M. Charles Revet. C’est certain !
M. Daniel Raoul, rapporteur. Encore n’est-il pas exhaustif ! Comme me l’a fait remarquer M. le rapporteur pour avis, on pourrait encore ajouter quelques lignes supplémentaires à ce tableau…
Vous constaterez l’illisibilité de ces trois dispositifs, qui n’ont ni le même champ d’application territorial, ni le même champ d’application matériel, ni les mêmes exceptions ! Comment les élus locaux pourraient-ils s’y retrouver ? Beaucoup d’entre eux ne connaissent d’ailleurs pas complètement ces dispositifs : il serait donc utile que des démarches informatives soient entreprises par le ministère.
Plusieurs amendements ont été déposés sur le texte de la commission. Celle-ci relève que la quasi-totalité d’entre eux n’ont aucun lien avec l’abrogation de la loi du 20 mars 2012. Elle vous invitera donc, mes chers collègues, à les rejeter, estimant qu’il n’est pas opportun d’introduire ainsi des « cavaliers législatifs ». Mme la ministre pourra peut-être, comme le souhaite la commission, prendre certains engagements qui conduiront leurs auteurs à les retirer.
La commission des affaires économiques compte en tout cas sur vous, madame la ministre, pour faire avancer un certain nombre de dossiers en matière d’urbanisme. Je ne prendrai qu’un exemple, celui des recours abusifs. En mars dernier, votre prédécesseur avait indiqué, en séance publique, qu’un décret sur ce sujet était en préparation et devait être signé avant la fin du même mois. Qu’en est-il ? Avez-vous l’intention de poursuivre les travaux engagés sur cette question essentielle afin de conforter la sécurité juridique des décisions prises par nos collectivités territoriales ?
M. Marc Daunis. Très bien !
M. Daniel Raoul, rapporteur. En conclusion, j’espère donc, madame la ministre, mes chers collègues, que la Haute Assemblée se prononcera à une large majorité en faveur de l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les deux excellents orateurs qui m’ont précédé ont largement rappelé le contexte dans lequel est intervenu, in extremis, le dernier jour de la session ordinaire, le vote de la loi dont nous proposons aujourd’hui l’abrogation. À trois reprises exactement, le ministre délégué, M. Apparu, avait évoqué un « renversement de la charge de la preuve ». En effet, tout l’objet de son projet de loi, que je qualifierai de texte d’affichage, était précisément de donner une réponse autre que monétaire à l’interpellation, ô combien légitime, de la Fondation Abbé Pierre, qui constate l’aggravation année après année de la situation du logement en France. La loi du 20 mars 2012, en instaurant pour tous les territoires, qu’ils soient ruraux, périurbains ou urbains, une majoration unilatérale et automatique de 30 % de la constructibilité des terrains, a traduit la volonté présidentielle, exprimée notamment au travers du discours de Longjumeau, de mettre en accusation les collectivités locales.
Or il se trouve que, à cette même époque, je m’occupais d’établir, pour la communauté urbaine de Lille, le bilan des aides au logement accordées par l’État au travers de la convention des délégations de compétence des aides à la pierre : en 2011, elles ont atteint 11 millions d’euros, alors que l’aide directe pour le logement octroyée la même année par la communauté urbaine de Lille représentait le double de cette somme, soit 22 millions d’euros. Voilà un exemple concret, qui reflète la réalité des choses.
Au nom de la commission des lois, je me suis attaché à examiner la présente proposition de loi au regard, avant tout, du respect du principe de libre administration des collectivités territoriales.
Que se passera-t-il si nous votons, comme je l’espère, l’abrogation de la loi du 20 mars 2012 ?
Trois possibilités de majoration des droits à construire resteront en vigueur. Il convient d’examiner comment elles sont utilisées.
La première de ces majorations est celle qui a été instituée par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, dont l’élaboration a donné lieu à une intervention décisive de notre ancien collègue Dominique Braye, à un moment où déjà l’État était tenté de prévoir une hausse automatique, unilatérale, uniforme, jacobine, des droits à construire. Cette majoration, dont le taux maximal est de 20 %, continuera de pouvoir être appliquée à la discrétion de la collectivité territoriale titulaire de la compétence en matière de PLU. Une enquête qui a été menée dans soixante et onze départements fait apparaître qu’une trentaine de communes seulement l’utilisent aujourd’hui.
La deuxième possibilité de majoration des droits à construire, à hauteur de 50 % au maximum, est liée à la réalisation de logements locatifs sociaux : selon l’enquête précédemment citée, environ 140 communes ou EPCI y ont actuellement recours.
Enfin, la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 autorise l’application d’une majoration maximale de 30 % des droits à construire pour la réalisation de logements à haute performance énergétique. Cette possibilité, qui peut se cumuler à la précédente sous réserve du respect d’un plafond de 50 % de majoration des droits à construire initiaux, est utilisée par près de 160 communes.
Par conséquent, si nous abrogeons la loi du 20 mars 2012, aucune collectivité locale ne sera privée de sa liberté de recourir à une majoration des droits à construire.
Mes chers collègues, je souhaiterais maintenant insister sur un point que Thierry Repentin avait déjà soulevé au début de l’année : aucune association de promoteurs immobiliers ou d’élus n’a été consultée au cours de l’élaboration de la loi du 20 mars 2012. Certains diront que la session touchait à sa fin et qu’il fallait donc aller vite, mais je leur ferai observer que, pour notre part, nous avons consulté ces associations : aucune d’entre elles ne soutient la mesure de majoration des droits à construire prévue par le texte que nous proposons aujourd’hui d’abroger.
Dans un esprit de respect de l’autonomie locale, la commission des lois a néanmoins souhaité, en accord avec la commission des affaires économiques, qu’une mesure transitoire soit introduite pour tenir compte des quelques cas –on peut les compter sur les doigts de la main – de communes ou d’EPCI ayant déjà décidé d’appliquer la majoration automatique des droits à construire sur leur territoire : la loi ne disposant que pour l’avenir et n’ayant pas d’effet rétroactif, l’adoption de la proposition de loi dans sa rédaction initiale aurait interdit à ces collectivités locales de pouvoir éventuellement revenir sur leur décision. Il est apparu à la commission des lois qu’il fallait assurer une parfaite égalité de traitement entre toutes les communes.
Tout à l’heure, certains orateurs ne manqueront pas d’objecter qu’il est bien dommage d’abroger une loi qui constitue tout de même un formidable outil pour lutter contre l’étalement urbain et promouvoir la ville compacte, durable, intense, autant d’épithètes permettant d’éviter le mot « densité »… Je leur répondrai par anticipation que nous sommes tous prêts, au Sénat, à participer à la réflexion sur ce thème, dans une optique de simplification et d’efficacité. Il faut notamment travailler sur les SCOT, sur la définition de leur échelle territoriale. J’observe d’ailleurs que cela correspond aux récentes déclarations que vous avez faites sur le sujet, madame la ministre.
En ce qui concerne maintenant le problème du foncier, Thierry Repentin avait certes évoqué une piste, celle de la cession gratuite des terrains de l’État. Cette idée a d’ailleurs été reprise par M. le Premier ministre, ce qui tend à montrer qu’elle redevient crédible. De fait, le coût du foncier, que l’instauration de la majoration automatique des droits à construire n’a d’ailleurs fait qu’alourdir, pèse de plus en plus sur les prix des logements. Comme l’ont fait d’autres pays en Europe, il conviendrait de repenser l’ensemble des politiques foncières, d’une manière globale, sans s’enfermer dans le débat sur la cession gratuite de terrains par l’État, en s’intéressant aussi aux baux emphytéotiques, aux baux à construction ou à la rétention foncière liée à la fiscalité. C’est incontestablement une piste.
Tous les observateurs le disent : en dépit de l’existence d’établissements publics fonciers, nous n’avons pas de politique foncière, de portage de longue durée. Pis encore, même l’État et ses établissements publics nationaux, tels que Voies navigables de France ou Réseau ferré de France, par exemple, recourent aujourd’hui à la marchandisation du foncier. J’en prends mes collègues à témoin : les établissements publics nationaux propriétaires de terrains que j’évoquais à l’instant se fondent sur une circulaire émanant de l’administration des domaines pour affirmer qu’ils sont en droit de négocier avec les collectivités territoriales selon la méthode du « compte à rebours »,…
M. Martial Bourquin. Absolument !
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. … c’est-à-dire en retenant, pour fixer le prix de vente, non pas la valeur vénale qui est constatée par les documents d’urbanisme en vigueur, mais une projection tenant compte de la spéculation immobilière qu’engendrera la déclaration de constructibilité des terrains ! (Marques d’approbation et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Jacqueline Gourault. C’est vrai !
M. René Vandierendonck, rapporteur pour avis. Il y a là quelque chose de profondément pervers !
Voilà pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons d’abroger purement et simplement la loi du 20 mars 2012. Cela ne pénalisera aucune collectivité territoriale, même pas celles, très minoritaires, qui ont fait le choix de recourir à son dispositif. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre, à qui je souhaite la plus cordiale bienvenue dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je suis heureuse de porter la voix du Gouvernement dans la Haute Assemblée pour l’examen de ce tout premier texte de la mandature.
C’est un grand honneur pour le Gouvernement de venir apporter son soutien à une initiative parlementaire qui correspond parfaitement, dans l’esprit comme dans la lettre, à l’action qu’il mène. Soyez certains que je saurai apprécier tant la qualité de vos travaux que votre liberté de ton ; j’espère que, de votre côté, vous saurez apprécier la mienne…
La loi du 20 mars 2012, cela a été rappelé, fut le fruit d’une initiative très largement improvisée, qui n’a donné lieu qu’à un simulacre de concertation avec les acteurs du logement, les associations d’élus locaux et les acteurs économiques. Annoncé le 30 janvier 2012, le projet de loi a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 8 février : ce n’est ni sérieux ni concevable pour légiférer. Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, détermination et agitation. Ne serait-ce qu’en termes de méthode, ce gouvernement, tout en prenant les sujets à bras-le-corps, ne travaillera pas de cette manière.
Je suis la première à dire devant vous qu’il faudra mettre en place des dispositifs intelligents et efficaces pour concrétiser l’engagement présidentiel de construire 500 000 logements par an tout en luttant contre l’étalement urbain et pour la régulation des prix. Cet objectif est particulièrement ambitieux : cela n’a pas été fait depuis trente ans. Pour y parvenir, de nombreux leviers devront être actionnés.
Tout d’abord, monsieur le rapporteur pour avis, il faut évidemment des terrains. Pour cela, un programme de mobilisation du foncier public sans précédent sera lancé par le Gouvernement. Sa mise à disposition sera facilitée et simplifiée, avec une très forte décote, allant jusqu’à la cession gratuite, pour la réalisation de logements sociaux. Ce travail est déjà en cours et je peux vous assurer de la volonté du Premier ministre, qu’il a rappelée devant vous la semaine dernière, et de ma très grande détermination à faire aboutir la mise en place de ce dispositif le plus rapidement possible. Je sais que de nombreuses collectivités attendent, avec des projets déjà prêts, l’instauration d’un mécanisme de ce type. Cela étant, nous travaillerons également sur la mobilisation du foncier privé, avec l’instauration d’une fiscalité spécifique qui permettra de lutter contre la rétention foncière.
Ensuite, il faut bien sûr des droits à construire sur ces terrains, et pour cela des élus volontaires, qui doivent être soutenus. C’est la question essentielle, que nous allons poser ensemble, de l’échelle pertinente pour élaborer et mettre en œuvre des projets répondant tant au besoin d’une consommation limitée de l’espace qu’à celui de logements accessibles.
Enfin, il faut des investisseurs intéressés par la pierre. Les bailleurs sociaux joueront évidemment, dans cette période, un rôle de premier plan. Ils devront réaliser 150 000 logements par an. L’investissement des particuliers sera également nécessaire, tant pour l’accès à la propriété que pour la constitution d’un patrimoine locatif. Toutefois, un logement ne doit pas être réduit à une niche fiscale : on ne devient pas et on ne doit pas devenir propriétaire bailleur uniquement pour payer moins d’impôts. Des contreparties sociales et des contrôles devront être adossés aux mesures d’incitation fiscale à l’investissement locatif.
Je crois véritablement que l’enjeu est de permettre le retour des investisseurs institutionnels sur le segment du logement intermédiaire. C’est la condition essentielle de la constitution d’un parc locatif privé pérenne et de qualité.
Faire croire que la loi relative à la majoration des droits à construire allait permettre la relance de l’offre de logement, en facilitant l’agrandissement des logements existants et la production de logements nouveaux, était un leurre : on a pu s’en rendre compte.
Ainsi, le Gouvernement ne peut souscrire ni à la réponse apportée par la loi dite des 30 % ni à la méthode employée pour l’élaborer.
En premier lieu, conçu à la va-vite, ce dispositif présente de graves manques et insuffisances qui limitent sa portée et fragilisent, sur le plan juridique, les décisions prises pour son application.
Tout d’abord, l’objectif de lutte contre l’étalement urbain, que je juge majeur, n’est pas atteint par cette loi. En effet, telle qu’elle était prévue, la majoration automatique des droits à construire se serait appliquée, par exemple, dans les zones à urbaniser non encore équipées des réseaux publics.
Je doute aussi de la solidité de cette loi au regard des modalités d’association des citoyens à l’élaboration des documents traduisant localement la décision de majorer les droits à construire. Le Gouvernement ne peut faire supporter par les collectivités territoriales le risque que le juge vienne leur dire que leurs décisions sont contraires aux prescriptions de la Charte de l’environnement.
On peut enfin nourrir les plus grands doutes sur la disposition de cette loi selon laquelle, dans le cas d’un plan local d’urbanisme intercommunal, une commune membre d’un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de PLU pourrait prendre une décision contraire à celle ayant été arrêtée par l’organe délibérant de l’établissement public compétent. Outre qu’elle est source de désordre juridique et politique, cette disposition remet en effet frontalement en cause tout l’édifice des PLU intercommunaux, qu’il faut au contraire solidifier et développer, conformément aux orientations définies lors de la campagne présidentielle.
Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, cette loi traduit, en second lieu, une vraie défiance à l’égard des collectivités territoriales. Je veux devant vous réaffirmer au contraire la confiance que ce gouvernement accorde aux élus pour atteindre leurs objectifs en matière de développement de l’offre de logements, sans méconnaître pour autant les enjeux environnementaux.
Fragile, inopportune, mal préparée, cette loi ne peut être maintenue. Le Gouvernement souhaite donc son abrogation le plus rapidement possible, afin que les collectivités ne soient pas enfermées dans des délais mécaniques, impossibles à maîtriser. L’importante question des règles d’urbanisme modernisées et de la compacité urbaine mérite une bien meilleure réponse que cette épée de Damoclès pesant sur les élus locaux.
Je salue donc l’initiative de Thierry Repentin, devenu mon collègue au sein du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, et remercie Daniel Raoul d’avoir rapporté cette proposition de loi avec le talent que chacun lui connaît. (Applaudissements et exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Marc Daunis. C’est vrai !
Mme Cécile Duflot, ministre. Vous voyez que je vous connais déjà bien ! (Sourires.)
La loi qu’il s’agit d’abroger n’aurait jamais dû voir le jour, au crépuscule de la mandature précédente.
Comme je l’ai déjà indiqué, le Gouvernement ne remet pas en cause certains des objectifs visés par cette loi, mais il conteste la méthode adoptée et les dispositions envisagées. L’adéquation entre les besoins en logements, quels qu’ils soient, et les règles du plan local d’urbanisme est essentielle à mes yeux. Nous y travaillerons ensemble le moment venu.
Je pense en effet, simplement, que d’autres voies plus pertinentes et efficaces peuvent être explorées. Le Gouvernement soumettra ainsi à la concertation, dans les mois à venir, des propositions, que j’espère présenter au printemps prochain au travers d’un projet de loi qui abordera les questions de logement, d’aménagement et d’urbanisme. Nous prendrons le temps de préciser et de discuter ces propositions, sur la base des travaux effectués dans nombre d’instances, en particulier au sein des commissions parlementaires. Je souhaite que ces propositions soient consensuelles, justes et efficaces.
Il faudra que nous abordions la meilleure manière de transformer les vieux plans d’occupation des sols en PLU, le contrôle des divisions foncières, la question de la taille minimale des parcelles ou celle des coefficients d’occupation des sols. Bien évidemment, je souhaite que l’on pousse jusqu’à son terme le débat sur les questions de densité urbaine, mais il faudra aussi envisager la meilleure manière de lutter efficacement contre les recours manifestement abusifs, tout en préservant le droit au recours quand il y a intérêt à agir, et de permettre l’accélération du traitement des contentieux.
Plus largement, nous travaillerons à la meilleure adéquation des enjeux de développement durable à l’échelle régionale et à leur articulation avec les prescriptions des documents d’urbanisme : les SCOT, bien sûr, qui revêtent une importance toute particulière pour la planification stratégique de nos territoires, et les PLU.
Voilà autant de sujets sur lesquels je souhaite que tous les partenaires aient l’occasion d’échanger, afin que le Gouvernement puisse soumettre au Parlement un projet de loi en faveur du développement de l’offre de logement et d’un urbanisme au service des territoires.
Pour l’heure, je vous remercie, monsieur le rapporteur, de la qualité de nos échanges, destinés à permettre l’abrogation rapide du dispositif de la loi du 20 mars 2012, et je vous invite, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, à vous concentrer sur ce premier objectif. Certains des amendements déposés présentent un réel intérêt, mais il apparaît plus utile que ces propositions soient entendues et étudiées dans un cadre plus global, car nous sommes au début d’un immense chantier qui nous donnera l’occasion d’effectuer un travail législatif dont je ne doute pas qu’il sera fructueux. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. François Calvet.
M. François Calvet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la crise, depuis 2007, a lourdement frappé le secteur immobilier. Entre mars et mai 2012, le nombre de logements neufs mis en chantier a plongé de 20 % par rapport à la même période de 2011. Dans un tel contexte de fort ralentissement de la construction, ne laisser aucune chance à la loi relative la majoration des droits à construire est une erreur.
En ce qui concerne l’action menée, permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler les différentes mesures législatives qui ont permis à notre pays de résister mieux que ses voisins européens.
M. Roland Courteau. Tout est relatif !
M. François Calvet. Je voudrais souligner que, depuis 2005, notamment pendant tout le quinquennat du Président Nicolas Sarkozy, un plan massif de soutien à la construction a été mis en œuvre. La décision de Nicolas Sarkozy de faire du logement une grande cause nationale a été totalement respectée. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Cette action sans précédent s’est traduite par l’élaboration de la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005, de la loi portant engagement national pour le logement de 2006, de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion de 2009, du volet urbanisme de la loi Grenelle 2 de 2010 et de la loi relative à la majoration des droits à construire du 20 mars 2012, auxquels s’ajoutent l’ensemble des mesures fiscales adoptées à l’occasion de la discussion des lois de finances. (M. Marc Daunis s’exclame.)
En moyenne, 100 000 logements sociaux ont été financés chaque année grâce à l’effort massif des collectivités locales, des bailleurs sociaux et de l’État : 120 000 en 2009, 130 000 en 2010 – record absolu depuis trente ans ! – et 120 000 en 2011, l’objectif étant le même pour cette année 2012. Quand la gauche était au pouvoir, elle n’en a jamais construit plus de 40 000 par an. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Jean-Vincent Placé. C’était il y a très longtemps !
Un sénateur de l’UMP. C’est la vérité !
M. François Calvet. Madame la ministre, votre objectif est de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. C’est très ambitieux, mais je crains que ce ne soit qu’un bel effet d’annonce.
Revenons au texte dont l’examen nous occupe aujourd’hui.
Vous voulez abroger la loi du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire, avant même qu’elle ne soit entrée en vigueur. C’est une première,…
M. Roland Courteau. Cette loi est mauvaise !
M. François Calvet. … d’autant que vous ne proposez aucune solution de rechange pour répondre à ces problématiques.
Rappelons les enjeux liés à cette loi, qui vise à faciliter l’agrandissement de logements existants et la production de nouveaux logements.
Prenons un exemple, à taille humaine, du bonus de coefficient d’occupation des sols. Imaginons qu’une famille décide de construire sur un terrain de 250 mètres carrés, pour lequel le règlement prévoit un COS maximal de 0,4. Elle peut donc construire jusqu’à 100 mètres carrés. Avec la majoration de 30 %, la constructibilité passe à 130 mètres carrés. En définitive, cette famille aura gagné 30 mètres carrés, c’est-à-dire deux pièces supplémentaires. Ce n’est pas négligeable quand une famille s’agrandit !
M. Marc Daunis. Pourquoi le COS n’était-il pas fixé à 0,5 ?
M. François Calvet. De nombreuses familles ne souhaitent pas déménager ou n’en ont pas les moyens. En revanche, elles ont souvent besoin d’agrandir leur espace de vie.
M. Charles Revet. C’est un bel exemple !
M. François Calvet. Le groupe socialiste craint que cette loi ne fasse s’envoler les prix.
M. Roland Courteau. C’est déjà fait !
M. Marc Daunis. C’est une réalité !
M. François Calvet. Jouer sur la constructibilité d’un terrain est un levier simple et une solution – partielle certes, mais efficace – au problème de l’envolée des prix du logement dans les zones dites « denses ».
Cette loi s’inscrit, de plus, dans les objectifs définis par le Grenelle de l’environnement, dont le volet « urbanisme » prône une moindre consommation des espaces agricoles et naturels.
Dans nos régions de soleil, le grignotage des terres agricoles devient en effet un vrai problème, et leur disparition au profit de l’urbanisation n’est pas une solution pour répondre à la demande de logements.
M. Marc Daunis. C’est vrai !
M. François Calvet. On ne peut, d’un côté, s’engager dans la lutte contre la consommation d’espaces naturels et regretter la disparition, tous les dix ans, d’une surface de terres agricoles équivalente à un département, et, de l’autre, vouloir revenir sur une loi de densification. Ce n’est pas cohérent.
M. Jean-Claude Lenoir. Très bien !
M. François Calvet. Nous l’avons compris, il faut produire plus de logements tout en luttant contre l’étalement urbain. Il est donc nécessaire de renforcer la densité des zones urbaines.
En outre, l’augmentation de la constructibilité est un moyen de lutter contre les fuites thermiques et le gaspillage énergétique.
Tout cela s’inscrit donc dans la logique de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 mettant en application les engagements pris au travers de la loi Grenelle 1. Voilà pourquoi cette mesure transitoire, dont l’application doit prendre fin le 31 décembre 2015, est tout à fait cohérente.
Par ailleurs, le prix de sortie au mètre carré ne sera pas augmenté et la mesure sera sans effet sur les prix de l’immobilier. Le raisonnement du groupe socialiste en la matière est spécieux.
De plus, l’industrie du bâtiment possède l’avantage de ne pas être délocalisable. Elle travaille en lien avec de nombreux autres secteurs, tel le BTP. Nous le savons, la construction d’un logement engendre la création d’un emploi et demi.
Enfin, il n’est pas indifférent de souligner que cette loi n’implique aucun engagement financier pour l’État et sera même positive, sur le plan budgétaire, à l’heure où la crise économique nous appelle à réduire nos déficits.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Boutin, trois dispositifs prévoient déjà, à juste titre, une majoration des droits à construire, à hauteur de 50 % pour le logement social, qui doit rester une priorité, de 30 % pour le logement à haute performance énergétique, dont nous devons encourager le développement, et enfin de 20 % en application de ladite loi.
La loi du 20 mars 2012 n’est en aucun cas redondante avec celle de 2009 ; elle en constitue un approfondissement, en introduisant dans le code de l’urbanisme un nouvel article L. 123-1-11-1 qui majore de 30 %, et pour trois ans, les droits à construire dans les communes couvertes par un plan d’occupation des sols, un plan local d’urbanisme ou un plan d’aménagement de zone.
Après ces années de crise, le contexte n’est plus le même. La loi du 20 mars 2012 prévoit de passer d’un système où les communes peuvent décider d’appliquer la majoration à un dispositif leur ouvrant le droit de refuser de la mettre en œuvre. Inverser ainsi la logique permet une meilleure information des habitants sur leurs droits. Il s’agit de procéder à un rappel des possibilités offertes – elles sont trop peu utilisées, voire oubliées – et de favoriser l’instauration d’un cadre plus incitatif.
Je tiens également à réaffirmer que, contrairement à ce que le groupe socialiste semble vouloir insinuer, cette loi n’a pas été pensée comme une atteinte au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales et ne doit pas être perçue comme telle. Bien au contraire, les communes ont la possibilité de ne pas appliquer la majoration des droits à construire si elles estiment que ce choix est plus approprié dans leur cas.
Une commune peut également décider de n’appliquer qu’en partie la majoration, à concurrence de 10 % ou de 20 %, par exemple. De plus, le conseil municipal a la latitude d’adopter une délibération mettant fin à l’application de la majoration des droits à construire sur la totalité du territoire de la commune ou seulement sur certains secteurs, dans le délai de validité de la loi.
Tout cela confirme la totale maîtrise de leur développement par les collectivités territoriales.
Certains évoquent par ailleurs une « contrainte temporelle ». Cependant, il nous semble que six mois est un délai suffisant pour produire une note d’information et prendre une délibération contraire.
La loi prévoit en effet une participation du public à travers la mise à disposition d’une note d’information sur son application au territoire de la commune ou de l’EPCI et la collecte des observations de la population. Il est important que celle-ci soit informée de ce qui la concerne.
L’intercommunalité n’est pas non plus mise à mal, puisque cette délibération contraire peut être rendue à l’échelle d’un EPCI. Il est en outre prévu que l’application de la loi soit pensée en accord avec les SCOT et n’aille donc pas à l’encontre de la cohérence territoriale.
Pour conclure, je dirai qu’il ne nous semble pas pertinent d’abroger la loi du 20 mars 2012 avant même qu’elle ne soit entrée en vigueur, en estimant a priori, de manière arbitraire, qu’elle serait inefficace, inapplicable ou source de contentieux.