute pas, mais, finalement, l’intégration économique, puis monétaire, appelle, presque naturellement, de proche en proche, l’intégration budgétaire et politique.
Au fond, l’alternative est simple : ne pas ratifier le traité, c’est enliser durablement l’Europe dans le blocage politique et couper tout élan ; le ratifier, c’est donner au Président de la République la possibilité de poursuivre le travail entamé pour réorienter l’Europe en faveur de la croissance et de l’emploi.
Or il reste beaucoup à faire : quels instruments de solidarité doit-on mettre en place ? Quel degré de mutualisation des dettes peut-on accepter ? Quelle harmonisation fiscale, quelle convergence sociale et environnementale sont-elles à envisager ? Toutes ces questions ont déjà été évoquées cet après-midi lors du débat sur les perspectives européennes.
Quelle politique de l’énergie devons-nous promouvoir ? Quelle politique industrielle faut-il engager ? Quels grands projets sont-ils à imaginer, demain, pour soutenir la croissance en Europe et quels successeurs peut-on trouver à Airbus et Ariane ? Naturellement, le moment est venu pour la France d’avancer ses propres idées, car l’Allemagne ne peut être seule à proposer des solutions. En tout cas, je suis certain, et j’exprime ici également la position de la commission des affaires étrangères, que la France est plus grande et plus forte dans l’Europe ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le TSCG est un traité mal né. Il est apparu, au départ, comme une exigence d’un seul pays, l’Allemagne, qui en faisait une condition du Mécanisme européen de stabilité. La Grande-Bretagne a voulu en profiter pour négocier un statut dérogatoire pour ses banques : ce marchandage ayant été à bon droit refusé, nous avons un traité à vingt-cinq, puisque la République tchèque a rallié la position britannique.
Vingt-cinq signataires, ce n’est pas toute l’Union, mais c’est bien plus que la zone euro, qui est la principale intéressée. Nous avons là une situation intermédiaire un peu étrange.
Ensuite, le TSCG est devenu le symbole des politiques de rigueur en Europe, auxquelles il semblait promettre une longue postérité. Il n’avait donc rien pour susciter l’enthousiasme !
En réalité, si nous voulons prendre la juste mesure de ce traité, il faut le considérer, cela a été dit par d’autres, comme une partie d’un tout. Il y a la rigueur budgétaire que prévoit le TSCG ; il y a la solidarité financière qu’organise le Mécanisme européen de stabilité, qui est, lui aussi, un traité ; il y a, enfin, ce que fait l’Union pour encourager la croissance. Ce dernier volet était l’élément manquant, ou du moins l’élément beaucoup trop faible. C’est pourquoi nous avons parlé de renégociation.
L’objectif était d’atteindre un meilleur équilibre entre les trois volets : rigueur, solidarité financière et soutien à la croissance. François Hollande l’a obtenu, et c’est ce que nous devrions considérer, plutôt que de faire un vain procès sur un mot.
Faut-il considérer le nouveau traité comme un carcan, ainsi qu’il est parfois présenté ?
Là encore, évitons de nous focaliser sur les mots. Le terme de « règle d’or » est un repoussoir pour ceux qui voient déjà l’Europe revenir aux conceptions de l’Angleterre victorienne ; d’autres, au contraire, ont tendance à donner à cette fameuse « règle d’or » des vertus thérapeutiques presque sans limites.
En réalité, la discipline que prévoit le TSCG porte sur le déficit structurel, dans le cadre d’une trajectoire de moyen terme. Ce n’est pas une règle mécanique qui ignorerait les fluctuations économiques et les évolutions tendancielles. Les règles mécaniques sont plutôt celles que nous avons aujourd’hui – 3 % de déficit et 60 % de dette – et qui ont été introduites par le traité de Maastricht voilà vingt ans.
Si, en 2013, nous devons revenir sous ce seuil de 3 %, c’est bien en application des règles actuelles, j’y insiste, et non pas en vertu d’un traité qui n’est pas encore en vigueur. Finalement, en se concentrant sur le déficit structurel et en adoptant une approche de moyen terme, le TSCG retient une conception bien moins mécanique de la lutte contre les déficits excessifs.
Je n’ignore pas les dangers des politiques de rigueur et je ne suis pas de ceux qui pensent qu’une fois les déficits excessifs supprimés tous les problèmes, ou presque, seront derrière nous. Mais, aujourd’hui, l’exigence d’un assainissement est bien là. Elle s’imposerait même sans les traités, anciens et nouveaux, car un État dont la dette approche 90 % de son PIB, surtout lorsque celle-ci est détenue en large partie par des non-résidents, ne peut manquer d’être sanctionné par les marchés s’il ne corrige pas sa trajectoire.
M. Jean Bizet. Exact !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Merci, mon cher collègue !
Une envolée des taux d’intérêt ferait peser sur notre budget, en pure perte, une contrainte bien plus forte que celle que nous sommes en train de nous imposer.
Le TSCG s’inscrit dans une évolution déjà largement entamée avec l’adoption, en novembre 2011, de l’ensemble de règlements communément désigné comme le « Six-pack », qui a réformé le pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 et a déjà été modifié, une première fois, en 2005. C’est un dossier que connaît bien notre collègue Richard Yung.
Bien sûr, le traité apporte des éléments supplémentaires, sans quoi nous ne serions évidemment pas là aujourd’hui, mais faut-il pour autant y voir une évolution majeure ?
Pour avoir une vue aussi objective que possible de la portée du nouveau traité, j’ai regardé l’analyse qu’en avaient faite les deux juridictions constitutionnelles française et allemande, puisque toutes deux avaient été saisies.
Les contextes juridiques étant différents dans ces pays et les méthodes des juridictions également, il est d’autant plus intéressant de constater que, dans les deux cas, les décisions conduisent à considérer que les éléments nouveaux apportés par le traité ne doivent pas être surestimés.
Le Conseil constitutionnel a une jurisprudence bien établie selon laquelle une révision de la Constitution est nécessaire avant toute ratification d’un traité, dès lors que celui-ci met en cause « les conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
Dans sa décision du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel souligne que, pour l’essentiel, le TSCG reprend, en les renforçant, des règles qui existent déjà : les règles concernant le déficit et la dette figurent dans les traités, et le Six-pack, adopté sur la base des traités, limite d’ores et déjà à 1 % le déficit « structurel » sur le moyen terme. Le TSCG abaisse cette limite en la faisant passer de 1 % à 0,5 %, une fois que l’équilibre est rétabli.
Ce n’est pas un nouveau transfert de compétences, ni, évidemment, une modification substantielle des conditions de la participation de la France à l’Union. Le Conseil constitutionnel en conclut qu’il n’est pas porté atteinte aux « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
La Cour constitutionnelle allemande, selon une approche convergente, n’a émis aucune réserve concernant la ratification du TSCG. Dans sa décision, elle conclut que le traité n’appelle pas de modification de la loi fondamentale allemande et souligne qu’il renforce, pour l’essentiel, des règles existantes, sans introduire de changement majeur.
On le voit, l’importance du nouveau traité ne doit pas être exagérée. Elle se situe plus dans la forme que dans le fond. Les gouvernements ont voulu donner la solennité d’un traité à une discipline budgétaire qui s’imposait déjà, en grande partie, dans le cadre des textes existants. Le traité introduit, certes, des contraintes supplémentaires, mais il ne constitue pas, et de loin, un bouleversement. N’imaginons pas que, sans lui, nous serions délivrés de l’obligation d’assainir nos finances publiques. Mais c’est une évidence !
Le TSCG, en lui-même, n’est pas uniquement synonyme d’austérité, au contraire. Dans son article 9, les États signataires sont invités explicitement à « œuvrer conjointement à une politique économique qui favorise le bon fonctionnement de l’Union économique et monétaire et qui promeut la croissance économique grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité ». Encore fallait-il que le principe d’une action conjointe au service de la croissance ait un début de concrétisation, ce qui a maintenant été obtenu et doit, à mon avis, lever les dernières réticences.
Je voudrais conclure en soulignant que l’article 13 du traité donne une base à un contrôle interparlementaire sur la coordination des politiques économiques et budgétaires, en prévoyant la mise en place d’une instance spécifique. J’en ai souligné la nécessité lors du précédent débat, comme d’autres de mes collègues ; je n’y reviens pas.
Là également, la manière dont tout cela est mis en œuvre sera primordiale : elle devra être rapide et permettre un véritable dialogue politique avec les institutions européennes, ce qui n’est pas toujours le plus facile.
Aujourd’hui, la question n’est pas de savoir s’il faut être pour ou contre la discipline budgétaire. Cette discipline est incontournable et nos concitoyens le savent. Le débat porte sur l’accompagnement et les contreparties de la discipline, ainsi que sur la manière dont les États membres doivent coordonner leurs politiques. Les décisions prises ne pourront être pleinement légitimes sans la participation des parlements nationaux à ce débat.
Finalement, on regrette que ce vers de Racine ait tant servi, car, s’il y a un traité qui ne mérite « ni cet excès d’honneur ni cette indignité », c’est bien celui-là ! Le TSCG n’est pas un tournant de la construction européenne. Il est un aspect, et seulement un aspect, de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Quand on considère ce seul aspect isolément, on va forcément le juger incomplet et insuffisant, voire même, pour certains, dangereux.
Mais, si on le replace dans son contexte, qui a évolué, et si on l’appréhende comme un élément d’un ensemble, on voit bien qu’il fait partie d’un équilibre et que son approbation est nécessaire pour que les autres facteurs de cet équilibre soient préservés.
C’est dans cet esprit, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, que, pour ma part, j’apporterai mon total soutien au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la crise financière qui a pris naissance aux États-Unis avant de déferler sur le monde a révélé la fragilité de l’Union économique européenne. Celle-ci a deux causes principales. D’une part, l’Union est en cours de création. Elle n’a notamment bâti qu’un seul des deux piliers s’agissant de sa monnaie. D’autre part, nous sommes très endettés.
Le traité sur lequel nous devons nous prononcer est fait pour éviter qu’à l’avenir nous ne retombions dans les mêmes erreurs, les mêmes dissimulations, tout autant que pour accomplir un pas de plus vers l’intégration.
Il est à mon sens quelque peu regrettable que l’essentiel du débat se soit situé à un niveau franco-français, au parfum partisan.
Le TSCG, que l’on nous demande de ratifier, n’est ni celui de M. Sarkozy, ni celui de M. Hollande, ni celui de Mme Merkel. C’est le traité signé par vingt-cinq gouvernements de l’Union européenne.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. Parmi ceux qui vont le rejeter, il y a les nationalistes, qui surfent sur la montée des populismes due aux profonds bouleversements dont notre planète est le théâtre depuis la fin du monde bipolaire.
Il y a aussi ceux, qui, au nom de la lutte contre l’austérité et la condamnation du capitalisme, le plus mauvais des systèmes après tous les autres,…
M. Guy Fischer. Ah !
M. Pierre Bernard-Reymond. … en finissent par faire l’éloge de la dette.
Aux premiers, je dirais ceci : au siècle de la mondialisation, si nous ne sommes pas unis dans une communauté de nations à visée fédérale, les pays émergents, en train de devenir « submergents », nous avaleront les uns après les autres, nous reléguant au rang de spectateurs de la scène mondiale. C’est en étant davantage Européens que nous resterons souverains.
Aux seconds, voici ce que je dirais : tout le monde est, a été ou sera keynésien, mais la relance d’une économie est d’autant plus opportune, d’autant plus facile et moins risquée qu’elle s’applique à un pays qui a profité des années de vaches grasses pour se désendetter. Ce n’est pas le cas, hélas ! de la plupart des États d’Europe.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Pierre Bernard-Reymond. Nous sommes donc placés dans une situation extrêmement délicate, cheminant sur un sentier très étroit, qui nous impose absolument de diminuer notre dette par des réductions de dépenses, mais aussi par de profondes réformes de structure, tout en restant conscients du fait que la croissance permet de rembourser précisément une partie de cette dette.
Il y a, d’ailleurs, un niveau où agir sur la relance serait plus pertinent que de le faire dans chacun des États, c’est celui du budget européen, puisque l’Europe, en tant que telle, n’est pas endettée. Pour que ce raisonnement soit valable, il faudrait que le budget européen soit alimenté par des ressources propres,…
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Pierre Bernard-Reymond. … non par des cotisations des États. Qu’attend-on pour faire passer, en sept ans, dans le budget européen, les ressources propres de 14 % à au moins 60 %, comme ce fut le cas à l’origine ? L’Union aurait alors les capacités d’emprunt que nos États pris isolément ne peuvent plus avoir en raison de leur endettement respectif.
Une autre raison de ratifier le TSCG réside dans le fait qu’il est plus sophistiqué que ses prédécesseurs : la définition du déficit structurel, l’instauration d’institutions indépendantes au niveau national pour exercer des fonctions de surveillance, la possibilité d’y déroger en cas de circonstances exceptionnelles, la faculté de renoncer à des sanctions contre un État par des majorités qualifiées inversées, sont quelques-unes des modalités qui prouvent que les rédacteurs du traité ont tiré les enseignements de l’expérience.
Par ailleurs, rejeter ce traité reviendrait à confondre le contenant et le contenu, les institutions et les diverses politiques qu’elles autorisent. On ne peut s’opposer à la construction de l’Europe au motif que l’on n’est pas totalement satisfait de la politique qu’elle conduit. Il y a une dialectique de la construction de l’Europe et de la construction de la société européenne.
Il faut poursuivre la construction de l’Europe et chacun pourra développer, au sein de celle-ci, le dialogue et le combat pour la société de son choix.
S’opposer à ce traité, c’est se rendre plus vulnérable aux marchés financiers, c’est aussi renoncer à une économie durable, qui, désendettée, laisserait aux générations futures les marges de manœuvre nécessaires pour bâtir la nouvelle société de leur choix. On ne construit pas un avenir sur de la dette !
Je voterai donc en faveur de la ratification du TSCG avec conviction et sans hésitation, en espérant même, monsieur le ministre délégué, qu’une fois ce traité voté les chefs d’État et de gouvernement penseront au suivant.
L’Europe est, en effet, au milieu du gué. Elle n’est pas encore assez intégrée pour se défendre à l’extérieur : le rythme de la mondialisation est plus rapide que celui de la construction européenne. Elle n’est pas non plus assez avancée à l’intérieur de ses frontières pour démontrer son efficacité et faire apprécier son utilité aux peuples qui la composent. Ces carences alimentent le nationalisme et le populisme.
Certes, si nous parvenons à sortir par le haut de cette crise, de grands progrès auront été faits en direction de l’intégration, mais il ne faut pas s’arrêter en chemin.
L’Europe, qui se fait à petits pas, a parfois besoin de grandes enjambées. Un nouveau traité tous les cinq ou six ans pourrait être de bonne méthode.
Pour y parvenir, il faut un peu moins s’intéresser au marketing, aux sondages, à la tactique électorale, à la concorde à l’intérieur des coalitions, au souci de la réélection, mais réunir les Français autour de la République, de ses valeurs fondamentales, autour d’un projet à long terme, qui ne peut se concevoir que dans une perspective européenne.
Pour cela, monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’Europe a besoin moins de tacticiens que d’hommes d’État et, peut-être même, comme l’ont été les pères fondateurs, de prophètes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, « Ce qui est important, c’est la souveraineté de la République face aux marchés et à la mondialisation. »
Ces propos, je pourrais les faire miens, mais ils ont été prononcés par François Hollande, au Bourget, le 22 janvier 2012. Ils ont suscité un grand espoir dans le pays parce que, enfin, il pouvait être mis un terme aux années de servilité du pouvoir de droite à l’égard du monde de la finance, servilité hissée au rang d’étroite complicité sous l’égide de Nicolas Sarkozy.
Souveraineté du peuple, souveraineté de la République, pour résister aux coups de boutoir d’un libéralisme sans cesse plus audacieux, c’est là l’une des clés de la résistance.
Ce traité, que beaucoup appellent « le traité Merkozy », se fonde sur un credo purement libéral qui imprègne le projet européen depuis l’Acte unique en 1986, suivi, en 1992, du traité de Maastricht, celui de la concurrence libre et non faussée.
Cette doctrine libérale est au cœur de ce pacte budgétaire qui vise à mettre sous tutelle les États signataires pour sauvegarder la domination de l’Europe par le pouvoir financier.
Depuis le mois de juillet, après le difficile sommet européen des 28 et 29 juin, qui a vu le renoncement du Président de la République à la renégociation du traité, nous avons assisté à une campagne de banalisation visant à persuader notre peuple que ce traité dont la modification était pourtant une priorité pour mettre en œuvre une politique de gauche, n’était, finalement, qu’un « petit pacte entre amis » aux conséquences minimes.
À Mme Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, par exemple, il semble utile de rappeler « que ce traité n’est pas une innovation. Il s’inscrit dans la filiation des textes précédents qui, depuis le traité de Maastricht, ont posé les règles fondamentales de l’Union économique et monétaire, car, on l’oublie trop souvent, il existe depuis vingt ans des règles d’or de la monnaie unique. »
La filiation de Maastricht, c’est, faut-il le rappeler, 115 millions de personnes menacées de pauvreté, plus de vingt-cinq millions de chômeurs et, pour des pays comme la Grèce et l’Italie, une jeunesse privée d’emploi, la remise en cause générale des services publics.
Faut-il être fier de cette filiation qui aboutit à une désindustrialisation massive, non du fait de la seule concurrence mondiale, mais surtout de l’injection de l’argent dans les circuits financiers plutôt que dans le développement économique ?
Fondamentalement, ce pacte budgétaire s’inscrit, au final, dans cette filiation libérale : ce sont les peuples qui doivent payer l’addition de la crise.
Ce sont eux qui sont appelés à subir le remboursement de la dette que les banques ont largement participé à amplifier par la spéculation. Elles bénéficient, de fait, et c’est un comble, de remboursements à marche forcée de l’argent qu’elles ont prêté le plus souvent à prix d’or !
Ce traité, donc, n’apporterait rien de neuf. De la banalisation à l’illusion, il y avait un chemin que M. Ayrault a parcouru à l’Assemblée nationale le 2 octobre dernier : « Le traité ne comporte aucune contrainte quant au niveau de la dépense publique. Il n’impose pas davantage de contraintes quant à la répartition. Il ne dicte en rien la méthode à employer pour rééquilibrer les comptes publics. La souveraineté budgétaire restera au Parlement et à la République française. » Ces propos, il nous les a confirmés en début d’après-midi.
Devant tant d’« innocence », pourquoi aurait-il renégocié ce traité ?
Monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, ce traité porte deux raisons lourdes et fondamentales qui méritent qu’on le rejette.
M. Jean Desessard. Ah !
Mme Éliane Assassi. Premièrement, ce traité répond à la crise par l’austérité. C’est, une nouvelle fois, la réduction des dépenses publiques qui est érigée comme seul outil vertueux pour redresser l’économie.
Les fonctionnaires, la protection sociale et les services publics sont aussi désignés, une nouvelle fois, comme responsables de tous les maux de l’Europe.
Ce texte, je vous l’accorde, adopte pour beaucoup la logique déjà inscrite dans le traité de Lisbonne, lequel reprenait quasi intégralement les termes du Traité constitutionnel européen que beaucoup ici ont pourtant combattu, contribuant, avec des milliers et des milliers de citoyens, à la victoire du « non » en 2005.
Mais le traité qui nous occupe se distingue de ses prédécesseurs sur un point essentiel : la mise en place d’un dispositif contraignant au caractère automatique.
Jusqu’à ce jour, c’est le Conseil européen qui débattait de la mise en place de telle ou telle mesure à l’encontre d’un État. Avec toutes ses limites, ce dispositif laissait un espace, fût-il minime, à la négociation politique entre États.
L’instauration des dispositifs contraignants, qu’ils soient maximalistes, avec l’inscription de la règle d’or dans la Constitution, ou minimalistes avec, par exemple, le choix d’une loi organique comme en France, n’en demeure pas moins limpide : les États signataires ne pourront s’échapper du cadre budgétaire fixé par des institutions non élues, comme la Commission européenne ou la Banque centrale européenne. Ils seront exposés à des procédures déclenchées devant la Cour de justice de l’Union européenne, les peuples et les parlements se trouvant ainsi coincés entre institutions technocratiques et juges.
« Dispositions contraignantes et permanentes », « mécanismes de correction », le vocabulaire ne peut tromper ! Il s’agit bien d’une mise sous tutelle dont l’objectif, clairement établi, est d’imposer le choix de l’austérité budgétaire, toute autre hypothèse de résolution de la crise étant évacuée. Ce n’est pas l’alibi du pacte de croissance, que tout examen sérieux réduit à la portion congrue, qui contredira cette dernière affirmation.
La lecture du projet de loi organique, débattu à l’Assemblée nationale avant même que le Sénat ait statué sur le traité qui en est la source…
M. Guy Fischer. Ce n’est pas normal, cela !
Mme Éliane Assassi. … ce qui révèle, vous l’avouerez, une prise en compte toute relative des débats sénatoriaux,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, il faut en parler !
Mme Éliane Assassi. … cette lecture, donc, confirme pleinement la visée « austéritaire » de l’accord passé entre Mme Merkel et M. Sarkozy.
Ce sont, selon le projet de loi organique, l’ensemble des administrations publiques qui seront soumises à la « règle d’or », et pas seulement les administrations de l’État, mais aussi les collectivités territoriales, si je lis bien l’article 3 du projet de loi organique, qui cite « les dépenses de régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ainsi que l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble de ces régimes ».
M. Guy Fischer. Cela présage de beaux jours !
Mme Éliane Assassi. Un Haut Conseil des finances publiques est mis en place pour examiner les projets de budgets et de financement, donner un avis favorable, ou défavorable, et mettre en place, si nécessaire, des mécanismes de correction.
Il s’agit, ni plus ni moins, de la stricte application du traité, et je ne peux comprendre que certains puissent critiquer le caractère autoritaire du traité - au point de rejeter le projet de loi autorisant sa ratification -, mais s’apprêtent à voter la loi organique qui en est la pure émanation !
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme Éliane Assassi. Je reviens aux collectivités territoriales. Il s’agit, selon nous, d’un point méconnu, et pour cause, mais très important du traité budgétaire.
Les collectivités locales sont aussi mises sous tutelle. Elles sont maintenant directement visées par l’austérité, au risque de mettre en péril ces sources d’investissement si importantes pour l’économie nationale.
M. Philippe Bas. C’est vrai !
M. Guy Fischer. Quand même !
Mme Éliane Assassi. Les collectivités locales, bien souvent perçues, cela a été dit lors des états généraux de la démocratie territoriale, comme le dernier refuge du service public, devront donc se soumettre et rendre des comptes.
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel, qui a validé sans sourciller la constitutionnalité du pacte budgétaire, a-t-il oublié le principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l’article 72 de la Constitution ?
De toute évidence, la mise sous tutelle des communes, départements, régions et structures intercommunales, vient heurter de plein fouet ce principe et le contredit.
Cette fuite en avant libérale que le traité représente, s’appuie ainsi sur une attente démocratique essentielle, et c’est la deuxième raison de notre opposition à ce texte.
Le marché, pour imposer sa loi, n’a d’autre moyen que de restreindre l’expression démocratique. Le Mécanisme européen de solidarité, que de nombreux parlementaires de la majorité sénatoriale avaient refusé de voter, et le traité budgétaire ont un objectif avoué : sauver le système bancaire, le pérenniser sans s’attaquer le moins du monde à son organisation et à ses objectifs spéculatifs et de pur profit, alors que c’est ce système-là qui est à la source du désordre actuel !
Comment, dans un système démocratique digne de ce nom, peut-on accepter longtemps que les banques s’enrichissent toujours et toujours de la dette dont elles créent elles-mêmes les conditions de l’amplification ?
Oui, il ne faut pas oublier, il ne faut rien oublier, comme l’a dit un orateur cet après-midi. Mais, dans ce cas, il ne faut vraiment rien oublier ! Et je rappelle que ce sont les opérations obscures de la banque américaine Goldman Sachs qui ont grandement participé à plonger la Grèce dans la situation actuelle.
Faut-il rappeler aussi que d’anciens dirigeants de Goldman Sachs, comme MM. Draghi, Monti ou Papademos, sont actuellement aux manettes de l’économie européenne ? Ont-ils renoncé à servir leurs anciens mentors ? Y croyez-vous un seul instant, monsieur le ministre délégué ? Y croyez-vous un seul instant, mes chers collègues ?
L’abandon de souveraineté – un véritable processus de démantèlement démocratique ! – est en cours en Europe, et il franchit aujourd’hui une étape nouvelle.
Oui, je le dis ici, le Conseil constitutionnel, en estimant, le 9 août dernier, que le traité n’était pas contraire à notre Constitution, a pris, une nouvelle fois, une décision politique dénuée de fondements juridiques.
Au prix d’un raisonnement tortueux,…
M. Guy Fischer. Discutable !
Mme Éliane Assassi. … il a réussi à faire admettre que dessaisir le peuple et ses représentants de son pouvoir budgétaire était conforme à l’article XIV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui posa, en rupture avec l’autocratie d’alors, le principe du contrôle des finances du pays par le peuple, et lui seul.
Ce que ces textes tentent de finaliser aujourd’hui, c’est une autocratie d’une forme nouvelle, celle des marchés, organisée par des institutions non élues !
Ce dessaisissement démocratique confine à la caricature lorsque l’on cherche à nous vendre l’idée d’une supervision des banques sans insister sur qui supervisera la BCE et M. Draghi, qui sont l’une comme l’autre aux mains des marchés financiers.
Les mécanismes coercitifs, leur automaticité, le contrôle des budgets nationaux, comme des finances sociales et locales, en interne par le Haut Conseil et en externe par la Commission européenne, constituent des atteintes insupportables au pouvoir du peuple.
Changer cette Europe-là, quand le fossé démocratique devient un abîme, était l’objectif de la majorité des Français qui avaient voté « non » en 2005 et dont le vote a été volé par l’adoption, au terme d’un processus strictement parlementaire, du traité de Lisbonne.
Changer cette Europe-là était, nous a-t-il semblé, l’objectif du nouveau Président de la République. Le changement peut-il avoir lieu maintenant en France si rien ne change en Europe, si l’on confie des outils de domination renforcée aux forces libérales qui dirigent l’Europe aujourd’hui ?
Le Président de la République n’a pas voulu, ou n’a pas pu, renégocier le traité. Soit ! Qu’il s’en remette donc au peuple qui lui a exprimé le 6 mai dernier une volonté de changement et de rupture avec les choix libéraux de Nicolas Sarkozy.
Monsieur le ministre délégué, j’ai pris connaissance des propos que vous avez tenus sur le référendum que, par ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à demander. Je ne peux souscrire à vos arguments car, si beaucoup s’accordent ici pour défendre une nécessaire démocratisation de l’Union européenne, comment faire adopter un tel traité sans débat public et sans consultation des citoyens ?
J’ai proposé de soumettre au Sénat une motion référendaire pour que le Parlement décide de proposer au chef de l’État de saisir le peuple. Le règlement du Sénat exige que cette motion réunisse trente signatures. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, ce dont, visiblement, vous vous réjouissez.
« Moi, je ne veux plus de cette Europe obscure, de cette Europe honteuse. Je veux une Europe au grand jour. Une Europe sincère et populaire. Une Europe dont on soit fiers. C’est à force de dissimuler l’Europe, de la rendre incompréhensible qu’on a fini par en détourner notre peuple ». Ces mots forts étaient ceux de M. Ayrault défendant, le 6 février 2008 à l’Assemblée nationale, une motion référendaire pour exiger la consultation des Français sur le traité de Lisbonne !
Il est encore temps de réparer le déni démocratique de 2008 en consultant aujourd’hui notre peuple sur le choix de l’austérité préconisée par le traité budgétaire.
Les sénateurs et sénatrices du groupe CRC, avec le Front de gauche, ne renoncent pas à ce combat qu’ils mènent avec cohérence – c’est le moins que l’on puisse dire ! –, celui d’une Europe sociale, solidaire, en rupture avec l’oligarchie financière qui s’impose traité après traité.
Ils voteront donc, et je ne vous surprendrai pas, contre la ratification de ce traité de soumission à l’ordre libéral.
Le changement, en Europe comme en France, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous y croyons, nous n’y renonçons pas, et ce avec dynamisme et combativité ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la déclaration du Premier ministre exprimant sa satisfaction que la majorité socialiste, à elle seule, ait permis l’adoption du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, semble dérisoire et totalement contraire à l’esprit qui doit présider à ce débat.
Que le Premier ministre soit heureux que les défections soient moins nombreuses qu’il ne le craignait, soit ; mais l’important réside vraiment dans le vote massif, toutes tendances confondues, en faveur de ce traité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Absolument !
M. Aymeri de Montesquiou. Que l’intérêt national surpasse les divergences réelles ou artificielles qui opposent les factions politiques constitue un événement majeur et nous devons tous nous en réjouir, car l’image de la France et la poursuite de la construction européenne en eussent, sinon, été gravement affectées.
N’infantilisons pas le débat, ne sombrons pas dans les querelles de cour de récréation, entre le traité initialement négocié et le traité finalement conclu. Est-ce une faiblesse ou une force pour notre pays, vis-à-vis de nos partenaires, qu’une majorité écrasante vote la ratification de ce texte ? Réjouissons-nous de cette convergence !
M. Pierre Bernard-Reymond. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Il y a des problèmes, ou plutôt des situations, pour lesquels il y a non pas plusieurs réponses, mais bien une seule.
Nos partenaires européens scrutent notre vie politique, attendent nos décisions, appréhendent nos atermoiements. Leur montrer une union nationale en faveur de ce traité de discipline budgétaire signé par le précédent Président de la République, amendé par un volet « croissance » voulu par le Président de la République actuel, devrait emporter au Sénat une adhésion transpartisane. Une quasi-unanimité du Parlement est un élément majeur, je le répète, pour parvenir à une convergence européenne.
Une convergence vers l’équilibre des budgets nationaux impliquera inévitablement une convergence des fiscalités dans toute leur déclinaison.
Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, vos responsabilités vous conduisent à observer le fonctionnement de tous nos partenaires. Nous pouvons imaginer que vous tentez, avec vos collègues, de faire converger au mieux les politiques économiques et fiscales pour mettre en place une véritable gouvernance européenne, projet qui s’inscrit dans ce traité.
Cependant, imaginez-vous que, dans l’état de divergence actuel, cela soit possible ?
Imaginez-vous qu’avec une dépense publique française de 56 % qui « s’oppose » – je choisis ce terme à dessein ! – à une moyenne européenne de dépense publique de 48,3 %, cela soit possible ? Cette différence majeure, qui traduit une divergence de philosophie politique, n’est pas plus acceptable que ne l’est, par exemple, le dumping fiscal irlandais, si nous voulons mettre en place une réalité économique et politique européenne.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes !
M. Aymeri de Montesquiou. Jacques Delors affirmait avec justesse que « la crédibilité de l’Union européenne reste liée à la réussite de l’union économique et monétaire ». C’est le cœur de notre discussion.
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance renforce l’union monétaire, sans pour autant réaliser encore l’union économique tant souhaitée. Le pacte de 1997 a révélé ses lacunes et ses limites ; le traité budgétaire vient renforcer les différentes mesures adoptées depuis lors.
La crise des dettes souveraines, en l’absence d’une gouvernance de la zone euro digne de ce nom, a révélé l’ampleur des faiblesses de l’union économique et monétaire ainsi que l’étendue des dégâts déficitaires nationaux. Elle est aussi à l’origine d’une crise existentielle de l’Union et d’une crise de confiance des citoyens.
L’Union perd de sa force et de sa cohésion. L’Union s’essouffle, l’Union chancelle, l’Union trébuche. Mais cette idée, à l’origine utopique, peut et doit se concrétiser. Cette union généreuse et accueillante ne mérite pas de se démembrer, car les pays qui la constituent, et le nôtre en particulier, partiraient à la dérive.
La gouvernance doit mettre fin à ces « sommets de la dernière chance » qui menaçaient de délitement ou permettaient la survie de l’Union et qui, le plus souvent, se révélaient inachevés, mais permettaient aux chefs d’État ou de gouvernement de brandir des trophées à seule vocation de politique intérieure.
L’Europe évolue aujourd’hui parmi de nouveaux acteurs internationaux avides de conquérir, dans le grand jeu mondial, la place qu’ils estiment devoir leur revenir de par leur poids démographique, leur puissance économique et leur dynamisme.
Ne soyons pas hésitants, affirmons notre confiance en l’Europe, cette organisation qui, selon les mots de Robert Schuman, « dépasse la nation non pour la diminuer et l’absorber, mais pour lui conférer un champ d’action plus large et plus élevé ».
Ce n’est que par elle que nous pourrons encore peser sur la scène internationale. Imaginons le poids de la France si elle restait en marge de la construction européenne, dont elle a toujours été une inspiratrice et une actrice majeure !
Les conséquences de la non-ratification de ce traité ont été dressées de façon quasi apocalyptique, mais réaliste, par Mme le président de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et par le ministre des affaires étrangères. La perte de confiance et de crédibilité, la fragilisation de notre pays, l’effondrement de notre notation auraient une incidence très forte sur les taux d’intérêts, donc sur les déficits, et provoqueraient une spéculation contre notre pays dont nous ne pourrions nous défendre sans les mécanismes de solidarité européenne.
On n’est pas souverain quand on a 90 % de dette publique, équivalant à sept à huit ans de recettes fiscales.
On n’est pas non plus souverain lorsque plus de 65 % de sa dette sont détenus par des créanciers étrangers.
Dès lors, le fait que la Commission juge les budgets nationaux, loin de consacrer un abandon de souveraineté, est au contraire un moyen de convergence des politiques budgétaires, de renforcement des finances de chaque pays, et donc de leur indépendance.
Rappelons-nous ce qui s’est passé en Europe ces douze derniers mois. Alors que les marchés financiers étaient pris dans une tourmente alimentée par le jeu dangereux des dégradations des notes souveraines des États membres, la confiance a été rétablie, à la fois grâce aux engagements pris par les États et à l’action quotidienne des institutions les plus fédérales de l’Union : la Banque centrale européenne et la Commission.
Beaucoup d’espoirs restent fondés sur l’Europe, en dépit de l’éloignement toujours trop grand des citoyens de cet idéal que nous défendons. La seule voie possible pour sortir de la crise, ce n’est pas le retour à une conception passéiste, et donc dépassée, de la souveraineté nationale. Il n’y aura pas de sortie de crise sans une redéfinition fédérale de la souveraineté nationale !
Moody’s attribue la note maximale au Mécanisme européen de stabilité. C’est un signe très important.
La Chancelière allemande et le président de la Commission se sont prononcés eux-mêmes, ces dernières semaines, en faveur d’une initiative fédérale ferme. La Commission européenne a appelé, en mai dernier, à une meilleure intégration des politiques de l’emploi au sein du marché unique, comme en écho aux appels lancés par David Cameron et Mario Monti.
Il y a une issue politique à cette crise, c’est le fédéralisme d’États-nations. Un vrai travail d’information et de pédagogie doit être réalisé en ce sens auprès de nos concitoyens. Nous devons, car c’est votre responsabilité comme la nôtre, monsieur le ministre délégué, restaurer le lien de confiance entre le citoyen et l’Europe, ce lien qui a été rompu le 29 mai 2005.
Le cap est tracé, ce traité est une étape.
La grande majorité des orateurs s’accordent à dire que ce traité fait preuve de sérieux budgétaire et de solidarité, et qu’il innove peu. Le Conseil constitutionnel a statué : il ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale.
Certes, ce traité n’est peut-être pas idéal. Que stipule-t-il ?
Il met en œuvre une discipline budgétaire renforcée pour réduire l’accroissement des déficits, tout cela sous la surveillance de la Commission européenne et sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union.
L’article 3 énonce la fameuse « règle d’or », objet, hier, des fantasmes les plus délirants, revendiquant le meilleur comme accusée du pire. Elle sera inscrite demain dans notre droit positif, au niveau organique.
Sommes-nous suffisamment responsables, vertueux et courageux pour réduire seuls nos déficits ? L’état de nos finances publiques et leur évolution depuis plus de trente ans prouvent le contraire. Les programmes nationaux, non contraignants, présentés à la Commission n’étaient pas toujours sincères non plus.
Le président Arthuis a dénoncé un « pacte de menteurs et de tricheurs ». Les termes peuvent paraître outranciers, ils sont hélas ! justes ; mais ce n’est que de la connivence entre dirigeants trop heureux de ne pas avoir à annoncer à leurs concitoyens la réalité des problèmes. Est-ce là une posture que nous pouvons accepter et perpétuer ? Non !
Faisons enfin preuve de responsabilité et de courage ! Enfants gâtés et insouciants de l’Europe, nous devons être lucides et prendre exemple aujourd’hui sur nos voisins italiens et espagnols, qui mettent en œuvre des réformes douloureuses mais indispensables. Ils sont en voie de guérison, alors que nous n’acceptons pas le diagnostic de notre mal profond, généré par notre manque de courage.
Ce traité ne résoudra donc pas tous nos problèmes, mais il nous incitera fortement, sinon nous contraindra, à nous soigner de notre addiction à la dépense publique.
Monsieur le ministre délégué, vous avez dit à juste titre qu’il ne fallait jamais renoncer aux combats à mener. La supervision des banques par la BCE, le rassemblement des États membres sur des positions communes, la création d’une taxe carbone, la mise en œuvre d’échanges justes, une harmonisation sociale et fiscale, et la liste n’est pas exhaustive, sont autant de combats sur lesquels vous aurez notre soutien, car le souci de l’intérêt de la France doit dépasser les médiocres querelles politiciennes.
M. Jean Bizet. Très bien !
M. Aymeri de Montesquiou. Le volet « croissance » obtenu par le Président de la République donne certes une marge de manœuvre pour financer des projets d’infrastructures grâce aux « bons d’épargne européens ». C’est un élément en faveur de la croissance, mais ne nous leurrons pas, leur importance est modeste !
La taxe européenne sur les transactions financières, validée par onze États membres, voit enfin le jour. Elle apparaît comme le premier impôt européen. Je souhaite que l’Union européenne ait d’autres ressources spécifiques et qu’elle se dote enfin, aussi, d’un budget propre à la hauteur des espoirs fondés sur elle.
Il faut absolument clarifier, simplifier le projet européen pour renouer avec l’inspiration des pères fondateurs, et transmettre à nos concitoyens la conviction inébranlable d’une « Europe solidement unie et fortement charpentée ».
Monsieur le ministre délégué, nombreux sont ceux ici qui ont parlé de réorienter l’Europe. Vous nous avez exposé les contours de votre projet, dont les membres de mon groupe se sentent proches. Tant que nous partagerons le même idéal européen, vous pouvez être certain de notre soutien.
Vous invoquez souvent sir John Maynard Keynes. Or le keynésisme ne pourra s’appliquer avec des conséquences positives que dans une Europe beaucoup plus homogène. Dans le cas contraire, il générera à nouveau des déséquilibres financiers au sein de l’Union européenne.
Le keynésisme me semble trop souvent une solution d’urgence, et même de facilité, contraire aux exigences du long terme.
Monsieur le ministre délégué, parvenir à l’Europe à laquelle nous aspirons sera difficile, réclamera beaucoup d’efforts et, surtout, du courage, cette vertu un peu trop oubliée au cours de ces trois dernières décennies mais qui demeure, j’en suis convaincu, la recette la mieux adaptée : ayons tous à l’esprit que le manque de courage n’est en définitive qu’un manque de bon sens ! (Applaudissements sur certaines travées de l'UCR et de l'UMP.)
M. Jean Bizet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je suis déterminé à voter ce projet de loi de ratification, car je considère qu’un nouvel affaiblissement de la France comme de l’Union européenne ne ferait qu’aggraver les choses.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Christian Bourquin. C’est aussi la position, dans sa très grande majorité, de mon groupe.
Actuellement, la crise n’épargne aucun peuple en Europe. Tergiverser, organiser la confusion ne ferait que rendre la condition des plus fragilisés encore plus insupportable.
Monsieur le ministre délégué, avant d’autoriser, ou de ne pas autoriser, la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, chaque parlementaire, détenteur de la souveraineté nationale, doit se poser les trois questions suivantes.
Qu’apporte à la France et à l’Europe ce traité ?
Est-il une avancée pour la construction européenne ?
Permet-il le réarmement économique de l’Europe ?
Ce traité a trois objectifs : renforcer la discipline budgétaire, développer la coordination des politiques économiques dans l’Union européenne et améliorer la gouvernance de la zone euro.
Mes chers collègues, si l’on veut débattre sereinement et sérieusement du TSCG, il convient de se livrer à un petit exercice d’exégèse – cela me semble inévitable ! –, mais c’est surtout sur le titre III, intitulé « Pacte budgétaire », que je vous invite à concentrer votre attention.
Ce « pacte » fait l’objet de débats passionnés, qui sont cependant souvent fondés sur des analyses largement approximatives.
M. Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Christian Bourquin. En tout cas, il ne faut pas surestimer la portée de ce traité qui, pour l’essentiel, ne fait que reprendre des règles déjà en vigueur ou les renforcer.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Christian Bourquin. Il en va ainsi de la principale mesure, que d’aucuns qualifient de « règle d’or ». Je veux parler de l’obligation introduite par le 1 de l’article 3, qui prévoit que les administrations publiques devront avoir un budget en équilibre ou en excédent et que le déficit structurel ne devra pas excéder 0,5 % du produit intérieur brut.
Faut-il aussi rappeler que, dans sa décision du 9 août dernier, le Conseil constitutionnel a souligné que cet abaissement du seuil d’objectif de moyen terme de solde structurel, qui était fixé à 1 % et passe à 0,5 %, est la principale innovation du TSCG ?
En effet, la discipline budgétaire dans la zone euro et dans l’Union européenne a déjà été largement renforcée depuis le début de la crise, notamment avec l’adoption du « Six-pack », cet ensemble de cinq règlements et d’une directive entré en vigueur en 2011 que vient d’évoquer à cette même tribune Simon Sutour.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Brillamment !
M. Christian Bourquin. Ces six textes comprenaient déjà de nombreuses mesures reprises dans le traité.
Il en va ainsi de l’application de la procédure de déficit excessif aux dettes publiques dépassant 60 % du PIB : toute dette dépassant ce seuil devra être réduite d’un vingtième de l’écart à ce seuil par an.
Ces textes prévoyaient également l’adoption des recommandations de la Commission à la « majorité qualifiée inversée » au sein du Conseil, dans le cadre de la procédure pour déficit excessif.
Ce traité va d’ailleurs beaucoup moins loin que ce que souhaitait au départ Angela Merkel, qui, à tant vouloir ce texte, l’a rendu suspect aux yeux de bon nombre de Français. La Chancelière défendait ainsi l’automaticité des sanctions ou encore un accroissement du rôle de la Commission européenne, mesures qui, je le rappelle, n’ont pas été retenues au cours des négociations.
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Fort heureusement !
M. Christian Bourquin. En effet !
Le Conseil constitutionnel considère, dans sa décision du 9 août, que les dispositions du TSCG « reprennent en les renforçant » des dispositions existantes et « qu’elles ne procèdent pas à des transferts de compétences en matière de politique économique ou budgétaire et n’autorisent pas de tels transferts ».
Il précise également que, « pas plus que les engagements antérieurs de discipline budgétaire, celui de respecter ces nouvelles règles ne porte atteinte aux conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ».
En effet, l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques est déjà inscrit dans notre Constitution, et n’est-ce pas normal, après tout ?
La logique d’encadrement des déficits et de la dette, présente dans le traité n’est ni nouvelle, ni contestable en elle-même. Il s’agit en effet de ne pas reporter sur les générations futures le poids de notre surendettement. Cela a un nom : la responsabilité.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Christian Bourquin. Nos politiques publiques doivent être financées : nous ne pouvons vivre indéfiniment « au-dessus de nos moyens » et, surtout, en faire payer le prix à nos enfants.
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. Christian Bourquin. Nous devons également respecter l’équilibre budgétaire pour ne pas tomber dans la dépendance des marchés financiers et autres agences de notation.
Surtout, mes chers collègues, la notion de « déficit structurel », introduite par le traité, est plus pertinente économiquement et plus souple que les « critères » de Maastricht, notamment s’agissant de l’obligation de présenter un taux réel de déficit inférieur à 3 % du PIB.
Même si la définition et le calcul du « déficit structurel » font débat et doivent certainement être précisés, les règles du traité laissent néanmoins d’importantes marges de manœuvre et permettent également d’éviter les politiques économiques procycliques, lesquelles aggravent les situations de récession.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Christian Bourquin. Comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel, ce traité ne remet en cause ni notre souveraineté, ni les prérogatives du Parlement. Il n’est pas non plus irréversible et ne nécessite pas de révision de la Constitution.
D’une certaine manière, le TSCG a même rendu possibles certaines évolutions tout à fait souhaitables.
Ainsi notre Haute Assemblée examinera-t-elle à la fin du mois d’octobre le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, traduction directe des dispositions contenues dans le TSCG qui introduit des nouveautés méritant d’être soulignées.
Ce texte organique précise et renforce les lois de programmation des finances publiques. Figureront désormais dans celles-ci les engagements résultant du TSCG, tels que la définition d’un objectif budgétaire à moyen terme et d’une trajectoire d’ajustement.
Ces lois définiront une trajectoire pluriannuelle, pour au moins trois ans. Pour autant, le principe constitutionnel d’annualité des lois de finances n’est pas remis en cause, dans la mesure où la trajectoire pluriannuelle est définie dans des lois de programmation, qui n’ont pas une valeur normative supérieure aux lois de finances.
Le respect de cette trajectoire sera vérifié annuellement dans les lois de finances initiales et dans les lois de financement de la sécurité sociale, auxquelles sera annexé un tableau synthétique des comptes de l’ensemble des administrations publiques. Quoi de plus normal ? (Très bien ! sur certaines travées du RDSE.)
Le projet de loi organique prévoit également la création du Haut Conseil des finances publiques.
Permettez-moi une courte parenthèse, mes chers collègues : nous avons autour de nous 680 hautes autorités. Peut-être, et je me tourne vers le président du groupe socialiste, faudrait-il faire un peu de nettoyage si nous entendons renforcer le rôle du Parlement.
M. Jean-Pierre Plancade. Bravo ! Tout cela coûte cher à l’État !
M. François Rebsamen. Si cela ne tenait qu’à moi, ce serait fait !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne faut quand même pas toutes les mettre sur le même plan !
M. Christian Bourquin. Et même, ma chère collègue… Nous avons du travail devant nous !
Je reviens au Haut Conseil des finances publiques – il est prévu dans le traité, donc allons-y !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Merci d’être d’accord avec moi !
M. Christian Bourquin. Cette autorité indépendante sera notamment chargée de vérifier les hypothèses macroéconomiques sur lesquelles sont fondées les lois de finances, en particulier les hypothèses de croissance.
Disposer de prévisions indépendantes est une demande répétée depuis des années par les parlementaires de toutes sensibilités. Dans le cas précis du Haut Conseil des finances publiques, les droits du Parlement se trouvent donc indéniablement renforcés.
Cette institution indépendante sera également chargée de vérifier la conformité des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale avec les objectifs définis dans la loi de programmation des finances publiques.
Enfin, elle devra alerter le Gouvernement et, surtout, le Parlement sur la nécessité de déclencher le « mécanisme automatique de correction » prévu par le traité.
Le Gouvernement devra ensuite proposer des mesures pour remédier aux écarts constatés.
Comme le précise l’article 3 du TSCG, « ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux ».
Le « pacte budgétaire » contenu dans le traité est donc bien moins nocif que certains veulent nous le faire croire. Il a même permis des évolutions tout à fait importantes, comme, ma foi, la création du Haut Conseil des finances publiques, qui fournira enfin une évaluation indépendante des prévisions macroéconomiques.
Le TSCG n’a cependant pas seulement trait à la discipline budgétaire, à laquelle on ne peut qu’adhérer.
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Christian Bourquin. Il contient quelques autres mesures qui ne sont pas négligeables.
Le titre IV, qui concerne la coordination des politiques économiques, reprend également des dispositions existantes et prévoit notamment que les grandes réformes de politiques économiques seront débattues au préalable entre les parties et, au besoin, coordonnées entre elles.
Le principe d’une telle coordination, dont la mise en œuvre est prévue depuis des décennies par les traités européens, est essentiel. Pourtant, il n’a pas encore trouvé d’application réelle, ce qui, vous en conviendrez, est très dommageable.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. François Rebsamen. Eh oui !
M. Christian Bourquin. Enfin, la coordination des politiques économiques et budgétaires pourra devenir une réalité !
En effet, c’est notamment parce que nous ne sommes pas allés jusqu’au bout de la logique de l’union économique et monétaire et que nous avons uniquement mis en œuvre la partie monétaire de cette union, sans coordonner les politiques budgétaires, que l’Europe, et plus particulièrement la zone euro, est aujourd’hui en crise.
C’est pourquoi nous devons remédier à cet impair le plus rapidement possible, en coordonnant véritablement les politiques au sein de la zone euro et en harmonisant les politiques fiscales et sociales pour mettre fin aux pratiques que l’on peut qualifier de « concurrence déloyale » au sein de l’union économique et monétaire et qui affectent gravement la cohésion de l’Union européenne. Il suffit de penser à ce qu’a fait l’Irlande avec l’impôt sur les sociétés, par exemple, pour comprendre que nous ne pouvons pas continuer sur cette voie.
Il faudra également renforcer la gouvernance économique, en mettant en place un véritable « gouvernement économique européen ». Eh oui, monsieur le ministre délégué !
Le TSCG, en son titre V, institutionnalise les « sommets de la zone euro » auxquels participent les chefs d’État et de gouvernement, le président de la Commission européenne, ainsi que celui de la Banque centrale.
Le traité prévoit que ces sommets se réunissent « lorsque cela est nécessaire et au moins deux fois par an ». Il faudrait en réalité qu’ils se réunissent beaucoup plus souvent pour garantir une véritable coordination, clé de la stabilité de la zone.
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Christian Bourquin. Enfin, l’article 13 du traité prévoit la mise en place d’une « conférence interparlementaire » qui réunira, monsieur Sutour, les commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux pour débattre des politiques budgétaires et d’autres questions régies par le traité.
C’est un moyen de renforcer le rôle des parlements nationaux, mais il nous appartient à nous, parlementaires, de nous en saisir,…
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Christian Bourquin. … car nous sommes les premiers à pouvoir combler le déficit démocratique dont souffre l’Union européenne.
Nous disposons déjà d’un certain nombre d’instruments ; encore faut-il que nous les utilisions, ce que, jusqu’à présent, nous ne faisons que trop peu, voire pas du tout.
Pour finir, je veux souligner que le TSCG et sa ratification ne peuvent être considérés en dehors du contexte actuel. Depuis le sommet du mois de juin dernier, au cours duquel un certain nombre d’avancées majeures ont été entérinées...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne les a pas encore vues !
M. Christian Bourquin. ... grâce à la détermination de notre nouveau Président de la République, une orientation nouvelle est insufflée en Europe. Ce sommet marque justement la fin de « l’ère de la rigueur et de l’austérité » que voulait instaurer Mme Merkel. Je ne cite qu’elle, pour ne pas vexer l’aile droite du Sénat...
M. François Rebsamen. C’est trop d’attention ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Christian Bourquin. Les 120 milliards d’euros du pacte pour la croissance et l’emploi que la France a contribué à faire adopter – la France, c'est-à-dire François Hollande, Président de la République–, l’ébauche d’une taxe européenne sur les transactions financières, la possibilité pour le Mécanisme européen de stabilité de recapitaliser directement les banques et la mise en place d’une union bancaire sont autant d’évolutions fondamentales et indispensables pour sortir de la crise et construire une « nouvelle Europe », plus solide, plus solidaire et donc plus démocratique.
Compte tenu de ces progrès très importants, nous devons aujourd’hui ratifier le TSCG. Ainsi serons-nous crédibles vis-à-vis de nos partenaires européens et pourrons-nous poursuivre la « réorientation » de l’Europe entamée avec l’alternance politique qu’a connue la France au printemps dernier.
Nous devons aujourd’hui ratifier le traité pour ne pas menacer le compromis européen, toujours fragile. Nous pourrons ensuite le dépasser et réorienter véritablement l’Europe vers l’investissement et la croissance durable.
L’Union européenne est une construction unique au monde que nous devons absolument préserver et poursuivre. Mes chers collègues, il devient urgent de redonner à l’Europe un nouveau projet politique, de la doter de pouvoirs nouveaux et de démocratiser ses institutions.
Si l’on veut que tous les citoyens européens retrouvent foi en l’Europe, il faut mettre sur pied un gouvernement politique de l’Europe qui tienne sa légitimité des peuples : il n’est plus possible de continuer à transférer toujours plus de pouvoirs aux institutions communautaires sans soumettre ces dernières à une responsabilité renforcée devant le Parlement européen.
En attendant, la grande majorité des membres du RDSE, tous profondément convaincus que l’Europe est l’avenir de la France, prendront leurs responsabilités et approuveront ce projet de loi de ratification qui constitue, à n’en pas douter, une étape supplémentaire dans la réorientation de l’Europe.
Mes chers collègues, je conclurai par un témoignage. (Exclamations amusées sur plusieurs travées.)
En 2005, j’ai fait partie de ceux que l’on nommait les socialistes « nonistes ». Nous étions ensemble, monsieur le ministre délégué, cher Bernard. Tout a bien changé. (Rires sur les travées du CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ah bon ?
M. Guy Fischer. Cette époque est révolue !
M. Christian Bourquin. Il n’y avait pas, alors, la crise que nous connaissons aujourd’hui. (Mme Éliane Assassi s’exclame.)
Je l’ai dit dans mon propos introductif : il ne faut pas ajouter une crise à la crise. Je fais preuve de la même cohérence aujourd’hui...
M. Guy Fischer. Ah ?
Mme Éliane Assassi. Votre temps de parole est épuisé !
M. Christian Bourquin. ... en donnant au Président de la République les moyens d’accompagner la réorientation de l’Europe vers plus de solidarité et de justice sociale, vers plus de solidarité économique et financière. Cette réorientation n’a rien d’un vœu pieux, elle est déjà sur le métier.
Mme Éliane Assassi. Assez, on a compris !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Christian Bourquin. Nous en avons la preuve : la Banque centrale européenne intervient désormais pour racheter la dette des États en difficulté. Comment témoigner notre solidarité à ces pays sinon en les aidant à racheter leur dette ?
M. François Rebsamen. Très bien !
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre délégué, dites au Président de la République...
M. le président. Il vous faut maintenant conclure, mon cher collègue !
M. Christian Bourquin. Je suis en train de le faire, monsieur le président ! (Rires.)
M. Jean-Vincent Placé. Déjà ?
Mme Éliane Assassi. C’est fini ! Coupez !
M. Christian Bourquin. Monsieur le ministre délégué, dites au Président de la République de continuer à faire bouger les lignes de l’Europe. Une très grande majorité d’entre nous sera derrière lui pour le soutenir. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UCR. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour six minutes... (Rires.)
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, tout en respectant le temps qui m'est imparti (Nouveaux rires),…
M. François Rebsamen. Strictement !
M. Jean-Vincent Placé. … je veux dire sans complexe que l’on peut être un Européen convaincu, c'est-à-dire souhaiter, comme le Premier ministre dans le discours volontariste et résolu qu'il a prononcé tout à l’heure, réorienter le cours de la construction européenne et maintenir la France dans une zone euro solidaire, et, dans le même temps, refuser la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire.
Ce refus, je l’assume : il est l'expression de la majorité du mouvement que je représente ici. Pour autant, j’assume aussi le doute qui a pu nous saisir, en particulier à gauche. Tant mieux, car la pensée naît du doute. C’est tout l’intérêt de faire vivre le débat au sein d'un mouvement, d'une institution parlementaire, d'une majorité. De ce point de vue, les écologistes, et le débat en général, sont utiles à la vitalité de la démocratie.
Ma collègue Marie-Christine Blandin expliquera d’ailleurs demain les raisons qui vont conduire une partie du groupe écologiste à s'abstenir sur la ratification du TSCG.
C’est une évidence, mais je tiens à le rappeler, nous, écologistes, sommes très soucieux du désendettement. La soutenabilité s'applique autant à l'écologie qu’aux finances publiques. Comme le Premier ministre, nous préférons investir dans l'éducation, la sécurité, la justice, le logement, la santé, l'écologie, plutôt que rembourser les intérêts de la dette. Il n'y a d’autre dette acceptable que celle qui améliore le capital matériel et immatériel des générations futures.
Depuis trop longtemps – trente ans ! –, nous avons vécu à crédit pour gonfler artificiellement une croissance sans doute inéluctablement en perte de vitesse et pour maintenir un modèle de développement insoutenable.
Je le dis sans emphase : notre opposition au TSCG est réfléchie et cohérente. De nombreux intervenants, plutôt à la droite de cet hémicycle, ont rappelé les débats de février. Je m’abstiendrai de tout commentaire, mais, pour notre part, nous n'avons pas changé d'avis sur notre conception de l'Europe et sur les réponses à apporter à la crise.
Participant en début d’après-midi à une manifestation organisée devant le Sénat avec notre collègue Pierre Laurent, par ailleurs secrétaire national du parti communiste français, je me suis fait la réflexion suivante : si ce traité suscite autant la perplexité à gauche, au sein du parti socialiste, du parti communiste et chez les écologistes, il y a bien une raison ! Je le dis en toute amitié au ministre délégué chargé des affaires européennes et au président du groupe socialiste du Sénat. (Sourires.)
Ce sentiment de perplexité peut s’expliquer déjà pour des questions de forme. Pour la première fois, en effet, le Parlement n’a pas eu l’occasion de donner son avis sur ce traité. De façon générale, on ne peut pas dire que la construction européenne ait été très démocratique. Malgré tout, depuis trente ans, de façon hypocrite, sans doute bourgeoise – mais cette critique contre la bourgeoisie est peut-être inutile –,…
M. Jean Bizet. C’est exact !
M. Jean-Vincent Placé. J’étais sûr de m’attirer des marques d’assentiment sur certaines travées…
Malgré tout, donc, on faisait semblant. Mais pas pour ce traité : aucune commission parlementaire n'a été saisie : on est totalement dans l’intergouvernemental.
À cette première atteinte à la démocratie vient s’en ajouter une autre, tenant cette fois à la légitimité des signataires.
Il ne s’agit pas pour moi de chercher à établir une stricte corrélation entre ce traité et ses auteurs, mais je constate tout de même que le TSCG est le traité d’un Président de la République sortant battu et d’une Chancelière allemande elle-même en campagne pour les législatives de septembre 2013. De surcroît, qu’on le veuille ou non, ils appartiennent au Parti populaire européen.
Même si je ne cherche pas à stigmatiser qui que ce soit, ce constat s’agissant des auteurs du traité est une réalité qui me porte à conclure que la philosophie à l’œuvre ici est ultralibérale.
Je le dis très tranquillement, très sereinement mais aussi très franchement, je veux saluer les avancées obtenues au sommet de Bruxelles du mois de juin dernier. On peut chipoter sur les 120 milliards d'euros : c’est bien peu par rapport à la gravité de la situation. On peut tout de même se féliciter de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement. Mais il y a peu de chose sur les projects bonds, de même que pour les fonds structurels européens : ils ne sont pas beaucoup utilisés – c’est difficile –, d'où l'intérêt de les transférer aux régions.
Rien de toutes ces avancées ne changera la réalité de ce traité qui, le Premier ministre l’a reconnu, n'a pas été renégocié et dont la philosophie est et reste ultralibérale.
Je l'ai dit au cours d'une émission, j'ai voté le traité de Maastricht – j’avais vingt ans –, pour les raisons qu’avance aujourd'hui le Gouvernement afin de nous convaincre de voter ce traité.
Aujourd'hui, je regrette d’avoir voté Maastricht.
M. Jean-Pierre Plancade. Vous étiez radical ! (Sourires.)
M. Jean-Vincent Placé. Depuis vingt ans, l'Europe n’a pas pris le chemin que je souhaitais, celui d’une Europe sociale, d’une Europe politique, d’une Europe écologiste. Non, on n'y est pas !
M. Jean-Pierre Chevènement. Vous auriez dû m’écouter ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Vincent Placé. Oui, j'aurais sans doute dû écouter à l'époque Jean-Pierre Chevènement et peut-être aussi Philippe Séguin, mais pas du tout pour les mêmes raisons...
Je parle avec franchise : il faut entendre cette inquiétude.
On nous promet la fin des déficits. La droite et le centre le répètent : il faudrait une gestion « en bon père de famille », pour reprendre la fameuse formule notariale. Oui et non, car l'État, ce n'est pas un ménage : il lui faut parfois investir, relancer, mener des politiques contracycliques. Aujourd'hui, les arguments sur l'offre et la demande, sur la façon d'envisager la macroéconomie, y compris à gauche, ne sont pas satisfaisants. Dans la situation actuelle, cela ne marche pas.
Il n’est qu’à voir l’affaire des « pigeons ». En trois jours, ceux-ci se sont fait entendre et ont obtenu plus de un milliard d'euros de baisse d'impôt, alors que l'on écoute beaucoup moins les salariés de PSA ou de Florange.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Jean-Vincent Placé. Je le répète avec force, même à cette heure tardive : je suis inquiet, probablement comme une grande partie de la gauche, comme beaucoup de communistes, de socialistes, d’écologistes. Monsieur le ministre délégué, il faut entendre cette inquiétude.
Il n'y aura plus de déficits, nous dit-on, et la compétition internationale est telle qu’il est impossible d'augmenter les impôts. Pourtant, mécaniquement, ces décisions feront baisser les dépenses d'investissement et les dépenses de fonctionnement des ministères.
M. Guy Fischer. Et celles des collectivités !
M. Jean-Vincent Placé. Tout cela doit nous faire réagir.
Je ne détiens certainement pas la vérité révélée. Mon analyse diffère de celle du Gouvernement, mais je m’interroge. Cette politique réduit la puissance publique et le poids des services publics. Elle conduit à la récession, à l’austérité et à la rigueur. Ce traité les renforcera-t-il ?
On parle d'une croissance de 0,8 point l'année prochaine, alors que l'on prévoyait 1,7, puis 1,2. La croissance ne sera peut-être finalement que de 0,3 point, si elle n’est pas négative. Qu'est-ce qui nous attend l’année prochaine ? Nous n’aurons pas la croissance, nous n’arriverons pas aux 3 % mais nous en serons plutôt à 4 % et le chômage augmentera ! À quoi nous servira, alors, de bénéficier de taux d'intérêt à 2 %, si personne n’achète d’appartement, si personne n'investit, ne serait-ce que dans un petit bistrot ?
Telle est la réalité, et si je suis sorti complètement de mes notes, c’est parce que je suis animé d’une profonde conviction : il nous faut parler franchement de cette inquiétude sourde de l'ensemble des militants, qui est relayée par quelques parlementaires.
Je ne jette pas l'opprobre sur le Gouvernement. Monsieur le ministre délégué, vous faites le pari de conserver la confiance des marchés, pour maintenir des taux d'intérêt bas et empêcher la dette de se creuser. Tout cela nous conduira à relancer la rigueur et l'austérité.
Je peux comprendre cette politique : il s'agit d'éviter le tir des marchés pour ne pas connaître la même situation que la Grèce, l'Italie ou l'Espagne. J’entends ces arguments. Mais, vous, vous ne devez pas considérer que c’est oui ou non, blanc ou noir : ceux qui portent cette inquiétude populaire, ces idées, cette espérance ne sont pas plus idiots que les technocrates de Bercy ou de Bruxelles !
C’est cette inquiétude qui explique la présence de partisans du « non » parmi les parlementaires de gauche, écologistes, socialistes et communistes, mais aussi au sein de la population, des syndicats et des associations. Je vous le dis très sereinement : réfléchissons à ce qui se passera l’année prochaine.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Vous avez dépassé votre temps de parole de 50 % !
M. Jean-Vincent Placé. Je suis aussi ponctuel que mon ami Christian Bourquin (Sourires.), et je conclurai dans les mêmes termes que lui.
Au-delà des convictions de quelques écologistes, communistes et socialistes, de grandes voix à gauche, comme Claude Bartolone, Harlem Désir ou Laurent Fabius, ainsi que, pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne, au sein de la conférence des syndicats européens, s’élèvent également pour s’interroger sur la règle des 3 %.
Faisons donc attention de ne pas réitérer l’erreur de 1997, lorsque l’on avait promis de négocier des critères de convergence avant d’accepter finalement les traités d’Amsterdam et de Nice. Le résultat fut la défaite électorale de 2002. Au-delà même des enjeux électoraux, faisons attention de ne pas désespérer le peuple de gauche ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, dans ce débat sur le projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, je tiens à être particulièrement clair : le groupe UMP votera ce texte. Je vais détailler les raisons de ce choix.
Ce vote de principe ne nous empêchera pas d’être très attentifs aux projets de loi suivants, qui en sont la déclinaison, notamment le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Nous veillerons à ce que le Gouvernement nous présente alors des dispositions techniques et économiques de nature à permettre à la France d’atteindre les objectifs sur lesquels elle s’engage aujourd’hui vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires européens.
Notre vote n’est donc pas un blanc-seing, c’est un vote de conviction et de cohérence. La ratification du TSCG est une nécessité pour la France. C’est aussi une nécessité pour l’Union européenne.
Ce texte est le fruit d’un processus progressif – beaucoup d’entre nous l’ont rappelé –, l’approfondissement de l’union économique et monétaire sous les coups de boutoir de la crise financière de 2008 et de la crise européenne des dettes souveraines. Le TSCG met en cohérence des mesures antérieures contenues dans le « semestre européen » ou le « Six-pack », et affirme l’engagement pris par les États de faire revenir leurs finances publiques à l’équilibre, en fixant un certain nombre de principes, dont une surveillance renforcée en amont, une meilleure coordination et un mécanisme de sanction.
Les deux principaux éléments novateurs sont la fixation d’une règle d’or, à l’article 3, et la création d’une conférence réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires et des questions afférentes au TSCG, à l’article 13.
En apportant notre soutien à ce texte, nous tenons à être cohérents et responsables. À cet égard, je me permets de rappeler, sans esprit revanchard et sans trop y insister, qu’il n’en a pas été de même lors de la ratification du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, en février dernier, dans une configuration politique inversée. En effet, pour des raisons de stratégie électorale nationale, nos collègues du groupe socialiste s’étaient majoritairement abstenus.
Il est donc assez cocasse de voir aujourd’hui une partie de cette même gauche socialiste apporter son soutien au TSCG, alors qu’il s’inscrit très explicitement dans la même perspective que le MES, à savoir trouver les meilleurs outils pour donner à la zone euro une architecture économique plus solide et plus homogène. En outre, pour bénéficier de ce fonds de secours qu’est le MES, il faudra qu’un État s’engage à mettre en place des politiques garantissant son équilibre budgétaire à moyen terme.
Pour nous, mes chers collègues – je le dis sans esprit de polémique –, l’intérêt de l’Europe se place au-dessus des contingences nationales, surtout à un moment où notre continent est traversé par une crise économique historique. Nous sommes d’autant plus cohérents que le traité dont nous sommes appelés aujourd’hui à autoriser la ratification est bien celui qu’avait négocié le président Sarkozy en décembre 2011.
S'agissant du « pacte de croissance », je tiens à rappeler que le thème de la croissance était sur la table des négociations européennes et internationales depuis l’explosion de la crise consécutive à la faillite de la banque Lehman Brothers ; pour être encore précis, il était mentionné dès les conclusions du G20 de Londres en avril 2009.
Par ailleurs, au niveau européen, l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement et la réorientation des fonds structurels faisaient également l’objet de négociations depuis plusieurs mois quand les Français ont choisi un nouveau Président de la République. Dans cette affaire, il y a donc eu une certaine continuité, comme l’a souligné à plusieurs reprises le président Marini ; nous nous en réjouissons.
En matière de croissance, le seul élément relativement nouveau est une déclaration de principe, sous la forme d’une annexe aux conclusions du Conseil européen des 28 et 29 juin 2012. Cette déclaration, que je veux bien porter à votre crédit, est certes intéressante, mais je ne suis pas certain qu’elle possède une valeur juridique très contraignante. En outre, elle ne fait que reprendre les conclusions du Conseil européen de mars 2011 et son annexe intitulée « Pacte pour l’euro plus, coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence ».
Nous ne pouvons que nous féliciter de ce retour à la raison et à la réalité, qui conduit aujourd’hui le Gouvernement à soumettre le TSCG à ratification ; je répète d'ailleurs que nous le voterons.
Avec l’intervention de la Banque centrale européenne, le 6 septembre dernier, et la perspective de la mise en place de la surveillance bancaire au niveau européen, les tensions sur les marchés de la dette souveraine se sont apaisées. Cependant, cet apaisement n’aura qu’un temps ; nous le savons trop bien, comme nous savons que les marchés pourraient de nouveau tester la cohésion de la zone euro.
Monsieur le ministre délégué, permettez-moi de rebondir sur les différents points que vous avez évoqués tout à l'heure.
Vous avez clairement affirmé qu’il n’y aurait pas de croissance sans rétablissement des comptes publics. Je suis parfaitement d'accord avec vous, mais j’ajoute que la croissance nécessite aussi des réformes structurelles.
Vous avez dit également qu’il n’y aurait pas de pérennité de la monnaie unique sans convergence économique. Là encore, je suis parfaitement d'accord, mais j’ajoute que la monnaie unique ne saurait être pérenne sans une baisse des dépenses publiques.
Je rappelle en effet, puisque vous maniez les chiffres avec une grande dextérité, que les dépenses publiques de la France dépassent de 150 milliards d'euros celles de l’Allemagne, alors que notre pays compte dix-sept millions d’habitants de moins ; il faudra bien, un jour ou l’autre, que nos économies convergent dans ce domaine.
Lorsque vous nous invitez à faire une lecture keynésienne du TSCG, je commence à m’inquiéter. Je veux bien faire une telle lecture, mais à condition de ne pas oublier que nous ne devons pas nous exonérer d’une orthodoxie budgétaire fondée sur la baisse des dépenses publiques.
Je m’inquiète également quand vous appelez de vos vœux des relations franco-allemandes fondées sur un discours national beaucoup plus exigeant, un discours de vérité. En effet, notre discours national ne peut faire l’impasse sur la nécessité d’une convergence économique entre nos deux pays. Or, pour le moment, nous prenons des directions diamétralement opposées.
Enfin, vous nous parlez régulièrement d’héritage.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Nous en avons très peu parlé !
M. Jean Bizet. Cependant, lorsque vous le faites, vous ne citez ni la réforme des retraites, ni la révision générale des politiques publiques que nous avons engagées, ni l’instauration d’une TVA sociale que nous avons commencé à mettre en place.
M. Jean Bizet. Toutes ces réformes ont été validées par la Cour des comptes dans son dernier avis.
Je tenais à faire cet aparté parce que, si nous voulons que l’apaisement des tensions sur les marchés de la dette souveraine soit durable, nous devons faire très attention aux réformes que nous sommes invités à réaliser. Il est de notre responsabilité de chercher à améliorer le fonctionnement de notre monnaie commune et la coordination de nos économies.
Le TSCG apporte une partie de la réponse, en particulier grâce aux deux éléments novateurs que j’ai cités : d’une part, ce que l’on appelle par commodité la règle d’or, un outil qui organise une baisse tendancielle de l’endettement public et qui doit nous permettre de sortir collectivement d’une économie de l’endettement ; d’autre part, la Conférence des parlements, qui constitue une avancée majeure pour la démocratie. Je souhaiterais d'ailleurs savoir, monsieur le ministre délégué, comment s’organisera matériellement cette conférence, comment se fera la coordination entre les parlements nationaux et le Parlement européen, et comment se mettra en place un copilotage avec les autres institutions européennes.
La ratification du TSCG est donc très importante pour l’avenir de l’Union européenne, car c’est en faisant renaître la confiance que l’on retrouvera le chemin de la croissance.
Permettez-moi donc, mes chers collègues, d’exprimer quelque inquiétude sur la cohérence entre les engagements que le Gouvernement prend à Bruxelles et ce qu’il fait à Paris. Très concrètement, je me demande si la politique économique actuellement menée par la France est à même de répondre aux préconisations européennes telles que formulées dans les recommandations du Conseil, la communication de la Commission européenne et l’évaluation du programme de stabilité de la France au printemps 2012. Pour le moment, j’en doute.
Quand il est conseillé d’allonger la durée des cotisations retraite, et que la plupart de nos partenaires européens engagent des réformes en ce sens, le Gouvernement revient à la retraite à 60 ans.
Quand il est conseillé de réduire la dépense publique par la baisse du nombre de fonctionnaires, le gouvernement augmente les emplois publics et arrête la RGPP.
Alors qu’un satisfecit nous avait été donné sur la maîtrise de la progression du salaire minimum, vous choisissez de l’augmenter, ce qui revient à alourdir le coût du travail.
Une de vos premières mesures a été de supprimer la « TVA compétitivité », alors que la Commission européenne avait validé ce choix. Cependant, vous semblez convenir aujourd’hui qu’il faut réduire les charges sociales qui pèsent sur nos entreprises. Je suis donc très attentif, et je me demande ce que vous ferez.
Vous n’abordez pas franchement la question du financement de notre protection sociale. Il est pourtant indispensable à l’équilibre de nos finances publiques de réformer notre système de financement.
Par ailleurs, que répondez-vous à ceux qui vous suggèrent d’instaurer plus de flexisécurité et de mobilité sur le marché du travail, sur le modèle de ce qui fonctionne dans d’autres pays européens ?
Comment allez-vous gérer la discipline budgétaire aux niveaux infranationaux ? Vous ne parlez plus de l’harmonisation des fiscalités avec l’Allemagne – de la fiscalité des entreprises, à tout le moins –, et vos projets d’augmentation des prélèvements nous éloignent encore plus de la moyenne européenne.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je fais partie de ceux qui estiment que, depuis cinq ans, l’Union européenne a réussi des progrès colossaux en avançant, au rythme que lui permet son organisation institutionnelle et politique, vers plus de coordination et d’intégration. Mais cela n’est pas suffisant pour assurer l’avenir.
Il nous faut donc continuer à avancer sur ce chemin avec détermination et courage, et mener les réformes économiques structurelles dont notre pays a besoin pour sortir de la crise et ne plus se laisser distancer par l’Allemagne. En effet, si l’écart entre nos deux pays continuait à augmenter, cela aurait des conséquences considérables sur le fonctionnement de toute l’Union européenne.
Dans le même temps, il faut avancer sur le chemin d’une Union européenne plus solide et mieux intégrée, autour des quatre piliers que sont l’union bancaire, l’union budgétaire, la politique économique commune et la démocratisation globale du processus.
En particulier, la proposition, récemment formulée par la Commission européenne, d’évoluer vers une contractualisation avec les États et un donnant-donnant « réformes contre soutien sur le budget de l’Union », mérite toute notre attention, car cela semble être une formule souple, solidaire et juste. Selon nos informations, cette proposition devrait être examinée lors du Conseil européen des 18 et 19 octobre. Le Président de la République sera alors devant un choix très clair : il revêtira soit les habits de Gerhard Schröder, soit ceux de René Coty.
M. François Rebsamen. Il revêtira ceux de François Hollande, cela suffit amplement !
M. Jean Bizet. En fonction de son choix, soit il entrera dans l’histoire, soit il sera fortement critiqué. Un certain consensus politique est nécessaire pour réaliser des réformes. Dans cette perspective, comme pour le TSCG, le groupe UMP saura se montrer solidaire et constructif. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire constitue l’engagement politique de vingt-cinq États de respecter la discipline budgétaire prévue par le pacte de stabilité et de croissance. Il s’agit au fond d’éviter que ne se répète le scénario des années 2000, quand Paris et Berlin avaient décidé de concert de s’affranchir de ce pacte.
Ce traité correspond aussi à l’engagement du Président de la République de réduire le déficit public de la France, de manière à retrouver des capacités d’agir pour la croissance et à consolider la confiance de nos partenaires européens. Il s’agit d’un choix essentiel, qui structure toute la politique économique de notre pays pour les années à venir.
Approuver la ratification du TSCG, on l’aura compris, c’est s’engager au côté du Président de la République, comme le fera bien sûr le groupe socialiste.
Le débat qui agite actuellement notre pays porte, pour l’essentiel, sur les articles 3 à 8 du traité, relatifs au pacte budgétaire. Les vives réactions de certains me semblent disproportionnées au regard de l’importance réelle de leurs dispositions, d’autant que le TSCG a été complété par le pacte de croissance, lequel a réorienté la construction européenne.
Ce traité reprend de nombreuses règles déjà en vigueur. D’un point de vue purement juridique, sa « valeur ajoutée » est limitée. En effet, le pacte budgétaire se borne à consolider des dispositions, allant d’ailleurs plus loin, notamment en termes de délégation de souveraineté, qui figurent déjà dans différents textes, tels le six-pack, entré en vigueur le 13 décembre 2011, ou le two-pack, toujours en cours de négociation. Je vous prie, mes chers collègues, de bien vouloir excuser ce jargon, mais c’est celui de la Commission européenne.
La règle d’équilibre budgétaire a été suffisamment décrite précédemment pour que je n’aie pas à y revenir, sinon pour souligner que la seule innovation apportée par le TSCG réside dans le fait que l’objectif à moyen terme est que le déficit structurel ne dépasse pas 0,5 % du PIB.
Il est aussi à noter que le dernier alinéa de l’article 3 du TSCG donne une définition, quelque peu abstraite, des « circonstances exceptionnelles », qui reprend celle du pacte de stabilité, fondée sur l’écart entre une croissance normale du PIB – c’est-à-dire hors inflation – et la croissance constatée. J’ignore comment on calcule le taux de cette croissance normale. Il est nécessaire d’établir une méthode non discutable et non discutée, sachant que ce calcul servira ensuite de base à la détermination de l’objectif de moyen terme.
Tout cela n’est pas encore très clair, je le reconnais… Il est légitime d’interroger le Gouvernement à ce sujet, une harmonisation entre tous les pays concernés devant en outre intervenir.
Pour ce qui concerne le renforcement de la procédure pour déficit excessif, le TSCG ne fait que reprendre la règle applicable pour le déclenchement des sanctions inscrite dans le six-pack, à savoir le recours à la majorité qualifiée inversée. Autrement dit, un pays dont le déficit public dépassera 3 % de son PIB sera désormais automatiquement sanctionné, sauf opposition à la majorité qualifiée des États parties au traité. Concrètement, comment cela se passera-t-il ? Quels pays prendront la responsabilité de voter contre un autre ? On peut se le demander…
La seule nouveauté en l’espèce tient au fait que les États soumis à une telle procédure devront instituer un programme de partenariat économique et budgétaire comportant, en particulier, « une description détaillée des réformes structurelles à établir ». C’est probablement là l’innovation la plus importante introduite par le TSCG.
Ce traité ne soumettra pas les États parties à un carcan. Il est faux de prétendre cela. En effet, son dispositif laisse une grande liberté d’action aux gouvernements et aux parlements nationaux. Il ne porte pas atteinte à la souveraineté des États parties. Dans sa décision du 9 août dernier, le Conseil constitutionnel l’a clairement signifié. Les États parties au TSCG seront libres de définir leur propre méthode d’introduction de la règle d’équilibre budgétaire.
De plus, le TSCG respecte les compétences nationales en matière de composition du budget. Le ministre des affaires étrangères l’a souligné : le traité n’impose de contraintes ni sur le niveau de la dépense publique, ni sur sa répartition, ni sur la méthode à suivre pour revenir à l’équilibre budgétaire.
Quant à la compétence dévolue à la Cour de justice de l’Union européenne, elle respecte également la souveraineté des États parties, puisqu’elle se limite au contrôle de la transposition en droit interne de la règle d’équilibre budgétaire, sans inclure, contrairement à ce que d’aucuns avancent, celui de la mise en œuvre de cette dernière. En d’autres termes, la Cour de justice de l’Union européenne ne pourra pas contrôler les budgets nationaux et sanctionner les États qui afficheraient un déficit structurel de leurs comptes publics supérieur à 0,5 % du PIB.
Par ailleurs, le TSCG n’interdit en aucun cas les politiques de croissance. M. le ministre l’a bien expliqué, des politiques keynésiennes pourront toujours être menées.
Le TSCG est un élément essentiel de l’approfondissement de la solidarité européenne que nous cherchons à mettre en place. Son entrée en vigueur permettra la mise en œuvre effective du Mécanisme européen de stabilité. Je rappelle que le TSCG et le traité instituant le MES sont complémentaires, la transposition de la règle d’équilibre budgétaire dans l’ordre juridique interne des États parties étant la condition sine qua non de l’accès au MES.
La mise en œuvre du TSCG nécessite toutefois quelques clarifications. La notion de déficit structurel devra impérativement être précisée et harmonisée à l’échelon européen. En effet, il en existe à l’heure actuelle de multiples définitions. J’ai évoqué à l’instant la différence entre croissance normale et croissance réelle. Le concept de croissance potentielle devra être précisé, s’agissant en particulier de la mesure et de la prise en compte de l’inflation. Cette question devra être réglée lors de l’examen du projet de loi organique. En attendant, nous serions heureux de savoir où en sont les discussions au sein du Comité de politique économique du Conseil Ecofin.
La mise en œuvre du traité appelle également une clarification institutionnelle. L’article 13 du TSCG soulève la question du contrôle démocratique de la nouvelle gouvernance budgétaire et économique européenne. Il convient de définir rapidement le fonctionnement de la conférence interparlementaire qui réunira les représentants des commissions compétentes du Parlement européen et des parlements nationaux et devra débattre des politiques budgétaires, ainsi que d’autres questions visées par le traité. Des précisions sur les compétences et le fonctionnement de cette nouvelle institution sont à mon avis nécessaires. Selon moi, apporter une réponse claire à cette question du contrôle démocratique est la condition d’une bonne acceptation de l’approfondissement de l’intégration économique et budgétaire par les citoyens européens.
Faut-il aller plus loin dans l’intégration budgétaire ? Certains ont déjà répondu à cette interrogation par l’affirmative. Tel est notamment le cas de la Chancelière allemande, qui, forte du soutien du président de la Commission européenne, a de nouveau exprimé sa volonté de voir modifier les traités afin de donner à la Cour de justice de l’Union européenne un droit de regard sur les budgets des États membres et un pouvoir de sanction contre les « mauvais élèves ». Sans doute préoccupée par des échéances électorales, ce que l’on ne peut lui reprocher, Mme Merkel souhaite ainsi remettre sur la table des négociations des propositions qui n’avaient pas reçu un accueil favorable de ses partenaires. Mais, par expérience, nous savons que les discussions relatives aux institutions sont toujours extrêmement dangereuses…
Je suggère par conséquent que, sur ce sujet, nous adoptions une approche très prudente. De mon point de vue, la meilleure réponse à ces propositions de Mme Merkel est probablement l’intégration solidaire progressive définie ainsi par François Hollande : « à chaque étape d’intégration doit correspondre un instrument de solidarité ».
En résumé, le TSCG ne révolutionne pas l’architecture de la gouvernance économique et budgétaire européenne. Il consacre l’avènement d’une union budgétaire – nous nous en réjouissons – et doit être replacé dans le nouveau cadre européen issu des travaux du Conseil européen des 28 et 29 juin. Le groupe socialiste votera bien entendu le projet de loi autorisant sa ratification. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 octobre 2012 :
À neuf heures quarante-cinq :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (n° 21, 2012-2013) ;
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 22, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 23, 2012-2013).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 11 octobre 2012, à zéro heure quarante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART