Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. François Fortassin.
2. Candidatures à d'éventuelles commissions mixtes paritaires
3. Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
4. Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. – Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission
M. le président.
Suspension et reprise de la séance
Discussion générale : Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer ; M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois.
M. Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, MM. Pierre-Yves Collombat, André Reichardt, Mme Corinne Bouchoux, MM. Michel Delebarre, Alain Anziani, Jean-Yves Leconte.
Clôture de la discussion générale.
Suspension et reprise de la séance
Demande de renvoi à la commission
Motion no 14 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, Mme la ministre. – Rejet.
M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 15 de la commission. – M. le rapporteur, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 16 de la commission et sous-amendement n° 19 de M. Jean Louis Masson. – MM. le rapporteur, Jean Louis Masson, Mme la ministre, MM. Philippe Bas, Jean-Pierre Michel, Mme Corinne Bouchoux, M. Yves Détraigne. – Rejet du sous-amendement ; adoption de l’amendement.
Amendement n° 11 de M. Gaëtan Gorce et sous-amendement n° 18 de M. Jean Louis Masson. – MM. Gaëtan Gorce, Jean Louis Masson.
Amendement n° 13 de Mme Éliane Assassi et sous-amendement n° 17 de M. Jean Louis Masson. – Mme Éliane Assassi, M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 6 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
Amendement n° 7 de M. Jean Louis Masson. – M. Jean Louis Masson.
MM. Jean-Pierre Michel, vice- président de la commission des lois ; le rapporteur, Mme la ministre, M. Jean-Yves Leconte, Jean Louis Masson, Jean-Jacques Mirassou, Mme Corinne Bouchoux, M. Jean-Jacques Hyest. – Rejet du sous-amendement n° 18 ; adoption de l’amendement n° 11, les amendement nos 13, 6, 7 et le sous-amendement no 17 devenant sans objet.
Amendement n° 10 de M. Gaëtan Gorce. – MM. Gaëtan Gorce, le vice-président de la commission, Mme la ministre. – Adoption.
Amendement n° 8 de M. Pierre-Yves Collombat. – MM. Pierre-Yves Collombat, le rapporteur, Mme la ministre, MM. Philippe Bas, Jean Louis Masson, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean-Jacques Hyest, Jean-Pierre Michel. – Adoption.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
5. Questions d’actualité au Gouvernement
inspection générale des services
MM. François Rebsamen, Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Mmes Annie David, Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
crise de la pêche en méditerranée
M. Christian Bourquin, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
MM. Jean-François Humbert, Henri de Raincourt, ministre chargé de la coopération.
Mmes Catherine Morin-Desailly, Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. François Marc, Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. Philippe Bas, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
MM. Alain Anziani, Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
MM. Serge Dassault, Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Mme Dominique Gillot, M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Suspension et reprise de la séance
6. Nomination de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
7. Organismes extraparlementaires
8. Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié
Amendement n° 9 de M. Jean-Jacques Hyest. – Mme Colette Mélot, MM. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois ; Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales ; Jean Louis Masson. – Rejet.
M. Jean Louis Masson.
Adoption de l’article unique modifié.
Articles additionnels après l'article unique
Amendement n° 2 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendements nos 3 et 1 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le ministre, Pierre-Yves Collombat. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 4 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 5 de M. Jean Louis Masson. – MM. Jean Louis Masson, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
MM. Jean Louis Masson, Pierre-Yves Collombat, Vincent Capo-Canellas, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Pierre Michel, Michel Magras, le rapporteur, le ministre.
Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique.
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaires :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,
M. François Fortassin.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidatures à d'éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. J’informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présentera si le Gouvernement demande la réunion des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et, d’autre part, du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle actuellement en cours d’examen.
Ces listes ont été affichées et la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires aura lieu ultérieurement.
3
Demande d'inscription à l'ordre du jour d'une proposition de résolution
M. le président. En application de l’article 50 ter de notre règlement, j’informe le Sénat que M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe Union pour un mouvement populaire, a demandé, le 10 janvier, l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de résolution n° 202, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, relative à la filière industrielle nucléaire française, qu’il a déposée le 15 décembre 2011.
Cette demande a été communiquée au Gouvernement dans la perspective de la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui se tiendra le mardi 17 janvier.
4
Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle
Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (projet n° 211, texte de la commission n° 236, rapport n° 235).
Mes chers collègues, la commission des lois n’ayant pas encore achevé l’examen des amendements déposés sur ce texte, nous allons interrompre nos travaux pour dix minutes.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à neuf heures trente-cinq, est reprise à neuf heures quarante-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soumet aujourd’hui à votre examen un projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Il a engagé le 30 novembre 2011 la procédure accélérée sur ce texte, qui a été adopté le 19 décembre dernier par l’Assemblée nationale.
Le Gouvernement a décidé de diminuer de 5 % l’aide publique aux partis politiques et de réduire de 5 % le remboursement des dépenses de campagne électorale pour que les partis politiques et les candidats aux élections participent à l’effort de modération des dépenses publiques. Il s’agit là d’une question d’exemplarité.
Cette mesure a déjà été votée par le Parlement pour les élections autres que l’élection présidentielle, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, qui a modifié en ce sens le code électoral.
Le présent projet de loi organique poursuit seulement un objectif de cohérence : étendre à l’élection présidentielle, dont l’organisation relève de la loi organique, une mesure déjà votée pour les autres élections dans une loi ordinaire : rien de plus, rien de moins.
En premier lieu, je vous rappelle que ce projet de loi se contente de transposer à l’élection présidentielle le mécanisme approuvé par le Sénat lors de l’examen de la loi de finances pour 2012.
Comme vous le savez, les plafonds de remboursement et de dépenses électorales applicables aux autres élections que l’élection présidentielle sont déterminés par le code électoral : un article fixe le plafond des dépenses, un autre le taux des remboursements.
Fixé jusqu’à présent à 50 % du plafond des dépenses, le taux de remboursement a été abaissé à 47,5 % pour les autres élections que l’élection présidentielle par l’article 112 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012. Je vous rappelle que le Sénat a adopté sans modification cette disposition le 1er décembre dernier, en première lecture, après que Mme la sénatrice Michèle André, au nom de la commission des finances, eut émis à son sujet un avis favorable.
Toutefois, cette modification n’est pas applicable à l’élection présidentielle, pour laquelle les modalités de remboursement des dépenses des candidats font l’objet de dispositions spécifiques déterminées par la loi organique.
Par ailleurs, s’agissant de l’élection présidentielle, ces modalités sont légèrement différentes dans leur principe. En effet, à la différence des candidats aux autres élections, les candidats à l’élection présidentielle, lorsqu’ils recueillent moins de 5 % des suffrages exprimés, peuvent prétendre à un remboursement forfaitaire, même si celui-ci représente seulement 5 % du plafond des dépenses, alors que ce taux s’élève à 50 % pour les candidats ayant recueilli plus de 5 % des suffrages exprimés. Au contraire, dans le cas des autres élections, les candidats ayant recueilli moins de 5 % des suffrages exprimés n’ont pas droit au remboursement forfaitaire.
Pour rendre applicable à l’élection présidentielle la baisse de 5 % du plafond de remboursement des dépenses électorales, il est nécessaire de modifier l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel.
Par souci d’équité, il est donc proposé que tous les candidats soient concernés par cette baisse, quel que soit leur score. Les taux de remboursement des candidats, qu’ils obtiennent moins ou plus de 5 % des suffrages exprimés, ont donc été modifiés de la même façon dans le projet de loi organique : ils baisseront respectivement de 5 à 4,75 % et de 50 à 47,5 %.
De plus, par souci de cohérence avec les modalités retenues pour les autres élections, il a été décidé de baisser le taux de remboursement des dépenses électorales plutôt que le plafond de ces dépenses. Ce choix permettra de garantir aux candidats à l’élection présidentielle une meilleure sécurité juridique. En effet, la promulgation de la présente loi organique interviendra au plus tôt à la fin du mois de janvier 2012. Or, à cette date, les candidats à l’élection présidentielle auront déjà commencé à engager des dépenses. Avec la formule retenue, cependant, ils ne risqueront pas de dépasser rétroactivement le plafond des dépenses électorales et d’être déclarés inéligibles par le Conseil constitutionnel.
Je le répète, en définitive, le présent projet de loi organique se contente de transposer à l’élection présidentielle le mécanisme de baisse des remboursements que vous avez adopté pour les autres élections.
En second lieu, je souhaite vous exposer la portée financière de cette réforme.
Comme vous le savez, les remboursements des dépenses de campagne électorale représentent une part importante du coût de l’organisation de l’élection présidentielle : près du quart. Ils se sont élevés à 53,4 millions d’euros en 2002 et à 44 millions d’euros en 2007.
Une diminution de 5 % des plafonds de remboursement, toutes choses égales par ailleurs, devrait donc permettre une économie d’environ 2,2 millions d’euros si l’on se réfère au montant des remboursements versés en 2007.
Reste qu’au bout du compte, cette économie pourrait n’être qu’hypothétique. En effet, pour l’élection présidentielle comme pour les autres élections, une actualisation des plafonds de remboursement des dépenses électorales est prévue. Les montants des remboursements sont revalorisés par décret de manière à évoluer comme l’indice des prix à la consommation des ménages. De surcroît, cette actualisation, à l’origine triennale, a été rendue annuelle par la loi du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique.
Or ce mécanisme n’est pas neutre pour nos finances publiques. Si je prends pour référence la configuration de l’élection présidentielle de 2007, les remboursements s’élèveraient en 2012 à 45,9 millions d’euros, soit un montant supérieur de 1,9 million d’euros à celui versé en 2007. L’économie de 2,2 millions d’euros réalisée grâce à la baisse de 5 % des taux de remboursement serait donc presque annulée par la revalorisation mécanique des plafonds…
C’est pourquoi le Gouvernement propose, pour l’élection présidentielle, une mesure que le Sénat a déjà approuvée pour les autres élections : geler la revalorisation des plafonds jusqu’à la disparition du déficit des administrations publiques. Le mécanisme de revalorisation applicable à l’élection présidentielle fonctionnant par renvoi au code électoral, il suffit de modifier l’article 4 de la loi du 6 novembre 1962 pour que les dispositions de l’article 112 de la loi de finances pour 2012 prévoyant le gel des plafonds de remboursement pour les autres élections soient applicables aussi à l’élection présidentielle.
Grâce à ce gel et à la baisse de 5 % des taux de remboursement, les économies réalisées seront substantielles. Les deux mesures auront pour effet de diminuer les plafonds de remboursement de 8 % par rapport aux niveaux auxquels ils se seraient établis en l’absence de réforme, pour un gain total d’environ 3,665 millions d’euros.
Plus précisément, les économies représenteront 70 000 euros sur les 870 000 euros auxquels peuvent prétendre les candidats n’atteignant pas 5 % des suffrages exprimés, 700 000 euros sur les 8,7 millions d’euros dont peuvent bénéficier ceux qui atteignent ce seuil et presque 1 million d’euros sur 11,6 millions d’euros pour les candidats du second tour.
Important, cet effort sera aussi durable, puisque le gel de la revalorisation des dépenses de campagne perdurera jusqu’au retour à l’équilibre de nos finances publiques.
En troisième lieu, je souhaite évoquer brièvement l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, sur l’initiative des députés socialistes, au cours de la première lecture du présent projet de loi organique.
Les mandataires des candidats aux élections présidentielles disposent, depuis le vote de la loi du 14 avril 2011, d’une semaine en moins pour déposer les comptes de campagne. En effet, l’article L. 52-12 du code électoral, auquel renvoie la loi du 6 novembre 1962, prévoit désormais que les comptes de campagne doivent être remis à la commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, la CNCCFP, le neuvième vendredi suivant le premier tour de scrutin ; cette règle vaut pour l’ensemble des scrutins, qu’ils comptent un tour ou deux.
L’adoption de l’amendement permet de revenir, pour la seule élection présidentielle, au délai qui existait avant le vote de la loi du 14 avril 2011, soit le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin. Il s’agit d’une mesure consensuelle et de bon sens, justifiée par le fait qu’il est très improbable qu’une élection présidentielle soit acquise au premier tour et que les deux tours sont séparés par deux semaines, au lieu d’une pour les autres élections comportant deux tours.
Avant d’inviter le Sénat à voter ce projet de loi organique sage et responsable, je dois vous dire que le Gouvernement ne peut pas approuver la modification que la commission des lois lui a apportée.
Comme M. le rapporteur lui-même l’a souligné dans son exposé des motifs, cet amendement est superfétatoire. En effet, l’article du code électoral qui prohibe les dons des personnes morales est bien applicable à l’élection présidentielle, comme cela est prévu depuis 1962. Aussi, il ne me semble pas opportun de modifier le droit dans ce domaine : cet ajout affaiblirait la jurisprudence du Conseil d’État, très claire en la matière. Le Gouvernement soutiendra donc l’amendement présenté par le groupe UMP pour rétablir la version actuelle du droit, qui est plus précise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les partis politiques et les candidats aux élections, notamment les candidats à l’élection majeure qui est celle du Président de la République, ont un devoir d’exemplarité en matière de modération des dépenses publiques. (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.)
C’est pourquoi le présent projet de loi organique peut transcender les clivages partisans : c’est d’ailleurs ce qu’ont illustré l’approbation par le Sénat des mêmes mesures pour les autres élections que l’élection présidentielle et le fait que, à l’Assemblée nationale, le groupe socialiste n’a pas fait obstacle à son adoption.
Je vous invite donc tout simplement, mesdames, messieurs les sénateurs, à faire preuve de cohérence en allant dans le sens des mesures adoptées dans la loi de finances pour 2012 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, on dit toujours que la démocratie a un coût. J’ajoute qu’elle n’a pas de prix. Certes, le propos est banal ; mais c’est un principe qu’il faut pouvoir rappeler !
Le faire est d’autant plus nécessaire à cent jours de la prochaine élection présidentielle et alors que Gouvernement nous saisit d’un projet de loi organique qui semble vouloir, d’une certaine manière, s’en affranchir.
En effet, on est en droit de s’interroger sur l’opportunité d’une réforme dont l’objet – et peut-être l’effet – sera de faire économiser à l’État 3,7 millions d’euros sur une dépense liée à l’organisation de l’élection présidentielle qui s’élève au total à plus de 240 millions d’euros. On retrouve là le rapport qui s’établit généralement entre les efforts réalisés par le Gouvernement pour réduire le déficit et l’ampleur du déficit auquel nous sommes confrontés… (M. Jean-Pierre Michel et Mme Maryvonne Blondin applaudissent.)
Le scepticisme est d’autant plus d’actualité que cette économie virtuelle repose sur l’hypothèse, invérifiable à ce jour, d’un scénario électoral identique à celui de 2007 : quatre candidats dépassant le seuil de 5 % des suffrages exprimés et huit autres réalisant un score inférieur à 5 %.
Enfin, comment justifier une modification du plafond des dépenses autorisées et du montant des remboursements publics alors que, du point de vue comptable, le processus électoral est engagé depuis près de neuf mois et que, en d’autres termes, il est déjà accompli pour les trois quarts ?
Vous me permettrez de penser que le législateur devrait plutôt se préoccuper de garantir à nos concitoyens une campagne propre : en effet, à quoi sert-il d’abaisser les plafonds s’ils ne sont pas respectés, comme plusieurs enquêtes en cours nous le suggèrent fortement, et si les règles de financement sont par conséquent contournées ?
Aussi ce projet de loi organique, qui s’inscrit dans le cadre du plan de rigueur présenté par le Gouvernement à l’automne et qui se contente, comme Mme la ministre l’a rappelé, de transposer à l’élection présidentielle des dispositions déjà rendues applicables aux autres élections par la loi de finances pour 2012, n’est-il acceptable qu’amendé dans le sens d’une clarification des obligations des candidats. Ensuite, d’autres réformes, plus ambitieuses, devront être menées pour changer un système au total peu satisfaisant. Tel est, en tout cas, l’esprit dans lequel la commission des lois a travaillé.
Je souhaite à présent défendre devant vous la logique de la position de la commission.
Nous sommes confrontés à une difficulté que le présent projet de loi organique n’aborde pas et même contourne. Elle réside dans ce constat simple : pour être candidat à l’élection présidentielle, il suffit, dès lors naturellement que l’on dispose des parrainages nécessaires, de se déclarer au mois de mars de l’année de l’élection ; mais les dépenses engagées pour soutenir cette candidature doivent être retracées depuis le 1er avril de l’année précédente ! L’ouverture d’une campagne étant le plus souvent postérieure à cette date, les candidats doivent justifier de leurs dépenses bien après qu’elles ont été engagées.
Il en résulte, de façon particulière pour le Président de la République sortant, s’il se représente, une inévitable confusion sur la nature des initiatives qu’il prend, des déplacements qu’il effectue, des discours qu’il prononce : bref, de l’ensemble des dépenses qu’il engage sur le compte de la République.
Aussi nous semble-t-il nécessaire de rappeler clairement, à titre préventif, que les dépenses engagées au cours des douze mois précédant le scrutin sont présumées avoir un caractère électoral et que tout titulaire d’un mandat public doit s’abstenir de faire usage à des fins électorales des moyens que celui-ci met à sa disposition.
Madame la ministre, vous avez jugé ces propositions « superfétatoires ». Peut-être le sont-elles au regard du droit, encore que nous en débattrons lors de la discussion des amendements car je ne suis pas d’accord avec une position aussi tranchée. Mais au regard des pratiques observées, ce rappel paraît indispensable. D’ailleurs, le président de la CNCCFP, M. Logerot, nous l’a dit lui-même lors de son audition : il serait souhaitable, compte tenu de ce qui est observé, de rappeler chacun au respect des règles élémentaires. C’est bien ce qu’entend faire le Sénat.
Tel est le sens des deux amendements que votre commission a adoptés. Ils constituent un rappel utile, adressé aux candidats, qu’il existe une déontologie électorale. J’ai le sentiment, disant cela, de tenir un propos évident ; mais les évolutions que nous avons connues ces dernières années font que des principes aussi évidents doivent être rappelés à cette tribune.
Il existe une éthique incontournable, surtout au moment où nos citoyens s’interrogent sur leurs dirigeants politiques. J’ai la faiblesse de penser que les premiers sont davantage choqués d’apprendre que des millions d’euros auraient transité par des comptes secrets que de savoir que le remboursement des dépenses engagées dans une campagne présidentielle coûtera à l’État 43, 42, 41 ou 40 millions d’euros !
Mais la logique voudrait que l’on aille plus loin encore. Tel est le sens des amendements que je me suis permis de déposer, à titre personnel, pour alimenter le débat nécessaire sur l’application des règles, laquelle est moins rigoureuse pour les candidats à l’élection présidentielle que pour les candidats à une élection cantonale…
Je viens de le rappeler, comme les dépenses électorales sont souvent engagées avant d’être imputées sur un compte, les candidats ne disposent d’aucune autre indication sur leur légalité et leur imputabilité que celles, succinctes, figurant dans la loi que nous proposons de compléter. Ils ne disposent d’aucun moyen pour prévenir d’éventuelles irrégularités puisque ni le Conseil constitutionnel, juge en dernier ressort, ni la commission des comptes ne peuvent être saisis a priori.
Ainsi, l’avis rendu par la CNCCFP sur les déplacements présidentiels, sur saisine des représentants d’un autre candidat, n’a aucune valeur juridique et pourrait parfaitement être contredit ultérieurement par la commission elle-même ou par le juge de l’élection.
Aussi conviendrait-il, afin de permettre l’émergence de règles jurisprudentielles en amont, soit de permettre la saisine du Conseil Constitutionnel en cours de campagne, soit d’élargir à tout candidat la possibilité de contester les comptes de ses adversaires une fois le résultat acquis.
Je rappelle que l’élection étant validée bien avant que les comptes ne soient examinés, cela n’aurait pas d’incidence sur l’issue du scrutin, mais permettrait en revanche de dégager un cadre juridique rendant ces questions plus claires et les polémiques répétées sur ces sujets sans objet.
Je me suis permis d’ajouter à ces propositions un amendement dont l’objet est d’ouvrir un débat nécessaire sur le mode de remboursement des dépenses électorales à l’occasion des élections présidentielles.
Jusqu’à présent, le montant remboursé est fonction à la fois d’un plafond et d’un seuil : le seuil est celui des 5 %, qui, dès lors qu’il est dépassé, permet une prise en charge à hauteur de 50 % du plafond ; en-deçà, la prise en charge est de seulement 5 %.
Je précise que le présent projet de loi organique ramène ces taux à 47,5 % et 4,75 % respectivement. Pour vous, il semble bien qu’il n’existe pas de petites économies ! Une décimale de différence peut donc faire passer la dotation perçue par un candidat de 8 millions d’euros à 800 000 euros, soit un rapport de un à dix. Est-ce juste ? D’autant que ce mécanisme ne permet pas à l’État de maîtriser sa dépense, celle-ci variant en fonction du nombre de candidats ayant franchi le seuil fatidique.
Je précise à notre assemblée que l’économie de 3,7 millions d’euros à laquelle vous avez fait référence, madame la ministre, est putative, potentielle, dans la mesure où sa réalisation dépendra du nombre de candidats qui se présenteront et du résultat qu’ils obtiendront.
Un système qui consisterait, au contraire, à calculer le montant du remboursement au prorata des voix obtenues, avec une prime attribuée aux candidats qualifiés pour le second tour, serait plus juste, plus clair et, d’une certaine manière, répondrait mieux à l’objectif de maîtrise de la dépense publique qui est le vôtre.
J’invite par conséquent notre assemblée à y réfléchir.
Au total, n’avions-nous pas d’autres priorités à satisfaire que celles-ci ? Ce projet était-il bien utile ? Était-il nécessaire de légiférer à quelques semaines d’un scrutin présidentiel pour modifier les règles de financement en touchant au plafond et au montant de l’aide quand on sait que les questions éthiques, juridiques et politiques que j’ai évoquées dans mon intervention, sont ailleurs ?
Tel qu’il était initialement rédigé, ce projet de loi organique n’était certainement pas utile ; mais tel qu’amendé par la commission, il pourrait constituer un progrès et permettre d’ouvrir une réflexion indispensable à l’avenir de notre démocratie et, très probablement, à la nécessaire confiance qu’il convient de rétablir dans l’esprit de nos concitoyens sur la façon dont celle-ci fonctionne, notamment à ses échelons les plus élevés. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent projet de loi organique est une suite du cycle de discussions des textes financiers de l’automne dernier. En effet, le plafonnement des dépenses de campagnes annoncé le 8 novembre dernier par le Premier ministre dans le cadre du plan de sauvegarde des finances publiques a donné une coloration toute spécifique à la dernière loi de finances.
Si toutes les modalités de financement des autres élections ont été réformées à cette occasion, l’élection présidentielle n’avait pu être concernée, protégée par le rang organique, imposé par la Constitution, à la loi du 6 novembre 1962, qui en fixe les règles d’organisation.
Pour autant, il est tout à fait naturel, eu égard à la gravité de la situation, que l’élection présidentielle soit également mise à contribution, au nom justement de l’effort de solidarité demandé par le Premier ministre dans le cadre du second plan de rigueur.
Ce texte présente à nos yeux deux avantages majeurs : d’une part, il permet une économie (M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.), certes marginale, mais pour autant bienvenue de nos deniers publics ; d’autre part, il freine une course au financement électoral qui pourrait être préjudiciable à la bonne santé de notre démocratie.
Les démocraties occidentales connaissent depuis plusieurs décennies une tendance marquée à l’augmentation massive des dépenses de campagne électorale, dont il n’est pas prouvé, me semble-t-il, qu’elle soit un gage de bonne santé démocratique, mais dont il est certain qu’elle introduit une différence d’impact entre candidats qui n’est pas nécessairement en lien direct avec la qualité des personnalités, de leurs discours et de leurs projets. On a pu s’en rendre compte dans quelques pays ces dernières années !
En France – et il faut s’en réjouir –, le financement des campagnes obéit à des règles tout à fait spécifiques. Si, comme l’a très justement rappelé M. le rapporteur, celles-ci ne permettent pas d’assurer une pleine et entière égalité entre les candidats, elles ont au moins le mérite de nous mettre à l’abri des conséquences de la « campagne permanente », c'est-à-dire l’utilisation par un candidat en cours de mandat de la tribune que lui offre sa fonction pour préparer une future campagne présidentielle.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est ce à quoi l’on assiste actuellement !
M. Yves Détraigne. Le dispositif envisagé par le projet de loi organique dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale prévoit principalement de diminuer de 5 % le taux de remboursement des dépenses des candidats à l’élection présidentielle. Cela porterait donc le taux effectif de remboursement à 4,75 % pour les candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages et à 47,5 % pour les autres candidats.
Le projet de loi organique impose également un gel du montant du plafond de dépenses ; il s’agirait alors de suspendre temporairement son indexation au taux d’inflation. À l’instar des autres dispositions du plan de sauvegarde, il s’agit là encore d’un texte à durée de vie limitée dont le terme coïncidera avec le retour à l’équilibre de notre budget. Je ne serai pas plus précis… (Sourires. – Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
L’économie qui serait réalisée, si l’on prend comme base le coût de l’élection de 2007, ne serait pas particulièrement substantielle ; on parle en effet de 3,6 millions d’euros d’économie sur une élection dont le coût est d’ores et déjà estimé à plus de 220 millions d’euros. Ce ne sera pas là la veine la plus exploitable pour réduire nos déficits !
Le principe du plafonnement a néanmoins pour vertu d’endiguer la croissance continue du coût des campagnes électorales. Et même de ce point de vue, le rapporteur a très justement mis en relief le fait que le coût de la campagne ne dépendait pas tant de la norme d’évolution du remboursement que du nombre de candidats déclarés.
Or la multiplication récurrente des candidatures depuis plus d’une dizaine d’années tend mécaniquement à alourdir la note. C’est là le coût nécessaire de la démocratie, c’est vrai, mais tout le monde doit contribuer, même symboliquement, à l’effort d’assainissement de nos finances publiques.
Pour autant, les sénateurs du groupe UCR considèrent avec une certaine frilosité l’amendement adopté en commission, sur l’initiative du rapporteur, relatif aux candidats d’ores et déjà détenteurs d’un mandat électif, lequel amendement tend à préciser que ceux-ci « ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne ».
La question du partage entre ce qui relève du mandat en cours et de la campagne à venir doit très naturellement se poser, et je pense que le principe de l’établissement de règles en la matière ferait assez facilement consensus. La pratique en serait néanmoins hasardeuse. M. Jean-Jacques Hyest a posé la question hier en commission : que faudrait-il imputer aux comptes de campagne ?
Le partage entre ce qui ressortit à l’exercice d’un mandat exécutif et ce qui relève de la campagne n’est pas simple à fixer, et autant on comprend et on mesure bien l’intérêt de mettre, en quelque sorte, tous les candidats sur un pied d’égalité, autant on ne voit pas bien comment appliquer ce principe, sauf à empêcher un candidat détenteur d’un mandat de continuer à exercer celui-ci. Cela est évidemment impossible, car ce serait contraire à la volonté exprimée par les électeurs.
En l’état actuel des choses, et même s’il ne faut pas s’interdire de réfléchir à la manière dont un dispositif simple et efficace – s’il existe – visant à éviter le mélange des genres pourrait être mis en place sans nuire à l’exercice du mandat en cours, la sagesse me paraît commander de s’en tenir au droit en vigueur.
J’ajoute que, à trois mois seulement de la prochaine élection, il ne serait pas réaliste non plus de vouloir modifier d’autres dispositions, même si cela peut être tentant. Pour reprendre un vocabulaire souvent usité, nous disposons avec le présent texte d’un véhicule législatif permettant d’ajuster, plus que ne le prévoit ce projet de loi organique dans sa rédaction initiale, les règles de la campagne présidentielle. Mais, par principe, la sagesse exige qu’on ne modifie pas les règles du jeu en cours de partie, qu’il s’agisse d’élections ou non.
Aussi, les sénateurs du groupe UCR soutiendront et voteront ce texte, mais dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons donc aujourd’hui un projet de loi organique composé d’un article unique qui modifie les conditions de remboursement des dépenses déclarées par les candidats à l’élection présidentielle de 2012, conditions qui, cela a été rappelé, ont été fixées par la loi de 1962 consolidée relative à l’élection du Président de la République.
La mesure est claire : on minore le taux de remboursement des dépenses exposées, et l’affaire est très sobrement et benoîtement motivée !
L’objet du texte indique ceci : « Le présent projet de loi organique s’inscrit dans le cadre du plan de retour à l’équilibre des finances publiques. Il a, en effet, été décidé que les partis politiques et les candidats aux élections prendraient leur part des efforts budgétaires à réaliser. »
Nous y voilà donc ! Depuis cinq ans, les comptes publics sont détériorés par une stratégie fiscale dont la logique échappe au premier abord – et simplement au premier abord ! – et un mode de gestion des affaires publiques qu’on ne sait plus vraiment qualifier.
Comme le déficit se chiffre en dizaines de milliards d’euros, il fallait donc faire un exemple.
Réduire le remboursement public des candidats engagés dans la campagne présidentielle deviendrait donc, dans ce contexte, une mesure susceptible d’être appréciée par l’opinion, flattée dans le cas précis sur son « instinctif » principe qui voudrait que tous les hommes et les femmes politiques soient aussi corrompus les uns que les autres…
Pour le coup, on peut poser la question de l’incidence réelle de ce projet de loi organique, en termes financiers, et ce pour une raison bien simple : le plafond des dépenses a été relevé par le décret du 30 décembre 2009 et atteint désormais 16,85 millions d’euros pour tous les candidats et 22,5 millions d’euros pour les qualifiés au second tour. Les règles de revalorisation du plafond retenues ont donc un effet important sur le montant des sommes éligibles au remboursement et amortissent assez nettement les effets de la minoration de celui-ci.
En 2007, les plafonds étaient de 13,7 millions d’euros pour les éliminés du premier tour et de 18,3 millions d’euros pour les deux qualifiés au second tour. Quelle économie attend-on ? Une somme parfaitement considérable puisqu’elle atteint, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi organique, un montant de 3,665 millions d’euros sur la base de la diversité et du nombre des candidats à l’élection de 2007.
On est sans doute assez loin des économies que l’on pourrait faire pour réduire les 80,3 milliards d’euros de déficit prévus en 2012 par l’article d’équilibre de la loi de finances !
Un autre point pose problème : d’une part, nous ne connaissons pas le nombre définitif de candidats engagés à l’occasion de l’élection présidentielle et, d’autre part, le partage des suffrages exprimés pourrait s’avérer cette année quelque peu différent de ce qu’il était lors du précédent scrutin de même type.
En 2002, pour mémoire, l’élection présidentielle avait réuni seize candidats, dont les deux qualifiés au second tour. Quatre avaient atteint et dépassé le seuil de 5 % des suffrages exprimés et dix avaient dû se contenter du remboursement forfaitaire minimal.
En 2007, douze candidats ont concouru. Les deux finalistes et deux autres candidats ont obtenu un score supérieur à 5 % et, de nouveau, huit candidats se sont contentés du remboursement forfaitaire minimal.
Rien ne dit qu’en 2012 le nombre de candidats ne soit pas finalement plus réduit et rien ne dit non plus que celui des candidats susceptibles de bénéficier des dispositions pleines et entières dont nous débattons n’augmente pas.
On peut très bien imaginer que nous ayons, le soir du 22 avril, outre les deux finalistes, trois, quatre, voire cinq candidats dont le score dépasse les 5 %, occasionnant de fait la mobilisation d’une dépense plus importante au titre du remboursement des frais de campagne. C’est ce qu’a d’ailleurs souligné Gaëtan Gorce dans son rapport.
Les effets du suffrage universel s’accommodent parfois assez mal de décisions qui, sur bien des aspects, procèdent par trop de réflexions de la technostructure.
Imaginons un instant que nous ayons deux qualifiés pour le second tour – soit un remboursement maximal de deux fois 10,691 millions d’euros –, quatre candidats éliminés ayant dépassé les 5 % – soit un remboursement maximal de quatre fois 8,004 millions – et quatre candidats n’ayant pas atteint les 5 % – soit un remboursement forfaitaire de quatre fois 800 423 euros –, et nous aurons une dépense globale de remboursement de 58,290 millions d’euros là où le projet de loi attend 41,635 millions d’euros...
Cela dit, mes chers collègues, si les électeurs en décident ainsi, il faudra bien que le budget de l’État s’en accommode et que la loi s’applique, telle qu’elle est ou telle qu’elle sera si elle est modifiée.
Un autre aspect, assez net dans la démarche présidentielle, pose sérieusement question, puisque seuls quelques candidats sont aujourd’hui déclarés.
Pour certains, il n’existe d’ailleurs aucun doute sur leur participation au scrutin, puisqu’ils ont été investis par des partis ou alliances politiques dont l’influence, la présence territoriale, le nombre des élus et des adhérents sont largement suffisants pour garantir leur possibilité d’être candidat.
Pour d’autres, notamment les candidats désignés ne disposant pas nécessairement d’un appareil politique conséquent, d’un réseau d’élus significatif, les choses ne sont pas aussi simples ni tranchées.
Les candidats d’ores et déjà engagés ont ouvert des comptes de campagne, désigné un mandataire financier, structuré une organisation engageant des frais et tenant une comptabilité précise et scrupuleuse de l’ensemble des recettes et dépenses consécutives au déroulement de la campagne.
Et puis, il y a un candidat dont on pressent clairement qu’il va se déclarer mais qui ne l’a pas fait, et qui tire pleinement parti de sa position pour participer, malgré tout, au débat électoral.
Cette situation ne nous paraît pas tout à fait normale et amène légitimement tous ceux qui sont attachés à une conception transparente et équilibrée de la vie politique et démocratique à s’interroger.
Le rapport de la commission l’indique bien, notamment quand il reprend les propos du président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, M. François Logerot, qui estime que les dispositions actuellement en vigueur ne répondent pas au principal problème rencontré par la Commission dans l’exercice de sa mission de contrôle des comptes de campagne à l’élection présidentielle, à savoir le traitement des dépenses exposées par les candidats disposant d’un mandat public : ces derniers sont en effet susceptibles de tirer profit de ce mandat dans la conduite de leur campagne.
Ainsi, en l’absence de dispositions précises, l’usage et, dans certains cas, l’abus des deniers publics aux fins d’accomplir certaines fonctions peuvent s’apparenter à une forme de « préremboursement » de dépenses de campagne qui n’auraient en fait pas été mandatées.
Je tiens enfin à rappeler, mes chers collègues, que le Sénat a décidé, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, et confirmé dans le collectif budgétaire de fin d’année, l’activation de la taxe sur les transactions financières, inscrite dans le code général des impôts depuis 2001. Mais du fait de l’échec des commissions mixtes paritaires, ces deux textes ont été expurgés et cette mesure n’y figure plus. Et aujourd’hui, on constate que, sous l’effet d’un coup de baguette magique, cette mesure ne poserait plus aucun problème, tous les arguments qui avaient été opposés à la majorité sénatoriale pour justifier le rejet de cette mesure ayant ainsi disparu.
Cela illustre ce que j’ai précédemment déclaré : chaque prise de position, chaque annonce de mesures ou de dispositifs par la voie du locataire de l’Élysée vaut argument électoral, mais absence de dépenses comptabilisées au titre de la campagne électorale en elle-même.
Le texte qui nous est soumis aujourd’hui a donc bien des défauts : il est démagogique, irréaliste au regard des comportements de l’opinion, notamment du corps électoral, et il est hypocrite puisque, de fait, la machine est déjà lancée. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Il conviendrait à notre avis de prendre un peu plus de temps pour modifier de façon substantielle le présent projet de loi organique, car ce texte ne peut, selon nous, être adopté en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous connaissez l’adage de minimus non curat praetor : le prêteur ne s’occupe pas des petites choses. Sous la Ve République finissante, c’est l’affaire du Premier ministre.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et dura lex sed lex !
M. Pierre-Yves Collombat. Subordonner le retour à l’équilibre des finances publiques, par ailleurs impossible en l’absence de relance économique, à une réduction de 5 % du remboursement des dépenses des campagnes électorales est parfaitement dérisoire.
M. Philippe Bas. Personne ne veut cela !
M. Pierre-Yves Collombat. Les économies à en attendre ont l’épaisseur du trait évaluée de manière probablement aussi fantaisiste que le chiffrage des bénéfices attendus de la création du conseiller territorial.
Mme Nathalie Goulet. Ah !
M. Pierre-Yves Collombat. En ce qui concerne spécifiquement les élections présidentielles, la dépense – cela a été rappelé tout à l’heure – est, à la louche, de 3,7 millions d’euros : on comprend que cela méritait bien d’engager la procédure accélérée sur ce projet de loi organique.
Mais, me direz-vous, pourquoi s’en offusquer ? Ce n’est ni la première ni, probablement, la dernière loi d’affichage vertueux, ou entorse à « l’usage républicain selon lequel les règles d’un scrutin ne sont pas modifiées dans l’année qui le précède ». Je cite là notre collègue Hugues Portelli qui le déplorait dans son rapport lors d’une précédente révision de la présente loi, en mars-avril 2006.
Et si, pourtant, ce projet de loi était moins innocent qu’il n’y paraît ? « La stratégie consistant à continuer à tirer pour faire croire à l’ennemi qu’on a encore des munitions », comme disait M. Prudhomme, semble être appliquée. Et s’il y avait quelque gain à tirer de ce projet de loi organique pour le candidat de l’Élysée ?
Après les élus qui coûtent cher – c’est un refrain de campagne connu –, voici les candidats qui grèvent les comptes de la nation ! En France, seules les dépenses de l’Élysée sont des économies ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
S’il en résultait une réduction du nombre de candidats, en cas de scrutin serré, la présence au second tour pourrait en dépendre.
Ce seul soupçon suffirait à justifier le rejet de ce projet de loi organique.
Mais plus fondamentalement, quitte à modifier les conditions de l’élection du « Consul » à deux mois de l’échéance, autant tenter de répondre aux problèmes que les précédentes révisions n’ont fait que contourner.
Je rappellerai donc ces problèmes.
Premier problème, comment évaluer objectivement les dépenses relatives à une élection dont la circonscription est la France et à une campagne dont l’activité du candidat ne constitue que la partie la plus visible ?
Second problème, que fait-on d’un président élu voire d’un candidat de second tour dont le compte de campagne devrait être rejeté ? On le déclare inéligible ou on s’arrange avec le compte de campagne pour éviter que cela ne fasse trop désordre ?
Notre collègue Hugues Portelli le mentionnait déjà dans son rapport, en termes certes plus diplomatiques que moi. Je me plais à le citer : « si le projet de loi organique étend à l’élection présidentielle la procédure de vérification des comptes de campagne en vigueur pour les autres élections en confiant à la CNCCFP la mission d’examiner ces comptes, cette assimilation au droit commun s’arrête au seuil des sanctions électorales, l’inéligibilité d’un an en cas de non-respect de la loi restant écartée pour l’élection présidentielle. […] Comment annuler l’élection et reprendre intégralement la procédure d’un scrutin de cette importance ? »
Il est de notoriété publique, depuis 2000 et la publication du livre de Jacques Robert, professeur émérite et ancien membre du Conseil constitutionnel, La garde de la République, qu’il s’agit là d’un problème non pas théorique, mais bien réel.
Dans un chapitre de son ouvrage intitulé « Les faux-monnayeurs » – cela donne quand même le ton… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) –, Jacques Robert, sans mentionner alors de nom, évoque clairement, à la page 154, le côté douteux des comptes de campagne de l’élection présidentielle de 1995, parlant d’« une curieuse impression de malaise, pour ne pas dire un sentiment désagréable d’insatisfaction » s’agissant du contrôle de la régularité des élections législatives et présidentielles par le Conseil constitutionnel.
Le nom des candidats concernés sera évoqué publiquement en 2010 lorsque, en marge de l’enquête du juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke sur le volet financier de l’attentat de Karachi, les enquêteurs vont saisir des documents des rapporteurs du Conseil constitutionnel qui recommandaient le rejet pur et simple des comptes de campagne d’Édouard Balladur !
La publication sur Internet de ces documents sensibles ainsi que diverses déclarations publiques de Jacques Robert et Roland Dumas, qui était alors président du Conseil constitutionnel et dont le rôle avait été décisif, permettaient d’établir quelques points on ne peut plus clairement.
Premièrement, le compte d’Édouard Balladur, qui dépassait le plafond des dépenses autorisées et avait été alimenté par un versement en espèces de 10,25 millions de francs – 1,56 million d’euros – d’origine incertaine, aurait dû être rejeté.
Deuxièmement, le compte de Jacques Chirac aurait également dû être rejeté.
Troisièmement, le montant des dépenses fut réajusté avec une dérisoire précision: Édouard Balladur est finalement à 0,25 % du plafond autorisé et Jacques Chirac – écoutez bien, mes chers collègues – à 0,034 %. C’est de l’horlogerie suisse ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Quatrièmement : il est établi que l’adage selon lequel « le Conseil constitutionnel filtre les moucherons et laisse passer les chameaux » est une fois de plus vérifié. (Sourires sur les travées de l’UCR, du groupe socialiste et du groupe CRC.) Jacques Cheminade, qui avait réalisé 0,28 % des voix au premier tour, verra, lui, son compte rejeté pour avoir obtenu un prêt sans intérêts. (Nouveaux sourires.) Privé de remboursement et condamné à restituer l’avance perçue, il se retrouve ruiné.
Mme Nathalie Goulet. Selon que vous serez puissant ou misérable…
M. Pierre-Yves Collombat. Lors de l’émission télévisée Face aux Français, de Guillaume Durand, Roland Dumas fera ce commentaire : « Jacques Cheminade était plutôt maladroit, les autres étaient adroits. » Plus probablement, surtout, avaient-ils des d’amis mieux placés.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Dans les Dumas, je préfère Alexandre !
M. Pierre-Yves Collombat. On fait ce que l’on peut !
« Juste avant notre vote, » – rapporte Jacques Robert dans Le Parisien du 1er décembre 2011 – « Roland Dumas a passé une heure à l’Élysée avec Jacques Chirac. Sans doute lui a-t-il dit que la situation était délicate et qu’il avait dû manœuvrer pour faire régulariser les comptes. Mon impression, c’est que Roland Dumas, Jacques Chirac et Édouard Balladur se tenaient à l’époque par la barbichette. Et que nous avons servi de caution à une belle entourloupe. »
Le fait de faire examiner les comptes de campagne en première instance par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et d’autoriser cette dernière à saisir le parquet en cas de soupçon de délit, comme c’est le cas depuis 2006, règle-t-il la question ? Aucunement, car il ne se pose pas qu’un problème de moralité publique, que tout le monde a perçu ; il se pose également une question politique de fond : peut-on renvoyer un président de la République élu pour un dépassement de compte de campagne, d’autant que l’évaluation des dépenses liées à une campagne n’a rien d’une science exacte ? Tous les intervenants qui m’ont précédé l’ont souligné.
Les dépenses des « amis », des partis qui soutiennent le candidat, les dépenses de l’État pour les candidats sortants dans les mois qui précèdent le scrutin doivent-elles être comptabilisées ? Depuis Valéry Giscard d’Estaing, qui doit largement son échec à la division de sa majorité, tous les présidents sortants ont été réélus. Cela laisse un peu pensif !
Même en cas de faits graves – valise de billets d’origine douteuse, par exemple –, imagine-t-on un procureur ouvrir une instruction contre le Président de la République, ce qui serait d’ailleurs parfaitement inconstitutionnel ?
Répondant aux auteurs du livre de Jean-Jérôme Bertolus et Frédérique Bredin, paru l’année dernière et intitulé Tir à vue, la folle histoire des présidentielles – le titre dit tout ce que l’on veut… –, Roland Dumas explique parfaitement quel fut le dilemme auquel il avait été confronté en 1995.
« La France avait besoin d’un Président de la République, observe-t-il. La France venait d’élire Jacques Chirac. Même au prix de quelques anomalies, il était là. Donc, annuler les élections comme cela aurait été possible, et laisser la France sans capitaine dans le contexte international, c’était une décision d’une grande importance ! Les choses ont donc été négociées, c’est vrai, mais convenablement à mon avis. On est arrivé à un consensus sur la réintégration ou l’exonération de certaines sommes, et de fait le Conseil a statué "dans sa sagesse" pour que la France ait un Président de la République. »
Peut-on pourtant se satisfaire d’un système qui institutionnalise l’hypocrisie ? D’un système d’autant plus rigoureux pour les petits maladroits qu’il est tolérant pour les gros malins ? (M. Jacques Chiron rit.) Certainement pas ! D’où ma proposition d’amendement, qui permettrait à la fois de sanctionner un candidat élu qui aurait eu un comportement manifestement incompatible avec la charge de Président de la République, tout en conservant à la décision son caractère politique.
Selon ma proposition, en cas de rejet du compte de campagne du candidat élu, le Conseil constitutionnel informerait les deux assemblées du fait et des motifs de la décision, à charge pour elles de mettre en œuvre ou non la procédure de destitution prévue à l’article 68 de la Constitution.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter cet amendement et vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.
M. André Reichardt. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaiterais en préambule revenir sur les conditions d’adoption de ce texte en commission des lois : en effet, quelle ne fut pas notre surprise de découvrir que, lors de la première réunion de la commission, le rapporteur fut le seul à voter le projet de loi, amendé par l’une seulement de ses propositions ! J’avoue que les débats ont été intéressants et révélateurs du positionnement de la nouvelle majorité sénatoriale, qui est fort embarrassée sur ce texte comme sur tous les autres projets de loi qui lui sont soumis. (Marques de dénégation sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
En effet, en vue de faire contribuer les partis politiques à l’effort de modération des dépenses publiques, le Premier ministre a annoncé,…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La suspension des voyages du Président ! (Sourires.)
M. André Reichardt. … dans le cadre du nouveau plan d’économies présenté le 7 novembre dernier, deux mesures touchant au financement de la vie politique.
D’une part, les crédits de l’aide publique aux partis politiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 millions d’euros, pour s’élever à 72 millions d’euros environ.
D’autre part, le remboursement des dépenses de campagne électorale a été limité, ce qui devrait permettre une économie, cela a été dit, de 4 millions d’euros en 2012. La diminution des remboursements forfaitaires, par l’État, des dépenses électorales a déjà été intégrée à l’article 112 de la loi de finances pour 2012.
D’un point de vue purement technique, cette diminution des remboursements opérés par l’État suppose deux nouvelles mesures.
Premièrement, les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel. Cela signifie que, tant que nos finances publiques n’auront pas été ramenées à l’équilibre, ce qui ne saurait tarder,…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Si vous partez !
M. André Reichardt. … les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés.
Cette mesure revient donc sur une disposition que nous avions insérée dans la loi du 14 avril 2011, dite « paquet électoral », aux termes de laquelle ces plafonds devaient être révisés par décret tous les ans en fonction de l’inflation, et non plus tous les trois ans en fonction du « coût de la vie ».
Deuxièmement, l’article 112 de la loi de finances pour 2012 réduit de 5 % le taux de remboursement forfaitaire, par l’État, des dépenses électorales. Pour les élections législatives et locales, le remboursement maximal est ramené de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses. Seuls peuvent y prétendre les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés lors de ces élections.
En revanche, pour ce qui concerne l’élection présidentielle, la réduction des remboursements des dépenses de campagne ne pouvait être incluse dans la loi de finances pour 2012, car une loi organique est nécessaire.
L’objet du texte que vous nous proposez, madame la ministre, est donc de transposer à l’élection présidentielle ces deux mesures, qui seront évidemment applicables dès l’élection présidentielle de 2012.
Ainsi, est appliquée à l’élection présidentielle la règle du gel des plafonds de dépenses autorisées, tant que notre déficit public n’aura pas été ramené à zéro. Les plafonds restent donc fixés au niveau défini par le décret du 30 décembre 2009, le dernier qui majore les montants prévus dans la loi organique : 16,851 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour et 22,509 millions d’euros pour les candidats accédant au second tour.
Par ailleurs, le taux de remboursement des dépenses électorales engagées lors d’une élection présidentielle est réduit de 5 %. Cela entraînera les deux conséquences suivantes.
Premièrement, le taux de remboursement des candidats ayant obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés passera de 5 % à 4,75 % du plafond légal de dépenses, soit, en 2012, un montant maximal de 800 423 euros. Je rappelle en effet que tous les candidats, même ceux qui ont réalisé un score très faible, bénéficient d’un remboursement forfaitaire : c’est une spécificité de l’élection présidentielle.
Deuxièmement, pour les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés, le remboursement forfaitaire passera de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses, soit un montant maximal d’un peu plus de 8 millions d’euros pour les candidats éliminés au premier tour et de 10,7 millions d’euros pour les candidats présents au second tour.
Vous nous avez présenté, madame la ministre, une étude d’impact fort intéressante, qui estime à environ 3,7 millions d’euros, en 2012, l’économie ainsi réalisée. Le coût prévisionnel total de l’élection présidentielle serait ainsi ramené de 223,6 millions d’euros à 219,9 millions d’euros. Bien sûr, on peut gloser longtemps sur l’importance ou la relativité de cette somme rapportée à l’actuel déficit budgétaire annuel. Pourtant, on ne peut à la fois regretter l’importance d’un déficit et ne pas s’engager à le réduire chaque fois que cela est possible.
Le montant économisé, cela a été dit, dépendra du nombre de candidats à l’élection présidentielle, du nombre de suffrages que chacun d’entre eux recueillera, du contenu de leurs comptes de campagne, enfin des décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en cas de recours, par le Conseil constitutionnel. D’aucuns en effet ont rappelé que le remboursement pouvait être réduit en cas d’irrégularités comptables, voire annulé en cas de rejet du compte de campagne, de dépassement du plafond autorisé ou d’absence de dépôt du compte dans les délais impartis.
Mais que peut-on faire, puisque, par définition, à ce jour, nous ne connaissons pas l’avenir ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est généralement le cas…
M. André Reichardt. Mes chers collègues, vous comprenez ainsi pourquoi ce gain est nécessairement relatif.
Je voudrais maintenant revenir sur un débat que vous avez entamé vous-même en commission, monsieur le rapporteur, et qui porte sur l’activité du Président de la République sortant et ses missions institutionnelles lorsque celui-ci est candidat à sa réélection. La question s’est en effet posée de savoir ce qu’il convenait d’imputer sur son compte de campagne.
Je souhaiterais donc, à cette occasion, évoquer devant vous un sujet certes connexe, mais qui nous tient à cœur, notamment sur les travées de l’UMP.
L’enveloppe budgétaire pour 2012 demandée pour la Présidence de la République a été minorée de 0,5 % à la suite d’économies sur les dépenses de fonctionnement réalisées depuis trois années. La Cour des comptes les a d’ailleurs saluées dans son dernier rapport, en évoquant une gestion « plus rigoureuse ».
Si je puis me permettre cette remarque, jusqu’en 2007, l’Élysée n’avait pas de budget ! Nous devrions donc nous satisfaire des réductions budgétaires effectuées par l’institution !
S’agissant du dispositif de sondages et d’enquêtes d’opinion, qui a fait couler beaucoup d’encre, là aussi, la Cour des comptes a récemment déclaré que « cette procédure a été conduite de manière exemplaire ». En effet, elle a été totalement revue en 2009, comme s’y était engagé le directeur de cabinet du Président devant cette même Cour.
Concernant les déplacements du Président de la République, il est important de distinguer les déplacements diplomatiques, à l’étranger mais aussi en France à l’occasion de sommets tenus sur notre territoire, et les déplacements hors diplomatie en France, en métropole ou outre-mer.
La Cour des comptes avait émis des observations sur les coûts des déplacements, pointant notamment des délégations trop nombreuses, un pilotage budgétaire insuffisant et un coût élevé des missions préparatoires. Elle avait formulé diverses recommandations.
En 2011, les chiffres sont assez parlants, mes chers collègues : au premier semestre de 2011, on a compté 60 déplacements présidentiels. Malgré leur nombre en très forte progression, leur coût total a diminué de 16 % par rapport à la même période en 2010. La tendance constatée l’an dernier est ainsi largement confirmée.
Cette évolution traduit la volonté d’économies exprimée par le Président de la République, ce dont les Français ne peuvent que se satisfaire.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous êtes le porte-parole de l’Élysée ?
M. André Reichardt. Des mesures ont ainsi été prises afin de réduire le nombre de participants à ces voyages, d’accroître les négociations des tarifs d’hébergement et de location de voitures ou encore d’abaisser le niveau de service à bord des avions militaires. Il a aussi été demandé aux journalistes et aux chefs d’entreprise de rembourser les frais exposés.
Tous ces efforts sont significatifs d’une volonté présidentielle réaffirmée d’une plus grande transparence, que l’on retrouve également dans ce texte.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas exagérer !
M. André Reichardt. Vous avez souhaité vous-même, monsieur le rapporteur, intenter le procès du fonctionnement de l’Élysée ; soit. Mais lorsque vous dites que vous êtes dans votre rôle, qui est de contrôler l’argent public, vous auriez dû rappeler que c’est grâce au Président Sarkozy que la Cour des comptes peut désormais veiller sur le budget de l’Élysée !
J’en viendrais maintenant à un autre sujet, que nous avons également évoqué en commission, et qui n’a fait l’objet d’aucune adhésion : les voies de recours ouvertes aux candidats à l’élection présidentielle. Vous proposiez de les ouvrir aux autres candidats...
Votre ambition était certes sympathique, mais, dans ce cas, pourquoi ne pas ouvrir ce recours à n’importe quel citoyen ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Pour des raisons évidentes !
M. André Reichardt. Pourquoi le réserver aux seuls candidats ? Nous ne partageons absolument pas votre souhait.
Comme le disait mon collègue Christophe Béchu, « le contentieux consécutif à l’élection présidentielle évoque le débat sur le sexe des anges, car le vainqueur sera fort de la légitimité démocratique qu’il tirera de son élection au suffrage universel ».
Enfin, nous présenterons un amendement de suppression de la disposition assez étonnante que la commission des lois a souhaité introduire dans le projet de loi que nous discutons : il s’agirait, selon l’exposé des motifs, de réaffirmer le principe selon lequel un candidat détenant un mandat électif ne doit pas tirer profit de ce même mandat pour la conduite de sa campagne. C’est le moins que l’on puisse dire !
Comme vous l’avez vous-même précisé, monsieur le rapporteur, ce principe figure déjà dans la loi de 1962.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Rappelez-le à M. Sarkozy, vous avez l’air de le connaître !
M. André Reichardt. Mes chers collègues, avons-nous besoin de réaffirmer en permanence des principes de notre droit, alors même qu’une partie de notre travail est d’assurer la lisibilité et l’intelligibilité de nos normes ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. À votre avis ?
M. André Reichardt. C’est pourquoi le groupe UMP propose de supprimer cet ajout inutile !
En conclusion, en cette période de crise, chacun doit participer aux efforts budgétaires indispensables pour équilibrer notre situation financière, car le redressement de nos finances publiques est aujourd’hui une priorité. Les responsables politiques, dont nous faisons partie, ont un devoir d’exemplarité. C’est donc en agissant sur l’ensemble des dépenses publiques, y compris les dépenses de campagnes électorales, que nous parviendrons à réduire notre déficit et notre dette, même si les résultats sont progressifs et en deçà des espérances des uns et des autres.
Ce projet de loi est volontaire et ambitieux, comme les mesures récemment annoncées par le Premier ministre. Cette réforme a vocation à s’appliquer aux échéances de 2012 et à être pérenne. Nous ne pouvons, pour notre part, que nous en satisfaire, d’autant qu’elle s’inscrit dans une perspective plus large, puisqu’elle gèle, je le répète, la revalorisation des plafonds jusqu’au retour à l’équilibre de nos finances publiques.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, le groupe UMP, vous l’avez compris, soutient cette réforme courageuse engagée par le Gouvernement et votera ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dans un contexte de faible croissance, une position réaliste et économe concernant les dépenses de l’élection présidentielle ne peut qu’être bien comprise par nos concitoyens, qui se trouvent cependant confrontés à d’autres problèmes beaucoup plus graves.
Ces dépenses auraient pu être encore diminuées, et des économies supplémentaires réalisées dans d’autres domaines – je pense aux cadeaux fiscaux offerts aux riches –, mais il s’agit aujourd’hui d’une première démarche.
Pour autant, les écologistes appellent de leurs vœux des règles claires, respectées, plus transparentes et plus équitables.
Les Françaises et les Français attendent cette nécessaire moralisation du financement de la vie publique en général et de la campagne présidentielle en particulier.
En effet, il convient d’éviter à l’avenir les écueils du passé lointain et récent – on ne citera personne pour l’instant – ainsi que les polémiques dont la presse s’est récemment fait l’écho – je pense en particulier à l’affaire dite de Karachi, qui montre bien que les lois successives n’ont pas mis fin aux usages immoraux et aux dérapages.
À ce propos, il est important que la justice fasse son travail, tout son travail, quels que soient les noms, positions et grades des personnes impliquées dans cette affaire qui, rappelons-le, s’est traduite par quatorze décès, dont onze Français – je le précise, même si cette distinction peut choquer. Toute la lumière doit être faite sur ce dossier !
Par ailleurs, et sans lien direct avec l’affaire précédente – il se peut toutefois qu’il en existe un, mais je me garderai bien de l’établir –, un grand quotidien du soir évoquait hier l’éventualité que la communication des comptes de campagne de Nicolas Sarkozy pour les élections présidentielles de 2007 soit exigée dans le cadre des affaires Bettencourt. Ces exemples montrent que la situation n’est ni saine ni claire. Sur toutes ces affaires, je le répète, la justice doit faire son travail !
M. Jean-Jacques Mirassou. Et l’IGS !
Mme Corinne Bouchoux. Absolument, mon cher collègue.
Par ailleurs, le système actuel, avec ce seuil de 5 % en deçà duquel le remboursement des frais de campagne diminue drastiquement, n’est ni juste ni moral.
Cette formule pénalise la diversité politique, en donnant tout, ou presque, aux plus gros partis, alors qu’ils ont déjà beaucoup, et alors même que certains d’entre eux préfèrent renoncer à des deniers publics plutôt que de respecter la parité.
M. Michel Delebarre. C’est vrai !
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
Mme Corinne Bouchoux. Pourtant, en se conformant à cette obligation, un certain nombre de formations politiques réaliseraient des économies !
Ainsi, faute d’avoir respecté la parité, l’UMP aurait subi un manque à gagner de l’ordre de 4 millions d’euros lors des dernières élections législatives. Ce chiffre, le seul que j’ai pu trouver ce matin, me paraît toutefois un peu élevé. Il se peut donc que j’ai commis une erreur, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser le cas échéant.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. C’est pourtant la triste réalité !
Mme Corinne Bouchoux. En l’état actuel, le système des 500 signatures constitue déjà un ticket d’entrée élevé. Il ne semble pourtant pas très opérationnel. En effet, il n’évite pas les candidatures farfelues et écarte des candidats dont on sait qu’ils récolteraient un nombre important de suffrages. Peut-être est-il temps que l’on accepte de s’interroger sur ce système !
Mes chers collègues, le risque de multiplication des candidatures à l’élection présidentielle existe, mais ne justifie pas pour autant que l’on aboutisse à l’expression d’une pensée unique ! C’est pourquoi nous pourrions réfléchir à un autre système, qu’il s’agisse par exemple du vote des différents conseils ou d’autres propositions. Ce matin même, l’une de nos collègues a émis une suggestion très intéressante, qui nous semble pouvoir donner lieu à des travaux de réflexion au sein du Sénat.
Selon nous, au-delà du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, qui est un texte démagogique et de circonstance, il est souhaitable de poser la question des modalités de la campagne présidentielle et de répartir autrement l’enveloppe des frais de campagne.
Les « bien dotés » ont tout, les « peu dotés » n’ont rien : je le répète, ce système n’est pas propice à un débat démocratique équilibré et serein. Dès lors, pourquoi ne pas étudier les systèmes en vigueur dans d’autres pays ? En effet, différents modèles existent, et nous pourrions à tout le moins engager une réflexion comparative ! Ainsi, certaines législations prévoient que l’enveloppe est calculée non pas sur la base d’une élection, mais sur le fondement de plusieurs scrutins de diverses natures. Cet exemple est intéressant, car certains partis, comme celui auquel j’appartiens, peuvent récolter un nombre significatif de suffrages lors de certaines élections, et non des moindres – 16 % aux européennes, 12 % aux régionales –, et faire des scores inférieurs à l’occasion d’autres scrutins. À cet égard, le système actuel pose question et peut paraître injuste à un certain nombre d’électeurs.
En d’autres termes, les règles en vigueur s’apparentent à un système de la double peine : double dotation pour les grands et, pour les petits, « débrouillez-vous comme vous le pouvez ! »
Comme M. Collombat l’a souligné, ce système aboutit à des situations surréalistes, où des collègues honnêtes sont sanctionnés pour avoir obtenu des prêts sans intérêts. Ils les ont sans doute obtenus dans des conditions discutables, mais le fait est que ceux qui tentent de réaliser des économies sont pénalisés alors que d’autres, qui multiplient les dépenses inconsidérées, ne le sont pas. Qu’en pensent les contribuables et les citoyens ? On peut se poser la question.
Au-delà du cumul des inégalités, en matière financière ou face à l’accès aux medias, il existe une autre inégalité, que je vais tenter d’aborder le plus aimablement possible : le fait que 70 % d’entre nous se trouvent en situation de cumul des mandats. Ne vous en déplaise, mes chers collègues, nous devons en tenir compte.
Sans souhaiter une augmentation globale des dépenses – au contraire, nous sommes favorables à une réduction de celles-ci – conformément aux propos de M. le rapporteur, il nous semble que le présent projet de loi organique pose de manière anecdotique une question cosmétique et masque le débat de fond.
Selon nous, le système actuel favorise, d’une manière d’ailleurs assez inefficace, un pseudo-bipartisme qui ne nous semble plus tout à fait le reflet de la diversité des opinions de la société française en 2012 : en témoignent par exemple les scores obtenus par les différents candidats lors des trois dernières élections présidentielles ! Il convient également de se pencher sur cette question.
À nos yeux, la richesse de la vie politique vient des débats, des contradictions, des divergences de vue, de la confrontation des analyses et des projets respectifs pour la France de demain.
À l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, dans une économie où les medias sont de plus en plus concentrés entre les mains de quelques puissances industrielles, et dans un contexte où les journalistes doivent lutter farouchement, par exemple pour garantir l’indépendance de la provenance de leurs informations, il serait légitime et sain pour notre démocratie de réfléchir aux moyens de réduire l’injustice et les iniquités entre les candidats à l’élection présidentielle, qui, force est de le constater, rythment encore la vie politique de notre pays.
Il est nécessaire que les candidats disposent des moyens de présenter de manière équilibrée leurs différentes visions de la société : dans cette perspective, le système actuel est hautement perfectible.
Dès lors que des candidats et des candidates défendent les valeurs républicaines, en conformité avec nos institutions, même s’ils sont critiques et dérangeants, ils et elles doivent pouvoir s’exprimer et être entendus par tous nos concitoyens. Ils feront ensuite librement leur choix dans l’isoloir.
Mes chers collègues, ces trente dernières années, des prises de conscience, des évolutions et des améliorations ont eu lieu.
Pourtant, il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi, outre le débat sur le seuil de 5 %, qu’il faudra bien engager un jour prochain, dans la perspective d’une prochaine élection présidentielle, il convient de permettre des recours plus rapides et de concevoir un autre mode de travail pour le Conseil constitutionnel – sur ce sujet, je vous renvoie, mes chers collègues, à l’amendement qui sera discuté dans quelques instants.
Les précédents orateurs ont déjà évoqué le cas du candidat potentiel à sa réélection, qui fait pour ainsi dire campagne en poste, alors qu’il est encore en fonction : une telle situation n’est ni morale, ni équitable, ni propice à la vie démocratique. Nos concitoyens ne le comprennent pas, notamment les plus jeunes d’entre eux, qui éprouvent des difficultés à entrer dans la vie active.
Il est grand temps que le système évolue. Un de nos collègues vient de le rappeler : les élections cantonales sont mille fois mieux surveillées et sanctionnées que les élections présidentielles ! Où est donc la morale ? Où est l’exemplarité dont on nous a tant parlé ? M. le rapporteur l’a souligné, cette situation n’est ni normale ni tenable.
Pour l’ensemble de ces raisons, un autre système doit, à nos yeux, être mis en place à moyen terme. Il n’est certes pas possible de l’appliquer pour la prochaine élection présidentielle, mais il sera nécessaire de l’instituer pour la suivante.
Je vous remercie de votre attention, mes chers collègues, s’agissant d’un projet de loi organique essentiel pour l’avenir de nos institutions. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les arguments brillamment développés par notre collègue Gaëtan Gorce, qui a effectué, comme à son habitude, un travail de très grande qualité sur ce projet de loi organique à la portée somme toute symbolique, mais aussi très large, pour nos institutions et, au total, pour notre démocratie.
J’en profite également pour préciser à M. Reichardt que ce qu’il considère comme un embarras de notre part en commission est, en fait, une simple aptitude à la réflexion, qui devrait plutôt être portée au crédit de notre participation à la commission des lois : il convient donc qu’il s’y habitue.
Que l’on ne s’y trompe pas : ce texte, qui ne comporte qu’un seul article, est tout sauf anodin. Il a pour objet l’organisation de l’élection présidentielle, c’est-à-dire le scrutin autour duquel s’organise l’ensemble de la vie politique française, surtout depuis la réduction de la durée du mandat présidentiel à cinq ans.
Et c’est sans doute là que le bât blesse : face au symbole, le Gouvernement a accouché d’un texte certes d’allure consensuelle, mais qui aurait pu aller plus loin et aboutir à un renforcement de notre système politique à un moment où il en a bien besoin.
Les principales dispositions du texte sont connues, et vous les avez vous-même rappelées, madame la ministre. Dans le cadre du nouveau plan d’économies annoncé le 7 novembre dernier, le Premier ministre a présenté deux mesures touchant au financement de la vie politique.
D’une part, les crédits de l’aide publique aux partis politiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 millions d’euros, pour s’établir à environ 72 millions d’euros.
D’autre part, le Gouvernement a l’intention de limiter le remboursement des dépenses de campagne électorale, ce qui devrait permettre d’économiser 4 millions d’euros en 2012. La diminution des remboursements forfaitaires par l’État des dépenses électorales a d’ores et déjà été intégrée à la loi de finances pour 2012.
Du point de vue technique, cette réduction des remboursements opérés par l’État suppose deux mesures.
Premièrement, les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel, ce qui signifie que les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés. Le Gouvernement nous précise que cette mesure perdurera tant que nos finances publiques n’auront pas retrouvé leur équilibre. Je crains donc que le gel des dépenses électorales ne soit promis à un bel avenir si rien ne change...
Deuxièmement, l’article 112 de la loi de finances pour 2012 réduit de 5 % le taux de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses électorales. Pour les élections législatives et locales, le remboursement maximal est porté de 50 % à 47,5 % du plafond de dépenses. Seuls peuvent y prétendre les candidats ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés lors de ces scrutins.
En revanche, pour ce qui concerne l’élection présidentielle, la réduction des remboursements des dépenses de campagne ne pouvait être incluse dans la loi de finances pour 2012 : en effet, une loi organique est nécessaire. Le présent projet de loi organique transpose donc à l’élection présidentielle les deux mesures que je viens de rappeler, et qui seront évidemment applicables dès 2012.
C’est sans doute là que réside l’une des grandes faiblesses de ce projet de loi organique : pourquoi le Gouvernement s’est-il décidé à modifier, à quelques mois de l’élection présidentielle, les règles relatives à son fonctionnement ? Il n’est pas sain de légiférer ainsi, d’autant que le Gouvernement a, une nouvelle fois, demandé l’application de la procédure accélérée pour un texte qui ne le méritait certainement pas.
La précipitation avec laquelle ce projet de loi a été ficelé relève davantage de la communication politique, puisqu’il s’agit de montrer aux Français que, en ces temps de crise, tout le monde fait des efforts, à commencer par les partis politiques. (M. le président de la commission des lois acquiesce.)
C’est une ambition louable, et chacun est prêt à y participer, mais il convient de rétablir la réalité des faits : l’étude d’impact du présent projet de loi organique précise que les économies attendues de cette réforme s’élèveraient à 3,665 millions d’euros. Je m’attarderai quelques instants sur cette somme, qui est porteuse de plusieurs interrogations.
En premier lieu, je rappelle que le coût de l’élection présidentielle n’a cessé d’augmenter depuis 1995. À cette date, elle a coûté 133 millions d’euros, contre 200 millions d’euros en 2002 et 207 millions d’euros en 2007.
Contrairement à une idée largement répandue, ces augmentations ne profitent pas directement aux candidats, bien au contraire.
En outre, les économies attendues de ce projet de loi ne peuvent faire l’objet que d’une évaluation. En pratique, le montant économisé dépendra, je le souligne à mon tour, du nombre de candidats,…
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
M. Michel Delebarre. … du nombre de suffrages que chacun d’entre eux recueillera, du contenu de leurs comptes de campagne, des décisions prises par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et, en cas de recours, par le Conseil constitutionnel.
Le nombre de candidats constitue la variable la plus importante. Entre 1995 et 2002, la dépense par candidat a baissé de 15 %, mais, comme le nombre de candidats a crû de 78 %, la dépense totale a augmenté.
Ainsi, l’on ne connaîtra le coût de l’élection présidentielle qu’a posteriori : les économies réelles ne pourront être évaluées qu’après l’élection, puisqu’elles sont largement fonction du nombre de candidats, qui, d’après ce que je peux entendre ici ou là, semble plutôt aller crescendo...
En outre, et quel que soit le montant de l’argent économisé, je m’interroge sur la portée d’une telle économie sur la situation de nos finances publiques.
J’éprouve quelques doutes quant à la possibilité de réduire la dette publique de la France ou notre déficit budgétaire avec l’argent ainsi épargné.
M. Alain Anziani. Tout à fait !
M. Michel Delebarre. Chacun est conscient des efforts à accomplir, mais il ne faut pas tomber dans l’excès pour autant. La démocratie a un coût – M. le rapporteur l’a souligné – et il faut bien la financer ! L’élection présidentielle représente somme toute une dépense d’environ 5 euros par électeur, ce qui ne me semble pas être le principal poste grevant nos finances publiques.
J’ai plutôt en tête l’allègement de l’impôt sur la fortune à hauteur de 1,5 milliard d’euros, mis en œuvre par le Gouvernement en juillet dernier, ou bien la fameuse loi TEPA qui, depuis 2007, représente un manque à gagner cumulé de plus de 20 milliards d’euros pour l’État. À comparer aux quelque 3 millions d’euros attendus par cette loi organique, tout cela laisse un peu songeur.
En tant que rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission « Pouvoirs publics » du projet de loi de finances pour 2012, j’avais eu l’occasion d’indiquer que la gestion des crédits de la Présidence de la République avait gagné en transparence et en rigueur. Je le répète, l’examen annuel des comptes de la Présidence par la Cour des comptes a été un aiguillon sans doute utile. Il reste cependant, comme l’a souligné M. le rapporteur, quelques zones d’ombre : la programmation des aides exceptionnelles aux collectivités territoriales, les multiples sondages commandés par l’Élysée – même si les choses se régulent un peu – ou encore la question des déplacements du Président de la République qui, s’il est encore Président, est d'ores et déjà candidat à sa propre succession. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a préconisé – M. le rapporteur l’a souligné – le 1er septembre 2009 que 60 % des interventions du chef de l’État soient décomptées du débat politique national. Pourquoi ne pas appliquer également cette règle aux déplacements du Président et considérer que 60 % de ses déplacements en France doivent figurer dans le compte de campagne ? Il me semble que cette décision, qui apparaîtrait à tous les Français comme de bon sens, pourrait être avancée. Je reconnais toutefois qu’il y a matière à débat, et il se peut que je pousse un peu loin la comparaison.
Ces propositions, qui ne figurent pas dans le projet de loi organique, auraient toutefois pu constituer un progrès notable. Pourtant, le principe d’égalité devant le suffrage et le principe de sincérité des élections sont les fondements de la démocratie représentative. Or, comme l’argent est devenu un facteur important, sinon déterminant, d’une élection, en particulier dans le cadre de la présidentielle, le respect de l’égalité et de la sincérité dépend aussi du régime de financement des dépenses électorales. Ce projet de loi organique n’y répond que de façon imparfaite et a finalement manqué d’ambition, au regard des enjeux qu’il prétendait affronter.
Je vous remercie de votre attention, madame la ministre, mais nous ne pouvons pas vous suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, puisque tout, ou presque, a déjà été dit, et très bien dit, je tâcherai de dire le reste…
À moins de quatre mois de l’élection présidentielle, vous nous proposez de réduire le coût des opérations électorales.
Nous savons bien que notre pays est confronté à de graves difficultés financières. L’élection présidentielle va d’ailleurs nous permettre de débattre des causes de ce déficit public cumulé de 1 600 milliards d’euros, et des responsabilités de chacun. Nous aurons aussi l’occasion d’exposer aux Français les solutions à mettre en œuvre.
Parmi elles, vous considérez nécessaire de réduire le financement de la vie politique. Vous nous suggérez – cela a été dit plusieurs fois – d’économiser environ 3 millions d’euros sur un coût prévisionnel estimé à 220 millions d’euros dans le rapport de Gaëtan Gorce, soit un gain de 1,5 %. Voilà l’économie que vous nous proposez de faire ! Chacun en appréciera l’ampleur… Michel Delebarre a évoqué un geste « symbolique » ; nous ne pouvons que souscrire à ses propos.
Pour notre part, nous aurions souhaité un engagement plus radical, qui aurait consisté à clarifier la notion de dépense électorale. L’exercice est certainement devenu incontournable, quels que soient d’ailleurs les candidats ou les présidents sortants. À cet égard, je tiens à saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Gaëtan Gorce, qui s’est engagé avec beaucoup de force dans cette voie.
Je prendrai pour ma part trois exemples.
Le premier concerne les sondages d’opinion et les différentes enquêtes. Je poserai une question naïve : doivent-ils être considérés comme une dépense électorale ? En droit, la réponse est évidemment positive. Les sondages et les études de cette nature doivent être pris en compte dans les comptes de campagne. L’on pense bien entendu à ceux des partis et à ceux qui sont commandés par les candidats. Mais qu’en est-il des études commandées par l’Élysée ou par le Service d’information du Gouvernement, qui, jusqu’au 1er janvier dernier, réalisait des sondages pour l’Élysée en dehors de tout fondement légal ?
Je rappelle que les enquêtes réalisées par la société Giacometti-Péron s’élèvent à 522 millions d’euros par an. Qui peut croire qu’elles sont sans arrière-pensée électorale, notamment dans l’année qui précède l’élection ? Chacun en jugera…
Qui peut croire que la connaissance de l’opinion n’éclaire pas un futur candidat dans le choix de son positionnement, de ses thèmes de campagne ou des éléments de langage que ses amis vont rabâcher à l’identique pendant toute la campagne ?
A minima, nous devrions adopter une première règle : l’obligation pour un président sortant de publier la liste exhaustive des sondages commandés dans la dernière année de son mandat.
Le deuxième exemple, qui a lui aussi été abordé, porte sur les déplacements des candidats. Doivent-ils être intégrés dans le compte de campagne ? Certainement. Mais qu’en est-il des déplacements d’un candidat non encore déclaré ?
Je note ainsi que la fréquence des déplacements du Président de la République s’est accélérée depuis plusieurs mois. Notre collègue député René Dosière a tenu des comptes précis. Durant les trois premières années de la présidence, la moyenne était d’une cinquantaine de déplacements par an. Et subitement, dans l’année précédant l’élection, ces déplacements sont passés à plus de soixante-dix, avec évidemment un net accroissement en ce début de nouvelle année.
Si l’on considère que le nombre ne compte pas, encore faut-il savoir ce qui se passe dans ces déplacements. Je vous invite à cet égard à scruter les propos du Président de la République, mes chers collègues.
Au Tricastin, Nicolas Sarkozy a consacré une partie importante de son discours au nucléaire et, en fait, à vilipender les positions de la gauche. S’agissait-il des positions du Président de la République ou de celles d’un candidat ? Chacun en jugera.
À Mulhouse, plus récemment, le Président de la République s’est adressé aux personnels de santé, non pas pour leur parler de l’intérêt général ou d’une grande politique de santé, mais pour dénigrer les propositions fiscales prêtées au candidat du parti socialiste.
Nous allons assister à ce manège durant des semaines : pourtant, jusqu’au 19 mars prochain, date de la publication de la liste des candidatures, ces déclarations n’entreront pas dans la catégorie des propos électoraux.
La question a été posée par deux députés socialistes, Daniel Vaillant et Pascal Terrasse, qui ont saisi la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. La réponse de cette dernière rappelle un principe de droit constant sur lequel tout le monde peut s’accorder : « Si, au cours des manifestations auxquelles [le Président] participe dans la période précédant l’annonce éventuelle de sa candidature à la prochaine élection, il est amené à exposer les éléments d’un programme de futur candidat, le coût de l’organisation de ces manifestations devrait être réintégré ultérieurement au compte de campagne, en tout ou en partie ». (Mme la ministre marque son approbation.) Madame la ministre, je constate que vous approuvez ces propos.
Voilà donc la solution ! Elle a été appliquée en 2003 à Jacques Chirac, puisque sept déplacements ont été réintégrés pour partie dans ses comptes de campagne, en considérant qu’il s’agissait de déplacements électoraux.
Toutefois, comme l’ont souligné tout à l’heure Gaëtan Gorce, Michel Delebarre ou encore Pierre-Yves Collombat, nous butons sur une difficulté : la réintégration suppose en effet que les comptes de campagne fassent l’objet d’un contrôle précis.
Malheureusement, sur ce point, madame la ministre, je doute que vous soyez toujours d’accord avec moi. En effet, l’exemple des deux dernières campagnes présidentielles n’est pas vraiment de nature à nous rassurer. Les comptes ont bien été validés, mais, dans le premier cas, ceux de Jacques Chirac ont été qualifiés d’« insincères » par l’ancien président du Conseil constitutionnel Roland Dumas – on se demande dès lors quelle est véritablement la nature du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel – et, dans le second, ceux de Nicolas Sarkozy font aujourd'hui l’objet de réquisitions judiciaires.
Mon troisième et dernier exemple porte sur l’utilisation de moyens publics, y compris en personnels. Faut-il les prendre en compte ? La question a évidemment été maintes fois jugée, et l’alinéa 3 de l’article unique du projet de loi organique dispose lui-même que « les candidats détenteurs d’un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne ».
Pourtant, dans la réalité, lorsque je vois Henri Guaino, un proche collaborateur du Président, faire le tour de France pour livrer ses commentaires, je ne suis pas sûr qu’il le fasse seulement en tant que grand historien ou nouveau philosophe. À l’évidence, ces déplacements ne sont pas dénués d’arrière-pensées électorales. Pourtant, ils ne seront pas intégrés dans les comptes de campagne…
En réalité, notre réflexion bute sur une difficulté majeure, celle du candidat fantôme. Ce dernier se drape dans ses habits officiels, parcourt le pays comme s’il était à la recherche de voix perdues, travaille plus sans être payé plus, parle même de ses adversaires avec fureur… mais ses paroles ne sont jamais comptabilisées !
Personne ne nie la difficulté de légiférer pour sortir de l’ambiguïté créée par une telle inégalité. Mais voilà bien une réforme qui aurait certainement eu plus de portée que celle qui est présentée aujourd’hui. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, une démocratie qui ne coûte rien est une démocratie à vendre, une démocratie livrée aux enchères et aux intérêts privés, une démocratie dans laquelle la cause publique n’est plus défendue.
Les dérives du passé ont eu des conséquences lourdes sur la relation de confiance que les citoyens entretiennent avec leurs responsables politiques. La prise de conscience a eu lieu il y a plus de vingt ans. Elle a conduit à la rédaction des premières lois visant à rendre transparents les financements politiques et à limiter les conflits d’intérêts.
Le financement illicite de la vie politique par des personnes morales et le trafic d’influence pouvaient, enfin, être sanctionnés.
Ces principes généraux étant rappelés, le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui concerne le financement des campagnes des candidats à l’élection présidentielle.
Le thème est complexe, cela a été rappelé par M. le rapporteur. Il est en particulier bien difficile de distinguer, quand l’un des candidats se trouve être le Président lui-même, ce qui relève de sa fonction et ce qui ressortit à son seul statut de candidat.
Il est même étonnant, alors que la loi impose à tout candidat de prendre en compte l’ensemble de ses dépenses liées à la campagne dans l’année précédant l’élection, que, à cent jours de l’élection présidentielle, le Gouvernement nous invite à examiner un projet de loi organique destiné à modifier les modalités des comptes de campagne pour la campagne en cours !
Ce projet de loi organique souffre donc d’un péché de rétroactivité. Le Conseil constitutionnel pourrait toutefois le censurer, car il change les règles du jeu de façon irréversible pour les candidats qui sont entrés en campagne les premiers...
Mais revenons au fond. Ce texte est d’abord démagogique.
Présenté comme devant permettre une baisse des contributions publiques, il n’induira en réalité qu’une diminution très faible de celles-ci, laquelle, de surcroît, ne pourra être mesurée, le cas échéant, qu’a posteriori.
À un moment où l’actualité judiciaire souligne que, en 1995 et 2007, des contributions « extralégales » auraient été perçues par des candidats à l’élection présidentielle, quelle est la cohérence de supprimer 5 % de financement public pour chaque candidat si certains d’entre eux n’ont pas de scrupules à aller chercher ce qui leur manque en dehors du cadre fixé par la loi ?
Hypocrite, ce système est aussi cynique : en matière d’élection présidentielle, le vainqueur a toujours raison, quelles que soient les libertés que celui-ci prend avec la loi. Tout dépassement, toute dérogation à la loi n’affecte jamais la validité de son élection !
Cet état de fait ne saurait durer, car il constitue une insulte à la démocratie. Cette préoccupation inspire plusieurs des amendements qui nous sont aujourd’hui soumis et qui, sous réserve de leur adoption, justifient que l’on soutienne ce texte, malgré les réserves initiales qu’il nous a inspiré.
En 2012, on ne peut plus, on ne doit plus se permettre d’offrir l’impunité à un président élu en dehors de toute contrainte et de toute obligation quant au respect des lois. Cette préoccupation doit également nous inspirer pour les élections législatives.
Le sujet est d’autant plus sensible que, pour la première fois, seront élus en 2012 onze députés des Français de l’étranger.
Ces élections vont se dérouler dans des conditions particulières, où la part des déplacements dans le coût total d’une campagne sera très significative, ce qui n’est pas le cas dans les circonscriptions métropolitaines.
Par exemple, une circonscription reliera Mourmansk, Téhéran, Wellington et Tokyo. Cette réalité induira, bien sûr, des coûts de déplacement astronomiques. Pour l’UMP, c’est le ministre des transports qui s’impose sur cette circonscription : nécessité oblige...
Dès lors, comment assurer une parfaite égalité entre tous les candidats quand certains sont des ministres en fonctions et d’autres de simples citoyens Français résidant à l’étranger ?
Avec mes collègues Hélène Conway Mouret, Claudine Lepage et Richard Yung, nous avons interrogé la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, la CNCCFP. En effet, trois membres du Gouvernement ont été investis comme candidats de l’UMP à l’étranger : Thierry Mariani, Frédéric Lefebvre et Marie-Anne Montchamp. Comment ne pas craindre de voir ces derniers utiliser, lors de leurs déplacements à l’étranger, les moyens de la République pour favoriser leur élection comme député par les Français établis hors de France ?
À cet égard, on a d’ailleurs déjà constaté que le ministre chargé des transports a, depuis plusieurs mois, multiplié les déplacements officiels dans des pays faisant partie de la 11e circonscription. Entre le 3 juin 2011 et aujourd’hui, en l’espace de trente et une semaines, Thierry Mariani est parti, prétendument dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales, vingt-six fois à l’étranger, dont vingt-quatre fois dans un pays de la circonscription dans laquelle il est candidat ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Pierre-Yves Collombat. C’est bon à prendre !
M. Jean-Yves Leconte. Or son prédécesseur à ce poste, Dominique Bussereau, n’a voyagé pendant une année entière que onze fois hors de France, dont trois fois dans ladite circonscription : la rupture d’égalité entre les candidats est déjà patente.
À cet égard, la CNCCFP nous a simplement répondu qu’elle réintégrera si nécessaire, le cas échéant, c’est-à-dire après la campagne, « les dépenses omises ». Elle « relèvera éventuellement des concours de personnes morales prohibées ». En substance, elle nous a expliqué qu’elle n’avait pas à juger le caractère justifié ou non des déplacements des ministres. (Mme la ministre opine.)
C’est pourtant une tout autre lecture qui est faite lorsqu’un élu local se présente à une élection législative et qu’il utilise sa charge pour mettre en avant son action. En effet, celui-ci est à la merci de sanctions très lourdes s’il utilise son mandat à des fins électorales.
M. Alain Anziani. C’est vrai !
M. Jean-Yves Leconte. La CNCCFP avait d’ailleurs apporté la même réponse lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale, pour ce qui concerne les déplacements du chef de l’État. Elle considère qu’elle « n’a pas de compétence pour juger l’utilisation des fonds publics mis à sa disposition » et que, de toute façon, « les frais de transport du Président de la République et de ses collaborateurs, ainsi que le coût des mesures de sécurité et de protection liées à ses déplacements ne peuvent être inclus dans les comptes de campagne ».
Mais alors, qui a compétence pour juger ? Le Conseil constitutionnel ? Celui-ci doit se prononcer dans les dix jours suivant l’élection, alors que la CNCCFP a, en ce qui la concerne, un mois pour le faire !
Dans la pratique, un abus manifeste dans l’utilisation de l’argent public des contribuables ne peut donc être sanctionné, ce qu’a rappelé René Dosière à l’Assemblée nationale. Depuis octobre 2011, le rythme des déplacements du chef de l’État a considérablement augmenté, ainsi que l’a relevé notre collègue Alain Anziani.
Un président en campagne, des ministres en campagne, un Gouvernement en campagne, et ce sur fonds publics, et pour des montants largement supérieurs aux économies envisagées par ce projet de loi organique :…
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. … cela démontre l’hypocrisie du Gouvernement. Rendez-vous compte, mes chers collègues, on nous propose, dans ce projet de loi organique, une économie de trois millions d’euros ! Voilà qui est plutôt surréaliste !
Le secrétaire d’État chargé des Français de l’étranger, Édouard Courtial, prend très à cœur ses nouvelles fonctions. Pourtant, il avait auparavant qualifié dans une proposition de loi d’exilé fiscal tout Français vivant hors de l’Union européenne dès lors que celui-ci ne payait pas ses impôts en France, même si c’était en vertu d’une convention fiscale qu’il avait ratifiée en tant que parlementaire.
Mme Maryvonne Blondin. Eh bien !
M. Jean-Yves Leconte. Et voilà qu’aujourd'hui, il survole le monde à la vitesse d’un supersonique accompagné d’un aréopage de hauts fonctionnaires, en ciblant les territoires stratégiques pour ses collègues ministres candidats et ses amis politiques ! Il suffit de consulter son agenda officiel sur le site Internet du Quai d’Orsay pour prendre la mesure de cette opération politique au coût astronomique.
Dans le même temps, il manque dans plusieurs postes consulaires les personnels et les finances nécessaires pour préparer correctement les élections, tout en assurant aussi le quotidien des consulats.
Demain, se tiendra au Maroc une grande réunion de l’UMP. Y participeront Nadine Morano – mais n’est-elle pas ministre en exercice ? – et le secrétaire d’État Édouard Courtial. L’UMP avait aussi initialement annoncé la présence officielle de hauts fonctionnaires en exercice. Devinez, mes chers collègues, quel est le thème de cette réunion ?... « Une nouvelle gouvernance pour les Français de l’étranger. » Voilà qui promet !
Permettez-moi de prendre un autre exemple.
Le 9 février prochain, aura lieu à Miami, dans la circonscription que le candidat Frédéric Lefebvre, également secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation, convoite, celle des Français d’Amérique du Nord, en sa présence et en celle de François Baroin – n’est-il pas lui aussi un ministre en exercice ? –, le premier rassemblement mondial des conseillers du commerce extérieur.
Mme Maryvonne Blondin. Quelle coïncidence !
M. Jean-Yves Leconte. Là encore, je vous invite à aller consulter le site Internet dédié à l’organisation de cette manifestation pour prendre la mesure de l’ampleur de la dépense engagée. Mais c’est certainement pour fêter le dernier record du déficit de notre commerce extérieur, qui s’élève à 75 milliards d’euros ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Le monde est petit !
M. Jean-Yves Leconte. On comprend bien qu’il soit difficile à l’étranger d’appréhender et de contrôler les dérives probables. Certes, la CNCCFP ne peut pas s’exporter dans le monde entier, mais il n’est pas convenable de profiter de cette situation avec autant de morgue.
Une telle attitude doit être dénoncée et sanctionnée,…
Mme Maryvonne Blondin et M. Jacques Chiron. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. … car elle constitue une insulte à l’intelligence, ainsi qu’un mépris pour les Français de l’étranger et pour leur représentation parlementaire.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Très bien !
M. Jean-Yves Leconte. Pourtant, la législation précise bien que l’utilisation éventuelle par un ministre de moyens de la République, à l’occasion d’un déplacement à l’étranger, en vue de favoriser son élection, sans refacturation des frais engendrés, est prohibée, dans la mesure où une telle utilisation constituerait une participation au financement d’une campagne par une personne morale. Dès lors, pourquoi le font-ils ?
Mes chers collègues, la période impose l’exemplarité et la sobriété. Une pleine conscience des impératifs de transparence et des conflits d’intérêts est donc nécessaire.
Le conflit d’intérêts n’était-il pas évident lorsque M. Woerth était en même temps ministre du budget et trésorier du parti au pouvoir ? Mais ni lui ni ses amis ne l’ont jamais reconnu.
Et que dire de l’actuel ministre de l’intérieur, candidat à Boulogne, utilisant la mairie comme bureau de poste ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il ne faut tout de même pas exagérer ! Vous devenez caricatural !
M. Jean-Yves Leconte. Quel écart étonnant avec la loi pour un ministre chargé de la lutte contre la délinquance !
Candidat aux élections législatives pour les Français du Proche-Orient, de l’Afrique du Sud et de l’Est et de l’océan Indien, l’ancien juge Alain Marsaud se prévaut d’une mission du Gouvernement français pour justifier de ses déplacements à Madagascar. En l’occurrence, il travaillerait au rétablissement des liaisons aériennes de la compagne nationale Air Madagascar entre Madagascar et l’Europe,…
M. Michel Delebarre. Ce n’est pas inutile ! (Sourires.)
M. Jean-Yves Leconte. … et ce afin de mieux concurrencer notre compagnie aérienne nationale, Air France, en offrant un service moins cher, car délocalisé !
Alain Marsaud présente sans vergogne cette mission comme étant directement liée à sa campagne électorale, mais néanmoins au service de tous ses concitoyens !
Bref, à quelques mois de scrutins fondamentaux, on se demande si certains candidats proches du pouvoir en place n’auraient pas perdu tout sens commun. On observe des situations si curieuses que cela autorise toutes les conjectures et suppositions possibles.
Ainsi, le candidat UMP dans la seconde circonscription d’Amérique latine, Pascal Drouhaud, est aussi le directeur adjoint d’Alstom pour l’Amérique latine, une société qui vise – et c’est très légitime – de nouveaux marchés au Panama. Elle a d’ailleurs récemment été retenue pour y construire une ligne de métro. Eh bien, cet État ne vient-il pas de bénéficier, en décembre dernier, d’une ratification supersonique par le Parlement – grâce à l’Assemblée nationale et contre l’avis du Sénat – d’une convention fiscale lui permettant de sortir de façon opportune de la liste des paradis fiscaux ? (Mme Maryvonne Blondin s’exclame.)
Voilà, mes chers collègues, où nous en sommes à quelques mois de scrutins fondamentaux pour notre avenir.
M. André Reichardt. Vous vous prenez pour Saint-Just !
M. Jean-Yves Leconte. Profitons de l’examen de ce projet de loi organique pour réaffirmer des principes et des exigences et pour adopter, aux côtés du rapporteur, M. Gorce, et de M. Collombat, de nouvelles règles pour faire en sorte qu’il y ait plus de moralité et moins de cynisme lors de la prochaine élection présidentielle. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La discussion générale est close.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à onze heures vingt-cinq.)
M. le président. Je suis saisi, par M. Masson, d'une motion n° 14.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, le projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle (n° 236, 2011-2012).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. Jean Louis Masson, auteur de la motion.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si j’ai annoncé que j’accordais mon parrainage pour l’élection présidentielle à Nicolas Dupont-Aignan, ce n’est pas par convergence idéologique. C’est tout simplement parce que le système des parrainages me paraît scandaleux du point de vue démocratique et que je souhaite aider les petits candidats qui sont victimes de l’hégémonie des deux partis dominants.
Le vrai problème est que les parrainages sont instrumentalisés par ces deux grands partis afin d’empêcher des candidatures concurrentes ou, tout au moins, de leur imposer un handicap disproportionné.
Depuis que les parrainages sont rendus publics, on assiste à des dérives totalement inacceptables. Par des chantages aux subventions, des menaces à l’intérieur des partis politiques et parfois même des violences physiques émanant de contradicteurs forcenés, on essaye de contraindre les maires soit à ne signer pour personne, soit à signer pour l’un ou l’autre des deux partis dominants.
En revanche, lorsque la signature s’oriente vers des courants politiques représentatifs faisant de l’ombre aux deux partis dominants, tous les coups sont permis.
Ainsi, le quotidien Le Figaro du 30 décembre 2011 rapporte que Mme Aubry, avec l’aval de M. Hollande, a fixé ce qu’elle appelle « la feuille de route ». Mais cette feuille de route est lourde de menaces puisqu’elle indique qu’il faut obligatoirement – j’y insiste – « qu’aucun parrainage d’élu socialiste et républicain ne manque à notre candidat ».
À l’UMP, ce n’est pas beaucoup mieux : des pressions tout aussi regrettables sont parfois exercées au niveau local sur tel ou tel maire.
Lors des élections présidentielles de 2002 et de 2007, le Conseil constitutionnel a déploré de multiples cas de pressions pour dissuader les maires de parrainer tel ou tel candidat. Des représailles a posteriori ont aussi eu lieu à l’encontre de maires ayant accordé leur parrainage : chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, chantage aux subventions départementales selon l’orientation politique des parrainages, exactions diverses contre les parrains des candidats d’extrême droite ou d’extrême gauche...
Ces pratiques ont, hélas ! tendance à se reproduire. C’est inacceptable, car il s’agit d’une atteinte intolérable à la liberté des élus.
Ainsi, dans le canton dont je suis le conseiller général, deux maires avaient, par le passé, signé en faveur du Front national. L’un a subi des menaces physiques et sa maison a fait l’objet de dégradations : cela l’a tellement ébranlé qu’il a eu un accident cardiaque. Quant à l’autre, le maire d’Ennery, M. Jean-Marie Bauer, il a annoncé solennellement dans la presse locale, en l’espèce Le Républicain Lorrain du 3 janvier 2012 qui lui consacre un article : « Je ne parraine plus personne ! »
Il justifie ensuite cette position, qu’il a dû prendre à regret.
« Je me souviens encore de ce jour d’avril 2002, lorsque toute la presse a publié mon nom au milieu de la liste des 500 maires ayant parrainé Jean-Marie Le Pen. Deux ou trois jours avant la clôture des parrainages, tous les médias parlaient de ses difficultés à obtenir les 500 signatures. J’ai été contacté par un représentant du Front national qui m’a détaillé la situation. Si j’ai répondu favorablement, c’est parce que j’estimais que, dans un pays démocratique, il aurait été anormal qu’un parti avec autant d’électeurs ne pût être représenté à l’élection présidentielle.
« On peut être pour ou contre Le Pen, mais il a quand même le droit d’être candidat. C’est la démocratie. Personne à Ennery ne sait pour qui je vote. Je voulais simplement permettre à un candidat de présenter ses idées aux Français, comme d’ailleurs je l’avais fait pour Dominique Voynet en 1995 !
« Mais, lorsque mon parrainage a été rendu public, certaines personnes sont venues m’insulter. Pendant plusieurs semaines, j’ai vécu un véritable cauchemar. À cause de cela, si, aujourd’hui, l’un des candidats me sollicitait le dernier jour pour obtenir un ultime parrainage, je refuserais. Mais ce serait un crève-cœur, car ce système des parrainages rendus publics est complètement antidémocratique ! Il faut absolument instaurer l’anonymat. »
Ainsi s’exprimait ce maire, dans la presse, voilà quelques semaines. À sillonner mon département, je peux vous dire que, dans leur immense majorité, les maires sont très mécontents du système actuel, qu’ils trouvent profondément antidémocratique.
Cet exemple prouve qu’il faut être d’une totale mauvaise foi pour prétendre que la publicité des parrainages n’est pas incompatible avec l’expression libre et démocratique du suffrage universel.
À juste titre, des milliers de maires et autres parrains potentiels déplorent le détournement de la procédure des parrainages. En effet, les partis politiques dominants et les médias font croire à l’opinion que le parrainage est un soutien politique. Or le but théorique des parrainages est uniquement d’éviter les candidatures marginales ou farfelues. On ne peut pas accepter que ce système serve de prétexte à l’élimination des courants de pensée représentatifs pour les empêcher d’avoir un candidat.
Pis, l’expérience de 2002 a prouvé que le système des parrainages non seulement n’empêchait pas les candidatures marginales, mais risquait d’exclure des courants de pensée parmi les plus importants.
Ainsi, en 2002, malgré le filtre des parrainages, sur les seize candidats qui se sont présentés, neuf ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés.
M. Gluckstein est arrivé bon dernier, avec seulement 0,47 % des suffrages, soit 132 686 voix sur 28 498 471. Bien que sa représentativité ait été quasi nulle, il avait pourtant très rapidement obtenu les parrainages requis ; il en avait même beaucoup plus que nécessaire.
Au contraire, M. Le Pen, lui, est arrivé deuxième au premier tour, avec 4 804 713 voix, soit 16,86 % des suffrages exprimés, trente-six fois plus que M. Gluckstein. Malgré cette représentativité incontestable, il avait rencontré d’énormes difficultés pour rassembler les parrainages requis. À trente parrainages près, il avait même failli ne pas pouvoir être candidat.
Par conséquent, j’estime qu’il faut, d’une part, rétablir le principe du secret des parrainages afin d’éviter toute pression ou représaille sur des parrains potentiels et, d’autre part, prévoir à titre alternatif que tout parti peut présenter un candidat s’il a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors des précédentes élections législatives.
Par ailleurs, des sanctions pénales sont prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs en vue de dénaturer l’expression du suffrage universel. La moindre des choses serait qu’elles s’appliquassent aussi à l’encontre de ceux qui, par des pressions ou des représailles, essayent d’empêcher le parrainage de tel ou tel candidat. Là encore, c’est la sincérité du suffrage universel qui est en jeu.
Si je propose une motion de renvoi à la commission, c’est parce que le projet de loi organique qui nous est soumis nous donne l’occasion de sortir du statu quo. En effet, il modifie l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, mais de façon très marginale. La diminution de 5 % du taux de remboursement des candidats ne justifiait pas un changement à la dernière minute, juste avant les élections !
Il est regrettable que le Gouvernement ait eu recours à la procédure accélérée sur ce texte, tout en faisant semblant d’ignorer le vrai problème, celui des parrainages, que pose l’article 3 susvisé qui les organise. La moindre des choses aurait été de réformer le système des parrainages en même temps que le taux de remboursement des candidats.
Malheureusement, les deux partis dominants s’entendent pour continuer à profiter d’un système profondément injuste et contreproductif.
En conclusion, si le Gouvernement a raison de déclarer qu’il est urgent de réformer l’article 3 susvisé, il n’y a aucune urgence à bricoler à la marge le remboursement des frais de campagne. La seule urgence légitime réside dans la modification du système scélérat des parrainages.
Je terminerai en rappelant les deux principes auxquels je suis attaché.
D’une part, la publication de la liste des parrainages des candidats aux élections présidentielles porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.
D’autre part, il est totalement incohérent d’avoir des sanctions pénales dissuasives à l’encontre des menaces ou pressions qui pourraient être exercées sur les électeurs si, dans le même temps, rien n’est prévu à l’encontre de ceux qui exercent des représailles ou font du chantage pour empêcher d’éventuels candidats représentatifs d’obtenir leur parrainage.
Ce projet de loi présente toutefois un intérêt : il démontre que l’on peut, dans l’enceinte parlementaire, évoquer cette question.
Jusqu’à présent, tous les partis politiques dominants, que ce soit le parti socialiste ou l’UMP, ont fait semblant d’ignorer l’existence d’un problème. À la veille des élections, on fait un peu la sourde oreille. Au lendemain des élections, on dit qu’il faut effectivement réformer.
Ainsi, après les élections de 2007, certains dirigeants de l’actuelle majorité gouvernementale ont en effet déclaré qu’il fallait changer le système des parrainages, car il ne convenait pas, mais on s’est empressé de ne rien faire !
C’est bien pis du côté du parti socialiste, car on s’est réjoui quasi ouvertement du fait que le système des parrainages permettait des manipulations, et donc l’élimination de tel ou tel par des pressions sur les uns ou sur les autres. Les propos de Mme Aubry, avec la caution de M. Hollande, lourds de menaces à l’encontre des maires de sensibilité socialiste qui parraineraient quelqu’un d’autre que le candidat officiel, sont très inquiétants pour la démocratie. Nous ne sommes plus à l’époque de Brejnev ni dans la situation de Moubarak !
Comment se déroulaient les élections présidentielles en Égypte ? Pour devenir candidat, il fallait être présenté par un certain nombre de personnes. Mais les présentations étant publiques, les candidats qui voulaient se présenter contre M. Moubarak ne trouvaient jamais personne pour les cautionner !
Si un parrain potentiel signe pour un petit candidat qui recueillera 0,5 % des suffrages, on s’en réjouit au parti socialiste, car ce n’est ni gênant ni grave. En revanche, si quelqu’un signe pour un candidat susceptible d’être représentatif et d’être présent sur l’échiquier politique, on entre dans la phase de représailles !
M. Jean-Jacques Mirassou. Il faut arrêter ! Une fois, ça va !
M. Jean Louis Masson. J’assume !
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce sont des idioties !
M. Jean Louis Masson. Je ne profère aucune idiotie. Au demeurant, le parti socialiste n’est peut-être pas le seul parti concerné par ces pratiques.
Je défends cette motion au nom de la démocratie et des milliers de maires qui ne supportent plus cette pression. Celle-ci s’exerce par le biais de chantages aux subventions et s’est amplifiée avec les intercommunalités. Il suffit de voir ce qui se passe dans une intercommunalité ayant à sa tête un président socialiste, si jamais l’un des maires d’une commune membre veut signer pour quelqu’un qui n’est pas de son côté ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
C’est pourtant vrai !
En commission des lois, ce matin, on a traité ce problème des parrainages par-dessus la jambe, car, bien évidemment,...
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Vous n’étiez pas là !
M. Jean Louis Masson. ... il fait l’affaire du parti socialiste et, surtout, parce qu’on veut que rien ne change ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Je serais tout prêt à suivre le parti socialiste s’il parlait vraiment de démocratie. Mais ce parti ne peut tenir un langage « à double détente », c’est-à-dire parler de démocratie quand ça l’arrange et cautionner des situations totalement antidémocratiques quand elles lui confèrent un avantage ou qu’elles vont dans le sens de son idéologie, qui est quand même une logique doctrinaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission s’est bien gardée d’exercer une pression quelconque sur M. Jean Louis Masson pour l’amener à défendre ses amendements en commission, là où il n’a pas jugé bon de se rendre pour le faire… (Sourires.) Nous respectons donc totalement sa liberté de comportement.
Je comprends qu’il souhaite une réunion de la commission, puisqu’il a un peu de retard à rattraper dans l’exposé de ses arguments devant nous ! (Nouveaux sourires.)
Plus sérieusement, la proposition qu’il fait d’instaurer, si j’ose dire, une clandestinité des parrainages n’est pas conforme à l’esprit qu’on peut se faire de la République. Il est logique qu’un élu assume ses choix. Si la Constitution a confié aux maires et à d’autres élus la possibilité de parrainer un candidat, c’est pour qu’ils en assument naturellement la responsabilité.
Ensuite – Jean Louis Masson, qui soutient Nicolas Dupont-Aignan, sera, je crois, sensible à cet argument, ayant des références sans doute plus solides que les miennes concernant la fondation de la Ve République –, il me semble que le général de Gaulle n’a jamais souhaité la prolifération de candidats à l’élection présidentielle. Bien au contraire, il voulait que cette élection permette de distinguer le plus rapidement possible, entre les grands courants d’opinion, celui qui exercera la responsabilité la plus haute de l’État.
Enfin, les violences auxquelles M. Masson fait allusion et les pressions qu’il évoque peuvent parfaitement être sanctionnées aujourd’hui grâce au code pénal. Par conséquent, s’il a connaissance d’infractions commises sur des élus qui auraient été dissuadés d’exercer leur parrainage ou menacés ensuite pour l’avoir fait, il doit saisir la justice, qui a aujourd’hui tous les moyens de punir ce genre de situations.
À l’inverse, si l’on adoptait les amendements qu’il nous présentera tout à l’heure, on risquerait d’en arriver à une situation dans laquelle un chef de parti ne pourrait plus donner de consigne à ses adhérents, car cela tomberait sous le coup de la loi, ce qui serait quand même paradoxal ! On ne peut pas s’étonner qu’un chef de parti – Mme Aubry, puisque vous l’avez mise en cause – incite les élus qui se recommandent de ce même parti à assurer la cohérence des soutiens qui sont apportés.
Sans doute avez-vous, comme nous, mais peut-être moins douloureusement que nous, le souvenir de ce qui s’est passé lors de l’élection présidentielle de 2002 ? En raison de la multiplication des candidats, le second tour a privé nombre de nos concitoyens d’un vrai choix ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du groupe CRC et sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de m’exprimer sur cette motion de renvoi à la commission, permettez-moi de rappeler le contexte de ce projet de loi organique.
Ce dernier s’inscrit dans le plan d’économies voulu par le Gouvernement et présenté par François Fillon. À ce titre, dans le contexte budgétaire et financier que nous connaissons tous, nous avons la responsabilité de réduire les dépenses publiques.
Je voudrais dire aussi que, même si l’on est tenté de répondre aux interrogations des uns et des autres, pour ma part, et afin de préserver la sérénité des débats, je n’alimenterai pas les commentaires qui portent sur les financements des partis politiques, et encore moins ceux qui sont relatés dans la presse.
Le renvoi à la commission est demandé notamment parce que la procédure accélérée ne serait pas justifiée. Or elle l’est parfaitement, et ce pour deux raisons : d’abord, parce que la procédure de recueil des parrainages va commencer à la fin du mois de février ; ensuite, parce que l’avis du Conseil d’État a rappelé l’importance pour les candidats d’avoir connaissance au plus vite du plafond de dépenses autorisées.
Sur la question des parrainages, je n’épiloguerai pas, me contentant de dire, après M. le rapporteur, que ce système existe depuis de nombreuses années. Si les élus subissent des pressions, ces dernières peuvent aujourd’hui parfaitement faire l’objet de sanctions. Il appartient simplement aux personnes concernées de saisir les autorités judiciaires.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 14, tendant au renvoi à la commission.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article unique
La loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi modifiée :
1° A (nouveau) Le IV de l'article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les candidats détenteurs d'un mandat électif ne peuvent utiliser les moyens procurés par ce mandat en vue de contribuer à la conduite de leur campagne. » ;
1° À la première phrase du troisième alinéa du V de l’article 3, les mots : « au vingtième » et « à la moitié » sont remplacés, respectivement, par les mots : « à 4,75 % » et « à 47,5 % » ;
1° bis À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa du même V, les mots : « dans le délai prévu au deuxième alinéa de l’article L. 52-12 du code électoral » sont remplacés par les mots : « au plus tard à 18 heures le onzième vendredi suivant le premier tour de scrutin » ;
2° À l’article 4, la référence : « loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique » est remplacée par la référence : « loi n° … du … de finances pour 2012 ».
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, sur l’article.
M. Jean Louis Masson. Si j’ai demandé la parole sur cet article, c’est parce qu’aux termes du règlement du Sénat, seuls les sénateurs appartenant à un groupe politique ont le droit d’intervenir pour explication de vote dans le cadre d’une motion de procédure, d’une motion de renvoi à la commission ou d’une motion tendant à opposer la question préalable. Les temps d’explication de vote sont réservés aux seuls sénateurs appartenant à des groupes politiques, à l’exclusion des sénateurs non-inscrits.
Directement concerné par cette motion, je souhaite néanmoins répliquer à l’argumentaire de M. le rapporteur, et je me permets donc de prendre la parole sur cet article unique pour donner mon avis sur le système.
Je réponds donc à M. Gorce que, en raison de l’écrasante majorité des deux principaux partis au sein de la commission des lois, il est absolument inutile pour moi d’aller y défendre quoi que ce soit ! Lorsque je viens défendre une motion de renvoi en séance publique, je peux dire publiquement ce que je pense. En revanche, lorsque je m’exprime du fin fond des bureaux calfeutrés de la commission des lois – très sympathiques au demeurant –, cela ne sert pas à grand-chose !
J’ai entendu le rapporteur invoquer, au sujet de l’élection présidentielle, le général de Gaulle, qui voulait lui-même limiter le nombre des candidats. Mais personne n’est contre le fait de limiter le nombre de candidats. Ce n’est pas du tout le débat ! C’est une fausse réponse, une réponse hypocrite !
Le problème du système actuel, c’est que, par le biais de pressions sur les parrains, on parvient surtout à empêcher la candidature de personnes dont les bons résultats potentiels pourraient être gênants. Les parrainages n’ont jamais empêché M. Gluckstein ou d’autres personnes dépourvues de toute représentativité de compter leurs voix ! Les grands partis s’en moquent !
Apporter son parrainage à un illustre inconnu, cela ne dérange personne. En revanche, quand les grands partis interviennent, quand Mme Aubry exerce des pressions, c’est pour éviter que les parrainages ne puissent se porter sur des gens susceptibles de faire de l’ombre à l’un ou l’autre des grands partis dominants ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Selon vous, la publicité des parrainages aurait un effet dissuasif et préserverait la démocratie. Elle aurait même pu éviter la présence de M. Le Pen au second tour en 2002. De tels propos sont extrêmement graves ! Ils reviennent à dire qu’en magouillant, par le truchement des parrainages, on aurait pu empêcher M. Le Pen d’être candidat !
Se glorifier de la publicité des parrainages en disant qu’elle contribue à empêcher des situations telles que la présence de M. Le Pen au second tour, cela revient à prendre pour des citoyens de seconde zone les millions de Français qui ont voté pour lui au premier tour ! Et si on l’avait pu, on aurait volontiers empêché ces gens-là d’avoir une représentation !
Je le dis très clairement : si le Front national est un parti illégal, il faut l’interdire ! Mais si le Front national est un parti légal, il est intolérable, en usant de diverses magouilles et artifices juridiques inqualifiables, d’empêcher de voter pour ce parti les millions de Français qui sont prêts à le faire !
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Après le premier alinéa du II de l'article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont présumées devoir être retracées dans le compte de campagne du candidat l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées à son profit, dès lors qu'elles ne sont pas dénuées de lien avec le débat politique national. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Cet amendement fait suite à un débat que nous avons eu en commission. Il a été longuement évoqué dans les interventions générales et je n’y reviens pas.
Son objet est de rappeler, conformément au souhait du président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, les candidats à leurs obligations. Il leur faut faire en sorte que l’ensemble des dépenses qu’ils sont amenés à engager dans le cadre de la campagne puissent être retracées dans le compte afin de permettre à la Commission de faire normalement son travail, y compris d’extraire certaines de ces dépenses le cas échéant.
Il s’agit de conférer à ce dispositif, au-delà de son caractère éthique, une dimension préventive ou dissuasive. Notre logique est de mettre un terme ou, à tout le moins, de ne pas encourager des initiatives auxquelles plusieurs de nos collègues ont fait allusion, notamment MM. Alain Anziani et Jean-Yves Leconte. Elles jettent en effet le trouble dans l’opinion, étant donné qu’il existe à l’évidence une confusion entre les dépenses engagées au titre d’un mandat et celles qui devraient relever de la campagne électorale.
Dans le cadre du présent projet de loi organique, ce rappel serait le bienvenu.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Aujourd’hui, la jurisprudence distingue clairement les dépenses qui relèvent d’une campagne électorale et celles qui sont liées au déroulement d’un mandat. Il n’est donc pas nécessaire de préciser ce point.
Dans ces conditions, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur l’amendement n° 15.
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Gorce, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le quatrième alinéa du II de l’article 3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques peut, à compter de l’ouverture de la période mentionnée à l’article L. 52-4 du code électoral, être saisie par le mandataire financier d’un candidat potentiel en vue d’émettre une décision sur l’application des dispositions relatives au financement de la campagne présidentielle. La Commission se prononce dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la demande. Cette décision peut faire l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné ou par son mandataire financier dans les quarante-huit heures suivant sa notification ; le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai de huit jours. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Cette disposition vise à permettre à tout candidat qui s’est doté d’un mandataire financier de pouvoir saisir la Commission des comptes de campagne et, accessoirement, le Conseil constitutionnel, juge de l’élection, d’une éventuelle interrogation ou contestation sur l’imputabilité d’une dépense électorale.
Si l’on renvoie, par exemple, au débat qui s’est engagé sur les déplacements du Président de la République ou sur les multiples initiatives qu’il prend aujourd’hui, nous n’avons pas, à l’heure actuelle, les moyens juridiques de qualifier ces dépenses et, éventuellement, de pouvoir les prévenir.
Ce n’est que postérieurement que la Commission des comptes pourrait, le cas échéant, y parvenir. Il paraîtrait donc plus satisfaisant, d’un point de vue éthique et démocratique, que les règles soient clairement établies en amont, pour que chacun soit invité à s’y soumettre, plutôt que de « sanctionner » – les guillemets sont vraiment de rigueur ! – très légèrement, plusieurs mois après le scrutin, les contrevenants. M. Collombat a évoqué cet aspect tout à l’heure.
J’évoque dès à présent le sous-amendement n° 19, qui consiste à ouvrir à tout citoyen la possibilité de saisir la CNCCFP. Il n’a pas été examiné par la commission. À titre personnel, je n’y suis pas favorable, le but de ce projet de loi organique n’étant pas de multiplier les initiatives qui pourraient déstabiliser la campagne électorale. Ce que nous voulons, c’est que les candidats puissent concourir dans des conditions égales, mais aussi que l’opinion publique et leurs adversaires puissent être éclairés sur le comportement de chacun d’entre eux.
Il me semble donc que le champ de cette saisine doit être limité, y compris pour des raisons matérielles que l’on imagine aisément, aux seuls candidats ayant déposé et ouvert un compte de campagne et choisi un mandataire.
M. le président. Le sous-amendement n° 19, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 16, dernier alinéa
1° Première phrase
Remplacer les mots :
le mandataire financier d'un candidat potentiel
par les mots :
tout candidat potentiel
2° Dernière phrase
Supprimer les mots :
ou par son mandataire financier
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Contrairement à ce qu’affirme M. le rapporteur, la limitation du champ de la saisine prévue par ce sous-amendement concerne non le candidat potentiel, mais le mandataire financier. Il ne faut pas déformer les choses !
Il me semble que c’est au candidat, et certainement pas à son mandataire financier, d’apprécier s’il y a lieu de saisir la Commission nationale des comptes de campagne ! M. le rapporteur suggère que cela peut poser problème. Faudra-t-il donc suivre l’exemple de M. Cantona – et pourquoi pas, demain, celui de M. Ribéry, tant qu’on y est ? – : annoncer sa candidature pour être en mesure de saisir la Commission des comptes de campagne ? Si, demain, M. Cantona désigne un mandataire financier, et que ce dernier saisit officiellement ladite commission, pourquoi un parlementaire, un élu du peuple, ne pourrait-il pas en faire de même ? Devrait-il avoir moins de droits que le mandataire financier de M. Cantona, dont la crédibilité de la candidature est pour le moins relative ?
Cela étant, je comprends M. le rapporteur ! Il est évident que la candidature de M. Cantona lui pose beaucoup moins de problèmes que celle de M. Mélenchon ou de Mme Le Pen !
Je pense que M. le rapporteur, comme il l’a bien expliqué et comme on l’a bien compris, en digne représentant d’un parti dominant, souhaite surtout empêcher M. Mélenchon ou Mme Le Pen de se présenter. En revanche, il est même prêt à faire signer quatre ou cinq fois pour M. Cantona !
M. le président. M. le rapporteur s’est déjà exprimé sur le sous-amendement n° 19.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 16 et sur le sous-amendement n° 19 ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Sur le sous-amendement n° 19, je rejoins l’analyse de M. le rapporteur et j’émets un avis défavorable.
Sur l’amendement n° 16, la Commission nationale des comptes de campagne exerce d’ores et déjà un rôle de conseil auprès des mandataires financiers et publie, à cet égard, un document qui répond à la plupart des questions qui peuvent se poser. Pour l’élection présidentielle, un mémento a été diffusé voilà plus de six mois. C’est dans ce cadre que le mandataire financier du candidat socialiste a sollicité la CNCCFP, laquelle lui a apporté la réponse que l’on sait.
La proposition de M. le rapporteur aurait pour conséquence d’alourdir encore les procédures qui sont actuellement ouvertes contre les décisions de la Commission relatives à l’élection présidentielle, notamment dans le domaine du contrôle des comptes de campagne – ces voies de recours existent, il est important de le dire !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement, dont la plus-value n’est vraiment pas évidente !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 19.
M. Philippe Bas. Il va de soi que nous devons examiner l’amendement n° 16, comme d’ailleurs l’amendement n° 15, en pensant non seulement à la campagne présidentielle qui va venir et qui a déjà commencé, mais aussi aux futures campagnes présidentielles et au rôle du Président de la République. Nous devons donc nous efforcer, au moins pour un instant, de nous détacher des circonstances qui entourent notre délibération.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Bas. En dépit des bonnes intentions que je veux bien reconnaître aux auteurs de ces amendements, il faut admettre que ces derniers peuvent avoir des effets pervers. Le premier concerne l’expression d’un chef de l’État. Quant au second, il affecte ses déplacements pendant les périodes de campagnes électorales.
Je vois qu’il est très difficile de nous abstraire du contexte dans lequel nous délibérons – j’entends ici ou là citer des noms de candidats. Mais il me semble que nous ne devons pas aller trop loin dans la démarche que nous avons engagée. Il faut nous efforcer de préserver la fonction présidentielle d’une suspicion systématique. L’expression du Président de la République comme ses déplacements doivent pouvoir se dérouler jusqu’à la fin du mandat présidentiel dans des conditions de liberté et de responsabilité qui sont nécessaires au service de la nation.
C’est la raison pour laquelle je m’opposerai à cet amendement, tout comme je me suis opposé au précédent.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Je suis plutôt favorable à l’amendement de M. le rapporteur, qui pose le vrai problème.
Madame la ministre, l’avis qu’a rendu récemment M. Logerot n’a aucune valeur juridique ! C’est un simple avis, auquel on peut ou non se conformer.
Nous sommes aujourd’hui « branchés » sur les déplacements du Président de la République. Cela n’a pas de sens ! Il y a beaucoup d’autres choses. D’ailleurs, il y a déjà une jurisprudence en la matière, qui porte sur d’autres élections.
Si, demain, tel ou tel candidat publie un livre et que son éditeur fait afficher une publicité sur les Champs-Élysées ou ailleurs, même si le titre de l’ouvrage est La tentation de Venise, la dépense doit-elle ou non figurer dans les comptes de campagne ? Vous voyez donc, mes chers collègues, que de nombreuses questions se posent.
Le vrai problème est ailleurs : la campagne présidentielle, alors même que cette élection est la plus importante pour notre pays, est finalement la moins réglementée de toutes.
J’estime, en premier lieu, qu’il devrait y avoir une date limite pour déclarer sa candidature, par exemple 100 jours avant l’élection présidentielle. Je me réserve d’ailleurs le droit de présenter des propositions en ce sens.
Une date limite est bien prévue pour déposer en préfecture les candidatures aux élections cantonales, législatives, municipales ; pourquoi ne serait-ce pas le cas pour l’élection présidentielle ? Les candidats peuvent se déclarer quand ils le souhaitent, ce qui sert, à l’évidence, le président en exercice.
Il faudrait, en second lieu, que, à cette date limite, le Président de la République se portant candidat quitte immédiatement ses fonctions et soit remplacé par le président du Sénat, ainsi que le prévoit la Constitution. Il n’y aurait donc plus de problème : tous les candidats seraient placés sur un pied d’égalité, sauf ceux d’entre eux qui occupent des fonctions exécutives importantes, et dont il conviendrait d’examiner la situation. C’est cela, la démocratie !
On me rétorquera que tel n’est pas le cas ailleurs. Certes ; mais force est de constater que le président sortant qui se présente à l’élection présidentielle, que ce soit aux États-Unis, en France ou dans d’autres pays, emploie tous les moyens, y compris psychologiques, que lui confère son statut pour faire campagne et mettre en difficulté les autres candidats.
En attendant cette réforme radicale que j’appelle de mes vœux, j’approuve la proposition de notre rapporteur, qui vise, a minima, à permettre que des décisions juridictionnelles puissent s’imposer, et ce, monsieur Masson, dès l’ouverture de la campagne électorale, et non pas auparavant ; dès lors, si M. Cantona obtenait ses 500 signatures et se déclarait vraiment candidat, il pourrait saisir la CNCCFP pendant cette période.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous ne sommes plus en 1958, ni en 1962, nous sommes en 2012 !
Le Conseil constitutionnel, en dépit de la grande qualité de ses membres, a été relativement discrédité, malgré lui, par les récentes révélations concernant les élections de 1995 et 2007.
Si nous voulons redonner du crédit au Conseil constitutionnel et à l’élection présidentielle – le taux d’abstention lors de cette élection, ces dernières années, est assez éloquent ! –, nous devons innover, changer les choses.
Je partage le point de vue de M. Michel et soutiens l’amendement du rapporteur, car il faut mettre un terme à un certain nombre de dérives. Il faut cesser de mettre le Conseil constitutionnel devant le fait accompli au moment où les comptes de campagne sont clos, et lui rendre sa crédibilité dès lors qu’il émet des avis sur ces comptes.
Sur ce sujet, un travail en amont, préventif, nous semble tout à fait souhaitable. Pour cette raison, nous soutiendrons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, je n’avais pas prévu de prendre la parole après mon intervention dans le cadre de la discussion générale. Notre débat m’incite à changer d’avis : bien que nous n’en soyons qu’au tout début de l’examen des amendements, les propositions qui nous sont soumises tendent à réformer, bien au-delà des questions de plafond et de remboursement des dépenses de campagne présidentielle, l’ensemble, ou presque, des règles applicables à cette élection !
L’élection présidentielle est trop importante pour notre pays et notre démocratie pour que nous bricolions sur un coin de table, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi, l’ensemble des règles qui s’y appliquent.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Tout à fait d’accord !
M. Yves Détraigne. Ce sujet mérite un travail de fond, et personne ne peut soutenir le contraire.
Pour cette raison, comme je l’ai annoncé lors de la discussion générale, je voterai contre les amendements proposés, à l’exception d’un seul : l’amendement n° 9 de notre collègue Jean-Jacques Hyest, qui tend à rétablir l’objet initial du projet de loi, et donc la rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Je ne reprendrai pas la parole dans la suite de cette discussion, mais je tiens à vous prévenir, mes chers collègues : en procédant ainsi, nous entamons un travail que nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de mener raisonnablement à son terme. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 11, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
I. – Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la première phrase du cinquième alinéa du II, à la première phrase du deuxième alinéa du V et aux deuxième et troisième phrases du quatrième alinéa du même V de l’article 3, le mot : « forfaitaire » est supprimé ;
II. – Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par cinq alinéas ainsi rédigés :
1° Le troisième alinéa du V de l'article 3 est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le montant des crédits inscrits dans la loi de finances de l’année du scrutin pour être affecté au financement du remboursement des dépenses de campagne des candidats est divisé en deux fractions :
« 1° Une première fraction attribuée aux seuls candidats présents au second tour et égale, pour chacun d’entre eux, à 5 % du montant visé à l’alinéa précédent ;
« 2° Une seconde fraction attribuée à tous les candidats ; elle est répartie proportionnellement au nombre de suffrages obtenus au premier tour de l’élection présidentielle par chacun d’entre eux.
« Le montant du remboursement ne peut excéder le montant des dépenses du candidat retracées dans son compte de campagne. » ;
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Le présent amendement élargit effectivement le débat. Il est toutefois injuste de nous le reprocher, monsieur Détraigne, alors même que le Gouvernement a estimé opportun d’ouvrir une réforme des mécanismes de financement de la campagne présidentielle à quelques semaines seulement de son ouverture. C’est donc plutôt au Gouvernement qu’il convient d’adresser ce reproche.
La majorité sénatoriale, quant à elle, s’efforce de faire son travail. Dès lors que nous sommes saisis d’un texte, nous tentons de le modifier afin qu’il réponde au mieux aux besoins et permette de corriger certaines réalités.
Ce travail ne nous empêche en rien d’ouvrir un débat plus large. L’un de nos collègues vient ainsi de soulever les questions de la capacité d’expression et du pluralisme lors de la campagne pour l’élection présidentielle. Il est légitime, à cet égard, de se demander si le mode de remboursement des dépenses de campagne actuellement en vigueur, que le Gouvernement nous propose aujourd’hui de modifier, est le plus juste et le mieux adapté.
À bien y regarder, nous avons justement constaté qu’il ne l’était pas, dans la mesure où il introduit des effets de seuil considérables, créateurs d’inégalités. Une voix accordée à un candidat n’a pas la même valeur, au moment du remboursement, selon que ce dernier parvient au second tour, obtient un score avoisinant les 5 % des suffrages ou dépasse à peine 0 % des voix.
Au travers de cet amendement, nous souhaitons amorcer un débat, même si j’ai peu d’espoir quant à l’accueil que l’Assemblée nationale lui réservera. Il tend à substituer aux effets de seuil un mécanisme proportionnel : un remboursement au prorata du nombre de voix obtenues au premier tour, les candidats présents au second tour bénéficiant d’une prime.
Ce mécanisme permettrait de corriger les effets du système en vigueur : à l’heure actuelle, paradoxalement, les candidats présents au second tour et ceux ayant obtenu plus de 5 % des voix sont moins remboursés que les candidats ayant obtenu le moins de voix ; à l’inverse, les candidats dont le score avoisine le seuil de 5 % sans l’atteindre sont pénalisés par rapport à ceux qui l’ont tout juste dépassé. Lors de la dernière élection présidentielle, les écarts variaient de 800 000 euros pour les candidats ayant obtenu 4,9 % ou 5 % des voix, à 8 millions d’euros pour ceux ayant atteint 5,01 % des suffrages exprimés. Cette situation n’est guère satisfaisante.
Ce dispositif aurait par ailleurs l’avantage de garantir à l’État qu’il ne dépensera pas plus qu’il ne le souhaite au titre du remboursement.
Votre objectif, madame la ministre, compte tenu de l’état catastrophique de nos finances publiques, est d’économiser 3,7 millions d’euros. Avec le mécanisme que je vous propose, vous auriez la garantie d’économiser cette somme. En effet, pour déduire le montant du remboursement, il suffirait, en utilisant une simple règle de trois, de diviser la somme inscrite au titre des crédits limitatifs dans le projet de loi de finances – aujourd’hui inscrite au titre des crédits évaluatifs – par le nombre de suffrages obtenus par chaque candidat. L’État serait donc assuré de ne pas dépenser, au titre du remboursement, un centime d’euro de plus, ce qui permettrait d’atteindre efficacement l’objectif d’économie que vous vous êtes fixé.
Je veux espérer, madame la ministre, que vous saurez entendre cette proposition, soucieuse autant des finances publiques que d’équité électorale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. Le sous-amendement n° 18, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 11
Supprimer le II de cet amendement.
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je précise d’emblée, monsieur le président, que cette intervention ne m’empêchera pas de prendre la parole sur les amendements ultérieurs.
J’ai présenté ce sous-amendement, car l’objectif poursuivi par M. le rapporteur est plus que transparent. Son amendement aurait en effet pour conséquence de faire bénéficier les deux grands partis, qui réaliseront les meilleurs scores, de sommes beaucoup plus importantes au titre du remboursement des dépenses de campagne, que celles allouées aux petits candidats, qui obtiendront 5 %, 6 % ou 7 % des suffrages.
La compassion affichée par M. le rapporteur envers le pauvre candidat qui atteint 4,9 % ne trompe personne ! Avant de s’apitoyer sur les candidats obtenant moins de 5 % des voix, il faut, d’abord, régler le problème des parrainages et, ensuite, abaisser le seuil de remboursement au-dessous de 5 %.
Le soutien aux petits candidats n’est qu’un prétexte ! La véritable finalité de cet amendement est l’assèchement de l’aide de l’État bénéficiant habituellement aux partis intermédiaires, qui obtiennent de 5 % à 15 % des suffrages.
Vos arguments, monsieur le rapporteur, ne sont pas convaincants !
J’ai déposé ce sous-amendement, car j’estime qu’il est nécessaire d’aménager le système actuel. Je voterai également pour l’amendement de Mme Assassi, qui a le mérite, au moins, d’être honnête, puisqu’il tend à abaisser le seuil de remboursement à 3 %.
Je remercie toutefois M. le rapporteur de se préoccuper, pour une fois, du sort des petits candidats. Mais s’il tient tant à les soutenir, que ne propose-t-il de baisser le seuil des remboursements et de réformer le système des parrainages ?
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par Mmes Assassi et Borvo Cohen-Seat, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le deuxième alinéa du II de l’article 3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, le montant : « 13,7 millions » est remplacé par le montant : « 10 millions » ;
b) À la seconde phrase, le montant : « 18,3 millions » est remplacé par le montant : « 15 millions » ;
II. – Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et le pourcentage : « 5 p. 100 » est remplacé par le pourcentage : « 3 p. 100 »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Je tiens à dire, en préambule, que j’ai bien entendu les propos de M. Détraigne. Je lui rappellerai toutefois, à l’instar de M. le rapporteur, que ce n’est pas la majorité sénatoriale qui a décidé d’inscrire en urgence ce texte à l’ordre du jour de notre assemblée, a fortiori quelques semaines avant le premier tour de l’élection présidentielle...
Il est évident que ce sujet fait débat. Je me félicite, pour ma part, que le Sénat s’en saisisse et que nous puissions émettre un certain nombre de propositions, même si celles-ci dépassent quelque peu le cadre de ce texte.
L’objet de cet amendement, le plafond de dépenses électorales éligibles au remboursement, n’est certes pas une question secondaire.
La démocratie, à laquelle nous sommes tous attachés ici, souffre, de notre point de vue, de l’inégalité croissante de moyens et de ressources entre les partis politiques, dont le rôle, reconnu par la Constitution, est de concourir à l’expression du suffrage et de la volonté populaire.
Nous avons pu constater, ne serait-ce qu’en 2007, des différences sensibles entre les budgets des différents candidats. Les deux finalistes du scrutin ont dépensé, l’un et l’autre, plus de 20 millions d’euros, et même un peu plus de 21 millions s’agissant du vainqueur. Les deux candidats ayant obtenu un peu plus de 5 %, et dont les dépenses ont été remboursées à ce titre, avaient quant à eux dépensé 9,7 millions d’euros. Enfin, les candidats n’ayant pas dépassé ce seuil de 5 % ont déclaré des dépenses comprises entre 700 000 euros, pour le plus petit budget, et 4,8 millions d’euros, pour le plus important.
Je n’insisterai pas sur les effets du mode de remboursement actuel. J’observe simplement que la profonde inégalité de moyens entre les candidats est tout de même un facteur susceptible de tronquer la juste expression démocratique du suffrage.
Nous pensons, par ailleurs, qu’il est souhaitable de faire une pause dans la croissance exponentielle de la dépense liée aux élections.
Lors de l’élection de 2007, à laquelle douze candidats s’étaient présentés, les dépenses de campagne s’élevaient à 75,6 millions d’euros, ce qui représentait une moyenne de 6,3 millions d’euros par candidat.
Lors de l’élection de 2002, qui avait réuni seize candidats, ces dépenses représentaient 83,2 millions d’euros de dépenses, soit une moyenne de 5,2 millions d’euros par candidat.
Les dépenses électorales ont donc crû de 20 % en cinq ans, et ce phénomène ne semble pas prêt de s’interrompre. Il nous semble nécessaire de mettre un terme à cette situation en diminuant sensiblement le plafond de dépenses retenues.
Étant attachés à la démocratie, comme la majorité des membres de cette assemblée, nous considérons qu’il importe également de réduire le seuil d’application du remboursement forfaitaire à 3 %. Ce seuil serait autrement plus significatif et respectueux de la diversité des courants d’opinion dans notre pays.
J’ai bien conscience que cet amendement, monsieur le président, permettra surtout d’ouvrir un débat.
M. le président. Le sous-amendement n° 17, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Amendement n° 13
I. – Alinéa 4
Remplacer le montant :
10 millions
par le montant :
8 millions
II. – Alinéa 5
Remplacer le montant :
15 millions
par le montant :
12 millions
III. – Alinéa 8
Remplacer le pourcentage :
3 p. 100
par le pourcentage :
2,5 p. 100
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je pense le plus grand bien de l’amendement n° 13 et souhaite même que nous allions encore plus loin !
En effet, plutôt que de retenir une solution intermédiaire, je propose de faire passer de 5 % à 2,5 % le seuil de remboursement des dépenses. Ainsi, nous surmonterions un problème extrêmement important : les petits candidats, qui ne sont pas sûrs d’obtenir 5 % des voix, donc d’être remboursés, hésitent à engager des frais, ce qui « pourrit » complètement leur campagne ! Comme ils attendent un résultat proche du seuil requis, ils sont complètement bridés dans l’engagement de leurs dépenses.
Notre rapporteur a véritablement une perche à saisir, lui qui, tout à l'heure, nous faisait pleurer sur les pauvres petits candidats dont le score est de 4,5 % ou 4,8 % et qui ne sont pas bien remboursés !
L’amendement n° 13 est donc excellent, et le sous-amendement n° 17 que j’ai déposé a pour objet d’aller encore plus loin. En effet, s’il est adopté, ceux qui obtenaient de très gros remboursements, dont ils n’ont pas nécessairement besoin d'ailleurs tant leurs moyens financiers sont considérables, toucheront nettement moins, tandis que les petits candidats, ceux dont le résultat se situe près du seuil, auront les coudées franches pour mener leur campagne électorale.
Pour ma part, j’ai parrainé M. Dupont-Aignan, mais je soutiens par principe tous les petits candidats, c'est-à-dire tous ceux qui se présentent à l’exception des deux favoris.
Les dispositions du sous-amendement n° 17 compléteraient utilement l’amendement n° 13 de Mme Assassi. En tout état de cause, elles apporteraient une bouffée d’oxygène à la démocratie.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour le calcul de la somme à rembourser par l’État, les dépenses facturées par un parti ou groupement politique sont défalquées des dépenses de campagne. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Je suis étonné que les amendements nos 6 et 7 aient été placés en discussion commune avec les amendements qui précèdent. En effet, leurs dispositions n’ont strictement rien à voir avec le changement des taux de remboursement. Il eût été plus pertinent de les examiner à part !
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Mais ils ont le même objet !
M. le président. Poursuivez, cher collègue.
M. Jean Louis Masson. C’est affligeant. La mise en discussion commune permet certes de régler l’affaire plus rapidement, mais il s'agit tout de même ici d’un dossier important. Je ne comprends pas pourquoi on veut absolument examiner en même temps des amendements dépourvus de tout lien avec l’objet du débat et avec les taux de remboursement !
Dans le rapport sur les comptes des partis politiques qu’elle a publié au Journal officiel le 27 décembre 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a soulevé, une nouvelle fois, le problème des facturations plus ou moins fictives de prestations immatérielles ; il s'agit, par exemple, de réflexions sur la stratégie de campagne, d’élaboration d’une charte graphique, entre autres services dont on ne peut vérifier la réalité.
Or certains partis politiques facturent des prestations dont on se rend compte, si l’on sait lire entre les lignes, qu’elles sont totalement inexistantes.
En effet, les dépenses réelles des candidats sont souvent inférieures au montant maximum du remboursement forfaitaire de l’État, notamment pour ceux d’entre eux dont le remboursement peut atteindre jusqu’à 50 % du plafond de dépenses autorisées. Pour récupérer cette somme, certains partis politiques sont tentés de gonfler artificiellement les comptes de ces candidats en réalisant des facturations plus ou moins fictives de prestations immatérielles. Dans le but de « limiter les dérives éventuelles », la CNCCFP a donc demandé une nouvelle fois un changement de la législation en la matière, ce qui a suscité au mois de décembre dernier divers articles de presse, par exemple dans Le Monde.
Dans son treizième rapport d’activité, rendu le 24 mai 2011, la CNCCFP avait déjà conclu : « Il serait paradoxal d’admettre que, étant susceptibles de bénéficier de l’aide publique, les partis politiques puissent par ailleurs se procurer des fonds payés par le contribuable sur des dépenses remboursées aux candidats. »
À nouveau, en décembre 2011, la CNCCFP a donc rappelé que les partis sont déjà bénéficiaires d’une aide publique directe et qu’il faut veiller à ce que le remboursement des dépenses électorales n’aboutisse pas à un « financement public supplémentaire des partis politiques ».
Tel est l’objet du présent amendement.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le troisième alinéa du même V est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Pour le calcul de la somme à rembourser par l’État, les dépenses de prestations immatérielles facturées par un parti politique ou par tout organisme faisant partie du périmètre de consolidation de ses comptes sont défalquées des dépenses de campagne. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Le présent amendement est sous-tendu par la même logique que le précédent. Afin d’éviter les dérives évoquées par la CNCCFP, qui suscitent un financement public supplémentaire des partis politiques tout à fait injustifié, il vise à ne plus ouvrir droit au remboursement par l’État au titre des frais de campagne électorale de ce type de prestations par nature invérifiables.
En effet, selon la CNCCFP, « ces prestations ont donc vocation à être intégrées dans le compte de campagne du candidat en tant que concours en nature afin de vérifier le respect du plafond autorisé des dépenses électorales, mais ne devraient pas faire l’objet d’un remboursement. »
Les dispositions des amendements nos 6 et 7 correspondent en tout point aux demandes de la CNCCFP, à laquelle tout le monde ici s’est référé. Comme nos collègues ont tous dit beaucoup de bien de cette commission, d'ailleurs pour justifier certaines évolutions qu’elle n’avait pas réclamées, ils ne pourront que voter ces dispositions qu’elle a demandées !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 11 ?
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur cet amendement déposé à titre personnel par M. Gaëtan Gorce, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 18, sur l’amendement n° 13 et sur le sous-amendement n° 17, ainsi que sur les amendements nos 6 et 7 ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Tout d'abord, monsieur Masson, si les amendements nos 6 et 7 sont discutés en même temps que les amendements nos 11 et 13, c’est parce qu’ils portent sur le même alinéa du projet de loi organique.
C’est justement pour vous permettre de présenter vos amendements qu’un tel choix a été fait par la division de la séance ! Dans le cas contraire, ceux-ci seraient devenus sans objet après l’adoption de l’amendement n° 11, sur lequel la commission a émis un avis favorable. Cette discussion commune répond donc au souci de vous permettre de présenter vos propositions de façon totalement libre.
Je me permets d’ajouter que vos arguments gagneraient, sinon en force, du moins en capacité à entraîner nos collègues, me semble-t-il, s’ils étaient présentés avec un peu moins d’agressivité.
J’ai le sentiment que vous voulez pourfendre ce que vous appelez les « partis dominants », comme s’ils représentaient une menace pour la démocratie et, surtout, comme si leurs membres étaient totalement dénués de liberté de vote et de comportement, d’initiative ou de réflexion !
Au travers de l’amendement n° 11, je fais justement la démonstration du contraire, puisque cette proposition n’a été inspirée ni par le groupe auquel j’appartiens ni par la majorité de la commission. Je l’ai formulée de ma propre initiative, justement pour que cette discussion sur la nature et le montant des remboursements puisse avoir lieu.
Le sous-amendement n° 18 vise à supprimer le II de l’amendement n° 11, ce qui aurait pour effet de rendre inopérant le dispositif proposé. J’émets donc un avis défavorable.
J’en viens à la prise en compte des prestations facturées par les partis. Monsieur Masson, le reproche que vous adressez aux candidats…
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est d’avoir un parti ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. … et aux partis politiques concerne pour l’essentiel non pas l’élection présidentielle, mais d’autres types de scrutins, pour lesquels la CNCCFP a, en effet, dénoncé les situations que vous avez évoquées.
Lors de l’élection présidentielle, les dépenses, malheureusement, sont le plus souvent supérieures au montant du remboursement. Les partis n’ont donc pas besoin de recourir à ce subterfuge pour obtenir des remboursements.
J'ajoute que, pour une élection aussi importante que la présidentielle, il est non seulement normal, mais même souhaitable, pour la clarté de la campagne menée, que les partis puissent facturer les prestations qu’ils assurent. Ainsi toutes les dépenses et les recettes apparaissent-elles de façon à la fois claire et détaillée, ce qui permet à la CNCCFP et au Conseil constitutionnel d’exercer leur contrôle.
J’émets donc un avis défavorable sur les amendements nos 6 et 7.
J’en viens à l’amendement n° 13 du groupe CRC. Tout comme moi, Éliane Assassi veut trouver un meilleur équilibre entre les grands et les petits candidats. Toutefois, sa proposition ne garantit ni ce résultat ni la maîtrise des dépenses publiques. En effet, les montants versés dépendront du nombre de candidats qui obtiendront, ou non, 3 % des voix. Par ailleurs, il y aura toujours un effet de seuil.
J’ai la faiblesse de penser que le dispositif que je présente est plus efficace, et j’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 13, ainsi que sur le sous-amendement n° 17.
À titre d’information, j’ai réalisé pour notre assemblée un rapide calcul pour savoir ce que rapporte à un candidat chaque voix obtenue, sur la base des résultats de 2007, qui nous donnent une indication.
Si l’on considère qu’une voix doit rapporter un euro, on s’aperçoit que M. Sarkozy et Mme Royal ont obtenu 0,8 euro par voix obtenue ; M. Bayrou, 1,2 euro ; M. Le Pen, dont le score a été largement moins important que celui de M. Bayrou, 2,2 euros par voix ; M. Besancenot, 0,6 euro ; M. de Villiers, 1 euro ; Mme Buffet 1,1 euro ; Mme Voynet, 1,8 euro. Quant aux autres candidats, qui étaient en dessous des 2 %, ils ont obtenu 2 euros par voix obtenue, sous réserve de la réformation des comptes qui a pu intervenir pour certains d’entre eux.
Vous voyez donc, mes chers collègues, où se situent les déséquilibres. Les correctifs proposés au travers de l’amendement n° 11 sont de nature à les faire disparaître. Même s’il peut se traduire par une baisse du montant alloué à certains candidats, ce système serait à l’évidence autrement plus équitable que celui dont je viens de décrire les effets négatifs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Les sénateurs Yves Détraigne et Philippe Bas ont eu raison de rappeler le contexte de ce projet de loi organique : nous examinons un texte qui vise à mettre en place un plan d’économies.
À ce titre, et bien que M. le rapporteur ait fait état de dispositions garantissant à l’État de ne pas dépenser plus qu’il ne le souhaite, il ne faut pas remettre en cause les modalités de remboursement des dépenses électorales. En effet, une telle réforme nécessiterait un débat beaucoup plus construit, sur la base d’études d’impact préalables.
En outre, si vous adoptiez ces amendements et sous-amendements, mesdames, messieurs les sénateurs, vous prendriez le risque de rendre ce texte inconstitutionnel : vous méconnaîtriez la jurisprudence relative au principe de sécurité juridique, car l’élection présidentielle a lieu dans des délais très brefs, en l’occurrence un peu plus de trois mois.
Je ne puis donc reprendre à mon compte les modifications proposées pour ce texte, qui visent à modifier en profondeur toutes les dispositions relatives aux conditions de remboursement des dépenses engagées dans le cadre de l’élection présidentielle.
En revanche, dès lors qu’un plan d’économies a été adopté, nous avons l’obligation de l’appliquer également aux dépenses prévues pour une échéance aussi importante. Dès lors que nous demandons des efforts aux Français, nous devons en faire aussi pour cette élection et les scrutins à venir, en ayant le souci de maîtriser les dépenses publiques.
Or si nous n’agissons pas, compte tenu du principe de la revalorisation des dépenses électorales, que ce texte vise précisément à geler, nous contribuerons à augmenter la dépense publique, ce que le Gouvernement ne souhaite pas. (M. André Reichardt applaudit.)
J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 11 et le sous-amendement n° 18, sur l’amendement n° 13 et le sous-amendement n° 17, ainsi que sur les amendements nos 6 et 7.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 18.
M. Jean-Yves Leconte. Je l’ai déjà dit lors de la discussion générale, je trouve totalement surréaliste que le Sénat soit réuni en séance publique pour examiner un texte dont l’adoption permettrait de réaliser une économie potentielle de 3 millions d’euros, économie tout à fait aléatoire.
Par ailleurs, certes, j’ai pris connaissance des expertises de M. Masson. Toutefois, jusqu’à ce jour, je ne l’ai jamais entendu intervenir en commission et je me suis demandé dans quelle instance il aurait pu nous en faire part auparavant. J’ai alors découvert qu’il était membre de la commission des lois. Or je considère que certaines méthodes de travail devraient s’imposer au sein de notre assemblée. En particulier, un sénateur qui dispose d’une expertise devrait la porter à la connaissance de ses collègues là où elle mériterait de l’être en premier, en l’occurrence, en commission des lois. Ainsi, nos travaux pourraient être plus rapides et plus efficaces.
Quoi qu’il en soit, je ne voterai pas les sous-amendements déposés par M. Masson, mais je voulais souligner mon indignation.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je souhaite d’abord répondre à mon collègue qui déplore de ne pas me voir en commission. Moi aussi, je regrette son absence : j’ai assisté hier à la réunion de la commission des lois et je ne l’y ai pas vu… Nous sommes quittes !
J’ai déjà bien expliqué ma position : pour un sénateur non inscrit, qui n’a pas un groupe politique derrière lui, l’important est de parler en séance publique, car la situation en commission est complètement marginalisée.
J’ai la prétention non pas de parvenir à faire adopter les amendements et sous-amendements que j’ai déposés, mais de défendre mes idées. On est encore en démocratie et, en séance publique, on a le droit de défendre ses idées, même si un collègue, qui aimerait bien repartir chez lui – libre à lui de le faire –, trouve les débats un peu longs. Pour ma part, j’ai tout mon temps ; j’ai prévu ma journée. S’il faut débattre jusqu’à dix-huit heures, je le ferai.
Monsieur le rapporteur, votre calcul financier relatif à ce que « rapportent les voix », selon votre expression, est complètement surréaliste. L’objet de la prise en charge des frais de campagne électorale est non pas de « rapporter » des fonds, mais de permettre aux candidats de mener leur campagne sur un pied d’égalité. Il s’agit de donner à tout le monde la même chose.
Le raisonnement à partir des voix est totalement différent. On entre alors dans le financement des partis politiques. Ce sont les voix qui sont prises en compte lors de la détermination des dotations accordées aux partis politiques.
En revanche, la prise en charge par l’État de 47,5 % des dépenses de campagne a pour objet tout simplement de permettre à chaque candidat, indépendamment de ses ressources personnelles ou des moyens qui lui sont donnés, de défendre correctement ses idées. Un candidat qui obtient 6 % des voix peut tout à fait légitimement souhaiter avoir un minimum de moyens pour défendre ses idées et être compétitif par rapport à un autre candidat qui, potentiellement, aurait plus de voix.
Telle est la raison pour laquelle je maintiens mon sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote sur l'amendement n° 11.
M. Jean-Jacques Mirassou. Je souhaite faire un commentaire sur le jugement de valeur que vient d’émettre Mme la ministre.
En réalité, elle voudrait que le Sénat, sagement, se conforme à la volonté du Gouvernement, à savoir adopte un dispositif de circonstance destiné à ce que ce dernier s’achète à peu de frais une bonne conduite, alors que, en parallèle, au jour le jour, le candidat qu’elle soutiendra piétine largement certaines dispositions existantes.
D’un autre côté, M. Masson, dans un registre un peu différent, voudrait que le texte soit orienté afin de protéger les intérêts du candidat qu’il soutient déjà. Il explique aussi que, dans une grande largesse d’esprit, il est capable de prendre en compte, dans la même discussion, les intérêts de l’ensemble des petits candidats. Prudemment, je lui conseille de focaliser son énergie sur le seul candidat qu’il soutient !
Madame la ministre, vous ne pouvez pas nous reprocher de prendre le risque, selon vos propres termes, d’ouvrir aujourd’hui véritablement un débat. Les amendements qui ont été déposés par un certain nombre d’entre nous, notamment par M. le rapporteur, sont empreints non seulement d’une grande sagesse, d’une grande équité, mais en plus d’une grande précision.
Il n’est pas indécent de prendre le risque d’ouvrir le débat, madame la ministre, mais vous n’arriverez pas à ce que l’ensemble des sénateurs, singulièrement ceux de gauche, se conforment aux objectifs poursuivis par le Gouvernement, que vous avez formatés en début de discussion, en déposant le présent texte.
Pour notre part, nous voterons avec enthousiasme les amendements proposés par notre collègue Gaëtan Gorce.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. Il est important de conserver une certaine sérénité à nos débats. Je sais qu’il n’est pas d’usage d’évoquer les prises de position personnelles sur la présence ou l’absence de certains collègues lors des réunions de telle ou telle commission.
Je voudrais pour ma part répéter, car mes propos figureront dans le compte rendu des débats, que, au cours des réunions de la commission des lois, ses membres peuvent dire ce qu’ils veulent, défendre les idées qu’ils veulent ; ils sont écoutés, entendus, respectés. Ils se parlent sans agressivité. Les débats se déroulent posément. Il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas de même en séance publique.
J’en reviens aux sous-amendements et amendements que nous examinons. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne soutiendrons pas les sous-amendements déposés par M. Masson. En revanche, bien que les positions défendues par M. Gorce et Mme Assassi soient originales et différentes, nous voterons pour l’amendement n° 11, dont l’auteur pose une bonne question et permet d’engager un débat serein et intéressant – c’est une bonne chose – et pour l’amendement n° 13, même si ses dispositions peuvent ne pas sembler avantageuses et donnent une autre piste. Ces deux amendements vont dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je souhaite faire une petite mise au point sur les intentions qui me sont imputées. Je ne défends pas, dans cette enceinte, les intérêts du candidat que je soutiens, d’autant que pour l’instant je ne fais que parrainer un candidat, je ne soutiens personne.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est compliqué !
M. Jean Louis Masson. En réalité, je défends les intérêts des petits candidats et non ceux des deux candidats des partis dominants. Il serait fort bien que les petits candidats, quels qu’ils soient, puissent faire valoir leurs idées. Tel est le sens de ma démarche. C’est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement n° 11.
Cela étant, on peut effectivement se demander pourquoi le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur un projet de loi organique qui présente un intérêt tout à fait mineur. En effet, modifier de quelque 2 % le taux de remboursement n’a aucun intérêt. En revanche, je veux remercier très chaleureusement le Gouvernement, car ce projet de loi organique nous permet enfin de débattre d’un certain nombre de points qui ont toujours été esquivés jusqu’à présent, que ce soient les parrainages ou le financement des campagnes électorales.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je pense que nos collègues n’ont pas forcément écouté avec attention Mme la ministre.
Un an avant une élection, potentiellement, un compte de campagne peut être ouvert. Or, si l’on change les règles du jeu en cours de partie, se posera un vrai problème de constitutionnalité.
Je rappelle que tout le monde était d’accord pour éviter les candidatures de fantaisie, y compris aux élections législatives. Cette position est d’ailleurs à l’origine des règles un peu plus strictes qui ont été fixées à la place de celles qui existaient auparavant. Je rappelle que certains groupements qui s’étaient constitués disposaient, pendant cinq ans, de ressources non négligeables de plusieurs dizaines de milliers d’euros parce qu’ils avaient présenté des candidats à une élection, indépendamment du pourcentage de voix obtenu. En effet, le Parlement avait fixé un seuil minimal que n’a pas retenu le Conseil constitutionnel.
On peut trouver fort bien que se présentent vingt-cinq, trente ou quarante candidats. Mais parmi ceux-ci figureront forcément des fantaisistes. Or de telles candidatures doivent être évitées dans l’intérêt de la dignité du débat précédant toute élection, sinon la démocratie n’en sortirait pas grandie.
Pour ma part, je suis hostile à tous les amendements déposés qui ont pour objet de changer les règles du jeu fondamentales qui ont été fixées souvent par la loi de 1962. Certes, des corrections ont été apportées à ces dernières, mais il faut se souvenir des raisons pour lesquelles elles ont été adoptées. Dans le passé, nous avons tous connu des candidatures sympathiques sans grand intérêt pour définir la politique de notre pays pour les cinq années suivantes.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Marcel Barbu est resté dans l’Histoire !
M. Jean-Jacques Hyest. On peut discuter des règles existantes, mais pas trois mois avant une élection !
Monsieur Masson, vous critiquez l’engagement de la procédure accélérée. Mais pensez-vous vraiment que le projet de loi organique initial méritait deux lectures ? Nos méthodes de travail soulèvent le problème de l’examen par le Parlement de textes mineurs. Si aujourd'hui nous discutons du présent projet de loi organique, c’est parce qu’une diminution des comptes de campagne relatifs à l’élection présidentielle est une mesure organique, alors qu’une disposition de même nature relève d’une loi de finances pour les autres élections. Le débat en cause, minime mais cohérent par rapport aux décisions que nous avons prises précédemment, devrait être rapide.
Nous voterons contre les amendements que nous examinons actuellement.
Nous avons aussi déposé l’amendement n° 9 tendant à supprimer de l’article unique des dispositions qui figurent déjà dans le code électoral. Point n’est besoin d’en rajouter ! On ne va pas faire de lois mémorielles en matière électorale !
M. le président. En conséquence, les amendements nos 13, 6 et 7 ainsi que le sous-amendement n° 17 n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 10, présenté par M. Gorce, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Le cinquième alinéa du II de l’article 3 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Sa décision est notifiée à tous les candidats. » ;
…° À la première phrase du troisième alinéa du III de l’article 3, les mots : « par le candidat concerné » sont remplacés par les mots : « par l’un des candidats » ;
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
M. Gaëtan Gorce. Cet amendement est inspiré par la même philosophie que celle qui a présidé à la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Si ces amendements auraient pu être substitués l’un à l’autre, ils peuvent aussi être cumulés.
Il s’agit de faire en sorte que puisse être définie le plus rapidement possible une jurisprudence qui permettra de cadrer les dépenses imputables et non imputables des titulaires de mandat électif notamment.
Aujourd’hui, si une infraction est commise en matière de législation sur les comptes de campagne, elle ne peut être contestée que par la Commission nationale elle-même. Le candidat qui bénéficie d’un avis favorable de celle-ci n’a aucun intérêt à saisir le Conseil constitutionnel, même si le point de vue émis par la Commission peut susciter de la part des autres candidats, au regard des informations dont ils disposent ou des interprétations qu’ils font de la loi, un jugement différent.
Il s’agit donc de permettre à tout candidat admis à concourir à la campagne présidentielle de saisir le Conseil constitutionnel sur l’avis rendu par la commission précitée sur les comptes de campagne de telle sorte que puisse s’établir, par cette contestation plus ouverte, une véritable jurisprudence et que puissent être éliminées les polémiques auxquelles peuvent donner lieu certains types de dépenses, certains comportements et in fine certaines appréciations. Ce point a déjà été rappelé tout à l’heure.
On pourrait penser qu’une telle mesure devrait s’accompagner d’une réforme du Conseil constitutionnel. Je ne veux pas entrer dans ce débat, qui me paraît cependant complémentaire à celui que je viens d’évoquer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Favorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Collombat et Mézard, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le III de l’article 3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de rejet du compte du candidat élu, le Conseil constitutionnel en informe le Parlement, afin d’apprécier si les motifs du rejet renvoient à des actes constituant un manquement manifestement incompatible avec l’exercice du mandat de Président de la République. »
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Mes chers collègues, avec cet amendement, on sort de l’épicerie fine (Sourires.) pour s’attaquer à un problème que je vais essayer de résumer en quelques mots, puisque je l’ai déjà évoqué à la tribune.
Il s'agit du cas où le compte du candidat élu – le Président de la République, donc – serait rejeté. Imaginons – la réalité a montré que ce n’était pas complètement farfelu – que son compte de campagne présente un dépassement du montant de dépenses autorisé, voire de sérieuses irrégularités.
Que fait-on alors ? Le Président de la République reste-t-il président alors même qu’il a eu des comportements manifestement incompatibles avec sa fonction ? Demande-t-on à une autorité administrative, la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques, ou au Conseil constitutionnel, qui n’est certes pas une autorité administrative mais qui n’est pas non plus une autorité élue, de le destituer ? Cela poserait tout de même un sérieux problème, puisque le Président de la République a été élu.
Soit on renonce à trouver une solution, on laisse les choses en l’état, soit on adopte la seule solution possible : on confie le pouvoir de décision à la seule instance capable de décider si le comportement du candidat lors de la campagne électorale est incompatible avec l’exercice de la fonction présidentielle. C’est ce que prévoit l’article 68 de la Constitution. (M. Jean-Jacques Hyest s’exclame.) C’est très simple. Il n’y a pas d’autre solution !
Va-t-on continuer à vivre dans l’hypocrisie la plus totale et, comme l’ont montré nos débats d’aujourd’hui, raffiner sur le sixième chiffre après la virgule pour savoir ce que l’on va compter, ne pas compter, etc, en laissant de côté le gros problème ? Est-ce qu’on continue, ou est-ce qu’on essaie d’apporter une réponse ? Est-ce qu’on se réfugie derrière des arguties juridiques – je pense qu’on arrivera à en trouver – ou est-ce qu’on essaie de porter le fer dans la plaie ? Voilà l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission a débattu activement de cet amendement, car il pointe un problème qui est au cœur de nos discussions : comme cela a été rappelé à plusieurs reprises, notre réglementation sur les comptes de campagne est relativement floue s'agissant de la campagne pour l’élection présidentielle, et nous n’avons pas les moyens de la faire respecter.
L’avis que la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques peut émettre en amont, sur des transports ou déplacements du Président de la République, pour ne citer qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, ne s’impose à personne. Si la Commission maintient son point de vue à l’issue de l’élection, et si l’on ne permet pas – notre assemblée a heureusement voté une disposition le permettant – à un autre candidat de contester la décision devant le Conseil constitutionnel, l’affaire ne va pas plus loin.
Par conséquent, d’éventuelles infractions peuvent apparaître dans un compte de campagne sans que personne puisse émettre de contestation à l’occasion de l’examen du compte par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques ou par le Conseil constitutionnel. C’est ensuite par la justice que sont révélés un certain nombre de faits.
Cette situation est bien sûr extrêmement choquante. On comprend parfaitement la volonté de M. Collombat – j’espère que beaucoup de sénateurs, de toutes sensibilités politiques, la comprennent – de corriger cette situation, dans l’intérêt de la République et de l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle.
Comment pouvons-nous y parvenir ? En l’état, si une infraction – un financement illégal, par exemple – était constatée à l’issue du scrutin dans le compte de campagne du candidat élu – cette hypothèse devient malheureusement plausible –, nous n’aurions pas les moyens de la faire sanctionner. En effet, même s’il s’agissait d’une infraction pénale, celle-ci serait couverte par les dispositions relatives à l’irresponsabilité pénale du chef de l’État. Autrement dit, si un candidat non élu a commis une infraction, il pourra être poursuivi dès lors qu’elle sera découverte ; en revanche, si le candidat élu, c'est-à-dire celui qui porte la responsabilité la plus élevée, a commis une infraction, il ne pourra pas être poursuivi.
La logique voudrait donc qu’il existe un mécanisme et un processus de sanction, ou en tout cas de contrôle, à l’égard du candidat élu, si de telles infractions sont révélées. La seule procédure qui semble pouvoir être utilisée est celle que prévoit l’article 68 de la Constitution en cas de manquement particulièrement grave du chef de l'État à ses obligations.
Si la loi organique nécessaire à l’application de cette disposition entrait enfin en vigueur – le Gouvernement pourra peut-être nous donner des indications sur ce point, nous dire s’il a véritablement l’intention de faire aboutir le processus législatif –, on pourrait considérer, dans la mesure où les avis rendus par la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques et les décisions du Conseil constitutionnel sont rendus publics, que le Parlement serait en mesure d’enclencher la procédure prévue à l’article 68. L’amendement de notre ami Collombat serait donc satisfait, et ce dernier pourrait éventuellement le retirer. Toutefois, encore faudrait-il que le Gouvernement nous donne des indications quant à sa volonté – dont nous doutons aujourd'hui – de rendre enfin applicable la procédure prévue à l’article 68.
À défaut, la commission estime que la sagesse doit l’emporter : son avis n’est ni favorable ni défavorable. En effet, elle considère qu’il appartient à chacun d’entre nous de déterminer si la volonté politique exprimée par le Gouvernement est suffisante pour qu’on puisse attendre la mise en œuvre de l’article 68, ou si, en la matière, le processus législatif est si mal engagé qu’il faut, par un vote clair de notre assemblée, indiquer notre souhait que cesse cette forme d’impunité. C’est évidemment dans cet esprit que M. Collombat a présenté son amendement. La commission s’en remet donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marie-Luce Penchard, ministre. Si l’objet de cet amendement est simplement de garantir l’information du Parlement, il n’a pas de raison d’être car il n’apporte aucune plus-value.
Si le but est de rendre applicable à cette matière la procédure de l’article 68 de la Constitution, j’estime qu’on ne peut pas en débattre dans ces conditions, lors de l’examen d’un projet de loi organique visant à modifier le code électoral. Même si vous vous exprimez avec beaucoup de talent, monsieur le rapporteur, je crois que cela n’est pas l’objet du texte que nous examinons aujourd'hui. Le Sénat ne peut adopter dans ce cadre une disposition concernant le statut du Président de la République. Nous n’allons tout de même pas remettre en cause les équilibres existant entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
Comme je l’ai rappelé lors de mon intervention liminaire et lorsque j’ai présenté le projet de loi organique, ce dernier découle d’un plan d’économies. Alors que va s’engager une campagne électorale très importante – l’élection présidentielle – et que le contexte nous impose un effort de réduction des dépenses publiques, nous ne pouvons pas envoyer un signal laissant penser que ces dépenses pourraient augmenter. C’est le sens de la disposition gelant les plafonds de dépenses électorales. Je crois qu’il serait dangereux d’aller sur un autre terrain.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la ministre, ce n’est pas moi qui ai demandé qu’on examine ce texte aujourd'hui : c’est vous qui nous l’avez soumis.
Ce que je supporte de plus en plus mal, c’est que nous passions notre temps à nous mouvoir dans le dérisoire. Tout le monde sait bien que l’équilibre des comptes publics, avec lequel on nous bassine, ne passe pas par ce type de mesure ! L’équilibre des comptes publics passe par une relance de l’économie ! Point barre !
On nous demande de nous prononcer sur un projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle. Nous essayons de parler des véritables problèmes qui se posent, et pas de l’épicerie fine, comme je l’ai dit il y a quelques instants.
Je veux bien tout ce que vous voulez ! On peut continuer à accepter que les petits maladroits soient sanctionnés lourdement, au point de perdre le peu d’argent qu’ils ont, pendant que les gros malins, qui ont de solides amitiés, continuent à agir comme ils veulent. Je veux bien ! Mais si on ne le veut pas, en quoi cela vous gêne-t-il d’appliquer simplement ce que prévoit l’article 68 de la Constitution ?
On peut considérer – moi je le considère – que les manquements graves commis lors de la campagne électorale ne sont pas détachables de l’exercice de la fonction présidentielle. Comment pourriez-vous faire comprendre aux Français qu’on n’essaie pas d’apporter une réponse ? Si vous en avez une meilleure que celle que je propose, je la voterai volontiers ! Mais on ne peut laisser les choses en l’état ! Ou alors il ne faut pas s’étonner que certains trouvent que notre système ne fonctionne pas très bien.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Soyons clairs : personne ici ne soutient que la réduction du plafond des dépenses de campagne remboursées aura un impact décisif sur la réduction des déficits publics. Toutefois, ce n’est pas une raison pour ne pas faire preuve d’un peu de sobriété dans les dépenses de campagne. De fait, l’étalage de dépenses de campagne excessives a quelque chose de choquant dans une période où chacun est appelé à fournir un effort dont nous souhaitons naturellement, les uns et les autres, qu’il soit le plus juste possible.
Par conséquent, il me semble que la seule question qui nous est posée aujourd'hui – et la réponse à cette question est bien ce qui ressortira de notre débat – est de savoir si oui ou non nous souhaitons que les candidats fassent preuve de sobriété et de mesure dans leurs dépenses de campagne pour les élections à venir,…
M. Jean-Jacques Mirassou. La réponse est « oui » !
M. Philippe Bas. … à commencer par l’élection présidentielle, puisque le sort des autres élections a déjà été réglé par des dispositions analogues contenues dans une loi ordinaire.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je suis tout à fait partisan de la sobriété : je pense qu’il faut réduire les dépenses électorales. Sur ce point, il n’y a aucun problème.
Ce que je regrette, c’est que l’on ne réduise que de 2,5 points – de 50 % à 47,5 % – la part des dépenses remboursée. Ce n’est effectivement pas avec ça que l’on va redresser la France !
Ce qu’il aurait fallu faire – et le Gouvernement se serait grandi s’il l’avait fait –, c’est diminuer d’un tiers le plafond de remboursement et le plafond de dépenses autorisées. En effet, quand on voit les sommes colossales dépensées par certains grands candidats, on se dit qu’il serait tout de même possible de ne pas dépenser autant lors de la campagne présidentielle. Je pense que, pour être crédible auprès de nos concitoyens, il aurait fallu diminuer d’un tiers le plafond de remboursement et le plafond de dépenses autorisées, et non se contenter de cette réduction de 2,5 points du plafond de remboursement.
S'agissant de l’amendement de notre collègue Collombat, cela me semble une bonne chose que le Parlement soit informé. Le début de cet amendement me paraît donc excellent. Il faudrait d'ailleurs qu’il y ait davantage d’information lors de toutes les élections car, actuellement, il n’y a pas d’information systématique des différents candidats en cas de contentieux administratif ou d’avis de la Commission nationale des comptes de campagnes et des financements politiques. Il serait souhaitable, dans un souci de transparence, que nous progressions dans ce domaine. Je suis par conséquent tout à fait d’accord avec une bonne partie de l’idée de notre collègue.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.
Mme Corinne Bouchoux. J’ai le sentiment que nous avons les yeux un peu trop fixés sur le rétroviseur : le passé est le passé, nous ne le changerons pas. Regardons donc devant nous.
L’amendement déposé par MM. Collombat et Mézard soulèvent de bonnes questions ; peut-être mon groupe n’aurait-il pas tenu exactement le même raisonnement, mais, puisque nous ne disposons pas d’autre cadre pour aborder ces questions, nous le voterons.
Novice dans cette assemblée, je tiens à dire que je suis surprise que nous consacrions, comme l’a dit Jean-Yves Leconte de façon éloquente et convaincante, autant d’heures à débattre d’un texte qui ne représente que 3 millions d’euros d’économie. Le ratio entre l’énergie déployée et l’économie attendue ne me paraît pas correspondre à l’efficience que défend ce gouvernement. Il prouve au contraire, je suis désolée d’avoir à le dire, que nous ne sommes pas efficaces ! Nous ne sommes pas bons et il faudrait peut-être envisager de travailler autrement.
Je ne comprends pas bien non plus que nous passions notre temps à voter ici des textes qui ne relèvent pas du domaine de la loi, comme celui qui vient d’être inscrit à l’ordre du jour du 23 janvier : l’historienne que je suis est très surprise d’apprendre qu’elle a été élue ici pour dire l’histoire officielle, ce qu’il est bon de raconter et ce qui ne l’est pas !
Je regrette pour ma part que nous passions autant de temps sur 3 millions d’euros d’économie et que nous nous apprêtions à en passer beaucoup également sur des dispositions qui sont du domaine de la science et non du Parlement. Nous, nous sommes venus ici pour changer les choses en profondeur afin que la société française aille mieux, pas pour discuter d’économies de bouts de chandelles !
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. D’abord, le rejet des comptes est publié. Ensuite, s’il s’agit de manquements graves susceptibles de relever de l’article 68 de la Constitution, ce dernier s’appliquera. Je ne vois donc pas ce qu’ajoute l’amendement.
Certes, la loi organique qui permettra l’application de cet article n’est pas encore complètement votée, mais elle le sera – il est tout de même utile que l’on aille au bout de la réforme constitutionnelle de 2007, et il est temps qu’on le fasse –…
M. Gaëtan Gorce. Le Gouvernement ne se presse pas !
M. Jean-Jacques Hyest. … et, si elle ne l’était pas votée, cela ne changerait rien : la disposition proposée ne pourrait pas s’appliquer, puisque le Parlement ne pourrait pas mettre en œuvre la procédure de l’article 68.
Cet amendement ne sert donc strictement à rien, si ce n’est à se faire plaisir, et, personnellement, je n’aime pas voter des dispositions qui ne servent à rien.
J’ajoute à l’intention de quelques-uns de nos collègues que, lorsqu’on est parlementaire depuis un certain nombre d’années, on s’habitue à perdre des heures à entendre des discours répétitifs…
M. Yves Détraigne. C’est vrai !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. M. Collombat a le mérite de soulever une question que le Sénat s’est déjà posée, celle de l’application de l’article 68 de la Constitution issu de la réforme de 2007 et fait pour M. Chirac, comme le savent M. Hyest et M. Bas, qui a été secrétaire général adjoint puis secrétaire général de la présidence de la République. Je me demande d’ailleurs bien pourquoi M. le président Sarkozy n’a jamais voulu que cette question soit réglée…
En tout état de cause, l’article 68 prévoit qu’une procédure pourra être engagée à l’encontre du Président de la République par le Parlement en cas de manquement grave à ses devoirs – on sait que le Président de la République est sinon totalement irresponsable, pénalement, civilement, commercialement et financièrement.
Le Sénat a pris l’initiative de déposer une proposition de loi organique portant application de cet article, proposition finalement votée dans des conditions quelque peu houleuses et à laquelle le Gouvernement s’était opposé au prétexte qu’un projet de loi organique ayant le même objet était déposé à l’Assemblée nationale, mais cette dernière ne votera le projet de loi organique, en première lecture, que le mardi 24 janvier.
C’est dire qu’il est assez peu probable que ce texte soit voté avant la fin du quinquennat et c’est le problème qui découle de cette situation que souligne en réalité M. Collombat, car, question que nous nous sommes posée, en commission et en séance, lorsque nous avons examiné la réforme, qu’est-ce qu’un manquement grave ? Eh bien, ce pourrait être des faits frauduleux apparaissant dans le compte de campagne.
Dans un tel cas, le Parlement serait non seulement informé, madame la ministre, monsieur Hyest, mais aussi mis en mesure de mettre en œuvre, le cas échéant, les dispositions qu’une loi organique pour l’instant théorique…
M. Jean-Jacques Mirassou. Virtuelle !
M. Jean-Pierre Michel. … permettra ultérieurement d’appliquer et donc de mettre en accusation le Président de la République.
Mon groupe votera par conséquent cet amendement.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Raffarin
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
inspection générale des services
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.
Monsieur le ministre, si l’on en croit les informations publiées hier par le journal Le Monde, un scandale sans précédent pourrait ébranler la préfecture de police de Paris et, au-delà, les plus hautes autorités de notre pays.
À l’approche de l’élection présidentielle de 2007, l’Inspection générale des services aurait utilisé sciemment des documents truqués pour aboutir à la mise en cause de fonctionnaires réputés proches de la gauche : tels sont les faits que la justice cherche à établir.
Quatre fonctionnaires de police, innocentés en janvier 2011 par la cour d’appel de Paris, ont donc été suspendus en 2007, injustement mis en examen, humiliés, déshonorés, à la suite d’une affaire qui aurait été montée de toutes pièces par le corps vénérable et respecté de la « police des polices ».
Monsieur le ministre, aujourd’hui, l’honneur de la police républicaine est en cause. Il est donc essentiel que toute la clarté soit faite sur cette affaire et sur les responsables de ce qui s’apparente à un grave dérapage, si les faits sont prouvés.
Contrairement à ce que vous avez affirmé hier devant les députés, il ne s’agit pas d’instruire un faux procès ni de pratiquer des amalgames ou des manipulations, il s’agit d’obtenir des réponses claires et précises sur la chaîne des responsabilités dans ce qui s’apparenterait à une affaire d’État si les faits étaient établis. Peut-être pourriez-vous nous fournir ces réponses, monsieur le ministre, puisque vous étiez, au moment des faits, directeur de cabinet du ministre de l’intérieur ? Cela serait beaucoup plus simple et vous faciliteriez le travail de la justice, derrière laquelle vous avez tenté de vous abriter.
Monsieur le ministre, mes questions sont donc les suivantes : premièrement, nous souhaiterions savoir quelle est l’autorité qui a diligenté cette enquête ; deuxièmement, sur l’ordre de qui l’Inspection générale des services a-t-elle utilisé des documents qui auraient été truqués pour mettre en cause des fonctionnaires de police dont le seul tort, à la veille de l’élection présidentielle de 2007, était d’être proches de la gauche ? Je vous remercie de votre réponse. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur le sénateur François Rebsamen, je persiste et je signe : une fois de plus, l’approximation et l’amalgame tiennent lieu de raisonnement.
Mme Isabelle Debré. Eh oui !
M. Alain Gournac. C’est habituel !
M. Claude Guéant, ministre. Votre candidat à l’élection présidentielle appelle – et il a raison ! – à faire taire les polémiques, mais ses lieutenants ne cessent d’en lancer de nouvelles et de les alimenter en procédant à des affirmations que n’étaye aucun commencement de preuve ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Il y a quelques jours, vous cherchiez à mettre en cause le ministre du budget qui était en fonctions entre 1993 et 1995 dans une affaire de versement de commissions à l’occasion de la vente de sous-marins au Pakistan.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Ce n’est pas la question !
M. Jean-Pierre Godefroy. Mais on peut en parler, si vous voulez !
M. Claude Guéant, ministre. Vous vous appuyez, à cette fin, sur des propos émis au conditionnel par un certain M. Menayas. Le Président de la République, ministre du budget à l’époque, n’a rien à voir avec cette affaire et je vous invite, puisque vous accordez une grande confiance aux carnets de M. Menayas, à les lire – ils sont disponibles sur un site d’information bien connu – : ils mettent directement en cause, non pas au conditionnel, mais de façon affirmative, le parti socialiste et un certain nombre de ses responsables ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Robert Hue. C’est de la diversion !
M. Jacky Le Menn. Répondez donc à la question !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et les onze morts et les trente orphelins de Karachi ?
M. Claude Guéant, ministre. Aujourd’hui, vous recommencez : vous mettez en cause le préfet de police de Paris, au motif qu’il est proche du Président de la République – j’emploie le « vous » de façon générique, car j’ai aussi lu les propos d’autres responsables du parti socialiste.
M. Didier Boulaud. Vous ne répondez pas à la question !
M. Claude Guéant, ministre. J’y réponds ! Vous n’omettez qu’un seul point : l’intéressé n’exerçait pas les fonctions de préfet de police à l’époque des faits en cause. (M. Alain Gournac s’esclaffe.)
M. Christian Cambon. Dommage !
M. Claude Guéant, ministre. D’autres de vos collègues, hier, m’ont mis en cause directement. Je n’ai rien à voir avec cette histoire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Puisque j’ai été mis en cause hors de l’hémicycle d’une assemblée parlementaire, je vous indique que, dès cet après-midi, je demande au garde des sceaux de poursuivre en diffamation M. Bruno Le Roux. (Protestations sur les mêmes travées.)
M. David Assouline. On a peur !
M. Didier Boulaud. Gardez votre sang-froid, monsieur le ministre !
M. Claude Guéant, ministre. Il y a des limites à tout et certaines accusations sont insupportables ! Puisque vous m’avez mis en cause, monsieur Rebsamen, faites-le également en dehors de cet hémicycle, cela me permettra de vous poursuivre en diffamation ! (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.)
Vous n’hésitez pas à recourir à des arguments invraisemblables : pourquoi voulez-vous qu’une enquête ait été manipulée pour aboutir au changement d’affectation d’un haut fonctionnaire dont le poste est à la discrétion du Gouvernement ? Vous n’hésitez pas à déformer la réalité pour salir : je vous rappelle que l’Inspection générale des services, lorsqu’elle intervient en matière judiciaire, est placée sous l’autorité des magistrats et non pas sous l’autorité du préfet de police ! (M. Didier Boulaud s’exclame.) Vous n’hésitez pas à taire l’essentiel, à savoir que, si une enquête a eu lieu, c’était sur décision judiciaire, et si un non-lieu a été prononcé, il a fait suite à une mise en examen.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est laborieux !
M. Claude Guéant, ministre. Comme en d’autres occasions, vous vous attaquez aux personnes et aux institutions, pour les déstabiliser et les déshonorer…
M. Didier Boulaud. C’est laborieux !
M. Claude Guéant, ministre. C’est peut-être laborieux, mais ce que vous faites est grave ! (M. Didier Boulaud s’exclame.)
Le chef de l’Inspection générale des services et le préfet de police démentent toutes les allégations proférées à leur encontre par un journal et relayées par des responsables du parti socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Nous n’avons pas peur de la vérité, mais je vous le dis, monsieur Rebsamen : nous ne sommes pas ici au congrès de Valence (Protestations sur les mêmes travées.),…
M. Robert Hue. Vous perdez votre sang-froid !
M. Claude Guéant, ministre. … et on ne condamne pas sans preuves ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Ouh ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, ma question s’adressait à M. François Fillon, Premier ministre, mais j’écouterai néanmoins avec attention la réponse de Mme Pécresse.
Madame la ministre, la période de Noël est passée, et pourtant les actionnaires continuent de recevoir des cadeaux : les dividendes versés cette année aux entreprises du CAC 40 atteindraient 31,7 milliards d’euros.
M. Jean-Pierre Michel. C’est scandaleux !
M. Éric Doligé. Et les comités d’entreprise ?
Mme Annie David. Dans le même temps, la majorité de nos concitoyens souffrent du chômage et de la baisse constante du pouvoir d’achat ; selon le président du Conseil économique, social et environnemental, 12 à 15 millions de personnes connaissent déjà des fins de mois difficiles ! Or vous persistez dans vos recettes libérales, pourtant responsables de la crise, en proposant la « TVA sociale » – ou, devrais-je dire, « antisociale », puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une augmentation importante de la TVA.
Ainsi, alors que notre protection sociale a été mise en place par des responsables politiques qui avaient su prendre la mesure des injustices et des inégalités sociales en mettant en œuvre le programme du Conseil national de la Résistance, vous prétextez que cette protection sociale grèverait la compétitivité des entreprises françaises. Or, dans son rapport de février 2011, l’INSEE, institution placée sous votre tutelle, madame la ministre, nous apprend que le coût du travail est moins élevé en France qu’en Allemagne !
De plus, appréhender la compétitivité de nos entreprises sous l’angle du seul coût du travail est une imposture économique ! Le véritable enjeu, pour notre pays, consiste à inventer une industrie durable au moyen d’un facteur essentiel : l’innovation ! Or celle-ci est sacrifiée à la voracité des actionnaires, qui n’hésitent plus à s’attribuer des dividendes colossaux, et aux rémunérations indécentes que s’octroient certains grands patrons, au détriment de l’emploi et de l’investissement.
Enfin, il ne suffit pas de baisser le coût du travail pour relancer l’emploi, sinon les milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales que vous avez accordés au patronat depuis 2007 nous auraient empêchés d’enregistrer une hausse importante du chômage sur la même période !
Non seulement l’augmentation de la TVA n’aura pas les effets escomptés sur la compétitivité, mais elle est injuste et contre-productive.
Elle est injuste, car, alors que les plus riches n’en sentiront même pas les effets, cette nouvelle mesure d’austérité qui ne dit pas son nom sera supportée par les salariés, les travailleurs privés d’emplois, les étudiants et les retraités ! Ils seront condamnés à une double peine : réduction des protections sociales et augmentation massive des prix.
Elle est contre-productive, car, en pénalisant la consommation, vous plombez la croissance, puisqu’elle en est l’un des principaux moteurs !
Madame la ministre, plutôt que de vous attaquer au monde du travail en érodant encore un peu plus son pouvoir d’achat déjà très dégradé, allez-vous renoncer à cette mesure et poser, enfin, les règles d’un autre partage des richesses ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente Annie David, je crois que vous conviendrez avec moi que le chômage est la première des injustices dans notre pays.
M. Alain Néri. Dans ce domaine, vous battez tous les records !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous voulons produire en France, nous voulons créer de l’emploi en France ! Nous traversons une crise économique mondiale et nous voulons garder nos usines dans notre pays en évitant les délocalisations. (M. Jean-Pierre Michel s’exclame.)
Pour mener cette politique en faveur de la compétitivité des entreprises françaises, depuis cinq ans, nous avons réalisé toute une série de réformes : pour accroître nos dépenses de recherche et de développement, nous avons triplé le crédit d’impôt recherche ; pour encourager les entreprises à investir, nous avons supprimé la taxe professionnelle…
M. Alain Néri. Et augmenté le chômage !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … avec l’aide, d’ailleurs, de la Haute Assemblée !
Nous avons créé un Fonds stratégique d’investissement pour sauver les entreprises stratégiques. Nous continuons aujourd’hui la réforme de l’Université pour améliorer le niveau de formation et nous développons l’apprentissage pour que notre main-d’œuvre reste l’une des meilleures du monde.
À cette politique doit s’ajouter une baisse du coût du travail. Madame David, vous avez évoqué l’exemple de l’Allemagne : la comparaison avec ce pays est très intéressante ! Il y a dix ans, les exportations françaises représentaient 60 % des exportations allemandes, aujourd’hui, elles n’en représentent plus que 40 %. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Pierre Caffet. Cela fait justement dix ans que vous êtes au pouvoir !
M. Didier Boulaud. Ça tombe bien : bon anniversaire au déficit du commerce extérieur !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Pourquoi ? Parce que, quand on verse un salaire de cent euros, en France s’y ajoutent cinquante euros de charges sociales, alors que ces charges ne s’élèvent qu’à trente-neuf euros en Allemagne. En outre, vous le savez, madame David, les Allemands travaillent six semaines de plus que nous par an, selon les organismes que vous venez de citer.
Mme Isabelle Debré. Merci les 35 heures !
Mme Valérie Pécresse, ministre. La compétitivité de l’Allemagne est forte. Nous voulons que celle de la France le soit autant, nous voulons que nos produits soient moins chers : s’ils le sont, nous exporterons plus, nous investirons plus et nous augmenterons les salaires ! Telle est la politique du Gouvernement : c’est une politique en faveur du pouvoir d’achat ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)
crise de la pêche en méditerranée
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin.
M. Christian Bourquin. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.
Madame la ministre, l’aide aux pêcheurs mise en place par l’État pour compenser l’augmentation des prix du gazole – je veux parler du Fonds de prévention des aléas de pêche – a été récemment déclarée illégale par Bruxelles. Dans le plus grand désarroi, les professionnels de la pêche tentent de trouver des solutions, alors qu’on leur demande de rembourser les sommes dont ils ont bénéficié. Pourtant, le gouvernement de l’époque leur avait assuré, lors de la mise en place de cette aide, qu’elle était « eurocompatible ». La question de la compensation du manque à gagner pour les professionnels du secteur ne doit pas être éludée.
Madame la ministre, l’enjeu est encore plus crucial pour les pêcheurs de Méditerranée, car leur activité est encore plus mal en point que celle de leurs collègues de la côte atlantique. La crise de la flottille chalutière méditerranéenne est spécifique : elle se caractérise par la raréfaction des « poissons bleus », dont on ignore encore la cause.
À Sète, par exemple, premier port de pêche de la Méditerranée, les quantités débarquées d’anchois et de sardines ont baissé de moitié au cours des deux dernières années. À cela s’ajoute la dramatique liquidation de nos entreprises de pêche.
Madame la ministre, il est plus que temps de faire connaître vos positions concrètes pour accompagner le développement d’une pêche durable et raisonnée en Méditerranée.
Pour cela, je voudrais vous questionner sur trois points.
D’abord, êtes-vous en mesure de nous donner les résultats des recherches menées par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, en août dernier, sur la cause de la raréfaction des poissons bleus ? Comme vous vous en doutez, le temps presse.
Ensuite, quels moyens allez-vous affecter aux prochains plans de sortie de flotte, qui doivent être utilisés comme un moyen d’adaptation aux nouvelles contraintes économiques et en aucun cas comme un outil de destruction ?
Enfin, quels moyens avez-vous prévus, dans le prolongement du rapport publié par le député Fasquelle l’année dernière, pour permettre à la flottille de se moderniser tout en se dotant de bateaux plus économes en énergie ?
Tels sont les trois points sur lesquels je souhaitais vous interroger. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur le sénateur Christian Bourquin, je vous prie d’abord d’excuser l’absence de Bruno Le Maire, en charge de la partie « pêcheur », si je m’occupe de la partie « poisson », du sujet que vous avez évoqué.
Sur ces sujets, il est vrai que nous avons longtemps constaté une sorte de course en avant qui n’a pas apporté de solution dans la durée. Les stocks de poissons continuaient à baisser et les problèmes de fond n’étaient pas traités. Parfois, des aides ont également été proposées sur lesquelles les pêcheurs comme nous-mêmes avons eu des déconvenues à Bruxelles.
Nous essayons de rééquilibrer notre politique pour l’inscrire dans la durée et donner de véritables perspectives aux pêcheurs. Depuis le début de l’année 2011, ces nouvelles orientations sont mises en place sur la partie du pourtour de la Méditerranée qui nous concerne. Nous sommes en effet confrontés à la raréfaction des stocks d’anchois et de sardines, laquelle risque de provoquer un report vers le merlu, qui est lui aussi dans une situation fragile.
Plusieurs dispositions ont été prises, qu’il s’agisse à la fois d’une aide aux professionnels et de mesures de préservation de la ressource.
Un arrêt temporaire de l’activité de pêche des chalutiers les plus dépendants de la pêche à l’anchois et à la sardine a été décidé, afin de permettre une reconstitution des stocks et d’éviter les reports vers le merlu. Ces navires ont pu observer, sur la base du volontariat, un arrêt de leur activité de pêche, qui a été rémunéré. Au total, cinquante-sept entreprises ont bénéficié de cet arrêt, pour un budget de 1,5 million d’euros, cofinancé par l’État et par l’Union européenne.
Un plan de sortie de flotte pour les chalutiers de Méditerranée particulièrement dépendants de la pêche au merlu a également été ouvert en avril 2011. Reposant lui aussi sur la base du volontariat, il a concerné douze navires, pour un montant de 5,5 millions d'euros.
J’insiste sur le fait que toutes ces mesures reposent sur le volontariat. Les entreprises sont indemnisées à hauteur de la perte économique ou sur la base d’un barème standard en fonction de la jauge en cas d’arrêt définitif.
Une concertation a été mise en place pour faire suite à ces mesures d’urgence. Vous le savez, un rapport présentant aux professionnels une stratégie dans la durée pour la pêche en Méditerranée a été remis l’été dernier à Bruno Le Maire. Il fait actuellement l’objet d’une concertation approfondie. Deux réunions sont ainsi prévues prochainement : l’une à Paris le 17 janvier, l’autre à Sète le 26 janvier. Dans ce cadre, des propositions seront formulées, en association étroite avec la profession, qui est la première victime de la baisse des stocks halieutiques et des mauvaises perspectives en la matière. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)
syrie
M. le président. La parole est à M. Jean-François Humbert.
M. Jean-François Humbert. Ma question s'adressait à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Je vous remercie, monsieur le ministre chargé de la coopération, de bien vouloir y répondre.
Au nom du groupe UMP, je souhaite rendre hommage à Gilles Jacquier, journaliste à France 2, décédé hier à Homs, victime de son devoir au service de l’information.
Depuis bientôt un an, le peuple syrien avance sur le chemin de la démocratie. Pour cette liberté, il paye lui aussi le prix du sang. L’opinion publique mondiale assiste, impuissante, à la répression féroce de la part du gouvernement syrien.
Ici même, le 12 mai dernier, le groupe UMP, lors de la séance de questions d’actualité au Gouvernement, a fermement condamné les exactions commises par Damas.
Le 3 janvier dernier, à l’occasion de ses vœux aux armées, le Président de la République a réitéré son appel à Bachar el-Assad pour qu’il se retire du pouvoir et qu’il « laisse son peuple décider librement de son destin ».
Nous saluons l’envoi d’observateurs sur place et la volonté du secrétaire général de la Ligue arabe, qui souhaite aller jusqu’au bout dans ses investigations. On ne peut que se réjouir de l’implication de la Ligue arabe en faveur du peuple syrien, mais encore faut-il que ses observateurs puissent bénéficier d’une information véritable.
Il est urgent que la situation en Syrie évolue en faveur de la démocratie et que les droits de l’homme y soient respectés.
Chacun de nous le sait, les grondements à Damas peuvent être lourds de conséquences à Beyrouth, à Ankara et à Jérusalem. Il y va de la paix dans toute la région.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quels sont les derniers leviers diplomatiques dont disposent la France et les autres pays de la communauté internationale afin que les Syriens puissent disposer d’un droit universel et fondamental, celui de pouvoir disposer d’eux-mêmes ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de la coopération.
M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur le sénateur Jean-François Humbert, je vous remercie de la question que vous venez de poser dans cet hémicycle où, comme à l’Assemblée nationale, la représentation nationale est très sensibilisée aux événements tragiques qui se déroulent en Syrie depuis plus d’une année.
Je voudrais à mon tour, au nom du Gouvernement, rendre un hommage particulièrement appuyé à Gilles Jacquier, grand reporter à France Télévisions, qui est mort hier à Homs, fauché par les balles dans l’exercice de son difficile métier.
Cette disparition tragique a conduit le Gouvernement à prendre un certain nombre de décisions. Nous avons exigé qu’une enquête totale et sincère soit diligentée dans les délais les plus brefs. Nous devons savoir ce qui s’est passé, pour la famille de Gilles Jacquier, d’abord, mais aussi pour la profession, pour la chaîne de télévision et pour l’opinion publique dans son ensemble.
Notre ambassadeur s’est rendu sur place hier. Toutes les dispositions sont prises afin que le corps de Gilles Jacquier puisse être rapatrié en France le plus rapidement possible, même si, hélas ! cela ne le rendra pas en vie à sa famille.
C’est un moment d’autant plus tragique que, lorsque des journalistes meurent dans l’exercice de leurs fonctions, c’est un peu la liberté qu’on assassine. Il faut y être extrêmement vigilant.
Je voudrais aussi rappeler la gravité de la situation en Syrie, où une répression terrible est engagée par les autorités : plus de 5 000 morts, sans compter les innombrables personnes enfermées, torturées, enlevées, disparues. La population syrienne, comme vous l’avez fort bien rappelé, paye donc le prix fort.
Le gouvernement français a condamné la violence. Le Président de la République a demandé au président el-Assad de partir. Au niveau européen, des sanctions ont été décidées à l’égard des personnes impliquées dans toutes ces actions épouvantables de répression. Enfin, concernant les Nations unies, même si c’est difficile, même si les résultats ne sont pas encore au rendez-vous, la France maintient sa pression afin que le Conseil de sécurité puisse assumer, le plus rapidement possible, ses responsabilités.
Les observateurs de la Ligue arabe remettront leur rapport dans une semaine. Nous souhaitons ardemment que, dans les semaines qui viennent, et le plus tôt sera le mieux, la pression internationale permette au peuple syrien d’exercer sa liberté dans une démocratie digne de ce nom. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
pétroplus
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, au préalable, le groupe Union centriste et républicaine tient lui aussi à exprimer son émotion à la suite du décès de Gilles Jacquier. Nous nous associons à la douleur de ses proches et nous lui rendons hommage, ainsi qu’à tous les professionnels qui risquent leur vie pour la liberté d’expression.
Ma question s'adresse à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, et elle a trait à l’avenir de la raffinerie du groupe Pétroplus implantée à Petit-Couronne dans mon département de Seine-Maritime, aujourd'hui menacée de fermeture.
Les 550 salariés de ce site, et de ses nombreux sous-traitants, produisent des bitumes et des lubrifiants majoritairement pour le nord-ouest de la France et la région parisienne.
Le groupe, enregistrant de lourdes pertes d’exploitation depuis 2009, avait annoncé vouloir reconfigurer le site de Petit-Couronne. Il était donc déjà en difficulté quand les banques ont décidé de supprimer une ligne de crédit avoisinant 770 millions d'euros, l’empêchant dès lors d’acheter du pétrole brut afin d’alimenter la raffinerie. Quelques jours plus tard, c’est l’ensemble des lignes de crédit qui étaient suspendues.
Le groupe suisse a fait savoir hier qu’il avait trouvé un accord provisoire avec ses prêteurs n’incluant que deux raffineries sur les cinq qu’il possède. Le site de Petit-Couronne ne bénéficierait donc pas d’une reprise d’activité.
Ces dernières semaines, comme d’autres élus, je me suis entretenue, longuement et à plusieurs reprises, avec les salariés du site. La fermeture de cette raffinerie serait un drame pour notre région.
Madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour répondre à cette situation d’urgence ? Au-delà de la saisine de la Médiation du crédit, comptez-vous favoriser l’ouverture d’une ligne de crédit suffisante afin que le site puisse reprendre son activité ? Avez-vous engagé des démarches en vu d’un partenariat ou d’une alternative industrielle ?
À vrai dire, la situation de « Pétroplus Petit-Couronne » illustre les difficultés de tout un secteur. Peut-être y a-t-il une baisse de la demande de produits pétroliers en Europe, mais, soyons clairs, l’inégalité de traitement entre les produits pétroliers raffinés en France et ceux qui sont importés font que le raffinage se développe dans les pays où le coût est moindre et les normes sociales et environnementales moins contraignantes.
Il faut aujourd’hui apporter des réponses plus structurelles, et ce au niveau européen, pour enrayer la désindustrialisation de notre pays et préserver notre indépendance énergétique.
Si la table ronde nationale qui s’est tenue sur le sujet en avril 2010 concluait : « le maintien d’une industrie du raffinage performante constitue un enjeu européen et national », dans quel délai les mesures du plan d’action national présentées en juin dernier seront-elles mises en œuvre ?
Je vous remercie de vos réponses qui, je l’espère, sauront être rassurantes pour ces hommes et ces femmes dont les emplois dépendent. (Applaudissements sur les travées de l’UCR et sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice Morin-Desailly, permettez-moi, au nom du Premier ministre et de tous mes collègues du Gouvernement, de m’associer solennellement à l’hommage que vous venez de rendre au grand reporter de France 2 Gilles Jacquier, qui a trouvé la mort en Syrie. Ce prix Albert Londres fait honneur au journalisme ; il fait aussi honneur aux valeurs que défend notre pays.
Madame la sénatrice, le Gouvernement est entièrement mobilisé sur la question de l’avenir de l’entreprise Pétroplus, qui dispose d’une raffinerie à Petit-Couronne en Seine-Maritime. En effet, 550 emplois directs et plusieurs centaines d’emplois indirects en dépendent.
Vous le savez, Pétroplus n’a prévenu le Gouvernement que très tardivement – le 22 décembre dernier – de ses difficultés, alors qu’un certain nombre de banques avaient déjà gelé des lignes de crédit renouvelables qui étaient vitales pour le fonctionnement du groupe.
Dès que nous avons été informés, Éric Besson a saisi la Médiation du crédit,…
M. Didier Boulaud. Alors, on est sauvé !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … afin que Pétroplus puisse maintenir le dialogue avec ses banques. Les banques françaises qui financent Pétroplus ont répondu très favorablement à nos demandes.
Aujourd'hui, le Gouvernement étudie l’ensemble des pistes et des scénarii pour garantir l’avenir de ce site industriel.
Vous le savez, le Premier ministre a dit au P-DG de Pétroplus qu’il ne serait pas acceptable que tout ne soit pas tenté pour protéger les salariés et les sous-traitants de l’entreprise.
M. Didier Boulaud. Comme à Gandrange ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Aujourd'hui, les choses sont claires : soit Pétroplus trouve un accord avec ses banques, soit il nous faudra trouver un repreneur.
Pétroplus a annoncé hier soir être parvenu à un accord provisoire avec ses prêteurs, pour financer ses dépenses essentielles. En revanche, il a passé sous silence la question de l’avenir du site de Petit-Couronne. Ce n’est évidemment pas acceptable pour le Gouvernement.
Éric Besson, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence aujourd'hui, reçoit cet après-midi le P-DG de Pétroplus. Il recevra demain l’ensemble des industriels qui s’occupent de raffinerie et de stockage de produits pétroliers. (M. Gaëtan Gorce s’exclame.)
M. Robert Hue. Et les salariés ?
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il sera alors uniquement question de l’avenir du site de Petit-Couronne, auquel nous sommes très attentifs. De même, nous veillerons à ce que Pétroplus assume toutes ses responsabilités dans l’avenir de ce site. (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’UCR.)
politique fiscale
M. le président. La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Ma question porte sur les choix fiscaux du Gouvernement, en particulier sur l’annonce faite en catastrophe d’une augmentation de la TVA.
En 2007, donc avant la crise financière, M. le Premier ministre avait déclaré être à la tête d’un État en faillite. Depuis, malgré cet aveu, le Gouvernement s’est enfermé dans une politique fiscale catégorielle, constituée de niches, de boucliers et de cadeaux pour les plus aisés...
M. Jean-Marc Todeschini. Eh oui !
M. François Marc. Que de dégâts ont été faits en cinq ans !
Les effets de cette politique sur la croissance ont été nuls, mais l’endettement s’est envolé : la dette de la France a en effet augmenté de 500 milliards d’euros en cinq ans.
Prisonnier de son idéologie, le Gouvernement s’est obstiné de façon coupable.
En mai dernier, la ministre de l’économie, des finances et de l’industrie déclarait encore ici même : « Tous les clignotants sont au vert. » Selon elle, « les moteurs de la croissance [étaient], pour certains d’entre eux, à leur meilleur niveau depuis trente ans » ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Elle avait dû fumer la moquette ce jour-là !
M. Jean-Marc Todeschini. Ses successeurs à Bercy sont tous d’accord avec elle, actuellement !
M. François Marc. Cet entêtement ne masque pas la triste réalité, que certains, hélas ! semblent découvrir aujourd'hui : le chômage est en très forte hausse – il atteint 9,7 % – ; 900 usines ont été fermées en trois ans ;…
M. Jean-Jacques Mirassou. Molex !
M. François Marc. … le déficit commercial a explosé et s’établit à 75 milliards d’euros, ce qui ne manque d’inquiéter.
Si les grands groupes financiers ont été choyés – de copieux dividendes ont encore été annoncés ces jours derniers –, les PME et le tissu industriel ont été largement délaissés.
La vérité, c’est que la politique fiscale et financière mise en œuvre au cours de ce quinquennat a mis la France en panne.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est vrai !
M. François Marc. Pour relancer la machine, vous nous dites à présent avoir besoin de 30 milliards d’euros. Pourquoi ne pas aller les chercher dans les innombrables niches fiscales créées depuis dix ans ? Ces niches sont improductives et injustifiées pour au moins 50 milliards d’euros !
À la place, le Gouvernement persiste dans son aveuglement idéologique et envisage d’augmenter considérablement la TVA. Je vous laisse imaginer le contrecoup sur la croissance, alors que la récession est déjà là ! Et je ne parlerai pas de l’impact de cette hausse de TVA sur les contributeurs les plus modestes, les chômeurs et les retraités.
En 2007, le Président de la République s’engageait solennellement à « n’accepter aucune augmentation de la TVA qui pourrait avoir pour effet de réduire le pouvoir d’achat des Français ».
Mesdames et messieurs les ministres, ma question est très simple : allez-vous renier cet engagement pris par le Président de la République devant les Français ? Allez-vous faire payer les plus modestes pour les cadeaux qui ont été consentis aux plus aisés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Alain Gournac s’exclame.)
Mme Nicole Bricq. Ils vont le faire !
M. le président. La parole est à Mme la ministre du budget.
Mme Valérie Pécresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur François Marc, vous posez en fait de nombreuses questions. (M. Alain Néri s’exclame.)
Tout d’abord, je vous informe qu’un sommet sur la crise réunira prochainement l’ensemble des partenaires sociaux. Cette rencontre sera extrêmement importante pour notre pays. Ne comptez donc pas sur le Gouvernement pour anticiper les conclusions de ce sommet. (Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.) Vous faites des supputations sur les décisions qui seront prises.
La seule chose que je peux vous dire aujourd'hui, c’est que, pour nous, la première des injustices, la première des menaces pour le pouvoir d’achat, c’est le chômage. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. Ça y est, elle a trouvé la poule aux œufs d’or !
M. Didier Boulaud. Elle a inventé le fil à couper le beurre !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Je parle sous le contrôle du ministre du travail, Xavier Bertrand. Ce sommet sera l’occasion d’évoquer toutes les mesures qui pourraient être prises en termes de compétitivité et d’emploi ainsi que de soutien au chômage partiel.
Au-delà, se pose aujourd'hui la question de la compétitivité de l’économie française. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est Manuel Valls. (Ah ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Todeschini. Oui ! Il est temps de changer de gouvernement !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Puisque vous aimez citer les bons auteurs, permettez-moi de citer le porte-parole de François Hollande.
M. Jean-Marc Todeschini. Parlez en votre nom !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Il a déclaré : « Qui douterait de l’effet bénéfique sur la compétitivité des entreprises françaises de l’instauration d’une TVA sociale ? » (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Francis Delattre. Cela, ça fait mal !
M. Alain Néri. Parlez-nous plutôt de l’augmentation du chômage !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Le but de la TVA sociale est de diminuer le coût du travail. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Aujourd'hui, le travail coûte beaucoup plus cher dans notre pays que dans les principaux pays dont nous importons les produits.
Est-ce juste, monsieur François Marc, que l’essentiel de nos dépenses de solidarité soient prélevées sur les salaires et qu’elles pèsent par conséquent sur l’emploi ? (M. Didier Boulaud s’exclame.)
M. Jean-Marc Todeschini. Répondez à la question posée par notre collègue François Marc !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Est-ce juste, monsieur François Marc, que tous les produits importés des pays à bas coûts de production ne participent pas au financement de notre protection sociale ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Non, ce n’est pas juste !
Ce qui serait juste, c’est que les importations participent à notre protection sociale et à nos dépenses de solidarité. Ce qui serait juste, c’est que le coût du travail et des produits baisse et que nous exportions.
Monsieur François Marc, 7 millions de Français travaillent pour l’exportation.
M. Didier Boulaud. Et les millions de chômeurs qui vous appartiennent !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous voulons aujourd'hui rétablir le dynamisme de nos exportations, faire baisser le coût de nos produits, produire en France, ne pas délocaliser. C’est cela, notre politique ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP. – Plusieurs sénateurs de l'UCR applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur de nombreuses travées de l’UMP.)
M. Philippe Bas. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et elle porte sur la sûreté nucléaire.
Nous avons en France dans ce domaine des exigences qui sont parmi les plus élevées au monde et en Europe. C’est vrai pour la construction de nos centrales, pour leur exploitation et leur maintenance ainsi que pour la formation des personnels.
Nous accompagnons bien sûr cet effort par un grand effort de recherche, afin que la sûreté soit la plus élevée possible dans le domaine du nucléaire.
En 2006, Jacques Chirac, alors Président de la République, a voulu la création d’une Autorité de sûreté nucléaire afin de renforcer encore cette sûreté. (M. Gaëtan Gorce s’exclame.)
Après le tsunami japonais, et compte tenu des conséquences qu’il a eues sur la centrale nucléaire de Fukushima, le Premier ministre a immédiatement réagi en demandant à cette Autorité de réaliser un audit général sur nos centrales.
Cet audit a récemment été rendu public. La démarche intellectuelle utilisée par l’Autorité de sûreté nucléaire est fondée sur le doute critique. C’est une méthode collégiale. L’Autorité de sûreté nucléaire n’est pas là pour rassurer, elle n’est pas là non plus pour inquiéter : elle est là pour dire la vérité, en l’état actuel des connaissances.
Si le rapport de l’Autorité de sûreté nucléaire conforte le sentiment que nous avons concernant la sécurité de nos installations, il comporte également un certain nombre de préconisations. Je souhaite, comme l’intention en a déjà été manifestée, que celles-ci soient intégralement suivies, comme c’est le cas par exemple pour la construction de l’EPR de Flamanville dans le département dont je suis élu.
Ma question est simple ; d’ailleurs, elle est double. (M. Alain Néri s’exclame.) Tout d’abord, pouvez-vous nous confirmer que le Gouvernement a bien l’intention de suivre ces préconisations ? Ensuite, puisque les débats fleurissent sur ce sujet, disposez-vous d’une évaluation sur le coût de la mise en œuvre de ces recommandations et savez-vous si la compétitivité de notre électricité nucléaire sera maintenue après la réalisation des travaux ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur de nombreuses travées de l’UCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement. Monsieur Philippe Bas, vous évoquez les audits post-Fukushima commandés par le Premier ministre à l’Autorité de sûreté nucléaire.
Le maître mot de ces audits a été la transparence, laquelle est assurée par le Haut Conseil pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, et elle est garantie par tous les experts, qu’ils soient nationaux – l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – ou étrangers, qui ont participé à toutes les étapes.
Les rapports ont été rendus publics. Ils concluent au maintien en activité de toutes nos installations, ce qui prouve que les investissements réalisés en matière de sûreté au fil des années ont été de qualité. Ils concluent également à la nécessité d’investir encore, de surinvestir peut-être, afin de pouvoir faire face à de nouveaux risques, qui ont été mis en lumière par la catastrophe de Fukushima. Il s’agit notamment du risque de dévastation complète d’un site, y compris du fait d’aléas qui n’auraient pas été imaginés.
Les préconisations de l’Autorité de sûreté nucléaire, monsieur le sénateur, seront intégralement mises en œuvre. Le Gouvernement s’y est engagé. Nous avons déjà réuni les exploitants afin de préciser le calendrier avec eux. Certaines préconisations dépendent directement du Gouvernement. C’est notamment le cas de l’arrêté sur la sûreté dans les installations nucléaires de base. Celui-ci précise notamment les conditions de recours à la sous-traitance, interdit par exemple pour la surveillance de travaux critiques pour la sûreté d’un site. Cet arrêté sera publié d’ici à un mois.
Certaines prescriptions dépendent de l’Autorité de sûreté nucléaire, qui publiera ses arrêtés dans les mois qui viennent.
Vous m’interrogez également sur le coût des travaux. Il est vrai qu’il s’agit de chantiers importants. Ainsi, l’Autorité de sûreté nucléaire demande un diesel d’ultime secours pour chacun des réacteurs : de tels travaux, qui seront nécessaires sur tous les sites, demanderont plusieurs années.
D’autres travaux pourront être réalisés plus rapidement. La force d’action rapide nucléaire, qui pourrait intervenir en cas de détresse complète sur un site, sera opérationnelle d’ici à la fin de l’année 2012 pour deux réacteurs d’un coup et d’ici à 2014 pour six réacteurs d’un coup – la plus grosse centrale française, celle de Gravelines, compte six réacteurs.
Je ne suis pas aujourd'hui en mesure de vous indiquer le coût exact de ces travaux. Ce que je peux vous dire en revanche, c’est que le Gouvernement entend qu’ils soient intégralement réalisés.
Si un exploitant trouvait des travaux trop chers, il lui reviendrait de faire le choix de fermer une installation. Nous ne ferons pas de marchandage entre le coût des travaux et la sûreté nucléaire. En effet, la sûreté nucléaire prime tout !
Néanmoins, nous nous attendons à ce que le coût de ces travaux atteigne plusieurs milliards d’euros. Les exploitants seront en mesure de nous apporter des précisions à cet égard à la fin du mois de juin. J’indique que 10 milliards d’euros de travaux correspondent environ à 2 euros par mégawattheure, soit moins de 2 % de la facture d’électricité.
Enfin, à la fin du mois de janvier, à la demande du Président de la République, la Cour des comptes rendra public un audit sur l’ensemble des coûts de la filière du nucléaire, y compris le démantèlement. Il sera alors possible de procéder à toutes comparaisons. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)
justice
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani. (M. Claude Dilain applaudit.)
M. Alain Anziani. Ma question s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Monsieur le garde des sceaux, voilà quelques mois, en novembre 2010, la Cour européenne des droits de l’homme jugeait que les membres du parquet français ne pouvaient pas être considérés comme des magistrats indépendants.
Il y a moins d’un an, Jean-Louis Nadal, procureur général près la Cour de Cassation, suggérait de « couper tout lien entre l’échelon politique et le parquet, en ce qui concerne les nominations ».
Il y a quelques semaines, les trois quarts des procureurs appelaient à donner plus de moyens à la justice et à rendre le parquet indépendant du pouvoir exécutif.
Monsieur le garde des sceaux, le monde judiciaire ne supporte plus l’image de partialité, qu’elle traîne comme un boulet. Cette image s’est notamment forgée à Nanterre, où l’un des quarante-neuf procureurs nommés contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature avait refusé de désigner un juge d’instruction dans l’affaire Bettencourt.
L’opinion ne comprend plus cette confusion des genres, où l’on voit ce même procureur espionner illégalement deux journalistes du Monde ! Un nouvel épisode vient d’ailleurs d’avoir lieu : le ministre de l’intérieur veut actionner le ministère public contre un député…
Le mercato de Noël n’a pas conduit à améliorer cette image : on a assisté, cinq mois avant l’élection présidentielle, à la nomination de quatorze des trente-cinq procureurs généraux. Votre directeur de cabinet lui-même, monsieur le garde des sceaux, a été installé à la tête du parquet de Paris, où il suivra les affaires sensibles, notamment l’affaire de Karachi.
Monsieur le procureur (Rires.), monsieur le garde des sceaux, voulais-je dire, quoique vous ayez toutes les qualités d’un procureur (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), ma question est simple : pourquoi tant d’obstination à refuser l’indépendance des magistrats du parquet ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC. – M. Jacques Mézard applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le sénateur Anziani, souvenons-nous du mot de Talleyrand : « Tout ce qui est excessif est insignifiant ». (Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Vous venez d’en donner un bel exemple ! (M. Bernard Piras s’exclame.) Monsieur Piras, je vous en prie.
Je tiens à rappeler un certain nombre de choses.
Tout d’abord, les membres du parquet sont des magistrats, comme l’indique l’article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de le rappeler à plusieurs reprises, dans des décisions extrêmement récentes.
Ce sont en outre des magistrats à part entière, qui exercent leur métier en toute indépendance. Cela, personne ne peut le mettre en doute. (M. Collombat s’esclaffe.) Vous avez encore la capacité d’en rire, et c’est très bien.
M. Pierre-Yves Collombat. C’est mieux que d’en pleurer !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Ce que je dis est pourtant la vérité, et vous seriez bien incapable de prouver le contraire. (Oh ! sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
L’article 64 de la Constitution prévoit expressément que le Conseil supérieur de la magistrature, le CSM, est chargé d’assister le Président de la République dans son rôle de garant de l’indépendance de la justice.
C’est bien le gouvernement actuel et sa majorité qui ont réformé le CSM.
M. Alain Néri. Et vous dites ça sans rire !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Désormais, le CSM n’est plus présidé par le Président de la République. Il est présidé par le premier président de la Cour de cassation dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du siège, et par le procureur général près la Cour de cassation dans sa formation compétente à l’égard des magistrats du parquet.
Le CSM fonctionne.
M. Gaëtan Gorce. Mais vous ne suivez pas ses avis !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Nous en avons changé la composition, la présidence et la compétence.
M. Alain Néri. Vous ne suivez pas ses avis, monsieur le garde des sceaux !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je tiens en effet à rappeler que c’est le gouvernement actuel, et non la gauche, qui a donné compétence au CSM pour émettre un avis sur la nomination des avocats généraux à la Cour de cassation. J’ai même décidé de consulter le CSM pour la nomination de l’inspecteur général des services judicaires, alors que rien n’était prévu dans les textes.
En outre, j’ai veillé à ce que les avis du CSM soient toujours suivis.
M. Alain Néri. Oh !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Toujours ! Vous ne disposez d’aucun exemple prouvant le contraire !
M. David Assouline. Tout ce qui est excessif est insignifiant, monsieur le garde des sceaux !
M. Bernard Piras. Vous ne suivez jamais les avis du CSM ! Vous n’avez pas de mémoire !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. J’ai une très bonne mémoire, monsieur Piras. Depuis que je suis garde des sceaux, les avis du CSM ont toujours été suivis. Si vous avez un seul exemple où tel n’a pas été le cas, donnez-le ! Ce que vous avancez est faux, et vous le savez bien ! (M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de l’UMP applaudissent.)
L’indépendance des magistrats du parquet est donc assurée. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)
La question de l’indépendance de la justice n’est pas qu’institutionnelle. Elle repose aussi sur la façon dont on traite la justice. En faire un sujet de débat dans la campagne électorale, c’est normal.
M. David Assouline. Ce n’est pas une réponse, c’est un discours !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. En revanche, l’instrumentaliser – option que vous avez choisie –, c’est nier l’indépendance de la justice ! (M. Vincent Capo-Canellas et plusieurs sénateurs de l’UMP applaudissent de nouveau. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
travail
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Elle concerne la réduction du chômage.
M. Serge Dassault. Je voudrais rappeler qu’une entreprise n’embauche que si elle a du travail, et qu’elle est obligée de licencier si elle n’a plus de commandes. Elle risque sinon de faire faillite et de licencier tout son personnel. Si elle pense qu’elle aura des difficultés pour licencier lorsque ses commandes diminueront, elle n’embauchera pas.
C’est le cas aujourd’hui.
M. Jean-Jacques Mirassou. Même pour le Rafale ?
M. Serge Dassault. De nombreuses entreprises qui ont du travail ne veulent pas embaucher par crainte de l’avenir. Cette rigidité de l’emploi est en réalité source de chômage, car elle dissuade les entreprises d’embaucher.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je voudrais vous proposer d’introduire une certaine flexibilité de l’emploi (Mme Éliane Assassi et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.) en facilitant l’utilisation des contrats de mission précise, afin de permettre aux entreprises d’embaucher pour la durée d’exécution de ladite mission.
M. Alain Néri. La précarité de l’emploi !
M. Serge Dassault. Mon cher collègue, je vous en prie. Ces contrats devront être conclus directement entre l’entreprise et les salariés.
Avec la généralisation de ces contrats de mission, de nombreuses entreprises embaucheront immédiatement – c’est bien ce que veut la gauche, n’est-ce pas ? –, notamment les artisans et les PME, et le chômage diminuera. Ces entreprises n’attendent que cela.
Mme Annie David. Et la dignité de l’emploi ?
M. Serge Dassault. Ces contrats de mission sont utilisés dans de nombreux pays, comme les Pays-Bas, qui ont un taux de chômage de 4,5 %, et la Norvège, laquelle a un taux de chômage de 3,5 %, contre 9,5 % en France !
Il vaut mieux trouver un emploi de mission,…
M. Alain Néri. Ce sont des contrats précaires !
M. Serge Dassault. … qui d’ailleurs peut durer longtemps si la mission est renouvelée, que ne pas trouver du tout de travail et rester au chômage.
L’inexistence de ces contrats de mission est une des raisons expliquant le taux de chômage élevé en France. Je souhaite donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous en pensez. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Tasca. Du mal !
M. le président. La parole est à M. le ministre du travail.
M. Alain Néri. Et de la précarité !
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le sénateur Dassault, le contrat de mission, c’est le CDD à objet défini, qui a été mis en place par la loi en 2008, à la suite d’un accord national interprofessionnel.
Ce contrat est expérimenté pour une durée de cinq années, jusqu’en 2013. On le constate, il apporte des solutions dans de nombreuses situations. (Mme Bernadette Bourzai s’exclame.) Il permet d’introduire la flexibilité et la souplesse nécessaires. Il faut d’ailleurs bien reconnaître que le marché du travail français a besoin de sécurité et de flexibilité, les deux simultanément. Les débats sur la « flexisécurité » ont souvent mentionné l’une sans parler de l’autre.
La souplesse, on le voit, est indispensable.
Une étude récemment parue montre que la France est le pays qui compte le moins d’heures travaillées en Europe, juste devant la Finlande. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Encore un article du Figaro, comme par hasard !
M. Didier Boulaud. Cette étude est tirée du « Figaro-Dassault » !
M. Alain Néri. Travailler plus pour gagner plus !
M. Xavier Bertrand, ministre. Si, malgré ce classement, la France a réussi à tenir, c’est grâce à sa productivité sans pareille. Mais celle-ci ne suffira plus, à l’avenir. Il faudra aussi de la compétitivité. Cela passe par la réforme du financement de la protection sociale, avec une priorité : l’emploi, l’emploi, toujours l’emploi. (M. Alain Néri s’exclame.)
M. Didier Boulaud. M. Dassault ferait mieux de vendre des Rafale !
M. Xavier Bertrand, ministre. Les entreprises devront également, tout en gardant les garanties offertes par la loi, pouvoir bénéficier de davantage de souplesse. C’est l’idée sur laquelle reposent les accords « compétitivité-emploi », qui permettront aux entreprises d’adapter le temps de travail à la conjoncture économique, en accord avec les salariés et leurs représentants.
Il n’y a que ceux qui croient encore à la lutte des classes…
M. David Assouline. C’est vous qui y croyez !
M. Xavier Bertrand, ministre. … qui pensent que l’on ne peut pas dialoguer dans l’entreprise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Or on peut le faire ! Cette souplesse permettra aussi de progresser dans les années qui viennent. Toutes ces idées, nous les portons dans le débat. Cela dit, il est vrai qu’on n’est pas embarrassé par les idées de la gauche en matière de lutte contre le chômage, c’est le moins que l’on puisse dire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Vous préférez écouter les conseils d’un « multimilliardaire sur fonds publics » !
M. Xavier Bertrand, ministre. Hier, pour la première fois, M. Hollande a été clair. Il a déclaré que, pour lutter contre le chômage, il était impératif de développer le chômage partiel et, surtout, de former les demandeurs d’emploi. Il a dû écouter l’intervention du Président de la République le 31 décembre, pour reprendre les mêmes idées. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Didier Boulaud. Ce n’était pas le père Noël, ce soir-là !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il a aussi dû s’inspirer des propositions du Gouvernement, pour travailler sur ces questions.
Une chose est sûre : certains sont déjà en campagne, alors que nous, nous agissons pour les Français et pour faire reculer le chômage. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également. – Exclamations et marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Gillot.
Mme Dominique Gillot. Ma question s'adresse au chef du Gouvernement.
Ces dernières semaines, plusieurs ministres se sont évertués à ériger la politique universitaire en exemple de réussite du bilan Sarkozy.
La réforme de l’Université était votre priorité, pour « rendre l’enseignement supérieur plus compétitif ». Mais, comme dans d’autres domaines, les promesses n’ont pas été tenues, et, aujourd’hui, vous abusez les Français pour cacher ce qui est symbole de reniements, de mensonges et d’échecs. (M. Hugues Portelli s’exclame.)
Alors que le Gouvernement se vante d’avoir sanctuarisé le budget de l’enseignement supérieur, avec une démographie étudiante en croissance et de nouvelles obligations contractuelles, ce budget ne suit même pas l’inflation ! Le candidat Sarkozy promettait pourtant de l’accroître de 1 milliard d’euros par an pendant cinq ans !
M. Didier Boulaud. Eh oui !
Mme Dominique Gillot. Cette insuffisance de dotation débouche sur des gels de recrutements, voire des suppressions de postes et de filières par centaines.
De nombreux paramètres décidés sur le plan national échappent à la maîtrise budgétaire des responsables d’université.
Et, loin de les rendre autonomes, votre manière de faire prend leurs présidents en otage. Ou bien ils défendent leurs établissements et ils sont mis à l’index public, ou bien ils font des coupes claires que vous leur imposez sournoisement et ils sont instruments de vos basses œuvres. Dans les deux cas, ils sont humiliés.
La communauté étudiante est en voie de paupérisation accélérée. Ainsi, 40 % des étudiants renoncent à se faire soigner faute de moyens.
La mise en place du dixième mois de bourse, juste prise en compte de l’allongement de la scolarité, occulte la baisse de tous les autres dispositifs d’aide et d’accompagnement.
Et votre projet de TVA sociale appauvrira encore plus les étudiants, en grevant leur maigre pouvoir d’achat !
Faute de moyens, les CROUS, les Centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires, ne peuvent pas répondre aux besoins de logement étudiant, et ils devront augmenter les loyers dans les résidences universitaires pour compenser la baisse de leurs ressources.
Quant à « l’opération Campus », il est établi aujourd’hui que seul 1 % des crédits alloués ont été dépensés !
Enfin, comment qualifier l’effet désastreux de la circulaire Guéant, qui s’attaque aux étudiants étrangers ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Vous le savez, cette stigmatisation scandaleuse, traduite par une application administrative abusive et contraire à la loi de 2006, une loi défendue par le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy lui-même, est en rupture avec la tradition intellectuelle française. (Même mouvement.)
M. David Assouline. Eh oui !
Mme Dominique Gillot. Au détriment de l’efficacité économique et diplomatique, vous mettez en place une restriction des flux migratoires des élites de ces pays, qui croient encore en la France, condamnant ainsi notre pays à rétrécir dans l’imaginaire de la communauté internationale.
Alors, de grâce ! Dans les cent jours qui vous restent, n’aggravez pas la situation !
Quand allez-vous abroger purement et simplement la circulaire Guéant, qui entache l’honneur de la France ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite d’abord répondre à M. Alain Anziani, qui me reprochait de solliciter le garde des sceaux pour exercer des poursuites contre l’auteur d’une diffamation.
Monsieur le sénateur, je ne crée pas un usage de droit extraordinaire ; j’applique simplement la loi, qui prévoit de passer par le garde des sceaux afin de poursuivre les auteurs de diffamation !
Mme Gillot a interpellé le Gouvernement sur les universités. Je le rappelle, c’est un effort sans précédent (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. Didier Boulaud. Un effort de baratin sans précédent !
M. Claude Guéant, ministre. … qui a été réalisé en faveur de la promotion des universités depuis 2007.
Mme Dominique Gillot. C’est faux !
M. Claude Guéant, ministre. L’autonomie des universités était un principe de fonctionnement attendu par la totalité des universités !
M. Jean-Pierre Michel. N’importe quoi !
M. Claude Guéant, ministre. Et, je dois le dire, c’est pour nous un grand plaisir d’entendre aujourd'hui tous les présidents d’université exprimer leur satisfaction de pouvoir bénéficier de cette autonomie…
Mme Dominique Gillot. Ils sont menottés !
M. Claude Guéant, ministre. … et choisir leurs professeurs ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
Il suffit de les écouter : tous, quelles que soient leurs préférences politiques, le disent !
M. Jean-Pierre Michel. C’est faux !
M. Claude Guéant, ministre. Les présidents d’université sont désormais maîtres du destin de leur établissement, avec le conseil d’administration. D’ailleurs, ils demandent même plus d’autonomie.
Vous avez aussi évoqué le plan Campus.
Mme Dominique Gillot. Seulement 1 % des fonds ont été utilisés !
M. Claude Guéant, ministre. Il est vrai que les procédures ont pu occasionner quelques retards dans la mise en œuvre du dispositif. Mais il n’empêche que ce plan aboutira à une rénovation de la consistance physique de nos universités. (M. Didier Boulaud s’exclame.) Enfin, nous aurons de l’interdisciplinarité ! Enfin, nous aurons une vie culturelle grâce à la rénovation de l’immobilier universitaire ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Songeons aussi au programme de grands investissements. Les universités en profiteront largement ; les deux tiers du programme iront à l’université et à la recherche !
Mme Dominique Gillot. C’est faux !
M. Claude Guéant, ministre. Ne niez pas l’évidence : c’est la réalité des chiffres !
De même, l’augmentation des crédits des universités année après année a été considérable. Le budget de l’enseignement supérieur n’a pas été sanctuarisé ; il a été augmenté d’année en année !
J’en viens à la circulaire dite « sur les étudiants étrangers ».
M. Didier Boulaud. La circulaire Guéant !
M. Claude Guéant, ministre. Au risque de vous décevoir, je vous informe que la circulaire du 31 mai – beaucoup de personnes la commentent, mais très peu l’ont lue ! – ne porte absolument pas sur les étudiants étrangers. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Elle concerne l’immigration professionnelle ! (Même mouvement.)
Un sénateur du groupe socialiste. Menteur !
M. Claude Guéant, ministre. Et si elle fait allusion, il est vrai, aux étudiants étrangers, c’est simplement pour rappeler deux droits qui sont les leurs. D’une part, la situation de l’emploi ne leur est pas opposable. D’autre part, la loi de 2006 leur permet de changer de statut et de devenir des salariés pour acquérir une première expérience professionnelle et bénéficier ensuite d’un autre titre de séjour, afin de poursuivre leur expérience. La circulaire n’apporte aucune restriction à ces droits.
Il n’en demeure pas moins que les présidents d’université, les directeurs d’école ont effectivement fait part de ce que certaines demandes n’avaient pas été suivies d’avis positif. (Mme Dominique Gillot s’exclame.) Sans doute y a-t-il d’ailleurs une raison à cela. La tonalité restrictive de la circulaire en matière d’immigration professionnelle, que je ne renie pas, a pu entraîner des décisions trop rigoureuses.
C'est la raison pour laquelle une nouvelle circulaire est en cours de préparation. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Elle sera signée aujourd'hui ou demain. Cette circulaire, qui portera uniquement sur les diplômés étrangers, rappellera les droits spécifiques des étudiants étrangers ; elle rappellera également que la nécessaire maîtrise de l’immigration professionnelle ne doit pas porter préjudice à nos entreprises, ni à l’attractivité de notre enseignement supérieur. (Mme Dominique Gillot s’exclame.)
Aussi, la circulaire exposera un certain nombre de principes qui guideront l’action des préfectures, afin que les décisions prises soient conformes à la volonté du Gouvernement. Et cette volonté, c’est effectivement de développer l’attractivité de notre enseignement supérieur vis-à-vis de l’étranger.
Mme Dominique Gillot. C’est raté !
M. Didier Boulaud. Encore raté !
M. Claude Guéant, ministre. L’an dernier, nous avions 60 000 étudiants étrangers, soit 50 % de plus que trois ans auparavant. Et les changements de statut sont en augmentation de 20 % d’une année sur l’autre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UCR.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Nomination de membres d’éventuelles commissions mixtes paritaires
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d’une part, de la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives et, d’autre part, du projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle, il va être procédé à la nomination des membres de ces commissions mixtes paritaires.
Les listes des candidats ont été affichées ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, ces listes sont ratifiées et je proclame représentants du Sénat à ces éventuelles commissions mixtes paritaires :
Pour la proposition de loi relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Michel, Jacques Mézard, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Procaccia, MM. Antoine Lefèvre et Yves Détraigne ;
Suppléants : M. Martial Bourquin, Mme Nicole Bricq, MM. Michel Delebarre, Claude Domeizel, Hervé Maurey, André Reichardt et Bernard Saugey.
Et pour le projet de loi organique relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle :
Titulaires : MM. Jean-Pierre Sueur, Gaëtan Gorce, Michel Delebarre, Mme Éliane Assassi, MM. Jean-Jacques Hyest, François-Noël Buffet et Yves Détraigne ;
Suppléants : MM. Alain Anziani, Pierre-Yves Collombat, Félix Desplan, Patrice Gélard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle et M. François Zocchetto.
Ces nominations prendront effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de ces commissions mixtes paritaires et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
7
Organismes extraparlementaires
M. le président. J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de sénateurs appelés à siéger au sein de plusieurs organismes extraparlementaires.
Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite :
- la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à présenter une candidature pour siéger au sein du conseil d’administration de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger ;
- la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale à présenter trois candidatures pour siéger respectivement au sein du conseil d’administration du Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres, au sein de la Commission consultative des archives audiovisuelles de la justice et au sein du Conseil national de l’aménagement et du développement du territoire ;
- et la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour siéger au sein de la Commission consultative de suivi des conséquences des essais nucléaires.
Les nominations au sein de ces organismes extraparlementaires auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.
8
Remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle
Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle.
Article unique (suite)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’amendement n° 9, au sein de l’article unique.
L'amendement n° 9, présenté par MM. Hyest, Gélard, Reichardt et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Mes collègues André Reichardt et Jean-Jacques Hyest s’étant déjà exprimés sur ce point ce matin, je vous présenterai brièvement l’amendement que le groupe UMP a déposé sur ce projet de loi.
Nous souhaitons la suppression d’une disposition introduite en commission des lois relative au principe selon lequel un candidat détenant un mandat électif ne doit pas tirer profit de ce même mandat pour la conduite de sa campagne.
Nous ne sommes naturellement pas défavorables au principe en tant que tel, mais celui-ci est déjà énoncé dans le code électoral. Cette disposition est donc superflue.
Mes chers collègues, faisons preuve d’un peu de raison : avons-nous besoin de réaffirmer en permanence des principes de notre droit alors même qu’une partie de notre travail vise à introduire plus de lisibilité et d’intelligibilité dans nos normes ?
Cette réforme est une réforme d’économie. Il ne s’agit pas de remettre en cause les principes qui président à l’organisation et au fonctionnement de l’élection présidentielle, à quatre mois des prochaines échéances.
Notre objectif, qui est celui que le Gouvernement a présenté ce matin, est de maîtriser les dépenses publiques ; cette préoccupation passe aussi par la maîtrise des dépenses de campagne électorale.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement, qui tend à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article unique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Au préalable, je veux saluer la présence d’un nouveau représentant du Gouvernement dans ce débat. La commission est ravie de profiter de la polyvalence des ministres autour du ministre de l’intérieur sur ces sujets...
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. En effet, il lui paraît indispensable de rappeler dans la loi un principe que le Conseil constitutionnel a tendance à oublier, à savoir l’obligation pour les candidats détenteurs d’un mandat électif de ne pas utiliser les moyens procurés par ce mandat pour la conduite de leur campagne.
Certes, une telle obligation figure dans les principes qui sont généralement applicables. Cependant, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence dans laquelle il considère que tout cela peut être excusé, ce qui est bien sûr la porte ouverte à un certain nombre de comportements non satisfaisants tant du point de vue éthique que par rapport à l’équilibre de la campagne et de son financement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Ayant eu la chance de remplacer le ministre Claude Guéant à l’Assemblée nationale lors du débat sur ce texte, je suis heureux de pouvoir, pour la fin de ce débat, accomplir le même exercice, ici, au Sénat. Je remercie M. le rapporteur d’avoir bien voulu rappeler la cohérence de l’équipe ministérielle autour du ministre de l’intérieur. (Sourires.)
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 9 présenté par Colette Mélot.
Notre position a toujours été constante sur ce point. Le Sénat a pour habitude de supprimer de tous les textes, qu’ils soient d’origine parlementaire ou gouvernementale, les précisions inutiles et redondantes. Cela permet d’éviter les ajouts visant à confirmer des dispositions existantes ou les infléchissements déjà précisés.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement me paraît pertinent, les dispositions qu’il vise à abroger n’étant pas fondamentales.
Toutefois, je ne le voterai pas pour une raison de procédure. En effet, je ne souhaite surtout pas que le texte soit voté conforme.
Le vrai problème – je l’ai évoqué ce matin et je continuerai à le faire – est celui de l’instrumentalisation des parrainages pour empêcher les petits candidats de se présenter. En ne votant pas cet amendement, le texte ne sera pas voté conforme et, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le débat sur les parrainages pourra très largement continuer à avoir lieu. Et vous pouvez compter sur moi pour y participer lorsque ce point sera de nouveau abordé !
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote sur l'article unique.
M. Jean Louis Masson. Je voterai contre cet article unique.
Je suis partisan d’une baisse des plafonds des dépenses électorales et des remboursements pour l’élection présidentielle.
En pleine crise économique, il est anormal que des sommes colossales soient dépensées par les candidats des deux grands partis politiques, d’autant que les remboursements de l’État sont importants.
Dans l’esprit, cet article me convient, mais l’économie réalisée est ridicule. Ce n’est pas en diminuant le remboursement de 2,5 % que l’on relèvera le budget de la France. Il eût mieux valu réduire d’un tiers le montant du plafond des dépenses autorisées, ce qui aurait diminué d’autant le montant des remboursements de l’État !
M. le président. Je mets aux voix l'article unique, modifié.
(L'article unique est adopté.)
Articles additionnels après l'article unique
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil constitutionnel inclut également dans la liste des candidats toute personne présentée par un parti ou groupement politique qui a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour de la dernière élection législative. Ce pourcentage est calculé sur la base des déclarations de rattachement des candidats à l’élection des députés prévues au cinquième alinéa de l’article 9 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Ce matin, certains collègues, notamment M. Hyest, mais également plusieurs membres du groupe socialiste, ont développé l’idée selon laquelle l’actuel système de parrainage permettrait d’éviter les candidatures fantaisistes.
Je le dis très clairement : moi aussi, je suis opposé aux candidatures fantaisistes lors de l’élection présidentielle. Néanmoins, le système des parrainages, je l’ai expliqué au cours de la matinée, n’empêche pas de telles candidatures. Il vise, en réalité, seulement à empêcher la candidature de personnes tout à fait sérieuses et représentatives de courants politiques mais dont on cherche à se débarrasser par le biais de pressions et d’intimidations.
Si l’on veut justement empêcher les candidatures fantaisistes, la meilleure solution consiste à réserver la présentation de candidats à des partis politiques qui ont prouvé, lors d’élections antérieures, leur caractère représentatif. C’est pourquoi j’ai proposé cet amendement n° 2.
Il convient, certes, d’éviter une multiplication anarchique des candidatures aux élections présidentielles, mais il faut aussi veiller à ne pas empêcher pour autant les courants de pensée représentatifs d’avoir leur candidat. Or, depuis que la liste des parrainages est rendue publique, on constate que les candidats les plus représentatifs ne sont pas ceux qui rassemblent le plus facilement les parrainages nécessaires.
Ainsi, en 2002, malgré le filtre des parrainages, il y a eu seize candidats. Parmi eux, neuf ont obtenu moins de 5 % des suffrages exprimés.
M. Gluckstein est arrivé bon dernier, avec seulement 0,47 %, soit 132 686 voix sur 28 498 471. Bien que sa représentativité ait été quasi nulle si l’on en juge aux résultats, il avait pourtant obtenu très rapidement et très facilement les parrainages requis et en avait même recueilli beaucoup plus que nécessaire.
M. Le Pen est, lui, arrivé deuxième au premier tour de l’élection présidentielle avec 4 804 713 voix, soit 16,86 % des suffrages exprimés. À titre indicatif, je précise que M. Le Pen avait recueilli trente-six fois plus de voix que M. Gluckstein. Or, malgré cette représentativité incontestable, il avait rencontré d’énormes difficultés pour rassembler les signatures et n’avait finalement que quelques parrainages d’avance au-delà des 500 requis.
Le présent amendement prévoit donc qu’à titre alternatif tout parti peut présenter un candidat s’il a obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés lors du premier tour des précédentes élections législatives.
La référence, serait, par exemple, l’affiliation des candidats aux élections législatives dans le cadre de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, d’abord parce que son objet dépasse le cadre du débat qui nous réunit. Par ailleurs, il nous paraît difficile de fonder une candidature sur des éléments aussi fluctuants, aussi mouvants que les résultats obtenus aux élections législatives précédentes, sachant que les partis peuvent changer de dénomination ou d’affiliation, voire disparaître, et que l’on ne peut pas non plus encourager, même si certains connaissent parfaitement la loi et savent l’utiliser, les micro-partis dans un dispositif comme celui-ci.
Pour toutes ces raisons, il me semble que le Gouvernement devrait pouvoir suivre le rapporteur et la majorité du Sénat dans leur rejet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Avec toute l’amitié que je vous porte, monsieur Masson, je me dois de dire que le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, comme il le sera aux autres amendements portant article additionnel que vous avez déposés après l’article unique. Vous me permettrez de vous apporter une réponse globale qui vaudra pour l’ensemble.
Tout d’abord, l’objet de ces amendements est étranger au texte que nous examinons aujourd’hui. Il ne s’agit pas, à l’occasion d’un débat sur le remboursement des dépenses de campagne de l’élection présidentielle, d’examiner l’ensemble des conditions que les candidats à l’élection présidentielle doivent remplir. À quelques mois de l’échéance, il est difficile de modifier les critères et les conditions qui permettent d’être candidat à l’élection présidentielle.
Donc, tout en comprenant vos préoccupations et les arguments que vous avez exposés, monsieur Masson, je pense que votre proposition n’a pas de lien direct avec le sujet que nous examinons et que, de toute façon, l’échéance présidentielle est trop proche pour que nous envisagions la modification des critères de candidature.
Enfin, je souligne que, à titre personnel, je suis très attaché non seulement à l’obligation de recueil des 500 signatures mais aussi à celle de publication de la liste, car la diffusion des noms des parrains entre aussi dans les critères de jugement.
Le Gouvernement est donc défavorable aux différents amendements déposés par M. Masson.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. Il n’est pas normal que l’auteur de l’amendement puisse aussi expliquer son vote !
M. le président. Notre règlement le permet, monsieur Michel.
M. Jean-Pierre Michel, vice-président de la commission des lois. C’est un mauvais règlement !
M. le président. Si c’est ce que vous pensez de notre règlement, il vous appartient de le changer, cher collègue !
Vous avez la parole, monsieur Masson.
M. Jean Louis Masson. Monsieur Michel, les sénateurs non inscrits ont déjà beaucoup moins de possibilités d’expression que les sénateurs qui font partie de groupes politiques. Ainsi, comme cela s’est produit ce matin, les non-inscrits n’ont, certes, pas la possibilité de s’exprimer sur une motion de renvoi à la commission, mais ils ne peuvent pas le faire davantage sur une motion tendant à opposer la question préalable. Alors, monsieur Michel, si vous voulez que les sénateurs non inscrits ne puissent plus s’exprimer, dites-le ! Nous pouvons aussi ne plus venir au Sénat et le problème sera réglé !
J’en viens au reproche qui m’a été fait : le sujet serait par trop éloigné du texte que nous examinons. Monsieur le rapporteur, il ne faut pas exagérer. Ce matin, vous et vos amis avez présenté des amendements qui n’avaient strictement rien à voir avec le remboursement des frais de campagne présidentielle, puisqu’il s’agissait, entre autres, de saisir le Conseil constitutionnel des comptes d’un candidat. On ne peut, à dix heures, affirmer que telle proposition ressortit au débat et, à seize heures, adopter une position exactement inverse parce que l’amendement présenté ne plaît pas !
Par ailleurs, monsieur le rapporteur, mon amendement ne s’applique pas du tout aux micro-partis : vous savez très bien qu’ils n’atteignent jamais 5 % des suffrages ; en tout cas, je n’en connais pas d’exemple. Donc, c’est peut-être faire preuve de méchanceté ou se placer au deuxième degré que d’évoquer ici les micro-partis, car en aucune manière mon amendement ne s’appliquerait à ces micro-partis. Par conséquent, ce n’est pas un argument convaincant.
Quant à soutenir, comme vous l’avez fait, monsieur le ministre, que mon amendement est étranger au sujet, il n’est que de le relire pour constater qu’il concerne l’article 3 de la loi de 1962, c’est-à-dire précisément l’article que tend à modifier le présent projet de loi organique…
Si, quand un projet de loi modifie l’article d’une loi existante, on ne peut pas présenter un amendement pour modifier le même article de la même loi, là aussi, on peut se poser des questions ! Dans ces conditions, il serait pertinent que le Gouvernement s’interdise de proposer, contrairement à ce qu’il a fait à de multiples occasions, des amendements qui non seulement ne concernent pas tel article du texte en discussion, mais sont même parfois étrangers au texte lui-même !
Dites plutôt que vous désapprouvez l’amendement, que vous voulez maintenir le système des parrainages publics en tant que moyen de faire pression sur les maires, mais n’utilisez pas de faux arguments !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Masson.
L'amendement n° 12 est présenté par M. Beaumont.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est supprimé.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour défendre l’amendement n° 3.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement vise à supprimer purement et simplement l’alinéa relatif à la publication de la liste des parrainages, de sorte que ladite publication ne soit ni imposée ni interdite.
Ce qui est complètement aberrant dans les parrainages, et le Conseil constitutionnel l’a d’ailleurs bien noté, c’est que l’on en publie 500. Pour prendre l’exemple de mon département, j’ai appelé les maires à parrainer un petit candidat, M. Dupont-Aignan. Si ce dernier recueille 510 parrainages et que mon nom figure dans les dix derniers, il ne sera pas publié. Les maires se demanderont alors pourquoi je leur ai demandé de parrainer ce candidat, alors que je ne figure pas sur la liste publiée. Ou bien on publie tous les noms ou bien on n’en publie aucun ; c’est d’ailleurs la position du Conseil constitutionnel, qu’il a réitérée à de nombreuses reprises.
La publication de la liste des parrainages des candidats à l’élection présidentielle porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.
Dans ses observations sur l’élection présidentielle de 2002, le Conseil constitutionnel a relevé l’existence de pressions exercées sur des élus habilités à présenter un candidat « par divers groupements politiques ou associatifs pour les en dissuader ». Par conséquent, officiellement, urbi et orbi, on reconnaît que des pressions sont exercées, qui sont tout de même quelque peu contraires à la démocratie.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a estimé que, si une partie des noms des signataires de parrainage doit être publiée – 500 noms par candidat retenu –, il serait alors plus cohérent de publier intégralement la liste des parrains de chaque candidat.
En abrogeant l’alinéa en cause de la loi du 6 novembre 1962, le présent amendement a pour but de laisser au Conseil constitutionnel une appréciation d’opportunité pour soit ne publier aucun des parrainages, soit à défaut en publier la liste complète.
M. le président. L’amendement n° 12 n’est pas soutenu.
L'amendement n° 1, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa du I de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est ainsi rédigé :
« Le Conseil constitutionnel ne rend pas publics les noms des citoyens qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement constitue le socle de ma démarche ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle je l’avais placé en tête de mes propositions, mais, mystère de l’organisation de notre discussion, il figure plus loin sur le dérouleur.
Comme je l’ai longuement évoqué ce matin, la publication de la liste des parrainages des candidats aux élections présidentielles porte atteinte au secret d’une partie du processus électoral et, par contrecoup, à la liberté du vote. Il ne sert à rien en effet de prévoir un vote secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publication des parrainages permet des pressions pour écarter certaines candidatures.
Des milliers de maires et autres parrains potentiels déplorent le détournement de la procédure des parrainages. En effet, le but officiel est d’éviter la multiplication des candidatures marginales ou fantaisistes. Cependant, depuis que la liste des parrains est publique, les grands partis politiques et les médias font croire à l’opinion que le parrainage est un soutien politique.
De ce fait, en 2002 et en 2007, de multiples pressions ont été exercées, qu’il s’agisse de chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, de chantage aux subventions du conseil général ou des intercommunalités, ou d’exactions diverses contre les parrains de candidats d’extrême droite ou de candidats d’extrême gauche.
Pis, alors que le système actuel des parrainages n’empêche pas les candidatures fantaisistes ou marginales, il risque d’exclure des courants de pensée figurant parmi les plus importants.
Le présent amendement tend donc à rétablir le principe du secret des parrainages afin d’éviter toute possibilité de pressions ou de représailles sur des parrains potentiels.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 3 et 1 ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements pour les raisons que j’ai précédemment indiquées, mais que je reprends.
D’abord, ils ne sont pas directement en rapport avec l’objet du projet de loi organique.
Ensuite, il ne nous semble pas opportun de modifier le principe de publicité des parrainages dans la mesure où chaque parrain sollicité est titulaire d’une fonction élective. Il est donc amené à assumer une responsabilité devant ses électeurs et, au regard même de la fonction qui est la sienne, il paraît logique qu’il puisse l’assumer publiquement et que le Conseil constitutionnel puisse en tirer, dans la limite du nombre de parrainages nécessaires, les conséquences en publiant les éléments.
Par ailleurs, j’ai rappelé tout à l’heure que tous les moyens juridiques répressifs existaient pour combattre d’éventuelles pressions.
J’ajouterai enfin, comme je l’ai déjà fait ce matin, me référant au général de Gaulle et à la Ve République – référence à laquelle M. Masson ne pourra qu’être sensible – que je doute que le général de Gaulle à l’époque, qui n’appartenait à aucun parti, ait pu éprouver la moindre difficulté à obtenir des parrainages. À partir de là, je suis totalement rassuré sur le système : le fait qu’un homme qui se situait, comme lui, dans l’histoire, mais hors de la vie politique traditionnelle et des partis, pouvait se présenter sans le soutien d’un grand parti, en tout cas au départ, me laisse penser qu’aujourd’hui nous avons un dispositif satisfaisant.
Ceux qui ne parviennent pas à trouver de parrainages ont sans doute beaucoup de mérites, mais ils n’en ont pas suffisamment aux yeux des Français !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Conformément aux explications que j’ai données sur l’amendement n° 2, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 3 et 1.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Gilbert Roger. C’est l’heure de gloire de notre collègue !
M. Jean Louis Masson. Je ne suis pas venu pour rien ! (Sourires.)
M. le rapporteur a pris l’exemple du général de Gaulle, que je respecte. Mais il avait de nombreux partisans, aussi cet argument me paraît-il fallacieux.
Pour moi, le problème est clair : nous sommes à peu près dans l’Union soviétique de Brejnev ou dans l’Égypte de Moubarak ! L’un et l’autre pays connaissaient des élections présidentielles, mais des contraintes étaient exercées sur les candidats pour les empêcher de se présenter. C’est notamment ce qui se passait en Égypte : les personnes qui auraient pu soutenir les candidats de l’opposition étaient soumises à une véritable répression, ce qui interdisait aux candidats de recueillir des voix. Grand seigneur, M. Moubarak laissait se présenter trois ou quatre petits candidats farfelus, qui lui servaient d’alibi pour faire croire que l’élection était bien démocratique, alors que tout le monde savait qu’elle était en réalité biaisée.
Chez nous, la situation est similaire. J’ai pris ce matin l’exemple de M. Cantona. Comme il ne dérange personne, on ne reprochera pas au maire de Trifouillis-les-Oies de lui accorder son parrainage. En apparence, on peut donc signer pour le candidat de son choix, Dupont ou Durand. Mais que le même maire accorde sa signature à un candidat qui est susceptible de faire de l’ombre aux deux partis majoritaires, et c’est alors tout le système répressif qui se met en branle, notamment par le jeu des subventions, sans parler des associations qui manifestent et des personnes plus ou moins dérangées qui injurient les maires ou se livrent à des déprédations sur leur domicile, comme j’en ai donné des exemples ce matin.
Cessons d’être hypocrites ! Des pressions sont exercées, et le Conseil constitutionnel l’a lui-même reconnu. Alors, que l’on ne vienne pas me dire que ce n’est pas vrai et que tout va très bien dans notre démocratie où chacun peut voter pour qui il veut. Est-on réellement encore en démocratie quand, pour être candidat à une élection, il faut passer le filtre des parrainages et que les parrains potentiels peuvent être exposés à des contraintes physiques ou à du chantage ?
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai mon amendement n° 1 !
Quant à l’amendement n° 3, je l’ai déposé parce que je suis féru de ces questions et je signale que, loin d’être une élucubration de ma part, il correspond à une demande ancienne du Conseil constitutionnel. Le Conseil a en effet estimé qu’il était anormal que seuls les noms des 500 premiers parrains soient publiés, et non l’intégralité.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.
M. Pierre-Yves Collombat. Ce n’est pas moi qui reprocherai à M. Masson de vouloir « aérer » la démocratie ! Mais je voudrais formuler un certain nombre d’observations.
D’abord, même si nous avons un ministre de l’intérieur « musclé », ce n’est tout de même pas M. Moubarak !
Par ailleurs, en politique, notamment lorsque l’on est maire, il faut avoir le courage de ses opinions. La présidentielle est une élection très particulière. Il est vrai que la multiplication des candidats, si représentatifs soient-ils, est une déviation du système : se présenter à l’élection présidentielle devient finalement un moyen de faire parler de soi pour beaucoup de ces petits candidats.
Enfin, les objections soulevées par M. Masson à l’encontre des parrainages ne sont pas nulles, mais ses amendements auraient aussi des effets pervers. Un seul de ses arguments me semble satisfaisant : puisque des parrainages sont rendus publics, ce que j’estime nécessaire - que des parrains soient secrets serait tout de même assez bizarre -, autant rendre publique l’intégralité des noms sans opérer de sélection.
Je ne soutiendrai pas ces amendements car, je le répète, les avantages qu’ils apporteraient seraient annulés par les effets pervers qui en découleraient.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura tenté d’empêcher un élu de présenter un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d’emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans ».
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Effectivement, le système français et celui de M. Moubarak ne sont pas similaires : en Égypte, c’était à l’époque directement le ministère de l’intérieur qui exerçait les pressions, alors qu’en France on laisse faire des associations diverses ou des élus…
M. Pierre-Yves Collombat. Il faut les envoyer paître !
M. Jean Louis Masson. Ce n’est donc pas le pouvoir qui, en France, exerce des pressions sur les parrains potentiels - et elles peuvent aller jusqu’aux intimidations physiques ou aux exactions, on est alors très loin de la politique -, mais le résultat est bien le même, et il n’est pas admissible.
J’en viens à la présentation de mon amendement. Dans le régime qui est le nôtre, l’élection tient une place si importante et toute falsification en la matière est si grave qu’un article spécifique du code électoral sanctionne les auteurs de pressions sur les électeurs.
Mais rien n’est spécifiquement prévu pour sanctionner les pressions exercées sur les parrains des candidats. On me rétorquera que ces derniers peuvent toujours porter plainte s’ils ont été menacés. Mais quand on voit les suites données aux plaintes déposées, on sait à quoi s’en tenir. Pour que la plainte ait des chances sérieuses d’aboutir et que des poursuites puissent être engagées, il est nécessaire qu’un article similaire à celui punissant les auteurs de pressions sur les électeurs soit inséré dans le code électoral concernant cette fois les auteurs de pressions sur les parrains. En l’absence d’un tel article dans le code électoral, c’est le droit commun qui s’applique, mais cela ne donne pas le même niveau de dissuasion ou de répression.
Dans ses observations sur les élections présidentielles de 2002, le Conseil constitutionnel a donc lui-même reconnu l’existence de pressions exercées sur des élus habilités à présenter un candidat « par divers groupements politiques ou associatifs pour les en dissuader ». Il ne s’agit hélas pas d’un cas particulier et de nombreuses exactions à l’encontre des maires sont à déplorer. Je reprends des exemples que j’ai déjà cités : ce sont notamment des menaces de chasseurs à l’encontre des parrains d’un candidat écologiste, le chantage aux subventions départementales ou des exactions diverses contre de parrains de candidats d’extrême droite ou d’extrême gauche.
Ces pratiques ont tendance à se reproduire, ce qui est inacceptable, car elles constituent des atteintes intolérables à la liberté des élus. Il ne sert à rien que le vote soit secret pour empêcher les pressions sur les électeurs si, dans le même temps, la publicité des parrainages permet des pressions pour empêcher certaines candidatures.
Or des sanctions pénales sont prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs afin de dénaturer l’expression du suffrage universel. La moindre des choses serait qu’il y en ait aussi à l’encontre de ceux qui, par des pressions ou des représailles, essayent d’influencer les parrainages à l’élection présidentielle.
Là aussi, c’est la sincérité du suffrage universel qui est en jeu !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Je comprends que M. Masson, en bon disciple de Cervantes, dont je suis un fervent lecteur, mène une croisade sur ces questions avec autant d’enthousiasme et de passion. (Sourires.)
Tout comme lui, on ne peut qu’être choqué par les faits qu’il dénonce, mais le propos aurait plus de portée s’il était étayé par des exemples concrets que notre collègue pourrait d’autant mieux dénoncer, y compris à cette tribune, qu’il aurait fait en sorte que les victimes, et je ne doute pas qu’elles existent, saisissent la justice.
Monsieur Masson, vous nous poussez à introduire dans notre législation des dispositions nouvelles pour lutter contre des pratiques dont vous avez connaissance, alors même que ces dernières peuvent déjà être sanctionnées par le droit pénal. Il est bien évidemment nécessaire de respecter l’indépendance des maires concernés, mais ne pourrions-nous faire l’économie d’un long débat juridique ? D’autant que votre amendement est rédigé de telle sorte qu’il peut induire un certain nombre de confusions quant à l’appréciation que l’on peut porter sur le rôle des élus et sur ceux qui exercent des pressions comme sur ceux qui prétendent en recevoir.
Vous évoquez ainsi dans votre amendement des « voies de fait », une notion juridiquement mal définie, ou, plus préoccupant, « des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages ». Or associer ces faveurs ou ces avantages à l’exercice d’un mandat public pourrait aussi relever d’une qualification pénale, qu’il s’agisse de les octroyer ou de les refuser. Le libellé de l’amendement présente donc un risque de confusion qui rendrait difficile le travail du juge, pour ne prendre que ces exemples.
Nous pourrions tous nous satisfaire que le Gouvernement rappelle avec fermeté sa volonté de faire respecter l’indépendance des élus appelés à accorder leur parrainage et de mobiliser la justice autour de ces thèmes.
Nous partageons vos objectifs, mon cher collègue, mais nous n’estimons pas nécessaire d’introduire dans le texte de la loi organique des dispositions dont vous ne m’en voudrez pas de dire qu’elles sont manifestement mal rédigées ou, à tout le moins, qu’elles posent un problème de rédaction et qui, sur le fond, pourraient, me semble-t-il, nous entraîner au-delà de ce qui est nécessaire.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 4.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur Masson, avec vos amendements nos 4 et 5, vous revenez sur deux thèmes : d’une part, les pressions sur les parrains potentiels et, d’autre part, les représailles exercées par une formation politique ou par un individu à l’encontre d’élus ayant parrainé un candidat qui déplairait aux uns ou aux autres.
Comme l’a appelé de ses vœux M. le rapporteur, le Gouvernement tient à rappeler que ces pratiques sont absolument inadmissibles dans une République comme la nôtre, qui se doit d’être irréprochable en la matière et qui, comparée à de nombreux autres régimes, l’est bel et bien. Si dérive il y a, elles peuvent et doivent, le cas échéant, être sanctionnées par les procédures traditionnelles, par exemple par les sanctions de droit commun prévues à l’article 433-3 du code pénal.
Encore faut-il pour cela qu’une plainte soit déposée et qu’une procédure soit engagée : cela permettrait de couper court à tous les débats que nous voyons prospérer et que vous relayez ici concernant des cas de pressions, faits qui méritent bien évidemment d’être punis.
Nous devons montrer de manière exemplaire que les élus qui s’expriment par ces parrainages peuvent le faire de façon très libre. Pour autant, il ne me paraît pas nécessaire de revenir sur la publicité des noms des parrains ou sur les modalités de fonctionnement du parrainage, qui sont bien rodées.
Cela a été rappelé, parmi toutes les candidatures à l’élection présidentielle, on voit bien que certaines ne sont pas destinées à aller jusqu’au scrutin, qu’elles ont simplement pour objet soit de porter un sujet, lequel peut être important, soit de permettre au candidat de faire parler de lui. Les procédures actuelles sont satisfaisantes et doivent être maintenues.
Au surplus, la question que vous avez soulevée, monsieur Masson, n’a pas vraiment de lien avec l’objet de ce projet de loi organique, qui est le remboursement des frais exposés pour la campagne présidentielle.
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Les uns et les autres, vous utilisez l’argument de la multiplicité des candidatures. Mais sortons de l’hypocrisie : la publication des noms des parrains ne vise pas les maires qui accordent leur signature à des candidatures farfelues, comme celle de M. Cantona ou – pourquoi pas ? – celle de M. Ribéry. Personne n’ira manifester devant la mairie de l’élu qui aura accordé son parrainage à l’un de ces candidats-là !
Ceux que, au travers de la publicité des parrainages, on essaie d’empêcher de se présenter sont, au contraire, des candidats sérieux ayant une légitimité électorale forte dans l’opinion publique.
Oui, il faut sortir de l’hypocrisie : ce sont non pas les candidats farfelus que l’on cherche à écarter, mais de vrais candidats, qui représentent un courant d’idées, mais n’appartiennent à aucun des deux partis dominants. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)
Monsieur le rapporteur, assez de double langage ! Vous soutenez que je ne cite pas d’exemples. Mais, ce matin, j’en ai cité deux ! S’agissant de mon canton, j’ai même cité le nom de la commune, celui du maire et l’article de presse dans lequel ce dernier s’est encore exprimé il y a un mois pour alerter sur le fait qu’il avait été l’objet de menaces, de pressions et d’injures.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Il n’a qu’à porter plainte !
M. Jean Louis Masson. Or, qu’a fait le procureur de la République ? Rien !
Dans les Hautes-Pyrénées, en 2007, les chasseurs ont peint en rouge – ou en vert, je ne sais plus – l’hôtel de ville d’une commune dont le maire avait accepté de parrainer la candidate écologiste. C’était, notamment, au moment de la réintroduction des ours… Dans mon canton, il s’agissait d’un maire qui avait accordé sa signature à M. Le Pen.
Or, là non plus, il n’y a eu aucune réaction : le code électoral ne contenant pas de dispositions sanctionnant spécifiquement les pressions exercées sur les parrains, on ne fait rien, à moins que quelqu’un ait été tué ou blessé. J’estime pour ma part qu’il devrait s’agir d’une procédure d’ordre public.
Pour que le système soit véritablement dissuasif, il est nécessaire de prévoir un dispositif spécial, à l’instar de celui qui existe pour les pressions sur les électeurs, qui est d’ordre public ; je pense que la moindre des choses serait de nous doter du même dispositif pour réprimer les pressions exercées sur les parrains, et de ne pas se contenter de renvoyer au droit pénal classique.
C'est la raison pour laquelle je voterai mon amendement, ce qui ne vous surprendra pas ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Après l’article unique
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le III de l’article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Quiconque, par des menaces ou des voies de fait, par des promesses d’octroi ou de refus de subventions, de faveurs ou d’autres avantages y compris de nature politique ou électorale, aura exercé des représailles a posteriori, à l’encontre d’un élu au motif qu’il aurait présenté un candidat aux élections présidentielles, sera puni de trois ans d’emprisonnement et privé de ses droits civiques pendant cinq ans. »
La parole est à M. Jean Louis Masson.
M. Jean Louis Masson. Cet amendement est le complément du précédent. Il concerne cette fois, non pas les simples menaces avant la signature, mais l’exercice de représailles, pratique qui tend à se développer. Il convient donc de réagir.
Des sanctions pénales étant prévues à l’encontre des personnes qui exercent des pressions sur les électeurs afin de dénaturer l’expression du suffrage universel, le fait d’exercer des représailles a posteriori à l’encontre des parrains devrait également relever d’un article spécifique du code électoral.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Exclamations.)
M. Jacky Le Menn. Cela nous manquait presque !
M. Jean Louis Masson. Ce matin, certains collègues ont déclaré que je faisais perdre du temps au Sénat. Or je ne fais que défendre mes idées !
On peut ne pas partager mon point de vue, mais j’ai tout de même le droit de le présenter et de m’exprimer !
M. le président. Ce droit ne vous est pas contesté, mon cher collègue !
M. Jean Louis Masson. Peut-être, au Sénat, où les partis dominants sont largement majoritaires, mon point de vue est-il « microscopiquement » minoritaire, mais, si l’on élargit la focale, je suis certainement loin d’être isolé : la situation actuelle scandalise non seulement des maires et des élus municipaux mais aussi nos concitoyens et l’opinion publique !
En d’autres termes, monsieur le président, je maintiens mon amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne suis pas surpris du résultat du débat d’aujourd'hui. Comprenez toutefois que l’avis majoritaire qu’expriment dans cette enceinte les grands partis, aussi bien de droite que de gauche, ne correspond pas du tout à ma philosophie de la démocratie !
Voter ce texte signifie que l’on est content du statu quo et que l’on estime le système actuel démocratique et honnête. Mais, je l’affirme, le système actuel n’est pas honnête ; il n’est pas transparent ; il ne correspond pas à l’idée d’un suffrage universel indépendant telle qu’elle a été développée en France depuis la Révolution.
Je voterai donc contre ce projet de loi organique.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avais au départ l’intention de voter contre ce texte.
En effet, je trouve tout à fait dérisoire de mobiliser le Sénat pour de micro-économies, d’autant plus que le discours consistant à vouloir faire des économies à tout prix en oubliant que les dépenses des uns sont les recettes des autres est parfaitement absurde.
En outre, une économie qui fonctionne à l’économie crée du chômage, ce qui me gêne fort.
Cela dit, depuis ce matin, nous avons apporté plus que des perfectionnements de détail au présent projet de loi organique. Un certain nombre d’amendements, sur lesquels je ne souhaite pas revenir à cette heure, ont été adoptés, permettant que le texte – en l’état – améliore le dispositif en vigueur. Peut-être pourra-t-on le perfectionner encore sur le problème des parrainages…
En tout cas, le texte ne sortira pas du Sénat comme il y était entré. C'est la raison pour laquelle, avec l’essentiel des membres du groupe du RDSE, je le voterai.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé mon collègue Yves Détraigne lors de la discussion générale, le groupe de l’Union centriste et républicaine était et reste favorable à la version initiale du présent projet de loi organique.
Chacun le sait, le texte dont nous venons de discuter n’était que le prolongement du dernier projet de loi de finances.
On pouvait relever deux limites à ce projet de loi organique : d’une part, l’économie qui sera réalisée grâce au plafonnement est modeste, puisque, dans le meilleur des cas, elle ne s’élèvera qu’à 3,6 millions d’euros ; d’autre part, le principe du plafonnement n’était pas la norme idéale de maîtrise de la hausse des frais de campagne.
Pour autant, ce texte avait le mérite de s’inscrire dans le cadre des engagements pris par le Premier ministre le 8 novembre dernier, lors de l’annonce du plan de sauvegarde des finances publiques. L’enjeu était surtout symbolique, mais aurait-on compris que l’élection présidentielle reste en dehors de l’effort général de maîtrise des finances publiques ?
Ne nous trompons pas sur le sens de ce texte : il s’agissait de demander aux candidats de faire un effort de mesure et de retenue, et non de réinventer l’élection présidentielle à trois mois du scrutin. En effet, ni le format du présent véhicule législatif, ni le calendrier ne sont appropriés pour traiter d’un sujet aussi large et aussi complexe.
Convenons-en, il mériterait un véritable débat public national et un travail de fond que l’engagement de la procédure accélérée ne nous permet pas, alors que s’ouvre l’année électorale.
C’est pourtant l’exercice auquel la majorité sénatoriale a souhaité se livrer, pour un résultat, de notre point de vue, imparfait.
À la lumière de ces différents motifs, vous comprendrez que nous ne pouvons nous satisfaire du texte qui sortira des travaux du Sénat. Si nous sommes favorables à l’effort de solidarité demandé aux candidats, si nous partageons, pour une large part, les préoccupations exprimées par notre rapporteur, nous ne pouvons pas voter le présent projet de loi organique, en l’état.
Aussi, mes chers collègues, les sénateurs du groupe de l’Union centriste et républicaine ne prendront pas part au vote.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. J’ai indiqué ce que mon groupe pensait de ce texte lors de la discussion générale. En clôturant mon intervention, j’ai déclaré qu’il nous semblait « hypocrite » et démagogique, et que nous ne pouvions l’adopter en l’état.
Mais nous devons reconnaître que la discussion et le vote de certains amendements, présentés notamment par notre rapporteur, ont modifié ce texte dans un sens relativement intéressant.
Cela étant dit, et pour ne pas prolonger le débat, je ne reviendrai pas maintenant sur ce que mon groupe pense de l’élection présidentielle ; cela prendrait un certain temps… Sachez juste que, sur le fond, notre opinion reste la même, malgré les modifications qui auront été apportées à ce texte.
C'est la raison pour laquelle le groupe communiste s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.
M. Jean-Pierre Michel. Le groupe socialiste et le groupe écologiste voteront le projet de loi organique issu de nos travaux.
Ce dernier a été profondément modifié par la commission des lois, qui a suivi son rapporteur, notre collègue Gaëtan Gorce.
Si les mesures d’économies pour l’État ont été maintenues, d’autres éléments ont été ajoutés à ce texte, dont certains nous sont apparus comme particulièrement significatifs et méritant d’être soutenus.
Je comprends que l’un de nos collègues ne vote pas un texte qui, en la matière, fait faire des économies à l’État, forcément ! On se souvient que le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait prévu, dans le cadre du financement des partis politiques, un certain nombre de restrictions à l’attribution de la première fraction de l’aide publique. Évidemment, ceux qui ont essayé de contourner ces dispositions pour recueillir chaque année de l’argent de l’État ne sauraient être favorables à des mesures d’économies portant sur l’élection présidentielle …
M. le président. La parole est à M. Michel Magras.
M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la position que j’exprime ici au nom du groupe UMP est relativement simple.
Le groupe soutient très clairement l’initiative qu’a prise le Gouvernement en déposant un projet de loi organique visant à réduire les remboursements des dépenses de campagne présidentielle, lesquelles ne pouvaient être incluses dans le projet de loi de finances pour 2012, puisqu’une loi organique est nécessaire en la matière.
Ce texte entre dans le cadre du plan d’économies présenté par le Premier ministre en novembre dernier et comprenant deux mesures qui touchent au financement de la vie politique – et rien qu’au financement –, ce dont, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter.
Ainsi, les crédits de l’aide publique aux partis politiques prévus pour 2012 ont été réduits de 4 millions d’euros, pour être ramenés à environ 72 millions d’euros.
Le remboursement des dépenses de campagne électorale a été limité, ce qui devrait permettre d’économiser 4 millions d’euros en 2012.
Les plafonds de dépenses électorales sont gelés à leur niveau actuel, ce qui signifie que, tant que nos finances publiques n’auront pas été ramenées à l’équilibre, les plafonds de dépenses électorales applicables à chaque élection ne seront plus actualisés.
En outre, l’article 48 A du projet de loi de finances pour 2012, que nous avons adopté, réduit de 5 % le taux de remboursement forfaitaire par l’État des dépenses électorales.
Pour l’élection présidentielle, la réduction des remboursements des dépenses de campagne figure dans le texte que nous nous apprêtons à voter ; elle sera donc applicable dès la prochaine échéance électorale.
L’étude d’impact que vous nous avez présentée est fort intéressante, puisqu’elle estime à environ 3,7 millions d’euros en 2012 l’économie ainsi réalisée, ce qui n’est pas négligeable.
Le débat a permis d’aborder un certain nombre de sujets certes fondamentaux, mais que le groupe UMP estime déconnectés de l’objectif initial de cette réforme.
En effet, celle-ci a été présentée par le Gouvernement comme une réforme d’économie : il ne s’agissait donc pas de remettre en cause les principes qui régissent l’organisation de l’élection présidentielle.
Considérant donc que, à l’occasion du débat en commission et en séance publique, le texte a été pour l’essentiel détourné de son objectif strict, le groupe UMP, soutenant la mesure d’économie proposée par le Gouvernement, mais opposé aux diverses dispositions qui ont été introduites dans le texte, ne prendra pas part au vote.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Gaëtan Gorce, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite simplement rappeler que nous n’avions pas l’intention, au départ, de voter ce texte, dans la mesure où il nous semblait peu satisfaisant, motivé uniquement par un souci de réaliser des économies par ailleurs aléatoires.
Cependant, les différents amendements que nous avons pu introduire grâce au débat qui s’est déroulé dans l’hémicycle et aux travaux menés par la commission des lois nous permettent aujourd’hui de disposer d’un texte fournissant aux différents candidats une sorte de « guide » quant au comportement qu’ils doivent adopter, en particulier s’ils sont déjà titulaires d’un mandat électif. Les dispositions en question concernent tous les candidats sortants, qu’il s’agisse d’un président de conseil général ou d’un président de la République. Le chef de l’État se voit ainsi rappelé par notre assemblée qu’il est soumis, comme n’importe quel autre candidat, à l’obligation de ne pas utiliser les moyens que lui confère sa fonction à des fins électorales.
Ce point me semblait devoir être rappelé, à la fois pour la clarté des débats qui se dérouleront dans le cadre de la campagne présidentielle et dans un souci d’éthique au regard de nos concitoyens.
Par ailleurs, nous avons posé les fondements d’une véritable jurisprudence en matière de campagne présidentielle, puisqu’il sera désormais possible de saisir la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et le Conseil constitutionnel, pendant ou après la campagne, pour obtenir des précisions quant à l’imputabilité de certaines dépenses ou la régularité de certains comportements.
De telles dispositions sont, selon moi, également de nature à clarifier juridiquement un dispositif relatif au financement des campagnes présidentielles dont plusieurs d’entre nous ont rappelé qu’il était sans doute parmi les plus lâches de l’ensemble des dispositifs existants en la matière.
Cela a été dit, en effet, une élection à un conseil général ou à une mairie était jusqu’ici plus rigoureusement contrôlée, et les infractions plus sévèrement sanctionnées, qu’une élection présidentielle, ce qui était évidemment incompréhensible et, surtout, inacceptable.
Je considère donc que le travail de notre assemblée a permis d’améliorer véritablement le texte qui nous était soumis. Sans doute n’était-ce pas l’intention du Gouvernement d’aller aussi loin, puisque lui-même rencontre aujourd’hui des difficultés pour faire avancer des dispositifs aussi simples que ceux qui concernent, par exemple, la responsabilité pénale du chef de l’État et qui, si l’on en croit le même Gouvernement, feraient l’objet d’un consensus.
Pour notre part, nous avons réussi à faire avancer les choses, en saisissant l’occasion que nous fournissait le Gouvernement avec ce projet de loi organique, corollaire des dispositions qu’il avait fait introduire en loi de finances. Ce faisant, nous avons démontré à quel point le Sénat peut jouer un rôle utile.
J’espère que la commission mixte paritaire sera l’occasion d’un véritable échange et que la majorité de l’Assemblée nationale ne considérera pas qu’il suffit de revenir au texte antérieur pour que l’ensemble des questions très importantes soulevées dans notre hémicycle se trouvent du même coup réglées.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez bien compris, le Gouvernement n’avait pas l’intention de redéfinir, au travers de ce texte, les règles de fonctionnement de la Ve République, en particulier les prérogatives du chef de l’État, son statut pénal et les modalités de son élection.
Il s’agissait tout simplement, comme le rappelaient à l’instant Vincent Capo-Canellas et Michel Magras, de prévoir, pour l’élection présidentielle, le pendant des dispositions relatives aux autres élections déjà adoptées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012. Simplement, s’agissant de l’élection présidentielle, un projet de loi organique était nécessaire.
Sur un certain nombre de sujets, je ne le nie pas, le débat qui s’est tenu aujourd’hui a été intéressant. Je pense notamment aux amendements ou remarques émanant de M. Jean Louis Masson. Cependant, chacun l’aura bien compris, je me garderai de suivre Mme Éliane Assassi, qui a évoqué le rôle du chef de l’État, quand elle tente d’ouvrir ici le débat de savoir si nous sommes encore dans la Ve République, ou plutôt dans la VIe République, voire dans une Ve République révisée. Il me semble que nous sommes trop proches d’échéances électorales pour entamer ce vrai débat.
Le Gouvernement souhaitait simplement que les modalités de l’élection présidentielle, pour ce qui concerne le remboursement des frais engagés, soient placées sous la même rigueur que les autres élections.
Ce projet de loi organique a été soumis par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, qui en a débattu. Je regrette non pas tant les ajouts que vous y avez introduits, mesdames, messieurs les sénateurs, que la méthode, c’est-à-dire le fait que vous ayez saisi l’occasion de ce texte particulier. Le Gouvernement aurait souhaité en rester à l’épure initiale, en laissant de côté la définition d’un certain nombre de principes qui n’avaient pas vocation à figurer ici. Regrettant donc une telle situation, le Gouvernement espère cependant trouver les voies et moyens qui permettront de revenir à ce qu’il avait initialement conçu.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi organique.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 86 :
Nombre de votants | 175 |
Nombre de suffrages exprimés | 154 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 78 |
Pour l’adoption | 154 |
Le Sénat a adopté.
9
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 17 janvier 2012 :
À neuf heures trente :
1. Questions orales.
(Le texte des questions figure en annexe).
De quatorze heures trente à seize heures quarante-cinq :
2. Débat sur l’état des négociations internationales climatiques et les conclusions de la conférence de Durban.
De dix-sept heures à dix-sept heures quarante-cinq :
3. Questions cribles thématiques sur la fiscalité des collectivités territoriales.
À dix-huit heures et le soir :
4. Proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d’art de rétablissement des voies (n° 745 rectifié, 2010-2011).
Rapport de M. Christian Favier, fait au nom de la commission des lois (n° 71, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 72, 2011-2012).
5. Suite de la proposition de loi visant à étendre l’obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité (n° 56 rectifié, 2011-2012).
Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois (n° 144, 2011-2012).
Texte de la commission (n° 145, 2011-2012).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART