M. Roland Courteau. Très bien !
M. Didier Guillaume. Elles ont été délaissées !
M. Vincent Peillon, ministre. À la rentrée, nous procéderons à 250 réouvertures de classes, au lieu des 750 fermetures projetées par le précédent gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Bien entendu, l’enseignement secondaire n’a pas été oublié.
Nous devons agir tous ensemble dans la durée et mener de grandes réformes de structures. Les moyens que le Président de la République et le Premier ministre mettent à notre disposition doivent permettre une refondation de l’école de la République, qui sera aussi une refondation de la République par son école. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur quelques travées du groupe CRC.)
réformes annoncées dans l'éducation
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, d’adresser un message à M. le Premier ministre, même si celui-ci a quitté l’hémicycle.
M. le Premier ministre a prétendu, hier, que les députés de l’opposition étaient « désemparés ». Je souhaite le rassurer : au Sénat, l’opposition est structurée, offensive, pragmatique et sereine. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Courteau. Elle est surtout peu nombreuse !
Mme Catherine Troendle. C’est plutôt la majorité du Sénat, courte et privée de vote de confiance, qui est quelque peu désemparée !
M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !
Mme Catherine Troendle. Ma question s’adresse à M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale.
Cinquante jours à peine se sont écoulés depuis votre entrée rue de Grenelle, monsieur le ministre, et vous vous hâtez déjà de refonder l’école. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Vous devriez pourtant savoir qu’il ne suffira pas de critiquer les actions menées par le gouvernement de François Fillon pour la moderniser.
M. Didier Guillaume. Nous allons créer des postes !
Mme Catherine Troendle. En quoi ce dernier a-t-il « malmené l’éducation », comme vous le proclamez ?
M. Christian Bourquin. Le peuple vous l’a dit !
M. Alain Gournac. On verra...
Mme Catherine Troendle. En diminuant le nombre de professeurs ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
N’est-il pas vrai, monsieur le ministre, que les effectifs des professeurs n’ont cessé de croître sensiblement depuis les années soixante, tandis que, dans le même temps, les effectifs des élèves diminuaient fortement ?
Ces réductions de dépenses ne sont-elles pas justifiées quand l’ensemble de notre modèle social est menacé par la crise économique que nous traversons ?
Afin de refonder l’école, vous organisez une concertation sur l’éducation, que vous qualifiez d’inédite. Auriez-vous déjà oublié le « débat national sur l’avenir de l’école », qui a conduit à l’adoption de la loi d’orientation de 2005.
Monsieur le ministre, il faudra bien plus qu’une simple concertation pour réformer l’école.
M. Christian Bourquin. Ah ça, oui !
Mme Catherine Troendle. Les parents d’élèves aimeraient savoir, par exemple, ce qu’est devenue votre volonté d’envoyer des professeurs expérimentés dans les zones d’éducation prioritaire.
Quels motifs et quels objectifs assignez-vous à cette concertation ? Pour l’instant, nous n’en connaissons qu’un seul : réformer les rythmes scolaires. Mais là, aucune concertation, aucun dialogue !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La question !
Mme Catherine Troendle. Rassurez-nous, monsieur le ministre : vous avez bien conscience que cette réforme va coûter cher aux collectivités…
Le retour à la semaine de quatre jours et demi induira des coûts de cantine et de transports, la réorganisation des centres de loisirs sans hébergement et de leurs personnels. Or vous n’avez pas jugé nécessaire d’instaurer un dialogue avec les collectivités locales en charge de ces budgets ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Claude Gaudin. Qui paiera ?
Mme Catherine Troendle. Monsieur le ministre, ma question est simple : comment comptez-vous prendre en compte l’augmentation budgétaire que va représenter la réforme des rythmes scolaires pour les collectivités ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Je suis heureux, madame la sénatrice, d’apprendre que vous êtes pleinement sereine. Je n’en doutais pas... (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Je souhaite que vous conserviez cette sérénité tout au long des cinq prochaines années.
Vous avez émis, malgré tout, de très nombreuses approximations, ce qui me donne l’occasion de rectifier quelques points.
Je ne pense pas que vous puissiez vous féliciter du bilan du gouvernement Fillon, au vu des difficultés que nous rencontrons pour assurer aujourd’hui les remplacements, liées à la pénurie de professeurs, pour accueillir les enfants de moins de trois ans,…
Mme Catherine Troendle. Moins de trois ans !
Mme Catherine Troendle. Les effectifs d’élèves ont baissé !
M. Vincent Peillon, ministre. Je vous indique également que 90 % des lycéens professionnels, dont les résultats au baccalauréat ont encore baissé cette année, sont en échec dans les premiers cycles universitaires.
Je ne peux pas croire que cette situation, de même que la plongée systématique et continue de notre pays dans les classements internationaux, vous satisfasse.
Notre but n’est pas uniquement, bien entendu, de faire de la concertation.
Je ne crois pas non plus que vous puissiez vous réjouir du retour à la semaine de quatre jours. Les enfants de France vont à l’école seulement 140 jours par an, soit 40 jours de moins que la moyenne des élèves des pays de l’OCDE. Et cela ne signifie pas qu’ils ont moins d’heures de cours : au contraire, leurs journées de cours sont les plus chargées.
Mme Jacqueline Gourault. Absolument !
M. Vincent Peillon, ministre. Tous ces arguments plaident pour que nous refondions ensemble notre école. Comme je l’ai dit, je crois au rassemblement autour de l’école. Je pense qu’il est sot de vouloir diviser la nation autour de l’école, comme cela a été souvent fait ces derniers temps, en opposant les professeurs, les parents et les collectivités locales. Par définition, ce n’est pas la bonne méthode. Ce ne sera pas la nôtre ; nous préférons construire.
Mme Catherine Troendle. Que répondez-vous aux collectivités locales ?
M. Vincent Peillon, ministre. Chère madame, toutes les collectivités locales et toutes les associations concernées ont été reçues à plusieurs reprises. Vous demanderez à Jacques Pélissard, aux maires ruraux, à Claudie Lebreton, aux présidents de région : tous peuvent en témoigner ! C’est d’ailleurs la première fois dans l’histoire de notre pays qu’une telle consultation associe un président de région. J’ajoute que des représentants des associations d’élus siègent dans les différents groupes.
Pour ma part, je suis allé systématiquement à la rencontre non seulement des parents d’élèves et des syndicats, mais aussi des associations de maires et des maires de grandes villes.
Mme Catherine Troendle. Qui prendra en charge les coûts supplémentaires ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Vincent Peillon, ministre. La négociation a donc lieu. Bien entendu, cette réforme devra être prise en charge par l’ensemble de ceux qui concourent à l’intérêt général, et les collectivités locales devront y prendre leur part.
M. Jean-Claude Gaudin. Nous verrons...
M. Vincent Peillon, ministre. Cela fait aussi partie de vos responsabilités.
Il doit y avoir aussi des mouvements d’éducation populaire, des associations, des collectivités locales. Celles-ci sont d’ailleurs les premiers investisseurs lorsqu’il s’agit d’accroître les dépenses éducatives.
M. Jean-Claude Gaudin et Mme Catherine Troendle. C’est vrai !
M. Vincent Peillon, ministre. Il ne faut pas qu’une défausse généralisée soit entretenue par des propos trop approximatifs et trop polémiques pour être utiles au pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
retraites
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Le 2 juillet, comme l’avait promis François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, comme le proposaient depuis des années les groupes progressistes au Sénat et à l’Assemblée nationale, comme l’attendaient des milliers de salariés, vous avez mis fin à l’un des symboles d’inégalité, je dirai même de dogmatisme, du précédent gouvernement en instaurant dès maintenant la retraite à 60 ans pour les carrières longues.
Mme Natacha Bouchart. Cela a commencé avant vous !
M. Ronan Kerdraon. Votre décret met un terme à la pénalisation profondément injuste, directement issue de la réforme des retraites de 2010, des travailleurs ayant débuté tôt leur carrière, des chômeurs, des travailleurs handicapés, des femmes, des mères. Votre décret, c’est aussi la reconnaissance des accidents de la vie.
Je dois vous dire le soulagement de celles et ceux qui sont concernés par ce dispositif et votre reconnaissance de l’urgence sociale dans laquelle ils se trouvaient.
Il était bien du devoir de la République de dire aux femmes et aux hommes qui ont tant travaillé qu’ils peuvent relever la tête et être fiers de ce qu’ils ont apporté à la société.
Madame la ministre, sur ce dossier, le Gouvernement a agi avec célérité.
Vous avez su aussi laisser du temps, au travers de la grande conférence sociale qui s’est tenue en début de semaine, à la concertation, la vraie, parce que seul le dialogue social permettra la cohésion nationale et l’acceptation par le plus grand nombre de cette nécessaire réforme, dans la justice et l’efficacité.
Quel contraste, mes chers collègues, avec les trois semaines de débat qui nous ont réunis ici voilà deux ans !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Madame la ministre, nous connaissons vos qualités d’écoute et votre volonté de trouver des solutions concrètes, pérennes et justes. Car ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas seulement de réparer des injustices sociales ; ce sont aussi des choix d’avenir, des choix économiques.
Nous agissons aujourd’hui pour éviter la grande précarité de demain, notamment celle des plus fragiles, notamment celles des femmes.
Madame la ministre, ma question est la suivante : dans ce débat sur les retraites qui s’annonce, quelle est votre feuille de route pour remettre la France à l’endroit, pour que la France réelle, celle qui se lève tôt, celle qui travaille, parfois dans des conditions pénibles, soit, une fois n’est pas coutume, respectée, et non plus sacrifiée à la logique des marchés ?
Mme Natacha Bouchart. Elle va être imposée !
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous remercie d’avoir rappelé que ce qui se joue au travers de la réforme des retraites, bien au-delà des mesures qui concernent des dizaines de milliers de Français, c’est la volonté de reconnaître, de respecter, d’intégrer ces hommes et ces femmes qui ont donné leur vie au travail, à la société, et qui ont permis à notre pays de se développer.
Non seulement la réforme qui a été imposée par le précédent gouvernement n’est pas financée, raison pour laquelle nous devons nous remettre au travail,...
Mme Catherine Procaccia. Enfin !
M. Philippe Dallier. Elle est bonne, celle-là !
M. Alain Gournac. C’est la meilleure !
Mme Marisol Touraine, ministre. ... mais elle est aussi profondément injuste, tout l’effort exigé reposant sur celles et ceux qui ont exercé des métiers difficiles, qui ont commencé à travailler jeunes, qui ont eu des carrières pénibles, hachées, qui ont connu le chômage et l’inactivité.
M. Philippe Dallier. Il fallait abroger la réforme !
M. Alain Gournac. Un peu de courage : abrogez-la !
Mme Marisol Touraine, ministre. Le Président de la République s’était engagé à mettre fin, dès son accession aux responsabilités, à cette injustice profonde. C’est pourquoi, comme vous l’avez rappelé, j’ai pris, sous la responsabilité du Premier ministre, un décret permettant à celles et ceux qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans, et cotisé pendant la durée requise, de partir à la retraite dès 60 ans, sans attendre l’âge de 62 ans.
M. Joël Guerriau. Où est le financement ?
Mme Marisol Touraine, ministre. Je l’ai fait après avoir consulté l’ensemble des organisations syndicales et patronales, afin d’entendre leurs demandes et les préoccupations des Français.
Ces organisations ont souhaité que la durée cotisée soit calculée en tenant compte des temps éventuels de chômage, dans la limite de deux trimestres, et des temps de maternité, car la réforme précédente ne permettait pas de reconnaître la place et l’engagement des femmes, qui doivent pouvoir à la fois travailler et avoir des enfants.
Nous devons désormais aller au-delà. En effet, comme vous l’avez souligné, la réforme adoptée par le précédent gouvernement n’est pas financée. Au terme de la grande conférence sociale, nous avons décidé que le Conseil d’orientation des retraites pourrait présenter les estimations pour les années à venir et engager, à partir du début de l’année prochaine, une concertation dans le cadre d’une commission qui présentera des options de réforme à court et moyen terme.
Le Gouvernement entamera les discussions avec les partenaires sociaux à partir du printemps prochain, dans la perspective d’une réforme qui soit à la fois juste, financée et équilibrée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
politique du ministère de la justice
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, vous me permettrez de faire une remarque liminaire : le respect veut que toutes les questions d’actualité soient présentées avant seize heures. C’est la règle que nous avons toujours suivie !
M. Roland du Luart. Elle n’a pas été respectée !
M. Jean-Jacques Hyest. Or il est seize heures.
Quelques petits coups de brosse à reluire en moins n’auraient pas nui à la qualité du débat, et chacun aurait pu s’exprimer ! (Sourires et exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)
M. Christian Bourquin. La question !
M. Jean-Jacques Hyest. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Lors de sa campagne présidentielle, le candidat François Hollande affirmait vouloir des sanctions immédiates et systématiques contre les délinquants, et il promettait d’être « intraitable », notamment envers les « petits caïds ». Vous pouvez applaudir... (Sourires et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Samia Ghali. Cela se voit !
M. Jean-Jacques Hyest. Or, par un certain nombre d’annonces, madame la garde des sceaux, vous semblez vouloir détricoter tous les dispositifs votés pour lutter contre la grande délinquance et la criminalité : suppression des tribunaux pour les mineurs récidivistes de 16 ans, abandon de la rétention de sûreté, suppression des peines planchers ; encore dois-je avoir manqué quelques-unes de vos déclarations...
Quant à la suppression de l’expérimentation de la présence de jurés dans les tribunaux correctionnels, sans doute est-elle le gage à donner à certains corporatismes, mais elle ne va pas dans le sens de la meilleure participation des citoyens à la justice.
M. Jean-Claude Gaudin. Bravo !
M. Jean-Jacques Hyest. Dans le domaine pénitentiaire, pensez-vous réellement que, si l’on veut améliorer le taux d’exécution des décisions de justice tout en favorisant l’aménagement des peines, et améliorer aussi la condition carcérale, il soit responsable d’arrêter les programmes de construction d’établissements pénitentiaires ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest. Et je ne parlerai pas des contrôles d’identité ou des conséquences, qu’il va bien falloir assumer, de la suppression de la garde à vue pour les étrangers en situation irrégulière…
Ces quelques signaux ne peuvent qu’inquiéter quant à la volonté du Gouvernement d’agir avec fermeté contre la délinquance et la criminalité, ce qu’attend pourtant la grande majorité de nos concitoyens.
Alors, madame le garde des sceaux, pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de la politique que vous entendez mener dans ce domaine ? J’espère que vous allez nous rassurer ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Hyest et moi-même étions ensemble la nuit dernière. (Exclamations et rires.) En tout bien tout honneur, au vu et au su de tous, puisque c’était dans cet hémicycle ! Or vos propos nocturnes, monsieur Hyest, étaient beaucoup plus modérés…
M. Christian Bourquin. Il n’y avait pas la télé !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous vous préoccupez des tribunaux correctionnels pour mineurs, que vous avez introduits dans la loi du 10 août 2011. Autour de cette innovation, vous avez fait une propagande consistant à laisser entendre qu’il n’y avait pas, auparavant, de tribunaux pour juger les mineurs récidivistes de 16 à 18 ans. C’était totalement faux !
J’ajoute que, depuis janvier 2012, ces tribunaux que vous avez mis en place n’ont jugé que soixante-cinq mineurs, soit 2 % des mineurs concernés…
M. François Rebsamen. Ils s’en moquent !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. De plus, ils ont prononcé des peines équivalentes ou inférieures à celles prononcées par les tribunaux pour enfants, ce qui prouve que la défiance dont vous avez fait preuve à l’égard des juges des enfants était déplacée autant que déshonorante ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En revanche, avec cette réforme, vous avez désorganisé les juridictions.
Vous avez également fait de la propagande à propos des peines planchers, en laissant croire qu’elles serviraient à aggraver les sanctions contre la grande délinquance et la criminalité. C’était encore faux parce que le code pénal prévoyait déjà des sanctions spécifiques en cas de récidive et que les juges les prononçaient.
En revanche, les peines planchers ont rendu plus fréquentes les condamnations à de courtes peines. Songez, monsieur le sénateur, que 45 % des détenus purgent une peine de moins de six mois ! Or, vous le savez, les peines courtes sont génératrices de récidive. Vous le savez si bien que la majorité dont vous faisiez partie avait voté une loi pénitentiaire pour parer à la difficulté des courtes peines dans les prisons.
M. Daniel Raoul. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous avez vous-même évoqué l’accumulation des lois pénales qui ont été adoptées ces dernières années : trente lois pénales en cinq ans, en effet ! C’est la preuve d’une frénésie et, très probablement, d’un affolement. Mais, surtout, cette accumulation démontre l’impuissance de votre politique pénale.
Vous avez empilé des textes parce que vous réduisiez les effectifs des juges d’application des peines, des éducateurs, des psychologues, des psychiatres, des conseillers d’insertion et de probation.
Résultat : un taux de surpopulation carcérale qui varie de 120 à 200 % et qui atteint 300 % dans les outre-mer… Voilà le bilan de la spirale dans laquelle vous vous êtes enfermés ! (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Quant aux peines de sûreté, vous avez défait le suivi socio-judiciaire que la gauche avait mis en place.
Vous avez empilé les lois, mais sans jamais faire d’évaluation. Il en existe une, pourtant, et elle vous dessert : elle démontre que la récidive est beaucoup plus importante chez les personnes qui ont été incarcérées que chez celles qui ont exécuté leur peine en milieu ouvert. (Mêmes mouvements sur les mêmes travées.)
Mme Samia Ghali. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, monsieur le sénateur, notre politique ne sera pas la vôtre. La vôtre fut brouillonne. Elle a produit de l’incarcération à outrance et de la surpopulation carcérale.
Vous avez légiféré sur tout : les chiens dangereux, les halls d’immeuble, le racolage passif… (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Effectivement, nous n’agirons pas de la même façon : nous ferons en sorte que le service public de la justice soit au service des citoyens et efficace, comme l’a dit le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale.
Mme Natacha Bouchart. Demandez aux victimes ce qu’elles en pensent !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Et je suis sûre que nous trouverons quelques parlementaires de l’UMP qui auront ce souci de la qualité du droit et de l’efficacité de la justice ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Natacha Bouchart. Vous êtes en train de tout lâcher !
M. le président. Mes chers collègues, je vous informe que toutes les questions et toutes les réponses ont été retransmises sur France 3.
Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
5
Débat sur la politique commune de la pêche (suite)
Mme la présidente. Nous reprenons le débat sur la politique commune de la pêche.
Dans la suite de ce débat, la parole est à M. Robert Laufoaulu.
M. Robert Laufoaulu. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention d’aujourd'hui peut surprendre puisque Wallis-et-Futuna n’est pas une RUP, une région ultrapériphérique, mais un PTOM, un pays ou territoire d'outre-mer. De ce fait, en apparence, la PCP, la politique commune de la pêche, ne nous concerne pas directement.
Pourtant, il est important de se rappeler que, sur les 11 millions de kilomètres carrés que compte la zone maritime de la France, plus des deux tiers se situent dans les PTOM. Et, comme le souligne la résolution adoptée par notre délégation à l’outre-mer, les accords de partenariat économique – APE – conclus par l’Union européenne avec certains pays ACP, c'est-à-dire de la zone Afrique-Caraïbes-Pacifique, constituent une menace pour la pêche des collectivités ultramarines, que celles-ci soient des RUP ou des PTOM. C’est la raison pour laquelle il conviendrait que Bruxelles évalue systématiquement et préventivement les effets des accords commerciaux signés par l’Union. Or, manifestement, ce travail est déficient.
Certes, nous avons des problèmes structurels évidents, dont les principaux, en ce qui concerne Wallis-et-Futuna, sont l’éloignement et l’isolement géographiques. Toutefois, si l’on ajoute à ces difficultés la concurrence de pays à main-d’œuvre bon marché, avec lesquels sont signés des accords de partenariat économique qui leur sont très favorables, sans mener une réflexion sur l’intérêt de l’outre-mer français, nous mettons en péril nos fragiles économies ultramarines et tous les efforts que nous pourrions y accomplir.
Ce constat est d’autant plus vrai pour la zone Pacifique que, à l’inverse de ce qui s’est passé avec les États de la Caraïbe, l’Union européenne n’a imposé aucune norme environnementale ou sociale dans les accords signés avec des pays ACP comme Fidji.
Pour nous, collectivités françaises du Pacifique – Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna –, qui sommes soumises aux standards environnementaux et sociaux de la France, de tels accords risquent d’ajouter des handicaps supplémentaires à nos difficultés structurelles. Avec des pays qui disposent de plus de barrières douanières et dont le coût de revient est trois ou quatre fois inférieur au nôtre, comment pourrons-nous lutter ?
Monsieur le ministre des outre-mer, je voudrais profiter de l’occasion que me fournit ce débat pour vous demander ce qu’il en est de la préparation de la nouvelle décision d’association outre-mer qui doit entrer en vigueur à partir de janvier prochain ? Comme vous le savez, les PTOM européens ont travaillé durant plusieurs années, en vue de l’échéance de 2013, pour faire évoluer leurs relations avec l’Union européenne. En tant que citoyens de l’Union, qui peuvent être élus au Parlement de Strasbourg, nous espérions une évolution vers un statut prenant davantage en compte notre appartenance à la famille européenne. Finalement, la décision, adoptée unilatéralement par l’Union, fut de maintenir le statu quo, et nous nous inclinons à regret.
Il serait important que, lors du prochain forum Union européenne-PTOM, qui se tiendra au mois de septembre 2012, nous puissions disposer du projet de décision et ainsi proposer les modifications qui s’imposent. Il faudra en particulier, dans la nouvelle décision, introduire des mesures adéquates pour les PTOM les moins développés. Si tel n’est pas le cas, compte tenu des problèmes que j’ai évoqués précédemment, nous continuerons à être des citoyens européens de seconde zone. Pis, notre situation se dégradera à cause de la signature d’APE trop favorables aux pays ACP.
Notre souhait à tous est donc que l’Union prenne mieux en compte l’existence des collectivités d’outre-mer, que celles-ci aient le statut de RUP ou de PTOM, lorsqu’elle négocie avec des pays tiers. Peut-être même, monsieur le ministre, pourrait-elle mener des actions d’évaluation régulières des APE existants, afin d’estimer les impacts négatifs ou positifs de ces accords sur les économies des RUP et des PTOM ?
L’intégration régionale constitue un élément essentiel de l’évaluation a priori et éventuellement a posteriori qui devrait guider Bruxelles. À Wallis-et-Futuna, qui bénéficie d’une zone maritime de près de 300 000 kilomètres carrés, avec une vingtaine de hauts-fonds repérés, offrant une grande diversité de ressources, nos atouts seraient réels pour développer la pêche.
Après l’arrêt des accords avec les grands pays pêcheurs d’Asie au début des années 2000, la stratégie de développement des filières de pêche adoptée en 2003 privilégie le développement d’une flottille de bateaux côtiers dédiée à la satisfaction du marché local, puis de pêche congelée pour l’export.
Cependant, il a fallu attendre 2010 pour que le premier palangrier s’installe à Wallis. Et encore l’armateur traverse-t-il, depuis son arrivée, de graves difficultés, qui synthétisent les handicaps du territoire : isolement, carence en main-d’œuvre qualifiée, infrastructures inadaptées, coût du carburant, etc.
Néanmoins, nous devons pouvoir remédier à certains problèmes, par exemple par le développement de filières d’enseignement de la pêche ou l’envoi de nos jeunes en formation dans les structures dédiées aux métiers de la mer.
L’ouverture du marché européen aux produits de la pêche des pays ACP océaniens pourrait certes anéantir toutes nos tentatives de développement d’une filière pêche à Wallis-et-Futuna. Cependant – si l’on veut voir le verre à moitié plein –, elle pourrait aussi contribuer à l’élévation des standards régionaux en matière de qualité et de traçabilité des produits exportés, au bénéfice de l’émergence de filières exportatrices vers les marchés de l’Europe et de tous les pays développés.
Plus spécifiquement, le partenariat économique durable entre les îles Fidji et l’Union européenne, couplé à l’octroi de l’agrément sanitaire européen à plusieurs usines de transformation, ouvre des perspectives d’intégration de notre filière d’export dans les canaux d’exportation de ce pays vers l’Union.
L’assouplissement des règles d’origine pour les produits du thon issus des usines océaniennes permettra à ces dernières d’élargir leur approvisionnement sans perdre les avantages douaniers à l’entrée du marché européen. Cette clause de l’accord de coopération pourrait être favorable à la pérennité de cette industrie dans la région proche, donc à l’intégration régionale de notre filière thonière, à condition bien sûr que nous soyons aidés par l’État dans cette évolution.
Par ailleurs, sans être directement lié à l’accord de coopération économique, le dispositif de lutte contre la pêche illégale instauré par le règlement 1005-2008 encadre aussi l’accès au marché européen.
Il est néanmoins regrettable que, dans le cadre de la négociation avec Fidji, aucun représentant de Bruxelles ne soit venu à Wallis-et-Futuna ou n’ait même pensé à se préoccuper des conséquences éventuelles pour notre territoire.
Aurait-il été possible, par exemple, d’exiger en contrepartie que Fidji offre des débouchés à la pêche de Wallis-et-Futuna pour la transformation dans ses usines ? Je me doute bien que la réponse est, hélas, négative. Néanmoins, je souhaiterais vivement que, en France, une réflexion soit menée sur la façon dont on pourrait amener Bruxelles à mieux prendre en compte l’intégration régionale de nos collectivités d’outre-mer dans le cadre des accords commerciaux signés par l’Union européenne.
Voilà, en quelques phrases, le message que je souhaitais vous faire entendre. Tout en m’associant pleinement à l’inquiétude exprimée dans la résolution de notre délégation à l’outre-mer, je veux espérer et croire que nos collectivités ultramarines trouveront toute leur place dans l’économie ouverte et mondialisée souhaitée par l’Europe, ce qui n’exclut ni la vigilance ni la persévérance dans la défense de l’outre-mer.