M. le président. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Génisson, Printz, M. André, Campion, Meunier et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre Ier du titre 4 du livre 2 du code de la sécurité sociale est complétée par un article L. 241-19 ainsi rédigé :
« Art. L. 241-19. – À compter du 1er janvier 2013, les entreprises de plus de vingt salariés, dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l’entreprise, sont soumises à une majoration de 10 % de cotisations dues par l’employeur au titre des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales pour l’ensemble de leurs salariés. »
La parole est à Mme Catherine Génisson.
Mme Catherine Génisson. Cet amendement vise à encadrer le recours au temps partiel, sujet sur lequel je me suis largement expliquée dans mon propos liminaire.
Je veux toutefois rappeler, d’une part, que les emplois à temps partiel représentent environ 20 % dans l’organisation du travail et sont à 80 % occupés par les femmes ; d’autre part, qu’il s’agit très majoritairement de temps partiel subi, puisque la plupart des personnes concernées, qu’il s’agisse d’ailleurs des femmes ou des hommes, souhaiteraient avoir un emploi à temps plein.
Il faut encore ajouter que le temps partiel correspond souvent à des horaires atypiques, puisque l’on y recourt particulièrement pour des emplois de services ou des emplois de logistique. Les salariés à temps partiel commencent donc très tôt, reprennent leur travail très tard, sont astreints à des interruptions dans leur journée de travail très longues, mais qui ne leur permettent pour autant ni d’occuper un autre emploi dans l’intervalle, ni de rentrer chez eux – et surtout chez elles –, notamment du fait de la faible valorisation salariale du temps partiel. Avec une moyenne de 800 euros par mois, on est en effet sous le seuil de pauvreté !
De telles situations ont des conséquences graves sur l’éducation des enfants, en particulier lorsqu’elles touchent des femmes chefs de famille monoparentales.
Or, aujourd'hui, il n’y a aucun encadrement du recours au temps partiel pour ce qui est de la valorisation des heures complémentaires, c'est-à-dire les heures supplémentaires par rapport au contrat de travail qui est signé dans le cadre du temps partiel. Il n’y a pas davantage de mesure préférentielle en faveur de ces hommes et ces femmes à temps partiel leur permettant d’accéder à un emploi à temps plein si un tel poste se dégage dans l’entreprise.
Je précise que notre proposition n’est pas contraire au bon fonctionnement de l’entreprise. Il faut en effet qu’un quart au moins des effectifs soient employés à temps partiel pour que le dispositif que nous proposons, à savoir une valorisation de 10 % des cotisations sociales, soit mis en place.
Nous considérons qu’une entreprise dont plus du quart de l’effectif est à temps partiel pourrait certainement trouver d’autres modes d’organisation du temps de travail, ce qui lui permettrait sans doute d’ailleurs d’optimiser son fonctionnement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Claire-Lise Campion, rapporteur. Cet amendement a pour objet de dissuader les entreprises de recourir de façon excessive au travail à temps partiel en prévoyant une augmentation de 10 % du montant de leurs cotisations sociales lorsqu’elles emploient plus de 25 % de salariés à temps partiel.
Mme Génisson a souligné qu’un tel pourcentage correspondait à un recours élevé au temps partiel. C’est d’autant plus vrai que, globalement, dans l’économie française, la moyenne est de 17 %. Il s’agit donc bien de ne pénaliser que le recours abusif au travail à temps partiel.
La commission a donc émis un avis favorable sur cette amendement, qui a toute sa place dans le texte que nous discutons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Si je peux faire mienne la description que vous venez de tracer du temps partiel subi – celui-ci, comme je l’ai souligné dans la discussion générale, frappe en effet plus spécifiquement les femmes –, je ne puis être d’accord avec votre amendement.
Vous visez en effet indistinctement les entreprises, quelles que soient leurs caractéristiques. Vous atteindrez sans doute celles qui utilisent de façon abusive le temps partiel, mais pourront tout aussi bien être sanctionnées des entreprises dans lesquelles le temps partiel est choisi.
Il serait dommageable de s’engager dans une démarche aussi géométrique. Il me semble beaucoup plus profitable de poursuivre dans les voies que nous avons évoquées, en faisant confiance au dialogue qui s’instaure et, évidemment, aux dispositifs que nous avons mis en place.
Dans certains secteurs, il existe des entreprises particulièrement performantes qui privilégient un temps partiel choisi concernant tant les hommes que les femmes. Si votre proposition de loi est adoptée, ces sociétés se verront imposer une majoration de 10 % des cotisations. Or l’un des principaux handicaps de notre pays dans la compétition internationale, nous le savons bien, est précisément le niveau très élevé de ses charges sociales. Toutes les études le montrent : ce niveau nuit à la compétitivité de notre économie. Et vous proposez d’en rajouter encore ! Je ne peux être d'accord.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous soutenons cet amendement. Au cours de ce débat, plusieurs intervenants ont lancé un appel au pragmatisme. Nous avons décrit une réalité : l’inégalité salariale n’a que trop duré. Faire confiance aux acteurs privés, cela ne marche pas ! Il faut des mesures, des choix politiques clairs et nets.
La proposition de loi va dans ce sens, et l’adoption de cet amendement l’améliorerait, de manière très souple qui plus est, puisque cette disposition ne concerne que les entreprises dont le nombre de salariés à temps partiel est au moins égal à 25 % du nombre total de salariés de l’entreprise. Il ne faut donc pas faire dire à cet amendement plus qu’il n’en dit !
Les chiffres qui ont été cités le prouvent : dans la majorité des cas, le temps partiel est imposé ; il entraîne une plus grande flexibilité, accentue les inégalités salariales et ampute les retraites. On ne peut pas accepter cette situation ! C'est la raison pour laquelle nous approuvons l’amendement n° 3.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Pour les raisons qu’a fort bien exposées Mme la ministre, nous ne voterons pas cet amendement, qui vise à sanctionner de manière autoritaire et, surtout, non nuancée le recours au temps partiel.
Notre société doit réfléchir à de nouvelles formes d’emploi ; je pense, notamment, à la manière dont nos seniors pourraient quitter progressivement le milieu de l’entreprise, ainsi qu’à la façon d’intégrer certains employés.
Il est vrai que le temps partiel subi frappe particulièrement les femmes et qu’il faut trouver des moyens d’améliorer la situation de ces dernières. Toutefois, j’ai du mal à saisir les subtilités et les nuances de la proposition formulée au travers de cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.
Mme Michèle André. Je voudrais simplement rappeler quelques chiffres, afin que chacun prenne conscience de la situation. Aujourd'hui, les femmes représentent 75 % des salariés rémunérés au SMIC et 82 % des personnes travaillant à temps partiel.
M. Jean-Jacques Mirassou. Voilà !
Mme Michèle André. Sans doute allons-nous tous, de temps en temps, nous approvisionner dans des grandes surfaces. Dans certaines d’entre elles, il n’y a plus de caissières ; les caisses sont automatiques. Il faut être attentif à ce problème : dans le secteur de la grande distribution, même si les employeurs sont en règle avec le droit du travail et ont les meilleures intentions, de nombreuses jeunes femmes diplômées sont obligées, pour des raisons de survie, d’exercer des fonctions qui constituent pour elles un véritable déclassement. Elles ne travaillent parfois que vingt-huit ou vingt-neuf heures par semaine.
Ce sont ces femmes dont, l’été dernier, un député voulait encore aggraver les conditions de travail, car il estimait que la majoration de 25 % des heures supplémentaires était excessive ; il s’agissait d’un député du Nord, sans doute influencé par quelques distributeurs implantés dans cette zone géographique…
Regardons la réalité en face : c’est beaucoup de malheur pour ces jeunes femmes ! Si elles n’ont pas de compagnon pour les aider à payer leur loyer, elles sont dans une situation de véritable pauvreté.
M. Jean-Jacques Mirassou. Exactement !
M. Roland Courteau. Les travailleurs pauvres, ça existe !
Mme Michèle André. Tout ce qui peut améliorer leur situation mérite d’être pris en compte dans cet hémicycle, où nous sommes tous – quel que soit le banc sur lequel nous sommes assis – conscients des difficultés que rencontrent ces femmes. Si nous ne faisons rien, cela signifiera que nous n’avons pas observé comment notre société est construite, et qui, en son sein, est au service de qui.
Je plaide donc en faveur de cet amendement. Alors que nous parlons de la pauvreté, notamment de celle des enfants, c’est de ces femmes-là, qui sont souvent chefs de famille – on parle pudiquement de « famille monoparentale » –, dont nous devons nous occuper. Nous pouvons améliorer un tant soit peu leur situation en faisant en sorte que les entreprises leur proposent davantage d’emplois à temps plein : cela leur permettrait de gagner davantage d’argent, et quand on perçoit 1 000 euros par mois, il n’est pas indifférent de toucher 300 ou 400 euros de plus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mme André a très bien insisté sur l’aspect humain du problème et sur la nécessité d’un modèle social qui organise autrement le travail, notamment à temps partiel.
Je voudrais répondre à Mme la ministre. Certes, on peut être sensible au besoin de marges de manœuvre de certains secteurs d’activité exposés à la concurrence mondiale. Cependant, le temps partiel subi ne concerne pas ces secteurs mais, pour l’essentiel, les services ainsi que des secteurs liés à la consommation nationale. Ce sont d'ailleurs les mêmes secteurs qui bénéficient des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, dont il a été prouvé qu’elles n’ont pas, pour la plupart d’entre elles, entraîné de créations massives d’emplois ni amélioré la compétitivité du pays.
Par conséquent, ce ne serait pas mettre des semelles de plomb à l’économie française et à nos entreprises que de sanctionner le recours – pour des raisons de facilité, en général – au temps partiel. Au contraire, une telle mesure, si elle s’accompagnait d’une négociation collective intelligente marquée par une volonté d’organiser autrement le travail et les services, permettrait la création de davantage d’emplois à temps plein, ce qui est indispensable à la dignité des salariés.
Je ne vous répéterai pas, madame la ministre, le discours que j’ai tenu tout à l'heure à votre collègue, Xavier Bertrand, sur la question des licenciements boursiers, mais vous comprendrez que l’on ne peut pas à la fois dire que la valeur travail est centrale et refuser de donner à nos concitoyens les moyens de vivre dignement de leur travail. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vais répéter ce que j’ai dit voilà quelques minutes. Les dispositions de cet amendement posent deux problèmes : d'une part, elles ne distinguent pas le temps partiel subi du temps partiel choisi ; d'autre part, et surtout, elles ne prennent pas en compte les spécificités de certaines entreprises.
Je prendrai un exemple tout simple : il existe des entreprises dont tous les salariés travaillent à temps partiel, du fait des caractéristiques mêmes de leur activité. C’est le cas des salles de spectacle, puisque certaines représentations n’ont lieu que le soir ; tous leurs employés, ou du moins la moitié d’entre eux, travaillent donc à temps partiel. Or vous proposez de soumettre ces entreprises à une majoration de 10 % des cotisations sociales. Vous voyez bien qu’il s’agit d’une absurdité !
M. Jean-Jacques Mirassou. Est-ce que ces entreprises gagnent de l’argent, ou non ? Là est la question !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je conçois tout à fait que le temps partiel, en particulier quand il est imposé aux femmes, pose problème. En effet, le recours au temps partiel entraîne des situations dramatiques, notamment lorsque les personnes concernées prennent leur retraite, puisqu’elles ne perçoivent alors qu’une toute petite pension.
Cependant, cet amendement me surprend beaucoup, dans la mesure où son adoption n’apporterait rien de plus aux salariés à temps partiel. Il aurait fallu prévoir que les suppléments de cotisations contribuent à majorer les pensions de ces salariés ; actuellement, ce n’est qu’une possibilité ouverte aux employeurs. Si un amendement avait été déposé pour imposer cette majoration, je l’aurais approuvé.
Je veux bien qu’on pleure sur le sort des travailleurs à temps partiel – il s'agit d’un véritable problème –, mais dans ce cas, prenons des mesures concrètes en leur faveur,…
M. Jean-Jacques Mirassou. Nous sommes pour la dignité, pas pour la compassion !
M. Jean Louis Masson. … au lieu de nous contenter de compliquer la tâche des employeurs.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article unique.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Mes chers collègues, la position de notre groupe ne vous surprendra pas, puisque j’ai déjà largement exposé les raisons qui nous conduisent à nous abstenir ; Muguette Dini s’était d'ailleurs abstenue lors de l’examen de cette proposition de loi par la commission des affaires sociales.
Comme certains d’entre vous, je regrette que nous soyons si peu nombreux – c’est un fait, et sur toutes les travées de cet hémicycle – lorsqu’il s’agit de questions sociétales ; cette situation s’est produite plusieurs fois ces dernières années.
M. Alain Gournac. En effet !
Mme Catherine Morin-Desailly. Je souhaiterais également qu’autant d’hommes que de femmes participent à ces débats ; cela me paraît essentiel. (Brouhaha.) Je vous remercie de bien vouloir m’écouter, mes chers collègues ! Je pense vous avoir écoutés tout à l'heure. Ces moments sont importants, et nous avons l’habitude de nous écouter les uns les autres dans le cadre de la délégation parlementaire aux droits des femmes ; en tout cas, c’était le cas lorsque j’en faisais partie.
Le problème est toujours devant nous. Par conséquent, la mobilisation doit rester forte dans cet hémicycle.
Je répète officiellement ma demande, afin qu’elle soit bien consignée dans le compte rendu intégral des débats de cette séance : je souhaite que le fameux décret d’application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites soit examiné très précisément, car il ne me semble pas assez offensif.
M. Roland Courteau. Ce décret doit être revu et corrigé !
Mme Catherine Morin-Desailly. Peut-être faudrait-il également une implication plus forte des services de l’inspection du travail : ils pourraient effectuer davantage de contrôles dans les entreprises. En effet, pour que ces dernières soient à égalité devant la loi, encore faudrait-il que les contrôles soient plus réguliers et plus nombreux.
Beaucoup de sujets doivent encore être abordés. J’espère qu’il ne faudra pas attendre à nouveau quarante ans ; je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point, chère Michèle André ! Je souhaite que nous puissions travailler de manière efficace et pragmatique sur ces questions importantes. J’ai bien compris qu’il s’agissait aujourd'hui d’une proposition de loi d’appel – le mot a d'ailleurs été prononcé –, ce qui signifie que nous devons rester extrêmement mobilisés.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Nous avons débattu aujourd'hui d’un véritable problème ; je crois que nous en sommes tous conscients.
Je veux saluer votre présence, messieurs, car je me souviens qu’il vous est arrivé d’être moins nombreux en séance pour d’autres débats sur l’égalité hommes-femmes ! Vous êtes les bienvenus, et je pense que si nous discutons à nouveau de ce sujet l’an prochain – ce qui signifierait malheureusement que nous n’aurions pas beaucoup avancé –, vous serez encore plus nombreux. En tout cas, la présence de sénateurs dans cet hémicycle me fait plaisir, et j’ai apprécié que l’un d’entre eux se soit exprimé à la tribune, car il ne s’agit pas d’un débat hommes-femmes mais d’une question de société, qui nous concerne tous.
Je ne rappellerai pas les propos de Mme la ministre et de Laurence Cohen sur les inégalités dont sont victimes les femmes qui ne se sont jamais arrêtées de travailler pour élever un enfant. Ayant travaillé pendant quarante ans dans une entreprise privée, j’ai bien vu que, à diplômes et à parcours égaux, les femmes ne recevaient pas le même salaire que les hommes.
Pour autant, l’actuel gouvernement comme ceux qui l’ont précédé ont déjà pris des mesures et fait adopter un certain nombre de lois. Je salue d'ailleurs le travail de Mme Génisson, que je connaissais, avant son élection au Sénat, par la proposition de loi relative à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, devenue la loi du 9 mai 2001, qu’elle avait présentée.
Un certain nombre de mesures que nous avons prises vont dans le bon sens. La sanction financière de 1 % de la masse salariale que les députés ont introduite l'année dernière est unique en Europe. Mme la ministre l’a rappelé, le classement qui a été évoqué surprend, et il étonne davantage encore quand on découvre les pays qui sont placés devant nous ! Nous avons décidé d’adopter cette mesure, alors même que nous savions bien que ses résultats ne seraient pas immédiats. Il faut laisser aux dispositions législatives le temps de s'appliquer.
Sur le fond, les entreprises de plus de 50 salariés devront mettre en œuvre un accord collectif ou un plan d’action qui fixera des objectifs de progression. Les actions devront toucher deux ou trois domaines, selon la taille de l’entreprise.
La loi sur les retraites impose un contenu précis pour les accords, alors que la proposition de loi est silencieuse sur ce point, Mme la ministre et mes collègues UMP l’ont rappelé.
Ainsi, un accord purement déclaratif pourrait exonérer l’entreprise de la suppression des cotisations, ce qui n’est pas le cas pour la pénalité financière de 1 %. Nous avons bien vu que nous ne pouvions pas faire confiance complètement aux entreprises pour appliquer la loi. Par conséquent, si nous voulons adopter un nouveau texte législatif, veillons à sa précision, afin qu’il puisse être mis en œuvre.
Le groupe UMP juge cette proposition de loi redondante avec les dispositions qui ont été récemment votées.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Le texte prévoit deux mesures nouvelles !
Mme Catherine Procaccia. De plus, le poids des allégements et exonérations sociales variant fortement selon les secteurs – il est faible dans l’industrie, mais élevé dans les services, notamment le commerce –, la sanction risquerait d’être inadaptée à l’objectif visé et source de rupture d’égalité.
Le second mécanisme, qui prévoit une pénalité financière pour l’entreprise n’ayant pas transmis à l’inspecteur du travail le rapport de situation comparée prévu par le code du travail, me semble également redondant avec le dispositif de la loi sur les retraites.
Enfin, je veux rappeler que, la semaine dernière, le travail parlementaire a permis de réaliser un grand progrès en matière de lutte contre la précarité dans la fonction publique. L'Assemblée nationale a en effet adopté le projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique, un texte qui réajuste les nominations aux hautes fonctions entre hommes et femmes.
La vigilance sur la question de l’égalité entre les hommes et les femmes ne doit pas cesser, nous en sommes tous convaincus. Pour autant, il ne faut pas légiférer une nouvelle fois. Au contraire, comme l’a souligné Catherine Morin-Desailly, mieux vaut vérifier l’efficacité des dispositifs déjà en place.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. En somme, selon vous, nous devons être vigilants, mais sans rien faire !
Mme Catherine Procaccia. Le groupe UMP ne souscrit pas à l’exposé des motifs très critique des auteurs de cette proposition de loi et votera contre ce texte.
Au mois de juin 2011, nous avons débattu d’une proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité, dont Claire-Lise Campion était l’auteur.
Sur ce sujet, ma position n’a pas changé : cela fait des dizaines d'années que je préconise l'obligation d'un véritable congé paternité. Lorsque les hommes seront contraints de s’arrêter de travailler pendant une durée minimale d’un mois, ils seront aussi défavorisés dans leur carrière que les femmes. L’année dernière, ma proposition a suscité un certain nombre de railleries, sur l'ensemble des travées d'ailleurs. Pourtant, quelques semaines plus tard, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales allait dans ce sens, ce qui m'a donné beaucoup de satisfaction.
Je suis intimement persuadée que c'est non par des lois, mais par des mécanismes complètement différents que nous parviendrons un jour à imposer une véritable égalité entre les hommes et les femmes dans l'entreprise.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Sur le principe, je suis partisan de prendre des mesures en faveur de l'égalité, notamment professionnelle, entre les hommes et les femmes. Je ne voterai donc pas contre cette proposition de loi.
Au cours des dernières années, des progrès ont été réalisés. (Mme Catherine Génisson s’exclame.) Je suis tout à fait d'accord pour reconnaître qu’ils restent insuffisants. D'ailleurs, dans certains domaines, le Gouvernement et les sphères d'influence ont mené un combat d'arrière-garde contre les dispositions législatives votées. Ainsi, on ne peut pas dire que tous les ministres aient fait preuve de beaucoup d'enthousiasme pour prendre les décrets d'application... On peut même regretter que certains textes règlementaires n’aient toujours pas été publiés malgré le passage des années.
Je conclurai mon intervention en formulant une remarque plus générale. Je constate que, à quelques mois des élections, à droite comme à gauche, on multiplie les initiatives dans tous les domaines.
M. Jean-Jacques Mirassou. La majorité sénatoriale a changé !
M. Alain Gournac. Cela n'a rien à voir !
M. Jean Louis Masson. Discutons-nous pour adopter des textes ou pour déclarer que nous avons débattu ? On est en droit de se le demander.
M. Roland Courteau. On ne va pas recommencer le débat !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il fallait venir avant et assister à la discussion générale !
M. Jean Louis Masson. Ma réflexion ne vaut pas seulement pour aujourd'hui, d'ailleurs ; elle est valable pour bien d’autres propositions de loi. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Du reste, peu d’entre nous imaginent que, compte tenu du calendrier électoral à venir, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui aura un avenir.
M. Roland Courteau. Vous n'en savez rien !
M. le président. La parole est à M. René Teulade.
M. René Teulade. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce débat a été d'une exceptionnelle qualité et d’une grande richesse. Il touche à l'un des plus éminents et des plus beaux textes de notre histoire contemporaine : la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Tout au long de l’examen de ce texte, je pensais aux progrès qui ont été accomplis, peu à peu, en faveur de la cause féminine. Il est un peu triste de constater qu'il a fallu la guerre et le départ des hommes au combat pour que les femmes s’émancipent, notamment dans les zones rurales.
Toute avancée dans ce domaine est un pas vers la liberté. Aujourd'hui plus que jamais, dans une société marquée par l'individualisme des parcours et l'éclatement de la structure familiale, l'égalité entre les hommes et les femmes passe essentiellement par l'égalité professionnelle, en particulier salariale.
Il est de notre devoir d'élus de favoriser tout progrès qui peut être réalisé dans ce domaine, afin de faire avancer notre société vers plus de fraternité et de justice.
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera ce texte qui, même s’il n'est pas parfait, constitue une avancée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.) – (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)