Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaire :

M. Hubert Falco.

1. Procès-verbal

2. Décès d'un ancien sénateur

3. Candidatures à des organismes extraparlementaires

4. Demande d'avis sur un projet de nomination

5. Dépôt de rapports

6. Abrogation de la majoration des droits à construire. – Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Claude Bérit-Débat, auteur de la proposition de loi ; Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement.

MM. François Calvet, Joël Labbé, Daniel Dubois, Mme Mireille Schurch, MM. Pierre-Yves Collombat, Claude Dilain, Maurice Antiste, Gérard Collomb.

Clôture de la discussion générale.

Mme la ministre.

7. Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

8. Abrogation de la majoration des droits à construire. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Articles additionnels avant l’article 1er

Amendements nos 5 rectifié ter et 7 rectifié ter de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur ; Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement ; MM. Joël Labbé, Pierre-Yves Collombat. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 6 rectifié ter de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Amendement n° 8 rectifié quater de M. Charles Revet. – MM. Charles Revet, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.

Article 1er

MM. Pierre Jarlier, Philippe Kaltenbach.

Amendement n° 1 de Mme Élisabeth Lamure. – MM. François Calvet, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Jean-Paul Emorine, François-Noël Buffet, Martial Bourquin. – Rejet.

Adoption de l'article.

Article 2 (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l’article 2

Amendement n° 2 de M. Philippe Kaltenbach. – MM. Philippe Kaltenbach, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 3 de M. Jacques Chiron. – MM. Jacques Chiron, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 10 de M. Vincent Eblé. – MM. Vincent Eblé, le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Amendement n° 11 de Mme Valérie Létard. – Mme Valérie Létard, M. le rapporteur, Mme la ministre. – Retrait.

Vote sur l’ensemble

MM. Samia Ghali, Alain Fouché, Claude Bérit-Débat, Jacques Mézard, Daniel Dubois, Joël Labbé, François Calvet, Mme Mireille Schurch

Adoption de la proposition de loi.

M. le président de la commission.

9. Communication du Conseil constitutionnel

10. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaire :

M. Hubert Falco.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du 5 juillet 2012 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

Décès d'un ancien sénateur

M. le président. Mes chers collègues, j’ai le très grand regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Paulette Brisepierre, qui fut sénateur représentant les Français établis hors de France de 1989 à 2008. Elle fut la doyenne de notre assemblée de 2004 à 2008.

3

Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein d’organismes extraparlementaires.

Pour siéger au sein du Haut Conseil du financement de la protection sociale :

- la commission des affaires sociales a fait savoir qu’elle propose les candidatures de MM. Yves Daudigny, en qualité de membre titulaire, et Alain Milon, en qualité de membre suppléant ;

- la commission des finances a fait savoir qu’elle propose les candidatures de MM. Jean Pierre Caffet, en qualité de membre titulaire, et Serge Dassault, en qualité de membre suppléant.

Pour siéger au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale en qualité de membre titulaire, la commission des affaires sociales a fait savoir qu’elle propose la candidature de Mme Marie-Thérèse Bruguière.

Pour siéger au sein du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche en qualité de membre titulaire, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait savoir qu’elle propose la candidature de Mme Dominique Gillot.

Pour siéger au sein de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement en qualité de membre suppléant, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait savoir qu’elle propose la candidature de M. Jean Boyer.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

4

Demande d'avis sur un projet de nomination

M. le président. Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010, relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et en application de l’article 1er du décret n° 59-587 du 29 avril 1959, M. le Premier ministre, par lettre en date du 9 juillet 2012, a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente en matière de recherche appliquée sur le projet de nomination de M. François Houllier en qualité de président de l’Institut national de la recherche agronomique.

Cette demande d’avis a été transmise à la commission des affaires économiques.

Acte est donné de cette communication.

5

Dépôt de rapports

M. le président. M. le président du Sénat a reçu :

- de M. Michel Bouvard, président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, le rapport sur les opérations de cet établissement en 2011, établi en application de l’article L. 518-10 du code monétaire et financier ;

- de M. Louis Gallois, commissaire général à l’investissement, le rapport annuel 2011-2012 du comité de surveillance du programme d’investissements d’avenir, établi en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 ;

- de Mme Rolande Ruellan, présidente du conseil de surveillance du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le rapport annuel 2011 de ce fonds, établi en application de l’article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Les deux premiers ont été transmis à la commission des finances et le troisième à la commission des affaires sociales. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

6

 
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Discussion générale (suite)

Abrogation de la majoration des droits à construire

Discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, présentée par les membres du groupe socialiste et apparentés (proposition n° 595, texte de la commission n° 633, rapport n° 632, avis n° 624).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Claude Bérit-Débat, auteur de la proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. Claude Bérit-Débat, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à examiner une proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

Vous vous en souvenez certainement, lors de la discussion de ce dernier texte, le Sénat s’était très vigoureusement opposé au dispositif présenté par le Gouvernement. Il s’agissait en effet d’introduire une majoration automatique des droits à construire sur le territoire des communes, au mépris des dispositions existant en la matière et, surtout, de l’action des collectivités dans ce domaine.

En réaction à l’adoption imposée aux forceps d’un tel texte, trois propositions de loi ont été déposées – deux, dont celle que je présente ici, l’ont été par des membres du groupe socialiste, la troisième par des membres du groupe de l’Union centriste et républicaine –, avec un objectif commun : revenir sur les dispositions de la loi du 20 mars 2012. Cela témoigne que l’insatisfaction était largement partagée sur la majorité des travées de notre assemblée.

Ces trois propositions de loi s’appuient sur un constat identique, que Thierry Repentin avait parfaitement résumé en tant que rapporteur du texte présenté par le Gouvernement. Il écrivait en effet, dans son rapport, que ce texte « cumule les inconvénients : insuffisamment préparé et discuté dans la précipitation, il est à la fois redondant avec le droit existant, porteur de risques contentieux lourds, doté d’une efficacité concrète très improbable et contraire à l’esprit d’un urbanisme de projet responsable et d’une coopération intercommunale apaisée et efficiente ». Autrement dit, nul ne pouvait se satisfaire de la loi du 20 mars 2012, nul ne s’en satisfaisait d’ailleurs et c’est donc en toute logique que différentes initiatives ont été prises en vue de l’abroger.

La proposition de loi que j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui s’inscrit dans ce mouvement. Aussi commencerai-je par effectuer un rapide rappel avant de revenir sur le contenu, fort bref au demeurant, du texte lui-même.

À l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire, le groupe socialiste avait dénoncé le mécanisme que le Gouvernement souhaitait instaurer. Nous avions également fait valoir plusieurs propositions en matière de politique du logement. Nous estimions alors que nous ne pouvions pas nous accommoder d’une mesure d’application mécanique, dénuée de lien avec la réalité locale. Nous considérions que la situation du logement en France appelait une réponse mobilisant tous les acteurs et tous les moyens disponibles.

Dans cette optique, nous refusions d’opposer l’action de l’État à celle des collectivités locales. Nous refusions également de considérer que le marché immobilier était susceptible de s’autoréguler efficacement : qui, au demeurant, croit encore qu’il puisse en être ainsi, au regard des dérives se manifestant autour de nous ? Nous refusions enfin d’ignorer les disparités territoriales à cause desquelles le lieu de vie devient, pour beaucoup de citoyens, un élément discriminant dans l’accès au logement.

Avec Thierry Repentin, nous avions donc souhaité, dès mars dernier, proposer une vision autre que celle du gouvernement d’alors. Nous avions ainsi défendu des mesures visant à encadrer les loyers dans les zones tendues. Nous avions également proposé un système de mise à disposition des terrains de l’État pour les collectivités construisant des logements sociaux. Il s’agissait, pour nous, de répondre concrètement, sans dogmatisme, avec pragmatisme et dans un souci de justice sociale, à une préoccupation majeure des Français.

Le Gouvernement n’avait alors pas jugé utile de nous entendre. Depuis, l’élection présidentielle est venue éclairer d’un sens nouveau les débats que nous avions eus. Aussi me semble-t-il tout à fait symbolique que le premier texte que nous examinions à l’occasion de cette session extraordinaire soit la présente proposition de loi.

La session ordinaire s’était achevée dans l’agitation et la confusion ; nous reprenons nos travaux dans l’écoute et la sérénité. Comme l’ont fait ressortir nos échanges en commission, et même si différentes sensibilités se sont exprimées – c’est bien normal –, nous nous sommes largement retrouvés pour revenir sur la loi du 20 mars 2012. En cela, la position de la majorité des sénateurs ne fait d’ailleurs que refléter celle des associations d’élus. En effet, toutes sont favorables à l’abrogation de cette loi : l’Assemblée des communautés de France, l’ADCF, l’a clairement signifié, de même que la Fédération des villes moyennes et la commission « urbanisme » de l’Association des maires de France, l’AMF –cette dernière s’étant qui plus est prononcée à l’unanimité. Dans ces conditions, est-il encore besoin de vous convaincre que la présente proposition de loi était nécessaire à bien des égards ?

Cette proposition de loi était nécessaire d’abord parce que la loi du 20 mars 2012 reposait sur des hypothèses pour le moins illusoires. On sait pourtant que la majoration des droits à construire n’est qu’un facteur parmi d’autres dans l’équation de la construction de logements. En l’occurrence, les effets pervers du dispositif sont bien supérieurs aux bénéfices escomptés : je pense notamment aux effets inflationnistes de cette mesure ou à ses conséquences en termes de rétention du foncier.

Inefficace, la loi du 20 mars 2012 illustrait de surcroît de manière caricaturale la défiance du gouvernement précédent à l’égard des collectivités locales.

De fait, mettre en place un tel dispositif revenait en quelque sorte à faire passer les collectivités pour les responsables de la crise du logement !

Ce même dispositif venait ensuite brouiller l’articulation de l’action entre communes et établissements publics de coopération intercommunale, les premières pouvant – c’est un comble – s’exonérer de leurs engagements au sein des seconds !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois. C’est vrai !

M. Claude Bérit-Débat. Enfin, une fois de plus, le Gouvernement ne prenait pas la mesure du coût de ces dispositions pour les plus petites collectivités et des difficultés techniques que leur mise en œuvre pourrait engendrer.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Claude Bérit-Débat. L’Assemblée des communautés de France a ainsi estimé à près de 10 000 euros les frais financiers qui seraient exposés en l’espèce, et ce que les communes acceptent ou rejettent l’application de la majoration des droits à construire.

Ce n’est donc pas le moindre des mérites de la présente proposition de loi que de montrer que le Sénat entend les préoccupations des territoires et y fait droit.

Autrement dit, vous l’aurez compris, cette proposition de loi vaut autant par son contenu que par le symbole qu’elle représente et l’espérance qu’elle porte. Il me semblait nécessaire de procéder à ces rappels avant d’évoquer maintenant le contenu même du texte.

Cette proposition de loi ne comportait qu’un article visant à abroger la majoration automatique des droits à construire. De manière opportune, la commission l’a enrichie d’un second article sur proposition conjointe des rapporteurs des commissions des affaires économiques et des lois. Il vise à mettre en place un dispositif transitoire pour les collectivités ayant déjà entamé les procédures de révision de leurs documents d’urbanisme et sur le territoire desquelles le dispositif de majoration automatique des droits à construire sera applicable à la date de promulgation de la loi.

Il apparaît, en effet, qu’une quinzaine de collectivités ou d’EPCI sont concernés. Suivant la proposition du rapporteur de la commission des lois, la commission des affaires économiques a estimé que leur volonté devait être respectée. Ainsi, leurs décisions ne seront pas remises en cause par le texte que nous allons adopter.

À bien des égards, nous pourrions considérer que cette proposition de loi a pour vertu essentielle, voire unique – mais c’est déjà beaucoup ! –, de rétablir un semblant d’équilibre en matière de politique du logement.

La loi du 20 mars 2012 avait provoqué un télescopage entre les mesures qui existaient déjà pour favoriser la création de logements et une majoration générale des droits à construire qu’elle instaurait mécaniquement. Il en découlait un état du droit insatisfaisant et inutilement complexifié. Or, on ne peut jamais être satisfait quand le législateur lui-même favorise, par son action, l’insécurité juridique.

Cette proposition de loi est donc la bienvenue, d’abord et avant tout parce qu’elle va rétablir un ordre bouleversé sans raison. Elle permet de parer au plus pressé. À l’inverse de ce qui a été fait voilà quelques mois, l’objectif n’est toutefois pas d’agir sans respecter les décisions des collectivités.

Ainsi, au travers de ses deux articles brefs et concis, le texte qui vous est soumis constitue une première étape, certes, mais une étape décisive.

Le Président de la République a choisi de rétablir la justice sociale dans le pays. La question du logement se rattache indéniablement à cette préoccupation.

M. Claude Bérit-Débat. Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s’est déjà attelé à la tâche, notamment en préparant des mesures d’encadrement des loyers dans les zones tendues.

D’autres textes suivront ; je pense notamment à celui qui sera relatif à la mise à disposition des terrains de l’État pour les collectivités réalisant des logements sociaux.

Dans l’attente de ces textes qui me semblent importants pour notre politique du logement, le Sénat montrera aussi, en adoptant cette proposition de loi, combien il entend participer à la résolution d’un problème majeur pour les Français.

Je sais pouvoir compter sur le total soutien du groupe socialiste…

M. Claude Bérit-Débat. … et je ne doute pas, au vu des riches échanges que nous avons eus au sein de la commission des affaires économiques, qu’une large majorité pourra se dégager, dans cet hémicycle, pour adopter ce texte. Par avance, je vous en remercie, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Pierre Jarlier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de saluer votre présence parmi nous et de vous adresser nos vœux de réussite dans la mission extrêmement importante qui vous a été confiée. Notre collègue Claude Bérit-Débat a rappelé les attentes de nos collectivités et de nos populations en matière de logement.

Madame la ministre, vous découvrez aujourd’hui le Sénat. J’espère que, dans le cadre de vos fonctions, vous saurez apprécier la qualité de ses travaux ainsi que sa liberté de ton !

J’en viens à la proposition de loi que nous avons à examiner.

Le 6 mars dernier, à l’occasion de la dernière séance de la session ordinaire de la précédente législature, la Haute Assemblée débattait du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire. La commission de l’économie, notamment par la voix de son rapporteur, notre collègue Thierry Repentin – car il est toujours notre collègue, même s’il est désormais aussi le vôtre, madame la ministre ! –, s’était opposée au dispositif de majoration automatique des droits à construire. Le Sénat avait suivi ses recommandations, et le Gouvernement avait dû demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement.

Dans la droite ligne de ses conclusions en tant que rapporteur, Thierry Repentin a déposé le 14 juin dernier, avec l’ensemble des membres du groupe socialiste et apparentés, une proposition de loi visant à abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

Je souhaite souligner que la question de l’abrogation de cette loi dépasse les clivages. J’en veux pour preuve que notre collègue Pierre Jarlier, suivi par une dizaine de membres du groupe de l’Union centriste et républicaine, a déposé une proposition de loi quasiment identique, dont l’examen est joint au rapport de la commission, ainsi d’ailleurs que celui de la proposition de loi de notre collègue Philippe Kaltenbach.

La proposition de loi de Thierry Repentin est donc le premier texte examiné par le Sénat au cours de la session extraordinaire. L’inscription d’une proposition de loi à l’ordre du jour d’une session extraordinaire est un fait suffisamment rare pour être souligné. En tout cas, cela illustre la reconnaissance du travail accompli par la Haute Assemblée. Je me réjouis également que cette session extraordinaire débute par la discussion d’un texte essentiel pour les collectivités territoriales, dont le Sénat est le représentant.

Pour connaître le point de vue de la commission sur la loi du 20 mars 2012, il suffit de relire le rapport de février dernier de Thierry Repentin. Comme il l’indiquait alors, ce texte « cumule les inconvénients : insuffisamment préparé et discuté dans la précipitation, il est à la fois redondant avec le droit existant, porteur de risques contentieux lourds, doté d’une efficacité concrète très improbable et contraire à l’esprit d’un urbanisme de projet responsable et d’une coopération intercommunale apaisée et efficiente ».

À mes yeux, la loi du 20 mars 2012 comporte trois défauts majeurs : il s’agit d’un texte qui est improvisé, inefficace, et dont les conséquences sont lourdes pour les collectivités territoriales.

Il s’agit tout d’abord d’un texte improvisé, car le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire a été discuté dans la précipitation la plus totale.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Annoncé par le Chef de l’État le 30 janvier 2012, le texte a été déposé le 8 février suivant et adopté définitivement le 6 mars 2012. Je partage donc l’avis de notre collègue Pierre Jarlier, tel qu’il figure dans l’exposé des motifs de sa proposition de loi : ce texte a été voté « dans des conditions trop expéditives ».

M. Roland Courteau. C’est le mot !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Autre illustration du caractère précipité de cette réforme : le texte n’a donné lieu à aucune concertation avec les acteurs du logement, tant les associations d’élus que les agents économiques.

Il s’agit ensuite d’un texte inefficace, car la loi du 20 mars 2012 vise notamment – vous le savez tous – à créer un dispositif de majoration automatique de 30 % des droits à construire applicable sur l’ensemble du territoire national, sauf délibération contraire de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale compétent.

Or ce dispositif est redondant avec d’autres qui ont été très peu utilisés jusqu’à présent : un dispositif issu de la loi Boutin permettant aux communes couvertes par un plan local d’urbanisme ou un plan d’occupation des sols de majorer les droits à construire de 20 %, auquel seulement une trentaine de communes ont eu recours selon une enquête menée auprès de soixante et onze départements ; deux dispositifs ciblés sur les logements sociaux et les bâtiments à haute performance énergétique, autorisant une majoration des règles de densité pouvant aller jusqu’à 50 % et 30 % respectivement. Selon l’enquête précitée, ces deux derniers dispositifs ont été utilisés par environ cent cinquante communes seulement.

Pourquoi les collectivités territoriales utiliseraient-elles une mesure très proche de dispositifs auxquels elles n’ont très majoritairement pas encore souhaité avoir recours ? Je dis « pas encore » parce que je pense qu’il faudra se pencher sur la question de la consommation de l’espace ou de l’optimisation de celle-ci ; je n’aime pas beaucoup le terme « densification » !

Par ailleurs, de multiples facteurs juridiques, techniques et économiques entravent l’efficacité du dispositif.

Sur le plan juridique, la majoration des droits à construire n’exempte pas du respect d’autres règles d’urbanisme, telles que les règles du prospect. En outre, l’utilisation des nouveaux droits suppose, dans certains cas, de trouver des accords pour redéfinir des conventions privées. C’est le cas, en particulier, pour les copropriétés : la surélévation ou la construction de bâtiments afin de créer de nouveaux locaux à usage privatif ne peut être réalisée, sauf exception, que si la décision est prise à l’unanimité des copropriétaires.

Sur le plan technique, la modification du bâti est parfois très difficile, voire impossible. Il en est ainsi de la surélévation d’un bâtiment, opération impossible si les fondations ne sont pas adaptées.

Sur le plan économique, dans un contexte de crise, la taille des projets de construction est en diminution, hélas ! Nos concitoyens réduisent leurs ambitions et les COS sont loin d’être saturés.

Le texte entraîne aussi des effets pervers, tels qu’un effet de rétention de la part de certains propriétaires, constaté par les professionnels dès la discussion parlementaire de février dernier, ou un effet inflationniste, puisque les prix du foncier seront tirés vers le haut une fois la majoration des droits à construire entrée en vigueur.

Enfin, la loi du 20 mars 2012 a des conséquences très lourdes pour les collectivités territoriales.

Je rappellerai tout d’abord quelle volonté a, malheureusement, présidé à l’annonce de cette mesure : celle de mettre en accusation les collectivités territoriales, jugées responsables de la crise du logement, alors que ce sont sans doute elles qui investissent le plus, directement ou indirectement, via leurs offices. Cela transparaissait clairement dans le discours sur le logement prononcé le 2 février dernier, à Longjumeau, par l’ancien Président de la République.

La non-utilisation des dispositifs de majoration des droits à construire par les collectivités territoriales n’est pourtant aucunement due à une indifférence à l’égard de la crise du logement. Les collectivités territoriales sont d’ailleurs en première ligne face à cette crise. Cette non-utilisation s’explique – nous le savons tous, quelles que soient nos orientations politiques – par le fait qu’il serait absurde, pour une commune ayant mis plusieurs années à élaborer des documents d’urbanisme, à définir des règles de constructibilité adaptées à son projet de territoire, de s’empresser ensuite de déroger à ces règles.

Comme l’indiquait notre ancien collègue Dominique Braye dans son rapport sur le projet de loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, qui comprenait initialement le même dispositif de majoration automatique des droits à construire, il est « paradoxal d’inciter les communes à se doter de documents d’urbanisme pour déterminer les meilleures règles d’aménagement du tissu urbain, ce qui implique de réaliser des études dont le coût n’est pas négligeable, et de prévoir ensuite des dispositions s’imposant à tous les maires quelles que soient les spécificités de leurs territoires et modifiant en profondeur l’équilibre des documents qu’ils ont élaborés ».

La loi du 20 mars 2012 impose en outre une nouvelle charge aux collectivités territoriales, notamment aux plus petites d’entre elles. Il leur revient, en effet, de prendre en charge la réalisation de la note d’information, la mise à disposition de cette note, la réalisation de la synthèse des observations du public… y compris pour les communes qui souhaitent, in fine, ne pas appliquer la majoration !

La loi du 20 mars 2012 est enfin source d’insécurité juridique. Par exemple, il est délicat de déterminer le degré de précision attendu pour la note d’information. L’Assemblée des communautés de France, que j’ai entendue, souligne ainsi que de très nombreuses collectivités s’interrogent sur la consistance à donner à cette note.

D’autres questions se posent également en termes de cohérence interne des PLU. Je ne peux que rappeler une disposition aberrante de la loi du 20 mars 2012 : en prévoyant qu’une commune membre d’un EPCI compétent en matière de PLU pourra écarter, pour son territoire, l’application de la majoration des droits à construire décidée par l’EPCI, ce texte remet complètement en cause la cohérence des PLU intercommunaux.

Vous comprendrez donc aisément, madame la ministre, mes chers collègues, que la commission des affaires économiques soit restée fidèle à la position qui avait été la sienne au cours des débats de mars dernier et ait approuvé à une large majorité, à l’instar des associations d’élus locaux, telles l’ADCF ou la mission urbanisme de l’Association des maires de France, dont la vice-présidence est d’ailleurs assurée par notre collègue Pierre Jarlier, l’abrogation de la loi du 20 mars 2012.

Sur mon initiative, la commission a choisi, à l’unanimité, de compléter la proposition de loi par un second article qui tend à prévoir des dispositions transitoires pour les communes – il en existe quelques-unes – ayant engagé la procédure de consultation du public et décidé l’application de la majoration automatique des droits à construire sur leur territoire. Cet article vise à préciser, par souci de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, que cette majoration continuera de s’appliquer dans ces communes jusqu’au terme fixé par la loi du 20 mars 2012, c’est-à-dire jusqu’au 1er janvier 2016.

Ainsi, à la date de promulgation de la présente loi, plusieurs cas de figure pourront se présenter.

En premier lieu, les collectivités n’ayant entamé aucune démarche de consultation du public n’auront plus aucune démarche à entreprendre.

En deuxième lieu, les procédures lancées par certaines communes ou certains EPCI cesseront, mais ces derniers pourront, s’ils souhaitent adopter une majoration des droits à construire, recourir au dispositif facultatif de majoration issu de la loi Boutin.

En troisième lieu, la majoration automatique continuera de s’appliquer jusqu’au 1er janvier 2016 dans les communes l’ayant adoptée avant la promulgation de la présente loi.

Aux yeux de la commission, l’abrogation de la loi du 20 mars dernier ne traduit en aucun cas une opposition à la densification, ou plutôt à l’optimisation de l’utilisation des surfaces. Il convient d’ailleurs, madame la ministre, que le Gouvernement prenne des initiatives en la matière, au moment où les collectivités ou leurs EPCI élaborent leurs schémas de cohérence territoriale et les PLU communautaires. Après quatre modifications législatives en trois ans, il est notamment indispensable que les trois dispositifs de majoration des droits à construire, qui perdureront une fois la présente loi promulguée, soient remis à plat. À cet égard, je vous invite, madame la ministre, à consulter le tableau figurant à la page 18 de mon rapport. (M. le rapporteur pour avis de la commission des lois brandit le document puis le remet à Mme la ministre.) Il présente une sorte de synthèse des différentes règles du code de l’urbanisme. Son élaboration a représenté un travail de bénédictin !

M. Charles Revet. C’est certain !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Encore n’est-il pas exhaustif ! Comme me l’a fait remarquer M. le rapporteur pour avis, on pourrait encore ajouter quelques lignes supplémentaires à ce tableau…

Vous constaterez l’illisibilité de ces trois dispositifs, qui n’ont ni le même champ d’application territorial, ni le même champ d’application matériel, ni les mêmes exceptions ! Comment les élus locaux pourraient-ils s’y retrouver ? Beaucoup d’entre eux ne connaissent d’ailleurs pas complètement ces dispositifs : il serait donc utile que des démarches informatives soient entreprises par le ministère.

Plusieurs amendements ont été déposés sur le texte de la commission. Celle-ci relève que la quasi-totalité d’entre eux n’ont aucun lien avec l’abrogation de la loi du 20 mars 2012. Elle vous invitera donc, mes chers collègues, à les rejeter, estimant qu’il n’est pas opportun d’introduire ainsi des « cavaliers législatifs ». Mme la ministre pourra peut-être, comme le souhaite la commission, prendre certains engagements qui conduiront leurs auteurs à les retirer.

La commission des affaires économiques compte en tout cas sur vous, madame la ministre, pour faire avancer un certain nombre de dossiers en matière d’urbanisme. Je ne prendrai qu’un exemple, celui des recours abusifs. En mars dernier, votre prédécesseur avait indiqué, en séance publique, qu’un décret sur ce sujet était en préparation et devait être signé avant la fin du même mois. Qu’en est-il ? Avez-vous l’intention de poursuivre les travaux engagés sur cette question essentielle afin de conforter la sécurité juridique des décisions prises par nos collectivités territoriales ?

M. Marc Daunis. Très bien !

M. Daniel Raoul, rapporteur. En conclusion, j’espère donc, madame la ministre, mes chers collègues, que la Haute Assemblée se prononcera à une large majorité en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les deux excellents orateurs qui m’ont précédé ont largement rappelé le contexte dans lequel est intervenu, in extremis, le dernier jour de la session ordinaire, le vote de la loi dont nous proposons aujourd’hui l’abrogation. À trois reprises exactement, le ministre délégué, M. Apparu, avait évoqué un « renversement de la charge de la preuve ». En effet, tout l’objet de son projet de loi, que je qualifierai de texte d’affichage, était précisément de donner une réponse autre que monétaire à l’interpellation, ô combien légitime, de la Fondation Abbé Pierre, qui constate l’aggravation année après année de la situation du logement en France. La loi du 20 mars 2012, en instaurant pour tous les territoires, qu’ils soient ruraux, périurbains ou urbains, une majoration unilatérale et automatique de 30 % de la constructibilité des terrains, a traduit la volonté présidentielle, exprimée notamment au travers du discours de Longjumeau, de mettre en accusation les collectivités locales.

Or il se trouve que, à cette même époque, je m’occupais d’établir, pour la communauté urbaine de Lille, le bilan des aides au logement accordées par l’État au travers de la convention des délégations de compétence des aides à la pierre : en 2011, elles ont atteint 11 millions d’euros, alors que l’aide directe pour le logement octroyée la même année par la communauté urbaine de Lille représentait le double de cette somme, soit 22 millions d’euros. Voilà un exemple concret, qui reflète la réalité des choses.

Au nom de la commission des lois, je me suis attaché à examiner la présente proposition de loi au regard, avant tout, du respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Que se passera-t-il si nous votons, comme je l’espère, l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 ?

Trois possibilités de majoration des droits à construire resteront en vigueur. Il convient d’examiner comment elles sont utilisées.

La première de ces majorations est celle qui a été instituée par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dont l’élaboration a donné lieu à une intervention décisive de notre ancien collègue Dominique Braye, à un moment où déjà l’État était tenté de prévoir une hausse automatique, unilatérale, uniforme, jacobine, des droits à construire. Cette majoration, dont le taux maximal est de 20 %, continuera de pouvoir être appliquée à la discrétion de la collectivité territoriale titulaire de la compétence en matière de PLU. Une enquête qui a été menée dans soixante et onze départements fait apparaître qu’une trentaine de communes seulement l’utilisent aujourd’hui.

La deuxième possibilité de majoration des droits à construire, à hauteur de 50 % au maximum, est liée à la réalisation de logements locatifs sociaux : selon l’enquête précédemment citée, environ 140 communes ou EPCI y ont actuellement recours.

Enfin, la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 autorise l’application d’une majoration maximale de 30 % des droits à construire pour la réalisation de logements à haute performance énergétique. Cette possibilité, qui peut se cumuler à la précédente sous réserve du respect d’un plafond de 50 % de majoration des droits à construire initiaux, est utilisée par près de 160 communes.

Par conséquent, si nous abrogeons la loi du 20 mars 2012, aucune collectivité locale ne sera privée de sa liberté de recourir à une majoration des droits à construire.

Mes chers collègues, je souhaiterais maintenant insister sur un point que Thierry Repentin avait déjà soulevé au début de l’année : aucune association de promoteurs immobiliers ou d’élus n’a été consultée au cours de l’élaboration de la loi du 20 mars 2012. Certains diront que la session touchait à sa fin et qu’il fallait donc aller vite, mais je leur ferai observer que, pour notre part, nous avons consulté ces associations : aucune d’entre elles ne soutient la mesure de majoration des droits à construire prévue par le texte que nous proposons aujourd’hui d’abroger.

Dans un esprit de respect de l’autonomie locale, la commission des lois a néanmoins souhaité, en accord avec la commission des affaires économiques, qu’une mesure transitoire soit introduite pour tenir compte des quelques cas –on peut les compter sur les doigts de la main – de communes ou d’EPCI ayant déjà décidé d’appliquer la majoration automatique des droits à construire sur leur territoire : la loi ne disposant que pour l’avenir et n’ayant pas d’effet rétroactif, l’adoption de la proposition de loi dans sa rédaction initiale aurait interdit à ces collectivités locales de pouvoir éventuellement revenir sur leur décision. Il est apparu à la commission des lois qu’il fallait assurer une parfaite égalité de traitement entre toutes les communes.

Tout à l’heure, certains orateurs ne manqueront pas d’objecter qu’il est bien dommage d’abroger une loi qui constitue tout de même un formidable outil pour lutter contre l’étalement urbain et promouvoir la ville compacte, durable, intense, autant d’épithètes permettant d’éviter le mot « densité »… Je leur répondrai par anticipation que nous sommes tous prêts, au Sénat, à participer à la réflexion sur ce thème, dans une optique de simplification et d’efficacité. Il faut notamment travailler sur les SCOT, sur la définition de leur échelle territoriale. J’observe d’ailleurs que cela correspond aux récentes déclarations que vous avez faites sur le sujet, madame la ministre.

En ce qui concerne maintenant le problème du foncier, Thierry Repentin avait certes évoqué une piste, celle de la cession gratuite des terrains de l’État. Cette idée a d’ailleurs été reprise par M. le Premier ministre, ce qui tend à montrer qu’elle redevient crédible. De fait, le coût du foncier, que l’instauration de la majoration automatique des droits à construire n’a d’ailleurs fait qu’alourdir, pèse de plus en plus sur les prix des logements. Comme l’ont fait d’autres pays en Europe, il conviendrait de repenser l’ensemble des politiques foncières, d’une manière globale, sans s’enfermer dans le débat sur la cession gratuite de terrains par l’État, en s’intéressant aussi aux baux emphytéotiques, aux baux à construction ou à la rétention foncière liée à la fiscalité. C’est incontestablement une piste.

Tous les observateurs le disent : en dépit de l’existence d’établissements publics fonciers, nous n’avons pas de politique foncière, de portage de longue durée. Pis encore, même l’État et ses établissements publics nationaux, tels que Voies navigables de France ou Réseau ferré de France, par exemple, recourent aujourd’hui à la marchandisation du foncier. J’en prends mes collègues à témoin : les établissements publics nationaux propriétaires de terrains que j’évoquais à l’instant se fondent sur une circulaire émanant de l’administration des domaines pour affirmer qu’ils sont en droit de négocier avec les collectivités territoriales selon la méthode du « compte à rebours »,…

M. Martial Bourquin. Absolument !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. … c’est-à-dire en retenant, pour fixer le prix de vente, non pas la valeur vénale qui est constatée par les documents d’urbanisme en vigueur, mais une projection tenant compte de la spéculation immobilière qu’engendrera la déclaration de constructibilité des terrains ! (Marques d’approbation et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Il y a là quelque chose de profondément pervers !

Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’abroger purement et simplement la loi du 20 mars 2012. Cela ne pénalisera aucune collectivité territoriale, même pas celles, très minoritaires, qui ont fait le choix de recourir à son dispositif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre, à qui je souhaite la plus cordiale bienvenue dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je suis heureuse de porter la voix du Gouvernement dans la Haute Assemblée pour l’examen de ce tout premier texte de la mandature.

C’est un grand honneur pour le Gouvernement de venir apporter son soutien à une initiative parlementaire qui correspond parfaitement, dans l’esprit comme dans la lettre, à l’action qu’il mène. Soyez certains que je saurai apprécier tant la qualité de vos travaux que votre liberté de ton ; j’espère que, de votre côté, vous saurez apprécier la mienne…

La loi du 20 mars 2012, cela a été rappelé, fut le fruit d’une initiative très largement improvisée, qui n’a donné lieu qu’à un simulacre de concertation avec les acteurs du logement, les associations d’élus locaux et les acteurs économiques. Annoncé le 30 janvier 2012, le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 février : ce n’est ni sérieux ni concevable pour légiférer. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, détermination et agitation. Ne serait-ce qu’en termes de méthode, ce gouvernement, tout en prenant les sujets à bras-le-corps, ne travaillera pas de cette manière.

Je suis la première à dire devant vous qu’il faudra mettre en place des dispositifs intelligents et efficaces pour concrétiser l’engagement présidentiel de construire 500 000 logements par an tout en luttant contre l’étalement urbain et pour la régulation des prix. Cet objectif est particulièrement ambitieux : cela n’a pas été fait depuis trente ans. Pour y parvenir, de nombreux leviers devront être actionnés.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur pour avis, il faut évidemment des terrains. Pour cela, un programme de mobilisation du foncier public sans précédent sera lancé par le Gouvernement. Sa mise à disposition sera facilitée et simplifiée, avec une très forte décote, allant jusqu’à la cession gratuite, pour la réalisation de logements sociaux. Ce travail est déjà en cours et je peux vous assurer de la volonté du Premier ministre, qu’il a rappelée devant vous la semaine dernière, et de ma très grande détermination à faire aboutir la mise en place de ce dispositif le plus rapidement possible. Je sais que de nombreuses collectivités attendent, avec des projets déjà prêts, l’instauration d’un mécanisme de ce type. Cela étant, nous travaillerons également sur la mobilisation du foncier privé, avec l’instauration d’une fiscalité spécifique qui permettra de lutter contre la rétention foncière.

Ensuite, il faut bien sûr des droits à construire sur ces terrains, et pour cela des élus volontaires, qui doivent être soutenus. C’est la question essentielle, que nous allons poser ensemble, de l’échelle pertinente pour élaborer et mettre en œuvre des projets répondant tant au besoin d’une consommation limitée de l’espace qu’à celui de logements accessibles.

Enfin, il faut des investisseurs intéressés par la pierre. Les bailleurs sociaux joueront évidemment, dans cette période, un rôle de premier plan. Ils devront réaliser 150 000 logements par an. L’investissement des particuliers sera également nécessaire, tant pour l’accès à la propriété que pour la constitution d’un patrimoine locatif. Toutefois, un logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale : on ne devient pas et on ne doit pas devenir propriétaire bailleur uniquement pour payer moins d’impôts. Des contreparties sociales et des contrôles devront être adossés aux mesures d’incitation fiscale à l’investissement locatif.

Je crois véritablement que l’enjeu est de permettre le retour des investisseurs institutionnels sur le segment du logement intermédiaire. C’est la condition essentielle de la constitution d’un parc locatif privé pérenne et de qualité.

Faire croire que la loi relative à la majoration des droits à construire allait permettre la relance de l’offre de logement, en facilitant l’agrandissement des logements existants et la production de logements nouveaux, était un leurre : on a pu s’en rendre compte.

Ainsi, le Gouvernement ne peut souscrire ni à la réponse apportée par la loi dite des 30 % ni à la méthode employée pour l’élaborer.

En premier lieu, conçu à la va-vite, ce dispositif présente de graves manques et insuffisances qui limitent sa portée et fragilisent, sur le plan juridique, les décisions prises pour son application.

Tout d’abord, l’objectif de lutte contre l’étalement urbain, que je juge majeur, n’est pas atteint par cette loi. En effet, telle qu’elle était prévue, la majoration automatique des droits à construire se serait appliquée, par exemple, dans les zones à urbaniser non encore équipées des réseaux publics.

Je doute aussi de la solidité de cette loi au regard des modalités d’association des citoyens à l’élaboration des documents traduisant localement la décision de majorer les droits à construire. Le Gouvernement ne peut faire supporter par les collectivités territoriales le risque que le juge vienne leur dire que leurs décisions sont contraires aux prescriptions de la Charte de l’environnement.

On peut enfin nourrir les plus grands doutes sur la disposition de cette loi selon laquelle, dans le cas d’un plan local d’urbanisme intercommunal, une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de PLU pourrait prendre une décision contraire à celle ayant été arrêtée par l’organe délibérant de l’établissement public compétent. Outre qu’elle est source de désordre juridique et politique, cette disposition remet en effet frontalement en cause tout l’édifice des PLU intercommunaux, qu’il faut au contraire solidifier et développer, conformément aux orientations définies lors de la campagne présidentielle.

Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette loi traduit, en second lieu, une vraie défiance à l’égard des collectivités territoriales. Je veux devant vous réaffirmer au contraire la confiance que ce gouvernement accorde aux élus pour atteindre leurs objectifs en matière de développement de l’offre de logements, sans méconnaître pour autant les enjeux environnementaux.

Fragile, inopportune, mal préparée, cette loi ne peut être maintenue. Le Gouvernement souhaite donc son abrogation le plus rapidement possible, afin que les collectivités ne soient pas enfermées dans des délais mécaniques, impossibles à maîtriser. L’importante question des règles d’urbanisme modernisées et de la compacité urbaine mérite une bien meilleure réponse que cette épée de Damoclès pesant sur les élus locaux.

Je salue donc l’initiative de Thierry Repentin, devenu mon collègue au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et remercie Daniel Raoul d’avoir rapporté cette proposition de loi avec le talent que chacun lui connaît. (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Marc Daunis. C’est vrai !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous voyez que je vous connais déjà bien ! (Sourires.)

La loi qu’il s’agit d’abroger n’aurait jamais dû voir le jour, au crépuscule de la mandature précédente.

Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement ne remet pas en cause certains des objectifs visés par cette loi, mais il conteste la méthode adoptée et les dispositions envisagées. L’adéquation entre les besoins en logements, quels qu’ils soient, et les règles du plan local d’urbanisme est essentielle à mes yeux. Nous y travaillerons ensemble le moment venu.

Je pense en effet, simplement, que d’autres voies plus pertinentes et efficaces peuvent être explorées. Le Gouvernement soumettra ainsi à la concertation, dans les mois à venir, des propositions, que j’espère présenter au printemps prochain au travers d’un projet de loi qui abordera les questions de logement, d’aménagement et d’urbanisme. Nous prendrons le temps de préciser et de discuter ces propositions, sur la base des travaux effectués dans nombre d’instances, en particulier au sein des commissions parlementaires. Je souhaite que ces propositions soient consensuelles, justes et efficaces.

Il faudra que nous abordions la meilleure manière de transformer les vieux plans d’occupation des sols en PLU, le contrôle des divisions foncières, la question de la taille minimale des parcelles ou celle des coefficients d’occupation des sols. Bien évidemment, je souhaite que l’on pousse jusqu’à son terme le débat sur les questions de densité urbaine, mais il faudra aussi envisager la meilleure manière de lutter efficacement contre les recours manifestement abusifs, tout en préservant le droit au recours quand il y a intérêt à agir, et de permettre l’accélération du traitement des contentieux.

Plus largement, nous travaillerons à la meilleure adéquation des enjeux de développement durable à l’échelle régionale et à leur articulation avec les prescriptions des documents d’urbanisme : les SCOT, bien sûr, qui revêtent une importance toute particulière pour la planification stratégique de nos territoires, et les PLU.

Voilà autant de sujets sur lesquels je souhaite que tous les partenaires aient l’occasion d’échanger, afin que le Gouvernement puisse soumettre au Parlement un projet de loi en faveur du développement de l’offre de logement et d’un urbanisme au service des territoires.

Pour l’heure, je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de nos échanges, destinés à permettre l’abrogation rapide du dispositif de la loi du 20 mars 2012, et je vous invite, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à vous concentrer sur ce premier objectif. Certains des amendements déposés présentent un réel intérêt, mais il apparaît plus utile que ces propositions soient entendues et étudiées dans un cadre plus global, car nous sommes au début d’un immense chantier qui nous donnera l’occasion d’effectuer un travail législatif dont je ne doute pas qu’il sera fructueux. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Calvet.

M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise, depuis 2007, a lourdement frappé le secteur immobilier. Entre mars et mai 2012, le nombre de logements neufs mis en chantier a plongé de 20 % par rapport à la même période de 2011. Dans un tel contexte de fort ralentissement de la construction, ne laisser aucune chance à la loi relative la majoration des droits à construire est une erreur.

En ce qui concerne l’action menée, permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler les différentes mesures législatives qui ont permis à notre pays de résister mieux que ses voisins européens.

M. Roland Courteau. Tout est relatif !

M. François Calvet. Je voudrais souligner que, depuis 2005, notamment pendant tout le quinquennat du Président Nicolas Sarkozy, un plan massif de soutien à la construction a été mis en œuvre. La décision de Nicolas Sarkozy de faire du logement une grande cause nationale a été totalement respectée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Cette action sans précédent s’est traduite par l’élaboration de la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005, de la loi portant engagement national pour le logement de 2006, de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion de 2009, du volet urbanisme de la loi Grenelle 2 de 2010 et de la loi relative à la majoration des droits à construire du 20 mars 2012, auxquels s’ajoutent l’ensemble des mesures fiscales adoptées à l’occasion de la discussion des lois de finances. (M. Marc Daunis s’exclame.)

En moyenne, 100 000 logements sociaux ont été financés chaque année grâce à l’effort massif des collectivités locales, des bailleurs sociaux et de l’État : 120 000 en 2009, 130 000 en 2010 – record absolu depuis trente ans ! – et 120 000 en 2011, l’objectif étant le même pour cette année 2012. Quand la gauche était au pouvoir, elle n’en a jamais construit plus de 40 000 par an. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. Jean-Vincent Placé. C’était il y a très longtemps !

Un sénateur de l’UMP. C’est la vérité !

M. François Calvet. Madame la ministre, votre objectif est de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. C’est très ambitieux, mais je crains que ce ne soit qu’un bel effet d’annonce.

Revenons au texte dont l’examen nous occupe aujourd’hui.

Vous voulez abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, avant même qu’elle ne soit entrée en vigueur. C’est une première,…

M. Roland Courteau. Cette loi est mauvaise !

M. François Calvet. … d’autant que vous ne proposez aucune solution de rechange pour répondre à ces problématiques.

Rappelons les enjeux liés à cette loi, qui vise à faciliter l’agrandissement de logements existants et la production de nouveaux logements.

Prenons un exemple, à taille humaine, du bonus de coefficient d’occupation des sols. Imaginons qu’une famille décide de construire sur un terrain de 250 mètres carrés, pour lequel le règlement prévoit un COS maximal de 0,4. Elle peut donc construire jusqu’à 100 mètres carrés. Avec la majoration de 30 %, la constructibilité passe à 130 mètres carrés. En définitive, cette famille aura gagné 30 mètres carrés, c’est-à-dire deux pièces supplémentaires. Ce n’est pas négligeable quand une famille s’agrandit !

M. Marc Daunis. Pourquoi le COS n’était-il pas fixé à 0,5 ?

M. François Calvet. De nombreuses familles ne souhaitent pas déménager ou n’en ont pas les moyens. En revanche, elles ont souvent besoin d’agrandir leur espace de vie.

M. Charles Revet. C’est un bel exemple !

M. François Calvet. Le groupe socialiste craint que cette loi ne fasse s’envoler les prix.

M. Roland Courteau. C’est déjà fait !

M. Marc Daunis. C’est une réalité !

M. François Calvet. Jouer sur la constructibilité d’un terrain est un levier simple et une solution – partielle certes, mais efficace – au problème de l’envolée des prix du logement dans les zones dites « denses ».

Cette loi s’inscrit, de plus, dans les objectifs définis par le Grenelle de l’environnement, dont le volet « urbanisme » prône une moindre consommation des espaces agricoles et naturels.

Dans nos régions de soleil, le grignotage des terres agricoles devient en effet un vrai problème, et leur disparition au profit de l’urbanisation n’est pas une solution pour répondre à la demande de logements.

M. Marc Daunis. C’est vrai !

M. François Calvet. On ne peut, d’un côté, s’engager dans la lutte contre la consommation d’espaces naturels et regretter la disparition, tous les dix ans, d’une surface de terres agricoles équivalente à un département, et, de l’autre, vouloir revenir sur une loi de densification. Ce n’est pas cohérent.

M. François Calvet. Nous l’avons compris, il faut produire plus de logements tout en luttant contre l’étalement urbain. Il est donc nécessaire de renforcer la densité des zones urbaines.

En outre, l’augmentation de la constructibilité est un moyen de lutter contre les fuites thermiques et le gaspillage énergétique.

Tout cela s’inscrit donc dans la logique de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 mettant en application les engagements pris au travers de la loi Grenelle 1. Voilà pourquoi cette mesure transitoire, dont l’application doit prendre fin le 31 décembre 2015, est tout à fait cohérente.

Par ailleurs, le prix de sortie au mètre carré ne sera pas augmenté et la mesure sera sans effet sur les prix de l’immobilier. Le raisonnement du groupe socialiste en la matière est spécieux.

De plus, l’industrie du bâtiment possède l’avantage de ne pas être délocalisable. Elle travaille en lien avec de nombreux autres secteurs, tel le BTP. Nous le savons, la construction d’un logement engendre la création d’un emploi et demi.

Enfin, il n’est pas indifférent de souligner que cette loi n’implique aucun engagement financier pour l’État et sera même positive, sur le plan budgétaire, à l’heure où la crise économique nous appelle à réduire nos déficits.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Boutin, trois dispositifs prévoient déjà, à juste titre, une majoration des droits à construire, à hauteur de 50 % pour le logement social, qui doit rester une priorité, de 30 % pour le logement à haute performance énergétique, dont nous devons encourager le développement, et enfin de 20 % en application de ladite loi.

La loi du 20 mars 2012 n’est en aucun cas redondante avec celle de 2009 ; elle en constitue un approfondissement, en introduisant dans le code de l’urbanisme un nouvel article L. 123-1-11-1 qui majore de 30 %, et pour trois ans, les droits à construire dans les communes couvertes par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme ou un plan d’aménagement de zone.

Après ces années de crise, le contexte n’est plus le même. La loi du 20 mars 2012 prévoit de passer d’un système où les communes peuvent décider d’appliquer la majoration à un dispositif leur ouvrant le droit de refuser de la mettre en œuvre. Inverser ainsi la logique permet une meilleure information des habitants sur leurs droits. Il s’agit de procéder à un rappel des possibilités offertes – elles sont trop peu utilisées, voire oubliées – et de favoriser l’instauration d’un cadre plus incitatif.

Je tiens également à réaffirmer que, contrairement à ce que le groupe socialiste semble vouloir insinuer, cette loi n’a pas été pensée comme une atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et ne doit pas être perçue comme telle. Bien au contraire, les communes ont la possibilité de ne pas appliquer la majoration des droits à construire si elles estiment que ce choix est plus approprié dans leur cas.

Une commune peut également décider de n’appliquer qu’en partie la majoration, à concurrence de 10 % ou de 20 %, par exemple. De plus, le conseil municipal a la latitude d’adopter une délibération mettant fin à l’application de la majoration des droits à construire sur la totalité du territoire de la commune ou seulement sur certains secteurs, dans le délai de validité de la loi.

Tout cela confirme la totale maîtrise de leur développement par les collectivités territoriales.

Certains évoquent par ailleurs une « contrainte temporelle ». Cependant, il nous semble que six mois est un délai suffisant pour produire une note d’information et prendre une délibération contraire.

La loi prévoit en effet une participation du public à travers la mise à disposition d’une note d’information sur son application au territoire de la commune ou de l’EPCI et la collecte des observations de la population. Il est important que celle-ci soit informée de ce qui la concerne.

L’intercommunalité n’est pas non plus mise à mal, puisque cette délibération contraire peut être rendue à l’échelle d’un EPCI. Il est en outre prévu que l’application de la loi soit pensée en accord avec les SCOT et n’aille donc pas à l’encontre de la cohérence territoriale.

Pour conclure, je dirai qu’il ne nous semble pas pertinent d’abroger la loi du 20 mars 2012 avant même qu’elle ne soit entrée en vigueur, en estimant a priori, de manière arbitraire, qu’elle serait inefficace, inapplicable ou source de contentieux.

M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est réaliste !

M. François Calvet. Comment mesurer alors son efficacité, ses effets sur le terrain si on la tue dans l’œuf ? Ne devrait-on pas laisser une chance à cette loi en l’absence de proposition alternative pour accroître l’offre de logements ? Il serait bien plus intéressant d’observer les retombées de son application dans trois ans, ainsi que le texte le prévoit. L’abrogation de cette loi va nous priver d’un outil que l’on n’a pas le droit de négliger, particulièrement en cette période de crise. Toutes les solutions doivent être expérimentées.

Telles sont les raisons pour lesquelles mes collègues du groupe UMP et moi-même nous opposons à l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. Joël Labbé. Madame la ministre, très chère Cécile, nous avons plaisir à vous voir là, dans ce rôle ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

À la suite de M. le président de la commission des affaires économiques et de Mme la ministre, je tiens à dire que j’apprécie la liberté de ton dont nous jouissons dans cette enceinte. Je n’emploierai donc pas le même ton que M. Calvet, qui nous a demandé de laisser une chance à la toute jeune loi dont l’abrogation nous est proposée, ce qui n’est pas possible car elle est mauvaise.

M. Charles Revet. Selon vous !

M. Joël Labbé. Nous sommes donc aujourd’hui réunis pour abroger la loi relative à la majoration des droits à construire, qui a été votée dans la précipitation de la fin de la précédente législature, après avoir été présentée comme l’une des solutions miracles…

M. Joël Labbé. … à la crise du logement.

Le miracle n’aura pas lieu, c’est pourquoi nous devons abroger une loi que M. Repentin avait jugée, à juste titre, « improvisée, redondante, inefficace et, de surcroît, porteuse d’insécurité juridique ».

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Joël Labbé. L’ancienne majorité, pressée d’agir, n’a pas pris le temps de mener une concertation, ni avec les professionnels de l’immobilier, ni avec la population, ni avec les élus des collectivités locales, à qui pourtant il revient de faire appliquer la loi. Cela aurait pourtant été nécessaire : les élus locaux auraient pu lui expliquer qu’une majoration automatique de 30 % des droits à construire pour toutes les communes et sur l’ensemble des territoires est une mauvaise mesure.

C’est une mauvaise mesure, car bien loin de régler la crise du logement, elle l’alimente. Alors que, depuis dix ans, les prix des logements ont augmenté de plus de 100 % en moyenne, un tel dispositif incite à tirer encore davantage les prix vers le haut et favorise la spéculation.

C’est une mauvaise mesure, car en plus d’octroyer une prime aux propriétaires fonciers, elle ne prend pas en compte les politiques locales de l’habitat.

Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de construire davantage de logements, sur l’importance de produire des espaces denses et de qualité. Densifier, ce n’est pas un gros mot ; c’est faciliter l’accès de chacun aux services publics de proximité, c’est permettre un raccourcissement des distances entre emploi, école, services et habitat. Densifier, c’est une nécessité écologique pour limiter les temps de transport et la pollution engendrée par les longs parcours, c’est une nécessité pour la santé de chacun et pour la planète. Densifier, c’est aussi une réponse au problème de l’étalement urbain qui grignote rapidement nos espaces naturels et agricoles. (M. François Calvet s’exclame.)

Mais la densification ne doit pas intervenir partout de manière uniforme ; il faut l’adapter aux spécificités des territoires, il faut tenir compte du contexte, de l’existant. Qui est mieux placé que les élus de nos territoires pour organiser une urbanisation cohérente ?

À l’inverse, la majoration automatique des droits à construire qu’a fait voter l’ancien gouvernement remet en cause le travail des élus sur les plans locaux d’urbanisme, patiemment construits dans la concertation. Cette jeune loi du 20 mars 2012 marque une défiance envers les collectivités territoriales, comme si les communes élaboraient leur PLU à la légère.

Actuellement, la loi permet aux communes de refuser la majoration des droits à construire. Elles peuvent ainsi éviter de voir ruiner la cohérence de leur PLU, mais cette procédure est contraignante et chronophage, les collectivités étant obligées de procéder à la consultation de la population avant le 20 septembre, tout cela dans l’urgence.

La présente proposition de loi prévoit l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 tout en étant pragmatique, puisqu’elle permettra aux quelques communes ayant déjà fait le choix d’appliquer la majoration automatique des droits à construire de continuer à le faire jusqu’en 2015.

Bien sûr, pour nous, cette abrogation est une première étape urgente et nécessaire afin de rectifier ce qui a été fait dans la précipitation.

Il convient maintenant d’organiser le changement annoncé par le Président de la République et attendu dans les domaines qui vous concernent, madame la ministre : le logement, mais aussi l’urbanisme et l’aménagement. Il faudra également prendre en compte la question essentielle du foncier agricole, beaucoup trop souvent sacrifié au profit d’un développement non maîtrisé.

À ce propos, je suis très heureux et très fier d’avoir été désigné par le Sénat pour siéger à l’Observatoire national de la consommation des espaces agricoles, mais je regrette que cette instance ne se soit encore jamais réunie depuis l’année dernière. Aussi ai-je souhaité que soit mis en place, dans le cadre de la commission des affaires économiques, un groupe de travail spécifique sur la question du foncier agricole : il y a urgence !

Pour en revenir au logement, vous avez annoncé, madame la ministre, une mobilisation sans précédent du foncier. Cette mobilisation est absolument nécessaire, à l’intérieur des enveloppes urbanisées des villes et des bourgs car nulle part les droits à construire ne sont saturés.

Par conséquent, mobilisons le foncier, qu’il soit public ou privé, en instaurant une fiscalité spécifique pour les terrains constructibles, comme vous l’avez déjà annoncé, madame la ministre. Dans le domaine du logement, la puissance publique doit reprendre toute sa place face au marché et à la spéculation.

Après des décennies de laisser-faire, d’étalement urbain, de perte de terres agricoles, il s’agit maintenant de reprendre la construction dans les villes et les bourgs en pratiquant un urbanisme de projet, où les nobles métiers d’urbaniste et de paysagiste prennent leur véritable place, au service des politiques publiques et des décideurs politiques que sont les élus locaux.

À cet instant, madame la ministre, je voudrais saluer le travail accompli par vos services sur la labellisation des éco-quartiers. Dans cette mission, l’État retrouve pleinement son rôle pour promouvoir une véritable qualité urbaine. (Mme la ministre acquiesce.)

Enfin, en matière d’urbanisme, il faudra bien se pencher sur l’aménagement commercial qui s’est développé à la périphérie de la plupart de nos villes. Il est d’une abominable laideur (Protestations sur les travées de l'UMP.) et fait la part belle aux grandes enseignes et à l’usage de la voiture individuelle, au détriment de la vie des centres-villes et des commerces de proximité.

Madame la ministre, vous êtes à la tête d’un grand ministère, qui doit de surcroît veiller à l’égalité entre les territoires, au cœur des villes, des quartiers, des secteurs ruraux. La tâche est gigantesque, tant les erreurs ont été nombreuses, mais c’est ensemble – ministère, Parlement, élus locaux – et avec un grand enthousiasme que nous allons réussir le changement, qui marquera une transition vers le retour au « bon sens » et vers le « mieux vivre ensemble ».

Les sénatrices et sénateurs du groupe écologiste soutiennent donc cette proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire.

Madame la ministre, nous resterons mobilisés pour vous accompagner, pour vous soutenir, pour mener à bien cette nouvelle révolution – car c’en est une – des villes et des campagnes, cette transition nécessaire. Vous êtes, nous le savons, déterminée à la réussir. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

MM. Jean-Vincent Placé et Alain Bertrand. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, on dénombre aujourd’hui 3,4 millions de demandes de logement, dont 1,4 million concerne les logements sociaux. Ces chiffres attestent, s’il en était besoin, le manque structurel de logements dont souffre notre pays.

De surcroît, en la matière, la situation s’aggrave.

M. Daniel Dubois. En effet, sur les trois derniers mois, les mises en chantier ont reculé de près de 20 % par rapport à la même période de 2011. Selon les premières estimations disponibles, le nombre de logements construits en 2012 pourrait s’établir entre 300 000 et 310 000. (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)

On est très loin des 421 000 mises en chantier enregistrées en 2011. On est également très loin, madame la ministre, de l’objectif de construire 500 000 logements par an en moyenne que vous avez récemment confirmé, lors de votre intervention devant les représentants des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement.

Si l’on veut construire plus de logements, particulièrement dans les zones urbaines tendues, il faut construire davantage sur les mètres carrés disponibles. C’est évident ! Je ne vois pas comment faire autrement si l’on veut accroître l’offre de logement en évitant de consommer du foncier. Du reste, de façon quelque peu paradoxale, vous avez indiqué à l’instant, madame la ministre, que finalement vous n’étiez pas opposée sur le fond à la loi du 20 mars 2012, car il faudra bien sûr densifier.

Tout l’enjeu du débat, c’est donc la densification ! M. le rapporteur préfère, quant à lui, parler d’une « optimisation de l’utilisation des surfaces ».

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est plus élégant !

M. Daniel Dubois. Tout à fait ! Je sais que M. Raoul maîtrise parfaitement l’art de la sémantique, mais, pour ma part, je m’en tiendrai au terme « densification ».

Messieurs les rapporteurs, je vous rejoins sur le point suivant : il est vrai que les possibilités offertes actuellement aux maires par les textes en matière de densification ne sont pas utilisées. Vous avez raison, mais, comme je l’ai déjà souligné en commission, tandis que vous en tirez argument pour prôner l’abrogation de la loi du 20 mars 2012, je considère au contraire que ce constat doit nous inciter à ne surtout pas abroger ce texte !

M. Daniel Dubois. Certes, des possibilités de majorer les droits à construire existent déjà, mais les élus locaux ne les utilisent pas. On peut d’ailleurs les comprendre à certains égards. J’y reviendrai.

Au regard de cette situation, la loi Apparu du 20 mars dernier constituait, en définitive, un signal : il faut construire plus en utilisant moins de terrain. Les possibilités offertes pour ce faire n’étant pas utilisées, l’objet de ce texte était de proposer une autre voie pour progresser. On nous objecte qu’il a été élaboré dans la précipitation, sans concertation suffisante, mais il ne faut pas l’abroger pour autant, il faut l’améliorer ! Si tel avait été l’objectif des auteurs de la proposition de loi, nous aurions été en plein accord avec eux, car il est vrai que la loi a été adoptée dans l’urgence.

Mes chers collègues, comment comptez-vous agir pour répondre aux attentes de nos concitoyens en matière de construction de logements ? Pour leur part, les membres du groupe de l’Union centriste et républicaine estiment qu’il faut mettre en place un arsenal de mesures cohérentes. À ce titre, il convient certainement, comme l’a d’ailleurs suggéré Mme la ministre, de revenir sur la fiscalité des plus-values sur le foncier,…

M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est vrai !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Daniel Dubois. … pour la rendre inversement proportionnelle à la durée de détention des terrains. Une telle mesure permettrait sans aucun doute de libérer du foncier.

Par ailleurs, il faut lutter contre les recours abusifs.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Très bien !

M. Marc Daunis. Voilà !

M. Daniel Dubois. En effet, aujourd’hui, 15 % des permis de construire sont annulés à la suite de recours abusifs. Vous l’avez souligné, madame la ministre, il faut restreindre le champ de l’intérêt à agir contre un projet de construction de logements et alourdir les sanctions contre les personnes qui engagent des recours abusifs contre des permis de construire, à des fins essentiellement financières. Il faut lutter contre un phénomène qui tue la construction, assèche la trésorerie tant des architectes que des promoteurs et freine considérablement les mises en chantier.

Enfin, je tiens à rappeler que notre collègue Jean-Paul Amoudry avait proposé, concernant les communes touristiques de montagne, de subordonner la majoration de la constructibilité au versement d’une contribution au profit de la collectivité.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Daniel Dubois. Le montant de cette contribution aurait été affecté obligatoirement au financement de logements sociaux, destinés aux saisonniers qui ne peuvent plus se loger en ville.

Malheureusement, en mars dernier, la majorité sénatoriale n’a pas entendu nos propositions. Chers collègues de la majorité, vous ne vous êtes pas montrés constructifs : vous vous êtes bornés à substituer au projet de loi Apparu un texte visant à prévoir la cession de terrains ou d’immeubles de l’État en vue de la création de logements sociaux !

Certes, une semblable mesure est sans doute utile, mais croyez-vous sincèrement que la cession de terrains appartenant à l’État ou à des établissements publics nationaux permettra de construire 500 000 logements par an pendant cinq ans ?

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un début !

M. Daniel Dubois. C’est un petit début, mon cher collègue !

M. Charles Revet. Très bien !

M. Daniel Dubois. Cela peut aider, mais une telle mesure ne suffira pas à résoudre le problème du logement…

Aujourd’hui, pour combler le déficit abyssal de logements tout en préservant les espaces agricoles et en respectant l’environnement, que proposez-vous ?

La proposition de loi du sénateur Repentin, aujourd’hui ministre, ne prévoit rien, si ce n’est d’abroger ce qui a été voté.

Par ailleurs, vous faites des annonces stupéfiantes, sans annoncer d’objectif ni avoir aucune vision précise de la politique de l’urbanisme et du logement. Vous vous contentez de brandir le bâton contre les maires qui n’atteindraient pas les objectifs définis par la loi SRU en matière de logements sociaux, en prévoyant un quintuplement des pénalités prévues par ce texte. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Mes chers collègues, les maires apprécieront !

M. Claude Dilain. C’est une bonne mesure !

M. Daniel Dubois. L’année dernière, le maire d’une commune de la région nantaise ayant vu annuler les deux permis de construire qu’il avait demandés en vue de la réalisation de logements sociaux a été menacé de pénalités ! À mon sens, plutôt que de les sanctionner, mieux vaut donner aux élus les moyens de mener à bien leurs programmes de logements sociaux.

Mme Bariza Khiari. Multiplier les pénalités par cinq, c’est peu : pour Neuilly, il faudrait les multiplier par mille !

M. Daniel Dubois. Je l’ai déjà dit, vous n’atteindrez jamais votre objectif de construction de 500 000 logements par an si les investisseurs privés ne sont pas au rendez-vous. Cela est évident, mais pour les encourager, vous ne trouvez rien de mieux que bloquer les loyers !

MM. Claude Bérit-Débat et Roland Courteau. Dans les zones tendues !

M. Daniel Dubois. Bloquer les loyers,…

M. Claude Bérit-Débat. On ne les bloque pas !

M. Marc Daunis. On les indexe !

M. Daniel Dubois. … est-ce là leur adresser un signal positif ? Soyez cohérents, mes chers collègues, cessez de faire le grand écart !

M. Charles Revet. Il a raison !

M. Daniel Dubois. Pour notre part, nous attendions du nouveau gouvernement la mise en place d’un arsenal de mesures cohérentes, efficaces et durables, adoptées selon une logique positive, en particulier l’instauration d’une prime aux maires bâtisseurs ! On le sait bien, lorsqu’il veut construire, un maire doit non seulement verser une subvention pour équilibrer l’opération, mais également financer tous les services publics afférents, notamment les écoles.

M. Gérard Collomb. C’est vrai !

M. Daniel Dubois. Plutôt que de leur infliger des pénalités, il vaudrait mieux, à notre sens, apporter un soutien aux élus qui s’engagent dans cette démarche ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Marc Daunis. Que ne l’avez-vous fait !

M. Daniel Dubois. C’est vous qui êtes aux affaires !

M. Marc Daunis. Vous y avez été dix ans !

M. Daniel Dubois. Vous reprochez à l’ancien gouvernement d’avoir légiféré dans la précipitation ; il ne faudrait pas en rajouter !

M. Marc Daunis. Nous n’avons pas fait en un mois ce que vous avez fait en dix ans, nous le reconnaissons volontiers !

M. Daniel Dubois. Je ne reviendrai pas sur la nécessité d’adresser un signal positif aux investisseurs. Il importe également d’instituer un encadrement juridique strict des recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme.

Je suis prêt à reconnaître que la loi Apparu n’apportait pas de réponse à la hauteur des enjeux, mais vous ne faites guère mieux, car vous ne proposez rien ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-Michel Baylet. Vous avez tant fait pour les Français ! D’ailleurs, ils vous ont témoigné leur reconnaissance…

M. Daniel Dubois. Sans lire dans le marc de café, je puis d’ores et déjà affirmer que 2012 sera certainement une année blanche en matière de mises en chantier de logements.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Claude Bérit-Débat. Le temps de parole aussi a été majoré de 30 % ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Dubois. Si vous aviez proposé d’améliorer la loi du 20 mars 2012, tous les sénateurs de l’UCR auraient sans nul doute soutenu cette proposition de loi, mais, compte tenu de la démarche que vous avez adoptée, une large majorité d’entre eux s’y refusera ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, chers collègues, la droite, au pouvoir pendant dix ans, a conforté la profonde crise du logement, rendant chaque jour plus difficile la mise en œuvre du droit au logement pour tous inscrit dans notre Constitution. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Bas. C’est inadmissible !

Mme Mireille Schurch. Baisse draconienne des aides publiques à la construction, politique fiscale organisant la spéculation, ponctions indues sur les acteurs du logement… La volonté de faire du logement l’objet d’un marché, et non celui d’un service public, a fondé ces politiques.

M. Jean-Jacques Mirassou. C’est exact !

Mme Mireille Schurch. Ultime subterfuge : l’adoption, lors de la dernière séance de la précédente législature et dans la plus grande précipitation, de la loi visant à une majoration uniforme de 30 % des droits à construire, qu’il nous est proposé aujourd’hui d’abroger.

Comme nous l’avions déploré à l’époque de son élaboration, loin de répondre aux réels besoins d’une politique en faveur du logement, cette disposition législative ne constituait qu’une énième étape dans la déréglementation de l’urbanisme et une « libéralisation » des droits à construire attachés au droit de propriété.

Ainsi, au rebours des objectifs alors affichés de lutte contre la spéculation foncière et immobilière, cette majoration des droits à construire ne peut qu’entraîner une nouvelle augmentation du coût du foncier, puisque la valeur vénale de celui-ci est directement liée à l’importance des droits à construire.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

Mme Mireille Schurch. Une telle loi sert donc surtout les intérêts spéculatifs des promoteurs immobiliers, puisque les terrains acquis pourront bénéficier d’une constructibilité renforcée sans pour autant que l’avantage ainsi octroyé se trouve répercuté dans les prix de sortie.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Loin de favoriser la construction de nouveaux logements, ce dispositif risque au surplus de se révéler contre-productif. En effet, en renchérissant les prix des terrains, il rendra encore plus difficile l’intervention des collectivités, des offices publics et des sociétés d’économie mixte pour la construction de logements à vocation sociale, notamment en centre-ville ou en centre-bourg. Cette loi porte donc une nouvelle atteinte à la nécessaire mixité sociale.

En commission, et encore à l’instant, l’opposition a affirmé que la loi de mars dernier contribuerait à la réalisation de l’objectif de densification urbaine.

M. Henri de Raincourt. C’est sûr !

Mme Mireille Schurch. Je crois utile de rappeler que la densification est du ressort des documents d’urbanisme locaux et que, en la matière, les collectivités disposent d’ores et déjà de marges de manœuvre, puisque les plafonds de COS ne sont que très rarement atteints. De plus, une politique de densification ne peut revêtir l’uniformité préconisée au travers de la loi du 20 mars dernier, sauf à aboutir à des catastrophes urbaines. Les politiques d’aménagement et de valorisation urbaine relèvent d’un travail de dentelière : tous les élus locaux vous le confirmeront.

Enfin, des dispositifs similaires de majoration de droits à construire existent déjà et n’ont pas fait la démonstration de leur utilité, eu égard à leur faible utilisation par les collectivités.

M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est un euphémisme !

Mme Mireille Schurch. Sur le fond, aux termes de la loi, le droit des sols relève de la compétence exclusive des collectivités territoriales. Pourtant, au travers des dispositions de la loi Apparu, il n’est plus seulement question de mettre des outils à la disposition des communes pour construire plus si elles le souhaitent. En effet, pour maîtriser cette augmentation de la constructibilité, les élus devront « s’opposer, par une délibération expresse, à l’entrée en vigueur automatique de la mesure ».

Une telle mesure est donc particulièrement attentatoire au principe de libre administration des collectivités territoriales. À ce titre, il n’est d’ailleurs pas étonnant que le dispositif ait fait l’unanimité contre lui, comme cela a été rappelé par plusieurs orateurs.

Ce dispositif législatif prévoit également que l’application de la majoration devra faire l’objet d’une consultation des habitants, passant par la réalisation d’une note d’information. Cependant, ni le contenu de celle-ci ni les modalités n’étant précisés très clairement, cette disposition est source d’insécurité juridique. Sur le fond, je note qu’une telle consultation a déjà lieu lors de l’élaboration de tout plan local d’urbanisme, notamment sur les objectifs du plan d’aménagement et de développement durable en matière de politique d’urbanisme menée par la collectivité. Il n’est donc pas opportun de prévoir une nouvelle consultation, dont on cerne mal les contours juridiques, en la déconnectant des autres enjeux de la politique locale d’aménagement.

Aujourd’hui, les communes se trouvent dans une position délicate, car elles sont contraintes par cette loi de délibérer avant le 20 septembre prochain sur les formes prises par cette consultation. En effet, à défaut d’une telle délibération, le dispositif s’appliquera de fait, alors même qu’il est grandement inapplicable, s’agissant notamment du foncier déjà bâti de logements locatifs en copropriété.

Pour conclure, je rappellerai que cette consultation fait également peser de nouvelles charges obligatoires sur les collectivités, pourtant financièrement exsangues.

J’exposerai un dernier argument développé en commission quant aux lacunes du dispositif tenant à la possibilité donnée aux communes de se soustraire à son application, y compris si l’intercommunalité disposant de la compétence urbanisme l’a acceptée. Comme je l’ai déjà expliqué en commission, cet élément met en lumière la confusion qui règne aujourd’hui entre les compétences en matière de droit des sols et d’urbanisme, la première étant l’apanage des maires, la seconde pouvant être déléguée à l’intercommunalité, voire à une intercommunalité élargie, puisque les SCOT apparaissent aujourd’hui de plus en plus comme des « super PLU ». Madame la ministre, il va falloir clarifier cette question. Nous considérons, pour notre part, qu’il est important de réaffirmer le rôle déterminant des communes en la matière et l’importance de fonder les intercommunalités sur la libre coopération des communes.

C’est donc en toute logique que nous voterons l’abrogation de ces dispositions, au nom des motifs que j’ai présentés. Cette loi est inefficace, elle fait peser un risque de renchérissement des coûts du foncier et porte atteinte aux prérogatives des collectivités en matière de droit des sols.

Nous voterons la proposition de loi d’abrogation, en attendant que le nouveau gouvernement prenne ses responsabilités et change radicalement de cap pour s’orienter vers une politique du logement ambitieuse.

En effet, l’effort de construction est aujourd’hui principalement supporté par les collectivités et il nous faut construire plus d’un million de logements pour répondre à la demande. Pour ce faire, il faut bien sûr agir sur la construction, notamment en permettant l’application sur l’ensemble du territoire national de la loi SRU. Il faut également redonner des moyens budgétaires à la mission « Logement » dans le cadre de la loi de finances, afin de remettre à niveau les aides à la pierre.

Toutefois, nous voulons aller plus loin. Nous préconisons l’encadrement des loyers, dans le privé comme dans le public, par le plafonnement des prix à la vente et à la location, en fonction de la tension constatée dans les territoires en matière de logement.

Pour garantir l’égalité d’accès pour tous à un logement de qualité et permettre la baisse des loyers au bénéfice du plus grand nombre, nous souhaitons fixer pour objectif que la part du loyer et des charges dans le budget des familles ne puisse excéder 20 %. Nous voulons également que toutes les possibilités soient mises en œuvre afin de permettre la réquisition des logements vacants. Nous demandons enfin l’arrêt de la pratique barbare des expulsions locatives pour les personnes n’étant pas en mesure de se maintenir dans un logement.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Mireille Schurch. Une véritable réflexion doit en outre s’engager sur les moyens à développer pour lutter contre la spéculation foncière.

Voilà, mes chers collègues, des pistes de réflexion que nous devons explorer sans tarder afin de pouvoir mettre en œuvre une politique du logement propre à endiguer la crise que nous connaissons. Cela commence aujourd’hui par l’adoption de cette proposition de loi visant à abroger le dispositif de majoration automatique des droits à construire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 20 mars 2012 que nous nous proposons d’abroger est l’exemple parfait de ce qu’il ne faut pas faire en matière législative…

M. Roland Courteau. C’est exact !

M. Pierre-Yves Collombat. Il s’agit d’un texte rédigé, présenté et discuté dans la hâte, d’un texte certainement inutile et probablement néfaste, d’un texte mal rédigé, contraire aux règles habituelles du droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales, d’un texte écran qui masque les vrais problèmes tout en fournissant des occasions d’enrichissement aux rentiers fonciers les mieux placés.

Un sénateur du groupe socialiste. Il était temps de l’abroger !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce texte, vous le savez, a été discuté selon la procédure accélérée, en fin de session, après une consultation expresse des acteurs du logement et des élus locaux, consultation qui s’est résumée à informer ceux qui l’ont été – cela n’a d’ailleurs pas été le cas des élus ruraux – des intentions du Gouvernement, excellentes évidemment !

Il était accompagné d’une étude d’impact de trente pages se passant d’expliquer pourquoi, à elle seule, l’augmentation des droits à bâtir suffirait à dynamiser la construction de logements. La cause est entendue avant que d’avoir été jugée : il y a un déficit structurel de l’offre de logements, les loyers et les prix des terrains sont à la hausse, augmentons le nombre de mètres carrés constructibles et le problème sera réglé. Un remède miracle, et en plus à coût nul pour le budget de l’État, sauf que la fameuse étude d’impact démontre plutôt le contraire, c'est-à-dire que les droits à construire sont, dans le cadre actuel, suffisants, mais sous-utilisés,…

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. … sauf qu’on ne se pose pas la question de savoir pourquoi ils sont sous-utilisés, si l’effort financier de l’État en faveur du logement est suffisant pour permettre la réalisation des programmes, si le portefeuille des aspirants à la propriété a l’épaisseur de leur rêve… En ces temps de crise, la question est tout de même importante.

M. Roland Courteau. C’est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. La « libération de l’offre » est censée pourvoir à tous ces détails, probablement aussi efficacement que, jusque-là, la « politique de l’offre » a permis de réduire le chômage. (M. Jean-Jacques Mirassou rit.)

Les élus locaux n’utilisant même pas les possibilités existantes, on leur forcera donc la main. Pourquoi ces nouvelles possibilités seront-elles mieux utilisées par les acteurs du logement que celles qui existent déjà ? Mystère !

Les possibilités d’augmenter les droits à construire dans certaines zones, par délibération du conseil municipal, pour le logement social ou pour l’obtention d’économies d’énergie, existent déjà.

Le texte que nous allons abroger était donc inutile.

Inutile, au mieux, car l’augmentation systématique des possibilités de construction est une machine infernale dont malheureusement on ne connaîtra les effets sur le terrain que trop tard. Il importe donc de la désamorcer au plus vite, ce que demande d’ailleurs l’écrasante majorité des élus locaux.

C’est aussi un texte mal rédigé et donc source d’insécurité juridique, ai-je dit, un texte contraire aux règles habituelles du droit et au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Le but est clairement de forcer la main aux collectivités, d’où l’inversion des règles habituelles : l’augmentation des droits à construire s’imposera sauf si, au terme d’une procédure compliquée, coûteuse et politiquement à risques – vous savez ce que sont les débats sur l’urbanisation dans nos communes ! –, les collectivités s’y opposent. Quant à la disposition permettant aux communes de récupérer une partie de la compétence urbanisme qu’elles auraient transférée à une intercommunalité, cette innovation juridique est une première. On marche sur la tête !

D’un côté, l’État tente de faire passer par la bande ses choix en matière d’urbanisme, revenant ainsi sur l’un des acquis majeurs, pour les communes, de la décentralisation de 1982-1983, un acquis tel qu’elles entendent bien résister à toute tentative de les en priver sans leur consentement, fût-ce au nom d’une rationalisation de l’intercommunalité ou de je ne sais quelle logique bureaucratique.

De l’autre, quand ces communes ont consenti volontairement à ce transfert, ce même État, lorsque ça l’arrange, les autorise à s’en affranchir.

Mais le principal reproche que l’on peut faire à la loi que nous allons abroger, c’est d’être une fausse réponse à deux vrais problèmes : le premier est celui du coût du foncier, le second celui du sous-financement de la politique du logement.

Le marché foncier n’étant ni concurrentiel ni homogène, une unité foncière ici n’étant pas substituable à une unité foncière là, injecter des droits à construire partout, comme on le ferait d’une monnaie avec la planche à billets, n’aura aucun effet à la baisse sur les prix et sur la rétention du foncier.

Pour lutter contre la spéculation foncière, le principal outil dont nous disposons, ce sont les établissements publics fonciers régionaux, dont il y a urgence à augmenter les possibilités d’intervention en leur donnant la liberté de moduler, dans une limite fixée par la loi, le montant de la taxe d’équipement dont ils bénéficient.

Quant au sous-financement croissant de la politique du logement, seule l’intervention, elle aussi croissante, des collectivités locales, notamment des communes et des intercommunalités, a pu le masquer. Nous atteignons les limites de l’exercice.

Personnellement, j’observe que, dans les plans de financement des projets de logement social que je connais, l’État intervient rarement au-delà de 5 %. Un alinéa à la loi de finances permettant d’augmenter ce niveau d’intervention aurait été plus utile que la loi du 20 mars 2012. Je le dis tout net, cette observation vaut aussi pour le présent gouvernement.

En conclusion, pour le RDSE, cette loi a déjà coûté suffisamment cher pour qu’on ne tarde pas à la renvoyer au néant qui l’a conçue. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Dilain.

M. Claude Dilain. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous le savons tous : plus de 3,5 millions de personnes sont sans logement ou mal logées dans notre pays.

Nous savons aussi que, dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel a institué le droit au logement en objectif à valeur constitutionnelle.

Et pourtant, nous souhaitons abroger la loi du 20 mars 2012.

En effet, comme d’aucuns l’ont déjà dit, cette loi a été votée à la va-vite, sans délai, sans concertation et avec très peu de débats. Je ne m’appesantirai pas sur ce point, mais elle était très imparfaite techniquement, au point qu’elle a soulevé de nombreuses oppositions parmi les collectivités territoriales, les juristes et même les professionnels de l’immobilier.

Pour ma part, je voudrais insister sur un aspect plus politique. Cette loi présente en effet le gros défaut de malmener sévèrement la liberté des collectivités territoriales. Bien sûr, l’article 72 de la Constitution est formellement respecté. Mais cette liberté est réduite au seul pouvoir de dire non. Il s’agit donc d’une liberté très restreinte, que l’on pourrait même qualifier de liberté surveillée. Il en fut souvent ainsi sous le précédent gouvernement… Si j’insiste sur ce point, c’est parce qu’il est important : dans le même esprit, la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs restreignait la liberté des magistrats du siège au seul pouvoir de dire non aux peines planchers. Il y avait là une atteinte importante à la liberté de ces derniers.

C’est pourquoi nous pouvons nous féliciter de ce que l’article 2 de la présente proposition de loi respecte totalement le choix des rares communes ayant accepté d’appliquer cette majoration.

Une fois cette loi abrogée, comme je le souhaite, il faudra encore résoudre la crise du logement. En la matière, je me réjouis de votre volontarisme, madame la ministre, qui fait écho à celui du Président de la République et du Premier ministre.

En effet, le rapport sur l’application de la loi DALO que Gérard Roche et moi-même avons publié montre, d’une part, que la situation du logement est extrêmement grave, et, d’autre part, qu’elle est très contrastée d’un territoire à l’autre. Elle est ainsi particulièrement inquiétante dans les régions Île-de-France, PACA et Rhône-Alpes, figures de proue pour les saisines des commissions départementales de médiation en matière de demande de logement. Dans ces territoires, la situation est réellement dramatique.

La loi que nous nous apprêtons à abroger s’appliquait de manière homogène sur tout le territoire. En tant que médecin, il me semble pourtant qu’il est très rare qu’un même médicament soigne des maux très différents. Nous ne devons donc pas, de nouveau, commettre la même erreur.

M. Gérard Collomb. Très bien !

M. Claude Dilain. Au sujet de la loi DALO, j’ajoute que 75 % des logements sociaux ont été construits à des endroits où les besoins étaient inexistants… C’est dire qu’il faut absolument distinguer les choses et moduler les mesures que nous prendrons en fonction des situations.

Madame la ministre de l’égalité des territoires, nous ne pourrons pas atteindre cette égalité si nous ne nous résolvons pas à cette différenciation. Il faut de l’équité pour tendre à davantage d’égalité.

Il faut non seulement construire des logements en quantité, mais aussi bien déterminer dans quelles zones on les construit, et surtout quels types de logements on construit, de façon à accorder au mieux l’offre à la demande.

Pour conclure, nous devons avancer dans le traitement de ce dossier avec clarté, simplicité et transparence, mais aussi, et surtout, avec efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 20 mars dernier, l’ancien gouvernement avait fait adopter dans l’urgence et la précipitation, et pour des raisons électoralistes, une réforme tendant à permettre la majoration de 30 % des règles de gabarit, d’emprise au sol, de hauteur et de densité.

L’objectif de cette réforme était ainsi d’augmenter de manière transitoire les possibilités de construire, en passant outre les documents locaux d’urbanisme, sans accroître dans le même temps la dépense publique.

Cependant, ce texte empreint de démagogie n’a trompé personne, ni dans sa conception ni dans son contenu, et a mis en évidence une fois de plus l’échec de la politique du logement de l’ancien gouvernement.

En effet, plusieurs dispositifs permettaient` déjà d’augmenter les règles de densité : par exemple, la majoration pouvait atteindre 50 % concernant le logement social, selon les termes de l’article L. 127-1 du code de l’urbanisme, et 30 % pour les constructions remplissant des critères de performance énergétique ou comportant des équipements de production d’énergie renouvelable.

De plus, cette mesure ne répond pas à la nécessité de produire du logement, et particulièrement du logement abordable, car elle ne résout en rien le problème central du foncier. Au contraire, elle pourrait aggraver la situation du fait d’un renchérissement des prix des terrains et d’une rétention foncière des propriétaires, qui attendent la mise en place de ce dispositif.

En outre, d’un point de vue juridique, de très nombreux conflits vont trouver leur origine dans ce texte, puisqu’il est en rupture avec certains droits bien établis, par exemple en matière de privation de vue ou d’ensoleillement, de surélévations, de contestation de permis de construire, etc.

Enfin, il est nécessaire de rappeler que, contrairement aux dispositifs existants, cette loi a de très lourdes conséquences pour les collectivités locales, car elle instaure l’obligation de lancer une procédure de consultation, même pour les communes ne souhaitant pas appliquer, in fine, la majoration.

Or l’automaticité de la mesure, couplée à la nécessité de réaliser une note d’information, engendre un coût financier supplémentaire pour les communes, déjà largement touchées par le désengagement de l’État en matière d’urbanisme.

Il est donc urgent d’abroger ce texte qui appréhende les questions de densité sans prendre en compte les réalités du terrain.

Citons le cas des communes membres d’un EPCI, qui gardent la possibilité d’approuver ou d’écarter unilatéralement la décision de majoration générale adoptée par l’EPCI. On voit donc bien ici l’absurdité de cette mesure et le risque qu’elle comporte au regard de l’urbanisme local, puisqu’il s’agit d’une remise en question éventuelle de la compétence en matière d’urbanisme déléguée au groupement de communes.

S’il existe véritablement une grave pénurie de logements sur les territoires français, si la volonté de trouver des solutions adaptées à ce problème est nécessaire, je reste hostile au texte de l’ancienne majorité, qui est un affront au principe de libre administration des collectivités territoriales affirmé par les articles 72 de la Constitution et L. 1111-1 du code général des collectivités territoriales.

Certains s’offusquent que l’on propose aussi rapidement d’abroger un texte à peine entré en vigueur. Je leur réponds : c’est heureux, et faisons vite !

Pour toutes les raisons que j’ai exposées, je voterai en faveur de l’adoption de cette proposition de loi visant à abroger le dispositif de majoration automatique des droits à construire. Abrogeons-le donc, mais proposons aussi du nouveau, car il y a tant à faire dans ce domaine ! Nous comptons sur vous pour cela, madame la ministre, de même que nous vous faisons confiance pour tenir compte des particularités des départements d’outre-mer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.

M. Gérard Collomb. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je reprendrai la formule de conclusion de l’orateur qui m’a précédé : il faut certes abroger, mais aussi proposer du nouveau.

Née de l’imagination toujours fertile d’un certain nombre de technocrates, proposée d’ailleurs à divers candidats à la dernière élection présidentielle, cette loi manquait sans doute de l’expertise de celles et de ceux qui, dans les collectivités locales, ont à mettre en œuvre la réponse au problème, réel, du mal-logement dans notre pays. Il me semble donc que son abrogation ne mécontentera pas grand monde dans cet hémicycle et sera largement adoptée.

J’ai d’ailleurs pu constater que, au sein de la communauté urbaine de Lyon, cette abrogation ne peinerait que peu d’élus, quelle que soit leur sensibilité politique. Chacun pouvait en effet imaginer les effets pervers qu’aurait pu entraîner, pour sa commune, la mise en œuvre d’une telle disposition. On commençait par exemple à voir, dans les communes périurbaines, un certain nombre de lotissements se doter de constructions annexes. Cela n’aurait pas manqué d’ajouter aux difficultés actuelles.

Cela étant, il ne fait pas de doute que le mal-logement est un réel problème dans notre pays, où l’on dénombre 3 millions de demandeurs de logement, 500 000 personnes condamnées à vivre dans une habitation de fortune, 100 000 dépourvues de toit ; le défi qui s’impose à nous tous est considérable.

Or si la loi a apporté une mauvaise réponse, elle a tout de même pointé un vrai problème,…

MM. Michel Mercier et Daniel Dubois. Tout à fait !

M. Gérard Collomb.… auquel nous allons devoir trouver des solutions.

M. Daniel Dubois. Tout à fait !

M. Gérard Collomb. Reste que, en l’espace de quelques mois, la situation s’est dégradée, et je pense que vous la connaissez, madame la ministre : au premier trimestre, on a enregistré une diminution de 20 % des ventes sur l’ensemble du territoire,…

M. Daniel Dubois. Tout à fait !

M. Gérard Collomb.… et cette baisse sera sans doute de 40 % pour le deuxième trimestre,…

M. Gérard Collomb.… avec des variations géographiques. Dans mon agglomération, par exemple, la baisse est de 7 %, mais elle peut atteindre 70 % dans certaines villes, ce qui est considérable.

Pour ma part, j’estime que le ministère du logement revêt une importance fondamentale. Aujourd’hui, il y a deux priorités dans notre pays : l’économie et le logement.

M. Daniel Dubois. Et l’éducation !

M. Gérard Collomb. Madame la ministre, vous allez être confrontée à une situation extrêmement difficile. Il faut s’affranchir des tabous en travaillant avec l’ensemble des acteurs du secteur du logement. Certes, l’État est l’acteur principal, mais il ne peut évidemment pas tout faire. C’est pourquoi il faut mettre en place des partenariats entre le secteur public et le secteur privé.

À cet égard, permettez-moi de citer à nouveau l’agglomération lyonnaise, qui est un bon exemple : 10 000 logements ont été construits au cours de ces dernières années, dont 5 000 logements privés et 5 000 logements sociaux, avec le concours des acteurs du privé à hauteur de 60 %.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. C’est bien !

M. Gérard Collomb. Nous devrons mener une réflexion commune sur cette question pour l’avenir.

Premièrement, cela suppose que nous réfléchissions à la question du foncier – les PLU sont révisés dans pratiquement toutes nos communes – en permettant une densification des agglomérations pour répondre à la demande.

Cela suppose aussi, en matière d’urbanisme, de simplifier les procédures…

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Oui !

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Gérard Collomb.… pour faciliter l’obtention des permis de construire,…

M. Daniel Raoul, rapporteur. Bravo !

M. Gérard Collomb.… et, comme vous l’avez dit, d’éviter les recours abusifs. Voilà quatre ou cinq ans, 40 recours étaient déposés dans mon agglomération, contre 140 aujourd’hui !

M. Charles Revet. C’est beaucoup trop !

M. Gérard Collomb. Certains veulent qu’on construise beaucoup de logements en France, mais loin de chez eux !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Absolument !

M. Daniel Dubois. Très bien dit !

M. Gérard Collomb. Nous devrons prendre en compte cette donnée.

Deuxièmement, il faut faire en sorte que le budget consacré au logement soit plutôt en augmentation qu’en diminution.

Pour compléter votre réflexion, j’indique que les aides à la pierre s’élèvent à 18 millions d’euros, contre 80 millions d’euros octroyés par le Grand Lyon. De surcroît, 18 millions d’euros sont consacrés au logement social, alors que 33 millions d’euros sont affectés à l’hébergement d’urgence. Peut-être faudra-t-il inverser quelque peu la tendance.

Quoi qu’il en soit, ce problème mérite d’être vraiment pris en compte.

Troisièmement, il faut renouveler l’offre de logements neufs en faisant en sorte de les rendre accessibles au plus grand nombre. Il faut élargir le spectre des logements offerts aux accédants à la propriété et accompagner ceux-ci dans l’obtention d’un logement, car se posent aujourd’hui le problème du crédit et celui de la diminution des revenus, ce qui entraîne une diminution du nombre de personnes pouvant accéder à la propriété.

Quatrièmement, il convient de soutenir l’investissement locatif, qui représente aujourd’hui environ 50 % de la construction.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Oui !

M. Gérard Collomb. S’il n’y a plus demain de politique active dans ce domaine, je crains un effondrement de la construction.

M. Charles Revet. Cela a déjà commencé !

M. Gérard Collomb. Il faut aborder cette question de manière non dogmatique.

Cinquièmement, il faut dissuader les propriétaires de faire de la rétention, mais veillons à ne pas tomber dans le même travers qu’avec la loi du 20 mars 2012, car l’enfer est pavé de bonnes intentions. Ce qui compte, c’est non pas l’intention, mais les actes et le résultat final.

La loi en vertu de laquelle l’allongement du délai d’exonération des plus-values immobilières est passé de quinze à trente ans a eu des résultats contraires aux effets escomptés : au lieu de lutter contre la spéculation, elle a encouragé la rétention de terrains.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Gérard Collomb. Sixièmement, il faut mettre fin à l’empilement des normes et instaurer un moratoire pour la production de nouvelles normes.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Gérard Collomb. Septièmement, il faut développer l’investissement locatif privé.

Je ne développerai pas ce point aujourd’hui, mais sachez, madame la ministre, mes chers collègues, que la législation allemande favorise beaucoup l’investissement locatif privé. À mon avis, ce système pourrait être tout à fait transposable en France.

Enfin, il convient de renforcer les prêts à taux zéro, qui sont un élément important pour les primo-accédants.

Madame la ministre, vous avez devant vous un chantier considérable. Nous sommes prêts à vous aider à remplir votre mission et sachez que vous pouvez compter – et que vous devez le faire – sur une coopération essentielle entre l’État et les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Daniel Dubois et M. Christian Namy applaudissent également.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions ont été, pour l’essentiel, très complètes. S’il fallait une raison suffisante pour abroger cette loi, au-delà de toutes celles que vous avez avancées, je vous inviterais à prendre en considération le débat, qui est déjà lancé, sur ce que l’on pourrait faire de mieux et de plus rapide. En effet, nous avons déjà engagé cette deuxième étape, la première étant l’abrogation d’un dispositif homogène et sans doute dangereux.

M. Calvet a évoqué le fait que nous allions contrarier les élus locaux. Pour avoir rencontré toutes les associations d’élus, notamment l’Association des maires ruraux de France, je puis vous dire qu’elles étaient toutes très ennuyées…

Mme Cécile Duflot, ministre… d’avoir l’obligation de mettre en œuvre, dans des délais très courts, cette loi, par ailleurs très coûteuse et très bloquante. Son abrogation rapide était donc très largement souhaitée.

Soyez assurés que je suis parfaitement consciente de la gravité de la crise que connaît aujourd’hui le secteur du logement à la fois sur le plan économique – je le sais pour avoir des contacts très réguliers avec l’ensemble des acteurs des secteurs du logement, du bâtiment et de l’artisanat – et sur le plan social.

M. Dubois a évoqué le fait que notre seule réponse serait le blocage des loyers. Le décret sur l’encadrement des loyers, qui sera publié dans quelques jours, vise à répondre à la crise sociale. Non seulement l’augmentation des loyers n’était pas du tout régulée, mais la libre fixation des prix lors de la relocation n’a pas non plus permis de lutter contre la crise. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.) L’encadrement des loyers permettra donc d’y remédier.

Il faudra, je le sais, que tous les acteurs se mobilisent pour apporter des réponses à la crise du logement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai entendus, et je constate que vos opinions convergent sur un certain nombre de sujets. M. Collomb l’a notamment souligné, il est évident que nous devrons mobiliser tous les interlocuteurs en nous appuyant sur les projets menés par les collectivités locales, car ce sont elles qui sont en première ligne sur ces questions.

Vous avez indiqué à plusieurs reprises les faiblesses du budget de l’État en matière d’aides à la pierre. Je vous invite à répéter vos propos et à rappeler vos nécessités locales lors du débat qui s’engagera sur cette question et qui ne manquera pas d’être compliqué. Je serai évidemment à vos côtés, sachant à quel point ces aides sont nécessaires.

À cet égard, permettez-moi de faire un parallèle avec le dispositif d’incitation à l’investissement locatif privé.

Nous avons la volonté de travailler sur un nouveau dispositif. Le dispositif Scellier a été très largement critiqué pour deux raisons, y compris, parfois, à bas bruit, par ceux qui l’avaient porté.

Tout d’abord, il est extrêmement coûteux : 900 millions d’euros pour le budget de l’État l’année dernière. Au regard du budget dévolu aux aides à la pierre, ce poste de dépenses peut être utilement revu.

Ensuite, beaucoup d’entre vous l’ont évoqué, les logements n’ont pas forcément été construits à des endroits adéquats. Certaines collectivités locales se retrouvent ainsi face à un parc de logements vides, avec les conséquences qui en découlent, y compris des conséquences financières très importantes pour les investisseurs qui, d’une part, ne peuvent plus bénéficier de la défiscalisation puisque leur bien est vacant et, d’autre part, n’engrangent pas les revenus locatifs escomptés. Ces propriétaires se retrouvent dans des situations extrêmement difficiles.

Aussi, nous travaillons à la mise en place d’un dispositif d’incitation à l’investissement locatif privé qui prenne en compte cet impératif social et qui soit fondé sur des loyers modérés. Les coûts de production seront également modérés dans la mesure où ils seront adossés, comme je l’ai évoqué précédemment, à la mobilisation du foncier public.

Enfin, j’évoquerai la question centrale de la mobilisation du foncier.

M. Antiste l’a souligné, des dispositifs existent déjà dans les DOM, sur lesquels nous allons nous appuyer. La décote, y compris la décote totale, existe. Le travail que je souhaite mener avec les sénateurs particulièrement impliqués sur ces dossiers ne consiste absolument pas à réinventer des dispositifs. Je veux mettre en cohérence tous les dispositifs existants en les rendant opérationnels, afin d’apporter une réponse très rapide. Les objectifs affichés de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, ne sont pas de l’affichage, monsieur Calvet. Ils répondent à la nécessité impérieuse pour tout un chacun de bénéficier, ainsi que Mme Schurch l’a indiqué, du droit au logement, qui doit être un droit pour tous et pour toutes. Nous sommes très attachés à ce que cela se fasse en lien avec les collectivités locales, y compris avec les communes, puisque, chacun le sait, ce sont souvent les élus de proximité qui sont quotidiennement au contact des demandeurs de logements et des familles en difficulté.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je l’ai dit, vous pouvez compter sur ma détermination et ma volonté de créer un partenariat et de travailler de façon très ouverte pour élaborer un dispositif qui prenne appui sur les expériences locales menées dans les régions, les départements, les communes et dans certaines intercommunalités, qui sont extrêmement mobilisés sur la réponse à apporter à la crise du logement. Ces collectivités œuvrent précisément à la mise en place d’une réponse différenciée en matière de densité. Il s’agit non pas de réaliser un « tartinage » général de la densification, si je puis dire, mais bel et bien d’avoir une vision séquencée, répondant à des objectifs locaux et s’appuyant sur le travail de chacun.

En conclusion, et pour faire écho aux propos de M. Dilain, sachez que le projet de loi qui sera élaboré s’appuiera sur quatre éléments : la clarté, la simplicité, la transparence et l’efficacité. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Discussion générale (suite)

7

Nomination de membres d’organismes extraparlementaires

M. le président. Plusieurs commissions ont proposé des candidatures pour divers organismes extraparlementaires.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame :

– MM. Jean-Pierre Caffet et Yves Daudigny membres titulaires et MM. Serge Dassault et Alain Milon membres suppléants du Haut Conseil du financement de la protection sociale ;

– Mme Marie-Thérèse Bruguière, membre titulaire du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale ;

– Mme Dominique Gillot, membre titulaire du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ;

– M. Jean Boyer, membre suppléant de l’Observatoire national de la sécurité et de l’accessibilité des établissements d’enseignement.

8

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Articles additionnels avant l’article 1er

Abrogation de la majoration des droits à construire

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

M. le président. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Article 1er

Articles additionnels avant l’article 1er

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 5 rectifié ter, présenté par MM. Revet, G. Bailly, Beaumont et Doublet, Mme Goy-Chavent, MM. Laurent et Pierre, Mme Sittler, M. Mayet et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter de l’adoption de la présente loi et jusqu’au 31 décembre 2014, les collectivités disposant d’un document d’urbanisme peuvent, par la procédure de révision simplifiée, procéder au classement de nouvelles zones constructibles dès lors que les terrains pris en compte par le classement sont viabilisés ou viabilisables.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Le texte adopté au début du mois de mars dernier avait deux objectifs : apporter une réponse à de nombreuses familles confrontées, pour des raisons familiales ou autres, à la nécessité d’augmenter la taille de leur logement et qui ne pouvaient le faire parce qu’elles avaient atteint le coefficient maximum du plan d’occupation des sols et n’avaient, de ce fait, d’autre choix que de quitter leur logement, et augmenter l’offre de logements.

M. Apparu l’avait indiqué, le projet de loi qui nous était présenté n’était pas la panacée. C’était l’un des moyens d’augmenter l’offre de logements.

Vous avez décidé d’abroger ce dispositif, mes chers collègues. C’est votre droit. Mais vous n’apportez aucune réponse face une situation qui est – cela a été souligné sur toutes les travées de l’hémicycle – de plus en plus tendue.

Je m’étonne que l’amendement déposé par M. Thierry Repentin, alors rapporteur du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire – il a été nommé au Gouvernement depuis –, n’ait pas été repris dans la présente proposition de loi. Pourtant, après les déclarations de M. le Premier ministre sur la nécessité pour l’État de mettre à disposition des terrains afin d’augmenter l’offre de logements, il y avait là une excellente occasion d’instituer un dispositif opérationnel immédiatement. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Bérit-Débat. N’agissons pas dans la précipitation !

M. Charles Revet. Pourquoi ne voulez-vous pas reprendre ce que vous proposiez voilà quelques mois ?

M. Claude Bérit-Débat. Parce que nous sommes des cartésiens ; chaque chose en son temps !

M. Charles Revet. Vous auriez ainsi fait preuve de cohérence.

Pour ma part, tout comme un certain nombre de mes collègues, je défends mes idées avec constance. (MM. Claude Bérit-Débat et Jean-Jacques Mirassou en conviennent.) C’est pourquoi j’ai redéposé les amendements que j’avais proposés lors de l’examen du projet de loi relatif à la majoration des droits à construire.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Cela ne nous avait pas échappé !

M. Charles Revet. En effet, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, l’une des causes principales de la crise du logement est le problème du foncier disponible. Or du foncier disponible, il y en a ! On peut facilement en trouver sans porter atteinte à l’agriculture ou à l’environnement, par exemple en utilisant les terrains dont l’État dispose, mais pas seulement.

Compte tenu de la lourdeur des procédures requises pour la mise en place des PLU et des autres documents d’urbanisme – notre collègue Gérard Collomb y a fait référence –, nous ne sommes pas près de manquer de foncier ! C’est d’ailleurs pour cette raison que les coûts augmentent. Pas plus tard qu’hier, le maire d’une commune de la banlieue rouennaise m’expliquait qu’un terrain de 1 000 mètres carrés chez lui revenait à 180 000 euros ! En d’autres termes, les deux tiers des familles ne sont pas capables de construire et d’accéder à la propriété. Il est donc impératif de dégager du foncier, ce qui n’interdit pas la densification.

Par cet amendement, nous proposons de réutiliser une procédure mise en place voilà quelques années, celle de la révision simplifiée, dans des conditions déterminées.

La première partie de l’exposé des motifs de mon amendement, qui fait référence à des dispositions aujourd’hui obsolètes, n’a évidemment plus de raison d’être. Simplement, comme j’étais en déplacement au moment où il fallait déposer les amendements, j’avais dans l’urgence demandé à mes collaborateurs de déposer des amendements en reprenant le texte de mes amendements précédents.

En revanche, le reste de l’exposé des motifs est toujours d’actualité. Il vous est proposé de revitaliser la révision simplifiée, afin d’élargir les possibilités de construction. Bien entendu, il appartiendrait aux collectivités locales d’en déterminer les conditions.

M. le président. L’amendement n° 7 rectifié ter, présenté par MM. Revet, G. Bailly, Beaumont et Doublet, Mme Goy-Chavent, MM. Laurent et Pierre, Mme Sittler, M. Mayet et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dès lors que n’est pas remise en cause l’économie générale du document d’urbanisme dont elle est dotée et que le classement en zone constructible de la ou des parcelles identifiées ne constitue pas un risque pour l’économie de l’activité dont elle était partie intégrante, dès lors que le nouveau classement ne porte pas une atteinte manifeste à l’environnement, la commune peut décider dans le cadre de la procédure de révision simplifiée de procéder au classement de nouveaux terrains en zone constructible. La révision peut concerner dans une même opération plusieurs parcelles dont les affectations ne seront pas forcément identiques. Cette révision, si elle est globalisée, fera l’objet d’une seule enquête publique.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement s’inscrit dans la même démarche que l’amendement précédent : il s’agit là encore de réutiliser, certes dans des conditions un peu différentes, une procédure qui a fait la démonstration de son utilité lorsqu’elle a été appliquée, mais qui a été supprimée voilà quelques années.

En effet, un tel dispositif permet de classer un certain nombre de terrains en zone constructible dès lors, par exemple, qu’ils sont desservis par l’ensemble des réseaux, et ce sans remettre en cause les fondements des documents d’urbanisme existants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je constate que Charles Revet fait preuve de persévérance.

M. Charles Revet. J’espère que ce ne sera pas la dernière fois ! (Sourires.)

M. Daniel Raoul, rapporteur. J’ai d’ailleurs souvent eu l’occasion de le constater au cours des travaux de notre commission, auxquels notre collègue assiste assidûment.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. La persévérance est une qualité !

M. Daniel Raoul, rapporteur. C’est vrai !

Ces deux amendements sont de même nature, à quelques nuances rédactionnelles près : ils visent à utiliser la possibilité de classer des nouveaux terrains en zone constructible via la procédure de révision simplifiée.

Mais, François Calvet l’a rappelé tout à l’heure, il faut quand même vérifier la « consommation optimisée » – je préfère cette formule – des terrains agricoles ! Comment voulez-vous contrôler la consommation d’espaces en passant outre des procédures un peu lourdes ?

Voilà un argument de fond qui me fait craindre que vos amendements d’aujourd’hui ne connaissent le même sort que vos amendements du mois de mars, mon cher collègue…

J’ajouterai également un argument de forme. Ces deux amendements n’ont aucun lien avec l’objet de la présente proposition de loi, c’est-à-dire l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

Je vous ai entendu nous reprocher de ne rien proposer à la place. Mais l’urgence est d’abroger cette loi. Et pour ne pas reproduire ce qui a été dénoncé dans ce texte, je pense qu’il faut une véritable concertation avec tous les acteurs du logement. Prenons le temps d’en débattre posément, y compris avec les collectivités locales.

M. Claude Bérit-Débat. Ça nous changera !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Un texte législatif que Mme la ministre aurait dû élaborer en moins d’un mois ne serait certainement pas le véhicule adapté pour aborder de telles problématiques.

Nous avons demandé une concertation. Je suis certain que nous l’obtiendrons. Et si ce n’était pas le cas, nous l’imposerons !

En attendant, la commission sollicite le retrait de ces deux amendements. À défaut, l’avis serait défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

D’une part, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, il me semble utile de limiter cette proposition de loi à son objet initial, c’est-à-dire l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. Or ces deux amendements n’ont pas de rapport avec l’objet du texte.

D’autre part, le dispositif visé par ces deux amendements, c’est-à-dire la révision simplifiée, trouvera son terme le 31 décembre 2012 et ne sera donc plus adéquat compte tenu de la modification des règles de simplification des PLU. Voilà qui évitera peut-être à M. Revet de redéposer des amendements similaires, puisque, si j’ai bien compris M. le rapporteur, il s’agit de l’un de ses sujets préférés. (Sourires sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.) En l’occurrence, ces amendements sont périssables.

M. Philippe Kaltenbach. Le retrait s’impose !

M. le président. Monsieur Revet, les amendements nos 5 rectifié ter et 7 rectifié ter sont-ils maintenus ?

M. Charles Revet. M. le rapporteur et Mme la ministre ont affirmé que mes amendements n’avaient pas de rapport avec l’objet de la proposition de loi.

Mais je rappelle tout de même que les mots « droits à construire » figurent dans l’intitulé du texte. Or, pour pouvoir construire, il faut du foncier disponible. On ne peut donc pas dire que mes amendements n’ont aucun lien avec l’objet du texte. C’est pourquoi je les maintiens.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour explication de vote.

M. Joël Labbé. Monsieur Revet, vous-même ainsi que plusieurs des cosignataires de ces amendements êtes, comme moi, des élus de territoires ruraux. (M. Charles Revet acquiesce.) Or la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, est un excellent dispositif, qui nous a bien aidés. Il faut aller plus loin encore dans cette voie pour restreindre l’étalement urbain qui gagne sur les espaces agricoles.

Vous mettez en avant un véritable sujet. Si on ne fait rien, la rareté des terrains provoquera naturellement l’augmentation des coûts. Il est donc nécessaire de faire en sorte que la puissance publique s’impose pour réguler le marché.

Dans ma commune de Saint-Nolff, grâce à la loi SRU, aux procédures de zone d’aménagement différé et de zone d’aménagement concerté, il n’y a plus aucune opération privée. Il y a uniquement des opérations publiques d’aménagement, qui font certes appel au privé, mais en aval. C’est la collectivité publique qui maîtrise son développement et qui, de ce fait, maîtrise les prix. Pour moi, c’est une nécessité : la rareté contribue au renchérissement. Il faut donc travailler sur ce sujet.

Contrairement à ce que vous affirmez, il y a des terrains constructibles et urbanisables mobilisables, notamment dans les « enveloppes des villes ». Certes, il y a une logique qui voudrait que les terrains concernés soient desservis par une voirie et des réseaux. Mais, aujourd’hui, pratiquement tous les terrains situés en bordure de voie seraient potentiellement urbanisables. Ce serait une catastrophe pour notre aménagement du territoire. On est déjà allé trop loin !

Mon cher collègue, vous défendez l’agriculture. Or défendre l’agriculture, c’est aussi faire cesser l’étalement urbain.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous sommes face à un problème de fond. Suffit-il d’augmenter les droits à construire pour régler le problème de la disponibilité du foncier ? Certainement pas ! Cela ne fonctionne pas ainsi.

Si, comme on nous le propose, nous augmentons la capacité de construire au cas par cas, petit bout par petit bout, nous ne parviendrons qu’à miter le territoire et à multiplier les dents creuses. Et il faut du temps pour épuiser un plan d’occupation des sols ou un PLU !

Si nous voulons une régulation efficace du foncier, en matière de prix ou de constitution de réserves foncières, nous devons nous pencher sur l’usage qui est fait des établissements publics fonciers régionaux et sur les moyens de l’améliorer. Je suis d’ailleurs très étonné que cette question n’ait pas été abordée.

Je regrette que Mme la ministre ne m’ait pas répondu sur l’harmonisation des statuts de ces établissements – aujourd’hui, ils sont très différents – et sur l’extension de leurs possibilités de mobilisation de la taxe d’équipement ; à mon sens, il s’agit d’un outil très utile, qu’il faudrait développer partout.

En tout cas, la solution ne réside certainement pas dans des agrandissements qui seraient décidés ici ou là au gré des pressions ou des opportunités.

En outre, il y a un autre aspect qui n’a pas été envisagé : les mises à la constructibilité au cas par cas sans examen global peuvent avoir des incidences tout à fait dommageables en matière de prévention contre les risques, notamment les risques d’inondation. En France, il y a tout de même 19 000 communes concernées. Et nous savons très bien que certaines modifications, par exemple des élévations, ont des conséquences ailleurs. Une réflexion globale s’impose donc.

C’est pourquoi traiter le problème du foncier au cas par cas, petit bout par petit bout, ne me paraît pas la bonne manière de procéder. Nous voterons donc contre ces amendements et contre des dispositions similaires.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 7 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 6 rectifié ter, présenté par MM. Revet, G. Bailly, Beaumont et Doublet, Mme Goy-Chavent, MM. Laurent et Pierre, Mme Sittler, M. Mayet et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre de la procédure de révision simplifiée, le commissaire enquêteur est désigné par le préfet parmi les personnes figurant sur les listes d’aptitude visées à l’article L. 123-4 du code de l’environnement. Si le commissaire enquêteur n’a pas transmis son rapport au préfet dans un délai de deux mois à compter de la clôture de l’enquête, le conseil municipal prend une délibération motivée au vu des registres d’enquête.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Les différents orateurs qui se sont exprimés, y compris M. le rapporteur pour avis de la commission des lois, ont insisté sur les lourdeurs des procédures. Nous savons bien que, dans un document d’urbanisme ou dans le cadre d’une autre procédure, la nomination d’un commissaire enquêteur prend du temps.

Cet amendement porte donc sur les délais pour la désignation du commissaire enquêteur. Du fait de la lourdeur des procédures, des projets simples qui pourraient être rapidement opérationnels aboutissent trop tardivement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez déposé trop rapidement cet amendement, qui, sur le fond, est entièrement satisfait par les textes existants.

Je rappelle que le commissaire enquêteur rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l’enquête. S’il ne respecte pas ce délai, l’autorité compétente pour organiser l’enquête peut demander au tribunal administratif de dessaisir le commissaire enquêteur et de lui substituer un suppléant, ce dernier devant remettre son rapport dans un délai de trente jours.

Trente jours et trente jours faisant deux mois, vous avez donc satisfaction.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement émet également un avis défavorable pour les mêmes raisons que la commission. La loi Grenelle II pallie la carence d’un commissaire enquêteur, ce qui devrait consoler définitivement M. Revet ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.

M. Charles Revet. Monsieur le rapporteur, vous n’avez pas bien lu mon amendement.

Si je ne me trompe, à l’heure actuelle, ce n’est pas le préfet qui nomme le commissaire enquêteur, comme vise à le prévoir cet amendement. L’idée est la suivante : les élus étant en contact avec le préfet de région, ils peuvent lui demander plus rapidement qu’au président du tribunal administratif le remplacement d’un commissaire enquêteur. Mon amendement n’est donc pas satisfait.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, je lis votre texte : « […], le commissaire enquêteur est désigné par le préfet ». Il y a donc une contradiction entre ce que vous écrivez et ce que vous dites !

Quoi qu’il en soit, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, car il est satisfait sur le fond.

M. Charles Revet. Mais non, actuellement le commissaire enquêteur est désigné par le tribunal administratif ; je propose qu’il le soit par le préfet !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 6 rectifié ter.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 8 rectifié quater, présenté par MM. Revet, G. Bailly, Beaumont et Doublet, Mme Goy-Chavent, MM. Laurent, Pierre et Mayet et Mme Hummel, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les communes ne disposant pas de plan d’occupation des sols et où s’applique le règlement national d’urbanisme, le permis de construire est de droit accordé à la personne qui en fait la demande dès lors que celle-ci a fait l’objet d’un avis favorable du conseil municipal et que dans les deux mois suivant la notification et durant lesquels celle-ci aura été affichée en mairie, aucun recours dûment motivé n’aura été déposé. Les règles applicables en matière de délai de réponse sont celles en vigueur en matière de gestion des permis de construire.

La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Cet amendement est dans le même esprit que les précédents.

Pour certaines communes, notamment les communes rurales, la mise en place de documents d’urbanisme est une lourdeur qui ne se justifie pas en raison du faible nombre de permis de construire accordés.

Il est donc proposé de laisser plus de liberté au conseil municipal d’une commune qui ne dispose pas d’un document d’urbanisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. L’avis de la commission, encore une fois, est défavorable.

M. Charles Revet. Chacun persiste !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Pour moi, votre amendement inciterait les communes à ne pas se doter d’un document d’urbanisme et donc à délivrer des permis de construire sans aucune référence. Dès lors, vous comprendrez que la commission ne peut pas vous suivre, mon cher collègue.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

Par le biais de cet amendement, M Revet tente de supprimer toute règle nationale d’urbanisme, ce qui serait lourd de conséquences.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié quater.

(L’amendement n’est pas adopté.)

Articles additionnels avant l’article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Article 2 (nouveau)

Article 1er

Le code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° Aux deuxième et troisième phrases du sixième alinéa de l’article L. 123-1-11, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 20 % » ;

2° L’article L. 123-1-11-1 est abrogé ;

3° Le second alinéa de l’article L. 128-3 est supprimé.

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l’article.

M. Pierre Jarlier. L’article 1er est le cœur du présent dispositif puisqu’il vise à abroger l’ensemble des dispositions de la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire.

J’ai pris l’initiative de suggérer également une telle abrogation en déposant une proposition de loi cosignée par plusieurs de mes collègues de l’UCR.

Au moment du débat sur le texte de mars 2012, qui a suscité de multiples réticences au sein des associations d’élus, nous avons été nombreux, ici, sur toutes les travées, à regretter la précipitation avec laquelle nous avons été amenés à légiférer.

Quant aux professionnels du bâtiment, ils ont rapidement fait savoir qu’ils étaient tout aussi défavorables à ce dispositif, et ce pour une raison simple : la seule annonce de l’augmentation automatique des droits à construire a provoqué la suspension des transactions foncières en cours dans l’attente d’une augmentation du prix du foncier !

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. C’est vrai !

M. Pierre Jarlier. Voilà pourquoi nous pourrions connaître, comme cela a été évoqué tout à l’heure, une année blanche en termes d’efforts de construction de logements.

Cette loi remet surtout en cause le principe de libre administration des collectivités et la notion même d’urbanisme de projet dont le développement était paradoxalement encouragé par l’ancien ministre du logement.

Par ailleurs, l’insécurité juridique liée à des dispositions trop imprécises pourrait provoquer de nombreux contentieux, sans parler des dépenses supplémentaires imposées aux collectivités pour l’application des différentes mesures.

Il est donc aujourd’hui urgent d’abroger ce texte autant en raison de son imperfection que son inadaptation aux fondements même de l’urbanisme de projet.

Néanmoins, l’objectif de créer des logements rapidement est partagé par tous les acteurs de la construction, qu’il s’agisse des professionnels ou des collectivités ; l’augmentation des droits à construire pourrait répondre à cette ambition, sous certaines conditions.

Premièrement, elle doit être ciblée en cohérence avec le projet urbain défini par les élus.

Deuxièmement, elle doit reposer sur une base juridique solide pour éviter les contentieux déjà nombreux en matière de droit des sols.

Troisièmement, elle doit être concertée avec la population, dans le respect de la Constitution.

Quatrièmement, enfin, sa mise en œuvre doit respecter les compétences des collectivités territoriales en matière de droit des sols.

Force est de constater que ces conditions ne sont pas vraiment réunies dans la loi du 20 mars 2012, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, cette loi s’applique de façon arbitraire à l’ensemble du territoire, ignorant ainsi les spécificités locales. De ce fait, elle remet en cause les choix opérés par les assemblées délibérantes à l’issue d’une réflexion collective sur le développement de leur territoire, qu’il s’agisse de la forme urbaine, de la mixité sociale ou de l’habitat.

En deuxième lieu, elle impose, avant même que l’organe délibérant ne décide du champ d’application de la mesure, une consultation de la population sur la base d’une note d’information. Or il faudrait précisément prévoir la disposition inverse !

En tout état de cause, cette démarche peut s’avérer inutile dans les communes qui ne nécessitent pas une politique de densification plus importante que celle qu’elles ont déjà arrêtée.

Quelle que soit la position du conseil municipal qui suivra, la note d’information soumise préalablement au public sera créatrice d’un droit qui ne manquera pas d’être contesté ou revendiqué. Le risque de recours contentieux est donc réel.

En troisième lieu, cette mesure ne contraint pas les collectivités qui, par principe, délibéreront contre, non pas parce qu’elles ont déjà intégré la densification sur leur territoire, comme le suggère d’ailleurs le droit existant, mais parce qu’elles sont fondamentalement opposées à toute contrainte de ce type malgré le manque patent de logements, notamment sociaux, sur leur territoire.

Ce sont pourtant ces communes que le texte devrait cibler. La mesure est donc inefficace dans les zones où elle devrait être appliquée en priorité alors que, paradoxalement, elle s’impose aux communes qui travaillent déjà à une meilleure densification dans le cadre de la révision de leurs documents d’urbanisme. N’oublions pas que la disposition s’applique aussi aux communes qui révisent leurs documents d’urbanisme.

Pour finir, je veux souligner que le dispositif applicable actuellement présente deux autres inconvénients majeurs.

D’une part, il entraînera des dépenses nouvelles pour toutes les communes et les EPCI compétents, même si la démarche obligatoire de consultation du public s’avère inutile au terme du débat du conseil municipal.

D’autre part, il existe un risque réel pour certaines collectivités qui n’anticipent pas la mise en œuvre de la loi. Ces dernières pourraient se voir imposer une majoration automatique des droits à construire sur l’ensemble de leurs zones urbanisées. Les délais imposés par la loi sont très contraints et toutes les collectivités ne seront peut-être pas en mesure techniquement de les respecter.

Enfin, les excellents rapports des deux commissions du Sénat montrent qu’à l’heure de ce débat moins de dix collectivités ont délibéré pour adopter cette majoration sur les dix-sept mille communes dotées d’un document d’urbanisme.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Pierre Jarlier. Dans ces conditions, mes chers collègues, loin de toutes considérations partisanes et pour répondre aux attentes pressantes des communes, je voterai la suppression de l’ensemble des dispositions de la loi du 20 mars 2012. Malgré une petite divergence par rapport au contenu du texte que j’ai moi-même proposé, je voterai l’abrogation de cette loi inefficace et juridiquement incertaine. (Applaudissements sur les travées de l’UCR, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste et sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach, sur l’article.

M. Philippe Kaltenbach. La loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, dont l’abrogation est proposée aujourd’hui devant la Haute Assemblée, est caractéristique du précédent quinquennat – le débat que nous avons eu cet après-midi l’a parfaitement démontré –, et ce pour quatre raisons, peu flatteuses pour l’ancien gouvernement.

Tout d’abord, ce quinquennat fut celui de la précipitation et de l’opportunisme électoral. La loi du 20 mars 2012 a été votée à la hâte pour satisfaire la volonté d’un Président de la République, candidat à sa réélection, qui, à seulement quelques semaines de la fin de son mandat, a souhaité combler le vide de son bilan en matière de logement.

M. Roland Courteau. C’est exact !

M. Philippe Kaltenbach. Des logements dont il a largement contribué à renchérir le coût par des incitations fiscales inadaptées et par une baisse vertigineuse des crédits alloués à la construction de logements sociaux.

La France de propriétaires vantée par Sarkozy est devenue une France où près d’un Français sur six est aujourd’hui mal logé ou pas logé, une France où une grande partie de la population vit désormais en zone dite « tendue » et consacre largement plus du tiers de ses revenus à son logement.

M. François Calvet. Que proposez-vous ?

M. Philippe Kaltenbach. Ensuite, ce quinquennat fut celui de l’autoritarisme et de l’absence de conciliation.

La loi du 20 mars 2012 a été imposée par le haut, sans concertation avec les élus locaux et les professionnels du secteur, qui sont pourtant les principaux acteurs d’une telle réforme.

S’il avait daigné ralentir son train d’enfer, le « TGV » présidentiel aurait pu entendre les nombreuses réserves émises par les spécialistes de l’immobilier sur les effets d’une telle mesure, des réserves, notamment, formulées lors des auditions que le Sénat, toujours soucieux d’offrir un travail législatif approfondi, a réussi à mener en dépit d’un calendrier extrêmement resserré.

En outre, ce quinquennat fut aussi celui de l’affichage médiatique. La loi du 20 mars 2012 est en effet parfaitement redondante avec le droit existant. Des dispositifs visant à augmenter la constructibilité existaient déjà avant le vote de cette loi pour les communes et les intercommunalités qui le souhaitaient.

Ce texte va donc à l’encontre de l’indispensable simplification du droit et ne répond ni aux attentes ni aux besoins des élus locaux et des populations.

Enfin, ce quinquennat fut celui de la recentralisation du pouvoir. La loi du 20 mars 2012 est contraire à la libre administration des collectivités territoriales. Avec M. Sarkozy, celles-ci ne choisissent plus elles-mêmes les outils urbanistiques auxquels elles souhaitent recourir. Elles ne disposent plus que de la liberté de refuser ceux que l’on tente de leur imposer par le haut.

Cette loi est profondément pernicieuse : elle sous-entend que si l’offre de logements est aujourd’hui largement insuffisante dans certaines régions françaises, c’est uniquement le fait d’élus frileux, dépourvus de volontarisme. Or, nous le savons, si la production de logements a un peu augmenté au cours des cinq dernières années, ce n’est pas grâce à l’ancien gouvernement, c’est grâce au travail des élus locaux ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)

M. Henri de Raincourt. Bien sûr, on s’en serait douté ! Vous êtes très objectif !

M. Philippe Kaltenbach. Dans la ville dont je suis le maire, Clamart, en banlieue parisienne, je me suis évertué durant les cinq dernières années à boucler, toujours plus difficilement, les financements liés à la réalisation d’une offre de logements diversifiée. Chaque année, avec la baisse des aides à la pierre, il est de plus en plus difficile de construire.

De nombreux maires dont les communes sont situées dans des zones particulièrement exposées à la crise du logement et soucieux de faire plus et mieux ont maintes fois demandé un soutien plus important de la part de l’État. Je sais que le nouveau gouvernement répondra positivement aux besoins exprimés par les collectivités locales.

Malheureusement, jusqu’à présent, cela a été souligné, les crédits étaient largement alloués à des dispositifs d’exonération fiscale qui ne conduisaient généralement qu’à bâtir des logements là où les besoins n’étaient pas les plus importants.

Cette loi, dont je souhaite que nous votions l’abrogation aujourd’hui, est donc parfaitement hors sujet, comme d’ailleurs une très grande partie de la politique du logement du précédent gouvernement.

M. François Calvet. Quelle exagération !

M. Philippe Kaltenbach. De surcroit, en plus d’être hors sujet, ce texte dont la mise en œuvre s’accompagne d’une procédure complexe est susceptible d’entraîner de futurs recours contentieux. Il impose en effet des délais restreints aux collectivités pour organiser l’indispensable note d’information au public qui va de pair avec la loi relative à la majoration des droits à construire. Les communes de taille modeste, qui représentent l’essentiel du paysage français, étant dépourvues de services dédiés à l’urbanisme, connaissent souvent un embarras important pour organiser cette consultation.

Il est donc urgent d’abroger la loi du 20 mars 2012, qui est encombrante pour les élus locaux. Je suis convaincu que nombre de nos collègues de l’opposition, maires ou présidents d’EPCI, pousseront ce soir un « ouf » de soulagement…

Dans mon département, les Hauts-de-Seine, où l’UMP n’est pas la moins sarkozyste, peu de communes ont délibéré, mais toutes, de gauche comme de droite, ont rejeté l’application de cette loi relative à la majoration des droits à construire. Au sein de mon propre conseil municipal, l’UMP a refusé d’appliquer la loi.

Compte tenu de ces délais contraignants dont j’avais conscience en tant que maire ainsi que du délai minimum de six semaines qui s’impose aux sénateurs avant qu’il soit procédé à l’examen de leurs propositions, j’avais déposé une proposition de loi visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire, proposition qui a été intégrée au texte de Thierry Repentin et du groupe socialiste.

Le Gouvernement s’est également saisi du dossier, je tiens à l’en remercier et à remercier Mme Duflot d’avoir agi rapidement et d’avoir choisi la procédure accélérée, qui nous permet aujourd’hui d’examiner ce texte et, je l’espère, de l’adopter, afin de soulager les communes en leur épargnant de délibérer sur cette aberration législative.

Pour la suite, et cela a été dit, après avoir fait place nette, nous allons pouvoir reprendre le débat sur une autre politique du logement. Je sais que le Gouvernement et des groupes parlementaires travaillent sur ce dossier ; à la rentrée, nous serons en mesure d’aborder les différentes questions de fond qui ont été évoquées ici, pour répondre enfin à la crise du logement, qui touche une part grandissante de la population et doit nous préoccuper. Commençons par abroger cette aberration législative pour, ensuite, travailler ensemble à modifier les règles et rendre possible une nouvelle politique du logement en France.

M. le président. L’amendement n° 1, présenté par Mme Lamure et MM. Calvet, Buffet, César, G. Bailly, Bas et Savary, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François Calvet.

M. François Calvet. Nous nous accordons tous pour reconnaître qu’un important effort de construction est nécessaire en France. Pourtant, vous souhaitez supprimer une loi qui est de nature à contribuer de façon intéressante à la résolution de ce problème. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

Une loi qui est de nature à répondre à la demande de nombreuses familles qui s’agrandissent et qui ne souhaitent pas quitter leur maison devenue trop petite.

Une loi de densification du milieu urbain de nature à répondre en partie au fléau du grignotage inexorable des terres agricoles.

Une loi qui n’engage pas de dépenses publiques supplémentaires, contrairement aux programmes de production de logements sociaux, qui demeurent bien entendu une priorité compte tenu de la demande croissante.

Et vous voulez la supprimer avant même que le dispositif soit mis en place. Comment alors pouvoir juger de son efficacité ?

Je voudrais insister sur la nécessité de ne pas se montrer frileux, eu égard à l’importance des besoins non satisfaits en matière de logement, d’autant qu’à ce stade aucune politique volontariste en faveur de la construction de logements ne se dessine.

Tout d’abord, cette loi ne soulève aucune objection de principe,…

M. Martial Bourquin. Ça alors !

M. François Calvet. … puisqu’il existait déjà des dispositions permettant de majorer les droits à construire permis par le coefficient d’occupation des sols dans la limite de 20 %. Porter ce plafond à 30 % ne constitue donc pas un saut dans l’inconnu, et rendre le dispositif plus incitatif pour les collectivités est une bonne mesure dans un contexte de crise, dès lors que cette loi respecte le principe constitutionnel de la libre administration des communes.

En effet, contrairement à certaines affirmations, cette loi n’a jamais institué d’obligation : elle prévoit que tout conseil municipal ou organe délibérant d’établissement public de coopération intercommunale peut s’opposer à l’application de la mesure, totalement ou partiellement. Il s’agit d’un verrou tout à fait essentiel.

Enfin, il a été plusieurs fois prétendu que la mise en œuvre de ce dispositif entraînerait une augmentation du coût du logement. C’est méconnaître le fonctionnement du marché du logement : accroître l’offre de logements n’a pas d’effet inflationniste, au contraire.

Bien évidemment, cette loi n’a jamais eu la prétention de régler tous les problèmes de logement, elle pouvait constituer cependant un élan, par une incitation nouvelle, qu’il ne fallait surtout pas négliger.

La loi du 20 mars 2012 a donc une portée à la fois économique et sociale, qui mérite d’être soutenue. Ce sont les raisons pour lesquelles, avec mes collègues cosignataires de cet amendement, nous souhaitons supprimer cet article visant à abroger la loi relative à la majoration des droits à construire.

M. Charles Revet. Très bien ! !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne sais pas, mes chers collègues, s’il faut reprendre tous les arguments que nous avons évoqués lors de la discussion générale. (Non ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

M. Roland Courteau. On a compris !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je constate en tout cas que notre collègue François Calvet vient renforcer le pool des sénateurs qui s’intéressent au logement. Jusque-là, mon cher collègue, je n’avais pas remarqué votre intérêt pour cette question au sein de la commission, mais je m’en félicite ! (Sourires et applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)

Cela étant, vous comprenez bien que la commission ne peut être que défavorable à cet amendement, qui est contraire à notre proposition de loi. Il faut quand même un peu de cohérence !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, pour l’ensemble des raisons que nous avons eu l’occasion d’énoncer au cours du débat. Cette proposition de loi, je le rappelle, répond aussi à une demande très précise de l’ensemble des associations d’élus, quelle que soit la taille de la collectivité qu’ils représentent.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.

M. Jean-Paul Emorine. Je profite de cet instant, en tant qu’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, dont les membres ont beaucoup suivi les lois sur le logement, pour faire à notre collègue Philippe Kaltenbach un rappel concernant les logements sociaux.

Sous le dernier gouvernement socialiste, Lionel Jospin était alors Premier ministre, alors que nous étions en période de croissance – une cagnotte avait même été constituée –, 40 000 logements sociaux par an étaient réalisés ; dans une période de crise, sous le gouvernement de François Fillon, 120 000 logements sociaux par an ont été construits. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Philippe Kaltenbach. Grâce aux collectivités !

M. Jean-Paul Emorine. Mes chers collègues, que vous soyez favorables à l’abrogation de cette loi – nous sommes en démocratie –, je trouve cela légitime, mais les chiffres sont têtus.

M. Jean-Paul Emorine. Il faut comparer une période de croissance avec une période de crise : alors que le nombre de logements sociaux mis en place était de 40 000 à l’époque, pendant ces cinq dernières années, vous l’avez reconnu, il y a eu 120 000 logements sociaux !

M. Roland Courteau. Les lois n’étaient pas les mêmes !

M. Jean-Paul Emorine. Les dispositifs étaient peut-être différents, mais, en attendant, les logements sociaux ont été réalisés ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.

M. François-Noël Buffet. Tout d’abord, un constat semble être partagé sur l’ensemble de nos travées : nous avons besoin de construire des logements, singulièrement des logements sociaux.

Nous pouvons objectivement dire que, durant la période qui vient de s’écouler, sous les derniers gouvernements, le nombre de constructions a largement augmenté en France, en particulier, comme vient de le dire M. Emorine, en matière de logement social. Et l’on ne peut pas dire que c’est uniquement grâce aux collectivités locales que cela a pu se faire ! Je tiens en effet à rappeler, mais tous ceux qui sont de bonne foi le savent, que l’État a contribué activement à l’aide à la pierre. Je pourrais dire d’ailleurs avec beaucoup plus de précision que Gérard Collomb, qui est président de la communauté urbaine du Grand Lyon, a même eu des difficultés à consommer les crédits attribués par l’État pour la construction de logements sociaux,…

M. Philippe Kaltenbach. Je doute qu’il ait dit cela !

M. François-Noël Buffet. … alors même que l’agglomération lyonnaise se débrouille plutôt pas mal dans ce domaine.

Je vous invite donc à regarder les chiffres plutôt qu’à tenir des propos généraux et à caractère essentiellement politicien. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Combien de démolitions ?

M. François-Noël Buffet. Ensuite, je souligne que, sur ce texte, comme sur d’autres, vous êtes dans une logique de détricotage (Mme Samia Ghali s’exclame.) : « Ce qu’a fait l’ancien gouvernement était tout mauvais, donc, on va faire tout bien et on va tout supprimer, notamment les possibilités de construire 30 % de plus ».

Même si le système pouvait être considéré comme incomplet, il avait quand même des avantages : outre qu’il était simple et lisible, il laissait surtout aux collectivités locales – personne ne peut le contester ! – une liberté totale de faire ou de ne pas faire. La preuve, c’est que chacune des collectivités devait elle-même délibérer et dire si elle acceptait le système en totalité ou partiellement.

M. Jean-Jacques Mirassou. Mais c’est très compliqué !

M. François-Noël Buffet. C’était le respect de l’autonomie des collectivités locales et c’était bien normal dans un tel dispositif.

Aujourd’hui, vous allez tout supprimer. Pourtant, il aurait été tellement plus intéressant d’adopter une logique de proposition en présentant des amendements visant à améliorer le texte.

M. Roland Courteau. Cela va venir !

M. François-Noël Buffet. On aurait pu imaginer, par exemple, que ces 30 % de constructibilité supplémentaire soient accordés à des propriétaires dans la mesure où un type de logement social serait prévu dans le cadre du projet qu’ils développent.

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Que ne l’avez-vous fait ?

M. François-Noël Buffet. Pourquoi ne le faites-vous pas aujourd’hui, alors que cela pourrait être tout à fait utile ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Pourquoi ne le proposez-vous pas aux maires afin qu’ils puissent, dans la préparation de leurs documents d’urbanisme, intégrer ce type de dispositif ?

En fait, vous respectez tellement l’autonomie des collectivités locales que vous allez multiplier par cinq l’amende dans le cadre de la loi SRU, pour que les communes payent plus encore. Il vaudrait mieux avoir une vision plus large, par exemple en bonifiant l’action des communes qui agissent en faveur du logement social. Au lieu de condamner en permanence, une telle disposition serait beaucoup plus positive.

Vous feriez bien mieux également de travailler sur un parcours résidentiel complet, ce qui serait vraiment utile pour l’ensemble des Français, et à ce moment-là, réviser la position sur l’article 50 de la loi SRU. On pourrait ainsi imaginer de passer de 20 % à 25 %, voire même à 30 %, à la condition qu’on y intègre l’accession sociale à la propriété et qu’on soit dans une vraie logique de parcours résidentiel.

M. Roland Courteau. C’est un peu tard pour le faire dans le SCOT !

M. François-Noël Buffet. Mais vous l’avez toujours refusé ; c’est dommage, on aurait pu avancer très vite sur ces sujets, qui sont vraiment des sujets de fond d’un grand intérêt.

Vous avez décidé d’abroger cette loi, vous allez incontestablement le faire. Le destin de cette loi est funeste et il sera sans difficulté scellé aujourd’hui, compte tenu des rapports de force. Mais, véritablement, vous ne saisissez pas l’opportunité qui vous est donnée d’améliorer les choses (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) en amendant les textes et d’aller vers quelque chose de plus qualitatif. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le groupe auquel j’appartiens votera contre l’abrogation de la loi du 20 mars. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

M. Martial Bourquin. La campagne électorale est terminée. Personne ne peut donc plus nier désormais le manque structurel de logements ou l’incroyable hausse des loyers, qui est insupportable pour beaucoup de familles.

M. Charles Revet. Mais tout est lié !

M. Martial Bourquin. Cela prouve que la politique du précédent gouvernement est un échec. Au reste, les Français ont voté…

Aujourd’hui, les élus de gauche et de droite demandent l’abrogation de ces droits à construire augmentés de 30 %. Pourquoi ? Parce que la densité se pense, se travaille, avec un urbanisme de projet. Avec cette mesure, c’était le n’importe quoi qui allait se mettre en place.

M. Philippe Kaltenbach. Tout à fait !

M. Martial Bourquin. C’était la négation des PLU, des SCOT. Bien au-delà des divergences et des appartenances politiques, nous avons entendu des élus nous dire : « Retirez cette loi et, surtout, ne nous amenez pas à payer des études pour nous obliger non seulement à délibérer mais en plus à payer des études pour empêcher une aberration ».

Chers collègues, je vous propose de supprimer cette loi purement électoraliste, qui ne règle en rien la question du foncier et du financement du logement. Ensuite, comme Mme la ministre nous l’a dit et comme M. le Premier ministre est venu nous l’annoncer ici, au Sénat, nous pourrons aborder une vraie politique du logement, avec la question du foncier.

Comme je l’ai déjà dit le jour où a été votée la loi du 20 mars 2012, il y a, en plein cœur de la ville dont je suis maire, plusieurs hectares de friches appartenant à Réseau ferré de France qui sont dans un état lamentable, non entretenus et que je ne peux pas acheter ; alors qu’ils ont été évalués à 8 euros le mètre carré, RFF a voulu me les vendre 90 euros le mètre carré.

M. Martial Bourquin. Et la situation que je vis à Audincourt se retrouve dans beaucoup de villes.

Mme Samia Ghali. Exactement !

M. Martial Bourquin. Cela veut dire que nous allons repenser la politique du logement, en intégrant la question foncière et en trouvant des leviers de financement. Il faudra donc aborder la question de l’aide publique au logement, de l’aide à la pierre. Il faudra aussi aborder les partenariats publics-privés.

Mais la ville doit rester humaine, les bourgs doivent rester humains. Si votre voisin se met à augmenter les droits à construire de 30 %, dans n’importe quelle condition, parfois même au mépris du droit de l’urbanisme, c’est l’anarchie. On ne construit pas la ville. La ville a une dimension esthétique. La densité, bien sûr, il faut la mettre en place, il faut arrêter l’étalement urbain, mais la ville doit être humaine, esthétique. Tout cela est balayé avec la loi du 20 mars 2012.

Le Gouvernement vient d’entrer en fonction, et vous, vous avez gouverné pendant dix ans. Si, dans une décennie, nous n’avons apporté aucune réponse, vous pourrez nous le reprocher. Mais vous verrez que, d’ici à quelques mois, vous en aurez !

Pour l’instant, s’ouvre le temps de la négociation. Je remarque que toutes les associations d’élus, sans exception, sont opposées à cette mesure. Abrogeons cette loi, puis nous mettrons en place une véritable politique du logement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Christian Namy applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je souhaite répondre en quelques mots à notre collègue François-Noël Buffet. Qu’on soit favorable ou non à la majoration automatique de 30 %, on ne peut pas nier que ce dispositif tend à imposer aux collectivités des dépenses d’études supplémentaires relatives à la note d’information, dont on ne connaît d’ailleurs pas précisément le périmètre, ni le contenu.

D’après les informations que j’ai obtenues de l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France, l’application de ce dispositif coûterait au minimum 10 000 euros. Vous voyez ce que cela peut représenter pour chaque commune !

Je rappelle que l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 n’empêche pas l’application éventuelle de majorations de 20 %, de 30 % ou de 50 %. (M. Claude Dilain applaudit.)

La mini-enquête qui a été menée à la fois par le ministère et par l’ADCF nous laisse à penser que l’utilisation de ces potentielles majorations risque d’être proche de l’epsilon, pour employer une métaphore mathématique. En effet, les collectivités ne se précipitent pas pour utiliser ces possibilités. Comme je l’ai dit à Mme la ministre, il faudra trouver un moyen incitant à consommer moins d’espace et à optimiser l’espace utilisé.

M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Daniel Raoul, rapporteur. Je ne sais pas où notre collègue François-Noël Buffet a vu une logique de « détricotage ». Pour cela encore faudrait-il au moins deux éléments. Or, pour le moment, je n’en vois qu’un, cette proposition de loi.

M. Charles Revet. Vous aviez commencé depuis le mois d’octobre…

M. Daniel Raoul, rapporteur. Par ailleurs, je tiens à signaler à l’ancien président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, Jean-Paul Emorine, que je demanderai que l’on fasse la part réelle des PLS dans les logements sociaux. Franchement, je ne suis pas certain que les PLS apportent un réel avantage social… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Samia Ghali. Tout à fait !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Articles additionnels après l'article 2

Article 2 (nouveau)

Toute majoration née de l’application de l’article L. 123-1-11-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction antérieure à la présente loi et en vigueur à la date de sa promulgation continue à s’appliquer aux demandes de permis et aux déclarations déposées en application de l’article L. 423-1 du même code avant le 1er janvier 2016.

À tout moment, le conseil municipal ou l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent peut adopter une délibération mettant fin à l’application de cette majoration. Cette délibération est précédée de la consultation du public prévue au II de l’article L. 123-1-11-1 du même code dans sa rédaction antérieure à la présente loi. – (Adopté.)

Article 2 (nouveau)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Articles additionnels après l’article 2

M. le président. L’amendement n° 2, présenté par M. Kaltenbach, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 123-10 du code de l’urbanisme est ainsi rédigé :

« Après l’enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre 1er du code de l’environnement, le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou le maire présente la synthèse des observations des personnes publiques consultées, des associations agréées de protection de l’environnement et du public et la manière dont il en est tenu compte ou non par le plan local d’urbanisme éventuellement modifié, à l’organe délibérant de l’établissement public ou au conseil municipal. La synthèse de ces observations et la manière dont elles sont prises en compte par le plan local d’urbanisme sont tenues à la disposition du public au moins quinze jours avant que l’approbation du plan local d’urbanisme par délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l’article L. 123-6 du conseil municipal. »

La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. On le voit bien, il était important de soumettre rapidement à l’examen de la Haute Assemblée le texte visant à abroger la loi du 20 mars 2012, car cette dernière est redondante avec le droit existant, « recentralisatrice » et susceptible de donner lieu à des recours contentieux.

Toutefois, cette loi dont j’ai dit beaucoup de mal présentait une avancée en matière non pas, bien évidemment, de politique du logement et de réponse à la grave crise que nous connaissons, mais de participation citoyenne aux projets d’urbanisme. En effet, la procédure liée à la mise en place de la note d’information du public nécessaire pour appliquer ou non la majoration des droits à construire fait obligation aux collectivités de rendre compte aux citoyens des observations recueillies dans le cadre de cette note.

Cette obligation est précisée dans la loi que nous allons abroger. Or il me semble important que cette avancée soit reprise dans le cadre de l’élaboration ou de la modification des plans locaux d’urbanisme. Elle permettrait de mettre le droit en conformité avec l’esprit de l’article 7 de la charte de l’environnement et celui de la convention d’Aarhus, signée le 25 juin 1998 par trente-neuf États, dont la France, qui porte sur l’accès à l’information, la participation du public et l’accès à la justice en matière d’environnement.

Le droit de participation du public à l’élaboration des décisions ayant une incidence sur l’environnement, comme les plans locaux d’urbanisme, comporte trois piliers : la formation, le recueil des observations du public et la restitution des observations recueillies au cours des consultations antérieures.

C’est ce troisième pilier qui est mis en œuvre par la loi du 20 mars 2012 dans le cadre de la procédure liée à la note d’information du public prévue par l’application, ou la non-application, de la majoration des droits à construire.

Mon amendement vise donc à conserver cette avancée en l’appliquant à l’élaboration et à la modification des plans locaux d’urbanisme. Il s’agit de moderniser et d’élargir un dispositif déjà introduit dans le champ de l’aménagement par la réforme de la loi du 18 juillet 1985, avec l’article L. 300-2 du code de l’urbanisme.

Cette demande est également relayée par de nombreuses associations, qui souhaitent, tout comme les citoyens, pouvoir prendre connaissance du compte rendu des consultations et des débats menés à l’occasion de la modification des documents d’urbanisme.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, je ne m’étendrai pas sur la forme de votre amendement, qui, à l’instar de ceux qui suivront, est un cavalier législatif.

Sur le fond, je m’étonne de son contenu. Alors que nous cherchons à simplifier et à alléger les procédures, vous ajoutez une contrainte supplémentaire.

Tout d’abord, le fait de distinguer le public et les associations agréées de protection de l’environnement me pose problème.

Ensuite, l’obligation faite au maire ou au président de l’EPCI de présenter dans quelle mesure les observations sont ou non prises en compte représente une contrainte de plus ou, à tout le moins, une étape supplémentaire dans la procédure.

Enfin, vous prévoyez de mettre à la disposition du public la synthèse des observations.

On peut continuer à l’infini… C’est pourquoi vous comprendrez que j’émette un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Pour les raisons que j’ai précédemment rappelées, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Sur le fond, la question soulevée par cet amendement est intéressante ; elle sera versée au débat, dont j’ai évoqué la teneur, qui débouchera sur un projet de loi au printemps prochain.

M. le président. Monsieur Kaltenbach, l’amendement n° 2 est-il maintenu ?

M. Philippe Kaltenbach. Puisque Mme la ministre s’est engagée à remettre sur le métier la question de la concertation avec le public et les associations sur les documents d’urbanisme, je retire mon amendement.

J’espère que nous aurons l’occasion de débattre à nouveau de cette question et que j’aurai l’opportunité de convaincre le président de la commission des affaires économiques de l’importance de rendre compte de la concertation auprès de ceux qui s’intéressent à ces questions.

Une concertation est véritablement réussie lorsque les élus reviennent après l’enquête publique devant la population pour expliquer ce qui les a conduits à faire tel ou tel choix, précisément sur la base de la concertation qui a été engagée.

M. le président. L’amendement n° 2 est retiré.

L’amendement n° 3, présenté par M. Chiron, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 442-9 du code de l’urbanisme, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles d’urbanisme contenues dans les documents approuvés d’un lotissement ne peuvent supplanter les règles d’un plan local d’urbanisme en vigueur. »

La parole est à M. Jacques Chiron.

M. Jacques Chiron. Plusieurs maires de communes rurales et périurbaines m’ont fait part de la contradiction qui peut exister entre les règlements des lotissements et leurs plans d’urbanisme.

Dans le cadre du dépôt d’un permis d’aménager, obligation est faite aujourd’hui de respecter cumulativement les règles du règlement de lotissement et celles du plan local d’urbanisme, en s’alignant toujours sur la règle la plus restrictive.

Le règlement de lotissement est un document réglementaire qui peut imposer des règles d’urbanisme plus contraignantes que celles du PLU en vigueur, par exemple concernant les modalités d’implantation et la densité du bâti.

L’article L. 442-11 du code de l’urbanisme ouvre la possibilité pour la commune de « modifier tout ou partie des documents du lotissement, et notamment le règlement et le cahier des charges, pour les mettre en concordance avec le plan local d’urbanisme ». Cela ne peut toutefois se faire que lors de l’approbation d’un plan local d’urbanisme, après enquête publique et délibération du conseil municipal. Ce dispositif représente une procédure particulièrement longue et lourde à gérer pour les petites communes et les communes périurbaines et ne permet pas d’offrir une réactivité suffisante lors de l’instruction des autorisations de construire.

Il apparaît donc opportun de donner aux communes la possibilité de se doter de documents d’urbanisme applicables sur l’ensemble de leur territoire, en cohérence avec leur projet de développement. Alors que la crise du logement est plus que jamais d’actualité, la possibilité laissée à des opérateurs privés de mettre en place des densités très faibles dans leurs opérations va à l’encontre des objectifs de densification ou de compacité. Or la compacité permet de limiter l’étalement urbain, de protéger les espaces naturels, de préserver les ressources financières des collectivités et de diminuer le coût de l’immobilier sur un marché en hausse régulière.

Telles sont les raisons pour lesquelles je propose cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mon cher collègue, vous savez déjà, puisque je vous l’ai dit lors d’un entretien, que, sur la forme, votre amendement est un cavalier législatif. Je le considère donc comme un amendement d’appel, car, sur le fond, le problème que vous soulevez est réel. Certains opérateurs privés mettent en effet en place des densités très faibles, en contradiction avec les préconisations des PLU.

Nous savons que, au terme d’un délai de dix ans, les règlements de lotissement deviennent caducs. Par ailleurs, si l’approbation du PLU intervient postérieurement au permis d’aménager un lotissement, l’autorité compétente peut engager une procédure pour modifier tous les documents du lotissement ou une partie d’entre eux.

Je l’ai également dit à Mme la ministre, le point que vous soulevez devra être intégré au cahier des charges avec lequel elle va repartir. (Sourires.) Il est en effet nécessaire de « nettoyer » les règles de l’urbanisme en vue de les simplifier. La procédure que vous avez évoquée pour régler le problème du règlement du lotissement est effectivement lourde à appliquer. Évitons d’ajouter toujours de nouvelles contraintes.

Dans ces conditions, je vous demande de retirer votre amendement ; sinon, j’y serai défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Au-delà du cahier des charges avec lequel je vais repartir et qui, je l’espère, continuera d’être enrichi, je tiens à vous dire, monsieur le sénateur, que je comprends votre intention, mais que les termes employés sont peut-être inadéquats.

Dans certains cas, les règles de lotissement, surtout si elles sont antérieures, sont plus contraignantes en termes de densité que les règles d’un PLU. Faire prévaloir certaines règles s’accorderait mal avec la sécurité juridique qu’on se doit d’accorder à un acquéreur de lots dans le cadre d’une procédure de lotissements.

Je l’ai déjà dit, les amendements portant article additionnel après l’article 2 sont des cavaliers législatifs ; or nous souhaitons en rester à l’objectif initial de cette proposition de loi. Cependant, les éléments de fond que vous soulevez seront soumis à débat, car ils sont moins évidents qu’une lecture rapide de votre amendement pourrait le laisser croire. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait de votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. le président. Monsieur Chiron, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. Jacques Chiron. Je me rends à votre sagesse, et je retire mon amendement. Je souhaite tout de même que nous puissions revenir sur cette question afin de trouver une solution satisfaisante pour toutes les communes rurales et périurbaines.

M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.

L’amendement n° 10, présenté par M. Eblé, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L’article 21 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « région, », sont insérés les mots : « la région et les départements concernés » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « La région, le département concerné, » sont supprimés ;

c) La dernière phrase du quatrième alinéa est complétée par les mots : « dans un délai de vingt-six mois à compter de l’approbation du schéma d’ensemble du réseau de transport public du Grand Paris » ;

d) Les cinquième et sixième alinéas sont supprimés ;

2° Le IV est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « dès lors qu’il est compatible avec le schéma directeur de la région Île-de-France » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « le schéma directeur de la région Île-de-France, » sont supprimés et les références : « L. 123-16 et L. 141-1-2 » sont remplacées par la référence : « et L. 123-16 » ;

II. L’article L. 300-6 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du schéma directeur de la région d’Île-de-France, » sont supprimés ;

2° À la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « le schéma directeur de la région d’Île-de-France, » sont supprimés.

La parole est à M. Vincent Eblé.

M. Vincent Eblé. Cet amendement vise à introduire un certain nombre de précisions dans la loi sur le Grand Paris en ce qui concerne l’élaboration des contrats de développement territorial, les CDT.

Vous le savez, ces contrats ont vocation à organiser de façon partenariale avec l’État et les collectivités concernées l’aménagement autour des gares du futur réseau Grand Paris Express.

Le dispositif inscrit dans la loi souffre toutefois de trois handicaps majeurs relatifs à la fois au calendrier d’élaboration des CDT, à la nature des signataires et à la conformité de ces CDT avec le schéma directeur de la région Île-de-France.

Aussi mon amendement vise-t-il, premièrement, à reporter de quelques mois la date butoir d’élaboration des CDT, pour que celle-ci corresponde à la révision en cours du schéma directeur de la région Île-de-France, le SDRIF ; c’est une question de cohérence. En outre, les délais actuels apparaissent largement irréalistes compte tenu de l’état d’avancement très différencié des CDT selon les territoires.

Deuxièmement, il tend à faire de la région et des départements des cosignataires de ces CDT, ce que la loi actuelle exclut. Or les collectivités régionales et départementales sont directement concernées par ces contrats, ne serait-ce que par la réalisation d’équipements publics comme les collèges ou les lycées, les voiries, etc. Il apparaît donc indispensable qu’elles soient pleinement parties prenantes et signataires desdits CDT.

Enfin, troisièmement, il s’agit de rendre les CDT conformes au SDRIF, qui sera prochainement révisé. Il y va du respect des normes habituelles en matière de droit de l’urbanisme, alors que la loi sur le Grand Paris, contre toute logique, prévoyait exactement l’inverse : la mise en conformité du SDRIF avec ces CDT, ce qui était un acte de méfiance à l’égard de la région Île-de-France et allait à l’encontre de toute vision cohérente et globale à l’échelle métropolitaine.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. J’ai bien compris qu’il fallait de la cohérence entre les contrats de développement territorial et le schéma directeur de la région Île-de-France. Vous le voyez, même un provincial peut saisir les enjeux d’un tel amendement. (Sourires.)

Sur la forme, le même problème se pose que pour les précédents amendements : le lien avec la loi relative à la majoration des droits à construire est franchement « capillotracté » ! (Nouveaux sourires.)

J’espère que Mme la ministre, qui, je le rappelle, est aussi élue d’Île-de-France, pourra, en cette double qualité, donner à notre collègue Eblé des assurances à même de lui faire retirer son amendement. À défaut de retrait, la commission émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur le sénateur, je souscris pleinement à votre amendement, mais je ne peux pas être favorable à son adoption dans la mesure où nous nous sommes engagés à nous en tenir à l’objet de la proposition de loi.

Toutefois, pour vous répondre concrètement, je peux vous indiquer dès aujourd’hui que je vous soumettrai très prochainement une disposition portant le délai imparti à la conclusion des contrats de développement territorial à vingt-six mois ; cet allongement permettra que la date limite soit repoussée d’un an, au 27 octobre 2013.

En ma double qualité d’élue d’Île-de-France et de ministre en charge du Grand Paris, comme le souligne M. le rapporteur, je peux vous assurer que cette décision sera prise et qu’un projet de loi sera déposé en ce sens. J’ai donc bien compris que votre amendement visait davantage au report de la date limite qu’à inscrire un tel report dans la présente proposition de loi.

Par ailleurs, j’ai d’ores et déjà demandé au préfet de la région de l’Île-de-France d’assouplir les modalités de dialogue et d’établissement de ces contrats de développement, étant entendu que le délai de conclusion sera évidemment aussi repoussé dans un souci de cohérence avec le schéma régional en cours de discussion.

M. le président. Monsieur Eblé, l’amendement n° 10 est-il maintenu ?

M. Vincent Eblé. Non, je le retire, monsieur le président, compte tendu de ce que vient de dire Mme la ministre, que je remercie de ses engagements.

M. le président. L’amendement n° 10 est retiré.

L’amendement n° 11, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 481-1 du code de la construction et de l’habitation est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour leurs activités relatives au service d’intérêt général visées à l’article L. 411-2, l’établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais et ses filiales bénéficient du régime applicable aux sociétés visées au premier alinéa du présent article. »

La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. M. Raoul a raison : mon amendement, comme ceux qui viennent d’être présentés, ne concerne pas la majoration des droits à construire. Mais il me semblait impossible d’examiner un texte portant sur les problématiques du logement et de sa densité ou de réfléchir à la densification de nos capacités à produire du logement social ou à l’amélioration des conditions de logement des plus démunis sans aborder une question qui concerne un héritage de notre histoire régionale.

Permettez-moi d’évoquer très brièvement la situation de l’établissement public de gestion immobilière du Nord-Pas-de-Calais, l’EPINORPA, qui gère les 61 000 logements, en situation de dégradation avancée, du parc minier du Nord-Pas-de-Calais, et de me faire l’avocate, à l’instar d’ailleurs d’un certain nombre d’élus de ma région, de son changement de statut.

À ce jour, 70 % des locataires de ces logements ont des ressources inférieures au plafond des prêts locatifs aidés d’intégration. Autrement dit, les familles qui y vivent n’arrivent pas à accéder au logement social classique tellement leur situation est dégradée. Or, aujourd’hui, le statut de l’EPINORPA ne lui permet pas de bénéficier des avantages d’un bailleur social classique.

L’objectif de cet amendement d’appel est de vous alerter sur la nécessité et l’urgence qu’il y a à faire évoluer le statut de cet établissement pour qu’il devienne demain une société d’économie mixte qui puisse traiter aussi bien de la construction, de la requalification et de la densification du logement que de la gestion locative, au même titre que tous les bailleurs sociaux. À défaut, ce type d’habitat, situé dans un paysage aujourd’hui classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, ne pourra être réhabilité. Surtout, il ne permettra pas d’offrir un logement digne à ces locataires.

Madame la ministre, loin de moi l’idée de contester votre connaissance de ce patrimoine. Permettez-moi cependant de vous rappeler qu’il est situé sur des communes qui, souvent, sont les plus pauvres de notre territoire national. C’est pourquoi j’aimerais que vous preniez en considération cette situation et que vous ne l’oubliiez pas dans vos prochains textes sur le logement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Daniel Raoul, rapporteur. Mme Létard a elle-même parlé d’amendement d’appel. Je ne vais donc pas en rajouter. Il s’agit en effet d’un cavalier législatif : son lien avec le logement est aussi ténu que celui des amendements précédents.

En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame Létard, j’ai bien entendu votre appel.

Je sais que, plus que l’avocate d’EPINORPA, vous êtes la porte-parole des très nombreux élus régionaux et locaux qui sont confrontés à cette situation.

Soyez assurée que ce dossier fera l’objet d’une attention toute particulière des services de mon ministère et des membres de mon cabinet. Nous travaillerons à élaborer un dispositif qui permettra de trouver une solution et un statut adapté à l’ensemble de ce parc, qui présente bien évidemment des caractéristiques de logement très social.

Vous avez incidemment évoqué le classement du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO ; j’en profite pour saluer cette décision avec beaucoup de chaleur.

Si nous pouvons modestement participer à ce que l’amélioration des courées contribue à faire vivre ce patrimoine, qui est une fierté pour notre pays, nous en serons heureux. En tout cas, vous pouvez compter sur l’engagement du Gouvernement.

M. le président. Madame Létard, l’amendement n° 11 est-il maintenu ?

Mme Valérie Létard. Je veux remercier Mme la ministre de ses propos. D’ailleurs, je sais que des élus très proches d’elle ont beaucoup œuvré pour que le site soit classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, et je tiens à saluer cet effort collectif.

Cela étant, je le répète, l’évolution du statut de l’EPINORPA est très attendue dans le Nord-Pas-de-Calais ; la situation de ce territoire n’aura pas de solution si on ne lui accorde pas cet outil. En attendant, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 11 est retiré.

Vote sur l’ensemble

Articles additionnels après l'article 2
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.

Mme Samia Ghali. Je me suis abstenue de déposer un amendement sur la proposition de loi, car son unique objet est d’abroger la loi relative à la majoration des droits à construire, texte dont la mise en œuvre aurait pu être dangereuse pour certains territoires, notamment à Marseille et, plus largement, dans les Bouches-du-Rhône.

Je pense au reste à charge en matière de logement, en particulier social. En effet, augmenter la constructibilité revient, pour les locataires, à alourdir les charges. Or ces dernières sont déjà assez lourdes et difficiles à supporter. Ce sont de vraies contraintes, surtout dans une période économique qui est très défavorable.

Il aurait été important que l’on réfléchisse également à la question du foncier, laquelle devra être réglée. Dans le Sud, notamment dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les terrains sont très chers. Du fait de ces prix « défiant toute concurrence », si j’ose dire, il est aujourd’hui difficile pour un bailleur social de pouvoir tout simplement engager une construction.

Je reviens sur la question du prêt locatif social. Je souscris à ce qui a été dit tout à l’heure : nous devons sortir le PLS du logement social. Aujourd’hui, beaucoup de communes comptabilisent le PLS comme du logement social. Mais, si l’on sortait le PLS du logement social, on se rendrait malheureusement compte que beaucoup de communes sont loin de satisfaire les objectifs inscrits dans la loi SRU. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Je n’ai pas voté le projet de loi relatif à la majoration des droits à construire lors de son examen voici quelques mois parce que, s’il comportait des avancées intéressantes, il ne me paraissait globalement pas satisfaisant.

Aujourd’hui, je m’abstiendrai également.

M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

M. Claude Bérit-Débat. Je me félicite que nous abrogions aujourd’hui la loi relative à la majoration des droits à construire.

Je ne reviendrai pas sur les différentes raisons qui ont conduit Thierry Repentin d’abord, l’ensemble du groupe socialiste ensuite, à déposer cette proposition de loi : la précipitation dans laquelle le projet de loi avait été déposé, le fait qu’il soit source d’insécurité juridique, le surenchérissement du foncier auquel il conduisait. Sur ces questions, tout a déjà été dit !

Madame la ministre, je me félicite aussi des perspectives qui s’ouvrent à nous, au-delà de la simple d’abrogation de la loi du 20 mars 2012. En effet, le problème du logement est important.

Comme cela a été dit par un certain nombre d’orateurs, il touche de plus en plus de nos concitoyens, qui ne peuvent accéder à un logement décent.

Il touche également les projets des collectivités, qui, aujourd’hui, avec le surenchérissement et la raréfaction du foncier, ont de plus en plus de mal à construire, notamment du logement social.

Il touche en outre l’équilibre social, l’équilibre des villes que nous souhaitons dessiner, y compris des petites communes.

Nous attendons donc avec beaucoup d’impatience qu’un certain nombre de propositions soient faites pour répondre à toutes ces questions, notamment au problème du surenchérissement du loyer dans des zones tendues.

Avec Thierry Repentin, nous avions proposé un certain nombre de dispositifs, imaginés par des hommes et des femmes de terrain, au plus proche des problématiques de nos concitoyens. D’aucuns ont d’ailleurs reproché à la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui de ne pas avoir intégré ces mesures. Pour ma part, j’espère qu’un certain nombre d’entre elles seront rapidement reprises.

Le logement était une priorité de notre candidat, devenu Président de la République ; c’est une priorité du Premier ministre. J’espère, madame la ministre, que c’est également une priorité de votre ministère, dans la mesure où ce secteur relève de vos attributions.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Le groupe du RDSE votera à l’unanimité, moins une abstention, l’abrogation de la loi du 20 mars 2012.

Lors du vote de cette dernière, nous avions déjà formulé à son égard des critiques qui nous paraissaient évidentes : présentation à un moment inopportun ; inadéquation manifeste, tant sur la forme que sur le fond.

Las, il s’agissait fondamentalement d’un affichage préélectoral, qui, s’il avait été réellement mis en application, aurait eu des effets négatifs sur le prix du foncier et suscité des difficultés inéluctables dans la gestion quotidienne, comme des problèmes de voisinage ou de copropriété. Il était donc tout à fait utile et nécessaire de revenir au système antérieur avant de revoir la politique du logement.

Nous ne sommes pas favorables à une politique de détricotage systématique, mais nous considérons que la loi relative à la majoration des droits à construire présentait beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. Ses avantages, nous ne les avons d’ailleurs pas encore cernés…

En revanche, comme je l’avais signalé lors de l’examen du projet de loi en mars dernier, il nous semblait nécessaire de mettre un terme aux errements – d’ailleurs mis en lumière par la Cour des comptes – de la politique de zonage mise en place par le précédent gouvernement et de revoir rapidement les critères de détermination des zones dites « tendues » et « détendues ».

J’avais alors également rappelé qu’il avait malheureusement été porté atteinte aux possibilités d’autofinancement et donc de construction de logement social des organismes d’HLM, du fait des prélèvements financiers qui avaient été opérés – à notre avis tout à fait indûment – sur ces derniers, au détriment de la politique de logement social. À cet égard, je pense que la situation évoluera très rapidement.

Je crois aussi qu’il est nécessaire – et nous approuvons sur ce point les orientations définies par le gouvernement actuel – de pénaliser davantage les communes qui ne respectent pas la loi SRU, de même qu’il faut faciliter l’exercice du droit de préemption.

Enfin, une majorité d’entre nous souhaite que l’on mette en œuvre une politique de densification. Eh oui, il faut revenir à la construction en hauteur, même si ce n’était plus à la mode ! C’est aujourd’hui indispensable en raison des difficultés de tous ordres que nous rencontrons, mais cela relève aussi de l’évidence en termes d’organisation des réseaux, notamment de transport.

À cette fin, il est nécessaire de faciliter l’évolution des dossiers administratifs. Aujourd’hui, les recours s’accumulent et retardent parfois de plusieurs années le lancement des opérations de construction. Nous avons besoin d’une remise en ordre afin que l’on puisse construire plus facilement dans notre pays, sans que la mise en œuvre des projets des collectivités territoriales ou de l’État ne dure des années. Telles sont donc les observations que je souhaitais développer.

Pour conclure, je tiens à dire que le logement social et l’accession à la propriété doivent être des priorités absolues de notre politique. En effet, il est absolument scandaleux que des millions de Français connaissent une situation de précarité et d’attente insupportable en matière de logement.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Une grande partie du groupe de l’UCR s’abstiendra sur cette proposition de loi. En effet, nous avions bien conscience que la loi du 20 mars 2012 ne représentait pas la panacée et nous avions la certitude qu’elle poserait des problèmes d’application. Reste, madame la ministre, que vous allez devoir résoudre la quadrature du cercle : construire plus de logements, en raison d’une demande réelle non satisfaite, sur moins de terrain. En tout état de cause, cela s’appelle de la densification, à moins que vous ne trouviez une autre définition ou une nouvelle sémantique, et je suis tout à fait prêt à y adhérer.

Je souhaite appeler votre attention sur un autre point.

Certes, les zones urbaines tendues connaissent une situation délicate et cette problématique majeure s’impose à vous comme à nous, c’est-à-dire à tous ceux qui doivent décider. La densification sera donc incontournable, même si d’autres réponses peuvent également être apportées. Cependant, je tiens à vous poser la question de l’équilibre des territoires.

Dans les zones rurales non tendues, lorsque l’on y prépare des documents d’urbanisme, on ne raisonne plus en termes d’urbanisme à proprement parler, mais de potentiel de logements que l’on vous autorise à construire. Cette situation risque de poser un vrai problème à moyen terme, pour des collectivités ou des territoires qui se sont engagés dans des dépenses de service public et qui, si l’on poursuit dans cette voie, ne parviendront même pas à assurer le renouvellement de leur population. Ces collectivités vont subir un véritable effet de ciseaux, puisque l’argent public sera plus rare et que l’on veut leur interdire de construire, même pour garantir le renouvellement de la population existante !

Nous devons donc affronter deux problématiques majeures : la densification urbaine dans les zones tendues, qui connaissent de vrais problèmes d’offre de logements, et le niveau de constructibilité nécessaire pour permettre le renouvellement de la population dans les zones rurales moins denses.

Pour conclure, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, je pense qu’un véritable arsenal de mesures devra être mis en œuvre. Il faudra que ces mesures soient bien réfléchies, parce que l’argent public sera rare – il l’était déjà hier, il risque de l’être encore davantage demain ou après-demain. J’ai déjà dit plusieurs fois, dans cet hémicycle, que les opérateurs privés devront être au rendez-vous pour vous permettre de remplir vos objectifs, madame la ministre. Alors, ne les effarouchez plus, trouvez de justes équilibres dans la relation entre bailleurs et preneurs, afin que des investisseurs acceptent encore de s’engager !

Cela étant, nous nous abstiendrons majoritairement, et nous attendrons de voir ce que vous nous proposerez après-demain. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UCR. – MM. Pierre Bordier et Jackie Pierre applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Le groupe écologiste votera à l’unanimité cette proposition de loi.

J’ai apprécié la richesse de ce débat qui a montré que nous appartenions à des cultures différentes ; pour moi, c’est rassurant ! Nous allons devoir faire avancer la politique du logement, qui doit être une priorité nationale. Quelles que soient nos orientations politiques, nous devons tous travailler dans ce sens.

Je réitère le souhait que la puissance publique – les collectivités locales, mais aussi l’État – puisse s’imposer afin que se développe une véritable politique de l’urbanisme, intelligente, harmonieuse et équilibrée, dans le sens de l’intérêt général.

M. le président. La parole est à M. François Calvet.

M. François Calvet. Le groupe UMP votera contre cette proposition de loi, ce qui n’est pas une surprise ! En effet, ce texte contribue déjà au détricotage de tout ce qui a pu être fait lors du précédent quinquennat.

M. Charles Revet. Et ce n’est qu’un début !

M. François Calvet. On a voulu faire de la loi du 20 mars 2012 un symbole, alors qu’elle réglait de nombreux problèmes, notamment en faveur des familles qui s’agrandissent. Relever de 20 % à 30 % la majoration des droits à construire n’avait rien extraordinaire, ce n’était pas un saut dans l’inconnu, comme je l’ai dit précédemment. Cette abrogation augure mal des possibilités de concertation qui pourraient s’ouvrir.

Plusieurs de mes collègues ont souligné l’immensité des problèmes qui se posent en matière de logement. Nous attendons de véritables solutions de rechange.

M. Roland Courteau. Vous les connaîtrez bientôt !

M. François Calvet. Pour l’instant, vous ne proposez rien de concret…

M. Ronan Kerdraon. Ça va venir !

M. François Calvet.… et nous commençons à douter… comme une majorité de Français, dans quelque temps ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Le groupe CRC va bien sûr voter à l’unanimité cette proposition de loi.

Monsieur Calvet, lorsqu’un tricot est mal ficelé, il faut savoir le détricoter ! C’est ce que nous faisons. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur un sujet précis relatif à la politique foncière, puisque nous avons bien compris qu’il s’agit du grand dossier qui va nous occuper cet automne. De nombreux territoires se sont lancés dans l’adoption de schémas de cohérence territoriale. Dans le cadre de ces procédures, j’estime que les services de l’État imposent de façon unilatérale des données chiffrées sur lesquelles les élus n’ont pas leur mot à dire.

M. Daniel Dubois. Je suis tout à fait d’accord avec vous !

Mme Mireille Schurch. Je tiens donc à vous informer de cette situation. La collectivité dont je suis l’élue a déjà dû reculer l’adoption de son SCOT, et va sûrement devoir la reculer encore à l’automne, parce que les territoires ruraux et périurbains ne sont pas d’accord avec les chiffres des services de l’État.

Je pense que l’on va en effet freiner la construction. Je conçois tout à fait que l’on encourage la construction « intelligente », dans les « dents creuses », en se concentrant sur les centres-bourgs. Peut-être faut-il insister davantage sur ces priorités auprès de nos collègues maires, mais il est inadmissible de les assommer de chiffres qui tombent d’on ne sait où ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Charles Revet. C’est vrai !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

(La proposition de loi est adoptée.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. Mes chers collègues, je souhaite ajouter deux informations.

Premièrement, madame la ministre, je vous invite à vous rendre salle Clemenceau avec nos collègues afin que la commission des affaires économiques puisse procéder à votre audition sur la politique d’ensemble de votre ministère.

Deuxièmement, je remercie l’ensemble de nos collègues présents, quelles que soient les divergences d’opinion qui ont pu être exprimées lors de la discussion. Je constate en effet que nous sommes tous d’accord sur les objectifs, même si nous préconisons des méthodes différentes pour les atteindre. Le logement est donc une véritable priorité.

Madame la ministre, vous repartirez d’ici avec une lettre de mission assez chargée. Je vous remercie également de l’écoute dont vous avez fait preuve à l’égard des amendements d’appel de nos collègues.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire
 

9

Communication du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 10 juillet 2012, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2012-275 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

10

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 11 juillet 2012, à quatorze heures trente et le soir :

- Projet de loi relatif au harcèlement sexuel (procédure accélérée) (n° 592, 2011-2012) ;

Rapport de M. Alain Anziani, fait au nom de la commission des lois (n° 619, 2011-2012) ;

Texte de la commission (n° 620, 2011-2012) ;

Avis de Mme Christiane Demontès, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 613,2011-2012) ;

Rapport d’information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 619, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures dix.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART