M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis.
M. Jean Arthuis. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous voici parvenus au terme de la discussion du premier projet de loi de finances rectificative du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité. Ce rendez-vous était attendu, et nous nous réjouissons que la commission mixte paritaire ait pu parvenir à un accord.
Je tiens à saluer la qualité de l’exercice auquel s’est livré M. le rapporteur général au nom de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Je veux également me réjouir que les propositions de notre collègue Jarlier, propositions qu’il avait conçues avec François Marc, aient emporté l’adhésion du Sénat et de l’Assemblée nationale. Je pense que les collectivités territoriales y trouveront un motif de satisfaction.
Je regrette cependant que l’on n’ait pas pu dès maintenant mettre bon ordre aux nominations d’ambassadeurs thématiques, mais rendez-vous est pris à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances pour l’année 2013.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre délégué, la France et l’Europe sont en crise. Face à la gravité de cette situation, nous avons deux problèmes majeurs à résoudre : rééquilibrer nos finances publiques et retrouver de la compétitivité, sans laquelle il est vain de prétendre vouloir créer suffisamment d’emplois pour faire refluer le chômage et redonner du pouvoir d’achat à nos compatriotes.
J’évoquerai en premier lieu le rééquilibrage des finances publiques.
Vous répondez aux engagements de la France en ramenant le déficit public pour l’année 2012 à 4,5 % du produit intérieur brut, mais, pour cela, vous recourez au moyen sans doute le plus commode, à savoir l’alourdissement de la fiscalité. Et vous n’y allez pas de main morte ! En effet, dès 2012, nos concitoyens devront consentir un effort supplémentaire de 7 milliards d’euros : 4 milliards d’euros pour les ménages et 3 milliards d’euros pour les entreprises. Toutefois, chacun sait bien que, lorsqu’on fait peser sur les entreprises un impôt supplémentaire, vient un moment où le coût se répercute sur les prix des produits payés par les consommateurs. Au final, je gage que cela fera 7 milliards de contributions supplémentaires pour l’ensemble des Français.
M. François Rebsamen. C’est moins ! Il faut aussi prendre en compte la suppression de la TVA sociale !
M. Jean Arthuis. Or 7 milliards d’euros en 2012, cela signifie pratiquement 14 milliards d’euros en 2013. C’est une façon de commencer à résorber le déficit prévisionnel excessif de 33 milliards d’euros afin d’être au rendez-vous de l’objectif de 3 % à la fin de l’année 2013.
Reste que l’amélioration de la situation devra également passer par une réduction des dépenses publiques. Nous avions accompli un geste symbolique en ce sens, ici, au Sénat, tirant en cela les conséquences du rapport spécial de la Cour des comptes, reprises dans le rapport général, tous deux soulignant une anomalie majeure de gestion du Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT.
Mme Nathalie Goulet. Eh oui !
M. Jean Arthuis. Nous avions abaissé le taux de la masse salariale à 0,9 %. Vous venez de le remonter à 1 % dans la présente loi de finances rectificative. À deux mois des états généraux de la démocratie territoriale, les collectivités territoriales apprécieront ! Chacun doit également savoir que le CNFPT n’a pas le monopole des actions de formation des agents de la fonction publique territoriale.
Ce n’est pas ainsi que l’on pourra commencer à réduire le niveau de la dépense publique. Vous vous montrez d’ailleurs bien timide et vous ne faites pas preuve d’une imagination considérable en la matière : vous vous contentez de détricoter ce que la législature précédente a conçu.
M. Yves Daudigny. Il fallait commencer par là !
M. Jean Arthuis. En second lieu, j’évoquerai le problème majeur de la compétitivité.
Une esquisse d’amélioration avait été mise en œuvre avec la TVA anti-délocalisation ou TVA sociale. Certes, le taux retenu était infime. À mon avis, il était même insuffisant pour permettre un véritable accroissement de la compétitivité, mais c’était une amorce.
Au début du mois de juillet, lors de la conférence sociale, le Gouvernement et les partenaires sociaux ont semble-t-il commencé à admettre qu’il fallait alléger les charges sociales pour améliorer la compétitivité. Mais comment allez-vous financer ces allégements ?
La hausse de la CSG était dans tous les esprits. De mon point de vue, ce n’est pas la bonne solution, car la CSG sera nécessaire pour financer la dépendance et pour réduire le déficit public. Or voilà que Jérôme Cahuzac vient de déclarer qu’il n’était pas question d’augmenter la CSG en 2013 ! Le petit espoir que l’on voyait poindre à l’horizon vient de disparaître. Dans ces conditions, comment va-t-on réduire le déficit de compétitivité ?
M. André Reichardt. Eh oui !
M. Jean Arthuis. Je persiste à penser qu’il vous faudra reconnaître la nécessité d’alléger les charges sociales. Si vous le faites, ne le faites donc pas à moitié. Un basculement de 40 milliards à 50 milliards d’euros est nécessaire. Dans ces conditions, la seule solution à votre portée sera une augmentation significative du taux de la TVA.
Cette occasion a été manquée. À titre personnel, je le regrette, comme mes amis de l’Union centriste et républicaine. Certes, nous aurons de nouveaux rendez-vous prochainement, mais, en attendant, que va-t-il se passer pour les salariés de Peugeot qui vont perdre leur emploi ?
La fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois est un coup de tonnerre, et les plans sociaux se multiplient ! Nos concitoyens vivent dans l’angoisse de perdre leur travail. Qu’adviendra-t-il également des sous-traitants de l’automobile ? D’ailleurs, qu’est-ce que ce procès fait à Peugeot d’avoir eu l’audace de tenter de produire encore des automobiles en France ?
Le ministre du redressement productif vient d’exercer une pression sur le Syndicat des transports d’Île-de-France, qui envisage de délocaliser des centres d’appels téléphoniques. M. Sapin a annoncé qu’il faudrait peut-être revoir le code des marchés publics, qu’il connaît bien puisque c’est lui qui a conduit à le complexifier au lendemain de l’affaire Urba Conseil. Mais tout cela est du raccommodage ! Sans doute faut-il simplifier le code des marchés publics, mais exercer cette pression en ayant recours à ces moyens ne réglera pas le problème. Si vous souhaitez faciliter le maintien des centres d’appels téléphoniques en France, pensez à alléger les charges sociales qui pèsent sur les salaires !
Je l’ai dit lors de la discussion générale, je l’ai répété à l’occasion de l’examen des articles, et je vais le redire une fois de plus : à l’heure de la mondialisation, c’est en achetant des produits fabriqués en France et non des produits venus de l’étranger que les citoyens consommateurs participent au financement de leur protection sociale.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe de l’Union centriste et républicaine ne pourra voter le premier projet de loi de finances rectificative du gouvernement de Jean-Marc Ayrault. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
(Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Patrick Courtois au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller.
Mme Fabienne Keller. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire – nous sommes très honorés de votre présence à tous les deux à l’occasion de cette séance conclusive –,…
Mme Fabienne Keller. … mes chers collègues, nous arrivons au terme de l’examen du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2012, qui est le premier grand texte budgétaire du quinquennat de François Hollande.
Avant tout, permettez-moi de saluer le travail des équipes de la commission des finances, de la commission de la culture, de la commission des affaires sociales, du service de la séance, des services des comptes rendus, qui ont toute mon admiration, ainsi que de l’ensemble des personnels du Sénat, qui nous ont permis de travailler en cette toute fin du mois de juillet.
M. François Rebsamen. C’est vrai !
Mme Fabienne Keller. Le texte issu de la commission mixte paritaire est sans surprise sur le fond, puisque le Gouvernement dispose désormais de la majorité dans les deux chambres du Parlement.
Au cours des débats, le groupe UMP a eu l’occasion d’exprimer ses convictions et, en général, nous le regrettons, son opposition à de nombreuses dispositions. En effet, ce premier texte budgétaire illustre l’absence de cohérence des choix politiques du Gouvernement. Ainsi, de nombreuses interrogations demeurent en suspens, faute de réponse de votre part, messieurs les ministres.
Vous augmentez les effectifs de la fonction publique dans des secteurs jugés prioritaires. Cependant, vous refusez de nous dire les secteurs dans lesquels deux fonctionnaires sur trois ne seront pas remplacés. Sera-ce la culture, l’aide au développement, l’aide Nord-Sud ou le domaine social qui sera sacrifié ?
Vous refusez également de nous expliquer la façon dont vous allez résoudre l’équation impossible que vous avez posée : maintien du pouvoir d’achat des fonctionnaires, maintien de leurs effectifs globaux, maintien de la masse salariale. Comment allez-vous réaliser ce miracle ?
Outre l’absence de réponse, je note des incohérences sur plusieurs points. À titre personnel, je mentionnerai ainsi la taxe sur les transactions financières, qui avait été courageusement initiée par le précédent Président de la République.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Fabienne Keller. Vous doublez son taux, mais vous refusez de donner des orientations relatives à l’affectation de son produit, vous contentant de simples déclarations de principe. J’en veux pour preuve les propos du Président de la République lors de sa visite à Washington qui n’ont pas trouvé de concrétisation dans le présent texte.
Vous vous targuez d’avoir augmenté le SMIC de 20 euros par mois… en réalité, de 6,50 euros par mois, hors indexation. Dans le même temps, vous allez, sans hésitation, retirer 40 euros par mois, en moyenne, à neuf millions de salariés, avec la fin de l’exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires ainsi que la remise en cause de la participation et de l’intéressement que représente la hausse du forfait social.
Contradiction ou limite de la vertu ? Permettez-moi, sur ce point, de citer mon collègue Philippe Dallier, ici présent.
Puisque le président normal et son gouvernement exemplaire ont décidé de diminuer leur salaire, M. Dallier vous a proposé, par cohérence, de diminuer, voire de supprimer, leur indemnité de résidence. Bizarrement, vous avez refusé, alors qu’il me semblait que le Président de la République et le Premier ministre étaient logés. À quoi peut bien leur servir cette indemnité ?
M. François Rebsamen. Quelle petitesse !
Mme Fabienne Keller. Je ne suis pas certaine que les Français trouvent cette situation « normale ».
Par ailleurs, allez-vous au bout de votre raisonnement lorsque vous reprochez aux heures supplémentaires d’être financées par la dette ? N’est-ce pas plutôt le cas des nouvelles mesures de votre politique ?
M. François Marc, rapporteur. Mais non, on va diminuer la dette !
Mme Fabienne Keller. Quoi d’autre que la dette de l’État pour financer les recrutements supplémentaires dans les ministères prioritaires ? Quoi d’autre que la dette sociale pour financer les mesures tendant au rétablissement de la retraite à soixante ans pour les carrières longues ?
M. Yves Daudigny. Ces dépenses sont couvertes par les recettes !
Mme Fabienne Keller. L’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires a aidé à maintenir de l’activité dans des entreprises, en leur permettant d’être réactives après la conquête de nouveaux marchés. Elle a aussi indéniablement créé du pouvoir d’achat pour les neuf millions de salariés concernés. Ce pouvoir d’achat supplémentaire, c’est de la consommation, et donc de la croissance, et ce malgré la crise.
Or c’est la croissance qui est un vecteur de l’emploi. Ce dernier permet non seulement d’améliorer la situation des personnes concernées, mais également de générer de la richesse. Cette croissance, pour replacer le sujet dans le cadre de la discussion sur le projet de loi de finances rectificative, donne de la matière à la base fiscale et occasionne des recettes, ce qui conduit à réduire les déficits et la dette.
M. François Rebsamen. On ne l’a pas vu !
M. Roger Karoutchi. Parce que vous regardez mal !
Mme Fabienne Keller. Vous vous êtes employés à détruire ce cercle vertueux, mis en place par le dispositif initial. En supprimant ces différents stimuli – fin de l’exonération des heures supplémentaires, rétablissement des charges patronales familiales, augmentation du forfait social sur l’intéressement –, vous nous faites entrer dans un cercle infernal : augmentation de la fiscalité sur le travail, baisse du pouvoir d’achat des salariés, baisse de confiance des entreprises, baisse des recettes fiscales.
Enfin, le présent projet de loi de finances rectificative est caractérisé par l’absence complète d’économies, comme Jean Arthuis l’a magnifiquement expliqué. Le projet de loi de finances pour 2012, lui, avait réparti l’effort de manière équilibrée entre des augmentations de recettes, certes, et une remarquable maîtrise des dépenses. La Cour des comptes a d’ailleurs souligné cet effort historique.
Ainsi, François Hollande est désormais le président…
Mme Michèle André. … des Français !
Mme Laurence Rossignol. Et il est aussi le vôtre !
Mme Fabienne Keller. … des impôts pour neuf ou douze millions de Français que le présent texte affecte.
Cela augure très mal des orientations qui seront prises dans le cadre du budget pour 2013. Son enjeu financier est quatre fois supérieur à celui qui nous ressemble aujourd’hui, puisque nous passerons de 7 milliards d’euros à environ 30 milliards d’euros d’économies à réaliser. Voilà le défi qui nous attend !
Pour toutes ces raisons, ainsi que toutes celles que nous avons exprimées avec engagement et conviction tout au long des débats, le groupe UMP votera contre le projet de loi de finances rectificative, tel qu’il ressort des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.
M. Jean-Vincent Placé. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le présent collectif budgétaire nous a été dicté par l’urgence.
L’urgence de redresser nos finances publiques, d’abord. Rappelons une fois de plus que, sous la mandature précédente, la dette de la France a augmenté de 50 % – rien de moins ! – et que 7 milliards d’euros manquaient pour boucler l’année 2012, ainsi que l’a révélé la Cour des comptes.
L’urgence sociale, ensuite. C’est en effet par une politique délibérée que la majorité précédente a creusé les inégalités sociales. Un seul chiffre le prouve : entre 2007 et 2010, le ratio entre les plus riches et les plus pauvres a progressé de 15,4 %. C’est la plus forte aggravation des inégalités parmi les pays européens !
Le présent collectif budgétaire a permis d’adopter de nombreuses mesures, cela a été dit, comme l’abrogation de la TVA sociale ou de l’exonération de cotisations sociales des heures supplémentaires, dont on a eu l’occasion d’expliquer longuement, au cours de nos riches débats, qu’elles sont à la fois coûteuses et inefficaces.
Parmi les nouvelles recettes, certaines sont prélevées sur les ménages. Je pense au renforcement de la fiscalité sur les patrimoines de plus de 1,3 million d’euros, ou encore à la diminution des abattements sur les droits de succession. Ce sont bien les ménages les plus aisés qui sont mis à contribution. Quoi de plus normal ! Il y a une vraie mauvaise foi à prétendre que la mesure portant sur les droits de succession revient à s’attaquer aux classes moyennes, alors que 88 % des héritiers demeurent exonérés de l’impôt !
D’autres recettes sont prélevées sur les entreprises, comme les taxes exceptionnelles sur les établissements de crédits ou sur les stocks de produits pétroliers, cette dernière pouvant peut-être, d’ailleurs, gagner à devenir pérenne. Mentionnons également le train de dispositions visant à contrarier l’optimisation, voire, disons-le clairement, l’évasion fiscale, que pratiquent à grande échelle certaines entreprises, qui devrait rapporter 1 milliard d’euros en année pleine. Là encore, ce sont bien les entreprises les plus rentables ou les moins vertueuses – ce ne sont pas toujours les mêmes ! – qui sont sollicitées.
La commission mixte paritaire, réunie hier, a incorporé au texte la plupart des améliorations votées par la Haute Assemblée, comme la taxation de 5 % sur la revente des chaînes de télévision attribuées gratuitement par le CSA, l’alourdissement de la taxation des parachutes dorés et des retraites chapeaux, la majoration de la taxe sur les logements vacants, ou encore l’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières, dont le projet de loi présenté au Parlement proposait déjà de doubler le taux.
Vous l’aurez compris, parce que ces mesures sont nécessaires pour nos finances publiques autant qu’elles sont justes pour nos concitoyens, les écologistes approuvent le projet de loi de finances rectificative.
M. Roger Karoutchi. Étonnant !
M. Jean-Vincent Placé. Avec l’adoption de ce texte par le Parlement, la France tournera définitivement la page de l’ère Sarkozy. (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Eh oui, monsieur Karoutchi, vous en avez fait partie !
M. Roger Karoutchi. Et je continuerai !
M. Jean-Vincent Placé. Vous étiez chargé des relations avec le Parlement avec le talent et la délicatesse dont on vous sait capable.
Pour autant, le plus dur est devant nous : redresser notre pays et nous prémunir contre la prolifération de ces ferments d’extrême droite que, dans une irresponsable politique de terre brûlée, l’ancienne majorité a entretenus tout au long de la campagne présidentielle.
M. Roger Karoutchi. Oh la la !
M. Jean-Vincent Placé. J’en veux pour preuve les propos tenus aujourd’hui même dans un quotidien paraissant le matin, bien connu d’un sénateur élu de l’Essonne, par un député membre de l’UMP, qui compare les conséquences des mesures contenues dans le collectif budgétaire à une « épuration » !
M. François Marc, rapporteur. Le grand mot !
M. Jean-Vincent Placé. Voilà où on en est ! Les mots ont une histoire, mes chers collègues, et il y en a qui vous glacent le sang, à l’heure où les prédicateurs populistes du Front national, que l’on sait rompus à toutes les outrances, se sont installés à l’Assemblée nationale.
M. Roger Karoutchi. Je n’ai pas lu de tels propos !
M. Jean-Vincent Placé. Monsieur Karoutchi, trouvez-vous normal et convenable qu’un parlementaire de l’UMP, votre formation politique, puisse comparer ce texte à une épuration ? Où sommes-nous pour que le débat démocratique en arrive là ?
Mes chers collègues de la majorité, tout cela nous permet de mesurer mieux encore l’étendue de nos responsabilités pour l’avenir de notre pays.
Nos débats furent très riches. Face à l’urgence, à laquelle nous répondons aujourd’hui, les écologistes veulent tout à la fois améliorer l’état de nos finances publiques et rétablir l’équité sociale. Ces débats rejoignent ceux portant sur la croissance et le productivisme. Nous pensons que ces efforts seront vains si nous ne répondons pas à l’autre urgence qui pèse sur nous : l’inscription de notre société dans le mouvement de la transition écologique qui, dans tous les cas, que nous l’anticipions ou non, s’imposera à nous.
L’objet du collectif n’était évidemment pas de tendre à la transformation immédiate. Nous n’attendions pas que la transition écologique fût menée au sein du présent texte, estival mais très sérieux. Disons-le aussi, très franchement, nous espérions y déceler quelques signaux, que nous n’avons pas forcément perçus.
Au cours des débats, nous avons pourtant noté, monsieur le ministre délégué, l’ouverture du Gouvernement sur un certain nombre de sujets, que vous avez évoqués avec beaucoup de compétence et de sérieux, je dirais même avec maestria et dextérité rhétoriques.
M. François Rebsamen. C’est vrai !
M. Jean-Vincent Placé. Cela force le respect mais vous donne aussi le devoir d’honorer, à l’avenir, la confiance que nous vous portons aujourd’hui.
Nous avons, par exemple, abordé le sujet du diesel. Il me semble que le bilan du secteur automobile français réalisé par le Gouvernement établit clairement l’aberration tant économique que sanitaire de la prévalence de la filière diesel. Le Gouvernement rejoint ainsi une position ancienne des écologistes.
Les débats auront lieu à l’automne et au début de l’hiver prochains. Nous sommes tournés vers la conférence environnementale de septembre et vers les différents textes qui suivront. C’est donc dans un esprit de confiance que nous abordons les semaines à venir. Nous sommes d’autant plus confiants que – je tiens à le dire, car il m’arrive parfois d’être un peu critique – je m’honore, comme j’ai pu déjà le dire lors des explications de vote, du travail très solide et sérieux mené cette dernière semaine, qui démontre aux Françaises et aux Français l’intérêt d’une deuxième chambre et du bicamérisme.
En témoigne la solidité des arguments avancés par M. le rapporteur général de la commission des finances, François Marc, par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, par M. le président de la commission des finances, Philippe Marini, ou par les différents membres du Gouvernement qui se sont succédé dans l’hémicycle, en particulier vous-même, monsieur Cahuzac.
Mme Nathalie Goulet. Et nous ?
M. Jean-Vincent Placé. En témoignent également les améliorations qui ont été apportées au texte.
Je me félicite de l’état d’esprit qui a prévalu tout au long de nos débats, et je me réjouis de la qualité du texte élaboré par la commission mixte paritaire. Voilà pourquoi le groupe écologiste apporte ce soir, avec sérénité et confiance, son soutien au projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André.
Mme Michèle André. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la nouvelle majorité parlementaire a pour mandat de mettre en application le programme sur lequel François Hollande a été élu.
Ce programme est simple : dans un contexte de crise économique et sociale, notre pays a besoin de justice et d’équilibre.
L’équilibre doit porter à la fois sur la contribution de tous à l’effort national et sur une stratégie intégrée d’encadrement des dépenses et de renforcement des recettes.
En outre, la loi de finances rectificative qui nous intéresse aujourd’hui s’imposait, afin d’assurer l’objectif d’un déficit à 4,5 % cette année. Le doublement de l’encours de dette depuis 2002 nous oblige en effet à agir, et à agir vite.
Nous l’avons dit et répété, notamment en réponse à la motion de procédure défendue par Jean Arthuis la semaine dernière : oui, l’action sur les dépenses est nécessaire ! Elle sera menée dès l’automne dans le cadre du projet de loi de finances pour 2013. Nous le savons tous, à l’horizon de 2017, l’effort sera équilibré entre dépenses et recettes. Obligés d’œuvrer en cours d’année à cause des défaillances du précédent gouvernement, nous ne voulions pas affaiblir nos services publics par une action précipitée.
Dans ce cadre, le Sénat a cherché à contribuer à l’établissement d’une fiscalité plus juste, plus fine et plus adaptée à la conciliation de la croissance et du redressement des finances publiques. Je me félicite que ces choix aient été confirmés hier par la commission mixte paritaire.
Parmi les mesures portées par la majorité sénatoriale, deux procèdent du même esprit : la division par trois du seuil déclenchant l’assujettissement dès le premier euro des parachutes dorés aux cotisations sociales, qui a été portée par la commission des affaires sociales, et le relèvement des taux de contributions des employeurs sur les retraites dites « chapeaux », qui a été voté en 2012 et défendu cette année par nos collègues du groupe CRC. Ces deux mesures ont le même objectif : réduire les inégalités de revenus les plus flagrantes et faire contribuer équitablement les différents acteurs de l’économie à la solidarité nationale. C’est une question de justice et d’équilibre de nos comptes sociaux.
Je me réjouis également que les cessions de fréquences audiovisuelles soient désormais encadrées et imposées. Nous avions voté cette mesure l’hiver dernier, mais sa réécriture par l’Assemblée nationale avait abouti à une censure par le Conseil constitutionnel. Cette fois-ci devrait être la bonne, car l’amendement défendu par le groupe socialiste tient compte à la fois de la jurisprudence constitutionnelle et des préoccupations du Conseil supérieur de l’audiovisuel. Le risque de spéculation sur les fréquences concédées gratuitement sera désormais encadré par une surveillance ex ante et par une juste taxation.
Enfin, sur l’initiative du groupe du RDSE, la taxe sur les logements vacants a été augmentée, afin d’inciter les propriétaires à remettre ceux-ci sur le marché, dans un contexte de tension locative croissante.
Ce rôle d’aiguillon de la fiscalité se retrouve dans le relèvement du forfait social. En rapprochant les cotisations dues pour les mécanismes de participation de celles qui sont versées pour les revenus salariaux classiques, le législateur a souhaité se rapprocher de la neutralité fiscale tout en maintenant un certain attrait pour les rémunérations de remplacement. En particulier, l’adoption de l’amendement présenté par Frédérique Espagnac a permis de prendre en compte la spécificité des SCOP, pour lesquelles la participation est un enjeu de survie financière. Nous avons donc souhaité assurer la pérennité de ce mécanisme en maintenant pour elles un taux à 8 %.
Ce projet de loi de finances rectificative n’a pas vocation à tout régler, mais il prépare l’avenir.
Ainsi, notre excellent rapporteur général a initié la réflexion sur la révision des valeurs locatives – ce fut un travail de longue haleine, et nous avons pu l’observer au sein de la commission des finances –, en reportant d’un an l’exercice et en proposant un certain nombre d’ajustements techniques indispensables. Cette remise à plat sera un enjeu essentiel pour les collectivités locales. Il était donc naturel que le Sénat en prenne l’initiative.
Certains sujets restent à traiter. Nous avons évoqué à plusieurs reprises l’imposition des revenus et la remise à plat de la fiscalité environnementale, auxquelles nous avions déjà réfléchi en 2012. La loi de finances pour 2013 nous permettra de traiter ces sujets avec le recul nécessaire. Et il en sera de même pour les dépenses ! Le Gouvernement définit actuellement la première phase de sa stratégie quinquennale. Le Sénat contribuera, avec les moyens qui lui sont offerts par la loi organique relative aux lois de finances, à ajuster cette stratégie aux besoins des collectivités publiques et de nos concitoyens.
Depuis deux mois, la majorité gouvernementale a changé, mais celle du Sénat est la même que celle qui avait porté un autre projet en 2012. Et nous restons fidèles à ce projet ! Certains sujets ont été reportés de quelques mois, mais nous nous reconnaissons dans l’inspiration d’ensemble du texte. Nous nous félicitons donc de ce premier pas. Nous nous tenons prêts à poursuivre la marche, en soutien attentif du Gouvernement.
Cela n’étonnera personne, le groupe socialiste votera le projet de loi de finances rectificative. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)