M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, je renonce à mon intervention. Tout a déjà été dit, et beaucoup mieux que je n'aurais su le faire ! (Protestations amusées sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Je voudrais dire à mon collègue Éric Doligé, qui est, tout comme moi, président de conseil général, que je le préférais lorsqu'il critiquait le prélèvement de 200 millions d'euros !
M. Éric Doligé. Je suis devenu raisonnable ! (Sourires.)
M. Gérard Miquel. C’est ce que vous nous dites ! (Nouveaux sourires.)
Prélever 200 millions d'euros sur la dotation aux collectivités, au motif qu’elles doivent participer à l'effort de rigueur qui s'impose à tous dans une période de crise, paraît de prime abord tout à fait normal.
Qu’en est-il en réalité ? Les transferts de compétences mal compensés ont amené les élus locaux à faire, depuis des années, d’importants efforts de rigueur et d'optimisation. Madame la ministre, vous en conviendrez, leur contribution au plan de relance, notamment, a été déterminante.
Je voudrais évoquer le cas d’un niveau de collectivité que je connais particulièrement bien : le département. Je préside le conseil général d'un petit département,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Très beau département !
M. Gérard Miquel. … qui ne compte que 175 000 habitants.
L'État a transféré au fil du temps tout le champ social aux conseils généraux : l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, dont le coût devait être compensé à hauteur de 50 % et qui, dans mon département, ne l’est qu’à hauteur de 27 % ; le revenu de solidarité active, le RSA, et l’allocation aux adultes handicapées, l’AAH.
Aujourd'hui, le retard entre les compétences transférées et les compensations obtenues est tel que cela en devient totalement insupportable.
En effet, crise oblige, le nombre de personnes inscrites au RSA progresse, et de façon importante. Il en va de même pour le nombre de personnes relevant de l’APA, le pourcentage de personnes âgées dans mon département étant l’un des plus élevés de France.
J’ai dû augmenter mon budget pour 2012, que je vais faire voter dans les semaines qui viennent, de 12 millions d'euros pour faire face aux dépenses liées à ces trois prestations, considérant l’APA compensée à 50 %. Dans mon département, un point d'impôt représente, après la réforme de la taxe professionnelle, 380 000 euros… Comment voulez-vous que les départements puissent faire face aujourd'hui à ces dépenses ? Ils n'en ont pas les moyens !
Madame la ministre, vous nous avez assuré que les droits de mutation versés aux départements avaient retrouvé leur niveau d’avant la crise. Mais ce n'est pas partout le cas, notamment dans mon département ! Nous avons bénéficié l’année dernière de la péréquation, qui était – j'en conviens – bienvenue. Mais nous sommes encore très loin du compte.
Dans le même temps, l'État nous demande de participer au financement des routes nationales. Nous avons ainsi récupéré un nombre important de routes ; quant à celles qui relèvent toujours de sa compétence, l’État nous demande de participer au financement des travaux ! C’est absolument anormal !
Il en est de même pour le rail : si nous voulons de nouvelles lignes à grande vitesse, il faut mettre la main à la poche.
Cette situation est absolument anormale : le niveau de participation des collectivités est devenu totalement incompatible avec l'équilibre budgétaire. Chacun doit reprendre les choses en main dans ses propres domaines de compétence.
Ces dérapages financiers liés à la gestion du champ social vont progressivement nous contraindre à réduire nos investissements dans les routes, les bâtiments, les collèges, car nous ne pourrons plus financer que des dépenses sociales, et nos entreprises n’auront plus qu’à licencier, ce qui augmentera d’autant le nombre de chômeurs.
Nous avons besoin de rétablir un climat de confiance entre l'État et les collectivités, comme nous avons besoin de retrouver une péréquation véritablement efficace pour aboutir à une juste répartition des ressources.
Madame la ministre, nous sommes prêts à faire des efforts. Mais il n’est pas acceptable de ponctionner les collectivités de 200 millions d'euros cette année : alors même qu’elles sont confrontées à des difficultés majeures, elles vont devoir se priver d'investissements indispensables au bon fonctionnement de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, pour explication de vote.
M. Gérard Roche. Madame la ministre, nous pourrions accepter de reconnaître que, dans le contexte actuel, une politique de rigueur est salutaire. Nous pourrions de même comprendre que vous demandiez un effort tout particulier aux collectivités. Oui, nous pourrions le comprendre, si du moins, et c’est un président de conseil général qui s’exprime ici, les gouvernements successifs n'avaient pas mis en place depuis 2002 des prestations sociales qui devraient relever de la solidarité nationale mais dont une grande partie du financement est pourtant assurée par les départements, ce qui représente une charge intolérable pour certains d’entre eux. Cette véritable double peine sera, pour nous, très difficile à supporter.
Mais, malgré tout, alors que, dans cette période d'austérité, tous les voyants sont au rouge, nous devons, tous ensemble et de façon solidaire, ramener la voiture au garage. C'est la raison pour laquelle, bien que les départements soient actuellement confrontés à de grandes difficultés, je ne voterai pas ces amendements, par solidarité nationale. (Très bien ! sur les travées de l’UCR et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote.
M. Albéric de Montgolfier. Mes chers collègues, je ne vais pas me livrer à une comparaison entre les collectivités les plus vertueuses et celles qui le seraient moins. Je ferai simplement remarquer que, dans le contexte actuel, le montant de la DGF est globalement maintenu et que le FCTVA ne rentre pas dans l'enveloppe normée. Ces deux éléments sont extrêmement importants.
On peut entendre les aspirations des uns et des autres à trouver une solution définitive pour régler le problème des dépenses sociales – on sait ce qu'il en est notamment de la dépendance. Mais, de manière plus immédiate, j’aurais aimé que Mme la ministre réitère auprès de nous l'engagement pris par le Gouvernement de geler toute nouvelle norme.
Concrètement, nous pouvons concevoir qu'il faille diminuer les dépenses de l'État et que les 200 millions d’euros demandés aux collectivités ne représentent qu’un effort somme toute modeste, mais encore faut-il que l'on ne nous impose pas aujourd’hui encore de nouvelles normes, contrairement à un engagement du Premier ministre et du Gouvernement, régulièrement réitéré.
Éric Doligé a abordé la question des mineurs isolés étrangers. Alors que ces mineurs devraient, en toute logique, relever d'une politique nationale, les départements commencent à être mis à contribution en raison de décisions plus ou moins clandestines des parquets, en méconnaissance de l'engagement pris par le Gouvernement de ne pas imposer de dépenses nouvelles.
Nous ne pourrons voter contre ces amendements qu’à condition que cet engagement soit réitéré.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Mes chers collègues, je voudrais rappeler que, ces cinq dernières années, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne – celle de M. Zapatero, pas la nouvelle ! – et l'Allemagne ont réduit de 12 % en moyenne les dotations aux collectivités accordées par l'État, qu’il soit fédéral ou unitaire.
Je le sais bien, ce n'est pas parce que cela se fait ailleurs que nous devons faire la même chose, mais nous devrions tout de même nous demander s’il n’y a pas, de façon générale, un problème d'équilibre entre les états centraux et les collectivités locales.
Je suis, pour ma part, favorable aux régions ; d’autres préfèrent les départements.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-EELV. On peut être favorable aux deux !
M. Roger Karoutchi. Allons-y, chers collègues ! Mais ne devons-nous pas reconnaître que la multiplication des strates administratives dans notre pays ne rend pas facile une gestion unifiée et ne favorise pas les économies ? Par conséquent, les 200 millions d’euros que l’on demande à nos collectivités sur leurs 200 milliards d’euros de budget sont loin de correspondre à ce que les pays voisins ont repris à leurs collectivités ou à ce que nous sommes capables de générer comme économies…
J'entendais M. Patriat, pour qui j'ai beaucoup d'estime, dire que 95 % des dépenses des régions sont de l'investissement. Peut-être cela est-il vrai chez lui, mais nous savons tous que c'est loin d'être le cas dans les autres régions !
En Île-de-France, par exemple, nous en sommes à 57 % pour les dépenses de fonctionnement et à 43 % pour les dépenses d'investissement. Je ne dis pas que nous ne faisons pas d'efforts. Le président de la région d’Île-de-France a ainsi décidé de raboter de 5 % un certain nombre de subventions. Pour autant, ce n'est pas assez, car les dépenses de fonctionnement en Île-de-France ont explosé, et pas seulement celles qui sont relatives aux compétences transférées.
Par conséquent, des efforts supplémentaires devront être faits. Mme la ministre, qui préside notre groupe au conseil régional d'Île-de-France, a entendu comme moi le président Huchon annoncer qu’il récupérerait en 2012 la TIPP du Grenelle 2 à laquelle la région d’Île de France n'avait pas droit jusqu'ici, soit 70 millions d'euros. Il aurait pu dire merci, mais s’en est bien gardé…
Certes, le président de la commission des finances de la région d'Île-de-France que je suis n’est pas particulièrement ravi de devoir verser une contribution supplémentaire de 15 millions d’euros… Mais, je le répète, nous allons récupérer 70 millions de la TIPP du Grenelle 2.
Je sais bien qu’il n'est jamais agréable de s’entendre dire qu'il va falloir redonner de l’argent, ce qui déséquilibre un budget qu’il faudra ensuite rééquilibrer… M. Huchon nous a également dit que, malgré son triple A, la région d’Île-de-France a, en ce moment, des difficultés à emprunter sur les marchés, car les problèmes auxquels est confronté notre pays ont tendance à se diffuser au niveau local.
Je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit précédemment : il n'y a pas de guerre entre l'État et les collectivités locales. Dans l’intérêt des collectivités locales comme dans celui de l'État, nous devrions faire des efforts tous ensemble pour réussir à sortir de la crise et œuvrer pour une convergence nationale.
M. le président. La parole est à M. Claude Haut, pour explication de vote.
M. Claude Haut. Chers collègues de l’opposition, si nous faisons souvent le même diagnostic, nous ne proposons pas pour autant les mêmes réponses. Ici, nous souhaitons non pas augmenter les dépenses de l'État, mais simplement rétablir ce qui était prévu initialement pour les collectivités.
Si nous voulons aujourd'hui le rétablir, c’est que, comme le disait Gérard Roche tout à l'heure, nous avons l’impression d’être frappés d’une double peine : d’un côté, le prélèvement que vous souhaitez réduit considérablement les ressources et donc les marges de manœuvre des collectivités ; de l’autre, l’État continue, dans le même temps, d’imposer régulièrement des charges nouvelles aux départements.
Mes collègues l’ont déjà dit : les départements sont, avec l’allocation personnalisée d’autonomie, la prestation de compensation du handicap et le revenu de solidarité active, confrontés à des charges hors norme ; ils se retrouvent à gérer la solidarité nationale sans en avoir les moyens !
Or, aujourd'hui, vous souhaitez nous ajouter des prélèvements supplémentaires : c’est là qu’est la double peine !
C’est simplement pour rectifier ce déséquilibre existant entre les charges que vous nous affectez et les moyens que vous nous donnez que nous voterons l’amendement n° I-18.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote.
M. Bernard Piras. Madame la ministre, depuis 2008, les collectivités locales sont mises à mal par le Gouvernement ; elles sont attaquées sans cesse. Dans le même temps, on tente de les culpabiliser.
Je suis maire d’une petite commune de 20 000 habitants : quand je vois que l’endettement de l’État s’élève à 25 000 euros par habitant, contre 350 euros dans ma commune, j’ai du mal à me sentir coupable…
C’est d’autant plus vrai que les collectivités locales ont déjà fourni un double effort. D’un côté, les dotations de l’État ont baissé considérablement – baisse amplifiée par la réforme fiscale –, empêchant les collectivités d’accéder pleinement à l’autonomie financière : c’est tout de même assez grave ! De l’autre côté, les collectivités doivent faire face à toujours plus de charges.
C’est peut-être un peu moins vrai pour les communes. Elles sont en effet désormais chargées de la délivrance des passeports biométriques, des permis de construire dans les villes comptant plus de 10 000 habitants, et ce alors que par ailleurs les crédits de la politique de la ville diminuent. Tout cela ne fait qu’illustrer les propos tenus tout à l'heure par mes collègues conseillers généraux ou régionaux, qui ont eux-mêmes évoqué les charges supplémentaires pesant les communes.
Madame la ministre, on a du mal à vous suivre ! Je pense que les collectivités locales ont fait les efforts nécessaires. Or, là, vous leur infligez une double peine !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je partage beaucoup des propos qui ont été tenus ; mon intervention sera donc assez brève.
Quand j’entends dire que les collectivités territoriales doivent donner l’exemple en matière de réduction des dépenses, je m’interroge toujours sur ce que les personnes qui nous le demandent, en particulier le Gouvernement, ont en tête.
Sur quoi porte la dépense ? La dépense vise essentiellement à fournir des services publics à la population. Un certain nombre de mes collègues ont pris tout à l'heure des exemples, comme le soutien au maintien des personnes à domicile : le fait, pour une collectivité, de pouvoir proposer des aides ménagères à domicile permet d’alléger le coût d’autres charges – en l’occurrence, l’accueil en maison d’hébergement – qui seraient sinon beaucoup plus lourdes.
Comme nous n’avons toujours pas débattu des modalités de financement de la dépendance, cela signifie que, d’une certaine manière, la collectivité assume une responsabilité qui ne devrait normalement pas lui incomber. Mais qui le fera, sinon ?
Ce sont donc bien les services à la population qui sont l’objet de ces dépenses.
En outre, Mme la ministre a déclaré tout à l'heure que les dotations des collectivités territoriales ne baissaient pas, et que la DGF avait été « sanctuarisée ».
Dans cet hémicycle, nous sommes un certain nombre à être également maires de communes dont la DGF a baissé, depuis plusieurs années, de façon régulière.
M. Philippe Dallier. Eh oui ! Mais quoi !...
Mme Marie-France Beaufils. La masse globale reste peut-être la même ; elle n’augmente plus ; mais, à partir du moment où la population de la commune augmente, et sachant que la répartition se fait sur un nombre d’habitants plus important, dans les faits, la diminution est bien réelle et personne ne peut la nier.
Je rappelle également que les moyens financiers mis à la disposition des collectivités territoriales ont aussi diminué du fait de l’utilisation que vous avez faite, depuis plusieurs années, de ce que l’on appelle les « variables d’ajustement », avec des dégrèvements ou des exonérations d’impôt qui, depuis un certain nombre d’années, ne sont plus compensés en totalité ou qui sont plafonnés. Or il en résulte, là aussi, des pertes de recettes non négligeables.
Ce qui me pose le plus problème dans votre argumentaire, c’est que vous nous demandez de faire 200 millions d’efforts supplémentaires, en oubliant que, si l’on diminue les dépenses des collectivités territoriales, on diminue leur capacité d’investissement. Or cela aura des effets sur la dynamique économique, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics, ainsi que sur l’emploi. Sur le fond, ce sont les capacités de croissance de notre pays qui seront réduites.
C’est toute la différence entre nous : nous n’avons pas la même approche des solutions utiles pour redresser le pays. Selon nous, ce n’est pas en diminuant les conditions de sa dynamique économique que l’on créera celles du redressement. On le voit très nettement pour la Grèce ; on le voit aujourd'hui pour d’autres pays : ce n’est pas le chemin qu’il faut prendre.
Pour ces raisons, nous voterons l’amendement de la commission, même si, bien évidemment, nous aurions préféré que vous reteniez le nôtre, qui nous semblait meilleur, madame la rapporteure générale.
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’attends de l’État qu’il soit cohérent.
Qu’il nous demande de réduire certaines dépenses, nous pourrions l’accepter. Mais alors que l’État ne fasse pas les poches des collectivités locales, exercice auquel il procède pourtant en permanence.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. François Fortassin. Soyez cohérent ! Vous voulez nous empêcher de dépenser plus. Dans le même temps, depuis des années, les réglementations s’empilent, de telle sorte que, pour une même dépense, nous avons des frais supplémentaires qui réduisent considérablement les capacités d’autofinancement et d’investissement de nos communes, de nos départements et de nos régions. Or c’est au travers de l’investissement que l’on mesure la richesse d’un territoire, sa volonté de relance et, dirais-je, l’optimisme qui s’en dégage !
Madame la ministre, vous devriez aussi mesurer que, chaque fois qu’ils rencontrent des difficultés, nos concitoyens les plus démunis et les plus pauvres se tournent toujours vers les collectivités locales : c’est le principe même de la décentralisation. Les citoyens viennent trouver les responsables qui sont au plus près d’eux et leur demandent de régler un certain nombre de problèmes. Cela, vous semblez l’ignorer, vous et le Gouvernement tout entier ! (Mme la ministre fait un signe de dénégation.)
C’est la raison pour laquelle je voterai, bien entendu, l’amendement de la commission.
M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.
M. Yannick Botrel. Monsieur le président, madame la ministre, comme beaucoup de mes collègues, ma culture est celle des collectivités territoriales :…
M. Ronan Kerdraon. C’est une bonne culture !
M. Yannick Botrel. … une culture forgée au sein d’une commune et, jusqu’à il y a quelques mois encore, au sein d’un conseil général.
Sans chercher à opposer l’État aux collectivités – nous avons tous un profond respect pour l’État –, nous devons simplement mettre en évidence un certain nombre de faits.
Que les collectivités locales aient pu passer, aux yeux de certains – nul besoin de citer des noms –, pour responsables d’une gestion dispendieuse peut nous amener à réagir, et à réagir fortement. En tout état de cause, il me semble que ce n’est pas exactement la posture de la plupart des élus territoriaux de notre pays.
La création de postes dans les collectivités territoriales a été évoquée. Cet argument est développé, souvent, par le Gouvernement et, à certains moments, par le Président de la République.
Le chiffre de 86 000 créations a été avancé tout à l'heure. Si je me fonde sur ma propre expérience pour examiner où précisément ces postes ont été créés, je m’aperçois que, dans ma collectivité, la transformation du foyer-logement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes a fait passer le nombre d’agents de vingt, en 2004, à quarante, aujourd'hui. Or l’évolution de la structure était parfaitement justifiée par le vieillissement de la population résidant dans cet établissement.
Que l’on ne vienne donc pas nous dire que ces emplois ont été créés par pure futilité ! Ces postes nouveaux correspondent au contraire à un besoin, à une nécessité, à des programmes qui, à l’époque, ont été lancés par l’État.
De même, le fait que les enfants de moins de trois ans ne soient plus accueillis dans les écoles maternelles a conduit des collectivités à mettre en place des structures d’accueil. Il me semble que cela va aussi dans le sens de l’activité économique de notre pays : il faut bien que les parents trouvent des solutions de garde de leurs enfants lorsqu’ils travaillent ! Ces créations de poste, me semble-t-il, n’ont rien d’inutile.
Passons sur les conseils généraux : les conditions de transfert des personnels venant des directions départementales de l’équipement ou de l’éducation nationale ont été évoquées précédemment. On sait que, dans un certain nombre de cas, ces transferts étaient insuffisants et qu’il a bien fallu faire face aux carences que l’on a pu constater dans le passé, bien qu’elles soient plus difficiles à expliquer par les collectivités territoriales. Or tout cela a conduit les conseils généraux à créer un certain nombre d’emplois.
Pour ce qui est maintenant des transferts de charges, deux chiffres me suffiront : en 2002, l’APA était compensée à près de 50 %. Aujourd'hui, cette compensation n’atteint pas 30 %. (M. Albéric de Montgolfier proteste.)
Cette année, dans le budget du département des Côtes-d’Armor, les dépenses à caractère social sont en augmentation de 18 millions d’euros, à périmètre égal. Quand on sait que le point de fiscalité, qui a pu atteindre jusqu’à 1,5 million d’euros pour cette collectivité, est descendu, par le biais des dispositions prises dans la période récente, à environ un million d’euros, on voit que ce sont 18 points de fiscalité qu’il faudrait pour compenser à due concurrence. Excusez du peu !
On le voit bien, les collectivités sont, malgré elles, prises dans un étau ; personne ne peut le contester, sauf à être de mauvaise foi.
Alors, quand on parle de faire participer les collectivités à l’effort budgétaire de la nation, j’ai, pour ma part, tendance à considérer que cet effort est déjà fourni et qu’il l’est depuis longtemps. Je vous renvoie aux exemples très concrets que j’ai développés.
L’amendement de la commission a du sens, et je le voterai. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Ronan Kerdraon. Excellente intervention !
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me félicite du nombre d’interventions, en particulier de la part de mes collègues du groupe socialiste-EELV ; elles démontrent, s’il en était besoin, le bien-fondé de l’amendement de la commission.
Cela fait plus d’une heure que nous discutons de ce sujet sensible. De quoi s’agit-il ? Je rappelle que, à la demande du Gouvernement, l’Assemblée nationale a décidé une ponction supplémentaire de 200 millions d’euros sur les recettes destinées aux collectivités territoriales.
Devons-nous accepter cette ponction supplémentaire ? Nous avons le sentiment que non. L’amendement de la commission vise justement à vous proposer de refuser cette ponction et à revenir en arrière. Mes collègues ont tous développé de nombreux arguments ; je n’y reviens pas.
Les choses sont très simples : on a donné beaucoup de compétences aux collectivités ; dans le même temps, on a privé ces mêmes collectivités de leur autonomie fiscale,…
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On ne l’a enlevée qu’aux régions !
M. François Marc. … - plus que 12 % pour les départements et 8 % pour les régions – soit une conséquence assez dramatique de la réforme de la taxe professionnelle.
Il faut donc des ressources pour faire face à ces compétences transférées. À cet égard, les collectivités sont confrontées à une situation assez critique, résultant de la suppression, en 2008, du fameux « contrat de croissance et de solidarité », suivie du gel en volume des dotations, lui-même suivi de leur gel en valeur.
Aujourd'hui, le gel en valeur correspond, pour les collectivités, à un milliard d’euros de recettes en moins par an, dans un contexte où leurs compétences augmentent.
Dans ces conditions, la ponction de 200 millions d’euros supplémentaires est vraiment ressentie, par les collectivités, comme un coup de poignard ; on peut le comprendre.
Or, plus inquiétant encore, ce coup de poignard ne sera pas sans effet sur la péréquation. On nous assure que l’on va recourir à la péréquation ; certains de nos collègues l’ont affirmé tout à l'heure encore. Effectivement, il y aura de la péréquation horizontale : on va prendre aux uns pour donner aux autres ! Mais, sur ces 200 millions d’euros, 85 millions d’euros impacteront les péréquations verticales : il y aura donc moins d’argent pour les collectivités les plus modestes.
On a de surcroît le sentiment que les collectivités sont devenues la valeur d’ajustement du budget de l’État, ce qui inquiète les élus.
Ainsi, le 15 novembre dernier, à l'Assemblée nationale, un député de la majorité – et pas n’importe lequel ! – a proposé de maintenir le niveau des prestations familiales en baissant, en contrepartie, de 200 millions d’euros supplémentaires les dotations versées aux collectivités territoriales. Le Premier ministre a répondu qu’il n’était pas insensible à cette proposition ; il aurait même déclaré : « Pourquoi pas ? Allez-y ! »
On comprend donc l’inquiétude de bon nombre d’élus, notamment dans cet hémicycle.
Il est déjà illégitime de prélever 200 millions d’euros supplémentaires sur les collectivités au titre de ce projet de loi de finances, mais si en plus on laisse entendre que, dans les mois qui viennent, les collectivités seront traitées comme valeur d’ajustement négligeable…
Pour toutes ces raisons, le Sénat, chambre des collectivités locales et territoriales, doit voter l’amendement de la commission qui tend à préserver leurs ressources. Aussi, je vous invite tous, mes chers collègues, à le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, pour explication de vote.
M. Jean-Paul Emorine. Mes chers collègues, nous débattons depuis une heure et demie de 200 millions d’euros sur un budget de 200 milliards d’euros et alors que l’État compensera à hauteur de 100 milliards d’euros…
Vous avez parlé des relations entre l’État et les collectivités, mais je veux, pour ma part, vous rendre attentifs aux relations existant au sein des départements, singulièrement aux interventions financières des départements en faveur des communes.
Vous le savez, le département a compétence en matière d’aménagement du territoire et d’aménagement foncier. Or, dans mon département, dont le conseil général est présidé par Arnaud Montebourg (Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.), ces compétences ont été mises de côté. Il en est de même pour ce qui concerne toutes les politiques environnementales, qu’il s’agisse de l’entretien des rivières, de l’assainissement ou encore de la qualité de l’eau. Aujourd'hui, les maires que je rencontre m’interrogent : « Mais où est le département ? »