M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Chapitre Ier
Mesures visant à instaurer plus de concurrence sectorielle au service des consommateurs dans divers secteurs de la consommation courante
Article 1er
I. – Le livre III du code de commerce est complété par un titre IV ainsi rédigé :
« TITRE IV
« DES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION ALIMENTAIRE
« Art. L. 340-1. – I. – Une convention d’affiliation est un contrat, conclu entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant pour son compte ou pour le compte d’un tiers au moins un magasin de commerce alimentaire de détail au sens de l’article L. 340-2. Conclue en sus de tout autre contrat pouvant exister par ailleurs entre les parties, elle comprend des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité de commerçant.
« Lorsqu'une convention d’affiliation est obligatoire en application du premier alinéa de l'article L. 340-2 :
« – toute stipulation comprise dans un contrat conclu entre les deux parties faisant obstacle à la mise en jeu des stipulations énoncées par ladite convention est réputée non écrite ;
« – il ne peut être dérogé par voie contractuelle à ses stipulations que par modification de cette même convention.
« II. – La convention d’affiliation prend la forme d’un document unique. Les stipulations applicables du fait de l’affiliation y sont regroupées selon des rubriques définies par un décret pris après avis de l’Autorité de la concurrence.
« Le projet de convention est remis à l’exploitant au moins deux mois avant sa signature, à peine de nullité de la convention d’affiliation.
« La convention naît de la signature du projet de convention par les deux parties.
« III. – La convention d’affiliation fixe notamment :
« 1° Les conditions de l’affiliation et de la participation au groupement ;
« 2° Les conditions d’utilisation des services commerciaux apportés à l’exploitant, en particulier des services d’approvisionnement et d’usage des marques et enseignes ;
« 3° Le fonctionnement du réseau ;
« 4° Les conditions de renouvellement, cession et résiliation des contrats régissant les relations commerciales découlant de l’affiliation ;
« 5° Les obligations applicables après rupture des relations d’affiliation.
« La durée de chacun de ces engagements doit être précisée dans la convention d’affiliation. Le terme final de cette convention est expressément précisé.
« Cette convention s’applique sous réserve des règles statutaires et décisions collectives adoptées conformément aux lois relatives aux associations, aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives. Ces règles statutaires ne peuvent toutefois faire obstacle aux dispositions du présent article et des articles L. 340-2 à L. 340-6.
« Art. L. 340-2. (Non modifié) – La convention d’affiliation définie à l’article L. 340-1 est obligatoire lorsque l’exploitant gère au moins un magasin exerçant une activité de commerce de détail non spécialisé en libre service et dont le chiffre d’affaires hors taxes, hors carburant, provient pour plus du tiers de la vente de produits alimentaires.
« Un décret, pris après avis de l’Autorité de la concurrence, définit, en tant que de besoin, les secteurs d’activité pour lesquels et les seuils de surface et de chiffre d’affaires en deçà desquels il peut être dérogé à cette obligation.
« Art. L. 340-3. – I. – Les conventions d’affiliation dont la signature est obligatoire en application du premier alinéa de l’article L. 340-2 ne peuvent être conclues pour une durée supérieure à six ans.
« Ces conventions ne peuvent être renouvelées par tacite reconduction.
« Lorsque l’une des parties n’entend pas renouveler la convention d’affiliation obligatoire au terme de celle-ci, elle doit en informer l’autre partie en respectant un délai de préavis. Ce délai est fixé à proportion de la durée de la convention d’affiliation à raison d’un mois par année d’affiliation et ne peut être supérieur à six mois.
« II. – À l’exception du contrat de bail commercial, dont la durée est régie par l’article L. 145-4 et sans préjudice des obligations mentionnées au 5° du III de l'article L. 340-1, aucun contrat, conclu dans le cadre de la convention d’affiliation, ne peut produire d’effets au-delà du terme final mentionné à l’avant-dernier alinéa du III de l’article L. 340-1.
« Art. L. 340-4. – Lorsqu’une convention d’affiliation prévoit le versement de sommes constituant une condition préalable à l’établissement ou au renouvellement de la relation commerciale, le document unique mentionne la possibilité d’acquitter ces sommes soit en totalité au moment de la signature du contrat, soit en plusieurs versements, les versements dus au titre de la dernière année ne pouvant excéder 20 % du total de ces sommes. En cas de non-respect du présent article, les sommes dues à ce titre ne sont, d’ordre public, exigibles que dans la limite de 10 % par an de leur montant nominal initial, tel qu’il figure dans la convention d’affiliation.
« Art. L. 340-5. – I. – Toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’une convention d’affiliation, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit cette convention d’affiliation dans les conditions prévues à l’article L. 340-1 est réputée non écrite.
« II. – Ne sont pas soumises au I les clauses dont la personne qui s’en prévaut démontre qu’elles remplissent les conditions cumulatives suivantes :
« 1° Elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation ;
« 2° Elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation ;
« 3° Elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation ;
« 4° Elles n’excèdent pas un an après l’échéance ou la résiliation de la convention d’affiliation.
« Art. L. 340-6. – Dans les contrats relatifs à l’achat ou la vente d’un bien immeuble ou d’un fond de commerce dont l’une des parties exploite un commerce de détail visé au premier alinéa de l'article L. 340-2, est réputée non écrite toute stipulation prévoyant :
« 1° Un droit de préemption ou de préférence portant sur le rachat du bien immeuble ou du fonds de commerce objet de la vente au bénéfice du vendeur, d’une société qui contrôle ou qui est contrôlée par le vendeur, ou d’un tiers qui est en relation contractuelle avec le vendeur ;
« 2° Une limitation de l’exercice de l’activité d’exploitation du commerce de détail dans le bien immeuble objet de l’achat ou de la vente s’ajoutant à celles mentionnées le cas échéant dans le bail ou dans la convention d’affiliation définie à l’article L. 340-1. »
II. – Le présent article s’applique aux contrats conclus à compter d'un an après l'entrée en vigueur de la présente loi.
Les contrats établissant une relation d’affiliation entrant dans le champ visé au premier alinéa de l’article L. 340-2 du code de commerce conclus antérieurement au délai visé au premier alinéa du présent II sont remplacés, dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, par une convention d’affiliation et, le cas échéant, par des contrats subséquents à cette convention, conclus dans les conditions fixées par le présent article.
Passé le délai de trois ans visé à l’alinéa précédent, à défaut de conclusion, dans le respect des règles fixées aux articles L. 340-1 à L. 340-6 du même code, d’une convention d’affiliation, chaque partie peut mettre fin à une relation d’affiliation entrant dans le champ d’application du I de l’article L. 340-2, sans que lui soient opposables les accords, clauses ou contrats antérieurement conclus. Cette résiliation intervient à l’expiration d'un délai de deux mois compté de la notification à l’autre partie de la nécessité de se mettre en conformité avec les dispositions du présent article.
Pour les contrats visés à l’article L. 340-6 du même code conclus antérieurement au délai visé au premier alinéa du présent II, les dispositions dudit article s'appliquent dans un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Comme l’a indiqué M. Fauconnier dans son rapport, l’intensification de la concurrence est certes un levier d’action qu’il ne faut pas négliger dans la lutte contre la vie chère. Toutefois, cela reste insuffisant.
L’article 1er du projet de loi, comme toutes les réformes économiques menées au cours de ces cinq dernières années, se fonde sur l’idée que l’accroissement de la concurrence entraîne la baisse des prix, donc la hausse du pouvoir d’achat.
Je ne dis pas que cette démarche est absurde, mais elle n’est pas le remède à toutes les difficultés, loin de là.
Force est d’ailleurs de constater que les lois récemment adoptées – la LME, la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation – n’ont pas produit les effets annoncés…
À lui seul, le renforcement de la concurrence ne suffit donc pas à faire progresser le pouvoir d’achat.
On peut en outre s’interroger sur certaines mesures du présent projet de loi, au moment où l’on constate un net affaiblissement des moyens de la DGCCRF.
Je salue cependant la volonté du rapporteur de la commission de l’économie et de la rapporteure pour avis de la commission des lois d’enrichir le projet de loi en vue de faire baisser les dépenses contraintes liées au logement, à l’énergie ou à la téléphonie mobile.
De la même manière, je me réjouis de l’introduction par la rapporteure pour avis de la commission des lois de mesures visant à renforcer les droits des consommateurs par l’instauration d’un dispositif rendant possibles les actions de groupe.
Cela étant, si le levier de la concurrence n’est pas un outil universel – il s’avère même plutôt fragile –, il ne faut pourtant pas le négliger. C’est pourquoi j’apprécie, monsieur le rapporteur, que vous vous soyez appuyé, dans votre analyse de l’article 1er, sur les recommandations de l’Autorité de la concurrence.
Qui n’a constaté une forte dégradation du pouvoir d’achat ces dernières années ? La loi du 1er juillet 1996 sur la loyauté et l’équilibre des relations commerciales, dite loi Galand, la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, dite loi Dutreil, la loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Châtel, et la LME n’y ont rien changé : la baisse des prix a toujours été remise à plus tard…
Reconnaissons que le pouvoir d’achat dépend des prix, mais aussi et surtout des revenus. Or c’est également là que le bât blesse ! Autrement dit, l’augmentation du pouvoir d’achat ne repose pas uniquement sur la baisse des prix ; elle suppose surtout une meilleure répartition des richesses ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.) À ce sujet, monsieur le secrétaire d’État, je vous renvoie aux propos qu’a récemment tenus Martin Hirsch.
En commission, nous avons soutenu, monsieur le rapporteur, votre volonté de prendre en compte, dans cet article 1er, les préconisations de l’Autorité de la concurrence. Celle-ci avait constaté, dans un avis rendu en 2010, que les contrats d’affiliation auxquels la grande distribution a recours pour empêcher les commerces affiliés de changer d’enseigne étaient fort complexes et, surtout, très opaques. Ils représentent un frein à la concurrence, qui devrait donc maintenant disparaître.
Les clauses d’arbitrage figurant dans certains contrats, qui rendent le règlement des litiges avec les enseignes trop coûteux pour les commerçants indépendants, constituaient un autre problème à résoudre.
Il convenait également de régler la question de la durée des conventions d’affiliation, qui, par le passé, pouvaient être conclues pour trente ans. C’est peu dire qu’une telle durée était excessive, d’autant que ces conventions faisaient l’objet d’une tacite reconduction. Nous approuvons donc la proposition de retenir une durée de six ans, qui correspond à celle des baux commerciaux. Nous approuvons aussi l’interdiction de la tacite reconduction, qui constitue un frein au changement d’enseigne.
La mise en application du dispositif de l’article 1er doit intervenir dans un délai d’un an pour les nouveaux contrats et de trois ans pour les contrats en cours.
En conclusion, cet article est bienvenu. Il tend à créer un nouveau titre dans le code du commerce, relatif aux conventions d’affiliation entre un commerçant indépendant et un réseau de distribution, et à lever ainsi les obstacles à la mobilité que l’on pouvait constater.
Le travail en commission a été bénéfique, même si le présent texte peut encore être bonifié par l’adoption d’amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier, sur l’article.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er, relatif aux conventions d’affiliation, semble presque hors sujet dans un texte portant sur la protection des consommateurs, sauf à considérer, comme le fait le Gouvernement, que la concurrence libre et non faussée peut avoir un effet de modération des prix. Nous ne partageons pas cette thèse… Il suffit d’ailleurs de lire le rapport de notre collègue Élisabeth Lamure sur le bilan de l’application de la loi LME pour se convaincre qu’il n’en est rien.
On se souvient également que l’UFC-Que Choisir avait indiqué, dans un communiqué datant du 19 février 2009, que les prix alimentaires avaient augmenté de 5,7 % au cours des dix-huit derniers mois et que, en dépit de la chute des prix agricoles constatée depuis dix mois, les prix pratiqués en rayons étaient stables.
Devant ce constat de l’échec relatif du jeu de la concurrence, devant l’incapacité des législations successives à réguler les relations commerciales, à protéger les producteurs et les consommateurs, à garantir un revenu décent aux agriculteurs, à préserver les commerces de proximité, à protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, vous comprendrez que nous soyons pour le moins dubitatifs quant à un éventuel effet positif de la mise en œuvre de l’article 1er du présent projet de loi sur le niveau des prix.
Outre que nous ne croyons pas que la concurrence entre enseignes soit une réponse suffisante à la question de la baisse du pouvoir d’achat, nous avons de surcroît constaté une certaine réticence des députés de la majorité à se conformer strictement aux recommandations pourtant très claires de l’Autorité de la concurrence. Le rapporteur du présent texte a proposé à la commission des affaires économiques quatre amendements visant à récrire l’article 1er afin de rapprocher le plus possible son dispositif de l’avis émis par l’Autorité de la concurrence. Cette démarche nous semble logique si l’on veut éviter que cet article n’ait d’autre portée qu’un simple affichage.
Au-delà de l’opposition de fond que je viens d’exprimer, je voudrais faire deux remarques.
Tout d’abord, si l’on veut réellement faciliter les changements d’enseigne, il faudra régler la question de l’encadrement des prises de participation des groupes dans le capital des sociétés d’exploitation de leurs magasins affiliés, qui leur confèrent, on le sait, une minorité de blocage.
Ensuite, sur un certain nombre de points, l’article 1er nous semble manquer de clarté.
En premier lieu, son alinéa 10 prévoit que « la convention naît de la signature du projet de convention par les deux parties ». Cela signifie que la signature du document engage immédiatement l’affilié, ce qui limite considérablement la portée de l’allongement du délai de réflexion. Cette disposition nous semble constituer une régression par rapport à l’article L. 330-3 du code de commerce, qui prévoit que la remise du document d’information précontractuel contenant le contrat d’affiliation ne peut valoir signature du contrat d’affiliation lui-même, donc engagement.
En deuxième lieu, l’alinéa 18 prévoit que le contrat d’affiliation « s’applique sous réserve des règles statutaires et décisions collectives adoptées conformément aux lois relatives aux associations, aux sociétés civiles, commerciales ou coopératives » ! Cela signifie que les groupes d’indépendants organisés sous forme associative, de coopérative ou de société civile ou commerciale pourront déroger à la loi ou s’en affranchir… Est-ce à dire, monsieur le secrétaire d’État, que les trois réseaux de distribution organisés sous ces formes, à savoir Intermarché, Système U et Leclerc, pourront édicter en interne des règles contrevenant à la loi ? On nous a fait remarquer, à juste titre, que si les affiliés de ces trois groupes ne bénéficiaient pas des dispositions de la loi, ils seraient discriminés par rapport aux affiliés des groupes Carrefour, Auchan et Casino, qui eux en bénéficieront. La seule « contrainte » qui continuera de peser sur Intermarché, Système U et Leclerc sera de respecter les articles L. 340-4, L. 340-5 et L. 340-6 du code de commerce, qui traitent de la durée des contrats, de la non-concurrence et du paiement des droits d’entrée. C’est bien peu !
En troisième lieu, s’agissant des dérogations aux clauses de non-concurrence post-contractuelles, il ressort des alinéas 26 à 30 de l’article 1er que l’affiliant aura l’obligation de prouver que les quatre conditions cumulatives lui permettant de rendre opposable à l’affilié une clause de non-concurrence post-contractuelle sont effectivement remplies. On comprend bien que l’affiliant ne sera pas mis en difficulté à propos des conditions de temps, de lieux d’activité ou de type de biens et services vendus ; en réalité, seule la condition de protection du savoir-faire pourra amener une limitation des dérogations à la qualification de clause abusive.
Pour conclure, l’article 1er de ce projet de loi ne nous semble pas constituer un dispositif de nature à empêcher les puissants groupes de la grande distribution d’entraver les changements de réseau en fin de contrat d’affiliation. J’en veux d’ailleurs pour preuve le fait que, depuis un certain temps, nous ne les entendons plus !
Nous ne parviendrons pas à apporter une réponse satisfaisante à la domination, sur les marchés français et européen, des grandes centrales d’achat si ce système persiste. Il est temps de concevoir d’autres formes de commerce et d’échange, qui garantiraient à la fois une juste rémunération du travail, des prix abordables pour les consommateurs et la qualité des produits. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Mes chers collègues, plus de deux cents amendements ont été déposés sur ce projet de loi. Ce nombre imposant est sans doute à la mesure de l’intérêt que vous portez à ce dernier, mais nous n’avons a priori pas l’intention de consacrer la soirée du réveillon à son examen ! Par conséquent, je demande à chacun d’être concis dans ses interventions, afin que nous puissions achever la discussion du texte au plus tard dans la nuit de jeudi.
M. le président. L'amendement n° 164 rectifié, présenté par MM. Lasserre et Dubois, Mme Létard et MM. Deneux, Capo-Canellas, Maurey, Merceron et Tandonnet, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Toute clause compromissoire figurant dans la convention et visant à soumettre obligatoirement à l'arbitrage les litiges nés de son exécution est réputée non écrite. »
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.
M. Jean-Jacques Lasserre. De très nombreux contrats de franchise prévoient le recours obligatoire à l'arbitrage pour le règlement des conflits entre franchiseur et franchisés. La clause d’arbitrage, inspirée par des modèles de contrats de franchise internationaux, s’est ainsi généralisée pour les contrats de franchise, alors même qu’elle apparaît inadaptée et surdimensionnée pour les réseaux franco-français.
En effet, la procédure arbitrale contractuelle se révèle, dans les faits, trop onéreuse à mettre en œuvre, les honoraires des arbitres se chiffrant à plusieurs dizaines de milliers d’euros et la clause d’arbitrage prévoyant souvent que ces frais doivent être avancés par le demandeur à l’action.
En outre, la procédure arbitrale est très lourde et contraignante, qu’il s’agisse du choix de l’arbitre, des délais de mise en œuvre ou de la multiplication des recours en annulation des conventions d'arbitrage.
De surcroît, le recours contraint à l'arbitrage limite, voire empêche, l'accès aux juridictions compétentes. Il s’agit pourtant d’un droit fondamental et protégé par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Fauconnier, rapporteur. Cet amendement vise à interdire les clauses soumettant obligatoirement à l’arbitrage les litiges relatifs à l’exécution de la convention d’affiliation.
L’Autorité de la concurrence a souligné, dans son avis, que les ruptures anticipées de contrat entre têtes de réseau et magasins indépendants donnent lieu à des procédures contentieuses coûteuses, notamment lorsqu’est prévue une clause d’arbitrage.
Il paraît préférable de laisser aux parties le choix, en cas de litige, de recourir ou non à l’arbitrage. En conséquence, l'avis de la commission est favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. La série d’amendements adoptés par la commission de l’économie a rompu l’équilibre qui avait été trouvé à la suite de longues discussions. Le dispositif, dans sa rédaction actuelle, menace le modèle économique des indépendants. L’adoption du présent amendement aggraverait encore les choses.
J’observerai d’abord que la loi de modernisation de l’économie a introduit la notion de déséquilibre significatif.
Ensuite, le dispositif de cet amendement porte fortement atteinte à la liberté contractuelle. Il paraît impossible d’interdire le recours à une procédure d’arbitrage.
Enfin, je souligne que l’arbitrage permet bien souvent une résolution rapide des litiges, ce qui évite un recours parfois inutile aux tribunaux. Il me semble que personne ici n’a envie d’allonger encore les délais nécessaires pour obtenir réparation, ni d’alourdir le travail de la justice.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je voterai cet amendement, qui vise non pas à interdire le recours à l’arbitrage, mais simplement à prohiber qu’il soit rendu obligatoire dans les contrats. Les cocontractants doivent à mon sens pouvoir choisir librement soit de recourir à un arbitrage – nous en avons eu des exemples flamboyants récemment ! –, soit de saisir les tribunaux.
En matière d’équilibre, j’ajoute que la centrale sera sans doute plus à même que le franchisé de choisir un « bon » arbitre… En tout cas, il faut faire confiance à nos tribunaux et à la liberté contractuelle.