M. Philippe Bas. Le président Nicolas Sarkozy !
Mme Annie David. Attendez la suite !
Mme Isabelle Pasquet. … il n’a toutefois pas oublié de faire en sorte que le nombre de bénéficiaires se trouve réduit.
Mme Annie David. Voilà !
Mme Isabelle Pasquet. Ainsi, sous couvert d’une nouvelle définition des conditions d’appréciation par les MDPH des besoins des personnes en situation de handicap, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a promulgué un décret réduisant la portée de la notion de « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi »,…
Mme Annie David. Tout à fait !
Mme Isabelle Pasquet. … qui permet à une personne dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % de bénéficier de l’AAH.
Désormais, pour évaluer la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi », seul le handicap sous son aspect médical est pris en compte, écartant, contrairement à ce qui prévalait auparavant, l’environnement économique et social de la personne en situation de handicap. Ce décret exclut des critères de détermination du montant de l’AAH les difficultés particulières liées au transport, ce qu’il est convenu d’appeler la « chaîne de déplacement ».
Pourtant, compte tenu du retard pris en matière d’accessibilité, cette question doit être regardée comme fondamentale. D’ailleurs, on voit bien que cette mesure n’est en réalité qu’une mesure d’économie, qui devrait logiquement éviter une dépense de 74 millions d’euros.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Isabelle Pasquet. Madame la ministre, ma question est simple : pensez-vous supprimer ce décret ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Michelle Meunier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de remercier et de féliciter très sincèrement Mmes les rapporteurs pour la qualité de leur rapport, qui constitue la base de notre débat.
Ce rapport rend globalement justice à la loi de 2005, même si l’application de celle-ci n’est pas à la hauteur des ambitions du législateur sur tous les points, ce qui est d’ailleurs, hélas ! commun à nombre de lois. Vous avez, mesdames, examiné les avancées réalisées et les freins qui subsistent dans tous les domaines.
Cette loi ne comprend pas seulement un certain nombre de mesures articulées les unes aux autres : elle constitue un changement radical dans l’approche que les pouvoirs publics, comme notre société, ont ou doivent avoir du handicap. Elle est fondée sur le droit à la compensation du handicap, ce qui est une nouveauté radicale. Je suis convaincu que, un jour ou l’autre, ce droit à la compensation sera l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.
En effet, la loi de 2005 s’intéresse d’abord non pas au handicap, mais aux capacités des personnes handicapées. Or compenser le handicap, c’est précisément faire en sorte que chaque personne handicapée puisse aller comme les autres au bout de ses capacités et puisse dépasser ses propres limites. C’est un apport essentiel de cette loi. Du reste, si l’on en examine les différents volets, on constate que tous ont pour objectif de permettre la concrétisation de cette très noble ambition dans un domaine ou un autre.
Aussi, vous comprendrez, mes chers collègues, que je veuille, à ce stade de mon intervention, rendre hommage à un homme qui, tout au long de sa vie publique, a confirmé et amplifié son engagement en faveur des personnes handicapées ; je veux parler du président Jacques Chirac,…
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Bas. … qui est à l’origine de la grande loi de 1975, laquelle a créé l’allocation aux adultes handicapés et les établissements médico-sociaux qui s’y rattachent, la loi de 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, ainsi que la loi de 2005, dont l’application fait l’objet du présent débat. Sur trente ans, ces trois grandes lois de la République sont toutes dues à l’action personnelle de Jacques Chirac.
Mme Isabelle Debré, rapporteur. Tout à fait !
M. Philippe Bas. Vous avez très bien montré, mesdames les rapporteurs, que, sur nombre de points, les résultats sont au rendez-vous, même si beaucoup reste encore à faire.
Tout d’abord concernant l’éducation, le nombre d’enfants scolarisés en milieu éducatif ordinaire et accompagnés a connu une progression tout à fait importante ; les capacités des sections spécialisées, mises en place surtout dans les collèges, ont considérablement augmenté.
J’évoquerai ensuite la prestation de compensation du handicap, qui est incomparablement supérieure à l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, mais dont la diffusion rapide pose aujourd’hui un problème de financement.
J’insisterai aussi sur l’augmentation des ressources des personnes handicapées qui s’est produite au cours des dernières années, comme cela a été rappelé tout à l’heure, grâce à la hausse sans précédent de l’allocation aux adultes handicapés. Les conditions nouvelles qui ont été fixées pour l’accès à cette prestation sont certes négatives, mais elles n’effacent pas l’avantage immense que cette hausse exceptionnelle représente pour les personnes handicapées.
En revanche, en ce qui concerne l’emploi des personnes handicapées, les résultats se font davantage attendre. C’est sur cette question qu’il faudra, selon moi, concentrer nos efforts dans les mois et les années qui viennent.
Il en va de même pour l’accessibilité, qui est aussi un problème majeur. Dans ce domaine, malgré le délai de dix ans qui a été accordé aux responsables d’établissements recevant du public, le travail est très loin d’être terminé.
Sur ces différents points, il est plus que temps de dynamiser l’action des pouvoirs publics et de faire preuve d’une volonté politique inflexible pour rendre l’action de l’État et des collectivités territoriales beaucoup plus efficace et ses résultats, plus rapides.
S’agissant de l’éducation, des résultats tout à fait remarquables ont été obtenus. Chacun a pu prendre connaissance des chiffres fournis par Mmes les rapporteurs et constater qu’un élan formidable a été donné. L’augmentation d’un tiers du nombre d’enfants handicapés accueillis par l’éducation nationale depuis 2006 est un résultat dont notre République peut légitimement être fière. (Mme Isabelle Debré, rapporteur, acquiesce.)
Je mesure néanmoins le nombre des situations qui restent aujourd’hui sans solution : dans ce domaine, si l’on est satisfait de noter les améliorations, on souffre toujours, par compassion, de voir des difficultés irrésolues. Mais que cela ne nous empêche pas de nous réjouir des progrès !
Quant au nombre des élèves accompagnés par des auxiliaires de vie scolaire individuels, il a bondi puisque, selon Mmes les rapporteurs, il est passé de 18 500 à 61 700 enfants, ce qui représente tout de même une augmentation de 230 %.
Mais ne nous endormons pas sur nos lauriers : des actions majeures restent à conduire. Je les mentionne pêle-mêle, compte tenu du temps encadré dont nous disposons dans ce débat.
Il faut d’abord améliorer la formation des enseignants. En effet, un certain nombre de professeurs des écoles se sentent démunis et ne s’en cachent pas : ils ont besoin d’être soutenus.
Il faut ensuite revaloriser le statut des auxiliaires de vie scolaire, dont la précarité est un problème auquel il n’a été porté remède ni par aucun de vos prédécesseurs – j’en fais partie – ni par vous-même, pour le moment, madame la ministre, quoiqu’il pénalise beaucoup l’accompagnement de nos enfants handicapés. (Mme Isabelle Debré, rapporteur, acquiesce.)
Je sais bien que les budgets de l’éducation nationale sont toujours tendus et que le ministre, lorsqu’il a des choix à faire, qu’on me pardonne de le dire, préfère toujours les professeurs aux auxiliaires de vie scolaire. Il faut donc avoir une volonté politique très ferme de remédier à cette situation.
M. Ronan Kerdraon. Maintenant, elle existe !
M. Philippe Bas. Il importe aussi que le nombre des places en ITEP, ou institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, soit augmenté. Nous mesurons dans nos départements leur insuffisance, d’autant plus criante qu’elle affecte des enfants particulièrement handicapés, notamment ceux qui souffrent d’autisme. Il faut également continuer à augmenter le nombre des places en CLIS – classe pour l'inclusion scolaire – et en ULIS – unité localisée pour l'inclusion scolaire.
La prestation de compensation du handicap est un autre sujet à propos duquel nous pouvons être globalement satisfaits.
Cette allocation est un outil extraordinaire en ce que son champ déborde le seul financement de l’aide humaine à la personne pour s’étendre aux aides techniques, aux aides à l’adaptation du logement et aux aides à l’adaptation des véhicules. Il y a là quelque chose de tout à fait novateur puisque c’est la première fois qu’est mise en œuvre une aide aussi finement individualisée.
Elle est d’autant plus individualisée que les associations de personnes handicapées qui siègent au sein des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, portent sur la situation des personnes et sur leurs besoins pour réaliser leur projet de vie un regard personnel qui diffère de celui des professionnels et vient le compléter.
Seulement voilà : nous sommes aujourd’hui au pied du mur. La prestation de compensation du handicap a besoin d’être financée et les finances départementales sont dégradées, de même que les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Je crois qu’il est temps, au lieu de nous renvoyer la balle les uns aux autres, de tenir une sorte de lit de justice avec tous les acteurs concernés, pour examiner de quelle façon nous financerons à l’avenir cette prestation, dont le nombre des bénéficiaires est passé de 37 000 en 2007 à 160 000 en 2010.
Il s’agit d’un enjeu majeur, car la progression se poursuit au même rythme. Sans compter que les départements, précisément parce qu’ils ne gèrent pas cette prestation comme un guichet administratif mais que les CDAPH existent, n’ont pas la possibilité de resserrer les conditions d’attribution. Nous devons donc trouver un moyen de faire face à nos engagements.
Et puisqu’on reparle enfin de la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, il est plus que temps d’y associer celle de la prise en charge de la dépendance des personnes handicapées. Madame le ministre, je vous en supplie, ne restez pas à l’écart de ce débat, dont votre collègue en charge des personnes âgées n’a pas le monopole ! Le problème de la dépendance, dont les enjeux financiers sont extrêmement lourds, doit aussi être l’une de vos préoccupations majeures.
La création des maisons départementales des personnes handicapées est une avancée précieuse, pourvu que ces structures aient les moyens d’assurer leur avenir. Or il n’est pas toujours facile de faire fonctionner ces institutions encore jeunes, qui sont des lieux d’accueil conçus pour mettre fin au « parcours du combattant », comme il est dit dans le rapport, que les personnes handicapées devaient affronter auparavant pour faire reconnaître leurs droits.
L’avenir des MDPH sera menacé si des mesures urgentes ne sont pas prises pour en assurer le fonctionnement.
Au chapitre des progrès très sensibles qui ont été réalisés, il faut citer enfin les ressources des personnes handicapées.
Je reconnais bien volontiers que nous ne sommes pas allés au bout du chemin, mais tout de même ! Que dirait-on aujourd’hui si l’allocation aux adultes handicapés n’avait pas été augmentée de 25 % en cinq ans ?
Toutefois, prenons garde : quels que soient les progrès accomplis, nous devons en être conscients, l’enjeu de demain n’est pas seulement d’augmenter le niveau de ressources des personnes handicapées qui ne travaillent pas : il est de conduire un nombre croissant de personnes handicapées vers l’emploi.
Pour cela, il faut les accompagner sur le plan social, mais aussi au regard de la formation aux métiers et de l’insertion dans les entreprises et les services publics qui les emploient. De cette façon, les personnes handicapées ne seront pas enfermées dans l’inactivité. Il faut le savoir, un minimum de subsistance, à quelque rythme qu’il progresse, restera toujours un minimum de subsistance. C’est donc sur l’emploi qu’il faut, selon moi, mettre aujourd’hui l’accent.
Le fait est que, dans ce domaine, les résultats sont tout à fait décevants. Bien que le secteur public soit désormais plus ouvert à l’emploi des personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 l’ayant soumis à la même obligation que le secteur privé, les améliorations se font attendre.
En réalité, on observe une sorte de stagnation de l’emploi des personnes handicapées, comme Mmes les rapporteurs l’ont parfaitement mis en évidence. Les majorités changent, les problèmes demeurent.
C’est pourquoi nous devons nous persuader que l’enjeu principal, l’horizon le plus important, la frontière qu’il nous faut franchir, c’est maintenant l’emploi des personnes handicapées. Songez, mes chers collègues, que leur taux de chômage est deux fois plus élevé que celui des autres Français !
Cette situation est totalement inacceptable. Elle montre les limites des mesures de coercition que nous avons voulu mettre en œuvre : elles ont beau être appliquées, elles n’empêchent pas qu’un certain nombre d’employeurs, privés ou publics, préfèrent payer pour ne pas employer plutôt que d’employer pour ne pas payer.
Il y a enfin le problème majeur de l’accessibilité. Il est temps que le décret sur l’accessibilité des lieux de travail paraisse ; c’est à juste titre, mesdames les rapporteurs, que vous le demandez.
Il faut aussi reconnaître, s’agissant des établissements recevant du public, que le délai de dix ans n’aura pas été bien mis à profit. Il n’était pas fait pour qu’on s’endorme en attendant l’échéance !
Les données manquant, il importe de mettre en place des systèmes de collecte de l’information. Mais il faut en outre qu’un nouvel élan soit donné, aussi bien pour la voirie que pour les transports collectifs ou l’aménagement des établissements recevant du public, afin que l’objectif fixé pour 2015 puisse être atteint.
J’observe que, sur ces travées, nous sommes partagés : certains ont déjà fait leur deuil de cet objectif quand d’autres veulent qu’on mette les bouchées doubles. Nous verrons ce qui se passera en 2015, mais, quoi qu'il en soit, il importe aujourd’hui de faire savoir à nos compatriotes qui ont des obligations dans ce domaine que nous voulons, autant qu’il est possible, atteindre notre objectif. Et il faut aussi leur montrer que, dès maintenant, nous commençons à prévoir ce que nous déciderons pour ceux d’entre eux qui n’auront pas atteint l’objectif en 2015.
Autrement dit, il va falloir encadrer dans un calendrier précis, avec des engagements de financement et un programme d’action, tous les établissements recevant du public qui ne se seront pas mis aux normes d’accessibilité.
Nous devons donc être fermes sur les objectifs mais, en même temps, trouver de nouvelles procédures pour accélérer les résultats.
Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais vous présenter. Je tiens, pour finir, à insister sur un certain nombre de vœux.
Que la réforme de la dépendance prenne en compte les personnes handicapées et que nous relancions le plan pluriannuel de création de places et de services en faveur des personnes handicapées et des enfants handicapés.
Que nous offrions un statut digne de ce nom aux auxiliaires de vie scolaire.
Que nous renforcions l’accompagnement dans l’emploi et la formation des travailleurs handicapés.
Que nous fassions face à l’impératif de la prise en charge du vieillissement des personnes handicapées.
Et, surtout, que nous prenions des mesures pour que l’accessibilité pour tous devienne une réalité, si possible en 2015.
C’est ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, que nous réussirons à changer réellement la vie des personnes handicapées, pour que la différence des uns cesse de se heurter à l’indifférence des autres ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier à mon tour nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré pour la qualité du rapport d’information qu’elles ont préparé au sein de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, présidée par David Assouline.
Voter des lois est important ; en vérifier l’application est tout aussi nécessaire.
Nous voici à l’heure du premier bilan de la loi du 11 février 2005, dite « loi handicap ». Où donc en sommes-nous ?
La loi était ambitieuse, le bilan est mitigé. Il pouvait difficilement en être autrement. Mais ce bilan nous montre surtout dans quelle voie il faut poursuivre.
Je parlerai d’abord de la petite enfance, puis de la scolarisation, en insistant sur la continuité qui existe dans le parcours de vie de l’enfant et de sa famille.
L’arrivée dans une famille d’un enfant porteur de handicap est souvent source d’inquiétude, voire d’angoisse quant à son évolution et à son devenir. C’est aussi une charge importante pour les parents qui accompagnent leur enfant au quotidien. Les familles nous le disent : leur emploi du temps est très largement consacré à leur enfant, aux consultations médicales, aux bilans, aux accompagnements pour la scolarisation et aux activités adaptées, si l’enfant a la chance d’en bénéficier.
Beaucoup de mères cessent leur activité professionnelle pour prendre en charge l’enfant porteur de handicap ; pour la famille, c’est souvent un salaire en moins, alors même que les frais à sa charge augmentent. Parfois aussi, des couples se séparent ou des fratries sont mises à mal.
Je ne veux pas peindre un tableau trop noir, car de nombreuses familles rebondissent, se mobilisent, militent pour faire avancer leur situation et celle des autres. Mais il faut bien reconnaître que leur parcours est tout de même plus difficile au quotidien et dans la durée que celui des autres familles.
La loi du 11 février 2005 a suscité beaucoup d’espoir dans ces familles, celle-ci pensant qu’elle leur offrirait enfin des réponses adaptées à la prise en charge à long terme de leur enfant et qu’elle leur permettrait de vivre comme des familles presque ordinaires.
Bien sûr, tout n’est pas négatif dans les cinq premières années de mise en place de cette loi globale et ambitieuse, nous nous devons tout de même de constater que le chantier reste colossal.
Tout d’abord, sur la prise en compte des familles et du projet individualisé pour l’enfant, le rapport constate de nettes insuffisances. Pour que l’enfant et sa famille soient placés au cœur du dispositif, il faut impulser, voire imposer, un changement dans les mentalités et dans les cultures professionnelles.
En effet, la famille est toujours centrale dans l’accompagnement de l’enfant ou du jeune. C’est sur elle que tout repose, il faut bien le dire. Nous en avons la preuve dans nos départements lorsque l’aide sociale à l’enfance doit parfois prendre le relais auprès d’enfants présentant un handicap, et ce n’est pas simple !
Il faut être très attentif dans la période d’annonce du handicap, car c’est à ce moment crucial et difficile que des obstacles peuvent survenir, mais aussi être dépassés. Ces obstacles trouvent le plus souvent leur source dans l’incompréhension, la culpabilité et la colère. Il faut permettre aux parents de s’exprimer, de poser leurs questions, pour que leur regard sur leur enfant devienne bienveillant, autant qu’il est possible, et que chacun trouve peu à peu sa place. Il faut passer du « Pourquoi le handicap ? » à « Comment allons-nous accompagner notre enfant ? »
Le rôle des professionnels des maternités, des centres de protection maternelle et infantile et des centres d’action médico-sociale précoce dans les départements est, à ce titre, déterminant. Il faut pouvoir mobiliser aussi ces services lors de l’annonce d’un handicap acquis ou découvert plus tardivement. La cellule familiale doit tenir bon autour de l’enfant ; il y va de l’intérêt de l’enfant, de sa famille et de la société tout entière.
Ensuite, vient le temps social, où la famille se confronte, au-delà des discours d’intention, aux réalités locales de l’accueil des enfants ayant des besoins spécifiques. La nécessité du « sur-mesure » se heurte à nos dispositifs normés.
L’accueil en structure collective ou chez une assistante maternelle est la première épreuve pour les familles. Il en va de même pour les structures de loisirs. Pourtant, des solutions existent, élaborées ici et là en France à partir de la volonté et de l’intelligence des professionnels et des familles, et avec le soutien des collectivités locales. Il serait intéressant, madame la ministre, de pouvoir faire connaître ces montages, par exemple sur un forum dédié, placé sous la responsabilité de votre ministère.
À ce titre, il me semble aussi que les maisons d’assistantes maternelles pourraient jouer un rôle non négligeable dans la construction de réponses locales individualisées en matière d’accueil de la petite enfance, moyennant la formation de ces professionnelles volontaires et une petite réduction du nombre d’enfants accueillis en recherchant le moyen de prendre en charge financièrement une partie du manque à gagner qui en résulterait.
L’enfant, déjà habitué à un petit collectif, pourrait aborder sa scolarisation avec des acquis et moins de difficultés. Il pourrait être scolarisé à temps partiel tout en restant, dans un premier temps, à la maison d’assistante maternelle l’après-midi. Il en irait de même pour un enfant dont les difficultés exigent une orientation vers une structure spécialisée. Il s’agirait d’un temps d’observation et de première socialisation très utile en matière d’orientation scolaire de l’enfant.
Aujourd’hui, il est très difficile de trouver des solutions d’accueil permanent ou occasionnel pour des enfants en situation de handicap. Je fais ici le lien avec la volonté de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, de relancer ce grand chantier de l’accueil de la petite enfance. N’oublions pas les enfants en situation de handicap. Des volontés et des compétences existent ; il nous faut donc pouvoir les mobiliser.
La loi de 2005 prévoit la scolarisation comme étant le droit commun. L’affirmation de ce principe a déjà fait bouger les lignes, comme on le constate dans le rapport, du moins d’un point de vue numérique. C’est un début encourageant, car il a permis de démontrer que l’intégration est possible.
Toutefois, je ne suis pas la première à le dire, nous devons rester réalistes et faire preuve de ténacité, car les obstacles sont encore nombreux. Ils tiennent en très grande partie à des résistances de cultures professionnelles cloisonnées et peu formées à la transversalité. Ils s’illustrent notamment par la trop grande faiblesse dans la collaboration avec l’enfant et sa famille. C’est, en vérité, le constat qui m’a le plus choqué à la de ce rapport.
Selon l’Association pour adultes et jeunes handicapés, seulement 30 % des enfants bénéficieraient d’un projet personnalisé de scolarisation, et ceux-ci sont parfois établis sans consultation préalable des parents, alors que la loi l’exige ! Nous sommes loin du compte en matière de respect de l’enfant et de sa famille.
Comment peut-on ignorer à ce point qu’il est essentiel de rechercher des solutions avec la famille ? Celle-ci est bien souvent la meilleure spécialiste, car elle connaît le détail de la vie quotidienne de l’enfant, ses capacités, et l’accompagne, parfois jour et nuit, le plus souvent 365 jours par an. Bien sûr, on nous dira que certaines familles « étouffent » leur enfant handicapé ou pensent à sa place. C’est une raison supplémentaire pour impliquer l’enfant et sa famille, et faire évoluer cette situation dans l’intérêt de l’enfant.
Il nous faut donc renforcer la formation des professionnels par des rencontres et des apports des représentants des familles et de leur association, afin que celles-ci soient entièrement associées à toutes les étapes de l’intégration de l’enfant et du jeune.
La formation des enseignants, des professionnels des RASED et du périscolaire aux réalités des différents handicaps et au partenariat interinstitutionnel devrait pouvoir renforcer leur capacité d’intégrer des enfants différents au sein des groupes d’élèves. Nul doute que les futures créations de postes annoncées récemment par le ministre de l’éducation nationale constitueront autant de chances pour la prise en compte des enfants et des jeunes ayant des besoins spécifiques dans tous les cycles de scolarisation.
L’autre défi est de donner de la souplesse à nos dispositifs, pour les adapter aux besoins spécifiques. L’exemple de la Belgique, cité dans ce rapport, est, à ce titre, très intéressant du point de vue des différentes modalités d’intégration des enfants autistes.
Il s’agit de répondre aux besoins de l’enfant et non de répondre, comme trop souvent encore chez nous, par une scolarisation à temps très partiel, faute d’autre solution. Il nous faut construire localement, avec le concours de tous les acteurs concernés par le projet personnalisé de scolarisation, des solutions souples et évolutives qui prennent également en compte les besoins de transport, d’accueil périscolaire notamment, cela a été dit.
Je ne reviens pas sur la nécessité de former et de professionnaliser les assistants de vie scolaire ; la démonstration en est faite dans ce rapport.
Nous sommes contraints de poursuivre la tâche avec détermination de sorte que les 20 000 enfants et jeunes sans solution – pour peu que ce chiffre soit exact, tant la statistique est défaillante dans ce domaine – trouvent une solution correspondant à leurs besoins d’intégration sociale et scolaire.
Les trois quarts de ces jeunes sont en établissement et un quart, soit 5 000, seraient chez leurs parents, en attente de solution...
Ces situations doivent mobiliser prioritairement les MDPH et l’éducation nationale, afin que ces jeunes et leurs proches ne se sentent pas abandonnés par nos institutions.
Il me semble nécessaire, tant le chantier est important, d’inscrire un nouveau rendez-vous dans trois ou cinq ans, afin de faire le point sur l’évolution de la situation. En effet, il nous faut maintenir la vigilance et la volonté politique pour lutter contre les discriminations liées aux handicaps.
Madame la ministre, j’en suis convaincue, chaque fois que, d’une manière ou d’une autre, nous permettons à un enfant, à un adulte, de s’intégrer, au mieux de ses possibilités, dans notre vie sociale, scolaire et professionnelle, cela constitue une victoire sur l’injustice. Alors continuons à construire ensemble notre projet social vers toujours plus d’égalité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées engagée par le gouvernement Raffarin nourrissait « l’ambition de concrétiser l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées ». Il nous faut saluer l’objectif de cette loi, ainsi que les nombreuses retombées positives qui ont découlé de son application.
Pourtant, malgré une ambition bien légitime, je souhaite aujourd’hui vous parler d’un point précis de la loi qui pénalise le bon fonctionnement de nombreux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.
En tant que rapporteur pour avis de la mission « Sécurité civile » du projet de loi de finances, j’ai interrogé à plusieurs reprises les représentants du Gouvernement sur les difficultés d’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés par les SDIS en raison des caractéristiques de leur métier, soumis à des conditions d’aptitude physique particulières.
Rappelons que, comme tous les employeurs publics qui emploient au moins vingt agents à temps plein ou leur équivalent, les SDIS sont soumis à l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapés. La contribution est fondée sur l’effectif des titulaires. Or la plupart des fonctionnaires des SDIS sont des sapeurs-pompiers professionnels pour lesquels les conditions physiques et médicales sont incontestablement incompatibles avec un handicap.