compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Boyer,

M. Marc Daunis.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

longueur des délais d'attente pour l'examen de conduite

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 56, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Rachel Mazuir. Monsieur le ministre, je souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur la longueur des délais d’attente pour passer le permis de conduire.

Depuis plusieurs années déjà, professionnels des auto-écoles et candidats au permis de conduire soulèvent cette difficulté. À ce titre, mes chers collègues, des manifestations de mécontentement des moniteurs d’auto-école ont sans doute eu lieu dans vos départements, comme ce fut le cas chez moi, dans l’Ain. Les délais pour passer l’examen s’allongent, mais aucune solution concrète n’a jusqu'à présent été dégagée.

Certes, les réformes qui se sont succédé ont amélioré la sécurité routière dans notre pays, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Cependant, elles ont également contribué à l’engorgement du système d’examen. Aux novices se sont en effet ajoutés – par dizaines de milliers, hélas ! – les conducteurs sanctionnés par un retrait de permis. Aujourd’hui, 4 millions de candidats attendent une date pour passer l’épreuve.

Les professionnels concernés pointent plusieurs failles dans le dispositif actuel.

Tout d’abord, les auto-écoles soulignent la complexité du système national d’attribution des places, calqué sur leur taux de réussite à l’examen de l’année N-1. Les préfectures attribuent à chaque auto-école un quota calculé au prorata du nombre d’élèves que celle-ci a présentés pour la première fois à l’examen.

Cependant, les redoublants ne sont pas comptabilisés dans ce calcul. Au précédent décompte effectué, l’administration applique alors un coefficient pour déterminer le nombre de places censées être réservées aux redoublants. Ces derniers sont pourtant nombreux. Ainsi, dans l’Ain, en 2011, 43 % des candidats inscrits n’ont pas obtenu leur examen du premier coup ; peu auront la chance de le repasser dans un délai raisonnable.

De plus, cette nouvelle inscription engendre des frais supplémentaires que nombre de redoublants ne peuvent honorer. Or nous savons bien que, aujourd’hui, posséder le permis de conduire est l’une des conditions primordiales à l’obtention d’un emploi.

En outre, les inspecteurs du permis, recrutés par le ministère des transports, déplorent leur faible nombre. Selon ces spécialistes, il faudrait, pour résorber ces millions de dossiers en attente, créer au moins 300 postes supplémentaires et veiller à remplacer sans attendre les inspecteurs absents pour congé de maladie. Dans le département de l’Ain, on dénombrait, en 2011, 7 agents pour 12 602 candidats examinés !

Plusieurs solutions sont évoquées pour mettre fin à cette situation : privatisation des services de l’État – ce n'est pas ce que je souhaite – ou, à l’inverse, nationalisation entière du système, remise en cause de la mission des auto-écoles, laquelle serait limitée à la formation et ne concernerait plus l’inscription...

Monsieur le ministre, des dispositions particulières seront-elles prochainement arrêtées afin de répondre aux attentes justifiées des candidats et des professionnels concernés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, le sujet que vous abordez intéresse un grand nombre de nos concitoyens, notamment les plus jeunes. Le délai de passage à l'épreuve pratique de l'examen du permis de conduire comme celui qui sépare deux présentations dépendent, vous le savez, du taux d'activité des inspecteurs du permis de conduire et, pour les écoles de conduite, du nombre de candidats qu'elles ont été en mesure de présenter pour la première fois au cours des douze derniers mois et du taux de réussite de ces derniers. Ces facteurs sont synthétisés dans la méthode nationale d'attribution des places d'examen du permis de conduire, qui permet d'octroyer à chaque établissement le nombre de places auquel il a droit.

Cette méthode encourage les établissements d'enseignement de la conduite à assurer une formation de qualité et à présenter les candidats qu'ils estiment les mieux préparés, afin de disposer d’un meilleur taux de réussite. Une fois acquises, ces places sont utilisées librement par les écoles de conduite, chacune d’entre elles choisissant les candidats qu'elle présente.

Si un établissement connaît une situation particulièrement critique, notamment du fait d'un faible taux de réussite ou d'un nombre important d'inscrits, le comité local de suivi, qui existe dans chaque département et se réunit régulièrement, peut prendre des mesures exceptionnelles d'attribution de places supplémentaires pour lui venir en aide.

Dans le département de l'Ain, le délai moyen de passage entre deux présentations est légèrement supérieur à la moyenne nationale, soit 87 jours contre 82 jours en 2011. Cette situation a été prise en compte par la délégation à la sécurité et à la circulation routières, qui, depuis le début de l'année, a fait en sorte de venir en aide à ce département via le système de la réserve nationale. Du mois de janvier 2012 au mois d'octobre dernier, l’Ain aura reçu 66 jours de renforts d’inspecteurs venus d'autres départements, auxquels s'ajoute une enveloppe annuelle de l'ordre de 500 examens supplémentaires organisés en particulier les samedis.

Enfin, monsieur le sénateur, le nombre de 4 millions que vous avez avancé, s'agissant des candidats en attente de passer l'épreuve pratique du permis de conduire au 1er janvier 2012, paraît surévalué. Toutefois, cela demande vérification, et la connaissance de ces sujets est utile au ministère. En effet, il faut comparer le nombre de jeunes atteignant l'âge de 18 ans chaque année et le nombre de permis B délivrés, respectivement, en moyenne, de l'ordre de 750 000 et de 720 000 en France métropolitaine, ces dernières années.

Monsieur le sénateur, vous l'aurez compris, le Gouvernement met tout en œuvre afin que nos concitoyens puissent passer leur permis de conduire dans les meilleures conditions. N'hésitez pas à l’interpeller de nouveau sur ce sujet. Votre connaissance du terrain nous permettra d’améliorer les modalités de cette épreuve tout à fait essentielle.

M. le président. La parole est à M. Rachel Mazuir.

M. Rachel Mazuir. Monsieur le ministre, je vous remercie de m’avoir apporté ces éléments de réponse et, surtout, de m’autoriser à vous solliciter de nouveau si la situation ne s'améliorait pas.

Il s'agit là d'un sujet important pour la jeunesse et pour l'emploi. En effet, lorsqu’on se lance sur le marché du travail, ne pas détenir le permis de conduire constitue aujourd'hui un obstacle supplémentaire dans la recherche d’un emploi.

Enfin, monsieur le ministre, je vous sais gré d'être venu répondre personnellement à cette question orale dès potron-minet ! (Sourires.)

collecte du lait dans le cantal

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 47, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, comme vous le savez, la filière laitière française a subi depuis 2003 de profondes modifications dans la perspective de la suppression des quotas laitiers en 2015. Ces transformations incluent l’abandon des mesures d’intervention et l’augmentation progressive du quota européen. Parallèlement, la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a mis en place la contractualisation, destinée à établir un équilibre grâce aux négociations engageant les producteurs et les industriels.

Ces négociations sont pourtant loin d’aboutir au résultat escompté, en particulier dans le département du Cantal que je représente. C’est ainsi que la société laitière Dischamp, l’un des plus gros industriels laitiers de toute la région du Massif central, a notifié au printemps dernier à plus de 90 producteurs laitiers du Cantal, engagés ou non dans une démarche d’appellation d’origine protégée, l’arrêt de la collecte à la fin de la campagne laitière en cours, soit le 31 mars 2013.

Cette annonce est intervenue alors même que l’entreprise concernée ne paraît pas connaître de difficultés économiques particulières, ce qui laisse présumer qu’il s’agirait d’imposer un rapport de force pour faire baisser les prix. Plus largement, elle est symptomatique du contexte de crise que connaît le secteur laitier dans le département, et, disant cela, je pense notamment aux problèmes rencontrés au sein d’autres groupes.

Monsieur le ministre, il est inutile de préciser que notifier à 90 exploitants l’arrêt pur et simple de la collecte – cela représente pour certains d’entre eux plusieurs centaines de milliers de litres de lait – revient à les plonger, eux et leurs familles, dans une angoisse totale. En effet, si aucune solution n’est trouvée rapidement, notamment pour assurer la commercialisation de leur production, ils seront inéluctablement condamnés à la faillite.

Ces éléments tendent à démontrer que la contractualisation n’apporte pas aux producteurs de lait la sécurité attendue dans un marché libéralisé. De surcroît, la situation excédentaire actuelle des marchés français et européen impose une recherche aussi active qu’incertaine de nouveaux débouchés. Dans ces conditions, la pression à la baisse du prix du litre de lait ne pourra que fragiliser un peu plus les producteurs, en particulier dans les départements très ruraux, voire remettre en question l’avenir de leurs exploitations. Or la maîtrise des volumes est seule en mesure d’assurer aux producteurs des prix rémunérateurs.

En conséquence, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous indiquiez de quelle façon le Gouvernement entend s’impliquer sur cette question pour garantir un environnement sécurisé aux producteurs du Cantal, en particulier dans la perspective du maintien d’instruments de régulation dans le cadre de la politique agricole commune 2014-2020.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, vous avez évoquant la situation d'une collecte de lait dans votre département, vous avez mis en avant trois éléments.

Le premier point porte sur la question de la contractualisation qui, aujourd'hui, régit les relations entre producteurs et transformateurs. Vous le savez, j’ai demandé avant l'été un rapport : un certain nombre de conclusions en seront tirées en vue d’améliorer ce système de contractualisation et, en particulier, de renforcer la place, le poids et l'organisation des producteurs.

Le deuxième point, à mes yeux beaucoup plus important, est en rapport avec la situation géographique de votre département : la production laitière dans les zones de moyenne montagne. La sortie programmée des quotas laitiers, décidée dans le cadre du bilan de santé de la politique agricole commune en 2008, pose un véritable problème de réorganisation de cette filière de production.

Je suis attaché au maintien de la production laitière dans les zones de moyenne montagne, car cette production constitue un enjeu en termes d’emplois et de valeur ajoutée pour l’agriculture des régions concernées.

Une réflexion devra être menée sur ce sujet avec l’ensemble des acteurs pour voir comment organiser, à l’échelon des régions et des départements, une production et une collecte dont les spécificités puissent être identifiées par les consommateurs.

Le troisième point est relatif à la régulation au niveau européen, qui est liée à la question des quotas et de leur suppression d’ici à 2015. Hier, au conseil des ministres de l’agriculture, j’ai évoqué pour la première fois mon idée d’une forme de « pacte de stabilité » des marchés agricoles. Je souhaite présenter un certain nombre de mesures pour que nous puissions, au niveau européen, régler les problèmes de production et d’offre, en particulier dans le secteur du lait, de manière plus coopérative, au lieu d’en rester au système actuel, qui exacerbe la concurrence. Une première proposition, sur laquelle il nous faudra travailler et progresser, a donc été présentée hier par le ministre de l’agriculture que je suis.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je suis très heureux de vous entendre préciser vos objectifs. Nous ne pouvons que les partager, qu’il s’agisse de la contractualisation, du maintien de la production dans les territoires de moyenne montagne, dont on connaît les spécificités et les difficultés, ou de la régulation au niveau européen.

L’annonce de votre proposition d’un « pacte de stabilité » me paraît aller dans le bon sens. Mais elle ne permet pas de répondre aux difficultés immédiates rencontrées par les dizaines de producteurs de mon département, sans oublier que les mêmes problèmes se posent dans d’autres départements : au total, ce sont donc plusieurs centaines de personnes qui sont concernées.

Il est indispensable de trouver une solution pour toutes ces exploitations agricoles, dont certaines sont d’ailleurs de taille significative. L’échéance est fixée au 31 mars : il est urgent que le Gouvernement fasse pression sur les industriels pour les amener à prendre des mesures qui soient à la fois des mesures de justice et des mesures indispensables pour l’économie de nos territoires.

financement de la lutte contre les chenilles processionnaires

M. le président. La parole est à M. Michel Houel, auteur de la question n° 58, transmise à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Michel Houel. Monsieur le ministre, nombre de départements français, notamment la Seine-et-Marne, sont confrontés depuis plusieurs années à la prolifération des chenilles processionnaires : on constate dans les communes touchées par ce phénomène une véritable invasion de chenilles qui engendrent des risques sanitaires graves aussi bien pour les animaux domestiques que pour les populations. C’est une situation à laquelle les élus doivent faire face.

Les méthodes de lutte contre ce fléau sont connues, l’idéal étant bien sûr les actions préventives qui peuvent être menées sur le plan départemental. Certes, la gestion de la prolifération des chenilles processionnaires du chêne relève de la compétence des maires et du préfet eu égard à leur pouvoir de police. Mais le coût des traitements est très élevé et difficile à assumer pour les communes rurales. Même si ces dernières peuvent en facturer une partie aux propriétaires privés, les traitements sur le domaine public demeurent importants, plus particulièrement lorsque la commune possède des terrains boisés.

La coordination des actions de lutte apparaît également indispensable pour être efficace, les mesures isolées de quelques communes s’étant soldées par des dépenses inutiles et sans résultat sur le long terme.

Monsieur le ministre, que comptez-vous faire pour soutenir les départements touchés et pour parvenir enfin à une véritable éradication d’un phénomène aux conséquences parfois très graves sur la santé des populations ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, vous m'avez alerté sur le problème très spécifique de la prolifération des chenilles processionnaires. Je sais que des campagnes de prévention ont été engagées par plusieurs agences régionales de santé. Je sais aussi que, dans de nombreux endroits, en particulier en Aquitaine, dans les Pays-de-Loire et en Île-de-France, des actions de lutte par épandage aérien ont été lancées. Je précise d'ailleurs que les produits utilisés sont issus de l'agriculture biologique.

Pourtant, on constate une prolifération de ces chenilles, notamment en Île-de-France. C'est pourquoi une surveillance sanitaire a été réalisée cet été dans deux zones connues pour abriter des populations de chenilles, l’une dans votre département et l'autre dans le Val-d'Oise.

Pour répondre à la question que vous m’avez posée, je tiens à vous dire que nous allons examiner les résultats des études qui ont été réalisées, le réchauffement climatique semblant l’un des facteurs favorisant le développement de ces chenilles. À partir de là, il faudra en tirer des conclusions à la fois en termes d’épandages qui pourraient être demandés et en termes financiers, le coût étant élevé pour les communes concernées. Nous devrons nous mettre tous – communes, départements, régions et État – autour de la table pour résoudre le problème.

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. En tant que président de l'Union des maires de Seine-et-Marne, je suis bien évidemment tout à fait prêt à participer aux différents travaux que vous pourrez mener.

protection de l'activité agropastorale en lozère face à la multiplication des attaques de loups

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand, auteur de la question n° 109, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, ma question porte sur la présence du loup en France. Mon objectif, qui paraît de bon sens, est de cantonner le loup dans des zones inhabitées.

Tous, nous aimons les animaux – je suis pour ma part propriétaire de chiens –, la biodiversité et l’environnement. Dans mon département, on trouve un parc national, des zones humides, des ZNIEFF, ou zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique, des sites Natura 2 000 : bref, tout ce que l’on veut !

Mais il s'avère que, petit à petit, les loups, qui seraient plus de 200 aujourd'hui, colonisent une bonne partie de notre pays. Cette situation n'est pas acceptable car elle met nos éleveurs dans une situation d’insécurité économique et sociale. Peut-être y a-t-il des endroits où ce brave loup pourrait vivre et prospérer, mais il ne peut s’agir que de zones inhabitées.

Il est de nombreuses zones où les modalités d'élevage ne permettent pas la présence du loup : le soir, les troupeaux restent dehors et l'éleveur ne peut pas les garder jour et nuit ! À la télévision, on nous propose de mettre des clôtures ou de prendre des chiens patous, lesquels d'ailleurs mordent une fois sur deux le berger et les promeneurs… Et pourquoi ne pas installer aussi des barbelés, des miradors, des tranchées, des herses, ou des fossés antichars ? (Sourires.)

Des mesures sont envisageables là où, par regroupement de troupeaux, on peut mettre ensemble 2 000 à 3 000 bêtes dans des alpages d'altitude inhabités, avec deux bergers payés. Ailleurs, dans une large partie du pays, cela n'est pas possible !

Monsieur le ministre, par-delà les lois, les règlements, les décrets, les conventions, il nous faut revenir au bon sens. Je sais que vous êtes un terrien, attaché à l'agriculture, et j'ai grand espoir en vous.

Le loup sème l'insécurité : il va s’attaquer à une bête – elle est encore vivante quand il commence à la manger, par les pattes le plus souvent… –, il va apeurer les autres, et les agnelages ne se feront pas ensuite. Au final, c’est toute la famille de l'agriculteur qui est plongée dans l'insécurité.

Il est vraiment nécessaire de prendre des mesures : il faut déclarer le loup nuisible dans les zones d'exclusion totale et le cantonner à certaines parties inhabitées du territoire. J’ai l’habitude de dire que, quand la loi, le règlement ou le décret est mauvais, que ce soit en France, en Europe, ou ailleurs, il faut le modifier. C’est une question de bon sens.

Sinon, pourquoi ne pas protéger les rats à Paris ou prendre un arrêté pour introduire le loup dans tous les départements de France – place Wilson à Toulouse ou place de la comédie à Montpellier ? Ne rien faire serait du laxisme. Cela pourrait être de l’extrémisme idéologique, mais je sais bien que l'on n'en est pas là !

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de donner droit à ma proposition, qui, je le répète, est de bon sens ? J'ai écrit à tous les parlementaires, députés et sénateurs, et j'ai déjà reçu une grosse pile de réponses par lesquelles l'ensemble de mes collègues, tous bords politiques confondus, me soutiennent. (M. Didier Guillaume applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Il est très agréable pour un ministre d’entendre de bonne heure chanter l'accent du sénateur Alain Bertrand pour évoquer, de façon imagée, les difficultés auxquelles sont confrontés l'élevage et le pastoralisme.

La question du loup ne date pas d'aujourd'hui. S’il faut retenir, au nom du bon sens que vous avez évoqué, certaines de vos idées, celle selon laquelle il faudrait cantonner le loup dans certains endroits me paraît difficile à appliquer. Comme beaucoup d'animaux sauvages, le loup se déplace au gré de ses envies.

Mais je sais très bien, monsieur le sénateur, que de nombreux départements sont aujourd'hui confrontés aux difficultés que vous avez évoquées, difficultés qui sont liées au rapport entre le loup et le pastoralisme, la Lozère étant d’ailleurs moins touchée que la Drôme.

Nous allons engager avec le ministère de l'environnement une discussion sur un nouveau « plan loup » comprenant un certain nombre de mesures. Actuellement, vous le savez, les préfets peuvent autoriser par arrêté des tirs de prélèvements. Nous allons donc voir comment mettre en place un nouveau dispositif pour respecter à la fois, d’une part, notre engagement en faveur de la biodiversité avec la convention de Berne et, d’autre part, la diversité de nos agricultures et du pastoralisme.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous ne pourrons jouer l'un contre l'autre. S’agissant des discussions qui vont être lancées, je sais que la pression sera forte car les agriculteurs vivent actuellement une situation extrêmement difficile. On peut expliquer leurs difficultés de différentes manières, et vous l’avez fait à votre façon, monsieur le sénateur, mais eux les vivent au quotidien.

Les discussions vont s’engager dès le mois prochain ; nous devons mettre sur pied un « plan loup » permettant d’aplanir les tensions que l’on sent aujourd'hui monter. Il en va de la responsabilité du ministre de l'agriculture et du ministre de l'écologie de poser les termes d'un débat nouveau à cet égard.

M. le président. La parole est à M. Alain Bertrand.

M. Alain Bertrand. Monsieur le ministre, si le loup se déplace, il gagnera petit à petit tout le territoire. Il s’agit d’un animal extrêmement intelligent, très craintif et fuyant qui a une stratégie de comportement. On dit qu'il y a deux ou trois loups en Lozère, mais, au fond, nous n’en savons rien, et il y en a peut-être quinze. La semaine dernière, un journal relatait les propos de l’un des spécialistes prétendument chargés de compter les loups, qui estimait que ces derniers faisaient venir les touristes ! Mais nous avons un parc à loups qui reçoit déjà 50 000 visiteurs. On pourrait aussi introduire des lions ou des zèbres pour attirer plus de touristes en provenance de toute la France !

Si l’on instaurait des zones d'exclusion, le loup serait considéré comme nuisible dans ces dernières. Dès lors, le préfet pourrait prendre un arrêté et, sous son contrôle, des loups pourraient être abattus.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, et j’accepte avec plaisir l’augure d’un nouveau plan, d’un nouveau dispositif et d’une nouvelle discussion. Toutefois, il faudra vraiment tenir compte, dans ce cadre, de l’intérêt économique et social des agriculteurs, en situation de réelle souffrance, et parvenir à des progrès.

Invoquer la convention de Berne ne sert à rien ! Ce qu’il faut, c’est modifier la législation quand elle est mauvaise !

Monsieur le ministre, j’accepte donc l’augure que votre bon sens triomphera !

M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie pour cette question, elle aussi pleine de bon sens. (Sourires.)

situation du quotidien régional l'union

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, auteur de la question n° 70, transmise à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. René-Paul Savary. Madame le ministre, je me permets de vous interpeller, au nom de l’ensemble de mes collègues représentant la Marne, les Ardennes ou l’Aisne – mon collègue Antoine Lefèvre, maire de Laon, est d’ailleurs présent ce matin pour appuyer ma démarche –, sur la situation de L’Union, grand quotidien régional issu de la Résistance et confronté depuis plusieurs mois à des difficultés. Le climat social est particulièrement compliqué au sein du groupe auquel il appartient, entre projets de reprise et éventuel dépôt de bilan.

Des menaces pèsent sur l’avenir du titre, et même sur l’intégralité du pôle Champagne-Ardenne-Picardie, à savoir L’Union, CAP Régies, L’Aisne Nouvelle, L’Est-Éclair. Sur le plan économique, la disparition de ces publications serait dramatique pour l’ensemble des régions concernées, avec plus de 640 emplois en jeu.

Au départ, le groupe Rossel s’était montré intéressé par la reprise et avait mis comme condition indispensable à sa participation au projet de rapprochement avec le Groupe Hersant Média un accord social préalable. Or, la FILPAC-CGT – la Fédération des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication-CGT – a catégoriquement rejeté cet accord. Malgré le courage de l’ensemble des salariés, lesquels ont soutenu ce projet de reprise et bravé parfois les pressions exercées, dans un climat social, vous vous en doutez, fortement dégradé, le rapprochement n’a pu se réaliser et le groupe Rossel, d’après ce que l’on peut en savoir, s’est vu dans l’obligation de retirer son dossier.

Dès lors, se pose la question du plan de sauvegarde que l’on pourrait proposer à la direction du pôle Champagne-Ardenne-Picardie pour conserver le maximum d’emplois dans des conditions acceptables, sachant que les questions de la liberté de la presse et du droit à l’information se posent également. En effet, la presse est partie prenante dans notre vie et c’est un facteur majeur du dynamisme local. Or il n’existe dans ces secteurs qu’un seul quotidien. Pour ces raisons, l’absence de ce dernier sur le territoire champardennais ferait, bien sûr, cruellement défaut.

Madame le ministre, quel est l’état des discussions avec des repreneurs éventuels ? Quelles actions le Gouvernement compte-t-il entreprendre afin de débloquer cette triste situation ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, le Gouvernement suit depuis plusieurs mois la situation des journaux du pôle Champagne-Ardenne-Picardie, et plus généralement du Groupe Hersant Média, ou GHM.

Nul n’ignore que GHM connaît un endettement depuis plusieurs années. Cette situation oriente évidemment les choix stratégiques du groupe en matière de restructurations. J’en veux pour preuve l’accord passé en 2011 sous l’égide du CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle, entre GHM, le groupe Rossel et le pool bancaire. Cet accord prévoyait des cessions d’actifs, notamment dans les pôles calédonien et polynésien, en échange d’un abandon, par les banques, de 50 millions d’euros de dettes.

Autrement dit, la restructuration des journaux du Groupe Hersant Média était clairement l’une des conditions de mise en œuvre de l’accord bancaire, ainsi que du rapprochement avec le groupe Rossel.

Compte tenu de la cession du pôle normand et du pôle Polynésie, GHM dispose aujourd'hui d’une trésorerie suffisante pour cet automne. Il doit donc maintenant s’attacher à définir un projet de groupe pour les deux autres groupes de titres qui lui appartiennent : le pôle Champagne-Ardenne-Picardie, que vous évoquez, et le pôle PACA.

Vous avez mentionné l’intérêt du groupe Rossel pour les journaux de GHM. Ce rapprochement pourrait donner naissance au troisième groupe de presse régionale en France.

Toutefois, malgré ces négociations et l’apport prévu de 20 millions d’euros, les groupes Hersant et Rossel ont pour le moment suspendu les négociations pour le rachat des journaux du pôle Champagne-Ardenne-Picardie.

Un nouvel administrateur judiciaire de GHM a été nommé au début du mois d’août par le tribunal de commerce de Paris. Dans le cadre d’une période de conciliation qui ne pourra pas excéder cinq mois, cet administrateur est chargé d’aider à l’émergence d’un accord avec les banques créancières du groupe, accord qui devra intervenir avant la fin de l’année 2012.

Monsieur le sénateur, la perte de ces journaux serait bien évidemment dramatique pour les régions Champagne-Ardenne et Picardie, tant sur le plan social, avec 640 salariés concernés, qu’en matière de liberté de la presse, d’accès à l’information et de diversité de l’offre.

Pour ma part, je n’exclus toutefois pas que le groupe Rossel, dont les titres sont, sur le plan géographique, vraiment complémentaires du pôle CAP, puisse de nouveau s’intéresser à cette reprise. De nombreux salariés du groupe semblent favorables à cette option.

Une délégation d’organisations syndicales a été reçue à l’Élysée le 17 septembre dernier. Il a été convenu qu’un point rapide serait effectué sur ce dossier avec l’ensemble des ministères concernés, à savoir les ministères du travail, de la culture, des finances et du redressement productif.

Bien évidemment, le ministère du redressement productif comme celui de la culture et de la communication sont totalement mobilisés, et l’ensemble des dispositifs de soutien est prêt à être mis en œuvre. Nous sommes des partenaires actifs dans la décision que prendront les pouvoirs publics sur ce dossier. Nous continuons et nous continuerons dans les prochaines semaines à échanger de la façon la plus directe possible avec les dirigeants des groupes de presse concernés, pour aboutir à une solution.