M. Albéric de Montgolfier. Quoi qu’il en soit, cette mesure est une mauvaise idée !
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Dans l’immédiat, je préconise le retrait de cet amendement, monsieur le sénateur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, d’abord pour des raisons juridiques. On peut certes gloser sur la prévalence de la convention de Chicago, qui est un traité, sur notre droit interne. Certains juristes la contestent. En revanche, personne ne remet en cause la prééminence de la directive adoptée en 2003.
L’adoption de cette mesure poserait ensuite un problème d’ordre économique.
Certes, il y a le précédent des Pays-Bas, mais ce pays n’a pas la même superficie que la France, ni les mêmes niveaux d’infrastructures, notamment ferroviaires.
Surtout, les compagnies opérant sur notre territoire rencontreraient des problèmes de deux ordres.
Elles seraient tout d’abord pénalisées dans la concurrence avec les compagnies low cost, qui organisent l’avitaillement en dehors de nos frontières et bénéficieraient dès lors d’un avantage compétitif supérieur à ce qu’il est actuellement.
Par ailleurs, un certain nombre de vols au départ de notre territoire se poursuivent à l’extérieur de nos frontières. Comment faire par exemple la part des choses pour un passager qui transiterait par Paris pour se rendre de Toulouse à Francfort, à Londres ou à New York ? Il y aurait de nombreux recollements et ajustements à faire. Ce serait une formidable source de complexité et de contentieux, et certainement pas satisfaisant sur le fond.
Pour ces deux raisons, je vous engage à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. Je comprendrais que mes propos ne vous semblent pas agréables : sachez qu’il m’est arrivé, lorsque j’étais parlementaire de l’opposition, de déposer des amendements comparables et de me voir opposer les mêmes arguments… Cela étant, nous n’allons pas engager ici le fameux débat, parfaitement retracé par Weber, entre l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction ! Souffrez que je maintienne ma position. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Requier. Je comprends très bien la philosophie de cet amendement, mais il y a loin de la théorie à la réalité !
Il existe deux France ferroviaires : celle des TGV, avec un accès rapide, régulier et confortable à la capitale, et celle des liaisons lentes, intermittentes et chaotiques avec Paris !
Nous avons donc besoin de liaisons aériennes. Je ne parle pas ici des grandes villes, comme Toulouse ou Nice, mais de petites capitales régionales comme Agen, Aurillac, Brive-la-Gaillarde, Castres, Le Puy ou Lannion, autant de villes qui sont desservies par des lignes régionales déficitaires, renflouées par les collectivités locales : conseils généraux, communautés d’agglomération ou communes. (Marques d’approbation sur diverses travées.) Si l’on supprime l’exonération de TICPE, on aggravera encore les déficits, aux dépens des collectivités.
En conséquence, le groupe RDSE est opposé à cet amendement. C’est peut-être une vision de court terme, mais, pour nous déplacer à partir de nos territoires, la solution de court terme est de recourir au transport aérien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je voudrais rappeler que le prix du carburant pèse de plus en plus lourd dans le coût du transport aérien : il représente aujourd’hui 35 % de celui-ci, contre 20 % à 25 % il y a encore peu de temps.
À l’heure où les échanges et les déplacements se multiplient, au sein de notre pays comme avec l’extérieur, il est important de démocratiser l’ensemble des modes de transport, dont le transport aérien.
Ce sont les lignes intérieures qui font vivre les aéroports régionaux, accroissent l’attractivité d’un territoire et renforcent son économie, dans des proportions parfois plus importantes que l’on aurait pu l’imaginer.
Certains d’entre vous connaissent l’aéroport de Vatry, dans la Marne. Nous avons ouvert des liaisons aériennes avec Marseille et Nice. Or, lorsque l’on analyse les choses, on constate que, contrairement aux idées reçues, il y a plus de passagers qui voyagent de Nice ou de Marseille vers la Champagne que de Champenois qui prennent l’avion pour le Sud. Une offre de transport aérien à des coûts raisonnables permet de créer des activités supplémentaires.
Parce qu’il est important de ne pas alourdir le coût du transport aérien, je suis personnellement opposé à cet amendement, d’autant que, comme l’a rappelé M. le ministre, l’avitaillement des avions se fait facilement en dehors de nos frontières, là où le prix du carburant est nettement plus avantageux.
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, pour explication de vote. (Ah ! sur diverses travées.)
M. Jean-Pierre Caffet. Ce sont des interventions en rafale ! (Sourires.)
M. Serge Dassault. Je voudrais féliciter M. le ministre chargé du budget de sa sagesse. Bien entendu, je suis moi aussi opposé à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, pour explication de vote.
Mme Fabienne Keller. Je voudrais remercier M. Dantec d’avoir ouvert ce débat important.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, la convention de Chicago ne permet pas la fiscalisation du gazole utilisé par les avions. Ce texte a d’ailleurs étendu, me semble-t-il, une réglementation qui s’appliquait depuis le Moyen Âge au transport maritime.
Si l’Europe a décidé d’intégrer les transports aériens dans le mécanisme des quotas d’émission de carbone – c’est une bonne nouvelle, même si l’on voit que la mise en œuvre de cette mesure rencontre certaines résistances –, je ne suis pas sûre, monsieur le rapporteur général, que ce sujet relève de la conférence environnementale.
En effet, on pourrait certainement réunir un consensus politique très large sur l’instauration d’une telle taxe, pour peu que son taux soit raisonnable et progressif dans le temps.
Cependant, la question du processus de renégociation de cet accord mondial se pose, monsieur le ministre. Pouvez-vous nous donner des informations sur les moyens que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour transformer en réalité ce qui apparaît comme une proposition raisonnable, mais de très long terme ? (M. Pierre Hérisson applaudit)
M. le président. Monsieur Dantec, l’amendement n° 121 est-il maintenu ?
M. Ronan Dantec. Je me félicite de ce que ce débat ait pu être ouvert, même s’il dépasse largement l’objet de l’amendement, lequel ne vise en effet que les vols intérieurs, à l’exclusion des vols de Rafale… (Sourires.)
Aujourd’hui, il s’agit de se demander si le transport aérien doit bénéficier d’un tel avantage fiscal, notamment par rapport au transport ferroviaire, qui dans l’avenir aura grand besoin du soutien de l’État pour la modernisation des lignes, en particulier de celles que n’empruntent pas les TGV.
Le groupe écologiste, fidèle à ses convictions en la matière, maintient cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par MM. Dantec, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 265 C du code des douanes est abrogé.
La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. La présentation de cet amendement sera plus brève, le débat ayant déjà eu lieu à l'Assemblée nationale.
L’autoconsommation des raffineries n’est pas taxée à l’heure actuelle, ce qui représente un très mauvais signal. Établir une telle taxation inciterait à l’amélioration des process industriels et contribuerait à la lutte contre l’effet de serre.
Néanmoins, il est apparu que cet amendement n’est sans doute pas compatible avec le droit européen. Pour cette raison, je le retire, en dépit de son caractère pédagogique.
M. le président. L'amendement n° 120 est retiré.
Article 9
I. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du III de l’article 235 ter ZAA est supprimé ;
2° Il est rétabli un article 1668 B ainsi rédigé :
« Art. 1668 B. – La contribution mentionnée à l’article 235 ter ZAA est payée spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue au 2 de l’article 1668 pour le versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés.
« Elle donne lieu à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d’impôt sur les sociétés de l’exercice ou de la période d’imposition.
« Le montant du versement anticipé est fixé :
« a) Pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires compris entre 250 millions d’euros et 1 milliard d’euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois, aux trois quarts du montant de la contribution exceptionnelle estimée au titre de l’exercice ou de la période d’imposition en cours et déterminée selon les modalités prévues au I de l’article 235 ter ZAA ;
« b) Pour les entreprises ayant réalisé un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros au cours du dernier exercice clos ou de la période d’imposition, ramené s’il y a lieu à douze mois, à 95 % du montant de la contribution exceptionnelle estimée au titre de l’exercice ou de la période d’imposition en cours et déterminée selon les modalités prévues au même I.
« Pour l’application des a et b, le chiffre d’affaires est apprécié, pour la société mère d’un groupe mentionné à l’article 223 A, en faisant la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
« Si le montant du versement anticipé est supérieur à la contribution due, l’excédent est restitué dans les trente jours à compter de la date de dépôt du relevé de solde de l’impôt sur les sociétés mentionné au 2 de l’article 1668. » ;
3° Après l’article 1731 A, il est inséré un article 1731 A bis ainsi rédigé :
« Art. 1731 A bis. – L’intérêt de retard prévu à l’article 1727 et la majoration prévue à l’article 1731 sont appliqués :
« 1° Pour les entreprises mentionnées au a de l’article 1668 B, à la différence entre, d’une part, trois quarts du montant de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés due au titre d’un exercice et, d’autre part, trois quarts du montant de cette contribution estimée au titre du même exercice servant de base au calcul du versement anticipé en application du même article 1668 B, sous réserve que cette différence soit supérieure à 20 % du montant de la contribution et à 100 000 € ;
« 2° Pour les entreprises mentionnées au b dudit article 1668 B, à la différence entre, d’une part, 95 % du montant de la contribution mentionnée au 1° du présent article et, d’autre part, 95 % du montant de cette contribution estimée dans les conditions mentionnées au même 1°, sous réserve que cette différence soit supérieure à 20 % du montant de la contribution et à 400 000 €.
« Toutefois, l’intérêt de retard et la majoration mentionnés au premier alinéa ne sont pas appliqués si le montant estimé de la contribution mentionnée au 1° a été déterminé à partir de l’impôt sur les sociétés lui-même estimé à partir du compte de résultat prévisionnel mentionné à l’article L. 232-2 du code de commerce, révisé dans les quatre mois qui suivent l’ouverture du second semestre de l’exercice, avant déduction de l’impôt sur les sociétés. Pour la société mère d’un groupe mentionné à l’article 223 A du présent code, le compte de résultat prévisionnel s’entend de la somme des comptes de résultat prévisionnels des sociétés membres du groupe. »
II. – Le I s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2012.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l’article.
Mme Marie-France Beaufils. L’article 9 est le premier d’une série portant, de manière générale, sur l’impôt sur les sociétés.
Si nous approuvons la philosophie qui sous-tend ces articles, nous tenons néanmoins à formuler deux observations.
Tout d’abord, nous n’avions pas vu depuis longtemps un texte financier comportant un volet aussi fourni de mesures diverses relatives à l’impôt sur les sociétés. Aussi nous semble-t-il indispensable que les textes à venir approfondissent singulièrement la question.
Ensuite, cette floraison législative, certes bienvenue, montre qu’il y a beaucoup à faire dans le vaste champ de la fiscalité des entreprises.
Les entreprises ont été, pendant plusieurs décennies, au centre des politiques de moins-disant fiscal. Selon une croyance assez répandue, moins on soumettrait les circuits productifs à l’imposition, plus les vertus d’une plus grande liberté d’action conduiraient l’économie tout entière sur la voie de la croissance, du progrès et du plein emploi.
Le fameux théorème de Schmidt selon lequel « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » s’est largement appliqué en France et en Europe, pour un résultat que nous connaissons tous et avec les conséquences que l’on sait pour les salariés : la France compte 5 millions de chômeurs à temps plus ou moins complet, 3 millions de salariés payés au SMIC, soit un salarié sur dix, 3 millions de salariés précaires. En outre, l’industrie assure aujourd’hui péniblement un sixième de notre PIB, le déficit de notre commerce extérieur atteint 70 milliards d’euros et la croissance est atone, rechutant parfois aussi vite qu’elle avait faiblement repris.
En Europe, on constate une concurrence fiscale et sociale exacerbée, tandis que le taux de chômage atteint 25 % en Espagne, où il s’élève même à 50 % chez les jeunes.
Devenue un véritable gruyère, farcie d’exemptions et de dérogations diverses, la fiscalité des entreprises doit clairement être revue et corrigée.
Selon certains économistes, 178 milliards d’euros sont affectés tous les ans à la réduction des impôts et des cotisations sociales prélevés au niveau de la production, donc de l’entreprise.
Dans le même ordre d’idées, il est évident que, comme l’a montré le travail réalisé par la commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, les entreprises sont les responsables et les bénéficiaires de l’essentiel de la fraude fiscale. Nous avons là du « grain à moudre », des marges importantes d’action pour réduire les déficits et financer les politiques publiques.
Percevoir mieux pour dépenser utile : voilà le principe qui doit, à notre avis, guider le travail de la nouvelle majorité parlementaire. Nous vous proposerons ultérieurement d’adopter, mes chers collègues, un certain nombre d’amendements en ce sens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Didier Guillaume applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Monsieur le président, je souhaite dire quelques mots sur l’organisation de nos travaux.
Je me suis livré à quelques petits calculs classiques afin de déterminer ce que l’on appelle traditionnellement notre « braquet » : il était de huit amendements examinés à l’heure ce matin, il n’est plus que de deux à l’heure cet après-midi. Sachant qu’il nous reste encore quelque 140 amendements à examiner, nous avons devant nous une vingtaine d’heures de débat.
Mme Michèle André. Formidable !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si nous poursuivons à ce rythme, nous devrons peut-être demander à la conférence des présidents de prévoir une séance publique samedi, car celle de vendredi ne suffira pas.
Je souhaitais simplement vous informer de cette réalité, mes chers collègues : c’est la pendule qui vous parle ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. J. C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Comme l’a dit tout à l’heure Mme Keller, ce sont surtout les débats internes à la majorité présidentielle plurielle et le manque de préparation de ce projet de loi de finances rectificative qui nous retardent.
M. Didier Guillaume. C’est la richesse du débat public ! Nous avons la chance de pouvoir discuter !
M. Philippe Dominati. L’amendement n° 112 vise donc à supprimer l’article 9, tendant à instaurer un versement anticipé de la contribution exceptionnelle au titre de l’impôt sur les sociétés.
Une telle avance altérerait le budget de 2013 au profit de celui de 2012, ce qui nuirait à la lisibilité des comptes publics. Certes, il a pu être occasionnellement recouru à cette pratique dans le passé, mais pas avec une telle ampleur.
Surtout, il s’agit d’une question de principe. Solliciter la trésorerie des entreprises au bénéfice de celle de l’État, ainsi qu’on peut le lire dans le rapport, c’est tout de même faire preuve d’un grand cynisme dans la conjoncture économique présente.
Nous avons déjà dénoncé le fait que le monde de l’entreprise soit votre cible principale dans ce projet de loi de finances rectificative. En témoignent toutes les mesures proposées risquant de grever la compétitivité des entreprises. M. le rapporteur général nous avait ainsi indiqué, en commission, que l’effort fiscal demandé reposerait à hauteur de 42 % sur les entreprises.
Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe UMP demande la suppression de l’article 9.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Certes, le dispositif de l’article 9 entraînera une perte de recettes pour le budget de 2013, mais la réforme prévue de la fiscalité du patrimoine, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu permettra de définir un mécanisme susceptible d’assurer les recettes qui seront nécessaires.
Contrairement à ce que vient d’affirmer notre collègue, il s’agit non pas de ponctionner la trésorerie des entreprises par le biais de je ne sais quel nouveau dispositif, mais d’anticiper une recette fiscale selon des modalités clairement définies. Nous restons dans le cadre de la fiscalité existante.
Dans ces conditions, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Tout d’abord, il ne s’agit pas de créer une recette ; la majorité précédente l’avait déjà prévue et l’avait votée. Il s’agissait à l’époque, pour l’État, de reprendre une avance de trésorerie qu’il consentait aux entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros. Nous modifions simplement le calendrier de perception de cette recette, pour des raisons qui n’échappent à personne.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je ne suis pas certain que l’on puisse vraiment parler d’une recette.
En effet, à la page 157 de votre rapport, vous-même écrivez, monsieur le rapporteur général, que « le présent article apporte un gain de trésorerie ». Cela signifie que nous avons affaire à un budget insincère, quelque 10 % des 7,2 milliards d’euros de crédits nouveaux relevant d’un système qui s’apparente à de la cavalerie… Je ne pensais pas que l’État avait vocation à pratiquer la cavalerie aux dépens de la trésorerie des entreprises !
En outre, par un tour de passe-passe qui vous est assez habituel, vous nous expliquez régulièrement que les amendements que nous avons déposés – voire certains amendements de la majorité ! – ne sont pas recevables au motif que l’on ne saurait préempter les réformes à venir et le budget de 2013. Or je m’aperçois que ce principe ne vaut pas en l’occurrence…
Pour toutes ces raisons, je voterai l’amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après le 2 bis de l’article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter Pour l’application du 1 et du 2 du présent article, les charges d’intérêts liées à l’émission d’emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 50 %. »
II. – Les dispositions du présent I ne sont applicables qu’à compter du 1er octobre 2012.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise à limiter l’effet de levier des emprunts contractés lors d’un rachat d’entreprise ou, pour être plus précise encore, à restreindre les conséquences que ces opérations peuvent avoir sur la situation même des entreprises concernées.
Le dispositif, maintes fois décrit, est bien identifié : une entreprise est achetée, qu’elle soit ou non en difficulté ; celui qui l’achète ne disposant pas des liquidités nécessaires, il recourt à un emprunt pour financer l’opération.
Si le contexte économique s’y prête, l’activité et le chiffre d’affaires de l’entreprise seront suffisamment importants pour assurer le remboursement de l’emprunt sans difficulté majeure. En revanche, la profitabilité de l’entité concernée sera, dans un premier temps, relativement limitée, et l’essentiel de l’excédent d’exploitation sera d’abord absorbé par les frais financiers, ce dont la majorité sortante ne parle jamais, préférant s’en tenir au « coût du travail »…
Si, par contre, la conjoncture est moins favorable, il existe deux possibilités : soit l’entreprise, victime de son endettement, croule et se trouve rapidement soumise à des procédures collectives, avec un plan de licenciements à la clé, soit les acquéreurs vendent au plus offrant machines, biens matériels et immatériels pour solder les comptes, en attendant que le démembrement ainsi organisé des capacités de production ne se traduise par des suppressions d’emplois.
Des exemples de recours à ce processus, nous en connaissons un nombre significatif dans notre pays. L’entreprise Samsonite, située dans le Pas-de-Calais, a ainsi fait l’objet d’une opération de LBO, ou leverage buy-out operation. Plus récemment, ce fut également le cas de l’entreprise Plysorol, ex-leader européen du contreplaqué, propriétaire de massifs forestiers en Afrique, qui avait été reprise par un groupe libanais, après être passée quelque temps sous la coupe d’un groupe chinois, et dont le propriétaire actuel entend réduire l’endettement en fermant deux des trois sites de production subsistants.
Il est donc plus que temps de mettre un terme à ces opérations spéculatives, qui coûtent beaucoup à notre économie et s’accompagnent bien souvent de suppressions massives d’emplois et de capacités de production.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Plusieurs études, notamment celle de la direction générale du Trésor du début de l’année 2011, ont montré que les grandes entreprises payent proportionnellement moins d’impôt sur les sociétés que les PME.
Ce phénomène s’explique, en partie, par le fait qu’elles recourent davantage à l’endettement et à l’effet de levier. Elles peuvent déduire les charges financières afférentes à ces opérations, c’est-à-dire les intérêts d’emprunts, de leur bénéfice imposable.
Cet amendement soulève une question majeure. Je sais que le Gouvernement étudie différentes pistes en vue de proposer un dispositif lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Pour l’heure, j’invite nos collègues du groupe CRC à réfréner leur impatience légitime, que je partage, et à retirer leur amendement, au bénéfice de l’éclairage que pourra nous apporter M. le ministre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On connaît la situation actuelle : un certain nombre d’entreprises réduisent l’assiette de leur impôt sur les sociétés par le recours à un endettement excessif, directement ou par le biais d’une filiale. Cela fait partie des abus que le présent projet de loi de finances rectificative vise à corriger, au moins en partie.
Pour le reste, le Gouvernement travaille actuellement à l’élaboration d’un dispositif allant dans le sens de vos préoccupations, madame Beaufils, afin de pouvoir être en mesure de l’introduire dans le projet de loi de finances pour 2013 que le Sénat examinera à l’automne.
Dans cette perspective, j’aimerais que vous retiriez cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Madame Beaufils, l'amendement n° 69 est-il maintenu ?
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, nous sommes très attentifs à ces sujets, car l’activité économique de notre pays est fortement affectée par les opérations financières en question, qui pèsent également lourdement sur le budget de la nation.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il y a lieu d’être très inquiets !
Mme Marie-France Beaufils. J’entends que le Gouvernement compte réaliser un travail de fond sur ces questions. Nous nous tenons à sa disposition pour participer à la réflexion, en vue de favoriser le développement de notre activité économique, au service de l’emploi, et d’éviter que celle-ci ne soit rongée par une approche financiarisée.
Pour l’heure, j’accepte de retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 69 est retiré.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 112 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° La fraction d’intérêts non déductible en application du dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis. » ;
2° Le premier alinéa du II de l’article 209 est ainsi modifié :
a) Après les mots : « mentionnée au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 », sont insérés les mots : « et au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis » ;
b) À la fin, les mots : « et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 » sont remplacés par les mots : « , au sixième alinéa du 1 du II de l'article 212 et au dernier alinéa du 1 de l'article 212 bis » ;
3° Après l’article 212, il est inséré un article 212 bis ainsi rédigé :
« Art. 212 bis. – 1. Lorsque le montant des intérêts déductibles servis par une entreprise excède simultanément au titre d’un même exercice les deux limites suivantes :
« a. 3 000 000 euros ;
« b. 80 % du résultat courant avant impôts préalablement majoré desdits intérêts, des amortissements pris en compte pour la détermination de ce même résultat et de la quote-part de loyers de crédit-bail prise en compte pour la détermination du prix de cession du bien à l’issue du contrat, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2011 ;
« La fraction des intérêts excédant la limite visée au b ne peut être déduite au titre de cet exercice.
« Ce taux est fixé à 60 % pour les exercices ouverts à compter du 1er octobre 2012 et à 30 % pour les exercices ouverts à compter du 1er avril 2013.
« Toutefois, cette fraction d’intérêts non déductible immédiatement peut être déduite au titre de l’exercice suivant à concurrence de la différence calculée au titre de cet exercice entre la limite mentionnée au b et le montant des intérêts déductibles. Le solde non imputé à la clôture de cet exercice est déductible au titre des exercices postérieurs dans le respect des mêmes conditions sous déduction d’une décote de 5 % appliquée à l’ouverture de chacun de ces exercices.
« 2. Les dispositions prévues au 1 ne s’appliquent pas aux intérêts dus à raison des sommes ayant servi à financer :
« 1° Des opérations réalisées dans le cadre d’une convention de gestion centralisée de la trésorerie d’un groupe par l’entreprise chargée de cette gestion centralisée ;
« 2° L’acquisition de biens donnés en location dans les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article L. 313-7 du code monétaire et financier.
« Ces dispositions ne s’appliquent pas non plus aux intérêts dus par les établissements de crédit mentionnés à l’article L. 511-9 du même code. » ;
4° L’article 223 B est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par exception aux dispositions prévues au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis, les intérêts non admis en déduction, en application des quatre premiers alinéas du 1 du même article, du résultat d’une société membre d’un groupe et retenus pour la détermination du résultat d’ensemble ne peuvent être déduits des résultats ultérieurs de cette société. » ;
5° Après la référence : « 209 », la fin du dernier alinéa du 6 de l’article 223 I est ainsi rédigée : « d’une part et au sixième alinéa du 1 du II de l’article 212 et au dernier alinéa du 1 de l’article 212 bis d’autre part. » ;
6° Le dernier alinéa de l’article 223 S est complété par les mots : « et au cinquième alinéa du 1 de l’article 212 bis. »
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.