Mme Chantal Jouanno. C’est vrai !
Mme Valérie Pécresse, ministre. Nous aurions dû nous retrouver autour d’une idée simple : le temps de la facilité budgétaire est révolu.
Trop longtemps, et nous en prenons toute notre part, sans nous défausser de nos responsabilités, les gouvernements successifs ont laissé aux générations futures le soin de régler les dettes qu’ils accumulaient.
Trop longtemps, nous avons pensé qu’il était possible de financer à crédit ce bien si précieux qu’est notre protection sociale.
Trop longtemps, madame Escoffier, nous avons mis en péril l’héritage de l’ordonnance de 1945 en différant des réformes indispensables, comme celle des retraites.
Madame Demontès, cette réforme des retraites a permis de mettre les pensions à l’abri de la crise. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Je pense aussi à la réforme de l’hôpital ou à celle du médicament.
Sur toutes les travées de cette assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez dit votre attachement à la sécurité sociale. Sur ce point au moins, nous sommes tous d’accord.
Cet accord nous a permis d’adopter ensemble des mesures importantes, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général. Elles sont en petit nombre, certes, mais elles sont néanmoins notables : je pense à la disposition, adoptée sur l’initiative de Jean-Pierre Godefroy (Ah ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.), qui rend obligatoire le contact entre le médecin du travail et le médecin conseil au bout de trois mois afin de préparer une reprise de travail dans de bonnes conditions ; je pense également à la prorogation des conventions tripartites de médicalisation, votée sur l’initiative de la commission des affaires sociales, qui a permis de donner une assise juridique solide aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD.
Je salue également l’initiative de Muguette Dini, qui aura permis de ne pas assimiler les contrats d’intervention des libéraux à des contrats de travail, ou bien encore à celle d’Alain Milon, qui favorise le retour à l’emploi dans le cadre d’un mi-temps thérapeutique.
En revanche, et c’est là le cœur de notre désaccord, je n’ai vu émerger, tout au long de nos débats, aucune stratégie sénatoriale crédible de redressement des comptes sociaux. La raison en est simple : on ne tirera pas un trait sur les déficits en commençant par relâcher notre effort de maîtrise des dépenses.
Il a fallu attendre près de quinze ans, mesdames, messieurs les sénateurs, pour qu’enfin l’objectif national de dépenses d’assurance maladie soit respecté. Depuis près de quinze ans, chaque gouvernement prenait vis-à-vis de la représentation nationale un engagement en sachant d’emblée qu’il ne serait pas tenu. Depuis 2010, nous avons rompu avec cette mauvaise habitude – c’est une marque de respect pour la représentation nationale –, démontrant ainsi qu’il n’y avait pas de fatalité à la hausse incontrôlée des dépenses.
Bien sûr, je le répète une fois encore à M. Watrin et à M. Desessard, nos dépenses sociales continuent d’augmenter : un ONDAM à 2,5 %, ce sont plus de 4 milliards d’euros supplémentaires que nous consacrerons à notre système de santé, dont 2 milliards d’euros pour l’hôpital.
Nous investissons encore et toujours dans notre système de protection sociale. J’en veux pour preuve que l’ONDAM médico-social augmente d’un peu plus de 4 %, contre 3,8 % l’an passé. Ce sont ainsi près de 600 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à l’accueil et à l’accompagnement des personnes âgées et des personnes atteintes de handicap.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour préserver cette capacité d’investissement et pour améliorer un système de santé qui, contrairement au tableau bien noir que vous en dressez, madame Génisson, est non seulement l’un des meilleurs du monde, mais aussi le plus accessible, nous n’avons pas le choix : nous devons maîtriser nos dépenses, nous devons poursuivre les réformes structurelles qui mettent notre modèle social à l’abri de la crise. C’est cela, monsieur Caffet, qui nous permet de réduire nos déficits sans faire peser l’effort sur les patients.
Force est de constater que le Sénat n’a pas pris cette direction. J’en veux pour preuve le 1,5 milliard d’euros de dépenses qu’aurait engendré l’adoption de vos propositions : la suppression des franchises médicales, la suppression des remises sur les médicaments ou bien encore le retour sur la convergence tarifaire.
Ce choix, mesdames, messieurs les sénateurs, mettrait en péril notre sécurité sociale. Et ce ne sont pas les recettes que vous avez fait adopter, monsieur le rapporteur général, qui permettront d’en compenser les effets sur le déficit.
Je ne reviens pas sur votre mesure « anti heures supplémentaires », que vous faites adopter dans chaque texte financier. Il faudra que vous vous entendiez avec Mme Bricq sur son affectation – aux dépenses de l’État ou aux dépenses de sécurité sociale ! En tout état de cause, cette mesure retire du pouvoir d’achat aux Français ; c’est la raison pour laquelle nous y sommes défavorables.
Quant aux dix-sept taxes que vous avez créées ou augmentées (Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.),…
Mme Chantal Jouanno. Voilà !
Mme Valérie Pécresse, ministre. … elles relèvent de l’artifice financier, et ce pour une raison très simple : les retraites chapeaux, les stock-options, les parachutes dorés, ce gouvernement est le premier à les avoir taxés. Il les a taxés par principe, pour moraliser les pratiques, et non pour combler les déficits.
Chacun sait bien que le produit de ces taxes, qui concernent très peu de personnes, ne comblera jamais le déficit, et il ne serait pas sérieux de prétendre le contraire. Elles sont faites, madame la présidente de la commission, pour dissuader des comportements inadmissibles – sur ce point, je partage votre point de vue –, et non pour redresser les comptes publics.
Les faits sont là, madame Archimbaud : avec plus de dépenses et sans le moindre financement solide, les mesures que le Sénat avait adoptées creusent en réalité les déficits. C’est pourquoi le Gouvernement, comme l’Assemblée nationale, ne pouvait vous suivre sur cette voie.
Comme l’a très justement souligné Alain Milon, une responsabilité historique pèse aujourd’hui sur nous : désendetter la France, renouer avec un modèle de financement viable de la protection sociale, tourner une fois pour toutes la page des déficits.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est à la hauteur des enjeux ; il est au niveau des circonstances, car il protège notre modèle social. Le Gouvernement s’oppose donc à son rejet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale n’ayant pas eu le courage de faire un travail approfondi sur l’excellent texte voté par le Sénat, les raisons qui nous poussent à rejeter ce projet de loi de financement sont identiques à celles qui nous ont poussés à le refonder.
Il n’est pas inutile de procéder à quelques rappels.
La majorité gouvernementale actuelle est aux responsabilités depuis une décennie. Année après année, automne après automne, chaque présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale donne lieu à un même rituel : un projet ployant sous la fatalité des déficits des comptes sociaux et sauvegardé à coups d’expédients.
Cette année encore, il ne fait pas exception à la règle.
Certes, me direz-vous, aucun gouvernement, sauf celui de Lionel Jospin,…
M. Ronan Kerdraon. … n’échappe à la problématique de l’équilibre des comptes sociaux.
Aussi n’est-ce pas sur les seuls résultats de l’année en cours qu’il convient de porter un jugement, et c’était d’ailleurs le postulat sur lequel la commission des affaires sociales s’appuyait pour refonder le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
Pour autant, comme les années précédentes, force est de constater que le Gouvernement ne fait qu’accompagner, voire creuser nos déficits.
Pour ce qui est de la forme, je ne m’étendrai pas plus longuement sur le mépris de l’exécutif à l’égard des parlementaires – je vous renvoie aux propos de notre collègue Catherine Génisson. Ainsi, le Gouvernement a introduit l’ensemble des nouvelles mesures d’économies par voie d’amendement à l’Assemblée nationale quelques heures à peine après l’échec de la commission mixte paritaire.
Pour ce qui est du fond, lors de l’examen en première lecture, nous avions, de ce côté-ci de l’hémicycle, dénoncé les bases erronées et une prévision de progression du PIB pour le moins optimiste. Comment ne pas s’étonner que, en nouvelle lecture, le projet ne prenne toujours pas en compte la réalité de ce que sera la croissance dans les mois qui viennent ?
En effet, les projections sur lesquelles vous vous appuyez tablent sur une croissance de 1 %, contre 1,75 % initialement. Or vous savez comme nous tous qu’elle sera inférieure à ce chiffre ! Nous relayons ici les inquiétudes des experts et des économistes, dont ceux de la Commission européenne, qui indiquent 0,6 %.
En dépit de nos appels à la prudence, le Gouvernement persiste à s’appuyer à nouveau sur ces perspectives totalement erronées. Tout comme pour la première version, cet irréalisme entache d’insincérité le présent texte.
Devrons-nous revenir dans deux ou trois semaines pour examiner un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale ?
L’irréalisme se mue en irresponsabilité lorsque nous découvrons les nouvelles mesures visant à prendre en compte la possible dégradation de la note française – le fameux « triple A » – et le risque d’inconstitutionnalité pour cause de non-respect du principe de sincérité qui pèse sur ce projet de loi de financement.
Que ce soient l’avancement à 2017 du passage à la retraite à soixante-deux ans ou la revalorisation limitée des prestations sociales et familiales, ces mesures, madame la ministre, sont marquées du sceau de l’injustice.
Traduisant en actes les paroles ô combien blessantes du Président de la République à l’endroit de nombreux Français – sur le port de Lorient, on se rappelle d’autres paroles –, ce projet est surtout une déclaration de guerre contre les assurés sociaux, transformés pour l’occasion en fraudeurs potentiels. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.)
Les chiffres sont là pour dévoiler l’ampleur de l’injustice : la fraude aux prestations sociales représente environ 2 milliards d’euros, soit 1 % du total des prestations versées ; le montant de la fraude fiscale est estimé à une somme comprise entre 20 et 25 milliards d’euros, soit 10 % des recettes fiscales !
Mme Christiane Demontès. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Et qui le dit ? Pas le groupe socialiste, non, mais le Conseil des prélèvements obligatoires !
Une fois de plus, ce sont les assurés qui paient le prix de la mauvaise gestion du Gouvernement tandis que vous consentez, année après année, budget après budget, des cadeaux aux plus aisés.
Par ailleurs, l’abandon de la réforme de la dépendance, qui, je le rappelle, était l’un des nombreux engagements forts du Président de la République – autant d’engagements qu’il n’a jamais tenus –, serait une raison suffisante pour motiver notre refus de ce texte.
Nous nous interrogeons d’ailleurs sur le gel de crédits qui affectent ce secteur et considérons comme insuffisantes les enveloppes dédiées à son financement.
Cette situation désastreuse affecte également la branche famille, dont l’excédent sert désormais à masquer les difficultés de la branche vieillesse.
Là encore, les mesures visant des économies de circonstance pénalisent durablement les ménages modestes.
C’est d’ailleurs le fil conducteur de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Où est la justice sociale dans un texte qui est censé assurer la pérennité matérielle de notre système ?
Il nous semblait pourtant, et nous l’avons démontré dans cette enceinte, qu’une voie alternative et plus juste était possible. Elle permettait de combler une dette sociale qui se monte à près de 200 milliards d’euros, et ce sans pénaliser les Français des classes moyenne et modeste.
Cela passait par la taxation des revenus du capital ou la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, qui, en plus de plomber les comptes publics, grèvent les créations d’emplois.
Cela passait également par la traque systématique des niches sociales bénéficiant notamment aux hauts revenus, capital et travail confondus. Il s’agissait aussi de réviser les règles des allégements généraux de charges sociales.
Vous n’avez pas eu le courage de refonder durablement un système dont la pérennité est aujourd’hui remise en cause. (Mme Chantal Jouanno s’exclame.) Aussi, nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, comme l’a rappelé Dominique Watrin, la sécurité sociale, ce formidable outil de protection des travailleurs et des familles, est issu du programme prévisionnel pour la Libération élaboré par le Conseil national de la résistance.
Le premier alinéa de ce programme précisait qu’il est né de « la volonté ardente des Français de refuser la défaite ». Aujourd’hui, il s’agit toujours de résister, mais sous une autre forme, en s’opposant au pouvoir des marchés financiers contre les droits et solidarités.
Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné, décrivait dans un ouvrage récent sur le CNR comment les financiers, les assureurs, les banquiers, les grands patrons, étaient soucieux de prendre leur revanche sur ce programme et les conquêtes qu’il consacrait, des conquêtes qui constituent en définitive une entrave aux marchés, qui se piquent de gouverner nos vies.
Heureusement que vous nous avez déclaré, madame la ministre, être attachée à la sécurité sociale, car votre gouvernement, loin de s’opposer à cette œuvre destructrice, y participe, parfois clairement, voire en le revendiquant, d’autres fois de manière camouflée, mais toujours avec la même constance !
Vous contribuez discrètement à détricoter le programme du CNR par l’affaiblissement de la sécurité sociale, notamment en adoptant les franchises médicales. Au nom de la responsabilisation nécessaire des malades, tous suspectés d’être des fraudeurs – ou pour le moins des profiteurs –, vous instaurez des franchises. Ce faisant, vous remettez en cause le fondement même du financement solidaire de la sécurité sociale, selon lequel chacun cotise selon ses moyens et bénéficie d’une protection sociale compte tenu de ses besoins.
Qu’importe, en fait, que de plus en plus de nos concitoyens ne soient plus couverts par des mutuelles complémentaires ou qu’ils optent pour des contrats « d’entrée de gamme » et en soient réduits – pour 15,4 % d’entre eux, je le rappelle – à renoncer à certains soins pour des raisons financières !
Parfois, la méthode est plus insidieuse.
Je pense au doublement de la taxe sur les contrats responsables et solidaires. Cette mesure, supprimée sur l’initiative de notre rapporteur général, aurait eu pour effet d’entraîner une nouvelle hausse des tarifs et de conduire nos concitoyens à opter pour des contrats non responsables, alors même que les contrats responsables et solidaires ont fait la preuve de leur efficacité pour l’accès aux soins et la régulation des dépenses sociales.
Je citerai aussi la manière selon laquelle vous entendez imposer, contre la volonté des mutuelles et de nos concitoyens, le secteur optionnel. Il ne s’agit en réalité, cela doit être dit, que d’une légalisation des dépassements d’honoraires. Avec l’émergence de ce secteur optionnel, s’il est aujourd’hui déjà difficile d’accéder à des spécialistes respectant les tarifs définis par la sécurité sociale, ce sera demain totalement impossible.
Nous partageons pleinement l’analyse du Syndicat de la médecine générale : « L’assurance maladie : les cotisations sont proportionnelles aux revenus et les prestations sont les mêmes pour tous. C’est le principe de solidarité. »
En effet, comme vous le savez, à la différence du régime obligatoire d’assurance maladie, le régime complémentaire repose sur une logique contributive. La couverture dépend des capacités financières des adhérents. Reporter sur elles le remboursement des dépassements d’honoraires ne ferait que déplacer le problème et l’accès aux soins resterait tout aussi difficile.
Les membres du groupe CRC considèrent qu’il faut engager une véritable lutte contre les dépassements d’honoraires afin d’assurer le respect, en lieu et place de ce secteur optionnel, des tarifs opposables.
Enfin, vous vous attaquez ouvertement à notre modèle social, en organisant méthodiquement l’assèchement des comptes sociaux. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en est encore une fois un triste et dramatique exemple, car le texte sur lequel vous voudriez recueillir nos suffrages, même après la révision macroéconomique que vous avez opérée, est toujours marqué, pour l’an prochain, par un déficit du régime obligatoire de base de 15,6 milliards d’euros. Or, vous le savez pertinemment, cette situation économique fragilise notre protection sociale en la rendant mécaniquement dépendante des marchés financiers.
Le déséquilibre des comptes sociaux n’est pourtant pas une fatalité. Nous nous souvenons qu’à une époque pas si éloignée, lorsque d’autres choix étaient opérés, l’assurance maladie était encore à l’équilibre.
Vous ne manquerez pas de nous faire observer – d’ailleurs vous l’avez déjà fait – qu’entre-temps la crise est apparue. Nous ne manquerons pas de vous répondre que votre responsabilité en la matière est entière. C’est bien votre refus d’agir en faveur de l’emploi de qualité et rémunérateur, en faveur de la formation professionnelle qualifiante et contre les licenciements spéculatifs, qui a fragilisé notre système de protection sociale, financé en grande partie par les richesses produites par le travail.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour explication de vote.
Mme Chantal Jouanno. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous n’allons pas faire durer le suspens trop longtemps : nous ne voterons évidemment pas la motion tendant à opposer la question préalable, parce que nos principes politiques sont radicalement opposés.
Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Cela nous rassure un peu !
Mme Chantal Jouanno. Nous vous demandons d’avoir le courage, sinon de réduire les dépenses, au moins de les maîtriser ? Vous nous répondez que c’est impossible.
Nous vous en apportons pourtant la preuve depuis plus de deux ans avec le respect de l’ONDAM ? Vous nous répondez que cela tient au hasard de la crise.
Nous ne vous suivrons pas sur la voie du renoncement.
Mme Christiane Demontès. Renoncement pour qui ?
Mme Chantal Jouanno. Nous vous proposons de limiter – je dis bien limiter – la hausse des prélèvements obligatoires ? Vous nous suggérez de mettre en place dix-sept taxes supplémentaires, pour 5,2 milliards d’euros !
Mme Christiane Demontès. Et vous trente et une !
Mme Chantal Jouanno. Madame, vous avez mis une nuit à en créer dix-sept, alors qu’il nous a fallu cinq ans !
M. Ronan Kerdraon. Cela n’a aucun rapport !
Mme Chantal Jouanno. Certes, nous aurions pu nous retrouver sur certains prélèvements – je saisis cette occasion pour corriger une petite erreur, madame la présidente : la taxation sur les entreprises de cosmétiques a bien été maintenue à l’Assemblée nationale –, mais jamais, en tout cas, sur la taxation des heures supplémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme Laurence Cohen. C’est certain !
Mme Chantal Jouanno. Nous ne nous retrouverons jamais non plus sur la taxation supplémentaire de la participation ou encore de l’intéressement.
Contrairement à Mme Escoffier, je regrette beaucoup que les médias s’intéressent si peu à ce qui se passe ici, aux positions que vous défendez depuis quelques semaines et que vous reprenez ce soir.
Nos propositions sont opposées aux vôtres, sur le fond. Nous vous soumettons une politique de l’offre ? Vous nous présentez systématiquement une politique de la demande, de l’endettement, celle précisément qui a mené à la crise actuelle.
Mme Christiane Demontès. La politique de l’offre ? Qu’est-ce que cela signifie ? La protection sociale, ce n’est pas un marché !
Mme Chantal Jouanno. Nous vous proposons de changer de philosophie et de reconnaître que le seul travail valable est celui qui est créé par les entreprises ? Vous continuez à considérer le travail comme un fardeau, les entreprises comme des exploiteurs et les médecins comme des profiteurs ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Nous ne vivons pas dans le même monde ou, plus exactement, nous ne vivons plus dans le même monde.
Mme Christiane Demontès. C’est sûr !
M. Jacky Le Menn. Nous n’avons pas les mêmes valeurs !
Mme Chantal Jouanno. Surtout, nous aurions pu avoir un vrai débat de fond sur les changements de notre modèle économique et les conséquences qu’ils ont entraînées sur le modèle social. Cette discussion aurait été l’occasion d’entreprendre des réformes structurelles, comme nous y oblige cette crise. Vous ne l’avez pas voulu, vous contentant de postures très politiques et de discours de campagne électorale.
M. Jean-Yves Leconte. C’est faux !
Mme Chantal Jouanno. Vous avez fait du Sénat la vitrine de votre parti. Nous ne vous suivrons pas non plus dans cette voie.
Par conséquent, je le répète, nous ne voterons pas cette motion tendant à opposer la question préalable, et même nous la dénonçons ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe de l’UCR ne votera pas cette motion, non à cause de positions de principe politiques, mais pour des raisons de bon sens.
Au cœur de la tempête, le Gouvernement a fixé une feuille de route : un ONDAM ramené à 2,5 %. Il faut bien sauver le système dans cette situation très difficile ; pour cela, des propositions ont été émises de part et d’autre, dont certaines étaient intéressantes et soutenues certainement de bonne foi. Mais nous ne devons pas nous éloigner de la ligne qui a été tracée par le Gouvernement pour des raisons financières. Sinon, nous risquerions de mettre le système en danger.
Nous ne voterons donc pas la motion tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Yves Leconte. Le Gouvernement est expert en matière de déficit !
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour explication de vote.
Mme Anne-Marie Escoffier. Madame la présidente, je le disais tout à l’heure, de contradictions en contradictions, d’approximations en approximations, le Gouvernement nous contraint à voter la motion tendant à opposer la question préalable.
Il est tout de même un peu décevant que nos amendements n’aient pas été adoptés. Tous n’étaient pas impertinents, madame la ministre. Un certain nombre ont sans doute suscité plus d’opposition de la part de l’UMP, mais, en tout état de cause, tout n’est pas noir ou blanc, et la vérité doit se situer au milieu ! Il y avait sans doute moyen de trouver des solutions entre nous, mais nous n’y sommes pas parvenus, ce que je regrette.
C’est la raison pour laquelle je voterai cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je mets aux voix la motion n° 7, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 56 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 172 |
Pour l’adoption | 175 |
Contre | 168 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
En conséquence, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 est rejeté.