M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, afin de promouvoir et de relancer la voie d’eau, le Gouvernement avait déposé, à la fin du mois d’août dernier, un projet de loi sans doute nécessaire, mais très en retrait par rapport aux ambitions affichées.
En fait, ce texte est presque exclusivement destiné à restructurer Voies navigables de France, en regroupant les 4 400 agents de droit public employés par le ministère et les 400 salariés de droit privé de VNF au sein d’un même établissement public administratif.
Le dispositif du projet de loi, pour une large part issu d’accords signés au début de l’été dernier entre l’État et les organisations syndicales représentatives des personnels, s’attache pour l’essentiel à préciser le statut de ces derniers et à redéfinir les missions de VNF.
Après avoir été discuté par la Haute Assemblée au mois d’octobre, le projet de loi a été examiné par nos collègues députés le 15 décembre dernier.
Dans l’ensemble, nous nous en sommes tenus à ce qui avait été convenu avec les partenaires sociaux. En outre, les débats dans les deux chambres sont globalement allés dans le même sens, avec le même objectif de promotion et de relance de la voie d’eau. Ainsi, sur onze articles adoptés en première lecture par le Sénat, l’Assemblée nationale en a voté huit sans modification ; trois restent donc en discussion et trois nouveaux articles ont été introduits par les députés.
Concernant les nouvelles dispositions issues des travaux de l’Assemblée nationale, j’aimerais revenir sur le deuxième alinéa de l’article 4, qui a été introduit par le biais de l’adoption d’un amendement du Gouvernement. Cet ajout vise à permettre aux ports fluviaux appartenant à l’État, à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales situées sur des voies non transférables de mener des opérations de coopération transfrontalière. Ainsi, une véritable coopération transfrontalière rapprochant les ports de Mulhouse-Rhin, de Weil-am-Rhein et de Bâle sera juridiquement possible. Le Rhin étant la plus importante voie d’eau en Europe, une telle collaboration présente un grand intérêt pour le développement du transport fluvial en France, ainsi que pour le développement économique de la région. J’y suis donc très favorable.
Une question sensible a été particulièrement discutée lors des débats au Palais-Bourbon : celle du transfert du domaine public fluvial « en pleine propriété » à Voies navigables de France.
Je ne pense pas que nous soyons en mesure de rouvrir ce débat aujourd’hui, notamment parce que cela impliquerait d’aborder un certain nombre d’autres questions, telles que celles des financements et de la répartition des compétences ; nous n’aurions malheureusement pas le temps d’y répondre sérieusement. De surcroît, le projet de loi ne serait plus, alors, la traduction concrète de l’accord signé entre l’État et les partenaires sociaux. Ces derniers sont d’ailleurs fortement opposés à un tel transfert ; ils redoutent en effet que « des pans entiers du domaine public puissent être vendus ou bradés sans que le Parlement ou les élus aient leur mot à dire ».
Cependant, je considère qu’il ne faut pas écarter cette hypothèse d’un revers de la main. À mon sens, un tel transfert permettrait à VNF de jouer pleinement son rôle et de dynamiser la gestion de son domaine, ainsi que celle du trafic fluvial. La pleine propriété lui permettrait par exemple de consentir sur ses biens des droits réels susceptibles de constituer des sources de revenus non négligeables.
Une option consisterait à s’inspirer du régime du domaine dont la SNCF est affectataire. La SNCF a tous pouvoirs de gestion sur les biens immobiliers qui lui sont remis ou qu’elle acquiert. En pratique, elle assume tous les droits et toutes les obligations du propriétaire.
Je pense que ce même dispositif pourrait, le moment venu, être étendu à VNF. Cela mérite évidemment un large débat, dans le cadre de la préparation d’une future grande loi fluviale. On ne saurait considérer que le présent texte réponde à l’ensemble des questions relatives à la voie fluviale.
Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de revenir sur un sujet qui me tient à cœur : le statut du port autonome de Strasbourg.
Comme je vous l’ai indiqué lors de la première lecture, au mois d’octobre dernier, j’avais entamé, en tant que maire de Strasbourg, une discussion sur ce sujet avec le préfet. J’espérais pouvoir compter sur votre appui pour obtenir l’aide de l’État dans la mise en œuvre de ce projet, qui permettrait à notre port, véritable poumon économique de l’agglomération, de jouer pleinement son rôle et de développer ses activités. Depuis, vos services m’ont donné une réponse positive.
M. Roland Ries. S’il reste de nombreux points à discuter, je ne peux que m’en féliciter et vous en remercier.
M. Roland Ries. Tout à fait, monsieur le ministre !
Lors de la discussion générale du présent projet de loi à l’Assemblée nationale, vous avez en effet indiqué à mon collègue Antoine Herth que « le Gouvernement a confié au préfet d’Alsace la réalisation d’un plan directeur de bassin des ports fluviaux, en concertation avec les acteurs concernés : VNF, port de Strasbourg, collectivités locales et chambres de commerce ».
Une première réunion s’est tenue lundi dernier pour lancer le débat sur le sujet. Même si nous ne sommes qu’au début de la concertation, je me réjouis que la démarche ait été engagée.
En définitive, ce texte assez consensuel ne devrait pas poser de problème de principe au groupe socialiste du Sénat ; la suite du débat décidera de notre vote final. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le présent texte a fait l’objet d’une première lecture consensuelle dans chacune des deux assemblées. Cela est suffisamment rare pour être noté !
M. Roland Courteau. Cela arrive !
M. Louis Nègre. Je tiens tout d’abord à saluer le sens des responsabilités du président de la commission de l’économie, M. Daniel Raoul (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.), ainsi que le travail intense et remarquable du rapporteur, M. Francis Grignon.
Ce projet de loi a pour objet de moderniser l’actuel établissement public VNF, qui a été créé en 1991 par Michel Rocard mais dont la gouvernance et les missions doivent être redéfinies pour les adapter au monde actuel.
Un accord a été obtenu avec les syndicats des personnels du ministère de l’écologie sur la principale mesure de la réforme. Celle-ci est de bon sens et était attendue depuis longtemps par les acteurs du monde fluvial. Il ne semblait pas facile de la prendre, mais le Gouvernement y est finalement parvenu sans encombre.
Il s’agit du transfert à VNF de la gestion des personnels à statut public, relevant du ministère de l’écologie, affectés aux missions de service public liées à la voie fluviale : éclusiers, barragistes, ouvriers d’entretien des berges.
Prendre une telle mesure était délicat, voire courageux, mais cela était indispensable en termes de modernisation de l’État. Peut-être aurait-on pu souhaiter un texte sur la politique fluviale marqué par un peu plus d’ambition et de souffle, mais l’urgence était d’avancer en matière de gouvernance et d’élaborer un cadre propre à permettre de relancer le plus rapidement possible un secteur très important au regard du Grenelle de l’environnement et du transfert modal.
Il s’agit donc d’un projet de loi utile, visant à regrouper au sein d’un même établissement les 400 salariés de VNF, qui relèvent du droit privé, et les 4 400 agents de droit public affectés aux missions de service public liées à la voie d’eau.
Cependant, il est un sujet sur lequel l’État n’est guère à son avantage : celui de la propriété du domaine public fluvial.
Depuis 1991, la gestion de ce dernier est déléguée à VNF, qui dispose d’une latitude minimale. Par comparaison, RFF peut valoriser plus efficacement le domaine public ferroviaire, dont elle est pleinement propriétaire depuis 1997, même si son fonctionnement reste parfois trop bureaucratique.
Concernant le transfert du domaine public fluvial en pleine propriété à VNF, le Gouvernement n’a pas encore communiqué au Parlement le rapport qu’il devait pourtant lui remettre dans les six mois suivant la promulgation de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle I ».
Il est quelque peu étrange de traiter de gouvernance sans pouvoir aborder en toute connaissance de cause la question de la propriété du domaine public, mais le Gouvernement justifie cette méthode en invoquant le respect du contenu de l’accord signé avec les syndicats sur le transfert des personnels. Vouloir respecter la parole donnée est tout à votre honneur, monsieur le ministre ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
Je rappelle que la commission des lois de l’Assemblée nationale avait adopté à l’unanimité un amendement de notre collègue député Philippe Duron relatif au transfert de la propriété du domaine public fluvial. Cet amendement a été repoussé en séance publique, à la demande du Gouvernement. Sans doute faudra-t-il y revenir dans un deuxième temps.
Finalement, monsieur le ministre, il s’agit d’un texte consensuel, et je ne peux que m’en réjouir. Il est vrai que la discussion de ce projet de loi est concomitante de la mise en œuvre entre 2010 et 2013 d’un grand programme novateur d’investissements de 840 millions d’euros, destiné en priorité à assurer la modernisation du réseau à grand gabarit. Ce programme s’ajoute à la réalisation du canal Seine-Nord Europe, dont le coût est estimé à environ 4 milliards d’euros. Il s’agit d’un geste extrêmement fort de la part du Gouvernement.
La mise en œuvre du programme d’investissements par VNF aura également une incidence très positive sur les conditions de travail des agents, notamment en matière de sécurité : les barrages manuels seront progressivement remplacés et la remise en état des ateliers de travail, des bâtiments administratifs et des équipements de sécurité des ouvrages sera poursuivie.
Enfin, je tiens à m’associer pleinement à la proposition de mon collègue député UMP Alain Gest de créer une interprofession dans le secteur fluvial, car ce n’est qu’en rassemblant l’ensemble des acteurs que nous pourrons construire un projet partagé pour le développement de la voie d’eau.
M. Louis Nègre. Je constate que ce texte fait consensus, et je m’en félicite de nouveau. En conclusion, je voterai conforme ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc de la commission. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous présenter tous mes vœux pour cette année 2012, dont j’espère qu’elle sera marquée par un riche débat démocratique, un véritable débat de société. Cette nouvelle année doit, en tout état de cause, être une année de transition ; cela est nécessaire, voire vital. Comme l’a dit le doyen de notre assemblée le jour de l’élection du président Bel, « jamais les femmes et les hommes politiques n’ont eu devant eux une telle responsabilité ». Effectivement, notre responsabilité est énorme, et nombre de nos concitoyens jugent la mission impossible. Je leur répondrai en reprenant la citation de Mark Twain qui figurait dans le message de vœux de ma commune de Saint-Nolff : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »
Enfin, avant de clore ce préambule, je tiens à souligner que ce 11 janvier 2012 est un jour historique pour nous sénateurs écologistes, puisque nous formons désormais un groupe politique, certes minoritaire mais membre de la majorité sénatoriale.
J’en viens maintenant au texte que nous examinons aujourd’hui en deuxième lecture. Ce projet de loi vise à rénover et à optimiser l’organisation du service public de la voie d’eau, en vue d’une plus grande efficacité. Cependant, il se borne pour l’essentiel à regrouper au sein d’un unique établissement public administratif les 369 salariés de Voies navigables de France, gestionnaire de la majeure partie du réseau fluvial français, et les 4 400 agents des services déconcentrés de l’État chargés du service public de la navigation fluviale. Pour l’heure, 90 % des personnels concernés ne relèvent donc pas directement de l’autorité du gestionnaire du réseau fluvial.
Certes, de nombreuses raisons justifiaient une modification de ce modèle de gouvernance complexe : manque de lisibilité, défaut de légitimité de VNF source de difficultés sur le terrain… Ce texte est donc un préalable utile au développement de la voie d’eau en France. Il permettra de pallier des dysfonctionnements et de redonner de la cohérence à la gestion des voies navigables.
Le présent projet de loi a le mérite d’apporter une clarification, en précisant davantage le rôle et les compétences du nouvel établissement public administratif. De plus, en ce qui concerne les personnels, il a fait l’objet d’une concertation, ayant abouti à la signature d’un protocole d’accord avec les différentes organisations syndicales représentatives.
Cependant, la réforme proposée est loin d’être suffisante. Cela a été souligné à plusieurs reprises, le transport fluvial a la vertu d’être fiable, sûr et peu polluant. Il ne représente pourtant à l’heure actuelle que 4 % du fret dans notre pays. Des efforts considérables pour développer le fret fluvial doivent donc être consentis ; l’enjeu est fondamental en matière de développement durable. Il a d’ailleurs été prévu, dans le cadre du Grenelle de l’environnement, de faire progresser la part du fret non routier et non aérien de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022.
Certes, en 2010, pour la première fois depuis les années soixante-dix, notre trafic fluvial a représenté 8 milliards de tonnes-kilomètres, mais il faudrait le doubler d’ici à 2018 pour atteindre les objectifs du Grenelle de l’environnement. Selon VNF, la majorité des ouvrages dont il assure la gestion se trouvent dans un état d’entretien préoccupant : 54 % des écluses et 66 % des barrages présentent des risques de perte de fonctionnalité. Or la qualité du service est directement liée à l’état des ouvrages.
Vous avez annoncé 840 millions d’euros d’investissements sur la période 2010-2013, monsieur le ministre,…
M. Joël Labbé. … et le schéma national des infrastructures de transport prévoit l’affectation de 2,5 milliards d’euros aux voies fluviales d’ici à 2018. C’est là un premier pas, dont nous attendons qu’il trouve une traduction concrète, mais, eu égard aux besoins considérables de financement pour moderniser le réseau fluvial, cela reste insuffisant.
La situation actuelle témoigne d’un manque de volonté politique. Pourquoi avoir laissé péricliter le secteur fluvial ? Beaucoup ont refusé de voir en lui un atout majeur en vue de la mise en place d’une politique de transport ambitieuse, viable économiquement et plus respectueuse de l’environnement. La réforme que vous nous proposez aujourd’hui est uniquement organisationnelle. De plus, elle est fondée sur l’idée que le domaine public fluvial doit participer au financement des dépenses engendrées par son exploitation, quitte à segmenter le réseau selon la rentabilité économique de ses composantes. Or c’est bien là que le bât blesse : à quand une loi fluviale qui garantirait des moyens financiers, des investissements cohérents, fondés non plus sur la seule rentabilité, mais sur des objectifs de connexion entre les différentes voies et de coopération entre les ports ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Robert Navarro.
M. Robert Navarro. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte a été adopté en conseil des ministres le 31 août dernier. Nous en avons débattu ici, le 19 octobre, dans la précipitation, juste après les élections sénatoriales. Je préfère le dire d’emblée : ce projet de loi est à mes yeux un bon texte, car il permettra d’améliorer la gouvernance du transport fluvial en France.
Je le rappelle souvent, un convoi fluvial peut transporter plus de trois cent cinquante conteneurs, un train quatre-vingt et un poids lourd deux seulement !
M. Roland Courteau. En effet !
M. Robert Navarro. La question du développement du transport fluvial est donc essentielle : quiconque prétend s’intéresser à l’avenir de notre industrie, à la protection de l’environnement et à la situation économique de notre pays doit en tenir compte.
Face à la crise économique, à la désindustrialisation de notre territoire et à la montée du chômage, les transports dits « propres » constituent une part essentielle de la solution.
Par définition, la mondialisation donne une place stratégique aux réseaux de transport, artères vitales pour la circulation des biens et des marchandises. La France, si elle veut redevenir compétitive, doit comprendre cette évidence : investir dans le fluvial, mieux penser les liens entre le fluvial, le maritime et le ferroviaire, c’est augmenter l’attractivité de son territoire. Cela est essentiel pour rendre notre économie plus performante, pour faire reculer le chômage, pour enrichir et renforcer notre pays !
Sachant que les ressources, notamment énergétiques, sont limitées, nous devons anticiper sur l’avenir et investir dans des modes de transport économes en énergie.
Sachant que le réchauffement climatique est lié, en partie, aux activités de transport, nous devons préparer notre économie à recourir à des modes de transport efficaces et respectueux de l’environnement.
La massification de la desserte fluviale représente donc un enjeu économique, énergétique et écologique majeur pour la France.
Ce texte permettra un pas dans la bonne direction, en améliorant la gouvernance de VNF. Toutefois, en ce qui concerne les moyens, monsieur le ministre, il reste bien en deçà de ce qui est nécessaire pour améliorer la performance du transport fluvial.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Robert Navarro. Faire des économies budgétaires ne dispense pas de réfléchir ! Une bonne gestion consiste à développer les ressources financières, d’une part, et à dépenser intelligemment en vue de réaliser des investissements de long terme, d’autre part : dans ces deux domaines, le Gouvernement n’a, jusqu’à présent, nullement convaincu de ses capacités…
Le doublement des crédits attribués à VNF n’est qu’un bel effet d’annonce, un écran de fumée étant donné le montant du budget initial. Au regard du passif et du retard accumulés depuis des années, il s’agit d’une supercherie.
Afin de remédier à l’état lamentable de nos 8 500 kilomètres de voies navigables, dont 2 600 kilomètres sont dédiés au fret, un programme d’investissements de 840 millions d’euros sur la période 2010-2013 a également été annoncé. Vous me direz sans doute, monsieur le ministre, que la région Languedoc-Roussillon devrait s’estimer satisfaite d’avoir déjà bénéficié de 50 millions d’euros au titre de l’élargissement du canal du Rhône à Sète, ce dont je vous sais gré.
M. Robert Navarro. Cependant, les économies de bouts de chandelles réalisées ces dernières années sur l’entretien ont eu pour conséquence de faire exploser le coût d’une remise en état, aujourd’hui estimé à 2,5 milliards d’euros. Améliorer la gouvernance, c’est bien, mais il est surtout temps de construire !
Pour conclure, j’évoquerai à mon tour le canal du Midi, qui est un joyau du patrimoine de l’humanité.
Les collectivités territoriales en ont assez de payer à la place de l’État, monsieur le ministre. Il est inacceptable que celui-ci puisse envisager de limiter son effort financier à 30 % du montant de l’investissement nécessaire, en laissant le solde du financement à la charge des collectivités. Ce n’est pas sérieux ! Après le doublement de l’A9, le contournement de Nîmes et de Montpellier, l’élargissement du canal du Rhône à Sète, tous projets au financement desquels la région a contribué au côté de l’État, vous auriez pourtant pu réaliser un sans-faute en Languedoc-Roussillon. Je ne comprends pas que l’État n’assume pas pleinement son rôle en ce qui concerne le canal du Midi, ce trésor du patrimoine mondial ! Monsieur le ministre, dans l’intérêt de l’ensemble du pays, consentez pour lui le même effort que pour les autres projets que nous avons menés à bien ensemble dans ma région ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures cinquante-sept, est reprise à seize heures.)
M. Thierry Mariani, ministre. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement est, comme vous, très attaché au développement de la voie d’eau, tant au plan national qu’à l’échelon local.
M. Charles Revet. C’est très important !
M. Thierry Mariani, ministre. Le Gouvernement est convaincu que le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui est indispensable au développement du trafic fluvial, et donc au report modal que vous avez appelé de vos vœux lors de l’adoption unanime de la loi Grenelle I.
Nous sommes tous ici, quelles que soient nos sensibilités idéologiques, attachés à ce que ce mode de transport, historiquement très important, connaisse un second souffle et puisse voir sa pertinence économique et ses avantages environnementaux confortés. Il est en outre un outil patrimonial et d’aménagement du territoire de premier ordre, qu’il nous faut préserver. Mais pour apporter une réponse à la mesure de ces enjeux très importants, pour contribuer à la réalisation des objectifs du Grenelle de l’environnement, en particulier en matière de report modal, il nous faut désormais évoluer, comme l’ont souligné Mme Des Esgaulx et M. Nègre.
Le présent projet de loi s’inscrit dans un dispositif plus global de réforme et de relance de la voie d’eau. Ce texte marque une étape importante, et je partage le point de vue de M. Esnol sur l’intérêt de la réforme de la voie navigable.
Permettez-moi tout d’abord de souligner que le Gouvernement a décidé de consacrer des moyens tout à fait exceptionnels à cette politique, après des années, et même des décennies, de sous-investissement. Ces moyens permettront, monsieur Navarro, de répondre en particulier aux préoccupations que vous avez exprimées quant à l’état du réseau.
Le Parlement a voté une hausse très importante de la taxe hydraulique affectée à Voies navigables de France. Certes, dans le cadre de la loi de finances pour 2012, cette augmentation a été plafonnée, mais, je le souligne, les moyens alloués au transport fluvial n’ont jamais été aussi élevés dans notre pays. L’AFITF a accru les moyens consacrés à la voie d’eau et, alors que l’effort d’investissement était tombé à 50 millions d’euros par an avant les décisions du Gouvernement, le niveau d’investissement annuel dans le cadre de la relance a plus que triplé !
La relance de la voie d’eau passe par de grands investissements, comme l’a en particulier souligné M. Husson.
Il s’agit notamment, grâce à un contrat de partenariat dont VNF conduit l’attribution, de remplacer sur l’Aisne et sur la Meuse les vingt-neuf barrages à aiguilles du XIXe siècle par des barrages automatisés dignes du XXIe siècle.
Il s’agit également, dans le cadre de ce grand programme d’investissements, de réaliser le canal Seine-Nord Europe. La procédure d’attribution du contrat de partenariat a été lancée à la suite de la décision annoncée par le Président de la République lors de son déplacement à Nesle, le 5 avril dernier. C’est un projet exceptionnel, qui aura des retombées économiques tant pour les territoires concernés que pour l’ensemble de la filière de transport de marchandises.
L’objectif est de pouvoir signer le contrat d’ici à la fin de l’année 2012. Je tiens tout particulièrement à saluer la mobilisation de l’ensemble des acteurs politiques et économiques, notamment aux échelons départemental et régional, pour faire de la réalisation de ce projet une réussite et un exemple en matière de transport, de développement économique et d’aménagement durable du territoire.
De plus, monsieur Husson, au regard de l’augmentation constante de la demande de transport entre le nord et le sud de l’Europe, notamment pour les échanges de marchandises, le Rhône est un axe essentiel. La création d’un débouché de ce fleuve vers le nord de l’Europe est donc d’importance stratégique. C’est pourquoi les deux assemblées ont inscrit dans la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement que « les études nécessaires à la réalisation d’une liaison fluviale à grand gabarit entre les bassins de la Saône et de la Moselle seront poursuivies et un débat public sera organisé d’ici à 2012. Ce débat envisagera également l’intérêt d’une connexion fluviale entre la Saône et le Rhin, qui fera l’objet d’études complémentaires préalables. »
Ces études, qui ont été confiées à VNF, sont en cours, afin que soit respecté l’objectif fixé par la loi. Le préfet de la région Lorraine est chargé de coordonner ce projet avec l’ensemble des collectivités partenaires. La contribution de l’État, d’un montant de 4 millions d’euros, est d’ores et déjà disponible. L’Union européenne, quant à elle, est sollicitée à hauteur de 4,5 millions d’euros. Le préfet doit mettre la dernière main au plan de financement de 12,5 millions d’euros avec les collectivités partenaires.
Vous le voyez, ce développement de grands projets est au cœur de la relance de la voie d’eau, mais, bien évidemment, nous n’oublions pas le réseau existant, tant le réseau magistral, qui est essentiel pour le développement du trafic, que le réseau secondaire, auquel je sais les territoires particulièrement attachés.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué le canal du Midi et la terrible maladie frappant les platanes centenaires qui le bordent et l’abritent.
Pour avoir été maire de Valréas, commune du Vaucluse où a d'ailleurs vu le jour votre collègue Jean Besson, ici présent, je sais ce que représente la perte de ces arbres, qui peut sembler anecdotique vue de Paris… Ils constituent l’un des attraits de nos régions.
Le canal du Midi est l’un des hauts lieux du patrimoine culturel de la France. Les valeurs patrimoniales qui ont justifié cette reconnaissance sont aujourd’hui menacées par la propagation rapide de la maladie du chancre coloré, qui devrait, selon les estimations, conduire à abattre, à une échéance de dix à vingt ans, les quelque 42 000 platanes constituant 90 % des arbres bordant le canal.
M. Jean-Michel Baylet. C’est une folie !
M. Thierry Mariani, ministre. Je comprends votre réaction, monsieur Baylet, mais il est nécessaire d’abattre les arbres malades !
Reconstituer cet alignement suppose donc de remplacer 42 000 arbres, ce qui représente un investissement de 200 millions d’euros. Bien évidemment, un tel montant ne pourra être mobilisé que sur plusieurs années. Un tiers de la somme sera versé par l’État via Voies navigables de France, soit 70 millions d’euros. Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur Baylet, pour nous aider à convaincre les collectivités territoriales concernées de fournir le deuxième tiers ! (Rires.)
Monsieur Navarro, vous avez salué l’action que nous avons menée ensemble dans la région Languedoc-Roussillon. Je vous remercie d’avoir reconnu l’effort consenti par l’État au côté des collectivités territoriales.
M. Robert Navarro. Il reste le canal du Midi !
M. Thierry Mariani, ministre. Le dernier tiers sera, je l’espère, apporté par le mécénat privé, qui doit, comme pour d’autres monuments de notre patrimoine national, être fortement sollicité. Cela étant, je reconnais que cette réponse n’est pas pleinement satisfaisante. En tant qu’ancien parlementaire du Sud, je me ferai votre interprète auprès du Président de la République. Certains sujets dépassent les clivages politiques : le platane est éternel !
M. Jean Besson. Il est républicain !