M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, je reconnais que France 24 a connu des difficultés, même si vous les exagérez à loisir. Ces difficultés sont aujourd'hui derrière nous. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) L’impact de France 24 pendant les révolutions arabes en témoigne : elle est devenue une chaîne respectée, suivie et à l’évidence nécessaire.
Mme Catherine Tasca. Et un peu chère…
M. Frédéric Mitterrand, ministre. Le fait que France 24 ait réussi le passage en version arabe vingt-quatre heures sur vingt-quatre est également à porter à son crédit. Certes, il y a eu des problèmes de gouvernance, mais ils sont désormais réglés.
Quant à RFI, je ne vais pas rappeler les raisons pour lesquelles il était nécessaire d’engager une réforme de cette chaîne. Son cadre général d’intervention était obsolète. Par exemple, des programmes étaient diffusés dans un certain nombre de langues très peu parlées et faisaient l’objet d’une forte concurrence. En revanche, certains pays, notamment en Afrique, étaient insuffisamment couverts par RFI, en dépit d’une demande considérable. Il fallait donc réformer l’entreprise en profondeur, pour lui redonner la force nécessaire.
Dès lors que France 24 sortait de sa terrible crise d’adolescence et que l’on refondait RFI, il était parfaitement logique que les deux entreprises se rapprochent pour donner à l’ensemble de l’action audiovisuelle extérieure de la France une cohérence et une homogénéité. Cela permettra de rassembler les talents, de définir une ligne stratégique d’entreprise. Cette démarche me semble tout à fait normale ! Dans cet esprit, il est en outre logique que RFI déménage pour se rapprocher de France 24.
Mme Claudine Lepage. Ce n’était pas ma question !
M. Frédéric Mitterrand, ministre. S’agissant du problème de procédure que vous avez évoqué, il sera réglé aujourd'hui, en présence du personnel de RFI. Le tribunal administratif avait invalidé un volet de la procédure sur quatre : AEF a mis sa gouvernance en conformité avec cette décision de justice. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
rtt à l'hôpital
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.
Mme Élisabeth Lamure. Ma question s'adressait à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé, mais je remercie par avance M. Sauvadet de me répondre.
Monsieur le ministre, un peu comme une malédiction, les conséquences de l’application des 35 heures se rappellent à nous régulièrement. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et celles du chômage ?
Mme Élisabeth Lamure. Ses effets sont désastreux : coût économique, au détriment de la compétitivité et de la croissance, coût humain, supporté par les salariés et la société, coût budgétaire pour l’État, les collectivités locales et les contribuables…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et ceux du chômage ?
Mme Élisabeth Lamure. Notre majorité n’a eu de cesse de rechercher les moyens de les atténuer.
À l’hôpital, les modalités de mise en œuvre des 35 heures imposées à l’origine par Élisabeth Guigou, alors ministre de l’emploi et de la solidarité du gouvernement Jospin, représentaient une véritable bombe à retardement, que le Gouvernement doit maintenant déminer.
Les chiffres sont impressionnants : en dix ans, environ 2 millions d’heures ont été « stockées » sur des comptes épargne-temps, faute pour les personnels hospitaliers, notamment les médecins, de pouvoir prendre leurs journées de congé supplémentaires, sauf à désorganiser le fonctionnement de l’hôpital. Le paiement d’une journée de RTT s’élevant à 300 euros en moyenne, il faudrait débourser au total 600 millions d’euros pour régler le problème !
Comment sortir de cette situation ?
L’alternative est la suivante : soit on permet aux médecins de réellement bénéficier, d’une manière ou d’une autre, de ces journées de repos supplémentaires, sachant qu’elles ne peuvent être « stockées » plus de dix ans ; soit ils devront faire une croix dessus, ce qui serait évidemment une grande injustice.
Il convient de rendre hommage aux médecins hospitaliers : nous connaissons tous la dureté de leur métier et leur engagement au service des patients.
M. Bertrand a réuni les organisations syndicales représentatives des médecins hospitaliers ce lundi, afin de sortir « par le haut » d’une situation difficile, dont l’apparition était prévisible dès la mise en place du dispositif. Un accord-cadre a été signé, qui semble convenir aux parties. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous en décrire les grandes lignes, en mettant plus particulièrement en perspective les enjeux financiers ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser Xavier Bertrand et Nora Berra, retenus à l’Assemblée nationale par l’examen de plusieurs propositions de loi.
Comme vous l’avez dit, Xavier Bertrand et Nora Berra viennent de signer un accord-cadre avec sept syndicats représentant les médecins hospitaliers, les internes, les chefs de clinique. Il vise en premier lieu à renforcer l’attractivité des carrières médicales hospitalières.
M. Yves Daudigny. Elles en ont besoin !
M. François Sauvadet, ministre. C’est là un enjeu particulièrement important, en vue de garantir une offre de soins de qualité dans nos hôpitaux sur tout le territoire.
Un autre volet de cet accord-cadre a trait à « l’optimisation de la gestion du temps de travail médical à l’hôpital ». Il comporte des dispositions relatives aux comptes épargne-temps applicables aux médecins hospitaliers.
La mise en œuvre des 35 heures a coûté très cher à notre pays. Elle a affecté notre économie et nos comptes publics, ainsi que le fonctionnement de nos hôpitaux. L’accord-cadre vise à régler les problèmes liés à l’application des 35 heures à l’hôpital, qui avait été très mal préparée. Le Gouvernement entend en effet assumer jusqu’au dernier jour ses responsabilités devant les Français. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. François Patriat. Les 35 heures ont quand même permis de créer 400 000 emplois !
M. François Sauvadet, ministre. La solution préconisée par le Gouvernement pour résorber le stock d’heures accumulées au fil des années repose sur le dialogue avec les principaux intéressés.
M. Jacky Le Menn. Dix ans de dialogue…
M. François Sauvadet, ministre. C’est la méthode que nous avons pratiquée de façon constante dans la fonction publique. Aucun gouvernement n’avait signé autant d’accords dans le cadre du dialogue social que celui de François Fillon.
Il semble que la gauche ait oublié, lorsqu’elle a mis en place les 35 heures, qu’un hôpital fonctionne 365 jours par an et vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
M. Yves Daudigny. Ah bon ?
M. Jean-Louis Carrère. Quel scoop !
M. François Sauvadet, ministre. Je profite de cette occasion pour rendre à mon tour hommage au dévouement de l’ensemble du personnel hospitalier.
L’accord-cadre prévoit notamment une liberté de choix entre trois options pour utiliser les jours accumulés sur le compte épargne-temps : leur paiement, leur conversion en épargne retraite ou la prise de jours de congé. Cela vaut tant pour le passé que pour l’avenir.
Vous avez évoqué une dépense de 600 millions d’euros, madame la sénatrice, mais cette somme a été calculée de façon théorique, sans tenir compte des options autres que le paiement. J’ajoute que les hôpitaux ont budgété, année après année, des crédits destinés à couvrir la rémunération des jours de congé supplémentaires liés à la réduction du temps de travail.
Il était indispensable de trouver une solution pour régler une situation découlant d’une décision qui, je le répète, a coûté très cher à notre pays et à son économie. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) C’est la vérité ! C’est en toute responsabilité et par le dialogue avec les praticiens hospitaliers que nous sommes parvenus à cette solution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Patrick Courtois.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
7
Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 93 du 23 janvier 2012, M. Jean-Pierre Cantegrit a été déclaré comme votant pour, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
8
Agents contractuels dans la fonction publique
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions d’emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique (projet n° 784 [2010-2011], texte de la commission n° 261, rapport n° 260).
Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre III
Dispositions relatives au recrutement et à la mobilité des membres du Conseil d’État et du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, des membres de la Cour des comptes et du corps des chambres régionales des comptes
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au moment où nous abordons l’examen du chapitre III, consacré aux juridictions administratives et financières, je souhaite rappeler dans quel état d’esprit la commission des lois a travaillé.
Conscient que des améliorations doivent être apportées au fonctionnement des juridictions administratives et financières, le Gouvernement a lui-même souhaité que la représentation nationale, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, se penche sur la situation de ces instances. Il leur a ainsi consacré six des soixante-trois articles que comptait la rédaction initiale du projet de loi. Il s’agit donc d’une thématique importante de ce texte.
La commission des lois a d’ailleurs salué cette initiative, en adoptant les six articles en question, tout en y apportant quelques ajustements. Elle a en outre enrichi le texte de mesures importantes, toutes inspirées par le souci d’assurer une plus grande mobilité des agents concernés et de valoriser leur carrière, ce qui a conduit à l’introduction de neuf articles supplémentaires.
Je tiens à souligner l’esprit de responsabilité des membres de la commission, qui n’ont pas immodérément alourdi le texte et ont concentré leur réflexion sur les mesures immédiatement nécessaires, eu égard notamment au choix du Premier ministre de diminuer l’importance des promotions de l’École nationale d’administration, ce qui conduit à un appauvrissement des effectifs de tous les corps concernés au sein des juridictions administratives et financières. Or ce qui est en jeu, c’est bien, au-delà du seul intérêt de ces juridictions, le bon fonctionnement général de l’État, compte tenu du rôle de ces dernières.
Je ne reviendrai pas sur les deux projets de réforme avortés de 2008 et de 2009 ; ce texte est la dernière occasion, pour le Gouvernement, de renforcer les moyens, en particulier humains, des juridictions administratives et financières. Il est donc forcément le bon vecteur pour insérer les mesures que la commission des lois a adoptées.
Comme je l’ai déjà dit lors de la discussion générale, je regrette que le Gouvernement n’ait pas souhaité déposer, au cours de la législature, un projet de loi spécifiquement consacré à l’organisation et aux moyens humains des juridictions administratives et financières. Quoi qu’il en soit, je souhaite aborder cette question avec pragmatisme.
Nous avons pris le temps du dialogue. Nous avons ainsi eu de nombreux échanges avec vous-même, monsieur le ministre, les membres de votre cabinet, les représentants des juridictions, les associations des membres des corps concernés et les syndicats. Cela est d’autant plus vrai que le Parlement a eu l’occasion à plusieurs reprises, ces dernières années, d’aborder ce sujet.
Je pense donc que nous sommes en mesure de traiter la question en profondeur et dans un esprit de responsabilité à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, même si nous sommes loin d’avoir réglé la totalité des problèmes.
En tout, quinze articles sont concernés, ce qui n’est tout de même pas énorme. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, j’espère vivement que le Gouvernement soutiendra les dispositions mesurées que la commission a insérées. Je souhaiterais en particulier que nous puissions trouver un terrain d’entente sur les mesures visant à élargir, dans des proportions tout à fait raisonnables, l’accès au Conseil d’État et à la Cour des comptes et à pérenniser le concours d’accès aux chambres régionales des comptes.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. Nous abordons un chapitre important de ce projet de loi.
Je note tout de même une certaine inflation du nombre d’articles, puisque ce chapitre en comporte désormais quinze, contre six à l’origine… Il ne faudrait pas perdre de vue, pour autant, que l’objet premier de ce projet de loi est la résorption de la précarité au sein de la fonction publique, et non les moyens humains des juridictions administratives et financières.
Madame le rapporteur, vous avez évoqué une réduction des promotions de l’ÉNA et ses conséquences éventuelles sur l’accès à certaines fonctions.
Je ferai d’abord observer que, depuis deux ans, les effectifs sont stables, les promotions comptant 80 élèves.
Par ailleurs, je souhaite moi aussi que nous débattions des conditions de sortie de cette école.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, je suis d’accord avec vous : les juridictions administratives et financières doivent évoluer. Cela étant, si nombre des dispositions introduites par la commission sont incontestablement pertinentes, je ne voudrais pas que l’on se trompe d’objectif. Je vous propose donc que nous nous en tenions à la méthode qui a guidé nos travaux depuis l’origine : concentrons-nous sur les dispositions consensuelles et remettons l’examen des autres à une occasion ultérieure. J’espère que j’occuperai alors encore mes fonctions actuelles ! (Sourires.)
En tout cas, je tiens à vous remercier, madame le rapporteur, de la tonalité que vous donnez depuis le début à nos travaux.
Article 53
L’article L. 133-8 du code de justice administrative est ainsi rédigé :
« Art. L. 133-8. – Pour chaque période de deux ans, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel est nommé au grade de conseiller d’État en service ordinaire, sans qu’il en soit tenu compte pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 133-3.
« Chaque année, deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont nommés au grade de maître des requêtes, sans qu’il en soit tenu compte pour l’application du deuxième alinéa de l’article L. 133-4 du présent code.
« Les nominations prévues au présent article sont prononcées sur proposition du vice-président du Conseil d’État, délibérant avec les présidents de section, après avis du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 67 rectifié, présenté par M. Mézard, Mme Escoffier et MM. C. Bourquin, Alfonsi, Baylet, Collin, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 133-4 du code de justice administrative sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :
« Un tiers au moins des emplois vacants des maîtres des requêtes sont réservés au tour extérieur des magistrats affectés dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.
« Nul ne peut être nommé maître des requêtes, en dehors des auditeurs de première classe en exercice, s'il n'est âgé de trente ans et s'il ne justifie de sept ans de services publics, tant civils que militaires.
« Les modalités d'application de cet article sont définies par décret en Conseil d'État. »
II. - Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. L’alinéa 3 de l’article 53 prévoit que, chaque année, deux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel soient nommés au grade de maître des requêtes au Conseil d’État, sans qu’il soit tenu compte de la règle selon laquelle les trois quarts au moins des emplois vacants sont réservés aux auditeurs de première classe, issus de l’ÉNA.
Il convient de saluer la modification apportée au texte par la commission des lois, tendant à rendre obligatoire la deuxième de ces nominations. Toutefois, cela ne fait qu’entériner la pratique actuelle en matière de nomination de membres de ce corps.
Nous proposons donc d’aller plus loin, en élargissant l’accès de ceux-ci au grade de maître des requêtes au Conseil d’État, par le biais d’un relèvement d’un quart à un tiers de la part des nominations réservées aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Cet amendement tend également à ramener de dix à sept le nombre d’années de services publics que les candidats nommés par la voie du tour extérieur au grade de maître des requêtes doivent avoir accomplies.
En facilitant l’accès au Conseil d’État des membres de ce corps, qui sont forts d’une expérience de terrain acquise au sein des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, il s’agit de remédier au tarissement de l’effectif des membres du Conseil d’État prévu par l’étude d’impact et de favoriser la diversification des profils.
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Chaque année, un membre du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est nommé au grade de maître des requêtes, sans qu'il en soit tenu compte pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 133-4. Un autre membre de ce corps peut être nommé chaque année dans les mêmes conditions.
La parole est à M. le ministre, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis du Gouvernement sur l'amendement n° 67 rectifié.
M. François Sauvadet, ministre de la fonction publique. L'amendement n° 67 rectifié tend à introduire une rigidité inutile, en portant à un tiers au moins des emplois vacants la part des nominations réservées aux membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Son adoption aboutirait à une forte réduction des emplois vacants réservés aux auditeurs de première classe. La mise en œuvre d’une telle réforme nécessiterait une analyse approfondie du pyramidage des deux corps concernés. Enfin, l’abaissement de la durée de services publics requise pour accéder au grade de maître des requêtes au tour extérieur n’apparaît pas justifié.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n° 100 tend à revenir sur la rédaction de l'article 53 issue des travaux de la commission des lois du Sénat, qui prévoit de porter à deux le nombre de nominations annuelles de membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel au grade de maître des requêtes. En effet, au cours des vingt-cinq dernières années, le nombre de membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel nommés au grade de maître des requêtes au Conseil d’État a été de 0,84 par an en moyenne.
L’objectif du Gouvernement est de faciliter l’accès des membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel à ce grade. La version initiale de l'article 53 du projet de loi prévoyait une nomination à titre obligatoire et une autre à titre facultatif chaque année. Il me paraît important de la rétablir, afin de conserver une marge de manœuvre pour ajuster chaque année le nombre de ces nominations, en fonction des besoins du corps et pour tenir compte de la qualité du profil des candidats.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Tasca, rapporteur. L'amendement n° 67 rectifié tend à prévoir qu’un quota d’un tiers des emplois vacants de maître des requêtes au Conseil d’État soit réservé aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Il vise à modifier, en conséquence, l’article L. 133-4 du code de justice administrative.
Le texte adopté par la commission a d’ores et déjà élargi l’accès au grade de maître des requêtes au Conseil d’État pour les membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, dans des proportions similaires. En effet, la commission des lois a prévu que deux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel seront nommés par cette voie chaque année, hors quota prévu à l’article L. 133-4 du code des juridictions administratives.
Dans la mesure où, aujourd'hui, seuls cinq auditeurs de première classe issus de l’ÉNA accèdent au Conseil d’État chaque année, l’adoption de l’amendement n° 67 rectifié pourrait conduire, dans quelques années, lorsque l’affaiblissement de l’effectif des auditeurs se sera accru, à ne plus ouvrir qu’un tiers de cinq places, soit moins de deux places, aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Ce dispositif pourrait donc, à terme, être de fait moins favorable aux intéressés que celui figurant dans le texte adopté par la commission.
Enfin, cet amendement vise à ramener de dix à sept le nombre d’années de services publics requis pour l’accès au grade de maître des requêtes par la voie du tour extérieur. Or cela ne paraît pas souhaitable : d’une part, la nature des missions conférées justifie qu’une expérience antérieure importante soit exigée ; d’autre part, dans les faits, les candidats à ces nominations au tour extérieur justifient le plus souvent d’une expérience de services publics supérieure aux dix années actuellement requises. La disposition en vigueur ne semble donc pas poser problème en pratique.
Pour toutes ces raisons, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Quant à l'amendement n° 100, il va à l’encontre de l’objectif affiché par le Gouvernement de faciliter la mobilité et la promotion des personnels. La mise en œuvre de son dispositif favoriserait paradoxalement l’amoindrissement de l’effectif du corps des membres du Conseil d’État.
La disposition proposée par la commission ne me paraît pas déraisonnable : passer d’une nomination à deux ne semble pas excessif. Elle serait de nature à donner aux membres des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel une perspective de carrière et je ne crois pas qu’elle soit source de rigidité.
Monsieur le ministre, l’esprit qui a présidé à la préparation de ce texte montre votre volonté d’élargir le vivier de recrutement. Vous enverriez un signal positif en acceptant la rédaction de la commission des lois, qui ne peut donc émettre qu’un avis défavorable sur l’amendement n° 100.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Sauvadet, ministre. Madame le rapporteur, nos positions ne sont pas très éloignées : vous et moi parlons de deux nominations.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Précisez votre position !
M. François Sauvadet, ministre. Simplement, je préfère que l’une soit obligatoire et l’autre facultative, tandis que vous inclinez pour deux nominations obligatoires.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. La position de la commission et celle du Gouvernement ne sont pas fondamentalement différentes. Le dispositif prévu dans l’amendement n° 100 donnera bien souvent lieu à deux nominations, si des candidats paraissent devoir être prioritaires.
Cela étant, je trouve que l’on s’attarde beaucoup trop sur les fonctions juridictionnelles du Conseil d’État, oubliant qu’elles ne constituent pas son unique mission. L’ouverture à des personnalités extérieures se justifie donc pleinement pour ses fonctions de conseil, lesquelles sont extrêmement importantes.
Madame le rapporteur, à vous entendre, on a l’impression que le Conseil d’État se résume à ses fonctions juridictionnelles. Or, historiquement, les fonctions consultatives les ont précédées.
Faisons attention à ne pas limiter le recrutement du Conseil d’État au seul corps des magistrats administratifs. Or l’amendement n° 67 rectifié va dans ce sens, ce qui est regrettable.
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Catherine Tasca, rapporteur. Monsieur Hyest, cette disposition n’empiète en rien sur le tour extérieur, qui peut apporter les profils différents que vous souhaitez voir rejoindre le Conseil d’État. C’est d’ailleurs aussi pour promouvoir cette diversité dans le recrutement que la commission a créé un cadre nouveau de maître des requêtes en service extraordinaire.
Nous n’oublions pas que le Conseil d’État a aussi des missions autres que juridictionnelles.
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 67 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 67 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 100.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L’article 53, tel qu’il résulte des travaux de la commission des lois, transcrit dans la loi une situation de fait résultant d’un accord non formalisé entre les organisations syndicales des juges administratifs et le Gouvernement.
Nous y sommes tout à fait favorables, puisqu’il tend, sinon à augmenter, du moins à stabiliser le nombre de juges administratifs intégrant le Conseil d’État. Il faut savoir que ces derniers ne représentent actuellement que 10 % des effectifs, alors que le recrutement au tour extérieur a concerné près de 30 % des maitres des requêtes et des conseillers d’État en activité.
Cette situation n’est pas pleinement satisfaisante. C’est pourquoi nous considérons, à l’instar de Mme le rapporteur, que l’accès au Conseil d’État constitue, pour les membres du corps des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, un mécanisme régulier et normal d’évolution hiérarchique.
Nous voterons en faveur de cet article, même s’il nous aurait semblé légitime que cette augmentation entraîne une diminution des postes ouverts par le biais du tour extérieur de droit commun, afin que ne soit pas réduit le nombre de postes ouverts dans le cadre de l’auditorat, et respecte un principe que nous défendons fermement, celui de la nomination en fonction du rang de sortie des élèves de l’École nationale d’administration.