Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d’abord remercier les intervenants de la qualité de la contribution qu’ils ont apportée au débat qui nous rassemble ce soir et dont chacun aura bien perçu l’importance pour l’avenir à la fois de l’Union européenne et de notre pays. Notre économie est en effet très profondément affectée par la crise, à l’instar des économies d’autres pays membres de l’Union européenne, confrontés, comme un certain nombre d’entre vous l’ont souligné, à l’austérité.
Je vais m’employer à répondre le plus précisément et le plus brièvement possible à l’ensemble des interventions prononcées à cette tribune, qui, pour un certain nombre d’entre elles, au-delà des clivages politiques, révèlent des interrogations communes, donc absolument légitimes. Elles méritent une réponse attentive de la part du Gouvernement.
D’abord, j’insisterai sur un point : la séquence qui s’est achevée la semaine dernière, au terme du sommet européen de Bruxelles, a permis de surmonter bien des contradictions qui semblaient présider au débat sur l’avenir de l’Europe. Les clivages, en effet, ont pu apparaître ou apparaîtront, à mesure que nous prendrons du recul par rapport à ce qui s’est passé, comme très artificiels.
J’évoquerai trois de ces clivages, que le débat avec nos partenaires de l’Union européenne et les conclusions du sommet ont permis de dépasser utilement.
Le premier clivage était celui qui opposait la discipline budgétaire à la croissance. Il nous renvoie aux engagements pris par le candidat François Hollande au moment de la campagne présidentielle et qu’il s’emploie à honorer en tant que Président de la République. À cet égard, je voudrais remercier les trois présidents de commission, MM. Raoul, Marc et Sutour, ainsi que les orateurs de la majorité, notamment Richard Yung et l’orateur du groupe écologiste, qui s’est exprimé avec beaucoup de pertinence sur ces questions…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. M. André Gattolin !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, le propos de M. Gattolin était extrêmement puissant et je reviendrai d’ailleurs sur un certain nombre des propositions qu’il a pu avancer.
Les uns et les autres ont bien insisté sur la cohérence existant entre les propos tenus et les résultats du sommet européen de la semaine dernière.
Qu’avions-nous dit ? Qu’il n’était pas nécessaire d’opposer la discipline budgétaire et la croissance, que, sans croissance, il n’y aurait pas de rétablissement des comptes publics et que nous devions faire du redressement de notre pays, de la limitation de ses dettes et du rétablissement de ses déficits un objectif absolu. Les dettes et les déficits minent la croissance en créant sur les marchés financiers, monétaires, des tensions sur les taux d’intérêt, ce qui interdit aux investisseurs privés de réaliser leurs projets et aux collectivités locales de se financer dans des conditions qui leur permettent d’atteindre leurs objectifs. Il n’est pas de peuple souffrant aujourd’hui de l’austérité ni de gouvernement imposant cette souffrance à son peuple qui n’aient conscience de la nécessité absolue de desserrer la contrainte pesant sur les taux d’intérêt.
Si nous n’opposons pas la discipline budgétaire à la croissance, c’est parce que nous avons clairement à l’esprit que tout ce qui va dans le sens de l’accroissement des dettes et des déficits fait peser sur les taux des contraintes qui provoquent leur hausse et rendent difficiles la rencontre entre nos pays et la croissance.
Par ailleurs, nous voulons de la croissance parce qu’elle est indispensable pour disposer de rentrées fiscales permettant de réduire, dans des conditions acceptables, les déficits et les dettes. Si nous demandons aux peuples, qui ne sont en rien comptables des déficits et de l’endettement créés par les effets d’une finance démente, de payer seuls la facture du rétablissement des comptes publics, nous aurons alors l’austérité et la désespérance.
Nous verrons la crise politique s’ajouter à la crise financière et économique, car les peuples d’Europe, qui se verront condamnés à l’austérité à perte de vue, n’accepteront pas une telle situation. Ils s’éloigneront de l’ambition que porte l’Europe depuis le projet de ses pères fondateurs. Telle est ma réponse au vibrant discours de M. Pierre Bernard-Reymond sur l’Europe et l’ambition fédéraliste qu’elle peut porter.
Nous avons donc toujours considéré que le rétablissement des comptes publics et la croissance étaient deux sujets indéfectiblement liés l’un à l’autre. Et nous voulons à la fois l’un et l’autre !
Nous avons également dépassé un deuxième clivage, qui faisait l’objet de nos débats, dès lors que la croissance était considérée comme nécessaire. Cette opposition séparait ceux qui étaient favorables à l’approfondissement du marché intérieur et ceux qui voulaient la croissance par l’investissement. Les uns pensaient que nous pouvions surmonter la crise par des investissements structurants dans les grands projets industriels de demain, tandis que les autres estimaient qu’il fallait essentiellement améliorer la compétitivité des entreprises par des mesures de libéralisation du marché du travail ou des efforts de déréglementation. Pour notre part, nous voulons à la fois la compétitivité et des investissements d’avenir, pour permettre à l’Europe de s’engager dans le développement durable.
Pour ce qui concerne la compétitivité, nous proposons – le Premier ministre s’en est fait l’écho dans sa déclaration de politique générale – de créer une banque publique d’investissement, de réformer la fiscalité des entreprises, ce qui permettra aux PME-PMI de se voir appliquer un impôt sur les sociétés beaucoup moins contraignant que celui qui s’imposait à elles jusqu’à présent. En revanche, les grands groupes, qui ont beaucoup spéculé grâce aux bénéfices qu’ils avaient accumulés, se verront appliquer une fiscalité qui les conduira à participer à l’effort de redressement que nous appelons de nos vœux. Nous œuvrons en faveur de la compétitivité.
Le Président de la République propose – le Premier ministre l’a réaffirmé devant votre assemblée – de mettre en place un contrat de génération afin de maintenir dans l’emploi les seniors et les plus jeunes, au titre d’un contrat qui les lie. Nous faisons de la formation professionnelle un objectif absolu, parce que nous considérons que les ressources humaines sont un facteur de compétitivité dans l’entreprise. Il n’y a aucune raison de ne pas favoriser l’accès à l’emploi des jeunes et des aînés. En créant les conditions de leur formation, nous sommes dans la recherche de compétitivité.
Le dépassement de ce clivage nous conduit, avec pragmatisme, à vouloir à la fois des investissements d’avenir et le renforcement de la compétitivité. Il est absurde d’opposer ces deux notions.
Enfin, un troisième clivage a été dépassé : je veux parler de l’opposition, qui n’a d’ailleurs pas lieu d’être, entre les solutions immédiates à la crise et l’intégration politique, qui recouvre d’ailleurs un autre débat, entre un plus grand fédéralisme ou de meilleures solutions économiques et sociales, sans intégration. C’est la raison pour laquelle je veux rassurer MM. Philippe Marini et Pierre Bernard-Reymond, ainsi que Mme Catherine Morin-Desailly, sur un point : le couple franco-allemand n’est en aucun cas sorti affaibli de la séquence qui vient de s’achever, bien au contraire.
Lorsque nous discutons avec nos amis allemands des modalités de sortie de crise, ils défendent le point de vue selon lequel la stabilisation, à terme, de l’Europe, le renforcement de l’union politique et la plus grande efficacité des instruments dont nous disposons pour faire face à la crise supposent une plus grande unité politique. Selon eux, nous n’y arriverons que si nous franchissons un pas, que certains ont appelé le saut fédéral ou le saut politique. Nous leur répondons que nous voulons davantage de solidarité, parce que, si nous ne renforçons pas les moyens d’intervention économiques, monétaires et financiers, pour rendre l’Europe plus forte et contenir les marchés, nous ne pourrons pas rendre acceptable le saut politique qu’ils appellent de leurs vœux.
Imaginez ce qu’aurait été la réaction des marchés si nous étions sortis du sommet en proposant une convention et un référendum, sans avoir trouvé la moindre solution immédiate pour leur permettre de résister à l’augmentation continue des taux !
Donc, nous avons voulu avancer sur les deux fronts : une plus grande solidarité, avec des instruments nouveaux qui permettent de faire face à la crise et, en même temps, une meilleure intégration, que le Président de la République a qualifiée de « solidaire ». À chaque pas supplémentaire vers une solidarité destinée à faire face à la crise, nous acceptons une nouvelle étape vers l’intégration, ce qui signifie incontestablement des souverainetés partagées et des dispositifs de transfert à l’Union européenne d’un certain nombre de prérogatives, le tout s’effectuant de façon pragmatique, étape par étape, car le corollaire de l’évolution de nos dispositifs d’intégration politique est le renforcement des outils de solidarité financière au sein de l’Union.
Je voudrais illustrer tout cela par l’évocation des avancées concrètes que nous avons obtenues, ce qui me permettra de répondre à la fois aux orateurs de la majorité, qui souhaitent aller plus loin dans la solidarité et l’efficacité des outils dont nous nous sommes dotés, et aux orateurs de l’opposition, dont un certain nombre estime que nous n’avons obtenu que ce qui était déjà prévu.
D’abord, des mesures extrêmement concrètes, tangibles et efficaces ont été obtenues en faveur de la croissance. Monsieur Billout, vous souhaitez voir l’Europe vaincre l’austérité pour s’engager dans de vraies stratégies de croissance. Votre interpellation, que j’ai bien entendue, me paraît tout à fait légitime. Ce que je trouve plus injuste, en revanche, c’est l’interprétation que vous faites des résultats obtenus. Sans essayer de vous convaincre, je voudrais tout de même vous rassurer sur ce point.
Pour ce qui concerne la croissance, on parle d’un pacte de 120 milliards d’euros, mais il s’agit en fait d’une somme bien plus importante. Nous avons obtenu la recapitalisation à hauteur de 10 milliards d’euros de la Banque européenne d’investissement. M. Bizet disait tout à l’heure qu’une telle mesure était déjà acquise. Elle l’était si bien qu’à l’occasion du conseil Affaires générales de la semaine dernière – nous étions vingt-sept autour de la table – un grand nombre de pays, qui ne constituaient pas la minorité, ont indiqué qu’ils attendaient de voir concrètement les conditions dans lesquelles cette recapitalisation pouvait se faire ! Ils éprouvaient un certain scepticisme quant à l’opportunité de s’engager dans cette voie, considérant que de nombreux efforts avaient déjà été faits en faveur de la croissance et que, si nous devions en faire de supplémentaires, il fallait agir dans le sens de la dérégulation et de l’approfondissement du marché intérieur. Il est donc faux de dire que la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement était acquise ; elle ne l’était pas ! Elle permettra de déclencher 60 milliards d’euros de prêts.
M. Jacky Le Menn. C’est bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Monsieur Bizet, à vous chez qui je reconnais l’esprit de précision qui est commun à de nombreux parlementaires de la Manche (Sourires.), je ferai remarquer que ces 60 milliards d’euros de prêts permettront d’enclencher 180 milliards d’euros d’investissements privés. Il convient donc d’ajouter aux 120 milliards d’euros déjà évoqués ces 180 milliards d’euros d’investissements privés, rendus possibles par la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement et les 60 milliards d’euros que nous allons pouvoir mobiliser.
Par conséquent, quand on raisonne sur l’effet du pacte pour la croissance et l’emploi, il convient de prendre en compte la totalité des montants en cause. Les prêts octroyés aux opérateurs privés, qui bénéficieront de la recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, seront complétés par la contribution des investisseurs privés.
J’évoquerai maintenant les 50 milliards d’euros de fonds structurels.
À ce jour, ces fonds n’ont pas été affectés à des projets et ils peuvent faire l’objet, dans le cadre des dispositifs existants, de la procédure de dégagement d’office. Par conséquent, au cours des prochaines semaines, il nous faudra engager un travail extrêmement important et méticuleux d’identification des projets auxquels nous pourrions affecter ces 50 milliards d’euros de manière qu’ils s’inscrivent le plus possible dans les perspectives que porte l’Union européenne dans le cadre de la stratégie Europe 2020, à savoir, autant que faire se peut, dans l’innovation, le développement durable, la transition énergétique, les investissements de demain qui feront le développement durable d’après-demain et créeront les emplois pérennes dont l’Union européenne a besoin pour sortir de la crise.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela, c’est pour l’Europe à vingt-sept !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Bien entendu, et nous n’avons pas l’intention de susciter des clivages entre les pays de la cohésion et ceux qui font partie du club des contributeurs nets, pas plus que nous n’avons l’intention de susciter des clivages entre les pays d’Europe du Nord et les pays d’Europe du Sud. Tous les pays de l’Union européenne sont confrontés, à des titres divers, à la crise et nous considérons que les mesures en faveur de la croissance ont vocation à bénéficier à l’Union européenne dans son ensemble.
Je voudrais insister sur un dernier point d’actualité, qu’a d’ailleurs abordé M. Gattolin dans son propos. Je veux parler des perspectives budgétaires 2014-2020.
Dans les années qui viennent, nous allons devoir affecter 1 000 milliards d’euros aux grandes politiques de l’Union européenne. Au terme de la négociation, ces fonds seront répartis entre les piliers que constituent la politique agricole commune, la cohésion et les autres politiques qui peuvent contribuer à la croissance. Si nous réussissons, dans le cadre de cette discussion budgétaire, et au titre du principe du « mieux dépenser », à consacrer davantage ces fonds aux actions en faveur de la croissance future, alors nous aurons contribué à optimiser plus encore le plan présenté voilà quelques jours par le Président de la République à l’opinion publique française et que nous détaillons aujourd’hui devant la représentation nationale.
Je voudrais maintenant dire quelques mots de la taxe sur les transactions financières, dont certains nous ont dit hier, à l’Assemblée nationale, qu’elle était déjà dans les tuyaux. L’esprit de nuance étant davantage présent au Sénat qu’il ne l’était hier à l’Assemblée nationale,…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Merci !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué… je n’ai pas entendu de propos aussi affirmatifs ici.
Cette taxe sur les transactions financières était si peu dans les tuyaux qu’elle avait été supprimée en 2008, rétablie en des termes identiques à la fin de la législature précédente dans la plus grande précipitation, après que le précédent Président de la République nous eut dit qu’il estimait tellement difficile de faire adopter cette taxe à plusieurs qu’il préférait, isolément, la faire adopter par le Parlement en fin de législature pour être certain de pouvoir bénéficier de son produit.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je crois que vous ne l’avez même pas votée à ce moment-là !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous ne l'avons pas votée parce que nous ne voulions pas d’un impôt de bourse, monsieur Marini ; nous voulions une vraie taxe sur les transactions financières. À cet égard, je vous confirme que ce que nous avons voté en coopération renforcée est très différent de ce que vous avez voté à la fin de la précédente législature sous la forme d’un impôt de bourse.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela ne s’applique qu’aux actions !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous, nous voulons une vraie taxe sur les transactions financières, c’est-à-dire que nous voulons une taxe dont l’assiette soit la plus large possible et dont le taux soit le plus dynamique possible, de sorte qu’elle puisse à terme se substituer en partie aux dotations que versent les États au budget de l’Union européenne – je réponds là à votre question sur la nécessité de doter l’Union européenne de ressources propres. En effet, les dotations des États au budget de l’Union européenne ont un caractère moins dynamique qu’une taxe sur les transactions financières.
Opérer de la sorte, ce serait d’ailleurs une manière de signifier à l’Union européenne et à ceux qui souhaitent que son budget jouisse d’une plus grande autonomie que nous sommes prêts. La taxe sur les transactions financières peut être un outil extraordinaire pour engager l’Union européenne dans une voie la conduisant à disposer d’un budget beaucoup plus dynamique que celui dont elle dispose actuellement.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela n’atténuera pas notre déficit !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Vous m’aidez à faire la transition, puisque je voudrais maintenant évoquer devant vous la question des déficits.
Je comprends très bien que l’opposition exprime sa préoccupation vis-à-vis des déficits et de la dette. Je comprends d’autant mieux cette préoccupation que, parmi les acteurs de la précédente majorité, on compte quelques orfèvres en matière de creusement de dette et des déficits !
M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. Absolument !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Faut-il rappeler ce que vient de nous révéler la Cour des comptes ? Une dette qui s’est accrue de 600 milliards d’euros en cinq ans ; les déficits abyssaux des comptes sociaux et publics, qui ont conduit jusqu’à la dernière minute le précédent gouvernement à mettre sur le métier des dépenses non financées à hauteur de 1,2 milliard d’euros, comme nous l’apprend la Cour des comptes dans son rapport.
La France a vu sa note dégrader par les agences de notation, dont on nous expliquait qu’elles étaient la référence absolue et que leur verdict devait montrer le chemin. Dès lors qu’elles nous ont déclassés, elles ne valaient plus rien ! Mais enfin, le déclassement a eu lieu bien avant que l’actuelle majorité n’accède aux responsabilités ! Alors que nous sommes en situation d’exercer nos responsabilités gouvernementales depuis dix semaines à peine, alors que l’Assemblée nationale a été élue voilà quelques semaines seulement et ne travaille que depuis quelques jours, il faudrait que nous soyons comptables de ce qui a été fait au cours des dix dernières années !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’héritage ne profitera pas toujours !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est un argument que je veux bien entendre et auquel je réponds bien volontiers – avec calme et plaisir, car les interventions que nous avons entendues cet après-midi avaient toutes une telle hauteur et une telle tenue qu’elles méritent qu’il y soit répondu avec la plus grande précision –, mais tout de même ! Dans son discours de politique générale, le Premier ministre a exposé la trajectoire de finances publiques que nous avons l’intention de présenter à l’Union européenne. L’objectif est d’essayer de ramener le déficit budgétaire à 3 % du PIB en 2013 – contre 4,5 % aujourd’hui –, puis 0 % en 2017.
Certains disent que tout cela aura pour prix une « surfiscalisation » des Français. C’est du moins ce que j’ai entendu dans la bouche de certains des orateurs qui sont intervenus cet après-midi. Je rappelle quand même que la TVA sociale, comme la fausse taxe sur les transactions financières, qui est un vrai impôt de bourse, votées à la sauvette à la fin de la précédente législature, représentaient 13 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires sur les Français !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’était une opération équilibrée !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Le projet de loi de finances rectificative présenté hier prévoit quant à lui 7 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. La différence est donc de 6 milliards d’euros, autant d’allègements fiscaux dont bénéficieront les Français.
Voilà la réalité ! Voilà ce qu’est la politique de ce gouvernement en matière de redressement et d’effort fiscal, à comparer avec celle que menait le précédent.
Aussi, je puis assurer à l’opposition que les décisions très concrètes que nous avons prises en faveur de la croissance et qui seront assorties d’un effort de rigueur budgétaire…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous avez employé le mot « rigueur » ! Vous avez osé ! Bravo, monsieur le ministre !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Oui, j’ai bien prononcé ce mot et, si vous le souhaitez, je le répéterai. La rigueur budgétaire se différencie de l’austérité dans la mesure où l’austérité, c’est la rigueur sans la croissance, c’est-à-dire la condamnation encore une fois des peuples à se serrer la ceinture pour toujours. La rigueur, c’est le contraire, à savoir un effort de discipline budgétaire et la recherche de la croissance. Là est toute la différence. Pour ce qui concerne le redressement, c’est l’effort de redressement dans la justice fiscale, ce qui est tout à fait différent de ce à quoi nous avons assisté ces six dernières années, au cours desquelles les injustices fiscales et sociales se sont accrues alors que la situation économique et financière du pays était extrêmement dégradée.
Enfin, je dirai un mot sur une question centrale que vous êtes plusieurs à avoir évoquée : comment faire en sorte que soit respectée la souveraineté des parlements nationaux dans le cadre de la feuille de route ?
Il a été indiqué que la Commission, le groupe des quatre, sous la présidence de M. Van Rompuy, s’efforceraient de faire en sorte que les actions qui ont été engagées à travers la supervision bancaire, l’intervention du Mécanisme européen de stabilité, se poursuivent pour une plus grande intégration financière, une solidarité financière renforcée et une efficacité accrue des instruments dont nous sommes dotés pour répondre concrètement à la crise à laquelle l’Europe se trouve aujourd’hui confrontée.
S’agissant des eurobonds, de la mutualisation de la dette, du renforcement de nos outils, cette feuille de route, bien entendu, nous conduira à étudier quels sont les dispositifs de pilotage politique qu’il faut mettre au regard de ces outils davantage intégrés pour rendre leur gouvernance plus efficace.
À chaque étape de cette feuille de route, le Premier ministre l’a très clairement dit tout à l’heure dans son discours, nous voulons associer étroitement le Parlement au travail qui sera engagé. Nous viendrons devant vous pour vous rendre compte, pour travailler avec vous sur ces questions, pour définir les modalités d’association des parlements nationaux au chemin sur lequel nous sommes engagés, chemin ambitieux qui ne doit pas s’éloigner de l’ambition démocratique.
Nous comprenons parfaitement que toutes les actions mises en place, en raison de leur complexité, doivent être politiquement lisibles et démocratiquement légitimes.
Aussi, nous reviendrons devant le Parlement pour traiter ces questions et nous nous exprimerons tant devant les commissions spécialisées de l’Assemblée nationale et du Sénat qu’en séance plénière.
Sur ces sujets, les impératifs du débat démocratique seront respectés. C’est une exigence que je m’engage devant vous, au nom du Gouvernement, à respecter.
Avant de répondre aux questions qui me seront posées dans le cadre du débat interactif et spontané qui suit, je tiens, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous remercier de votre attention et de la qualité de vos interventions. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Débat interactif et spontané
Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder à un débat spontané et interactif dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum.
S’ils sont sollicités, le Gouvernement ou la commission des affaires européennes pourront répondre.
La parole est à M. Gilbert Roger.
M. Gilbert Roger. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai lu avec attention les conclusions du Conseil européen sur le volet syrien et je salue la « condamnation vigoureuse des violences brutales et des massacres de civils ».
Je suis satisfait que le Conseil ait demandé « une action unie de la part du Conseil de sécurité des Nations unies afin que soient exercées des pressions plus énergiques et plus efficaces ».
Cependant, je regrette que les pays européens, qui disposent de plusieurs instances pour peser sur les relations stratégiques régionales de l’Europe en Méditerranée, ne s’appuient pas davantage sur elles. Je pense notamment, et en particulier, à l’Assemblée parlementaire de la Méditerranée, l’APM, qui regroupe vingt-six parlements des pays du pourtour méditerranéen. Notre Parlement y est représenté et j’ai l’honneur d’être le chef de délégation de l’APM au Sénat.
Le projet d’Union pour la Méditerranée étant en relatif sommeil depuis la crise de Gaza, à la fin de l’année 2008, et mis à mal par les récentes révolutions dans plusieurs pays de la rive sud de la Méditerranée, l’implication de l’APM permettrait de lui redonner un second souffle et de le renforcer. Autrement dit, l’APM pourrait devenir le volet parlementaire de l’UPM.
En effet, l’APM a su se renforcer depuis sa création en 2006 à Amman, de telle sorte qu’elle est devenue un forum pertinent pour évoquer les problèmes de l’espace méditerranéen. Elle se définit comme l’institution parlementaire qui rassemble, sur un pied d’égalité, les parlements de tous les pays du bassin méditerranéen.
Depuis 2010, elle bénéficie à nouveau de la participation des parlementaires israéliens à ses travaux. Elle est aussi la seule instance interparlementaire qui compte parmi ses quatre vice-présidents un Israélien et un Palestinien.
Avec un format géographiquement centré sur le pourtour méditerranéen, l’APM se veut un instrument de dialogue sur les problèmes économiques, politiques et environnementaux qui affectent cette zone sensible. Elle est également un vecteur d’influence utile pour le Parlement français.
L’APM s’est vu octroyer le statut d’observateur auprès de l’Assemblée générale des Nations unies par sa résolution 64/124.
L’APM et les Nations unies ont décidé de renforcer leur coopération dans la région méditerranéenne ; ainsi, l’APM s’est engagée à mettre à disposition de l’ONU ses instruments de diplomatie parlementaire et de renforcement de la confiance régionale. La mobilisation et le soutien de l’APM lors des missions de l’ONU pendant la crise de Libye ont été salués par M. Ban Ki-moon.
Par ailleurs, l’APM joue un rôle non négligeable dans le suivi du processus de paix au Proche-Orient.
Une coordination accrue entre l’APM et le Quatuor s’est mise en place, au niveau tant politique que parlementaire, afin de créer les conditions d’une reprise des négociations entre les parties israélienne et palestinienne.
Aussi, monsieur le ministre, quels sont les projets du Gouvernement sur l’Euro-méditerranée ? Comment le Président de la République compte-t-il renforcer les liens de l’Union européenne et de la France dans la région méditerranéenne ?