M. Antoine Lefèvre, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le programme « Développement des entreprises et de l’emploi ». Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pour la première fois, à l’occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, la commission des lois a décidé de se saisir pour avis des crédits du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » de la mission « Économie ».
En effet, notre commission a souhaité, par cet avis, vérifier l’emploi des crédits correspondant à son domaine traditionnel de compétences en matière d’amélioration et de simplification de l’environnement juridique des entreprises, de protection et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en œuvre du droit de la concurrence.
Je ne reviendrai pas sur la réduction forte, déjà évoquée, des crédits du programme. Dans ce contexte budgétaire difficile, qui appelle, bien sûr, des mesures fortes de la part du Gouvernement, je souhaite néanmoins vous faire part de notre inquiétude quant à la capacité des administrations concernées à continuer à exercer leurs missions correctement, en particulier en matière de protection des consommateurs, c’est-à-dire notre protection à tous.
À cet égard, je tiens à saluer le travail accompli par les agents de l’État qui sont chargés de cette mission.
Monsieur le secrétaire d’État, en ces temps de crise, ce programme budgétaire apporte beaucoup à nos entreprises, en particulier à nos PME. Aussi, plutôt que de m’appesantir sur ce qui fonctionne, je pense par exemple à l’efficacité économique de l’accompagnement de nos entreprises par OSEO, vous me permettrez de présenter trois observations sur les sujets qui nous préoccupent.
Premièrement, dans le sillage de la révision générale des politiques publiques, la réforme de l’administration territoriale de l’État a profondément transformé l’organisation des services déconcentrés au sein de nouvelles directions régionales, aux compétences plus larges, et surtout au sein de vastes directions départementales interministérielles placées sous l’autorité des préfets, au nombre de deux ou trois par département.
Ainsi, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ne dispose plus de ses propres services déconcentrés, mais doit s’adresser aux préfets pour transmettre ses instructions en matière de contrôle, par exemple. Comme l’a souligné ma collègue Évelyne Didier, les missions des anciennes directions régionales et surtout départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent paraître diluées, voire délaissées par manque d’effectifs, au sein des nouvelles directions. Nous éprouvons des inquiétudes à ce sujet.
Le consommateur victime de comportements condamnables de la part d’un professionnel saura-t-il trouver, au sein de la nouvelle direction départementale de la cohésion sociale et de la protection des populations, les fonctionnaires chargés de le défendre ?
Deuxièmement, la commission des lois a souhaité dresser un premier bilan du nouveau statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, l’EIRL, créé par la loi du 15 juin 2010 dont Jean-Jacques Hyest était rapporteur.
Ce nouveau statut, qui s’ajoute aux statuts existants, permet à un entrepreneur individuel de séparer son patrimoine personnel de son patrimoine professionnel, sans avoir à créer de société, de sorte qu’en principe seul son patrimoine professionnel est appelé à supporter ses dettes professionnelles. Ainsi, une défaillance économique ne menace plus ses biens personnels ni la vie de sa famille.
Ce texte était réclamé et attendu depuis très longtemps par les milieux de l’artisanat. Le dispositif est opérationnel depuis le mois de janvier et a donné lieu à une intense campagne de communication, même si tous les décrets d’application ne sont pas encore parus. Or, au 30 octobre 2011, on ne recensait que 4 908 EIRL. Je rappelle que, selon l’étude d’impact du projet de loi, la prévision était de 100 000 EIRL pour la fin de 2012, hypothèse jugée réaliste. Au rythme actuel, il est particulièrement douteux que nous atteignions ce chiffre. Cette situation rappelle le modeste succès de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, l’EURL, créée en 1985.
Quand bien même le cumul des deux régimes est possible, le statut de l’auto-entrepreneur, dont le succès ne se dément pas, ne freine-t-il pas le développement de l’EIRL en le rendant moins attractif, en dépit de la possibilité d’opter pour l’impôt sur les sociétés ? Sur le fond, la multiplication des statuts ne rend-elle pas plus difficile le choix de l’entrepreneur ? La simplification véritable ne consisterait-elle pas à rationaliser le paysage ?
Enfin, troisièmement, la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation a procédé au regroupement auprès de l’Institut national de la consommation de la Commission des clauses abusives, de la Commission de la sécurité des consommateurs et de la nouvelle Commission de la médiation de la consommation.
Ce regroupement est très positif, car il mutualise les moyens et les effectifs, ce qui permet de réaliser des économies, tout en donnant à chaque organisme des capacités d’action et d’expertise démultipliées, grâce à la mise en place de services communs.
Or, à ce jour, plus d’un an après la publication de la loi, le regroupement de ces instances n’est toujours pas effectif, car les crédits de personnel correspondant au fonctionnement des commissions n’ont, semble-t-il, toujours pas été transférés à l’Institut national de la consommation. Il n’y a donc toujours pas de services communs. Cette situation d’incertitude fragilise nécessairement les missions exercées par ces instances. Je ne doute pas que le Gouvernement saura rapidement prendre les décisions administratives nécessaires pour y remédier.
Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous ici attachés à ce que la législation que nous votons soit correctement et réellement appliquée. Je vous remercie donc, monsieur le secrétaire d'État, de nous fournir les réponses qui, je l’espère, sauront rassurer le Sénat et sa commission des lois. Celle-ci a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits de cette mission, mais, à titre personnel, je les voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle aussi que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nathalie Goulet.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en tant que membre de la commission des affaires étrangère, j’ai une assez bonne expérience des relations internationales. Le fait d’avoir été vice-présidente de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires explique aussi mon intérêt pour cette mission.
Monsieur le secrétaire d’État, sans surprise, je m’attacherai, au sein du programme 134 relatif à l’attractivité du territoire, à l’action n° 7, Développement international et compétitivité des territoires.
Non sans constance, j’égrènerai les remarques que je fais chaque année à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances et que j’ai également formulées lors des débats sur la loi de modernisation de l’économie.
Je rejoins l’avis de M. André Ferrand, mais je suis sans doute un peu plus sévère que lui. L’équipe France marche en ordre dispersé, parfois avec des snipers, parfois avec des joueurs qui tirent contre leur camp. (M. Antoine Lefèvre s’exclame.)
Tout bien considéré, le programme 134 montre les limites de la loi organique relative aux lois de finances, qui, de ce point de vue, me semble périmée....
L’action de votre ministère est transversale et devrait être mieux coordonnée. Vœu pieux ! En baisse de 4,5 % inflation comprise, la mission « Économie » mérite que l’on s’attache à l’efficacité des dépenses. Puisqu’il faut dépenser moins, dépensons mieux !
Monsieur le secrétaire d’État, l’attractivité commence à la porte de nos consulats. Que dire de cette absurde politique des visas, dénoncée par Adrien Gouteyron dans de multiples rapports, qui nuit à notre image en interdisant notre pays à de jeunes diplômants chercheurs ?
Une fois franchi le seuil des ambassades, nous tombons sur les missions économiques. Vaste sujet ! On y trouve peu de coopérants parlant la langue du pays. Ces missions, qui facturent des prestations, bénéficient de financements publics sans aucune obligation de résultat.
À ce stade, je vous ferai deux propositions simples.
Tout d’abord, je vous suggère d’instaurer une obligation de résultat avec une incidence sur les primes d’expatriation. Vous verrez, cela ira beaucoup mieux !
Ensuite, pourquoi ne pas créer un escadron de fiscalistes volants dans les pays à forte capacité financière, les pays du Golfe, que je connais un peu, le Japon et même les États-Unis ?
En effet, les postes et les ambassades sont absolument incapables de renseigner les futurs porteurs de projets économiques ou immobiliers, qui sont souvent surpris et rebutés, quand ils arrivent sur notre territoire, par un système dont la lisibilité est, avouons-le, aléatoire.
Vous me répondrez qu’il y a UBIFRANCE et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII. Vaste sujet encore ! J’ai le souvenir d’un brillant colloque d’UBIFRANCE sur les investissements dans les pays du Golfe organisé… le premier jour du ramadan. (Sourires.)
Quant à l’AFFII, l’État finance à hauteur de 22 millions d’euros cette structure, qui permet de « vendre la destination France » pour des implantations d’entreprises internationales.
J’émets le vœu que la commission des finances du Sénat puisse exercer son pouvoir d’enquête sur place et sur pièce ou qu’elle demande à la Cour des comptes un contrôle sur ces deux institutions, afin que nous ayons une idée un peu plus claire des tenants et des aboutissants de leur gestion.
Il serait opportun que ces appuis à l’implantation d’entreprises soient assortis de mesures d’interdiction des licenciements boursiers. Je pense notamment au site de Honeywell dans le Calvados, dont la fermeture, qui se ressent aussi dans mon département de l’Orne, est toujours d’actualité alors que l’entreprise connaît une hausse de 45 % de ses bénéfices. Ce licenciement purement boursier, qui concerne plus de 320 personnes, est absolument scandaleux !
Je me suis associée à la question orale qui vous a été posée la semaine dernière par Jean-Pierre Godefroy, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de me donner quelques explications sur le suivi de la table ronde qui est programmée.
Je n’oublie pas que j’ai fait partie de la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires. Je vous communiquerai la liste des licenciements et des fermetures d’emplois dans le Grand Ouest, publiée par Ouest France ce week-end ; c’est absolument alarmant.
Je souhaiterais – brièvement, car mon temps de parole est limité – formuler d’autres propositions et quelques remarques, monsieur le secrétaire d’État.
Premièrement, je veux parler de l’optimisation des réseaux, et, au premier chef, des réseaux étudiants. Les mesures que je suggère ne coûteraient rien, ce qui, en matière budgétaire, est toujours bon à prendre !
Quand ils ont étudié en France, les jeunes ne sont pas suivis. Comment, dès lors, constituer ou animer un réseau ? Personne aujourd’hui en France n’a une idée précise du nombre et de la qualité des stagiaires qui sont venus étudier dans notre pays.
Quand un industriel français veut se rendre à l’étranger, il ne dispose même pas de la liste des gens qui, dans son secteur d’activité, ont travaillé ou ont été formés en France, bien souvent d'ailleurs grâce à des bourses ou des programmes d’échanges. D’ailleurs, les ambassades n’ont pas non plus ces listes.
Il s’agit donc d’une valeur ajoutée créée par la France sans aucun effet sur l’économie.
Nos partenaires anglais et allemands parviennent, eux, à rester en contact, par adresse électronique, avec 70 % des anciens stagiaires. Le taux de suivi, chez nous, est d’un peu moins de 10 %, sur la base du volontariat et par courrier postal. À l’ère de l’informatique et du numérique, je pense que l’on pourrait faire beaucoup mieux pour animer ces réseaux.
Deuxièmement, je souhaite évoquer la coopération décentralisée.
Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent près de 12 000 projets dans 139 pays, ce qui vous donne déjà, mes chers collègues, une idée de leur répartition. Les collectivités territoriales ont financé à plus de 70 millions d’euros, sur leurs fonds propres, ces coopérations. Les cofinancements ont été accordés par différents ministères.
La région Basse-Normandie a une coopération avec le Fujian – 38 millions d’habitants –, dont les responsables semblent avoir du mal à comprendre pourquoi la Haute-Normandie, elle, mène une coopération avec Zhijiang, qui compte 51 millions d’habitants. Nous retrouvons à l’international les aberrations de notre système.
Troisièmement, tout aussi grave est la méfiance à l’égard de la diplomatie parlementaire.
Contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne et dans les autres pays anglo-saxons, les parlements sont mal considérés et les parlementaires ne sont pas assez utilisés à l’appui de nos entreprises.
Les parlementaires en mission sont regardés par les administrations comme de joyeux vacanciers voyageant sur argent public. (Sourires.) Une suspicion de principe prévaut. Pourtant, je pense que les industriels peuvent être soutenus par les parlementaires, comme c’est le cas en Allemagne et au Royaume-Uni.
Mon temps de parole étant épuisé, monsieur le secrétaire d’État, je conclurai mon intervention par une dernière proposition : je suis candidate à toute mission que vous pourrez me confier afin d’étudier dans quelles conditions – on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! (Sourires.) – les parlementaires peuvent venir à l’appui de nos entreprises dans les opérations internationales.
M. François Trucy. Elle a raison !
Mme Nathalie Goulet. Je l’ai vu faire dans les Émirats arabes unis et au Qatar à une autre époque, et je vous assure que notre assemblée constitue une plus-value importante pour l’équipe France. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la discussion de la mission « Économie » faisant immédiatement suite à celle de la mission « Politique des territoires », j’y retrouve un certain nombre de points qui inspireront mon propos.
Votre périmètre d’action, monsieur le secrétaire d’État, est considérable, puisque vous êtes en charge du tourisme, mais aussi du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, des services, des professions libérales et de la consommation… Je vous félicite, car vous exercez bien vos différentes missions.
D’ailleurs, je veux témoigner, comme pourra également le faire le président de la commission de l’économie, que lors de votre audition devant la commission vous avez tenu un long mais très intéressant propos, et personne ne s’en est plaint.
Le premier point que j’évoquerai a trait au tourisme, plus précisément à l’accueil des étrangers à Paris, non pas dans la capitale, mais dans les aéroports de Paris. Chaque fois, nous sommes consternés par les conditions, en particulier matérielles, dans lesquelles nous sommes accueillis.
M. Pierre Hérisson. C’est vrai, cela ne date pas d’aujourd'hui !
M. Jean-Claude Lenoir. Queues interminables, services de police insuffisants – à qui la faute ? Je l’ignore –,…
M. Pierre Hérisson. À la passerelle ! (Sourires.)
M. Jean-Claude Lenoir. … longues files d’attentes pour obtenir un taxi…
M. Pierre Hérisson. La passerelle !
M. Jean-Claude Lenoir. … encore qu’ils soient très nombreux à finalement se présenter, surtout, grandes difficultés pour rallier la capitale par le RER, lequel véhicule à la fois des banlieusards et des touristes qui portent des valises, ce qui n’a rien de surprenant ; le problème est que les voitures sont justement conçues pour ne pas accueillir de valises, pour des raisons de sécurité.
Cela étant, dans un contexte budgétaire difficile, il faut s’attacher, je le répète, à dépenser moins mais à dépenser mieux. J’évoquerai deux points sur lesquels il est possible de faire beaucoup mieux.
Tout d’abord, dans nos territoires, nous le savons, et je me réfère au débat de tout à l'heure, l’activité économique repose beaucoup sur le commerce et l’artisanat. Les collectivités locales s’emploient avec beaucoup de succès à favoriser l’accueil de commerçants, le renouvellement de leurs équipements, la modernisation et la mise aux normes des ateliers d’artisans.
Pour cela, nous disposons du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, dispositif financier qui nous permet de nourrir des opérations collectives de modernisation, les OCM.
Je rejoins ceux de mes collègues qui se sont exprimés sur ce sujet à cette tribune : franchement, il n’est pas possible, eu égard à la valeur ajoutée qu’apporte le FISAC, à l’effet de levier qu’il permet, de demeurer muets et immobiles devant la réduction de ses crédits.
M. Daniel Raoul, président de la commission de l'économie. Très bien !
M. Jean-Claude Lenoir. Nous en avons besoin. La valeur ajoutée, c’est-à-dire la plus-value apportée par ces crédits, est considérable ; il est d'ailleurs possible, monsieur le secrétaire d’État, de vérifier en permanence le rapport entre les crédits, au demeurant assez modestes, qui sont accordés, et les effets produits sur l’activité des commerces et des ateliers d’artisans.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, d’examiner cette question avec beaucoup d’attention. Il y va du développement de l’artisanat, qui est le premier employeur de France, mais aussi du développement de nos territoires, notamment ruraux.
Le second thème que j’aborderai concerne l’exportation.
Tout d’abord, je rappelle que les missions économiques n’existent plus et qu’elles ont été remplacées par UBIFRANCE.
Je me souviens, pour avoir participé par le passé à des déplacements de parlementaires dans certains pays, des volumineux rapports qui nous étaient fournis nous expliquant en détail ce qu’il fallait savoir sur le pays. Nous portions un intérêt poli à ces documents, qui, généralement, étaient oubliés dans la chambre d’hôtel, pour le seul bénéfice, peut-être, de la femme de chambre… (Mme Nathalie Goulet s’exclame.)
Aujourd’hui, nous disposons de cette force de frappe qu’est UBIFRANCE. Pour avoir accompagné deux missions organisées par cette structure, l’une en Chine et l’autre au Brésil, je peux témoigner de la qualité des prestations qui sont proposées par UBIFRANCE et de l’efficacité des actions qui sont conduites.
Ce sont avant tout les petites entreprises – ne nous y trompons pas – qui profitent des services d’UBIFRANCE, et même parfois les très petites entreprises, venues prospecter un marché pour un produit, que ce soit un produit du terroir, tel qu’un vin, une technologie, un produit issu d’un atelier mécanique ou un produit lié à l’informatique.
La prise en charge est immédiate et rien n’est laissé au hasard. Les rendez-vous sont préparés. Le chef d’une petite entreprise se retrouve devant un interlocuteur selon un calendrier et un horaire préétablis. Le taux de satisfaction atteint 80 %. Pour ce qui concerne les recommandations qui ont un effet induit sur l’activité de l’entreprise, le taux est de 84 %.
Est-il permis de dire – de temps en temps, il est bon de se remonter le moral ! – que, en 2010, pour la première fois depuis longtemps, le nombre des exportateurs a augmenté, le solde est positif. Cette situation ne s’était pas produite depuis des années.
Bien sûr, cela ne s’est pas fait par hasard ; le savoir-faire et le travail des entreprises l’expliquent, mais il y a aussi des agents qui sont d’utiles relais.
Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d’État, que ce message soit entendu : l’action menée est bonne, me semble-t-il ; les moyens accordés apparaissent – y compris au rapporteur spécial André Ferrand – suffisants ; mes chers collègues, c’est de l’argent public bien employé ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
M. Jean-Yves Leconte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, faut-il rappeler que notre dernier excédent commercial remonte à 2002 ? Depuis lors, la dégradation est constante et, en 2011, nous devrions établir un nouveau record, avec un déficit de 75 milliards d’euros.
Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes a analysé les facteurs expliquant cette situation : un taux de change euro-dollar défavorable, une compétitivité insuffisante de nos entreprises, une concentration trop importante de nos exportations autour de quelques filières et des « gros contrats » qui ne sont pas toujours rentables.
Trois années après la réforme d’UBIFRANCE, on constate que le succès des programmes d’accompagnement de cette structure est plus évalué à l’aune du nombre d’entreprises accompagnées ou de contacts réalisés qu’en fonction du lien entre l’entreprise suivie et l’intérêt pour l’économie française.
L’effet de cette politique du chiffre sur notre balance commerciale est d’ailleurs invisible. Corollaire de cette politique, les bureaux d’UBIFRANCE sont installés non pas là où il faudrait aider les entreprises à être présentes à long terme, mais là où des prestations peuvent être vendues rapidement.
En voulant vendre au maximum son expertise, UBIFRANCE communique plus sur ses services que sur l’intérêt des marchés : cette attitude n’aide pas les entreprises à avoir une démarche réfléchie sur leurs priorités à l’international.
Les prestations proposées par UBIFRANCE étant fortement subventionnées, elles sont destructrices pour les sociétés de conseil ou les chambres de commerce françaises à l’étranger, qui ne peuvent lutter contre cette distorsion des règles du marché.
Des régions entières du monde se trouvent dépossédées de toute structure dédiée à l’aide aux entreprises françaises, comme l’Europe balkanique, alors que les perspectives d’adhésion de certains pays de la zone à l’Union européenne ouvrent de formidables occasions, ou l’Afrique subsahélienne, qui bénéficie pourtant d’une croissance économique soutenue et d’un marché de plusieurs centaines de millions de consommateurs ! Comment inciter les entreprises françaises à se développer à l’exportation lorsque l’État se désengage de zones entières du monde ?
La séparation entre UBIFRANCE et la mission économique a supprimé toute possibilité de mêler l’analyse macroéconomique et l’analyse macroéconomique. Pourtant, cette synergie était très utile pour défendre nos intérêts lors de négociations commerciales et pour favoriser les analyses de long terme ; elle l’était aussi dans les pays où le rôle de l’État dans l’économie est décisif et où une intervention d’un service de l’ambassade avait, pour une PME, une signification.
Tandis que les grandes entreprises et les grands contrats ont encore droit aujourd'hui, ce qui est bien normal, aux services, bien souvent non tarifés, des ambassades et des missions économiques qui les aident à obtenir de gros contrats, les PME sont orientées directement vers UBIFRANCE, aux prestations payantes, et seulement dans les zones où des bureaux de cette structure sont présents.
Monsieur le secrétaire d'État, vous nous demandez de doter l’action n° 7, Développement international et compétitivité des territoires, de 120 millions d’euros, dont 80 millions d’euros pour UBIFRANCE.
Malgré les belles brochures que cet organisme édite, l’efficacité d’UBIFRANCE n’est pas prouvée. Nous ne pouvons nous passer d’une stratégie globale pour aider nos entreprises à acquérir la culture de l’expansion économique et à disposer de moyens financiers pour y parvenir, tout en favorisant l’orientation de l’épargne des Français vers le financement des entreprises plutôt que vers la spéculation sur la dette souveraine ou l’immobilier. C’est à cette condition que notre commerce extérieur pourra s’appuyer sur un socle élargi d’entreprises, comme chez nos voisins allemands, italiens ou autrichiens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les crédits de la mission « Économie » marquent un net recul. Une fois encore, un amendement du Gouvernement a tendu à grever cette mission de plus de 12 millions d’euros.
Aucune véritable priorité ne semble se dégager, si ce n’est la nécessité de réconforter les agences de notations. Or cette mission contient des programmes essentiels, qui concernent aussi bien le développement des entreprises, des PME, de l’artisanat, des professions libérales et de l’emploi que l’industrie, la filière énergétique et le développement des télécommunications.
Monsieur le secrétaire d'État, ces domaines sont des secteurs clefs, fragilisés par la crise actuelle, qui a été provoquée par les marchés financiers, ces entités virtuelles opposées à la réalité productive et économique dont nous parlons ce matin. Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial Christian Bourquin, comment pouvez-vous affirmer soutenir la croissance avec un tel budget ?
Ainsi, le programme emblématique « Développement des entreprises et de l’emploi » est en baisse de 7,3 % par rapport à 2011 et connaît un reflux de 12 % par rapport à 2009. Ce programme est celui qui est le plus affecté par la politique d’austérité annoncée par le Gouvernement. Cela vient d’être démontré, la diminution de sa dotation pénalise particulièrement les moyens d’intervention de la mission pour le soutien aux entreprises et le développement de leur activité et de l’emploi, moyens qui sont en baisse de 25 %.
Pis, en cette période critique, vous accentuez la fragilité de certaines entreprises et territoires. Ainsi, et ce n’est qu’un exemple, les crédits du FISAC, dont nous avons longuement parlé ce matin, diminuent d’année en année, avec une baisse de 33 % en 2011 et de 36 % annoncée pour 2012. C’est l’offre commerciale et artisanale de proximité dans des zones rurales ou urbaines fragilisées qui est touchée. Vous prenez le risque de faire disparaître des emplois non délocalisables, qui irriguent pourtant notre territoire. La lutte contre le chômage, qui connaît des hausses record, devrait pourtant être la priorité du Gouvernement !
De même, la dotation en faveur des politiques industrielles diminue de 9 %. La politique industrielle promise par le Président de la République n’a jamais vu le jour. Au contraire, la spirale de la fermeture de sites, des délocalisations, de la précarisation des emplois et de la hausse du nombre de travailleurs pauvres n’a pas été enrayée. La désindustrialisation que nous vivons met en danger notre pays. Pour rester dans une actualité alarmante, tout le monde à Peugeot, monsieur le secrétaire d'État, se souvient du triste épisode de Gandrange.
Selon l’INSEE, pour le seul mois de septembre dernier, la production de l’ensemble de l’industrie a diminué de 2 %. Pourtant, M. Baroin se félicitait que le solde en matière d’emplois nets dans l’industrie était positif, pour la première fois en dix ans. C’était oublier que plus de 700 000 emplois salariés directs ont été supprimés pendant cette même période !
Nous espérions que ce budget serait l’occasion d’affirmer l’émergence d’une politique volontariste destinée à soutenir la filière industrielle dans son ensemble et à faire émerger une filière liée aux énergies nouvelles. Nous espérions que ce budget permettrait à la France de « demeurer une grande nation industrielle », et de « pérenniser l’emploi industriel sur le long terme », comme l’annonçait le Président de la République l’an dernier. Il n’en est rien, et c’est même visiblement le contraire qui se produit. Or l’État ne peut continuer à se désintéresser à ce point de son tissu productif. Nous refusons d’abdiquer face à ce qui nous est présenté comme une fatalité.
Les crédits en direction du développement et régulation des télécommunications, des postes et de la société de l’information sont en baisse de 4 %. Or, monsieur le secrétaire d'État, c’est aujourd'hui que le déploiement du haut et très haut débit est indispensable pour assurer l’installation et la pérennité des entreprises sur les territoires. Le Président de la République a annoncé, à l’issue des Assises des territoires ruraux, que son objectif était d’assurer la couverture du territoire national à très haut débit en 2025. Il sera bien sûr trop tard ! C’est aujourd’hui que le territoire économique se construit et que la fracture numérique se creuse.
Pourtant, le Fonds d’aménagement numérique du territoire, créé par la loi du 17 décembre 2009, n’est toujours pas alimenté, alors que tout le monde, à droite comme à gauche, s’est prononcé en faveur d’un financement pérenne de ce fonds. Monsieur le secrétaire d'État, quand et comment sera-t-il alimenté ? Taxer les opérateurs privés est, selon nous, incontournable. Cette vérité n’est pas dangereuse : c’est un impératif d’aménagement du territoire et un enjeu industriel pour notre pays.
Pour conclure, alors que le Gouvernement présente un projet de loi renforçant le droit des consommateurs, les crédits en faveur de leur protection économique et de leur sécurité sont en baisse de 1 %. Cette incohérence pourrait prêter à sourire si elle ne caractérisait pas le budget de la mission « Économie » et si elle n’était pas contradictoire avec la mission d’accompagnement qui doit être celle de l’État pour aider nos entreprises à traverser cette crise sans précédent.
Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, nous ne pouvons décemment pas voter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. André Reichardt.